annales 1995 à 2005
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annales 1995 à 2005
Diplôme d’Accès aux Etudes Universitaires Option A Service de la Formation Continue Juin 2006 1 Ce document est le recueil de l’ensemble des sujets qui ont été donnés lors des sessions d’examen du DAEU A. Il recouvre les 10 dernières années, de 1995 à 2005. EPREUVES OBLIGATOIRES : • Français : P. 2 à 34 • Anglais : P. 35 à 39 • Espagnol : P. 40 à 43 EPREUVES OPTIONNELLES : • Histoire : P. 44 à 49 • Géographie : P. 50 à 51 • Mathématiques : P. 52 à 60 • Economie : P. 61 à 62 2 EPREUVES DE FRANÇAIS : - FRANÇAIS LITTERAIRE - ASPECTS SOCIAUX - RESUME DISCUSSION CONDITIONS GENERALES D'EXAMEN EPREUVE DE FRANCAIS : La nature de l'épreuve est officiellement présentée sous la forme de deux exercices entre lesquels le candidat a le choix : "Dissertation ou analyse de texte permettant d'apprécier les connaissances de base sur la littérature... et les qualités de réflexion, de composition et de style du candidat." donc : A - la dissertation porte sur une question, générale ou spécifique, d'ordre littéraire (et/ou artistique le cas échéant). B - l'analyse porte sur un texte littéraire dont il convient de mener à bien : • Soit l'explication linéaire (en dégageant sa progression logique, qu'elle soit discursive et/ou argumentative, narrative et/ou descriptive, lyrique et/ou dramatique, etc..., d'une part ; D'autre part, en effectuant une lecture suivie des détails, thématiques et/ou formels, de son écriture ; • Soit le commentaire composé (à organiser selon des aspects, des perspectives, des intérêts ou attraits que le lecteur choisit de privilégier). La durée de l'épreuve est de 4 heures ; le seul document autorisé est un Dictionnaire de Langue Française. ASPECTS SOCIAUX DE LA CIVILISATION CONTEMPORAINE : A - Dissertation • Ce qui est demandé a) sur la forme b) sur le fond Un plan, dans lequel on peut suivre la progression logique de la pensée. Démonstration objective des pensées. Référence aux différentes théories qui les sous-tendent. Appui sur des exemples scientifiques qui les démontrent. B - Analyse de texte • Ce qui est demandé a) sur la forme b) sur le fond Un plan, dans lequel on peut suivre la progression logique de la pensée. Reprise de l'idée essentielle du texte, et développement de celle-ci. Mise en avant des différentes théories qui sous-tendent cette idée. Appui sur les exemples scientifiques qui démontrent cette idée. 3 SESSION 1995 A - EPREUVE DE FRANCAIS LITTERAIRE 1) Dissertation "Je définirais le livre une oeuvre de sorcellerie d'où s'échappent toutes sortes d'images qui troublent les esprits et changent les coeurs. Je dirai mieux encore : le livre est un petit appareil magique qui permet de voyager dans les images du passé ou parmi des ombres surnaturelles. Ceux qui lisent beaucoup de livres sont comme des mangeurs de hachisch. Ils vivent dans un rêve. Le poison subtil qui pénètre leur cerveau les rend insensibles au monde réel et les jette en proie à des fantômes terribles ou charmants. Le livre est l'opium de l'Occident." Tel est le point de vue d'Anatole France dans la préface de La Vie littéraire. Pourtant, de nombreux écrivains ont affirmé que le livre est un moyen pour le lecteur de connaître mieux la réalité quand il ne peut la découvrir par lui-même. En vous appuyant sur des exemples précis empruntés à vos lectures, essayer de comparer ces deux conceptions opposées de l'oeuvre littéraire et dites quelle est celle qui correspond le mieux à votre goût personnel. 2) Analyse d'un texte littéraire LE MAL Tandis que les crachats rouges de la mitraille Sifflent tout le jour par l'infini du ciel bleu ; Qu'écarlates ou verts, près du Roi qui les raille, Croulent les bataillons en masse dans le feu ; Tandis qu'une folie épouvantable, broie Et fait de cent milliers d'hommes un tas fumant ; - Pauvres morts ! dans l'été, dans l'herbe, dans ta joie, Nature ! ô toi qui fis ces hommes saintement ! ... - Il est un Dieu, qui rit aux nappes damassées Des autels, à l'encens, aux grands calices d'or ; Qui dans le bercement des hosannah s'endort, Et se réveille, quand des mères, ramassées Dans l'angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir, Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir ! Arthur Rimbaud Cahier de Douai (1871) Vous rendrez compte de ce texte littéraire sous la forme d'une explication linéaire ou d'un commentaire composé mettant méthodiquement en valeur les aspects de son expression et le(s) sens que vous lui attribuerez. B - EPREUVE RELATIVE AUX ASPECTS SOCIAUX DE LA CIVILISATION CONTEMPORAINE 1) Dissertation Sujet n°1 : L'éducation, familiale et scolaire, sert à transmettre des normes et des rôles sociaux et à perpétuer la société. Hanna Sujet n°2 : Tout est contenu dans le patrimoine héréditaire à commencer par l'intelligence. Galton 2) Résumé - Discussion Sujet n°3 : Résumez ce texte en 220 mots +/- 10 % Discussion "Où finit la nature ? où commence la culture ?" Quelle réflexion vous inspire cette double question ? Vous rédigerez sous une forme composée et argumenté une discussion à partir de ce thème en vous appuyant sur vos expériences, vos connaissances, soit dans un domaine particulier, soit dans plusieurs. 4 NATURE ET CULTURE De tous les principes avancés par les précurseurs de la sociologie, aucun n'a, sans doute, été répudié avec tant d'assurance que celui qui a trait à la distinction entre état de nature et état de société. On ne peut, en effet, se référer sans contradiction à une phase de l'évolution de l'humanité au cours de laquelle celle-ci, en l'absence de toute organisation sociale, n'en aurait pas moins développé des formes d'activité qui sont partie intégrante de la culture. Mais la distinction proposée peut comporter des interprétations plus valables. (...) S'il est relativement aisé d'établir la distinction de principe, la difficulté commence quand on veut opérer l'analyse. Cette difficulté est, elle-même, double : d'une part, on peut essayer de définir, pour chaque attitude, une cause d'ordre biologique ou social ; d'autre part, chercher par quel mécanismes des attitudes d'origine culturelle peuvent se greffer sur des comportements qui sont eux-mêmes de nature biologique, et réussir à se les intégrer. Nier ou sous-évaluer l'opposition, c'est s'interdire toute intelligence des phénomènes sociaux ; et, en lui donnant sa pleine portée méthodologique, on risque d'ériger en insoluble mystère le problème du passage entre les deux ordres. Où finit la nature ? Où commence la culture ? On peut concevoir plusieurs moyens de répondre à cette double question. Mais tous se sont montrés, jusqu'à présent, singulièrement décevants. La méthode la plus simple consisterait à isoler un enfant nouveau-né, et à observer ses réactions à différentes excitations pendant les premières heures, ou les premiers jours, qui suivent sa naissance. On pourrait alors supposer que les réponses fournies dans de telles conditions sont d'origine psycho-biologique, et ne relèvent pas de synthèses culturelles ultérieures. La psychologie contemporaine a obtenu, par cette méthode, des résultats dont l'intérêt ne peut faire oublier leur caractère fragmentaire et limité. Tout d'abord, les seules observations valables doivent être précoces : car des conditionnements sont susceptibles d'apparaître au terme de peu de semaines, peut-être même de jours ; ainsi, seuls des types de réactions très élémentaires, tels que certaines expressions émotives, peuvent-ils être en pratique étudiés. D'autre part, les épreuves négatives présentent toujours un caractère équivoque. Car la question reste toujours ouverte de savoir si la réaction en cause est absente à cause de son origine culturelle, ou parce que les mécanismes physiologiques qui conditionnent son apparition ne sont pas encore montés, en raison de la précocité de l'observation. Du fait qu'un très jeune enfant ne marche pas, on ne saurait conclure à la nécessité de l'apprentissage, puisque l'on sait, au contraire, que l'enfant marche spontanément, dès qu'il en est organiquement capable. Une situation analogue peut se présenter dans les autres domaines. Le seul moyen d'éliminer ces incertitudes serait de prolonger l'observation au-delà de quelques mois, ou même de quelques années ; mais on se trouve alors aux prises avec des difficultés insolubles : car le milieu satisfaisant aux conditions rigoureuses d'isolation exigée par l'expérience n'est pas moins artificiel que le milieu culturel auquel on prétend le substituer. Par exemple, les soins de la mère pendant les premières années de sa vie humaine constituent une condition naturelle du développement de l'individu. L'expérimentateur se trouve donc enfermé dans un cercle vicieux. On ne peut donc espérer trouver chez l'homme l'illustration de types de comportement de caractère pré-culturel. Est-il possible, alors, de tenter une démarche inverse, et d'essayer d'atteindre, aux niveaux supérieurs de la vie animale, des attitudes et des manifestations où l'on puisse reconnaître l'ébauche, les signes avant-coureurs, de la culture ? C'est, en apparence, l'opposition entre le comportement humain et le comportement animal qui fournit la plus frappante illustration de l'antinomie de la culture et de la nature. Le passage - s'il existe - ne saurait donc être cherché à l'étage des prétendues sociétés animales telles qu'on les rencontre chez certains insectes ; car nulle part mieux que dans de tels exemples ne trouve-t-on réunis les attributs, impossibles à méconnaître, de la nature : l'instinct, l'équipement anatomique qui seul peut en permettre l'exercice, et la transmission héréditaire des conduites essentielles à la survivance de l'individu et de l'espèce. Aucune place, dans ces structures collectives, même pour une esquisse de ce qu'on pourrait appeler le modèle culturel universel : langage, outils, institutions sociales, et système de valeurs esthétiques, morales ou religieuses. C'est à l'autre extrémité de l'échelle animale qu'il faut s'adresser si l'on espère découvrir une amorce de ces comportements humains : auprès des mammifères supérieurs, et plus spécialement des singes anthropoïdes. Or, les recherches poursuivies depuis une trentaine d'années sur les grands singes sont particulièrement décourageantes à cet égard : non que les composantes fondamentales du modèle culturel universel soient rigoureusement absentes : il est possible, au prix de soins infinis, d'amener certains sujets à articuler quelques monosyllabes ou dissyllabes, auxquelles ils n'attachent d'ailleurs jamais de sens ; dans certaines limites, le chimpanzé peut utiliser des outils élémentaires et, éventuellement en improviser ; des relations temporaires de solidarité ou de subordination peuvent apparaître et se défaire au sein d'un groupe donné ; enfin, on peut se plaire à reconnaître, dans certaines attitudes singulières, l'esquisse de formes désintéressées d'activité ou de contemplation. Fait remarquable : ce sont surtout les sentiments que nous associons volontiers à la partie la plus noble de notre nature, dont l'expression semble pouvoir être identifiée le plus aisément chez les anthropoïdes : ainsi la terreur religieuse et l'ambiguïté du sacré. Mais si tous ces phénomènes plaident par leur présence, ils sont plus éloquents encore - et dans un tout autre sens - par leur pauvreté. On est moins frappé par leur ébauche élémentaire que par le fait - confirmé par tous les spécialistes - de l'impossibilité, semble-t-il, radicale, de pousser ces ébauches au delà de leur expression la plus primitive. Ainsi, le fossé que l'on pouvait espérer combler par mille observations ingénieuses n'estil en réalité que déplacé, pour apparaître plus infranchissable encore : quand on a démontré qu'aucun obstacle anatomique n'interdit au singe d'articuler les sons du langage, et même des ensembles syllabiques, on ne peut qu'être frappé d'avantage par l'absence irrémédiable du langage, et une totale incapacité d'attribuer aux sons émis ou entendus le caractère du signe. La même constatation s'impose dans les autres domaines. Elle explique la conclusion pessimiste d'un observateur attentif qui se résigne, après des années d'études et d'expérimentation, à voir dans le chimpanzé "un être endurci dans le cercle étroit de ses imperfections innées, un être "régressif" si on le compare à l'homme, un être qui ne veut ni ne peut s'engager dans la voie du progrès". Mais, plus encore que par les échecs devant des épreuves précises, on est convaincu par une constatation d'un ordre plus général, et qui fait pénétrer plus profondément au sein du problème. C'est qu'il est impossible de tirer de l'expérience des conclusions générales. La vie sociale des singes ne se prête à la formulation d'aucune norme. En présence du mâle ou de la femelle, de l'animal vivant ou mort, du sujet jeune ou âgé, du parent ou de l'étranger, le singe se comporte avec une surprenante versatilité. Non seulement le comportement du même sujet n'est pas constant, mais aucune régularité ne peut être dégagée du comportement collectif. Aussi bien dans le domaine de la vie sexuelle qu'en ce qui concerne les autres 5 formes d'activité, le stimulant externe ou interne, et des ajustements approximatifs sous l'influence des échecs et des succès, semblent fournir tous les éléments nécessaires à la solution des problèmes d'interprétation. Ces incertitudes apparaissent dans l'étude des relations hiérarchiques au sein d'un même groupe de vertébrés, qui permet pourtant d'établir un ordre de subordination des animaux les uns par rapport aux autres. Cet ordre est remarquablement stable, puisque le même animal conserve la position dominante pendant des périodes de l'ordre d'une année. Et pourtant, la systématisation est rendue impossible par des irrégularités fréquentes. Une poule, subordonnée à deux congénères occupant une place médiocre dans le tableau hiérarchique, attaque cependant l'animal qui possède le rang le plus élevé ; on observe des relations triangulaires où A domine B, B domine C, et C domine A, tandis que tous les trois dominent le reste du groupe. (...) Cette absence de règles semble apporter le critère le plus sur qui permettent de distinguer un processus naturel d'un processus culturel. Rien de plus suggestif, à cet égard, que l'opposition entre l'attitude de l'enfant, même très jeune, pour qui tous les problèmes sont réglés par de nettes distinctions, plus nettes et plus impératives, parfois, que chez l'adulte, et les relations entre les membres d'un groupe simien, tout entières abandonnées au hasard et à la rencontre, où le comportement d'un sujet n'apprend rien sur celui de son congénère, où la conduite du même individu aujourd'hui ne garantit en rien sa conduite du lendemain. C'est, en effet, qu'il y a un cercle vicieux à chercher dans la nature l'origine de règles institutionnelles qui supposent - bien plus, qui sont déjà - la culture, et dont l'instauration au sein d'un groupe peut difficilement se concevoir sans l'intervention du langage. La constance et la régularité existent, à vrai dire, aussi bien dans la nature que dans la culture. Mais, au sein de la première, elles apparaissent précisément dans le domaine où, dans la seconde, elles se manifestent le plus faiblement, et inversement. Dans un cas, c'est le domaine de l'hérédité biologique, dans l'autre celui de la tradition externe. On ne saurait demander à une illusoire continuité entre les deux ordres de rendre compte des points par lesquels ils s'opposent. Aucune analyse réelle ne permet donc de saisir le point du passage entre les faits de nature et les faits de culture, et le mécanisme de leur articulation. Mais la discussion précédente ne nous a pas seulement apporté ce résultat négatif ; elle nous a fourni, avec la présence ou l'absence de la règle dans les comportements soustraits aux déterminations instinctives, le critère, le plus valable des attitudes sociales. Pourtant où la règle se manifeste, nous savons avec certitude être à l'étage de la culture. Symétriquement, il est aisé de reconnaître dans l'universel le critère de la nature. Car ce qui est constant chez tous les hommes échappe nécessairement au domaine des coutumes, des techniques et des institutions par lesquelles leurs groupes se différencient et s'opposent. A défaut d'analyse réelle, le double critère de la norme et de l'universalité apporte le principe d'une analyse idéale, qui peut permettre - au moins dans certains cas et dans certaines limites - d'isoler les éléments naturels des éléments culturels qui interviennent dans les synthèses de l'ordre plus complexe. Posons donc que tout ce qui est universel, chez l'homme, relève de l'ordre de la nature et ce caractérise par la spontanéité, que tout ce qui est astreint à une norme appartient à la culture et présente les attributs du relatif et du particulier. Claude LEVI-STRAUSS 6 SESSION 1996 A - EPREUVE DE FRANCAIS LITTERAIRE 1) Dissertation "La vraie vie est absente", constatait, il y a un siècle, le jeune poète Rimbaud, devant la banalité de la vie quotidienne. Pensez vous que la littérature et le cinéma puissent révéler "la vraie vie" ? Justifiez votre réponse en évoquant des oeuvres qui ont retenu votre attention. 2) Analyse de texte Gervaise et Coupeau, les parents de Nana, sont alcooliques. Nana connaît la misère et la promiscuité de l'habitation dans le quartier de la Goutte d'Or à Paris, mais elle aime la rue. La jeune fille quittera précocement ses parents pour se prostituer, puis pour se faire entretenir. Nana grandissait, devenait garce 1. A quinze ans, elle avait poussé comme un veau, très blanche de chair, très grasse, si dodue même qu'on aurait dit une pelote. Oui, c'était ça, quinze ans, toutes ses dents et pas de corset 2. Une vraie frimousse de Margot, trempée dans du lait, une peau veloutée de pêche, un nez drôle, un bec rose, des quinquets luisants auxquels les hommes avaient envie d'allumer leur pipe. Son tas de cheveux blonds, couleur d'avoine fraîche, semblait lui avoir jeté de la poudre d'or sur les tempes, des taches de rousseur, qui lui mettaient là une couronne de soleil. Ah ! une jolie pépée, comme disaient les Lorilleux 3, une morveuse qu'on aurait encore dû moucher et dont les grosses épaules avaient les rondeurs pleines, l'odeur mûre d'une femme faite. Maintenant, Nana ne fourrait plus les boules de papier dans son corsage. Des nichons lui étaient venus, une paire de nichons de satin blanc tout neufs. Et ça ne l'embarrassait guère, elle aurait voulu en avoir plein les bras, elle rêvait des tétais de nounou 4, tant la jeunesse est gourmande et inconsidérée. Ce qui la rendait surtout friande, c'était une vilaine habitude qu'elle avait prise de sortir un petit bout de sa langue entre ses quenottes blanches. Sans doute, en se regardant dans les glaces, elle s'était trouvée gentille ainsi. Alors, tout le long de la journée, pour faire la belle, elle tirait la langue. "Cache donc ta menteuse 5 !" lui criait sa mère. Et il fallait souvent que Coupeau s'en mêlât, tapant du poing, gueulant avec des jurons : "Veux-tu bien rentrer ton chiffon rouge 5 !" E. Zola. L'Assommoir 1 - Garce : ancien féminin de garçon. Nana avait des formes de plus en plus féminines. 2 - Au 19è siècle, le corset baleiné et lacé s'intégrait à la lingerie féminine pour serrer la taille et le ventre. 3 - Les Lorilleux sont les oncle et tante de Nana. 4 - Des tétais de nounou : des seins de nourrice; 5 - "Ta menteuse", "Ton chiffon rouge", sont des allégories qui désignent la langue de Nana. Vous rendrez compte de ce texte littéraire sous forme d'une explication linéaire ou d'un commentaire composé mettant méthodiquement en valeur les aspects de son expression et le(s) sens que vous lui attribuerez. B - EPREUVE RELATIVE AUX ASPECTS SOCIAUX DE LA CIVILISATION CONTEMPORAINE 1) Dissertation Sujet n°1 : Afin de socialiser l'enfant les agents de la socialisation (famille-école) proposent des modèles et des règles à respecter. Vandenplas-Holper Sujet n°2 : L'intelligence est une fatalité héréditaire. Galton 2) Résumé - Discussion 1) Résumez ce texte en 200 mots + 10% 2) " L'égalité des sexes est devenue une valeur centrale qui induit de nombreux changements." Dans un développement composé et argumenté, vous commenterez et discuterez cette affirmation. 7 Pouvoir dans la famille, pouvoir sur la famille Il n'y a plus, dans la famille un pouvoir unilatéral. L'organisation est négociable en privé. Mais le principe du lien familial reste néanmoins un idéal de l'action sociale. La famille change. Les sociologues ont d'ailleurs pris l'habitude de ne plus parler que de "familles" au pluriel ou même de famille "incertaine" pour indiquer que la famille modifie sa configuration au cours de son histoire. De biparentale, elle devient de plus en plus souvent monoparentale ou "recomposée". De telles structures familiales ne sont certainement pas nouvelles : le décès de l'un des conjoints et le remariage ont toujours existé. Mais ces changements sont aujourd'hui le résultat de la volonté des conjoints eux-mêmes et témoignent d'une nouvelle conception de l'être en famille. L'organisation de la famille change aussi. La répartition habituelle qui assigne des positions -père, mère, enfants- et prévoit une spécialisation des rôles conjugaux et parentaux, fait place à un fonctionnement domestique défini par les intéressés euxmêmes. Aujourd'hui, il n'existe plus une seule "bonne manière" d'être en famille. Les solutions adoptées dans la pratique varient considérablement d'un cas à l'autre. Cette diversification des formes familiales s'accompagne de tensions de toutes sortes, qui ne sont pas sans susciter certaines réactions de la part des instances publiques. En témoigne l'émergence de nouvelles formes de régulations qui visent à soutenir et encadrer les liens familiaux sans remettre en cause l'autonomie de la sphère privée. La remise en cause des positions établies, et en particulier celle de l'homme, n'a pas manqué de changer la donne du pouvoir dans la famille. Les incertitudes de l'exercice du pouvoir dans la famille Il n'est plus l'apanage du seul pater familias. Juridiquement, mais aussi moralement, le mari cesse d'être le chef de l'union conjugale. L'égalité des sexes est devenue une valeur centrale, qui induit de nombreux changements. La liberté des femmes s'est accrue, la division du travail évolue et la spécialisation des rôles s'atténue. Il y a davantage interchangeabilité entre hommes et femmes. L'esprit d'égalité imprègne également les rapports entre générations. Les enfants deviennent acteurs, ils ont des droits et peuvent demander des comptes quant aux décisions qui les concernent. La place de l'enfant est reconnue dans la famille : même s'il n'est pas le roi, bébé est là... En principe tous les membres de la famille peuvent avoir une part dans les processus décisionnels. Le jeu familial est aujourd'hui plus "ouvert" qu'autre fois. Cette nouvelle distribution du pouvoir dans la famille ne signifie cependant pas que les arrangements sont obtenus au terme d'une négociation démocratique. Les échanges familiaux ne sont pas toujours, loin de là, régulés par la parole et la négociation. Ils sont le résultat d'un rapport de pouvoir, qui dépend des ressources que chacun des membres de la famille met en oeuvre pour imposer sa volonté. Les territoires étaient naguère assignés à l'un ou à l'autre membre de la famille en fonction de son sexe : à l'homme, le pouvoir économique ; à la femme le pouvoir sur les enfants. Aujourd'hui, ces ressources sont devenues fluides et transférables. Il importe non seulement de les détenir, mais aussi de savoir en faire usage dans les jeux du couple et de la famille. Les enfants, par exemple, apparaissent comme un bien pour le couple, que les parents peuvent mettre en oeuvre comme "levier" dans leurs relations. Il suffit de se rappeler combien les enfants sont utilisés lors des séparations et des divorces. le père, par exemple, fera valoir ses droits sur les enfants même si pendant l'union il ne s'en est guère occupé. Il emploiera cette "ressource" contre sa femme et la fera passer pour une mère abusive de manière à l'empêcher de limiter ses contacts avec les enfants. De même, l'accès des femmes aux ressources économiques leur donne plus de liberté et de pouvoir de négociation. Mais cette ressource profite également aux hommes ; ils s'en servent dans les situations de rupture pour limiter la charge économique envers leur ancienne famille. Dans la société moderne, l'exercice du pouvoir au sein de la famille dépend donc beaucoup moins d'un modèle social préétabli que de la capacité des acteurs à manipuler les ressources disponibles. A cet égard, les analyses du sociologue Jean Kellerhals sur les interactions familiales ont permis de mieux comprendre selon quelles justifications les ressources disponibles sont mises en jeu. "Construire le référentiel symbolique, c'est construire l'essentiel du pouvoir et des règles de négociation dans la famille." La valeur du temps, notamment, constitue l'un des paramètres qui module les termes de l'échange et donc influe sur les formes du pouvoir. Lorsque les partenaires assignent à la relation une durée indéterminée, et lorsque prédominent les principes de gratuité et de réciprocité infinie et constamment différée, les jeux du pouvoir sont rendus flous par la priorité donnée au "nous" fusionnel. A l’inverse, dès lors que la relation est vue comme limitée dans le temps (et à plus forte raison lorsque sont définis et délimités les secteurs de vie sur lesquels les membres du couple échangent), on a affaire à l'affirmation des "je" face au "nous" conjugal et à des négociations plus explicites (modèle associatif). Les jeux de pouvoir sont alors plus visibles. Au sein du groupe familial, les aspirations et les besoins des uns et des autres peuvent diverger. Des tensions très fortes émergent dès lors que les attentes des individus s'avèrent difficilement compatibles. Des oppositions peuvent se faire jour dans l'idée que l'on se fait de la mise en oeuvre des projets familiaux. "Je" et "Nous" ne sont pas toujours sur la même longueur d'onde. Il n'est dès lors pas surprenant qu'un tiers des unions aujourd'hui s'achève par une séparation. On comprend aussi que les ruptures d'union prennent des valeurs différentes suivant le mode de fonctionnement du couple. Dans un mode familial fusionnel, la rupture peut avoir le sens de défection, dans le sens où elle manifeste l'impossibilité, pour l'un des partenaires, de maintenir les engagements pris. Dans un modèle familial associatif, elle peut s'inscrire dans le prolongement de la négociation permanente engagée par le couple et faire alors partie intégrante de l'échange. Les tensions, l'incertitude et les ruptures fréquentes qui affectent l'existence des couples aujourd'hui ne laissent pas la société indifférente. Certains arrangements familiaux sont jugés dysfonctionnels ou incompatibles avec les conceptions que l'on se fait aujourd'hui de la protection des intérêts des membres de la famille, qu'il s'agisse en particulier des enfants ou des femmes. Pour faire face à ces situations, de nouvelles formes d'interventions sociales ont été imaginées et mises en place ces dernières décennies. En matière de divorce, par exemple, certaines initiatives ont été prises. Des études ont mis en avant les difficultés psychologiques et scolaires rencontrées par des enfants de parents séparés. On a imputé ces problèmes à la rupture des relations entre l'enfant et le parent absent, d’où des projets d'action visant à remédier à cette carence. D'une manière 8 générale, la vocation de ces nouveaux dispositifs mis en place est donc d'aider à la prévention ou maintien des liens familiaux. Les solutions peuvent prendre la forme préventive d'un soutien aux liens menacés, ou celle curative de leur reconstruction lorsque ces liens sont rompus. Nouvelles formes de pouvoir sur la famille Pratiquement, ces dispositifs consistent en moyens de communication ad-hoc : des lignes téléphoniques, des espaces de rencontre et de parole pour les enfants et les parents, des services de médiation, etc. Degré zéro de cette reconstruction des liens : les téléphones du types SOS- enfants, permettant à la personne victime d'ostracisme ou de mauvais traitements d'évoquer ses problèmes, de sortir de l'anonymat de la sphère familiale et de nouer un lien avec une tierce personne. Viennent ensuite les "espaces" ou encore les "lieux d'accueil", dont l'objectif est de poser un cadre capable de relancer, voire de contenir les relations familiales (dans l'hypothèse où celles-ci sont tendues ou conflictuelles). Ce sont, par exemple, les lieux d'accueil pour l'exercice du droit de visite dans les situations de divorce ou encore les "relais enfants-parents" qui permettent à des parents incarcérés de garder le contact avec leurs enfants. Enfin, les dispositifs de médiation ont aussi pour finalité de recréer un lien familial distendu ou rompu. Dans la perspective de la médiation, il s'agit de renouer des liens entre les ex-conjoints qu'un différend oppose, alors que ces personnes devront sans doute rester en communication dans le long terme. La spécificité de toutes ces initiatives est de ne vouloir rendre aucun service particulier. Les intervenants refusent de proposer des solutions "toutes faites" aux problèmes qu'ils traitent. Ils veulent respecter la volonté et l'autonomie des personnes et faire simplement appel à leur sens des responsabilités. Ils ne fixent donc pas d'objectifs ni de résultats à atteindre. Il s'agit d'une prise en charge qui refuse d'en être une, d'une intervention qui n'apporte pas de solution aux problèmes quelle aborde. La pratique de la médiation en est une illustration parlante : le médiateur n'a ni projet, ni attente spécifique vis-à-vis des parents, il se refuse de proposer toute solution aux différends qu'on lui soumet. Il n'a pas de modèle de famille à suggérer, pas d'idées sur la manière dont les enfants doivent être élevés. Quel que soit le dispositif technique adopté, les intervenants sociaux conservent cependant des attentes très fortes à l'égard des liens familiaux. En rupture avec le principe d'autonomie des parents, et en dépit de la diversité des situations rencontrées, le maintien de liens enfants-parents est à leurs yeux un impératif catégorique, quelle que soit la situation des parents, leur désir ou celui de l'enfant. Ainsi, paradoxalement, dans le cadre où l'on n'impose rien et où l'on s'interdit de fournir des modèles familiaux, on attend des usagers qu'ils découvrent eux-mêmes ce que l'on attend d'eux. Dans le cas de la médiation, par exemple, tout le travail du médiateur consiste à faire valoir l'intérêt qu'il y a à discuter les questions relatives à la vie séparée des parents. Par le seul fait d'accepter ce cadre, les parents se trouvent pousser à négocier, à faire des concessions et en définitive à partager la prise en charge des enfants. En apparence, le médiateur n'a fait que donner l'opportunité d'un échange sans suggérer aucune solution que ce soit. En pratique, c'est toute une conception du fonctionnement familial qui se trouve ainsi promue : celle d'un contrat négocié, dans lequel on partage les charges et les responsabilités envers les enfants. Rien n'est imposé, tout est induit par le cadre offert. Les dispositifs d'intervention contournent ainsi le problème que constitue la privatisation de la famille dans une société où la continuité du lien familial représente encore un idéal juridique et culturel. Ils accomplissent le tour de force consistant à maintenir le lien sans jamais le présenter comme un objectif et sans se substituer aux intéressés. Dans ces dernières décennies, on a vu la famille se "privatiser" et adopter des configurations variées. Parallèlement, le modèle interne d'autorité statutaire a été remplacé par de multiples formes de négociation. En conséquence, la position de pouvoir n'y est pas unique et son exercice n'est plus unidirectionnel. Cependant la privatisation des liens familiaux ne signifie pas que les familles échappent à toute régulation sociale. Des pressions fortes s'exercent sur elles pour que soit maintenu le lien enfants-parents indépendamment de la configuration familiale : vivre ensemble n'est certes plus une condition unique pour être parent. Les seuls impératifs en vigueur sont la responsabilité envers ses enfants et le partage du pouvoir. Benoît BASTARD et Laura CARDIA-VONECHE (Sciences Humaines n°11 Décembre 95/Janvier 96) 9 SESSION 1997 A - EPREUVE DE FRANCAIS LITTERAIRE 1) Dissertation « Il n’est jamais de si bouleversants héros que ceux qui vont jusqu’à l’extrémité de leur passion. » A l’aide d’exemples précis, tirés de vos lectures d’œuvres littéraires, vous expliquerez, et discuterez, s’il y a lieu, cette affirmation. 2) Analyse de texte Vous commenterez le passage suivant, extrait de Lorenzaccio de Musset, acte IV, scène 2 : 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 Lorenzo, seul De quel tigre a rêvé ma mère enceinte de moi ? Quand je pense que j’ai aimé les fleurs, les prairies et les sonnets de Pétrarque (1), le spectre de ma jeunesse se lève devant moi en frissonnant. O Dieu ! Pourquoi ce seul mot : « A ce soir,» fait-il pénétrer jusque dans mes os cette joie brûlante comme un fer rouge ? De quelles entrailles fauves, de quels velus embrassements suis-je donc sorti ? Que m’avait fait cet homme ? Quand je pose la main là, sur mon cœur, et que je réfléchis, - qui donc m’entendra dire demain : « je l’ai tué» sans me répondre : «Pourquoi l’as-tu tué ? » Cela est étrange. IL a fait du mal aux autres, mais il m’a fait du bien, du moins à sa manière. Si j’étais resté tranquille au fond de mes solitudes de Cafaggiuolo (2), il ne serait pas venu m’y chercher, et moi je suis venu le chercher à Florence. Pourquoi cela ? Le spectre de mon père me conduisait-il, comme Oreste (3), vers un nouvel Egiste (4) ? M’avait-il offensé alors ? Cela est étrange, et cependant pour cette action j’ai tout quitté. La seule pensée de ce meurtre a fait tomber en poussière les rêves de ma vie ; je n’ai plus été qu’une ruine, dès que ce meurtre, comme un corbeau sinistre, s’est posé sur ma route et m’a appelé à lui. Que veut dire cela ? Tout à l’heure, en passant sur la place, j’ai entendu deux hommes parler d’une comète. Sont ce bien les battements d’un cœur humain que je sens là, sous les os de ma poitrine ? Ah ! Pourquoi cette idée me vient-elle si souvent depuis quelque temps - Suis-je le bras de Dieu ? Y a-t-il une nuée au-dessus de ma tête ? Quand j’entendrai dans cette chambre, et que je voudrai tirer mon épée du fourreau, j’ai peur de tirer l’épée flamboyante de l’archange, et de tomber en cendres sur ma proie. (Il sort.) 12- Pétrarque : poète italien (1304-1374), à qui son amour idéal pour Laure de Noves inspira le célèbre Canzonière. Caffagiuolo : Varchi, le chroniqueur italien dont s’inspire Musset dans Lorenzaccio parle de cette villa de Caffagiuolo, appartenant à Lorenzo. Oreste : fils d’Agamemnon et de Clytemnestre, il vengea le meurtre de son père en assassinant sa mère. Il fut ensuite poursuivi par les Erinyes, déesses de la vengeance. Egiste : il séduisit Clytemnestre, épouse d’Agamemnon ; il fut tué à son tour par Oreste. 34- B - EPREUVE RELATIVE AUX ASPECTS SOCIAUX DE LA CIVILISATION CONTEMPORAINE 1) Dissertation Sujet n°1 : Les théoriciens de l’apprentissage social prétendent que l’enfant apprend son rôle sexuel par les différents agents de la socialisation. Vandenplas-Holper Sujet n°2 : Pour affirmer l’hérédité de l’intelligence, certains invoquent la génétique. Albert Jacquard 2) Résumé - Discussion 1) Proposez un résumé de ce texte en 200 mots + 10 % Il est rappelé que les mots doivent être décomptés dans la marge, et que vous devez faire figurer impérativement le nombre exact et précis de mots employés à la fin du résumé. 2) Discussion : « Le tag est en quelque sorte l’équivalent du chapardage de pommes et de cerises auquel se sont livrés les adolescents des villes françaises. Cette déviance momentanée est un moyen de tester les règles de socialisation du monde adulte. » 10 Pouvez-vous, à partir de rites semblables d’initiation de la jeunesse qui ont pu marquer d’autres périodes de l’histoire, des diverses manifestations de la contestation de l’institution familiale, scolaire, artistique, ... , montrer, comme le dit l’auteur, comment ces diverses transgressions de la règle sont nécessaires à l’intériorisation de cette règle même, dans le passage à l’âge adulte. Taguer... et grandir Pas de pommes ni de cerises à chaparder dans l’univers urbain. Pour les ados, la révolte passe par le tag, puis s’assagit dans le graff. Jacky Lafortune, professeur d’arts plastiques, analyse ce rite d’initiation à la vie et à la ville. Inventé par les adolescents de la communauté grecque américaine, il y a un quart de siècle, le tag s’est très vite répandu dans les ghettos. Ces signatures sont apparues sur les murs des villes françaises avec un décalage de près de quinze ans, importées par les adolescents parisiens de milieux aisés faisant le va-et-vient entre New York et Paris. Elles se répandent alors rapidement au Quartier latin, aux Halles et dans le Marais, à partir de 1982. Localisées exclusivement dans la capitale pendant cinq ans, elles gagnent la banlieue dans le courant de l’année 1987 et le mouvement atteint son point culminant en 1990. Le grand public croit tout d’abord avoir affaire à des écritures arabes et les attribue donc à de jeunes français d’origine maghrébine. L’origine de ces calligraphies dément pourtant cette interprétation si répandue, qui voudrait que le tag soit une des conséquences de l’immigration. Le tag n’appartient pas plus à la banlieue qu’à la capitale ; il ne dépend pas d’un label ethnique, ni d’une religion, ni d’une classe sociale particulière ; il est avant tout la manifestation d’adolescents dans le monde urbain. Parmi les tagueurs arrêtés à Paris «en flagrant délit » figuraient un fils de ministre, un fils de consul, un fils de banquier. On devient tagueur à la fin de l’enfance, entre 11 et 15 ans. A partir de 15-16 ans, le tagueur n’abandonne pas la partie mais commence à expérimenter un autre type de lettrage qui est, par sa forme, aux antipodes du tag. Ainsi est né le toop ou le top-to-bottom. Ce rituel graphique aboutit enfin au graff, peinture murale fondée sur l’écriture et la représentation de personnages, qui orne aujourd’hui, en particulier, les ponts et murs des voies ferrées. Les graffeurs sont âgés de 17-18 ans. Aux origines de cette trilogie graphique se trouve donc le tagueur. Il exprime par ce moyen son passage dans ce que les adultes désignent par l’expression «âge difficile ». Le tag est en quelque sorte l’équivalent du chapardage de pommes et de cerises auquel se sont toujours livrés les adolescents des campagnes françaises. Cette déviance momentanée est un moyen de tester les règles de socialisation du monde adulte. La première préoccupation du tagueur est de se trouver un pseudonyme. Ce nom provisoire emprunté à des héros de séries télévisées ou de bandes dessinées est, la plupart du temps, à consonance anglo-saxonne. L’abandon du patronyme représente une rupture évidente vis-à-vis de sa famille : « Moi, maintenant, je m’appelle Jim Kid, je n’ai rien à faire du nom que l’on m’a donné, on ne m’a rien demandé, je ne l’ai pas choisi ». L’une des caractéristiques du tag est sa quasi-illisibilité. Révolte contre la famille, révolte contre le système scolaire. S’en prendre directement à l’écriture en s’efforçant de détruire le lettrage, voilà un règlement de comptes clair et net avec l’acquis scolaire dont l’écriture est la base. Cette volonté, de «déchirer les lettres », selon l’expression même des tagueurs, dit bien ce désir d’en finir avec les règles de l’alphabet ; La lettre est mise à l’épreuve sans pitié, les lettrages du pseudonyme sont torsadés autant que faire se peut, certains allongés, d’autres comprimés, imbriqués les uns dans les autres ; Toutes les astuces sont utilisées pour rendre le tag quasi-illisible. Mais bien vite, le tagueur est confronté à sa propre contradiction et doit choisir : accomplir la destruction définitive du lettrage en le réduisant à un gribouillage ou bien accepter le compromis ultime qui consiste à conserver les règles formelles de l’alphabet, quelque rejet qu’il en ait. Ne l’oublions pas l’objectif premier du tagueur est de montrer son tag à autrui, d’en être compris. Pour cela, il doit s’arranger avec la stylistique de son lettrage : un a se doit de rester un a, malgré les variations multiples de ses formes graphiques. Mais les raisons d’être du tag sont multiples et ne s’arrêtent pas à une affaire de stylistique. Le tagueur doit passer à l’acte. Marque de révolte teintée de compromis, cette signature constitue pour les jeunes un moyen de s’affirmer qui n’a pas de précédent. C’est une revendication identitaire qui s’impose dans la ville, à la barbe des adultes qui n’ont jamais l’occasion d’en apercevoir les auteurs. L’intérêt du tag est qu’il soit vu non seulement par le tagueur qui l’exécute, mais surtout par les autres tagueurs, qui doivent décoder le nom du partenaire, du rival. Ainsi se déroule dans la ville la petite guerre codifiée entre les tagueurs. Jeu d’affrontements juvéniles, jeu de pistes à travers la ville, révélant l’itinéraire quotidien du tagueur, et d’abord là où il vit, là où il prend possession d’un territoire qu’il connaît. Celui qui s’impose n’est pas forcément celui qui tague le plus, mais plutôt celui qui parvient à apposer son tag au bon endroit, de la façon la plus spectaculaire, exposé selon la plus parfaite visibilité. Ainsi, placer son tag dans un endroit idéal devient la grande épreuve du tagueur. Sur son parcours familier, le tagueur essaime ses signatures : il taguera sur les portes cochères, sur celle du métro, sur les vitres, au centre des façades, sur les panneaux de signalisations urbaines, etc. Il s’arrangera pour sortir tard le soir, après la fermeture des magasins qu’il a repérés de jour et dont le rideau métallique fera un excellent support. Ces rideaux fermés, aux bandes de tôle superposées horizontalement, constituent la cible privilégiée des tagueurs, le grand cahier d’écolier de la ville. Le tagueur entretient vis-à-vis du cadre mural un très étonnant et très sacro-saint respect. Son rapport à la spatialité est, contrairement à ce que l’on serait porté à croire, très conventionnel. Le tag est, sur le plan spatial, conformiste. Aucun tagueur ne réussit à tirer profit de la planéité murale. Inconsciemment, la quasi-majorité des tagueurs s’enferme dans des cadrages : cadres des fenêtres, des portes, cadres formés par les pierres de taille apparentes, tous ces repères que l’on observe dans les villes. Cette complaisance des tagueurs à l’égard du cadrage est à l’opposé de l’attitude des enfants crayeurs qui s’affranchissent, avec une grande spontanéité, de toute sorte de cadrage. Mais le tagueur va bientôt s’exercer à une nouvelle écriture, le troop il accède ainsi à la seconde phase graphique du rituel dans lequel il est engagé. Autant le tag se présente sous forme d’une écriture désarticulée, fruit d’une gestuelle précipitée, autant le troop est une écriture strictement organisée, avec des règles formelles, et dont la spontanéité est absente. Symbole du retour de l’ordre, les lettrages troop sont rigoureusement planifiés, méticuleusement équilibrés. Ils ressemblent aux titres des journaux. Cet appel aux conventions graphiques révèle l’assurance progressive du tagueur, une maîtrise de l’angoisse adolescente avec tout ce qu’elle contient de charge émotionnelle. Car le tagueur emploie la perspective, si bien que 11 les lettrages du troop ont un volume qui lui confère une solidité plastique. Les lieux du troop diffèrent des lieux habituels du tag : le choix des espaces est généralement moins provocant. Dans sa reconversion progressive à ce type de lettrage, le tagueur, recherche des endroits tranquilles, moins équivoques, moins risqués : ponts et murs bordant les voies ferrées, terrains vagues aux palissades abandonnées, murs de quartiers en rénovation, chantiers ouverts, piliers de ponts. Ces espaces nouvellement découverts et conquis sont pour ces adolescents une manière d’affirmer leur liberté par une pénétration plus profonde du tissu urbain. Le tagueur s’aventure dans des lieux qui ne sont plus du tous les parcours familiers de son enfance. Cette autonomie fraîchement acquise se traduit par un volume spatial que n’est plus celui du tag, aux dimensions modestes. L’échelle peut aisément être multipliée par dix. La surface du troop annonce le graff. Ce dernier est la phase finale de ce rituel de passage des jeunes en milieu urbain. Encore composé de lettrages, il contient désormais des personnages, souvent inspirés des bandes dessinées, et véritable «bestiaire » du monde contemporain. Des visages aux arcades saillantes côtoient des enfants chauves, des pin-up au rimmel dégoulinant, au rouge à lèvres flamboyant : imagerie excessivement provocante, fantasmagorie masculine de la jeunesse. Les figures en avant-plan se détachent sur un fond mural où la ville s’affirme dans l’angoisse de tours assombries sur un horizon crépusculaire. Les supports du graff sont ceux du troop : terrains vagues, murs d’immeubles en démolition, auxquels viennent s’ajouter des supports originaux, caractérisés par leur mobilité : rames de métro et wagons de trains. Très convoitée par les graffeurs, la possession de ces derniers supports - particulièrement interdits par la loi - exige de la part de ces jeunes une stratégie très élaborée. Les graffeurs agissent de nuit, défiant les systèmes de surveillance. A ce jeu des rapports de force s’ajoute l’exploration de cette période particulière qu’est la nuit. Dans la nuit, l’aventure devient une épopée ; les graffeurs aiment évoquer «l’histoire de la course-poursuite, à 3 heures du matin, avec les maîtres-chiens des sociétés de gardiennage ». La nuit-mystère des enfants, temps de rêve, est aussi un privilège des adultes. Le parcours nocturne du «combattant-graffeur » pour accéder à son support prohibé devient ainsi une marge de temps arrachée aux parents. Cette «déviance » qu’est le graffeur ne se résume pas à l’aspect négatif que lui confère la loi : le graffeur sait que son dessin réalisé sur un mur encrassé ou un wagon apporte une esthétique certaine. Cette esthétique n’a d’ailleurs pas besoin de faire l’unanimité des adultes, il suffit que quelqu’un la reconnaisse et l’affaire est jouée. C’est dans ce contexte que les graffeurs réussissent à négocier avec les municipalités pour officialiser leurs œuvres. Des contrats ont été établis, portant sur des murs, des panneaux, des salles publiques, et même avec le ministère de la Culture, ce qui leur permit l’accession aux musées. Des municipalités ont joué le jeu. Tout en décriant le tag, elles ont reconnu le graff. Le graffeur, désormais accepté, n’est plus traité comme un tagueur irresponsable, comme un trouble-fête, mais comme un «égal » avec lequel on dialogue et on passe un contrat. C’est alors la fin de cette sorte d’épreuve initiatique. Car le tag et le graff ne sont pas des œuvres d’art mais des rites nouveaux de l’art de la ville. Le graffeur est maintenant face à son semblable, l’adulte. Et de fait, le graffeur est désormais lui-même un adulte. Jacky LAFORTUNE Professeurs d’arts plastiques à l’Université Paris VIII. TELERAMA - HORS SERIE – janvier 1996 La culture pour s’en sortir 12 SESSION 1998 A- EPREUVE DE FRANCAIS LITTERAIRE 1) Commentaire linéaire du passage suivant la Terre d’Emile Zola 2) Commentaire composé du même passage. 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 Jean était seul. Au loin, de la Borderie dévorée, ne montaient plus que de grandes fumées rousses, tourbillonnantes, qui jetaient des ombres de nuages au travers des labours, sur les semeurs épars. Et, lentement, il ramena les yeux à ses pieds, il regarda les bosses de terre fraîche, sous lesquelles Françoise et le vieux Fouan dormaient. Ses colères du matin, son dégoût des gens et des choses s’en allaient, dans un profond apaisement. Il se sentait, malgré lui, peut être à cause du tiède soleil, envahi de douceur et d’espoir. Eh ! Oui, son maître Hourdequin s’était fait bien du mauvais sang avec les inventions nouvelles, n’avait pas tiré grand chose de bon des machines, des engrais, de toute cette science si mal employée encore. Puis, la Cognette était venue l’achever ; lui aussi dormait au cimetière ; et rien ne restait de la ferme, dont le vent emportait les cendres. Mais, qu’importait ! Les murs pouvaient brûler, on ne brûlerait pas la terre. Toujours le terre, la nourrice, serait là, qui nourrirait ceux qui l’ensemenceraient. Elle avait l’espace et le temps, elle donnait tout de même du blé, en attendant qu’on sût lui en faire donner davantage. C’était comme ces histoires de révolution, ces bouleversements politiques qu’on annonçait. Le sol, disait-on, passerait en d’autres mains, les moissons des pays de là-bas viendraient écraser les nôtres, il n’y aurait plus que des ronces dans nos champs. Et après ? Est-ce qu’on peut faire du tort à la terre ? Elle appartiendra quand même à quelqu’un, qui sera bien forcé de la cultiver pour ne pas crever de faim. Si, pendant des années, les mauvaises herbes y poussaient, ça la reposerait, elle en redeviendrait jeune et féconde. La terre n’entre pas dans nos querelles d’insectes rageurs, elle ne s’occupe pas plus de nous que des fourmis, la grande travailleuse, éternellement à sa besogne. Il y avait aussi la douleur, le sang, les larmes, tout ce qu’on souffre et tout ce qui révolte, Françoise tuée, Fouan tué, les coquins triomphants, la vermine sanguinaire et puante des villages déshonorant et rongeant la terre. Seulement, est-ce qu’on sait ? De même que la gelée qui brûle les moissons, la grêle qui les hache, la foudre qui les verse, sont nécessaires peut-être, il est possible qu’il faille du sang et des larmes pour que le monde marche. Qu’est-ce que notre malheur pèse, dans la grande mécanique des étoiles et du soleil ? Il se moque bien de nous, le bon Dieu ! Nous n’avons notre pain que par un duel terrible et de chaque jour. Et la terre seule demeure, l’immortelle, la mère d’où nous sortons et où nous retournons, elle qu’on aime jusqu’au crime, qui refait continuellement de la vie pour son but ignoré, même avec nos abominations et nos misères. Longtemps, cette rêvasserie confuse, mal formulée, roula dans le crâne de Jean. Mais un clairon sonna au loin, le clairon des pompiers de Bazoches-le-Doyen qui arrivaient au pas de course, trop tard. Et, à cet appel, brusquement, il se redressa. C’était la guerre passant dans la fumée, avec ses chevaux, ses canons, sa clameur de massacre. Il serrait les poings. Une émotion l’étranglait ! Ah ! Bon sang ! Puisqu’il n’avait plus le cœur à la travailler, il la défendrait, la vieille terre de France ! Il partait, lorsque, une dernière fois, il promena ses regards des deux fosses, vierges d’herbe, aux labours sans fins de la Beauce, que les semeurs emplissaient de leur geste continu. Des morts, des semences, et le pain poussait de la terre. Fin du roman 3) Dissertation : Les textes du programme vous paraissent-ils «modernes » ? Après avoir défini le sens du terme «moderne », vous dégagerez les caractéristiques littéraires de ces textes et vous vous demanderez en quoi elles peuvent intéresser un lecteur contemporain. La consultation des œuvres du programme est autorisée. B- EPREUVE RELATIVE AUX ASPECTS SOCIAUX DE LA CIVILISATION CONTEMPORAINE 1) Dissertation A- Un être humain est immédiatement socialisé selon un modèle sexué, tant la féminité que la masculinité et ceci dans n’importe qu’elle société. Devereux B- A parents intelligents enfants intelligents Jensen 13 2) Résumé-Discussion 1 - Résumez ce texte en 200 mots + 10 % 2 - Que pensez-vous de la conclusion proposée par Michel Luci : « .... du fait de l’égalitarisation des statuts des deux sexes, les femmes ont pour la première fois dans l’histoire de l’humanité la possibilité de construire autant que les hommes le monde de demain ». Votre réponse sera organisée, argumentée et finalisée. La marche des femmes vers l’égalité Au cours de la seconde moitié du XX° siècle, les femmes ont acquis progressivement une égalité de droits civiques, politiques, sociaux et familiaux a peu près complète (...). En l’espace d’une trentaine d’années, l’opinion s’est donc retournée dans le sens de la reconnaissance d’une égalité de principe. Toutefois, ces nouvelles dispositions légales et ces opinions se traduisent-elles directement et massivement dans les pratiques, des comportements et des attitudes plus indifférenciées ou moins inégalitaires ? La question est plus complexe. (...) Plus cultivées et plus progressistes ? Après le travail et la vie de famille, les loisirs et la culture sont le troisième grand domaine d'activité au sein duquel on peut mesurer l'évolution des pratiques et des stéréotypes. La comparaison des enquêtes réalisées de 1967 à 1994 par le ministère de la Culture sur les pratiques culturelles des Français permet de constater trois phénomènes. Le maintien de différences rares mais fortement marquées. Le mouvement général d’homogénéisation des pratiques de loisirs et de culture est limité par quelques faits aussi rares que fortement marquants et symboliques au plan des représentations sociales. C'est ainsi qu'en l990 comme vingt ans auparavant, l'entretien de la voiture demeure un loisir typiquement masculin et la couture, typiquement féminin. L’homogénéisation de la plupart des pratiques de loisirs. Aujourd'hui, femmes et hommes regardent autant la télévision (82 % la regardent tous les jours ou presque), écoutent pratiquement autant la radio (les trois quart environ) et vont au cinéma dans des proportions similaires (les femmes ayant même dépassé les hommes). Les pratiques audiovisuelles sont donc celles qui sont les plus indifférenciées. Il faut du reste inclure désormais la presse dans ce mouvement. Jusqu'au milieu des années 80, une différence non négligeable subsistait encore dans la lecture de la presse, les hommes se tournant davantage vers les journaux quotidiens tandis que les femmes préféraient les magazines. Toutefois, cet autre clivage traditionnel, qui recoupait l’opposition entre culture extérieure ou publique (le quotidien d'information générale) et culture intérieure ou privée (le magazine d’information plus pratique), tendait déjà à s'estomper. La lecture des quotidiens régressait en effet chez les deux sexes au profit d'un plus grand attrait pour les magazines (dont les contenus reflètent une forte sexuation). L’enquête de 1994 montre que désormais, sans parler des magazines, les femmes lisent régulièrement la presse générale autant que les hommes. Par ailleurs, chose plus inattendue, les pratiques également privées (s'effectuant au domicile) du jardinage, des jeux de cartes et de la musique sont de plus en plus indifférenciées. Ensuite, tout ce qui relève des activités culturelles s'effectuant hors du domicile et qui étaient jadis très nettement à dominante masculine (sortir le soir, visiter un musée ou une exposition, s'engager dans la vie associative) traduit le même mouvement d’homogénéisation. Dans la plupart des cas, les femmes ont rejoint les hommes dans la fréquence de ces activités et, dans pratiquement tous les cas, leur rythme de progression sur vingt ans est largement supérieur. Des femmes plus cultivées... L’évolution d'ensemble des pratiques culturelles fait enfin apparaître nettement une plus grande ouverture des femmes. Ainsi, tandis que la proportion d'hommes lisant au moins un livre par mois n'a cessé de baisser depuis vingt ans, celle des femmes a augmenté à tel point que le rapport entre les sexes était déjà inversé au milieu des années 80 et ne cesse de s'agrandir depuis (en 1994, 41% des femmes lisent un livre au moins une fois par semaine contre seulement 26 % des hommes). De même, la fréquentation du théâtre baisse fortement chez les hommes et s’accroît relativement chez les femmes. De même encore, tandis que les hommes s’intéressent davantage aux salons (souvent techniques), aux fêtes foraines et aux monuments historiques, les femmes se montrent un peu plus intéressées par les galeries d'art et les expositions de peintures. Au sein des visites de musées, on trouve du reste une légère préférence des femmes pour les musées d'art tandis que les hommes s'orientent davantage vers les musées scientifiques et techniques. Enfin, la récente enquête sur les pratiques artistiques en amateur indique également une plus grande activité des femmes (52 % contre 42 %), dans tous les milieux sociaux et à tous les âges, qu'il s'agisse de la musique, du théâtre, de la danse, de l’écriture ou des arts plastiques. Cette plus grande ouverture des femmes à la culture est aussi à relier à leur plus grand libéralisme moral et politique. Certes, en liaison avec leur éducation traditionnellement différente de celle des hommes et leur domination sociale, culturelle et politique, les femmes ont longtemps été des pratiquantes catholiques plus convaincues que les hommes. Toutefois, cette spécificité féminine est en train de disparaître avec les générations post-soixante-huitardes. Parallèlement, au plan moral, les femmes manifestent aujourd'hui un plus grand libéralisme et une plus grande ouverture d'esprit que les hommes. Certes, elles 14 sont plus sensibles à la peur de l'agression et, pour cette raison, plus favorables à la dureté des peines (y compris la peine de mort). Toutefois, les sondages de l'Institut Agoramétrie montrent qu'elles sont plus souvent d'accord que les hommes avec l’idée qu'il faut limiter les inégalités de revenus, lutter contre la pollution et passer aux 35 heures. Elles sont également plus promptes à rejeter une quelconque mesure d'isolement des malades du sida ou de discrimination des homosexuels. Enfin, au plan politique, jadis plus abstentionnistes et plus conservatrices que les hommes, les femmes ont beaucoup changé au fil des décennies. Depuis le début des années 90, elles sont désormais plus nombreuses que les hommes à voter à gauche ou pour les écologistes, à rejeter les thèses du Front National et à se prononcer en faveur de la construction européenne. A l’école les filles dépassent les garçons Comment expliquer la grande lenteur de toutes ces transformations ? Les biologistes essayent depuis le XIXème siècle de trouver dans le cerveau des différences fondamentales entre les deux sexes et d'expliquer par là les différences sociales. Certaines grandes figures de l'histoire des sciences humaines (par exemple Durkheim et Freud) n'ont pas davantage résiste aux préjugés de leur époque et de leur civilisation sur l’infériorité intellectuelle des femmes, leur sexualité débordante, en somme leur côté « plus proche de la nature ». Encore aujourd'hui, les travaux portant sur les différences entre le cerveau des hommes et celui des femmes sont nombreux. Pourtant, les recherches en sciences humaines indiquent clairement que, si des différences biologiques existent, elles sont bien loin d’être la raison principale des différences dans les comportements. L'exemple le plus manifeste est celui des performances scolaires. Longtemps on a prétendu que si les garçons réussissaient mieux que les filles en mathématiques, ce résultat était du soi-disant à des différences biologiques. On reproduisait ainsi le très vieux stéréotype opposant la raison masculine à l’affectivité féminine. Il est vrai qu'au XIXème siècle les choses Etaient simples dans la mesure où les filles ne recevaient pas le même enseignement que les garçons. La pratique confirmait par avance le préjuge. Or, avec l'uniformisation de l'enseignement et la mixité des Ecoles, notre Epoque permet de démentir ce préjugé. En effet, depuis plusieurs décennies, les résultats des filles en mathématiques n'ont cessé de se rapprocher de ceux des garçons et l’égalité est désormais atteinte. Compte tenu de la supériorité que les filles ont d'ores et déjà acquise dans d'autres domaines, on peut raisonnablement penser qu’elles finiront tôt ou tard par dépasser les garçons, même en mathématiques. Les unes après les autres, les prétendues preuves expérimentales de la différence fondamentale entre les sexes s'effondrent sans bruit. De plus, de nombreuses recherches menées par les sociologues de l’éducation permettent de comprendre qu'il existe en réalité des raisons sociales aux inégalités de performance. Elles montrent en effet le rôle crucial des représentations de ce que doivent faire les filles et les garçons qui animent les décisions des parents et des enseignants. Concrètement, les parents n'ont pas les mêmes ambitions scolaires pour leurs garçons que pour leurs filles. S'ils poussent ces derniers vers des études plus longues, ils les orientent également préférentiellement vers les filières littéraires (et les garçons vers les filières techniques et scientifiques). Les enquêtes montrent que, derrière ces choix préférentiels, se révèlent chez les parents des représentations en partie différentes sur deux plans essentiels : - d'une part sur les attributs fondamentaux des deux sexes (les garçons devant être avant tout dynamiques et ambitieux, tandis que les filles doivent être certes dynamiques mais aussi savoir privilégier le sens moral et le sens de la famille) - d'autre part sur ce qui fera le bonheur d'un homme et d'une femme (le bonheur conjugal étant considère comme aussi important que la réussite sociale pour les garçons, alors qu'il est jugé trois fois plus important pour les filles). De telles attitudes expliquent le fait que les filles - réussissant pourtant mieux et plus souvent que les garçons à l’école - sont orientés inégalitairement vers les filières littéraires, économiques et sociales ou technologiques du tertiaire, tandis que les garçons davantage poussés vers les filières scientifiques et techniques. L'origine des identités sexuelles : l'enfance L’école constitue donc un lieu privilégie de mise en œuvre des stéréotypes sexués de la part des adultes sur les enfants. Mais on peut remonter encore plus loin dans l’enfance. Le psychosociologue Pierre Tap a montré par exemple que, dès l'âge de 5 ans, 1'appropriation différentielle des jouets chez les petits enfants permet de repérer l'enracinement fondamental des identités sexuelles. Le phénomène est surtout sensible chez les garçons qui s'affirment peu à peu par leur rejet des jouets de filles. L'auteur montre aussi que les jouets masculins sont moins stéréotypés que ceux de l'autre sexe, c'est dire qu'ils se définissent moins en termes d’activité pratique (cuisine, éducation des enfants, couture) que de modèles d'attitude ou de comportement en général (agressivité physique, goût de l'aventure, habileté mécanique). Sans même évoquer ce que les parents projettent sur leurs enfants dès leur naissance (souvent même avant la naissance) il est donc possible d’étudier objectivement par de multiples moyens la façon dont les comportements des adultes (les parents à la maison, mais aussi les éducateurs à la crèche puis à la maternelle) induisent consciemment ou non la reproduction des stéréotypes par des moyens apparemment anodins. Ce rejet par les petits garçons de ce qu'ils considèrent tôt ou tard comme des jouets de filles et leur orientation croissante vers des jeux valorisant la force physique, voire l'agressivité sont intéressants à plus d'un titre. En effet, nous touchons peut-être là le noyau central des identités sexuelles traditionnelles, qui définit avant tous des attitudes et des usages du corps. L'identification de la masculinité à la violence (et inversement de la féminité à la douceur) est en effet un stéréotype qui résiste au vaste mouvement d'homogénéisation des pratiques des hommes et des femmes dans les sociétés occidentales. Les usages du corps pour suggérer la féminité ou la masculinité dans la publicité en ont été longtemps la caricature, mais peut-être évoluent-ils. Cela se traduit aussi par exemple dans la pratique sportive où, malgré une poussée féminine générale, les sports les plus violents demeurent presque exclusivement masculins. De nombreux autres comportements témoignent du même phénomène. Par exemple, depuis trente ans, la part des femmes dans la population délinquante n'a guère évolue. De même, le geste suicidaire qui implique aussi une violence (contre soi-même) demeure, aujourd'hui comme jadis, une attitude largement masculine. Dans un autre registre mais toujours en rapport avec le corps, on peut aussi rappeler que les femmes sont deux fois moins nombreuses que les hommes à déclarer pouvoir avoir des relations sexuelles sans éprouver de sentiments pour leur partenaire, autrement dit, elles sont deux fois moins nombreuses à considérer le corps de l'autre comme un objet. A travers tous ces exemples, tout se passe donc comme si l'usage ou la symbolique de la violence physique 15 constituait le dernier rempart de la citadelle identitaire masculine. Contrairement à la maternité pour la femme, cet usage du corps ne correspond pourtant à aucune nécessite fondamentale de la vie sociale. Au-delà des évolutions législatives et des opinions exprimées dans les sondages, l'observation des pratiques conduit donc à souligner l’extrême lenteur de l’évolution des modèles de rôles masculins et féminins. Plutôt que d'y chercher systématiquement des stratégies de domination et des discriminations masculines - qui peuvent cependant exister ponctuellement - on doit insister sur la coexistence de nouvelles évolutions incontestablement égalitaristes avec des mentalités et des pratiques plus profondément ancrées dans les systèmes de représentation que les individus ont des identités sexuelles, c’est-à-dire de ce qui définit fondamentalement une femme et un homme. En 1964, dans sa thèse pionnière, A-M Rocheblave-Spenlé soulignait déjà que les modèles de rôles se transforment plus lentement que les comportements des individus qui sont, eux, plus directement influencés par les modifications socioculturelles ou économiques. Pourtant, on ne saurait douter qu'un mouvement de fond soit engagé. Malgré la crise économique et sociale actuelle qui peut engendrer de nombreuses régressions, malgré les difficultés de gestion des identités qui se posent dans les couples et dans les familles (pour les hommes comme pour les femmes) du fait de l'égalitarisation des statuts des deux sexes, les femmes ont pour la première fois dans l'histoire de l’humanité la possibilité de construire autant que les hommes le monde de demain. Michel LUCI Sociologue Sciences Humaines n°81 - mars 1993 16 SESSION 1999 A- EPREUVE DE FRANCAIS LITTERAIRE 1) Commentaire linéaire ou composé du passage suivant de Carmen, de Prosper Mérimée. 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 12- Je fus mis en faction à la porte du colonel. C’était un jeune homme riche, bon enfant, qui aimait à s’amuser. Tous les jeunes officiers étaient chez lui, et force bourgeois, des femmes aussi, des actrices, à ce qu’on disait. Pour moi, il me semblait que toute la ville s’était donnée rendez-vous à sa porte pour me regarder. Voilà qu’arrive la voiture du colonel, avec son valet de chambre sur le siège. Qu’est-ce que je vois descendre ? ... la gitanilla. Elle était parée, cette fois, comme une châsse, pomponnée, attifée, tout or et tous rubans. Une robe à paillettes, des souliers bleus à paillettes aussi, des fleurs et des galons partout. Elle avait un tambour de basque à la main. Avec elle il y avait deux autres bohémiennes, une jeune et une vieille. Il y a toujours une vieille pour les mener ; puis un vieux avec une guitare, bohémien aussi, pour jouer et les faire danser. Vous savez qu’on s’amuse souvent à faire venir des bohémiennes dans les sociétés, afin de leur faire danser la romalis, c’est leur danse, et souvent bien autre chose. Carmen me reconnut, et nous échangeâmes un regard. Je ne sais, mais, en ce moment, j’aurais voulu être à cent pieds sous terre. - Agur laguna (1), dit-elle. Mon officier, tu montes la garde comme un conscrit ! Et, avant que j’eusse trouvé un mot à répondre, elle était dans la maison. Toute la société était dans le patio, et, malgré la foule, je voyais à peu près tout ce qui se passait à travers la grille (2). J’entendais les castagnettes, le tambour, les rires et les bravos ; parfois j’apercevais sa tête quand elle sautait avec son tambour. Puis j’entendais encore des officiers qui lui disaient bien des choses que me faisait monter le rouge à la figure. Ce qu’elle répondait, je n’en savais rien. C’est de ce jour-là, je pense, que je me mis à l’aimer pour tout de bon ; car l’idée me vint trois ou quatre fois d’entrer dans le patio, et de donner de mon sabre dans le ventre à tous ces freluquets qui lui contaient fleurettes. Mon supplice dura une bonne heure ; puis les bohémiens sortirent, et la voiture les ramena. Carmen, en passant, me regarda encore avec les yeux que vous savez, et me dit très bas : - Pays, quand on aime la bonne friture, on en va manger à Triana, chez Lillas Pastia. Légère comme un cabri, elle s’élança dans la voiture, le cocher fouetta ses mules, et toute la bande joyeuse s’en alla, je ne sais où. Carmen (ch 3). Bonjour, camarade La plupart des maisons de Séville ont une cour intérieure entourée de portiques. On s’y tient en été. Cette cour est couverte d’une toile qu’on arrose pendant le jour et qu’on retire le soir. La porte de la rue est presque toujours ouverte, et le passage qui conduit à la cour, Zaguan, est fermé par une grille en fer très élégamment ouvragée. 2) Dissertation : Dans un entretien au Magazine Littéraire de juin 1991, l’écrivain Danièle Sallenave dit «le livre nous offre le spectacle de douleurs plus grandes que les nôtres... » Que pensez-vous de cette façon d’envisager l’œuvre littéraire ? Vous justifierez votre propos en vous appuyant sur les œuvres du programme et d’autres. B- EPREUVE RELATIVE AUX ASPECTS SOCIAUX DE LA CIVILISATION CONTEMPORAINE 1) Dissertation A- Par l’intermédiaire des agents socialisateurs (la famille et l’école) l’enfant apprend à effectuer les comportements adéquats à son sexe. Vanderplas-Holper B- Etre normal c’est répondre au devoir être social (à la norme sociale) et au devoir être psychologique (à la norme psychologique). Jean Maisonneuve 2) Résumé-Discussion 1 - Résumez ce texte en 150 mots + 10 % 2 - « la forme spécifique que prend cette exigence de reconnaissance dans le contexte actuel fait curieusement appel à des codes d’honneur qui semblent venir d’un autre temps. » 17 Après avoir commenté cette remarque de Hugues LAGRANGE vous développerez de manière argumenté votre propre réflexion sur le thème de la reconnaissance et de la violence, et en vous demandant si la violence est le seul moyen de se faire reconnaître. L’exigence de reconnaissance et la violence L’hypothèse que la violence exercée par les hommes jeunes est une réponse à la conjonction de ce déclin de la domination masculine dans les rapports de sexe et de la crise de l’emploi trouve des arguments dans l’image d’eux-mêmes et les propos de nombreux jeunes des quartiers de relégation. Quelles sont les formes de masculinité accessibles aux jeunes garçons en échec scolaire habitant des quartiers de relégation et issus de l’immigration africaine (1) ? La consommation, y compris des rapports sexuels, les risques, les délires, bref, la panoplie extérieure du prédateur de rue. On trouve chez les jeunes dealers, précocement confrontés à la violence pour défendre le territoire de leur négoce, une absence de culpabilité et, parfois, une misogynie ouverte (2). Ils recherchent une excitation et des rétributions rapides - être high - qui passent par un rejet des valeurs de désintéressement. Chez eux, on rencontre moins le prestige de la vie hors normes, fréquents chez les consommateurs de cannabis et d’hallucinogènes des années 1960-1970, qu’une réévaluation du bad boy : par le deal, ils pensent regagner ce respect dont sont truffés leurs discours. Cette quête de la reconnaissance, si présente dans les propos, est profondément liée à la violence. A travers la violence s’affirme un droit absolu, un droit sur autrui. C’est son aspect le plus paradoxal (3) : la violence implique une quête de légitimité qui lui est essentielle. On ne fait violence qu’à ce qui a le caractère de l’être organisé, en brisant un verre pas en cassant un rocher. C’est en anéantissant une autre intention - celle qui a fait le verre - que la violence cherche à se faire reconnaître comme anticréation. Mais la forme spécifique que prend cette exigence de reconnaissance dans le contexte actuel fait curieusement appel à des codes d’honneur qui semblent venir d’un autre temps. On est surpris par la fréquence de l’emploi du mot «respect » - «je l’ai cogné parce qu’il ne respectait pas ma sœur... » Or, l’emploi actuel par ces jeunes est très proche de l’emploi du mot honneur dans les sociétés méditerranéennes. Un des motifs de bagarre ou d’agression est le «manque de respect » pour soimême ou pour un frère, une sœur, un copain. Ce retour de la notion de respect doit retenir notre attention, c’est un code d’honneur par lequel des jeunes, rejetés par de nombreuses institutions, et en particulier l’école, le travail salarié, essaient de maintenir un minimum d’estime d’eux-mêmes. Cette recherche de l’estime de soi, chez les jeunes non diplômés et sans perspective d’emploi, accentue un retour vers des valeurs «viriles » aujourd’hui souvent dépourvues de fondement dans la culture technique et les hiérarchies au travail. A travers ces marques, ils tentent d’acquérir des insignes qu’une sécurité fondée sur des compétences reconnues, une sociabilité articulée avec l’autre sexe, procurent aux autres garçons. Les comportements violents de jeunes issus de l’immigration maghrébine ou d’Afrique noire présentent des similitudes avec les comportements qu’on rencontre chez des jeunes issus des milieux populaires (4) du Nord de l’Europe - de Roubaix à Manchester ou Charleroi -, mais ils sont amplifiés à la fois par la différence culturelle entre la Méditerranée et le Nord de l’Europe et par la stigmatisation : Les jeunes visés par des propos et les comportements racistes se sentent, non sans raison, rejetés par leur pays d’accueil. Les violences que favorise le retour en force de ce code, trace d’une accentuation du conflit des valeurs féminines et des valeurs masculines, ne sont pas spécifiques à la France. Alba Zaluar, dans un ensemble de recherches ethnographiques menées dans une favela de Rio de Janeiro, la Cidade de deus, montre la valorisation sexuelle que tirent les garçons de cette cité du port d’un revolver à la ceinture et de l’argent de la drogue. L’argent et les armes, comme la disposition à tuer, sont des symboles de masculinité (5). Philippe Bourgois, dans un travail ethnographique sur les dealers de crack portoricains de l’Est de Harlem, se demande : « Comment les hommes pauvres peuvent-ils faire la masculinité ? »D'assumer leur rôle d’hommes ? Après la Seconde Guerre mondiale, plus d’un tiers de la population de Porto-Rico débarque à New York pour travailler dans l’industrie du vêtement. Pour ces familles, venues des plantations de sucre ou de café et organisées sur un modèle patriarcal, le respeto (l’honneur du mâle) est une valeur essentielle. Une génération plus tard, l’héritage de la famille rurale portoricaine est encore présent et se décline dans le contexte de l’Amérique du Nord, égalitariste et protestante, à la fois par une misogynie explicite et par une culture de la violence dans la rue. Dans les années 1980, les hommes venus de l’immigration portoricaine réussissent mal à l’école, ils n’ont que de petits boulots et abandonnent parfois ces emplois mal rétribués. Souvent commandés par des femmes en dehors de la sphère domestique, ils perdent progressivement tout moyen de légitimer par un revenu décent les exigences autocratiques sur leurs propres femmes. Ce mécanisme nourrit une crise de l’affiliation, au double sens de la relation avec leur culture paternelle et des relations entre les générations aux Etats-Unis même. En effet, les hommes pauvres, obligés pour survivre de s’associer aux trafics de drogue et à l’économie souterraine, deviennent violents, battent leurs femmes et leurs enfants, qui les méprisent en contrepartie. Les fils de ces hommes deviennent à leur tour violents et s’enlisent dans une tentative désespérée de reconquête, par des pratiques violentes et mafieuses, de la dignité qui a échappé à leurs pères. La plupart des dealers de crack rencontrés par Philippe Bourgois sont des enfants maltraités qui ont avoué avoir participé à des viols collectifs : ainsi se rompent les liens affectifs intergénérationnels et, à travers eux, le pouvoir de socialisation de la famille. Ces exemples ont, je crois, une portée symptomatique. La concentration chez les jeunes hommes, à la fois de problèmes sociaux et de violences, dont les indices d’évolution sont ordinairement moins coordonnés, invite à pousser la réflexion sur ce qui se passe de ce côté-ci de l’Atlantique. Les comportements décrits par Bourgois illustrent la façon dons se nouent, dans un pays riche, qui a connu une forte accentuation des inégalités de revenu au cours de la décennie 1980, les contradictions issues du choc des traditions culturelles et spécifiquement des modèles régissant les rapports de sexe. Ces contradictions entre une tradition patriarcale agricole, celles des familles pauvres venues de l’Amérique Latine, et les valeurs de la société Nord-américaine ne sont pas sans rappeler celles que vivent les jeunes issus de l’immigration maghrébine dans la société urbaine française au début des années 1980. La violence interpersonnelle apparaît donc aujourd’hui comme une crispation sur les valeurs du registre de la force virile au sein de groupes particulièrement touchés par la crise du travail et des rôles masculins. La violence s’inscrit au carrefour de changements globaux - évolution des rapports de sexe, mise en cause des valeurs patriarcales - ou plus 18 conjoncturel - réduction du travail non qualifié disponible. Chez ces jeunes, à travers la violence s’affirme une revanche sur les galères de leur vie quotidienne dans des cités «pourries », sur la honte associée à la relégation dans des filières dévalorisantes et des stages sans débouchés, aux humiliations subies par leurs parents, et pas toujours assumée comme telle. Peut-on y répondre, une fois de plus, en resserrant d’un tour le couvercle de la marmite, en accentuant la répression pénale ? Extrait de «la pacification des mœurs et ses limites... » de Hugues LAGRANGE en, Violences par temps de paix Revue Esprit N°12 Déc. 98. Notes -------------------------------------------------------------------------------------(1) Ceux qui, dans le même contexte social, sont nés dans des familles françaises de longue date partagent beaucoup des conditions de ces jeunes avec des différences dans les traditions culturelles qui servent de référence, toutefois. (2) A côté des exigences du respect, et parfois de la misogynie, le rap oppose une idéologie «cool », non violente, fondée sur la maîtrise de soi, le dépassement de la colère. Ces ambivalences mêmes reflètent les tensions et les contradictions dans lesquelles vivent les jeunes. (3) Comme le souligne Sartre, dans ces Cahiers pour une morale, 1983. (4) Ainsi parmi les supporters de football décrits par Bill Buford dans Among the thugs, New York, Vintage 1993, et, d’une manière plus romancée, dans Trainspotting de Irvine Welsch, Paris, éd. de l’Olivier, 1996. (5) A. Zaluar, Condominio do diablo, Rio de Janeiro, Editora Revan, 1991. 19 SESSION 2000 A- EPREUVE DE FRANCAIS LITTERAIRE 1) Commentaire linéaire : Carmen, chapitre trois, extrait du chapitre. 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 Je sortis ne sachant ce que je ferais, je ne dormis guère, et le matin je me trouvais si en colère contre cette traîtresse, que j’avais résolu de partir de Gibraltar sans la revoir ; mais, au premier roulement de tambour, tout mon courage m’abandonna : je pris ma natte d’oranges et je courus chez Carmen. Sa jalousie était entrouverte, et je vis son grand œil noir qui me guettait. Le domestique poudré n’introduisit aussitôt ; Carmen lui donna une commission, et dès que nous fûmes seuls, elle partit d’un de ses éclats de rire de crocodile, et se jeta à mon cou. Je ne l’avais jamais vue si belle. Parée, comme une madonne, parfumée… des meubles de soie, des rideaux brodés…ah ! … Et moi fait comme un voleur que j’étais. – Minchorro ! Disait Carmen, j’ai envie de tout casser ici, de mettre le feu à la maison, et de m’enfuir à la sierra. – Et c’était des tendresses ! … Et puis des rires ! … Et elle dansait, et elle déchirait ses falbalas : jamais singe ne fit plus de gambades, de grimaces, de diableries. Quant elle eut repris son sérieux : - Ecoute, me dit-elle, il s’agit de l’Egypte. Je veux qu’il me mène à Ronda, où j’ai une sœur religieuse… (Ici nouveaux éclats de rire) Nous passons par un endroit que je te ferai dire. Vous tombez sur lui : pillé rasibus ! Le mieux serait de l’escoffier ; mais, ajouta-t-elle avec un sourire diabolique qu’elle avait dans de certains moments, et ce sourire-là, personne n’avait alors envie de l’imiter, -sais-tu ce qu’il faudrait faire, Que le borgne paraisse le premier. Tenez-vous un peu en arrière ; l’écrevisse est brave et adroit : il a de bons pistolets… Comprends-tu ? … Elle s’interrompit par un nouvel éclat de rire qui me fit frissonner. P. Mérimée, Carmen, ch.3 2) Commentaire composé : Zadig, «le bûcher », extrait du chapitre. 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 12345- Un Arabe de la tribu de Sétoc étant mort, sa veuve, nommée Almona, était fort dévote (1), fit savoir le jour et l’heure où elle se jetterait dans le feu au son des tambours et des trompettes. Zadig remontera (2) à Sétoc combien cette horrible coutume était contraire au bien du genre humain ; qu’on laissait brûler tous les jours de jeunes veuves qui pouvaient donner des enfants à l’état ou du moins élever les leurs ; Et il le fit convenir qu’il fallait, si on pouvait, abolir un usage si barbare. Sétoc répondit : « Il y a plus de mille ans que les femmes sont en possession de(3) se brûler. Qui de nous osera changer une loi que le temps a consacrée ? Y a-t-il rien de plus respectable qu’un ancien abus(4) ? - La raison est plus ancienne, reprit Zadig. Parlez aux chefs des tribus, et je vais trouver la jeune veuve. » Il se fit présenter à elle ; et après s’être insinué dans son esprit(5) par des louanges sur sa beauté, après lui avoir dit combien c’était dommage de mettre au feu tant de charmes, il la loua encore sur sa constance et sur son courage. « Vous aimiez donc prodigieusement votre mari ? Lui dit-il, - Moi ? Point du tout, répondit la dame arabe. C’était un brutal, un jaloux, un homme insupportable ; mais je suis fermement résolue de me jeter sur son bûcher. –Il faut, dit Zadig, qu’il y ait apparemment un plaisir bien délicieux à être brûlée vive. –Ah ! Cela fait frémir la nature, dit la dame ; mais il faut en passer par-là. Je suis dévote ; je serais perdue de réputation, et tout le monde se moquerait de moi si je ne ma brûlais pas. » Zadig, l’ayant fait convenir qu’elle se brûlait pour les autres et par vanité, lui parla longtemps d’une manière à lui faire aimer un peu la vie, et parvint même à lui inspirer quelque bienveillance pour celui qui lui parlait. « Que feriez-vous enfin, lui dit-il, si la vanité de vous brûler ne vous tenait pas ? –Hélas ! Dit la dame, je crois que je vous prierais de m’épouser. » Voltaire, Zadig «le Bûcher » Dévote : sincèrement attachée à la religion et à ses pratiques. Remontra : démontra. Sont en possession de : ont pris l’habitude de. Abus : erreur (sens classique). Après s’être insinué dans son esprit : après avoir gagné sa confiance. 3) Dissertation : « La littérature est un mensonge qui dit la vérité ». Vous tenterez d’analyser ce paradoxe en expliquant d’abord en quoi la littérature est un mensonge, puis en quoi elle dit la vérité, enfin en quoi l’affirmation citée entre guillemets peut être nuancée. B- EPREUVE RELATIVE AUX ASPECTS SOCIAUX DE LA CIVILISATION CONTEMPORAINE 1) Dissertation A - Un être humain est d’emblée socialisé selon un modèle sexué Devereux 20 B - La normalité est uniquement générée par des aspects sociaux Klineberg 2) Résumé/Discussion 1) Résumé : proposer le résumé de texte ci-dessous en 180 mots + - 10% 2) Discussion : L’évolution de la structure familiale et de sa fonction fait dire à Gilles LIPOVETSKY : « Il y a peu, la famille faisait l’objet d’accusations véhémentes, une jeunesse avide de liberté l’assimilait à une instance aliénante, une mouvance rebelle à une structure reproduisant des rapports de propriétés et de domination répressive » Qu’en pensez-vous ? Dans un développement argumenté et illustré vous commenterez et discuterez ces propos. Famille Chérie La Famille à la carte Il y a peu, la famille faisait l’objet d’accusations véhémentes, une jeunesse avide de liberté l’assimilait à une instance aliénante, une mouvance rebelle à une structure reproduisant des rapports de propriété et de domination répressive. Virage à 180 degrés : aujourd’hui au hit-parade des valeurs, la famille a cessé d’être cette sphère dont on cherchait à s’échapper le plutôt possible, les jeunes cohabitent de plus en plus longtemps avec leurs parents, le «cocoonings » est en vedette, les adolescents en grande majorité déclarent s’entendre correctement avec leurs parents. La famille est la seule institution pour laquelle une grande majorité des Européens déclarent être prêts à tout sacrifier, y compris leur propre vie ; en 1987, 7 Français sur 10 affirmaient que la famille est le seul endroit où l’on se sente bien et détendu, plus de 8 jeunes Français sur 10 considéraient que leurs parents remplissaient très bien ou plutôt bien leurs rôles ; à l’affirmation «on ne devrait plus se marier » seul 1 Français sur 10 donnes son accord ; au début de notre décennie, 6 étudiants sur 10 déclaraient qu’ils aimeraient que leurs enfants vivent la même expérience familiale qu’eux. «Familles, je vous hais » n’aura été qu’un cri provisoire, une parenthèse protestataire déjà refermée. Encore faut-il préciser que cette «réhabilitation » de la famille ne signifie en rien reconduction des traditionnels devoirs prescrits par la morale bourgeoise et religieuse : dans les sociétés contemporaines, nous célébrons la famille, les obligations inconditionnelles en moins. On sait en effet qu’après un cycle de forte régression, le nombre de mariages en France est à nouveau en légère hausse, mais dans le même temps, les divorces, unions libres et naissances hors mariage progressent ; davantage encore, aucun de ces comportements n’est plus désormais mis au ban de la société. Le culte de la famille s’est vidé de ses anciennes prescriptions obligatoires au bénéfice de l’accomplissement intime et des droits du sujet libre : droit au concubinage, droit à la séparation des conjoints - seuls 4 % des Français se déclarent hostiles au principe du divorce-droit à la contraception, droit à la maternité en dehors du mariage, droit à la famille peu nombreuse, il n’y a plus de devoir strict dominant les désirs individuels. Qui s’exposerait de nos jours au ridicule de déclarer à l’instar de la propagande de Vichy : « Craignez un jour d’avoir à rougir devant vos propres enfants si vous n’en avez qu’un ou deux » ? Au moment où le nombre de familles nombreuses décroît, où le droit à la contraception n’est plus remis en cause que par une minorité de croyants, une nouvelle morale domestique a fait son apparition : se marier, rester unis, mettre au monde des enfants, tout cela s’est délesté de toute idée d’obligation impérieuse, le seul mariage légitime est celui qui dispense le bonheur. Pour être à nouveau coté à la bourse des valeurs, la famille n’en est pas moins devenue une institution postmoraliste, recyclée par la logique de l’autonomie individualiste. Que reste-t-il de la morale familiale traditionnelle à l’âge des banques de gamètes, des embryons congelés, de l’insémination artificielle et de la fécondation in vitro ? En très peu de temps, ces méthodes ont littéralement bouleversé les concepts traditionnels de filiation, de paternité et de maternité : une femme peut être fécondée par un géniteur anonyme ou un homme décédé, la femme génitrice et la femme gestatrice peuvent être dissociées, la mère d’une femme peut mettre au monde l’enfant de sa propre fille. Avec les nouvelles techniques de reproduction, la procréation d’un enfant sans père, la maternité sans la relation sexuelle sont devenues possibles. Nous n’assistons pas à la résurgence de l’ordre familialiste mais à sa dissolution postmoraliste, ce n’est plus le devoir de procréer et de se marier qui nous caractérise, c’est le droit individualiste à l’enfant, fût-ce en dehors des liens conjugaux. En 1985, 1 Français sur 2 considérait que les couples vivant en union libre devaient pouvoir bénéficier des nouvelles techniques de procréation, 4 sur 10 estimaient qu’elles étaient légitimes appliquées aux veuves ou aux femmes seules ; en Espagne, les femmes célibataires peuvent avoir accès à la procréation médicalement assistée ; aux Pays-Bas, les femmes vierges ou homosexuelles ont droit aux techniques d’insémination artificielle. La procréatique fait éclater les normes stables de l’ordre familialiste, elle précipite le règne individualiste de l’enfant et de la famille en libre-service. Déjà 30 000 enfants sont nés en France de géniteur inconnaissable par insémination artificielle avec donneur, 1 enfant sur 200 est désormais conçu hors du corps de la mère. Dissolution de l’éthique familiale traditionnelle, exacerbée encore par le diagnostic prénatal permettant aux futurs parents de connaître et de choisir le sexe de l’enfant par avortement sélectif. De plus en plus de médecins et de généticiens répondent maintenant favorablement aux demandes des parents désireux de connaître le sexe du fœtus et ce, au nom du principe de la liberté individuelle dans le domaine de la reproduction. L’ordre moral proclamait la primauté des droits de la famille sur ceux de l’individu ; c’est manifestement l’inverse qu’accomplit l’ordre postmoraliste coïncidant avec la famille consumériste, l’enfant sur mesure, l’»équilibre » volontaire de la famille en fonction du sexe de l’enfant et peut-être bientôt d’autres caractéristiques. Loin d’être une fin en soi, la famille est devenue une prothèse individualiste, une institution où les droits et désirs subjectifs l’emportent sur les obligations catégoriques. Longtemps les valeurs d’autonomie individuelle ont été assujetties à l’ordre de l’institution familiale. Cette époque est révolue : la puissance décuplée des droits individualistes a dévalorisé tant 21 l’obligation morale du mariage que celle de procréer en grand nombre. Les parents se reconnaissent certes des devoirs envers leurs enfants : pas au point toutefois de rester unis toute leur vie et de sacrifier leur existence personnelle. Telle est la famille postmoraliste que l’on construit et reconstruit librement, le temps que l’on veut, comme l’on veut. On ne respecte plus la famille en soi, mais la famille comme instrument d’accomplissement des personnes, l’institution «obligatoire » s’est métamorphosée en institution émotionnelle et flexible. Les divers maux accompagnant l’essor de la famille «consumériste » ont été largement soulignés : drame du divorce, «déshumanisation » des nouvelles techniques de procréation, effacement de la figure du père, crise des repères d’identité de l’enfant. A quoi s’ajoute, à un tout autre niveau, démographique cette fois, les périls collectifs liés à la chute prétendument catastrophique des taux de fécondité observable depuis le début des années 1970 : non-remplacement des générations, perte de l’identité nationale et carrément, pour certain, «autogénocide », «suicide collectif » des nations. Mais les données démographiques sont-elles réellement conformes à ce sombre tableau ? On peut en douter. D’une part, la population française connaît depuis un demi-siècle la plus forte croissance démographique de son histoire, la population depuis la fin de la guerre a augmenté de 40 %, il naît actuellement plus de 750 000 enfants par an ; même sans aucune migration, la population française, depuis 1945, aurait été augmentée de 11 millions de personnes au lieu de 17 millions. D’autre part, depuis environ cinq ans la «descendance finale » s’est stabilisée en France autour de 2,1 enfants par femme, taux assurant à lui seul le renouvellement des générations. Sans doute y a-t-il moins de familles nombreuses qu’autrefois, mais simultanément il y a davantage de couples qui ont plus d’un enfant et ce, à la différence de la période de l’entre-deux-guerres. Sans doute, les taux de fécondité baissent chez les jeunes femmes, mais ils augmentent chez les femmes plus âgées qui tendancieusement retardent les naissances d’enfants souhaités. Il n’y a nulle tendance lourde et irrépressible à une fécondité à la baisse : la dynamique néo-individualiste ne signifie pas refus de l’enfant, mais l’enfant quand on veut, le nombre que l’on veut. Même si l’on observe, dans un certain nombre de pays européens, une décroissance de l’»indice conjoncturel », rien n’indique qu’il s’agit là d’un processus de longue durée, inévitable et irréversible : dès que, notamment, le retard de maternité se stabilisera, l’indice a toutes les chances de remonter, à l’instar de la Suède où il a déjà pu repasser au-dessus de 2. Il en va, au fond, de la natalité comme de la sexualité, l’univers de l’autonomie individualiste ne court-circuite pas toutes les régulations, il fonctionne bien davantage comme un «désordre homéostatique » capable en l’occurrence d’assurer le renouvellement de la population en dehors de toute morale nataliste. C’est une vue très réductrice que d’assimiler l’individualisme de l’après-devoir à la monade narcissique sans autre désir que le moi pur. Quelle que soit l’ampleur du culte de l’autonomie, de la santé, de la jeunesse, les couples désirent et font statistiquement entre 2 et 3 enfants : les passions narcissiques ne contredisent nullement le désir d’avoir des enfants, de fait en nombre «moyen ». Ni 1 enfant, ni 4 ou 5 : ce choix illustre typiquement l’individualisme postmoraliste en ce qu’il ne s’agit plus de «sacrifier » sa vie intime ou professionnelle par des naissances démultipliées, mais il n’est pas question pour autant de se priver de joies variées d’avoir des enfants. Gagner sur «tous les plans », «réussir » sa vie professionnelle en même temps que familiale, la culture néo-individualiste peut faire osciller les indices de fécondité, elle n’est pas assimilable à une machine de guerre tournée contre la natalité, dans une époque où précisément on ne veut renoncer à rien et où l’enfant fait partie intégrante de la qualité totale de l’existence. Les désirs individualistes livrés à eux seuls sont synonymes de «chaos organisateur », non de «baby krach ». Gilles LIPOVETSKY Le Crépuscule du devoir- Gallimard 1992 22 SESSION 2002 A- EPREUVE DE FRANCAIS LITTERAIRE 1) Commentaire composé de La Machine infernale de Jean Cocteau, acte IV, Livre de poche p 127-128 Œdipe Jocaste, étonnée Œdipe Jocaste Œdipe - Jocaste Œdipe - Le messager Œdipe Le messager Œdipe Le messager - Œdipe Le messager - Tirésias - Œdipe - Tirésias - Œdipe - Jocaste - Œdipe - Jocaste Œdipe - Le messager - Œdipe Jocaste Oedipe - Tirésias Œdipe Jocaste Œdipe - Jocaste - Ce messager m’apporte une grande nouvelle et qui valait la peine que je te dérange. Une bonne nouvelle ?… Tirésias me reproche de la trouver bonne : Mon père est mort. Œdipe ! L’oracle m’avait dit que je serais son assassin et l’époux de ma mère. Pauvre Mérope ! elle est bien vieille et mon père Polybe meurt de sa bonne mort. La mort d’un père n’est jamais chose heureuse que je sache. Je déteste la comédie et les larmes de convention. Pour être vrai, j’ai quitté père et mère trop jeune et mon cœur s’est détaché d’eux. Seigneur Œdipe, si j’osais… Il faut oser, mon garçon. Votre indifférence n’est pas de l’indifférence. Je peux vous éclairer sur elle. Voilà du nouveau. J’aurais dû commencer par la fin. A son lit de mort, le roi de Corinthe m’a chargé de vous apprendre que vous n’étiez que son fils adoptif. Quoi ? Mon père, un berger de Polybe, vous trouva jadis, sur une colline, exposé aux bêtes féroces. Il était pauvre ; il porta sa trouvaille à la reine qui pleurait de n’avoir pas d’enfant. C’est ce qui me vaut l’honneur de cette mission extraordinaire à la cour de Thèbes. Ce jeune homme doit être épuisé par sa course et il a traversé notre ville pleine de miasmes impurs ; ne vaudrait-il pas mieux qu’il se rafraîchisse, qu’il se repose, et vous l’interrogeriez après. Vous voulez que le supplice dure, Tirésias ; vous croyez que mon univers s’écroule. Vous me connaissez mal. Ne vous réjouissez pas trop vite. Peut-être suis-je heureux, moi, d’être un fils de la chance. Je vous mettais en garde contre votre habitude néfaste d’interroger, de savoir, de comprendre tout. Parbleu ! Que je sois fils des muses ou d’un chemineau, j’interrogerai sans crainte ; je saurai les choses. Œdipe, mon amour, il a raison. Tu t’exaltes… tu t’exaltes… tu crois tout ce qu’on te raconte et après… Par exemple ! C’est un comble ! Je reçois sans broncher les coups les plus rudes, et chacun se ligue pour que j’en reste là et que je ne cherche pas à connaître mes origines. Personne ne se ligue… mon chéri… mais je te connais… Tu te trompes, Jocaste. On ne me connaît plus, ni toi, ni moi, ni personne… (Au messager.) Ne tremble pas, petit. Parle ! Parle encore. Je ne sais rien d’autre, seigneur Œdipe, sinon que mon père vous délia presque mort, pendu par vos pieds blessés à une courte branche. Les voilà donc ces belles cicatrices. Œdipe, Œdipe… remonte… On croirait que tu aimes fouiller tes plaies avec un couteau. Voilà donc mes langes !… Mon histoire de chasse… fausse comme tant d’autres. Eh bien, ma foi ! Il se peut que je sois né d’un dieu sylvestre et d’une dryade et nourri par les louves. Ne vous réjouissez pas trop vite, Tirésias. Vous êtes injuste… Au reste, je n’ai pas tué Polybe, mais… j’y songe… j’ai tué un homme. Toi ? Moi ! Oh ! rassurez-vous, c’était accidentel et pure malchance. Oui, j’ai tué, devin, mais le parricide, il faut y renoncer d’office. Pendant une rixe avec des serviteurs, j’ai tué un vieillard qui voyageait, au carrefour de Daulie et de Delphes. Au carrefour de Daulie et de Delphes !… Elle disparaît, comme on se noie. 2) Dissertation Le critique André Bellesort écrit : « Le succès des romans repose sur notre éternel besoin qu’on nous raconte des histoires où nous nous reconnaissons tels que nous voudrions être. » Sans vous limiter au seul genre romanesque, vous direz si cela explique bien, selon vous, le succès d’une œuvre littéraire. 23 B- EPREUVE RELATIVE AUX ASPECTS SOCIAUX DE LA CIVILISATION CONTEMPORAINE 1) Dissertation A- Papa lit et maman coud ; telles sont les caractéristiques sociales supposées des hommes et des femmes. Ces caractéristiques sont le fait de la socio-normalisation de l’enfant mise en place lors de la transmission des rôles de sexes. Decrouw - Masson B- La normalité peut-elle être définie uniquement sur le plan social ? D.Cooper 2) Résumé - Discussion 1 - Résumez ce texte en 150 mots + 10 % 2 – Discussion … «La culture du bonheur ne se conçoit pas sans un arsenal de normes…» Vous commenterez cette formule de Lipovetsky dans un essai structuré et finalisé. Le crépuscule du devoir Le bonheur light L’âge du bonheur de masse célèbre l’individualité libre, il privilégie la communication et démultiplie les choix et options. Ce n’est pas dire pour autant que tout modèle directif ait été évacué. De fait, la culture du bonheur ne se conçoit pas sans tout un arsenal de normes, d’informations techniques et scientifiques stimulant un travail permanent d’auto-contrôle et de surveillance de soi : après l’impératif catégorique, l’impératif narcissique glorifié sans relâche par la culture hygiénique et sportive, esthétique et diététique. Conserver la forme, lutter contre les rides, veiller à une alimentation saine, bronzer, rester mince, se relaxer, le bonheur individualiste est inséparable d’un extraordinaire forcing dans l’effort de dynamisation, d’entretien, de gestion optimale de soi-même. L’éthique contemporaine du bonheur n’est pas seulement consommative, elle est d’essence activiste, constructiviste : non plus comme autrefois gouverner idéalement ses passions, mais optimiser nos potentiels ; non plus l’acceptation résignée du temps, mais l’éternelle jeunesse du corps ; non plus la sagesse mais le travail performatif de soi sur soi ; non plus l’unité du moi, mais la diversité high-tech des exigences de protection, d’entretien, de valorisation du capital-corps. D’un côté, l’époque hors-devoir liquide la culture autoritaire et puritaine traditionnelle ; de l’autre, elle engendre de nouveaux impératifs (jeunesse, santé, sveltesse, forme, loisirs, sexe) d’autoconstruction de soimême, sans doute personnalisés mais créant un état d’hypermobilisation, de stress et de recyclage permanent. La culture du bonheur déculpabilise l’autoabsorption subjective, mais dans le même temps elle enclenche une dynamique anxiogène du fait même des normes du mieux-être et du mieux-paraître qui la constituent. Deux tendances antinomiques travaillent nos sociétés. L’une excite les plaisirs immédiats, qu’ils soient consommatifs, sexuels ou distractifs : surenchère porno, drogue, sexe sauvage, boulimie d’objets et de programmes médiatiques, explosion du crédit et endettement des ménages. L’hédonisme, ici, exprime et intensifie le culte individualiste du présent, il disqualifie la valeur travail, il contribue à désocialiser, déstructurer et marginaliser davantage les minorités ethniques des grandes métropoles et les exclus des banlieues. L’autre, en revanche, privilégie la gestion « rationnelle » du temps et du corps, le « professionnalisme » en toute chose, l’obsession de l’excellence et de la qualité, de la santé et de l’hygiène, l’hédonisme ici s’associe à l’information multiservice, à l’autoproduction narcissique hygiénique et sportive, à l’organisation raisonnée et lyophilisée des plaisirs. Nous voyons se mettre en place un hédonisme dual, échevelé et déresponsabilisant pour les nouvelles minorités de masse, prudent et intégrateur pour les majorités silencieuses. Dire de nos sociétés qu’elles sont hédonistes ne signifient pas qu'elles soient livrées sans partage à la spirale débridée des jouissances ni même que le plaisir capte toutes les énergies et intentions : de fait, le travail, la quête de la qualité de vie et de la santé mobilisent davantage les individus que les consommations voluptueuses. Société hédoniste veut dire que les plaisirs sont désormais foncièrement légitimes, objets d’informations, de stimulations et de diversifications systématiques. Le plaisir n’est plus banni, il est massivement valorisé et normalisé, promotionné et endigué, diversifié et « propre », libéré et fréquemment différé par les contraintes du travail, par la diffusion des normes rationnelles de « progrès » de santé. « Consommez avec modération » : notre arithmétique utilitariste a pris le visage d’une gestion des plaisirs-minute homéopathiques et démultipliés. L’hédonisme postmoderne n’est plus ni transgressif ni dilettant, il est « managé », fonctionnalisé, sagement light. La culture du bonheur « allégé » induit une anxiété chronique de masse mais dissout la culpabilité morale. Dans les sociétés démocratiques, les sombres prophéties de Freud et de Nietzsche ne se sont pas réalisées, le sens de la faute morale ne tend nullement à s’intensifier ; ce n’est pas le besoin de châtiment qui emporte notre époque, c’est la superficialisation de la culpabilité redoublant l’univers éphémère des objets et des média : déjà près de 2 catholiques pratiquants sur 3 en France pensent que les péchés ne mènent pas en enfer. A mesure que les normes du bonheur se renforcent, la conscience coupable devient plus temporaire, la figure du zappeur remplace celle du pécheur, c’est la dépression, le vide ou le stress qui nous caractérisent, non l’abîme de la mauvaise conscience mortificatrice. L’émotion suscitée par le spectacle des enfants aux ventres déformés est vite chassée par le film vidéo du soir ; assister à un concert de solidarité, porter un badge antiraciste, envoyer un chèque pour combattre la myopathie, tout cela n’a plus beaucoup de rapport avec les affres de la culpabilité et la 24 tyrannie du surmoi. L’ère des média surexpose le malheur des hommes mais dédramatise le sens de la faute, la vitesse de l’information crée l’émotion et la dilue dans le même temps. Au XVIIIe siècle, la Mettrie, le premier, répudiait la valeur morale du remords « aussi inutile après que pendant et avant le crime ». Notre époque n’en est plus là, elle ne bannit plus philosophiquement l’ « importune voix », elle la désintensifie dans l’hypermobilité spectaculaire, elle n’invite plus à détruire le « cruel poisson », elle en accélère la rotation. Nous sommes à l’âge de l’élimination et non plus de la fixation, de la sensibilisation fluide et non plus de l’intensification. Régression du surmoi, dévaluation sociale du discours de l’obligation morale : la culture postmoraliste poursuit d’une autre manière le processus moderne, jamais achevé, de la sécularisation de la morale. En délégitimant la liturgie du devoir, la culture contemporaine libère la morale d’un « reste » religieux : nous avons des interdits mais plus de prescriptions sacrificielles, des valeurs mais plus d’impératifs héroïques, des sentiments moraux mais plus de sens de la dette. A présent, la dynamique de l’ « autonomisation » de la morale s’affirme moins dans la polémique avec l’Eglise que dans l’éclipse des homélies du devoir de l’homme et du citoyen. Les contenus des valeurs restent certes inséparables d’une longue tradition religieuse, mais la forme de la moralité sociale, elle, s’est dégagée de l’esprit de religion, fut-il laïque. Plus rien dans l’absolu n’oblige ni même n’encourage les hommes à se dévouer à quelque idéal supérieur que ce soit, le devoir n’est plus qu’une option libre. La culture de l’autodétermination individualiste a gagné la sphère morale : l’époque du bonheur narcissique n’est pas celle du « tout est permis », elle est celle d’une « morale sans obligation ni sanction ». Gilles Lipovetsky Le crépuscule du devoir Ed. Gallimard – folio – essais 1992 25 SESSION 2003 A- EPREUVE DE FRANCAIS LITTERAIRE 1) Commentaire composé : Balzac, Le Colonel Chabert, P. 104 à 106 - Eh bien, jusque-là, reprit Derville, ne faut-il pas plaider, payer des avocats, lever et solder des jugements, faire marcher des huissiers, et vivre ? les frais des instances préparatoires se monteront, à vue de nez, à plus de douze ou quinze mille francs. Je ne les ai pas, moi qui suis écrasé par les intérêts énormes que je paye à celui qui m'a prêté l'argent de ma charge1. Et vous ! où les trouverez vous ? De grosses larmes tombèrent des yeux flétris du pauvre soldat et roulèrent sur ses joues ridées. A l'aspect de ces difficultés, il fut découragé. Le monde social et judiciaire lui pesait sur la poitrine comme un cauchemar. - J'irai, s'écria-t-il, au pied de la colonne de la place Vendôme, je crierai là : "Je suis le colonel Chabert qui a enfoncé le grand carré des Russes à Eylau !" Le bronze, lui ! me reconnaîtra2. - Et l'on vous mettre sans doute à Charenton. A ce nom redouté, l'exaltation du militaire tomba. - N'y aurait-il donc pas pour moi quelques chances favorables au ministère de la guerre ? - Les bureaux ! dit Derville. Allez-y, mais avec le jugement bien en règle qui déclare nul votre acte de décès. Les bureaux voudraient pouvoir anéantir les gens de l'Empire. Le colonel resta pendant un moment interdit, immobile, regardant sans savoir, abîmé dans un désespoir sans bornes. La justice militaire est franche, rapide, elle décide à la turque3, et juge presque toujours bien ; cette justice était la seule que connût Chabert. En apercevant le dédale de difficultés où il fallait s'engager, en voyant combien il fallait d'argent pour y voyager, le pauvre soldat reçut un coup mortel dans cette puissance particulière à l'homme et que l'on nomme la volonté. Il lui parut impossible de vivre en plaidant, il fut pour lui mille fois plus simple de rester pauvre, mendiant, de s'engager comme cavalier si quelque régiment voulait de lui. Ses souffrances physiques et morales lui avaient déjà vicié le corps dans quelques-uns des organes les plus importants. Il touchait à l'une de ces maladies pour lesquelles la médecine n'a pas de nom, dont le siège est en quelque sorte mobile comme l'appareil nerveux qui paraît le plus attaqué parmi tous ceux de notre machine, affection qu'il faudrait nommer le spleen du malheur. Quelque grave que fût déjà ce mal invisible, mais réel, il était encore guérissable par une heureuse conclusion. Pour ébranler tout à fait cette vigoureuse organisation, il suffirait d'un obstacle nouveau, de quelque fait imprévu qui en romprait les ressorts affaiblis et produirait ces hésitations, ces actes incompris, incomplets, que les physiologistes observent chez les êtres ruinés par les chagrins. 123- Allusions au célèbre usurier qui a fait une "faveur" à Derville en ne lui prêtant les 150000 francs nécessaires à l'achat de sa charge "qu'" à 15% d'intérêt (cf.Gobseck). Faut-il rappeler que ce moment fut fondu avec le bronze des canons d'Austerlitz ? Commencée en août 1806, la colonne fut terminée en août 1810. Balzac veut probablement dire : sans formalités. 2) Dissertation "Il y a des hommes dont le métier est de répondre aux questions, de résoudre les problèmes. L'homme politique et le mathématicien, l'ingénieur et l'arpenteur, leur métier c'est d'avoir réponse à tout. Le romancier, le poète, le critique, etc., leur métier est d'avoir question à tout, c'est de s'interroger et d'interroger, c'est de mettre en question ce que personne ne songeait à mettre en question. Ils sont les grands poseurs de questions du monde", écrivait Claude Roy. (Le Commerce des classiques, 1953) Quelles réflexions vous inspire cette définition de la fonction de l'écrivain ? Correspond-elle à ce que personnellement vous attendez de la lecture d'une œuvre littéraire ? Vous fonderez votre réflexion sur des exemples précis tirés de vos lectures. B- EPREUVE RELATIVE AUX ASPECTS SOCIAUX DE LA CIVILISATION CONTEMPORAINE 1) Dissertation Sujet 1 La normalité découle, de la conjugaison de comportements sociaux et psychologiques. Merton. Sujet 2 Les théoriciens de l'intelligence innée font le postulat que des parents intelligents génèrent des enfants intelligents. Pour eux l'intelligence est héréditaire. Jacquard. 2) Résumé - Discussion 1 - Résumez ce texte en 200 mots + 10 % 26 2 - Discussion «La société c'est donc plutôt "masculinisée", les femmes s'allignent, en quelque sorte, sur les normes traditionnelles des hommes.» Q'en pensez-vous ? Vous développerez votre réflexion dans un texte structuré et argumenté. Masculin/féminin. Un nouveau partage des rôles ? Parions qu'avec le recul, le mouvement d'émancipation des femmes et leur montée en puissance dans la vie publique apparaîtra comme l'un des changements sociaux les plus importants du XXème siècle. Cette montée en puissance, si elle semble aujourd'hui irréversible, ne s'est pas faite en un jour. Elle a accompagné le déclin progressif des sociétés patriarcales – tout au moins dans les pays occidentaux -, sans toutefois que l'on puisse dire si c'est la poule qui a fait l'œuf ou bien l'inverse… Toujours est-il que la fin du IIème millénaire aura vu s'amorcer une reconfiguration en profondeur des rapports entre les deux sexes et une reconsidération des rôles et des représentations de chacun d'eux, allant jusqu'à la reconnaissance de l'homosexualité, un tabou qui, il y a encore quelques décennies, paraissait pourtant indépassable. Ces transformations sont trop récentes et évolutives pour brosser un tableau des sociétés de demain, annoncées comme postmodernes. Elles apportent chaque jour leur lot de nouveautés et de problèmes. Bien des femmes, par exemple, estiment qu'elles ne sont qu'au milieu du gué et que rien n'est définitivement acquis dans leur marche vers l'égalité. Les hommes, quant à eux, subissent de plein fouet ces changements sociologiques qui invitent à la construction de nouvelles identités masculines. Comment en est-on arrivé là ? Peut-on dire que l'on s'achemine vers l'avènement de sociétés véritablement mixtes ? La lame de fond de l'émancipation féminine "Les luttes des femmes n'ont pas attendu cette fin de millénaire pour se manifester, écrit le sociologue Manuel Castells. Elles sont depuis toujours une des composantes de l'expérience humaine, même si elles ont revêtu des formes très diverses qui sont la plupart du temps ignorées des livres d'histoire et totalement absentes des documents écrits"1. En France cependant, les travaux sur l'histoire des femmes marquent la Révolution française comme un point de rupture. En proclamant l'égalité des individus et l'accès de tous à la citoyenneté, les membres de l'Assemblée constituante décidaient intentionnellement - car le problème était posé par des révolutionnaires comme Condorcet ou des femmes comme Olympe de Gouges - , de laisser la moitié de la gent humaine "aux portes de la Cité". Ils transformaient ainsi une situation multiséculaire et informelle d'assujettissement des femmes en une inégalité réelle et tangible, que les "suffragettes" ne manquèrent pas de dénoncer tout au long du XIXème siècle. Ce n'est pas, pourtant, par la voie politique que les femmes sont sorties du statut de gardiennes du foyer, où les cantonnait le modèle bourgeois du XIXème siècle. Le domaine politique est même le bastion le plus récent dans lequel elles commencent seulement à entrer. Certes, les Françaises ont obtenu le droit de vote en 1944, au sortir de la Seconde Guerre mondiale (très tardivement d'ailleurs, par rapport à la plupart des pays européens). Mais il semble que ce sont plutôt les formidables évolutions économiques, scientifiques et sociales à l'œuvre durant les Trente Glorieuses, puis les ondes de choc issues des mouvements de 1968, qui aient radicalement fait évoluer la condition féminine, en France comme dans tous les pays occidentaux. D'une part, les femmes ont profité du contexte de forte croissance économique de l'après-guerre pour entrer massivement dans le monde du travail. Depuis les années 60, l'augmentation de la population active leur a été presque exclusivement due, et leur progression s'est poursuivie même pendant les "années chômage" : aujourd'hui, elles en constituent plus de 45%. En France, où le taux d'activité féminine est l'un des plus forts d'Europe, quatre femmes sur cinq en âge de travailler ont un emploi. Parallèlement, les filles sont devenues aussi nombreuses que les garçons dans l'enseignement secondaire et à l'université, avec des réussites en moyenne meilleures : elles sont, par exemple, plus nombreuses à obtenir le baccalauréat. Si elles sont restées longtemps cantonnées massivement dans les filières littéraires, le score des filles au baccalauréat scientifique est aujourd'hui meilleur que celui des garçons, et elles sont de plus en plus nombreuses à s'engager dans des études scientifiques. Mais on ne pourrait pas parler d'émancipation féminine sans mentionner un troisième facteur apparu dans les années 60 et issu des progrès scientifiques : grâce à la contraception, les femmes ont pu, pour la première fois de leur histoire, maîtriser leurs maternités. "Un enfant si je veux et quand je veux", proclamaient les féministes des années 70. La voix d'une poignée de femmes qui paraissaient, il y a trente ans encore, à la pointe d'un combat considéré pour beaucoup comme extrémiste, voire utopique, est aujourd'hui devenu un discours quasi consensuel. L'État providence n'est d'ailleurs pas en reste dans ce mouvement d'émancipation. De la dépénalisation de l'avortement (1975) aux lois sur l'égalité professionnelle (lois Roudy, 1983), de la suppression de la tutelle maritale (1965) au partage de l'autorité parentale (1987), l'égalité des sexes est devenue l'un des objets du droit français et européen. L'effondrement du patriarcat Le patriarcat, affirme encore M. Castells, a jusqu'à peu constitué une structure fondamentale des sociétés contemporaines. Il se définissait "par l'autorité institutionnalisée des hommes sur les femmes et les enfants au sein du groupe familial". Mais il avait aussi "pénétré toute l'organisation sociale, de la production et de la consommation à la politique, au droit et à la culture". 1 M. Castells, L'Ère de l'information, T.II ; Le Pouvoir de l'identité, Fayard, 1999. 27 Au XIXème siècle, Alexis de Tocqueville, père fondateur de la sociologie politique, avait présagé que les progrès de la démocratie allaient entraîner une extension inéluctable des libertés et des principes d'égalité entre les individus. Cette évolution s'est brusquement accélérée dans la seconde moitié du XXème siècle. Les analyses critiques d'auteurs comme Michel Foucault2, des mouvements comme celui de l'antipsychiatrie, le développement de nouvelles théories sur l'éducation de l'enfant, le "freudomarxime" ont constitué autant de remises en question de l'organisation sociale traditionnelle. De leur côté, les féministes soixante-huitardes ont fustigé les figures du Père, du Professeur, du Patron… Depuis une trentaine d'années, les figures de l'autorité ont perdu une grande part de leur légitimité, que ce soit dans le monde du travail, à l'école, ou dans la vie politique, comme le montrent les actuelles mises en examen des hauts personnages de l'État. Tous les sociologues s'accordent pour attester d'une révolution des mœurs dans laquelle l'autonomie, le respect des individualités, la permissivité sont devenues des valeurs centrales. Bien sûr, ces changements ont atteint la famille. Le Code Napoléon avait tenter de réaffirmer la toute-puissance du paterfamilias sur son épouse et sa progéniture (il pouvait par exemple demander l'emprisonnement d'un enfant jugé indigne). Cependant, depuis la Révolution française, le ver est entré dans le fruit. Les révolutionnaires, en invalidant la possibilité pour un père de déshériter ses enfants, ont mis le premier coup de canif dans le potentat familial. Au XIXème siècle, l'État s'est progressivement immiscé dans le contrôle des familles, en promulgant des lois qui aboutissent à une certaine protection des femmes et des enfants. La scolarité obligatoire, par exemple, vient arracher ceux-ci à la mainmise pleine et entière de l'autorité familiale et donc paternelle. En définitive, la puissance du père a subi une lente érosion avant les remises en question radicales de ces dernières décennies. Pour autant, l'avènement des "nouveaux pères", proclamé dans les années 80, reste aujourd'hui assez flou. Certes, dans la famille, les relations hiérarchiques ont laissé la place au contrat et à la négociation dans le respect de chacun. La sociologie de la famille montre que la fragilité accrue des liens conjugaux produit actuellement un renforcement des liens de filiation, faisant que même lorsque le couple est séparé, certains pères se battent pour rester partie prenante dans l'éducation de leurs enfants. D'autres en revanche, s'évaporent dans la nature… Quoi qu'il en soit, selon le sociologue Gérard Neyrant, "le rôle paternel, désinvesti de sa position de contrôle et d'autorité, voit s'ouvrir le champ des possibles"3. Même si les statistiques montrent que leur investissement dans les tâches éducatives reste limité (les pères consacrent deux fois moins de temps aux tâches éducatives que les mères), la figure du père autoritaire a bel et bien laissé place à celle de pères plus à l'écoute, capables de "paterner" et d'établir une connivence affective avec leurs enfants. La position du père s'est déplacée du registre de la loi au domaine affectif, entraînant, comme le souligne aussi G. Neyrand, "une fragilisation extrême" de sa position. Le partage de l'autorité parentale instauré dans le droit a confirmé "une intériorisation acceptée de la bipartition des rôles parentaux" à l'heure où la complexité des nouveaux modèles familiaux, avec les diverses recompositions familiales et la multiplication de procréations médicales de plus en plus complexes vient brouiller les repères. Une déconstruction des identités masculines ? Plus globalement, les reconfigurations familiales, les nouveaux rôles sociaux féminins, la montée de valeurs "postmodernes" – plus axées sur la négociation que sur la force, sur la médiation de la parole que sur la violence, sur l'épanouissement et la solidarité plutôt que sur la compétition – questionnent en profondeur les nouvelles identités masculines. Une virilité trop ostentatoire, le machisme et le phallocentrisme n'ont plus la cote dans nos sociétés, et toute manifestation excessive d'affirmation masculine, dans certains milieux sociaux tout au moins, peut devenir rapidement l'objet de la risée générale. Bien des hommes se sentent piégés dans cette affaire : les mutations ne se font pas en un jour et la vie quotidienne distille son lot d'injonctions contradictoires quant aux nouveaux rôles masculins ("sois un homme !" versus "laisse parler tes émotions"). Le temps n'est pas si loin, comme l'explique l'historien André Rauch, où l'identité masculine se construisait sur "les qualités distinctives de la virilité" et sur une vision radicale, teintée de misogynie, de la différence des sexes4… Aujourd'hui, il n'est plus guère possible de nier que les mutations sociales et culturelles récentes ont jeté les bases d'une déconstruction de l'identité masculine traditionnelle. Paradoxalement, alors que les études sur le genre (c'est à dire la construction sociale des sexes) ont fleuri depuis trente ans à propos des femmes, les travaux sur les hommes commencent seulement à se faire jour. Ont-ils été retardés, comme le suggère l'anthropologue Daniel Welzer-Lang5, spécialiste des recherches sur le masculin, par une tradition intellectuelle destinée à maintenir le statu quo de la domination masculine ? Féminité, masculinité, hétéro- ou homosexualité… Les repères semblent s'estomper. L'air du temps propose plutôt la reconnaissance d'une diversité de modèles, dont aucun ne devrait primer sur les autres. Toujours est-il que la mixité et l'égalité des sexes si elle est aujourd'hui pensée, même diversement, par les philosophes et les sociologues, a encore de grands progrès à faire dans les pratiques. Une mixité encore inégale Sur ce point, les analyses sociologiques abondent pour traquer la persistance des inégalités entre les sexes. Dans le monde du travail par exemple, les différences de salaire entre hommes et femmes - à diplôme égal – perdurent, évaluées selon les données de 12 à 20%. C'est surtout dans les professions à bas salaire que les femmes connaissent les inégalités les plus criantes : elles sont plus nombreuses à être touchées par le chômage et par les temps partiels contraints. Dans les études, les filles se sont longtemps tenues à l'écart des spécialisations scientifiques, considérées dans les représentations comme plus masculines. Les progrès ont été notables ces dernières années, mais certains domaines restent très masculins, comme par exemple l'École polytechnique, ou la recherche aérospatiale et aéronautique. 2 M. Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Gallimard, 1975. G. Neyrand, "Les mésaventures de la question du père", Sciences Humaines, n°112, janvier 2001. 4 A. Rauch, Le premier sexe. Mutation et crise de l'identité masculine, Hachette, 2000. 5 D. Welzer-Lang, Nouvelles approches des hommes et du masculin, Presses Universitaires du Mirail, 2000. 3 28 Si chaque année apporte son lot de statistiques, ces évolutions étant soumises à la surveillance vigilante des sociologues, on peut cependant remarquer que les progrès vont dans le sens d'une égalitarisation croissante. Encore minoritaires dans les postes de cadres et dans les équipes dirigeantes, les femmes sont cependant de plus en plus nombreuses à y accéder. En politique, la loi sur la parité (votée en 1999), après avoir provoqué de passionnés débats, semble devoir permettre de combler le retard que les femmes continuaient d'accuser au niveau de la représentation politique. Mais c'est finalement dans la sphère domestique que les différences demeurent les plus criantes. Les femmes, aujourd'hui désireuses de mener de front vie publique et vie privée, sont confrontées, comme l'explique la sociologue Dominique Méda6, à la double journée de travail. Le noyau dur des tâches domestiques et éducatives reste, en moyenne, à 80% à leur charge. Sur ce point, les chiffres semblent stagner et le partage des rôles dans l'intimité du foyer est loin d'être acquis. L'investissement des "nouveaux pères" s'avère donc encore très relatif. La majorité des familles monoparentales, par exemple, est composée de femmes à qui revient encore souvent la charge entière de l'éducation des enfants. Malgré tout, la fin du IIème millénaire se lit comme une ère de changements considérables en ce qui concerne les rapports entre les sexes dans les sociétés occidentales. Il ne faudrait pas oublier cependant que, dans le reste du monde, le modèle patriarcal familial et social reste encore une norme bien ancrée. Masculin/Féminin In : Hors-série Questions de notre temps Septembre 2001. 6 D. Méda, Le Temps des femmes. Pour un nouveau partage des rôles, Flammarion, 2001. 29 SESSION 2004 A- EPREUVE DE FRANÇAIS LITTERAIRE Vous traiterez au choix l’un des deux sujets : 1) Dissertation littéraire : « Quel roman ! », dit-on d’une histoire invraisemblable ; et quand on veut isoler un fait réel des commantaires superflus qu’il a suscités, on ajoute parfaois : « Tout le reste est littérature ». Est-ce à dire que l’œuvre littéraire n’entretient aucun rapport avec la vie réelle ? Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur votre culture littéraire personnelle. 2) Commentaire composé Jean Cocteau, La Machine Infernale, acte IV, fin, P. 133 à 135 B- EPREUVE RELATIVE AUX ASPECTS SOCIAUX DE LA CIVILISATION CONTEMPORAINE 1) Dissertation Sujet 1 En conformant l'enfant aux rôles attendus de la société, la famille et l'école le conduit à devenir un être social et sexué. P. Tap. Sujet 2 La normalité ne peut être pensée qu'en terme de réalité sociale et psychologique, l'une ne pouvant aller sans l'autre. D. Cooper. 2) Résumé - Discussion 1 - Résumez ce texte en 180 mots + 10 % 2 - Discussion Que pensez-vous de cette logique du projet que M.C. Jaillet qualifié de « nouvelle norme sociale » ? Vous organiserez votre réflexion dans un texte structuré, argumenté et finalisé. L'injonction au projet comme nouvelle contrainte sociale Le RMI, qui associe une prestation financière et un contrat d'insertion, définit ce dernier en référence à l'expression par l'allocataire d'un projet personnel. Mais cette injonction à la formulation d'un projet est loin de ne s'adresser qu'aux allocataires du RMI. Chacun est aujourd'hui sommé d'avoir un projet de vie, qui peut se décliner à l'infini, de projet familial en passant par le projet professionnel ou le projet résidentiel ou encore le projet de formation… L'individu contemporain semble ne pas pouvoir exister sans projet. Celui-ci est à ce point devenu un attribut incontournable, interrogeable à tout moment qu'il apparaît bien comme une nouvelle contrainte sociale. Comment comprendre cette insistance à disposer d'un projet, de projets ? Revenons d'abord sur la signification du mot : avoir un projet suppose d'avoir la capacité de se projeter dans l'avenir et de formuler un ou des objectifs à atteindre, car le projet n'est pas le rêve, il engage à sa réalisation. Développer un projet ce n'est donc pas rêver. Il s'agit d'une entreprise sérieuse qui est censée n'avoir rien de déraisonnable. Il faut y montrer de la persévérance et de la constance au risque sinon d'être considéré comme instable. Tenir à son projet, ne pas en changer ni en dévier sont le gage de sa consistance. Si l'on revient un instant dans le champ des politiques sociales et plus précisément encore de la mise en œuvre du RMI, cette remarque, quant à ce qu'indique le terme projet, n'est pas sans conséquence sur ce qui se trame entre l'allocataire et son référent, au moment où ceux-ci ont à définir et à négocier le contenu du contrat d'insertion. Si le premier est sommé de dire quel est son projet, encore faut-il que ce projet soit apprécié par le second comme susceptible d'être réalisé. Il faut donc bien en conclure que le projet n'est pas que la projection du seul désir de l'allocataire puisqu'une des caractéristiques exigées est d'être réaliste. En d'autres termes, le désir de l'individu n'est considéré comme un projet légitime, qu'il est donc en droit de revendiquer, que s'il est symboliquement validé par la société ou qui la représente. Pour le reste (la part de "rêve"), il lui est demandé implicitement d'y renoncer, ou d'en faire le deuil. Elle ne peut en tout cas faire l'objet d'une transaction sociale. 30 La généralisation du projet comme effet de l'individuation A tenter d'en comprendre les ressorts, on pourrait avancer l'idée que la nécessité dans laquelle se trouve placé aujourd'hui chaque individu d'avoir un projet est probablement une des conséquences de l'individuation. En effet, dans des sociétés où la destinée de l'individu était au fond écrite indépendamment de lui, par la tradition, sur prescription familiale, comme la simple reproduction d'une condition connue, souvent celle de la génération précédente, le destin de l'individu ne lui appartenait pas. Nul besoin alors de formuler pour soi un projet. On peut illustrer très simplement ce propos en rappelant que, pendant des générations, chacun savait en naissant quelle allait être sa place. C'est bien la mobilité sociale horizontale qui prévalait pour le plus grand nombre : le fils de maçon avait de fortes chances de le devenir lui-même, de même que celui de mineur ou d'ouvrier sidérurgiste ou de paysan. On dérogeait rarement à son destin. Parfois l'insistance de l'instituteur poussait à faire des études, ce qui ouvrait à d'autres trajectoires. Cette prédétermination des rôles sociaux s'accompagnait souvent d'un encadrement de chacun par des institutions sociales (la famille, la communauté "villageoise" puis, avec l'industrie fordiste, l'usine mais aussi le syndicat, sans oublier le rôle des églises et des partis) qui étaient à même de fournir assurance et sécurisation, tout en inscrivant l'individu dans une histoire plus collective, un "geste", un combat plus qu'un projet. La transformation du fonctionnement des sociétés, sous l'effet de la généralisation de l'instruction et de l'accès à des informations en nombre toujours plus grand, comme sous l'effet de la mutation du système productif par le renouvellement de plus en plus rapide des technologies, s'est traduite par l'aspiration de chacun à devenir maître de son destin. C'est un peu comme si chacun au fond était désormais appelé à inventer son histoire, à être "auteur de sa vie". Parfaitement légitimé à se libérer de ce qui apparaît comme l'entravant, l'individu aspire à la fois à son autonomie et à son épanouissement. Il veut désormais décider de ce qu'il fera. La place d’ individu ne lui est plus dévolue, il lui faut désormais la gagner. Chacun est donc non seulement autorisé à exprimer un projet, à se projeter dans un lieu, une condition, un métier, mais est quasiment placé dans l'obligation de le faire. Cette nouvelle axiomatique peut donner le vertige. Il y aurait là une conception quasi "managériale" de la condition humaine, procédant par objectifs et moyens. L'individu sera-t-il pourvu des compétences qui lui permettront d'être à la hauteur de cette exigence ? Il n'est pas certain que l'ensemble des individus dispose également de telles capacités. D'autant que l'autonomie n'est pas que liberté, elle est aussi devenue une nouvelle norme sociale, une sorte de nouvelle règle du jeu à laquelle chacun doit se soumettre. Elle se traduit par de nouvelles contraintes et, en particulier, celle de la nécessité d'exprimer un projet, nécessité qui pèse y compris sur celles et ceux qui sont placés dans des situations de vie, matérielles et psychiques, trop précaires pour être compatibles avec la moindre capacité à se projeter hors de l'exigence du quotidien le plus prégnant. L'assurance comme condition nécessaire à la formulation d'un projet Car pour se projeter, il faut être sinon tout à fait sécurisé, du moins suffisamment assuré pour en prendre le risque. Or l'injonction au projet s'opère au moment où le fonctionnement des sociétés insécurise de plus en plus les individus qui la composent et là n'est pas son moindre paradoxe : porter pour une part sur des individus que la société place dans des situations de relative insécurité, et cette insécurité ne pèse pas seulement sur ceux qui sont confrontés à la précarité ou à la pauvreté. Quand le quotidien requiert de leur part autant d'énergie, comment ceux-là peuvent-ils encore avoir de la ressource pour se projeter ? Quand ils ont aussi peu de maîtrise sur leur environnement proche, comment disposeraient-ils de cette sécurité minimale qui autorise à ne plus simplement regarder le présent pour en conjurer le caractère aléatoire mais à regarder un peu plus loin devant soi ? De très nombreux travaux se sont attachés à montrer la mobilisation de tous les instants qu'exige la simple survie matérielle. Ils font douter que les individus qui ont à assumer un tel poids du quotidien puissent disposer de la faculté de s'en abstraire pour énoncer ce qui pourrait être de l'ordre du projet. Sans doute rêvent-ils de s'en sortir mais ce n'est pas ce qui leur est demandé. Le projet n'a pas grand-chose à voir avec l'évasion. Quant aux autres, qui ne sont pas requis de la même manière par l'impérieuse nécessité de la survie quotidienne, se projeter n'est pas non plus pour eux sans risque, tant le fonctionnement de la société est devenu de moins en moins prévisible, de plus en plus incertain. Et cette incertitude pèse bien sûr également sur le destin des individus. Dans le même temps où chacun fait sans doute l'expérience de sa possible liberté, il fait aussi l'expérience d'une société qui se dérobe et lui échappe tant la complexité de son fonctionnement rend toute prévision aléatoire. Projet et responsabilité indéfectiblement liés Le risque de formuler un projet, c'est aussi celui d'être confronté à son échec, à l'incapacité à le mener à bien, sans pouvoir au final en imputer la responsabilité à un tiers. Etre ou se croire libre de son destin, c'est aussi devoir assumer la responsabilité de ses atermoiements, de ses doutes. Car, si les sociétés contemporaines sont marquées par la possibilité donnée à chacun de "faire sa vie", de tracer sa trajectoire, elles obligent ceux qui échouent à faire l'expérience douloureuse d'une solitude absolue et d'une sorte de disqualification sociale. Le projet par essence s'énonçant, sa réalisation ne saurait être tenue secrète. Elle s'opère sous le regard de qui en a été pris à témoin : du compagnon, de l'ami ou de l'institution. Si le succès est valorisant parce qu'il résulte, par nécessité, des qualités et mérites de l'individu, contribuant à améliorer sa valeur, à ses propres yeux comme à ceux de son environnement, il est en revanche impossible de se défaire de son échec puisque le projet est bien l'expression, au moins partielle, de son propre désir et non pas le résultat de celui d'un autre, qu'il soit le père, la communauté ou qu'il incarne "la société". Il y a, dans cette nouvelle manière pour les individus de "jouer leur vie", des règles du jeu d'une certaine dureté bien plus que de l'empathie. La réalisation du projet réactive les inégalités sociales Nouvelle norme sociale à laquelle chacun est prié de se conformer, la logique du projet, malgré les apparences, reste socialement discriminante, réactivant entre les individus, les inégalités de ressources et le "capital social" pour reprendre le terme de Pierre Bourdieu. Car, contrairement aux apparences, l'individu, pour réaliser son projet, ne saurait compter sur ses seules forces, sur sa seule énergie ou sur ses seules capacités intellectuelles ou relationnelles. Il bénéficie également des ressources de son environnement social, qu'elles soient matérielles ou immatérielles. Et l'analyse sociale a montré depuis 31 longtemps qu'en la matière, les individus n'étaient pas à égalité de chances. Dès lors, la rhétorique du projet, qui survalorise la motivation comme ressort de la réussite, pour séduisante qu'elle apparaisse, peut se révéler être un leurre et du même coup accroître les frustrations de ceux qui sont confrontés à ce défaut de ressources. Tel est bien souvent le cas des personnes inscrites dans la nécessité du projet par les dispositifs de l'action sociale. Certes, la possibilité qui leur est donnée d'énoncer un projet peut être appréciée comme une seconde chance, d'autant qu'ils peuvent bénéficier des ressources que ces programmes mettent à leur disposition, au titre d'une compensation de ce défaut de "capital" qu'ils ne peuvent mobiliser par eux-mêmes. C'est bien là, dans le Revenu Minimum d’Insertion, une des significations possibles du contrat, que cette mise au service du projet de l'individu d'un certain nombre de ressources en échange de l'énonciation d'un projet qui symboliserait la conformation à cette règle impérieuse du jeu social qu'est désormais devenu le principe d'autonomie. Mais cette mobilisation de la société pour aider à la réalisation du projet l'autorise du même coup à se préoccuper de son contenu et à vérifier si l'individu qui le porte a la capacité ou non de le réaliser. L'on sait que, dans ce travail d'appréciation, il y a souvent, pour celui qui le subit, plus que du désenchantement, une manière d'être rappelé à l'adhérence de sa condition, alors même que le projet repose, nous le disions plus haut, sur une capacité à se projeter hors de soi-même, ou en d'autres termes à s'arracher à sa condition.(…) 1- Marie-Christine Jaillet 2- De la généralisation de l’injonction au projet In Revue Empan N°45 Mars 2002 32 SESSION 2005 A- EPREUVE DE FRANÇAIS LITTERAIRE Vous traiterez au choix l'un des deux sujets suivants : 1) Dissertation Dans une lettre à sa sœur Pauline Beyle, datée du 3 août 1804, Stendhal écrivait : "Tu sens bien que, dans les romans, l'aventure ne signifie rien : elle émeut et voilà tout ; elle n'est bonne ensuite qu'à oublier. Ce qu'il faut, au contraire, se rappeler, ce sont les caractères." En prenant des exemples précis dans vos lectures personnelles, sans vous limiter au roman, vous direz si vous partagez ce point de vue. 2) Commentaire composé du texte suivant, extrait de la guerre de Troie n'aura pas lieu, de Jean Giraudoux, acte I, scène 9, p. 94-96 : B- EPREUVE RELATIVE AUX ASPECTS SOCIAUX DE LA CIVILISATION CONTEMPORAINE 1) Dissertation Sujet 1 L’éducation familiale et scolaire normalise l’enfant et le conduit ainsi à adopter les comportements de la vie sociale (1). (1) comportements de la vie sociale renvoient aux comportements de fille et de garçon c’est à dire aux rôles de sexe Sujet 2 La normalité est-elle seulement un fait social, comme le dit Pièron, ou seulement un fait psychologique, comme le mentionne Anna Freud. D. Cooper. 2) Résumé - Discussion 1 - Résumez ce texte en 180 mots + 10 % 2 - Discussion Vous choisirez un thème qui suscite la discussion. Vous rédigerez un essai, à partir du sujet, construit et argumenté et faite d'une conclusion. LES NOUVEAUX COMBATS DES FEMMES Dans la lutte millénaire pour l’égalité des sexes, rien n’est jamais acquis. La légalisation de l’IVG, en 1975, a été une avancée historique. Cet anniversaire est l’occasion de mesurer le chemin qui reste à parcourir. Contre les violences conjugales, ce fléau caché, contre les inégalités professionnelles qui persistent, contre les nouvelles formes de discrimination et de sexisme qui sévissent dans certaines banlieues, la bataille n’est pas gagnée. Elle commence. “ Cette fois, c’est gagné ” Souvent les femmes –de Lysistrata, pionnière de la guerre du sexe, à Aurore Dupin, dite George Sand- ont cru qu’elles allaient obtenir ce qu’elles attendaient depuis des millénaires : les droits normaux auxquels pouvaient prétendre la moitié féminine de l’humanité. Mais non, ce n’était jamais gagné. Il fallait se résigner, oublier, repartir à zéro. Pendant ce temps l’histoire continuait à s’écrire au masculin puisque les femmes n’existaient toujours pas. Mais au tournant du XXème siècle, les femmes se réveillent. Terminée la résignation. Finie la soumission. Elles vont lutter pour leur liberté, arracher leurs droits un à un, déclenchant finalement une vraie révolution qui va bouleverser leurs rapports avec les hommes et transformer la société. Société occidentale, certes. Mais la vague de fond du féminisme est un mouvement à vocation universelle dont on n’a pas fini de voir toutes les implications. Plutôt qu’une “ longue marche ”, ce fut un ouragan -au regard de l’histoire-. Le retard à combler était tellement énorme qu’il fallait parer à tout au plus vite, ouvrir des brèches sur tous les fronts à la fois. Et d’abord sur celui de l’instruction. Les féministes savent que là est la clé de l’émancipation. Au XIXème siècle, les petites filles pauvres étaient vouées à devenir paysannes, domestiques, ouvrières ou couturières à domicile. Tout change en 1879, lorsque Paul Bert impose la création dans chaque département d’une école normale pour former les nouvelles institutrices laïques, qui seront les pionnières de la République. Scandale ! Ces écoles sans Dieu ne vont-elles pas instiller dans les jeunes cerveaux des idées d’insoumission ou, pis, d’égalité ? Exactement ce qui se passe. Dès qu’elles sont un peu instruites, les filles des milieux populaires entrent en masse dans les bureaux, les administrations, les banques et bien sûr l’enseignement. En 1901, le premier concours pour “ dames dactylographes ” ouvre à des milliers de femmes des perspectives d’emploi stable et de promotion sociale. Le député Sylvain Maréchal, qui en 1801 proposait sérieusement une loi “ portant défense d’apprendre à lire aux filles ”, se retourne dans sa tombe. 33 L’enseignement secondaire suit. L’égalité des programmes et donc l’accès des filles au bac ne seront acquis qu’en 1924. Hurlements. Ce surmenage intellectuel (les femmes sont si fragiles) va “ compromettre la vitalité de la race française ”. Réponse immédiate : en 1945, 3,7% des bacheliers sont des filles. En 1965, elles sont aussi nombreuses que les garçons. Après le supérieur et les grandes écoles, la dernière citadelle masculine tombe en 1972 : 8 filles, dont le major Anne Chopinet, entrent à Polytechnique. Le pari de l’éducation est gagné. La conquête des droits personnels, sociaux et politiques se révèlera beaucoup plus difficile. Le travail, c’est la liberté. Encore faut-il en trouver, du travail. Avant tout, donc, faire ses preuves. C’est le moment des “ premières ”. Première avocate, Jeanne Chauvin. Première prix Nobel de physique, Marie Curie en 1903 (elle reste assise dans l’assistance pendant que son mari présente le travail de son épouse). Première “ chauffeuse de taxi ” parisienne, Mme Decourcelle (les chauffeurs se mettent en grève). En 1910, première pilote d’avion, Elise Deroche. Des milliers d’autres suivront. La démonstration est faite : les femmes peuvent occuper les mêmes postes que les hommes. La guerre de 1914 en apportera la preuve. En l’absence des hommes mobilisés, les femmes prennent la relève. Les ouvrières travaillent douze heures par jour, y compris le dimanche, dans les usines d’armement. Trois millions d’agricultrices font les moissons, les labours, nourrissent la France. Les bourgeoises deviennent infirmières, apprennent et diffusent les notions d’hygiène et de protection infantile importées par les Américaines. La guerre qui implique pour la première fois “ l’arrière ” serait-elle devenue facteur d’émancipation ? On l’a cru longtemps. A tort. Certes on constate quelques avancées imposées par les circonstances : les femmes mariées sont “ autorisées ” à disposer de leur salaire sans le feu vert du mari. Elles peuvent être tutrices légales de leurs enfants. Mais dès le 13 novembre 1918, deux jours après l’armistice, le ministre Loucheur ordonne aux travailleuses de “ rentrer au foyer ”. Celles qui étaient “ héroïnes du travail ” deviennent tout à coup voleuses de travail. Les femmes doivent désormais faire des enfants pour repeupler la France. Retour aux fonctions ancestrales. La Chambre “ bleu horizon ” vote en 1920 une loi réprimant “ la provocation à l’avortement et à la propagande anticonceptionnelle ”, qui instaure en fait le délit d’intention. “ Loi scélérate ” pour les militantes du birth control, qui existe déjà en Grande Bretagne et aux Etats Unis. En France ce sera, pendant quarante-sept ans, silence dans les rangs. Faut-il s’en étonner ? La guerre, affaire d’hommes, débouche toujours sur des mesures réactionnaires et machistes. Ce sera le cas après la guerre civile espagnole, en Algérie après 1962 et en France pendant la guerre de 1939-1945. Le 7 juillet 1940, juste après l’armistice -comme en 1918 !-, Pétain demande le licenciement des femmes travaillant dans les activités masculines. Il doit reculer en mai 1942 : on a encore besoin des femmes pour remplacer les 800 000 prisonniers, les 200 000 morts de 1939 et les ouvriers français dus STO qui partent travailler en Allemagne. Elles assument. Mais malgré l’action des résistantes, malgré les déportées, malgré les terribles régressions du régime de Vichy (une avorteuse est guillotinée le 30 juillet 1943), les femmes n’obtiendront en 1944 qu’une seule mesure, importante et longtemps attendue il est vrai : le droit de voter et d’être élues. In fine, elles n’arracheront leurs droits que grâce à des “ manifs ” -les féministes s’enchaînent sur Royale –et aux grèves que multiplient ouvrières et cousettes. Ce bilan pourrait sembler mince si on n’y ajoutait deux remarques. 1) En matière de droit juridique, les Françaises avaient une rude pente à remonter. Code Napoléon oblige, elles n’ont eu pendant le XIXème siècle que des droits politiques ou civils pratiquement nuls. <En 1904, les premières féministes ont beau brûler le Code, cette “ Bastille pour les femmes ”, devant le Palais-Bourbon, ses principales dispositions demeurent. En cas d’adultère, par exemple, la femme va en maison de correction ; l’homme paie une simple amende. La progression à venir sera d’autant plus lente. Points de repère : 1938, la loi supprime l’incapacité de la femme mariée, qui ne pourra pourtant gérer ses biens personnels qu’en 1965. 1970, partage de l’autorité parentale. 1982, l’égalité homme-femme est enfin instituée dans les textes, ce qui ne veut pas dire qu’elle soit réalisée dans les faits. 2) Plus réjouissant : puisque la voie politique est bloquée, les femmes vont agir sur ce qui leur appartient en propre, leur corps. Là, elles se lâchent, signent en 1909 une pétition contre le corset, bravent la loi en portant des pantalons, se coupent les cheveux, dansent le charleston, se glissent dans les robes moulantes de Poiret, osent les bas couleur chair et le maillot de bain, jouent avec de longs fume-cigarette. Elles s’émancipent à toute vitesse et elles ont bien raison. Car en 1929 “ le jeudi noir ” de Wells Stress sonne le glas des Années folles. Mais une liberté durement gagnée ne s’oublie pas. Grâce à elle, les femmes résisteront à la crise, à la guerre, aux lois de Vichy. Elles gagneront leur ultime liberté, celle de décider ellesmêmes d’avoir leurs enfants, de faire de la maternité un choix, un plaisir, et non plus la condition de leur légitimité. En 1967, quarante-sept ans après la loi scélérate de 1920, un député gaulliste et franc-maçon, Lucien Neuwirth, fait voter une loi autorisant la contraception. C’est une révolution. En 1974, une très belle femme brune aux yeux verts, la ministre Simone Veil, défend avec courage, sous les injures machistes de certains députés, la liberté d’avorter. Elle remporte la bataille. Peuton dire enfin “ C’est gagné ! ”, et gagné grâce à un homme, député, et une femme, ministre, alliés dans un féminisme apaisé , Rien n’est jamais acquis. Et l’enjeu est trop important pour ne pas veiller sur la loi Veil, parfois hypocritement sabotée, et s’alarmer des violences sexistes qui semblent se multiplier. Mais allons plus loin. Aujourd’hui moins que jamais il n’est question d’ “ en finir avec la femme ”, pour reprendre le titre d’un petit livre explosif de Valérie Toranian. Au contraire, tout recommence. A cause du foulard. Le voilà, le prochain combat de toutes celles qui n’osent plus se dire féministes mais qui continuent à croire que tout signe définissant la femme comme un objet impur ou un être inférieur est intolérable et ne doit pas être toléré. Trop évident ? Trop simple ? Pas du tout. Nos féministes d’aujourd’hui sont là-dessus divisées. Certaines, au nom du respect de la différence, ne veulent voir dans le voile qu’un acte identitaire. Le récuser serait de l’ingérence, du néocolonialisme. Pour d’autres, le voile, signe religieux, est reconnu partout dans le monde comme marque de l’infériorité de la femme. L’accepter au nom de la diversité culturelle cache “ un racisme ripoliné aux couleurs de la tolérance ” (Valérie Toranian). On s’empoigne donc. Que faire ? Ecouter les musulmanes, premières concernées ? Elles non plus ne sont pas d’accord. Les voilées affirment qu’en prenant le voile elles contraignent le monde religieux musulman à leur reconnaître un statut social et une certaine liberté. Les autres, “ ni putes ni soumises ”, se révoltent contre les maux des cités : tabous sexuels, mariages forcés, horreur des tournantes, sorties sous surveillance des “ frères ” qui peuvent aller jusqu’à brûler vives leurs sœurs indociles comme ils ont brûlé Sohane. Au cœur du cyclone nos féministes d’aujourd’hui sont curieusement absentes ou combattent sur des fronts plus calmes, comme les “ publicités sexistes ”. Valérie Toranian dénonce à juste titre leur silence assourdissant face aux violences faites à nos voisines de pallier, nos sœurs en droits et en citoyenneté, qui réclament d’urgence aide et solidarité. 34 Il est grand temps de réagir et de prendre parti. Comment ? En revenant aux fondamentaux. La mixité recule ? Il faut l’imposer. Dans les écoles de la République, la loi, votée, contre le port des signes religieux est contestée et contournée ? Il faut l’appliquer. Autour de nous, des femmes sont brimées, excisées, brûlées, battues, humiliées dans leur féminité ? Il faut s’y opposer au nom des droits à la liberté et à l’égalité que les femmes ont mis un siècle à arracher. Et il y a urgence. Face aux nouvelles menaces, aux archaïsmes qui resurgissent, les femmes doivent se remobiliser. Pour elles, aujourd’hui, moins que jamais, rien n’est acquis, rien n’est gagné. 35 EPREUVES D'ANGLAIS CONDITIONS GENERALES D'EXAMEN La durée de l'épreuve est de trois heures. Il s'agit de traduire en français un texte d'environ 250 à 300 mots, tiré soit d'une œuvre littéraire soit de la presse. Un dictionnaire bilingue est le seul document autorisé. SESSION 1995 Nothing my father could have worn would have made any difference. He was out of place in this New york café as the tuxedoed waiter would have been in a dusty horse corral. In this dimly lighted gathering of well-groomed people with soft faces and hands, he was an oddity with a leathered and creased face and hands that looked more like darkened wood than flesh. As we entered the café and followed the headwaiter to the table, people turned and watched. Yet, in spite of this scrutiny, my father was not ill at ease. Instead, he was as interested in the people about him as they ware in him. The waiters seemed to intrigue him the most. His eyes followed them, as they moved about, taking in the stiff correctness of their manner. It was inevitable that my father's first altercation would be with a waiter. We made it througth the soup and the salad without incident. It began when the waiter came to take away our salad plates and put on others for the main course. He collected John's and mine, and then reached for my father's. But he could not lift it, because my father was holding it to the table with both hands. "I'm sorry", said the waiter, "I thought you were finished". "I'm finished," said my father. "Oh," said the waiter, and again reached for the salad plate. My father held on. "May I take your plate, sir ?" said the waiter. My father shook his head. "It's all right," he said. "Don't go to any bother." The waiter blinked, and then smiled weakly. "Oh, it's no bother at all," he said, and again reached for the plate. This time, my father put his hands over the plate to protect it. The waiter stopped short and straightened up. He looked at us, and John gestured with his head. The waiter retreated to the back of the room and stood there watching us from long distance. He was pale and he still had a plate in his hands. adapted from Sweet Promised Land, Robert Laxalt, 1957. SESSION 1996 Surviving Deer Season The foothills of southeastern Vermont were once dairy country, although by the time I arrived, twenty years ago, dairying was mostly finished. One farm in the neighborhood still kept a few milkers7, though, and it was there that I became acquainted with a particular local custom that is, I find, rarely celebrated in articles on endearing rural ways through the seasons. Their authors will tell you how to mow hay in june, and make cider in october, but by failing to touch on the subject I refer to, they neglect a passage in the turning year that is as venerable as these. One morning in November, looking into my neighbor's pasture, I observed an uncanny thing : on the nearest of this animals the word COW had been painted with whitewash in letters two feet high. A further look revealed that the entire herd had been painted the same way. What was this ? Was the herd's owner perhaps expecting a visit from city people in need of rural education ? Was his tractor painted TRACTOR, his barn BARN ? The next morning Vermont's two-week deer-hunting season began. Just before dawn the slumbering woods etupted with the fell8 echo of small arms. By eleven the fire had mounted to a fusillade. Across the road, however, my neighbor's cows survived. They hugged the earth fearfully, like Tommies9 at the somme, but they were alive. After all, no deer hunter who could read would shoot a cow. 7 8 9 36 Since then I have become a close student of the lengths to which people go each year on the eve of deer season to provide a margin of safety for themselves, their loved ones, their livestock, their pets. This is the season when dogs wear brightly colored bandannas around their necks. Cats and smaller dogs, as far as I can tell, have to take their chances along with the deer. Are you a hiker, a birder, an idle tramper through the woods ? In deer season you think twice before setting out think twice and then stay home. The Atlantic Monthly, December 1995. 1 : milkers (des vaches laitières) 2 : adj. =sinistre 3 : Tommies : nom donné aux soldats anglais pendant la première guerre mondiale. Traduire par "les Poilus", nom donné aux soldats français. Ici, référence à "la bataille de la Somme " (... the Somme). SESSION 1997 Mr. Ramirez « What happened, Mr. Ramirez ? » asked Mrs O’Brian. Behind Mrs. O’Brian, as he lifted his eyes, Mr. Ramirez saw the long table laid with clean white linen and set with a platter, cool, shining glasses and a water pitche witch ice cubes floationg inside it, a bowl of fresh potato salad and one of bananas and oranges, cubed and sugared. At this table sat Mrs. O’Brian’s children - her three grown sons, eating and conversing, and her two younger daughters, who were staring at the policeman as they ate. « I have been here thirty months », said Mr. Ramirez quietly, looking at Mrs O’Brian’s plump hands. « That’s six months too long », said one policemam. « He only had a temporary visa. We’ve just got around to looking for him ». Soon after Mr. Ramirez had arrived, he bought a radio for his little room ; evenings he turned it up very loud and enjoyed it. And he had bought a wrist watch and enjoyed that too. And on many nights he had walked silent streets and seen the bright clothes in the windows and bought some of them, and he had seen the jewels and bought some of them for his few lady friends. And he had gone to picture shows five nights a week for a while. Then also, he had ridden the streetcars - all night some nights - smelling the electricity, his dork eyes moving over the advertisements, feeling the wheels rumble under him, watching the little sleeping houses and big hotels slip by. Besides that, he had gone to large restaurants, where he had eaten many course dinners, and to the opera and the theater. And he had bought a car, which later, when he forgot to pay for it, the dealer had driven off angrily from in front of the roominf house. « So here I am », said Mr. Ramirez now, « to tell you I must give up my room, Mrs. O’Brian. I come to get my luggage and clothes and go with these men ». « Black to Mexico ? » « Yes. To Lagos. That is a little town north of Mexico City ». « I’m sorry, Mr. Ramirez ». Ray Bradbury, « I see you never » (1947) SESSION 1998 Love at first sight When she was fifteen and started running away from home, Abby used to play her violin in parks and subway statins around Manhattan, keeping her violin case open and watching as people dropped in coins and crumpled bills. Those people had hardly ever looked at her. They’d kept their eyes downcast as they walked quickly by, then retreated to a distant corner lo listen. That was how she’d met her husband, Zach. Playing in Washington Square Park, trying to make money for food and rent. But he had walked right up to her. He’d looked her in the eye. Abby shook her head again? She did not want to start thinking about Zack. There had been no word from him since November, when he’d sent a dozen bunches of violets, the way he did every year for their anniversary. On the daythey’d been married, he’d shown up at her apartment after six months away from her, traveling in Europe, looking for inspiration for his art. When she’d apened her door he had not said anything except. ‘Let’s get married. » « When ? » she’d asked him. « Right now, » Zach had said, holding out a tiny bunch of violets. Her wedding bouquet. They had stood in line at City Hall for two hours, behind teenagers and foreign couples and pregnant women clutching the hands of their nervous grooms. Zach and Abby made up life stories for all of their nervous grooms. Zach and Abby made up life stories for all of them- political refugges, Mafia shotgun bride, escapees from Queens, She had not realized how nervous she’d been until she’d looked down and found herself holding a handful of broken stems, the violets floating to the dirty floor like purple confetti. Ann Hood, Three-Legged Horse, 1989. 37 SESSION 1999 Have your passports ready, please ! The boat-train was just coming in. A flood of chattering tourists surged towards the Customs sheds. Saunders allowed himself to be caught up in the crowd and waited patiently as it marshalled itself into the inevitable queue. Slowly now, step by step, they moved forward, jostling, laughing, bumping one another with their suitcases and haversacks. Somewhere ahead a tired voice was chanting : « British passports this way ! Have your passports ready, please ! » It was not until he had nearly reached the barrier that Saunders felt in his breast pocket - felt once, twice and yet again in desperate unbelief. Then he fell out of the queue and began to go through all the pockets in his suit, in vain. He tore open the little handbag that he carried and found nothing there but his things for a night or two away from home. « Have your passports ready, please ! » the voice repeated just over his head. « British passports this way ! » A long time after, it seemed to Saunders, another voice close by said to him, « Lost your passport, sir ? That’s a bit of bad luck. Perhaps you had you pocket picked ? It happens here sometimes, you know. » Saunders nodded dumbly. He could still feel Maggie’s arms as they went tenderly round him in that last, close embrace. « Afraid you can’t go on board without a passport, » the voice went on. « Spoiled your holiday, I’m afraid. But I shouldn’t worry too much, sir, just give the particulars in at the office. The police will find il all right. » And sure enough, they did. Cyril Hare, « The old Flame », 1954 SESSION 2000 Superman Years ago she had made her son, Rob, a Superman suit for Halloween. He must have been eight or nine at the time, a more excitable and passionate child than he was now. He had put it on and immediately run out into the backyard with the red cotton cape flying behind him. Brenda remembered that he was also wearing a pair of old blue tights, hers, and that they sagged ludicrously at the crotch and knees and ankles. But he seemed purely unaware of any imperfection. « You know », Brenda had marvelled, watching him through the kitchen window, « he really thinks he is Superman. Just look at him. » Jack, coming to the window to look, had smiled. « Clothes make the man. » Together they watched as their son tore back and forth across the grass, lept over the flower bed, his arms outstretched. « Up, up, and away, » they heard through the window, a wild cry. He whirled and soared and in a minute was over the bushes into Miss Anderson’s yard, grabbing for a branch of her oak tree, swinging widely, and dropping into her leaf pile. Miss Anderson next door was a witch, a fact well known to Brenda’s children and to the other children in the neighbourhood. Miss Anderson’s was the only house that they approached on Halloween night with thrilling terror, though year after year she met them, amicably enough, on her front porch, wearing her soiled robe and dropping wrapped caramels into their open sacks. Carol Shields, A Fairly Conventional Woman. SESSION 2001 At last year's Chinese New Year dinner, my mother had cooked eleven crabs, one crab for each person, plus an extra. She and I had bought them on Stockton Street in Chinatown. On Stockton Street, we wandered from one fish store to another, looking for the liveliest crabs. "Don't get a dead one," warned my mother in Chinese. "Even a beggar won't eat a dead one." I poked the crabs with a pencil to see how feisty they were. If a crab grabbed on, I lifted it out and into a plastic sack. I lifted one crab this way, only to find one of its legs had been clamped onto by another crab. In the brief tug-of-war, my crab lost a limb. "Put it back," whispered my mother. "A missing leg is a bad sign on Chinese New Year." Back home, my mother unwrapped the crabs from their newspaper liners and then dumped them into a sinkful of cold water. Then, one by one, she grabbed the crabs by their back, hoisted them out of the sink and shook them dry and awake. The crabs flexed their legs in midair between sink and stove. She stacked the crabs in a multileveled steamer that sat over two burners on the stove, put a lid on top, and lit the burners. I couldn't bear to watch so I went into the dining room. When I was eight, I had played with a crab my mother had brought home for my birthday dinner. I had poked it, and jumped back every time its claws reached out. And I determined that the crab and I had come to a great understanding when it finally heaved itself up and walked clear across the counter. But before I could even decide what to name my new pet, my mother had dropped it into a pot of cold water and placed it on the tall stove. Amy Tan, The Joy Luck Club (1989) 38 SESSION 2002 I called Sophie Fanshawe and told her I would be glad to see her whenever it was convenient. We decided on the following day, and she sounded grateful, even though I explained to her that I had not heard from Fanshawe and had no idea where he was. She lived in a red-brick tenement in Chelsea, an old walk-up building with gloomy stairwells and peeling paint on the walls. I climbed the five flights to her floor, accompanied by the sound of radios and squabbles and flushing toilets that came from the apartments on the way up, paused to catch my breath, and then knocked. An eye looked through the peephole in the door, there was a clatter of bolts being turned, and then Sophie Fanshawe was standing before me, holding a small baby in her left arm. As she smiled at me and invited me in, the baby tugged at her long brown hair. She ducked away gently from the attack, and turned him face front towards me. This was Ben, she said, Fanshawe’s son, and he had been born just three-and-a-half months ago. I pretended to admire the baby, who was waving his arms and drooling whitish spittle down his chin, but I was more interested in his mother. Fanshawe had been lucky. The woman was beautiful, with dark, intelligent eyes, almost fierce in their steadiness. Thin, not more than average height, and with something slow in her manner, a thing that made her both sensual and watchful, as though she looked out on the world from the heart of a deep inner vigilance. Paul Auster, The Locked Room, 1985 SESSION 2003 Music She was twenty-one when he first saw her, seated rather primly next to him on the Piccadilly Line, heading towards South Kensington. It was midafternoon. Like every other young woman in London, she was dressed from head to toe in a shadowless black, and on her lap sat a leather satchel. It was the sort of satchel a girl might inherit from her adoring barrister father, and this was the truth of the matter (he found out later), except that the father was a piano teacher, not a barrister, and that his adoration was often shaded by exasperation – which one can understand. After a moment of staring straight ahead, she snapped open her satchel, withdrawing several sheets of paper covered with musical notations. (He was on his way to Imperial College for a lecture on reinforced concrete; she was about to attend an advanced class in Baroque music.) He had never before seen anyone “read” music in quite this way, silently, as though it were a newspaper, her eyes running back and forth, left to right, top of the page to the bottom, then flipping to the next. The notes looked cramped and fussy, but she took in every one, blinking only when she shifted to a new page. He imagined that her head was filled with a swirl of music, that she was actually “hearing” a tiny concert inside that casually combed head of hers. And his head ? – it was crammed with different stuff : equations, observations, a set of graphs, his upcoming examinations, and the fact that his trousers pocket had a hole in it, leaking a shower of coins on to the floor as he stood up. Adapted from Carol Shields, Dressing up for the Carnival (2000) SESSION 2004 (Un jeune garçon de huit ans trouve la maison vide en rentrant de l’école : ni son père ni sa mère ne sont là.) If they didn’t come back tonight he wouldn’t go to school in the morning. They’d shout at him when they found out, but that didn’t matter if they were dead. It was eight o’clock, and he wondered where they were. [...] If they didn’t come soon he would have to go upstairs to bed, but he thought he would get some coats and sleep on the sofa down here, with the gas shining bright, rather than venture to his bedroom alone. [...] He walked across the room to the coat hooks in the recess, but his mother’s and father’s coats had gone, as he should have known they would be, since neither of them was in. There was nothing to put over himself when he went to sleep, but he still wouldn’t go upstairs for a blanket. It would be as bad as going into a wood at night. He had run across the road when a bus was coming, and seen Frankenstein once on the telly, but he wouldn’t go into a wood at night, even though lying Jimmy Kemp claimed to have done so. [...] When he was busy rolling up the carpet in front of the fire, his parents suddenly appeared to him, their faces side by side with absolute clarity, and he wished they’d come back. If they did, and asked what the bloody hell he thought he was doing rolling up the carpet, he’d say well what else do you expect me to do ? I’ve got to use something for a blanket when I go to sleep on the settee, haven’t I ? A. Sillitoe, “Enoch’s Two Letters”, 1981. SESSION 2005 On the way home Avery Broussard walked up the beach with his duffle bag over his shoulder and entered the pavilion. It was midafternoon and no one was at the bar. Two fishermen sat at one of the marble-topped tables. He drank a draught beer from a thick glass mug filmed with ice on the outside, and watched the fishermen hand-wrestle. He drank down the cold beer and ordered another. He counted the money in his wallet. He had fifteen dollars, enough to buy a bottle 39 and get him home. He had quit his job on the oil exploration crew that morning, and he wanted to catch the afternoon launch to the mainland in order to be at the house by nightfall. He sipped the beer and looked out over the beach at the few palm trees and the sun bright on the water. He bought a bottle of bourbon and put it in his duffle to drink on the way home. He walked slowly down the beach towards the landing. He wondered what his father would say when he saw him again. Avery had written home only twice since he started to work on the crew. Several times he had wanted to write his father and tell him why he had gone, but he could never find the proper words. His father wouldn't have understood, just as he didn't understand when Avery's older brother Henri had left. The father and the sons were apart in time. Avery hoped that now things could be different from what they had been, and that he wouldn't have to go away any more. Adapted from James Lee Burke, Half of Paradise (1965) 40 EPREUVES D'ESPAGNOL CONDITIONS GENERALES D'EXAMEN La durée de l'épreuve : 3 heures. Document autorisé : un dictionnaire bilingue espagnol - français. SESSION 1995 Don Federico consultó su reloj, comprobó que eran las doce, dijo a la media docena de empleados de "Antirroedores S.A." que podían partir a almorzar, y no les recordó que estuvieran de vuelta a las tres en punto, porque todos ellos sabían de sobra que, en esa empresa, la imputualidad era sacrílega : se pagaba con multa e incluso despido. Era un hombre que inspiraba temor e ideas lúgubres, alguien a quien bastaba cruzar en la calle para advertir que era distinto a sus conciudadanos. Estaba en la flor de la edad, la cincuentena, y sus señas particulares -frente ancha, nariz aguileña, mirada penetrante, rectitud en el espíritu- hubieran hecho de él un Don Juan si se hubiera interesado por las mujeres. Pero don Federico había consagrado su existencia a una cruzada y no permitía que nada ni nadie lo distrajera de ella. Esa guerra la libraba desde hacía cuarenta años y tenía como meta el exterminio de todos los roedores del territorio nacional. La razón de esta quimera la ignoraban sus conocidos e incluso su esposa y sus cuatro hijos. Don Federico la ocultaba pero no la olvidaba : día y noche ella volvía a su memoria, pesadilla persistente de la que extraía nuevas fuerzas para perseverar en ese combate que algunos consideraban estrambótico, otros repelente y, los más, comercial... (Don Federico recuerda su infancia). Lo ocurrido ocurrió de manera simple y atroz. En una cabaña dormían Federico y su hermana. Pero el niño acostumbraba, en épocas de calor, sacar su camastro a orillas del río, donde dormía arrullado por el agua. Es lo que había hecho esa noche (se lo reprocharía mientras tuviera vida). Entre sueños, le pareció que oía un llanto de niña. No fue suficiente fuerte o largo para despertarlo. Al amanecer, sintió unos acerados dientecillos en el pie. Abrió los ojos y creyó morir, o, más bien, haber muerto y estar en el infierno : decenas de ratas lo rodeaban masticando lo que se ponía a su alcance. Brincó del camastro, cogió un palo, a gritos consiguió alertar al capataz y a los peones. Entre todos, con antorchas, garrotes, patadas, alejaron a la colonia de invasoras. Pero cuando entraron a la cabaña de la niña quedaba sólo un montoncito de huesos. Mario Vargas Llosa. La tía Julia y el escribidor. SESSION 1996 Tía y sobrina Hacía mucho tiempo que Rosa no podía hacer esto. Vagabundear. Ir de un lado a otro a placer, sin objeto... Y ¡Cuánto le gustaba!... Una de las cosas que le habían determinado a no vivir con aquella señora imponente que era su tía había sido su incomprensión para este afán de libre vagabundeo suyo. "Con lo que tienes, te morirás de hambre... Y además, no lo tienes más que hasta el término de tu carrera... Porque para vivir vas a tener que ayudarte trabajando. Y trabajar y estudiar no es cosa que pueda hacer una cabeza de chorlito como tú... Yo te advierto, como pariente. Pero eres mayor de edad y me lavo las manos... Si alguna vez quieres volver, puedes hacerlo. Pero aquí hay que someterse, ya lo sabes... A cambio de eso, no te he tratado tan mal, me parece. He cuidado de ti como Dios manda, y he cultivado la única buena disposición que tienes, que es el piano... Si por ahí te hubieras encaminado, otra cosa sería..." Con este discurso, o algo parecido, se habían separado tía y sobrina algunos años antes No, no la había tratado mal aquella imponente doña Micaela. Había vivido con ella en una casa oscura, lujosa y confortable, y como hija de aquella casa había sido tratada. Pero Rosa prefirió morirse de hambre. Y en su alegre pobreza juvenil fue muy feliz. Jamás había sentido tentaciones de volver a casa de doña Micaela, ni siquiera cuando la iba a visitar, y la señora, con cierta ostentacíon, hacía sacar para ella una espléndida merienda. "-Es una lástima que todo esto- solía decirle doña Micaela achicando un poco los ojos y señalando con la mano el mobiliario, los bellos cuadros antiguos, las alfombras, - que todo esto, cuando yo me muera, pase a manos extrañas por no tener a nadie querido a quien dejárselo. Por no tener a nadie que lo sepa apreciar. - Ya es bastante con que lo disfrute, usted, tía... - Has tirado por la ventana una fortuna bastante respetable. Esta advertencia se la hacía su tía cada vez que las dos se encontraban. "¡Y con qué gusto!", pensaba Rosa. Pero no se lo decía, porque doña Micaela no lo hubiera entendido nunca. Carmen Laforet , La llamada. 41 SESSION 1997 Proyectos de viaje En Madrid se respiraba un aire de desbandada general. Todo el mundo hablaba de marcharse, de pagas extraordinarias, de viajes, alquileres de casas y reservas de billetes. Quedé con Mario en un restaurants proximo a mi oficina, porque queria hablarme de su viaje a Oriente. Almorzamos junto a la ventana abierta, viendo pasar a las escasas personas que adaban por la calle a esa hora inhospita. Me conto sus planes, que en su primera parte eran de negocios y luego se ampliaban segun sus apetencias. Y me dijo que fuera con el. Mientras me hablaba, alar deando de sus conomientos e ilusiones, no senti por el mucha simpatia, porque su entusismo contrastaba demasiado con mi desconcertado estado de animo, pero sabia que iria con el porque al menos eso significaba cambiar de escenario y ese es uno de los consejos que suelen darse en casos como el mio. -No te esfuerces tanto por convencerme - ledije-. Ire contigo. No quiero quedarme aqui y no voy a volver a El Arenal con mis padres. -Se trata de Fernando, no? -dijo, con expresion aburrida-. A ver si te lo quitas de la cabeza de una vez. Mario se preciaba de conocerma bien y no daba demasiada importancia a mis obsesiones. Siempre he pensado que me tiene por una mujer fuerte. Cuando les comuniqué a mis padres que me iba con Mario a hacer un viaje por Oriente, percibi en su respuesta cierta desaprobacion. Conocian a Mario e incluso sentian simpatia por él, quien, por su parte, se esforzaba en mostrarse muy amable con ellos, pero hubieran preferido que en mi vida se introdujera una amistad nueva, un proposito de matrimonio. Eran perfectamente contradictorios. Querian y no querian que yo me casara. Partidarios de la normalidad, sabian que el precio de esa normalidad era, también, quedarse solos. Pero no podian decir a sus amistades que yo me iba de viaje con un amigo. Sabia lo que iban a decir. Dirian : se ha ido con un grupo de amigos a hacer un viaje muy interesante. Mi grupo de amigos, Mario, estampo algunas veces su firma en las postales enviadas amis padres. Soledad Puertolas. Queda la noche. SESSION 1998 Enfermedad La etapa terminal de mama duro seis meses, en reaidad dos mas de los pronosticados por el medico. Nunca supe cual habia sido el ma ni quise averiguarlo. Durante el velorio, oi que alguien hablaba de celulas tumorales, pero eso para mi no significaba nada. Lo cierto es que se fue apagando lentamente. Al principio se empenaba en desempenar algunas tareas de la casa, las mas livianas, pero luego pasaba largas horas en la cama, sin leer ni escuchar la radio. Generalmente permanecia con los ojos cerrados pero no dormia. Elenita se acercaba a la cama en puntas de pie, pero elle de todos modos advertia su presencia y le hacia preguntas, que mi hermana, impresionada por aquella quietud, respondia solo con monosilabos. Luego le decia : « Ahora dejame, Elenita, que mama esta cansada ». Tambien yo me acerba y ella me miraba muy triste, pero rara vez Iloraba. Me decia cosas mas o menos intrascendentes, como por ejemplo : « Tenés que ayudar a tu padre. A él le cuesta mucho ocuparse de la casa. Ayudalo hasta que yo me cure eh? ». O también : « No descuides el estudio. Eso es lo mas importante ». Era su forma de hacernos creer que no sabia que el final estaba cerca. Durante esos ultimos seis meses jugamos todos una partida de engano contra angano. La hipocresia piadosa. A menudo venian a acompanar a mama la prima Rosalba y la tia Joaquina, pero la cansaban con su chachara y sus chismes, tanto que el viejo hablo con ellas y con el resto de la parentela para pedirles que no se quedaran mucho tiempo, ya que después de cada visita mama quedaba exhausta y el médico habia indicado que la dejaran tranquila. La tia Joaquina lo tomo como una agresion del viejo (nunca se habian Ilevado bien) y tanto ella como mi prima Rosalba dejaron de venir. También Ilegaba a veces el abuelo Javier (el viejo no se atrevia a limitarle las visitas a su hija) y con la sana intencion de animarla le contaba chistes (tenia una coleccion interminable) pero solo conseguia que la enferma se sonriera con desgano, como una ultima muestra de amor filial. Mama murio un domingo, a las tres y diez de la tarde. Ya hcia como una semana que no hablaba, y cuando abria los ojos, uno no sabia si miraba algo o a alguien, o simplemente nos informaba que aun existia. La borra del cafe - M. Benedetti 1993 SESSION 1999 UN TAL SEÑOR IBAÑEZ Debía darme prisa si quería llegar al punto de encuento a la hora fijada. Tomé un taxi. Consultaba nervioso el reloj mientras el coche, a merced de los discos en rojo y los atascos, se detenía en las bocacalles. Me apeé antes de llegar, en la Plaza de San Jaime, y corrí por la calle Fernando tropezando con los viandantes y excusándome cada vez que propinaba un codazo o un empujón a un pacífico paisano. El número 36 se encontraba justo enfrente de la Plaza Real. Entré en el portal ascuro y tétrico, que olía a orines de perro, y subí en penumbras escalones de 42 piedra gastada. La vivienda era la última de la finca. La llave encajaba con dificultad en la cerradura y hube de empujar con determinación la puerta, tras tres intentos, antes de conseguir abrirla y entrar. Se trataba de un apartamento vacío. El polvo de meses campaba a sus anchas, una nube tóxica ma había recibido no bien puse un pie en la vivienda, y no había rastros de muebles por ninguna parte. No tuve tiempo de inspeccionarlo. Sonó el teléfono de repente, en algún lugar de la casa, y lo busqué angustiado, temiendo que quien llamara, si yo tardaba en coger el auricular, colgara. El aparato yacía tirado en el suelo, en una de las habitaciones, junto a un pequeño balcón entreabierto cuya puerta estropeada no cerraba y daba directamente a la Plaza Real ; me arrodillé, sin importarme mucho el que mis elegantes pantalones se tiznaran del polvo grisáceo que cubría el suelo, y lo descolgué. - ¿ Sí ? Diga. - ¿ Ibáñez ? - Sí , yo mismo - dike con determinación, decidido a asumir con todas las consecuencias mi nueva personalidad. - Bueno. Es hoy a las cinco. No hay pérdida. Le reconocerás por el bigote gris y la corbata chillona que lleva. La pipa la encontrarás en el interior de la cisterna del wáter. Recuerda. A las cinco en la calle Balmes 325. Es metódico, sale siempre a la misma hora. El clic del teléfono, al ser colgado en el otro extremo de la línea, me ensordeció. ¿ Qué había querido decir con que la pipa estaba en la cisterna ? El retrete no olía, lo que evidenciaba que no había sido usado desde hacía tiempo. José Luis Muñoz - Un tal señor Ibañez. SESSION 2000 LA OFICINA Los clientes que venían a la oficina se clasificaban en dos categorías muy bien definidas : los que pasaban al despacho del jefe y los que no llegaban a verle jamás. Se los distinguía sólo con verlos. Entraban los del primer tipo con el paso seguro, la mirada resuelta y arrogante. Se sentaban sin que nadie les invitase a hacerlo, abrían con parsimonia una pequeña cartera que traían en el bolsillo, y buscaban allí su tarjeta de visita. La sacaban, la tendían con indolencia. Eran tarjetas blancas y primorosas, impresas algunas en letras de relieve que se notaban al tacto, y podían llegar a tener hasta tres direcciones distintas con sus tres teléfonos para cada solo nombre. Mientras un empleado pasaba estas tarjetas al despacho del señor Tortosa, ellos se distraían hojeando un pequeño bloc y tachando las cosas importantes que llevaban hechas aquella mañana. Cuantos más apellidos y direcciones tenía la tarjeta, más pronto volvía el empleado : - Que tenga usted la bondad de pasar. Al salir saludaban con una alta sonrisa. Eran personas correctas e insolentes, exhibidas detrás de sus apellidos que los protegían de cualquier contracto, como fanales de cristal. Los clientes del segundo grupo se quedaban en la puerta antes de entrar, mirando con temor y desconcierto las ocho mesas que había en la habitación, como echando a suertes mentalmente para saber a cuál se dirigirían, o tal vez esperando a que de alguna de ellas se alzaran unos ojos, invitándolos a pasar. Siempre venían a preguntar alguna cosa que no sabían explicar bien y se enredaban en largas y confusas historias. Se atropellaban fatigosamente, deseando acabar, y parecían seguro de estar equivocados ; hablaban mirando a las carpetas y los teléfonos y lo que iban diciendo se les enfriaba. Los rostros de estos clientes se repetían con frecuencia. Muchos volvían dos o tres veces para cada cosa, porque no se enteraban bien a la primera y les daba vergüenza pedir que se lo explicaran nuevamente. Además, como no tenían tarjeta, les exigían instancias y certificados de otras oficinas para acreditar su personalídad. Se les gastaba todo el día rodando de ventanilla en ventanilla. Carmen Martín Gaite. Cuentos completos. SESSION 2001 Sujet non disponible SESSION 2002 Sujet non disponible SESSION 2003 Sujet non disponible 43 SESSION 2004 Un animador de radio En aquel tiempo remoto, yo era muy joven y vivía con mis abuelos en una quinta de paredes blancas de la calle Ocharán, en el barrio de Miraflores. Estudiaba en la universidad de San Marcos, Derecho, creo, resignado a ganarme más tarde la vida con una profesión liberal, aunque, en el fondo, me hubiera gustado más llegar a ser escritor. Tenía un trabajo de título pomposo, sueldo modesto y horario elástico: director de Informaciones de Radio Panamericana. Consistía en recortar las noticias interesantes que aparecían en los diarios y maquillarlas un poco para que se leyeran en los boletines. La redacción a mis órdenes era un muchacho de pelos engomados y amante de las catástrofes llamado Pascual. Había boletines cada hora, de un minuto, salvo los de mediodía y de las nueve, que eran de quince, pero nosotros preparábamos varios a la vez, de modo que yo andaba mucho en la calle, tomando cafecitos en el bar la Colmena, alguna vez en clases, o en las oficinas de Radio Central, más animadas que las de mi trabajo. Las dos estaciones de radio pertenecían al mismo dueño y eran vecinas, en la calle Belén, muy cerca de la Plaza san Martín. No se parecían en nada. Más bien, como esas hermanas de tragedia que han nacido, una llena de gracias y, la otra, de defectos, se distinguían por sus contrastes. Radio Panamericana ocupaba el segundo piso y la azotea de un edificio flamante, y tenía, en su personal, ambiciones y programación, cierto aire extranjero y snob, ínfulas de modernidad, de juventud, de aristocracia. Aunque sus locutores no eran argentinos, merecían serlo. Se pasaba mucha música, abundante jazz y rock y una pizca de clásica. Sus ondas eran las que primero difundían en Lima los últimos éxitos de Nueva York y de Europa, pero tampoco desdeñaban la música latinoamericana siempre que tuviera un mínimo de sofisticación; la nacional era admitida con cautela y sólo al nivel del vals. Había programas de cierto grado intelectual, como “Semblanzas del Pasado” o “Comentarios Internacionales”, e incluso en las emisiones frívolas, “los Concursos de Preguntas” o “el Trampolín a la Fama”, se notaba un afán de no incurrir en demasiada estupidez o vulgaridad. Mario Vargas Llosa SESSION 2005 El lunes, al reintegrarse al trabajo, el jefe la hizo llamar. ─ Dicen que va usted a casarse, ¿es ello cierto? ─ Todo lo cierto que puede ser un propósito. ─ Ha respondido usted muy cuerdamente… En fin, lo que quería saber es que no se trataba de un simple rumor. ─ No; hemos fijado la fecha para abril. ─ La felicito a usted. La verdadera vocación de la mujer está en el hogar y no en el trabajo.(…) ─ No he pensado abandonar mi puesto por el hecho de casarme… Al menos por ahora. Don Rogerio tosió dos o tres veces; la miró de una forma rara, inhabitual en él. ─ ¿Tiene usted la intención de seguir trabajando una vez casada? ─ Cuento con ello… Incluso me será más necesario que ahora. ─ Pero su novio (es decir, su futuro marido), no se opondrá a ello? ─ No; ¿por qué? ─ ¿Lo han hablado ya? ─ Sí. ─Ya, ya comprendo… la vida está difícil, ¿no es eso?... Sin embargo… Hubo una pausa. (...) Sonó el teléfono y Don Rogerio cogió el auricular. Era alguien que se había equivocado de número. ─ Su proyecto, señorita, tropieza con un grave inconveniente. El corazón le dio un brinco. Sintió que las mejillas le abrasaban. ─ ¿Un inconveniente? ─ Creí que usted lo sabía… Según lo legislado, nosotros no podemos conservarla en su puesto una vez casada. Apoyó una mano en la mesa. El súbito calor se desvanecía: un frío glacial empezaba a apoderársele del cuerpo ahora. (…) Don Rogerio relajó su expresión. Apareció una leve sonrisa en su boquita, siempre húmeda, que se contraía y dilataba sin cesar. ─ Vamos, señorita Irene, no ponga esa cara de desconsuelo. (…) Hace pocos años, a ninguna mujer se le hubiese ocurrido ponerse a trabajar después de casada, y estoy seguro de que ningún hombre lo hubiese consentido tampoco. Ahora, por lo visto, hay hombres a los que les da igual que su mujer entre y salga de casa y pase la mayor parte del día fuera… José Corrales Egea, La otra cara. 44 EPREUVES D'HISTOIRE CONDITIONS GENERALES D'EXAMEN La durée de l'épreuve est de 3 heures. Elle se déroule sans document et consiste en une dissertation. Les candidats ont le choix entre deux sujets. SESSION 1995 SUJET N°1 - Les débuts de la Quatrième République (1944-1954) Chronologie sommaire : - août 1944 : gouvernement provisoire du général De Gaulle - 1945 : nationalisation et création de la Sécurité Sociale. - 4 mai 1947 : Ramadier renvoie les ministres communistes. - oct./nov. 1947 : violentes grèves. - 1948 : loi sur les appartements anciens. - juillet 1949 : ratification du Pacte Atlantique. - 1950 : adoption du SMIG. - mars 1952 : gouvernement et emprunt Pinay. - février 1954 : campagne de l'abbé Pierre pour les mal logés. - 7 mai 1954 : chute de Dien Bien Phu. - 18 juin 1954 : investiture de P. Mendès France. - 20 juillet 1954 : Accords de Genève. SUJET N°2 - L'année 1973 dans le monde. Chronologie sommaire : JANVIER : - Grande Bretagne, le Danemark et l'Eire entrent dans la CEE. - accords de Paris entre les Etats Unis et le Viet Nam. - ouverture à Vienne des négociations sur la réduction mutuelle et équilibrée des FEVRIER : - création d'une commission d'enquête dans l'affaire du "Watergate". - 2° dévaluation du dollar. JUILLET : - conférence à Helsinki sur la sécurité et la coopération en Europe. SEPTEMBRE : - ouverture à Tokyo du Nixon Round. - IVe conférences des pays non alignés. - renversement de S. Allende. OCTOBRE : - guerre du Kippour. DECEMBRE : - doublement du prix du pétrole forces. SESSION 1996 SUJET n°1 - La politique extérieure des Etats-Unis de 1947 à 1973 : permanences et changements. Chronologie indicative : - 1947 mars : Lancement de la "doctrine Truman" - 1947 mai : Renvoi des ministres communistes en France - 1947 juin : Plan Marshall - 1948 avril : Création de l'OECE - 1949 avril : Pacte Atlantique - 1949 mai : Proclamation de la République Fédérale Allemande - 1950 oct. : Intervention chinoise en Corée - 1952 : Limogeage de Mac Arthur en Corée 45 - 1952 nov. : Bombe H américaine - 1954 oct. : Eisenhower assure Diem de son soutien total - 1954 : Création de l'OTASE - 1962 : Doctrine de Mac Namara de la "riposte graduée" - 1962 oct. : Crise des fusées de Cuba - 1965 : Engagement massif des Etats Unis au Vietnam - 1970 : début de l'"ostpolitik" - 1971 : La Chine Populaire remplace Taiwan à l'ONU - 1972 : Nixon en visite en Chine Populaire Nixon en visite en URSS : signature des accords SALT 1 - 1973 : Désengagement américain au Vietnam SUJET n°2 - La question algérienne dans l'établissement de la Vème République (1958-1962). (Sans chronologie) SESSION 1997 SUJET N°1 : non disponible SUJET N°2 :De Gaulle et le gaullisme : 1958-1969. Vous tenterez d’analyser ce qui, tant au niveau des principes que des réalisations de la période, permet de définir une pratique «gaulliste » de l’action publique. Indication chronologique 1958 : Constitution de la Vème République 1960 : Indépendance des colonies d’Afrique noire 1962 : Accords d’Evian Référendum sur l’élection du président de la République au suffrage universel 1966 : Retrait de la France de l’OTAN 1968 : « Evénements » de mai-juin 1969 : (29-04) Démission du général de Gaulle. SESSION 1998 SUJET N°1 : La V° République sous le général De Gaulle (1958-69) Chronologie sommaire 13 mai 1958 : émeute algéroise. 28 septembre 1958 : référendum constitutionnel. 1960 : décolonisation de l’Afrique noire Première bombe atomique française. 18 mars 1962 : Accords d’Evian Octobre 1962 : référendum sur l’élection du président de la République au suffrage universel. 1960-65 : IV° plan économique 1967 : second rejet de la demande britannique d’entrer dans le Marché commun. Election législative de 1967. mai-juin 1968 : La crise étudiante et le mouvement ouvrier. Avril 1969 : rejet du référendum sur la réforme régionale. 9 novembre 1970 : mort du général De Gaulle. SUJET N°2 : La guerre froide 1947-1953 Chronologie indicative Mars 1947 : discours du Président Truman Juin 1947 : annonce du Plan Marshall Octobre 1947 : création du Kominform Février 1948 : « coup de Prague » en Tchécoslovaquie Juin 1948 : début du blocus de Berlin 1949 : formation du CAEM (Comecon) 1949 : signature du Pacte de l’OTAN 1949 : bombe "A" soviétique 1950 : début de la guerre de Corée 1952 : bombe H américaine Mars 1953 : mort de Staline 46 SESSION 1999 SUJET N°1 : L’émancipation des colonies (1945-1975) Après en avoir présenté les principales causes, vous montrerez et expliquerez, à l’aide d’exemples choisis en grande partie, mais pas seulement, dans l’empire français, les diverses formes prises par ce mouvement de 1945 à 1975. Chronologie indicative (En aucun cas le devoir ne doit consister à commenter une chronologie destinée à aider le candidat à retrouver des exemples, et il n’est pas nécessaire que toutes ses composantes soient évoquées dans la dissertation.) 1945 : Proclamation d’indépendance en Indonésie et au Vietnam 1946 : Début de la Guerre d’Indochine Création de l’Union française 1947 : Troubles à Madagascar Indépendances de l’Union indienne et du Pakistan 1949 : Indépendance effective de l’Indonésie 1953 : Destitution du sultan du Maroc 1954 : Accords de Genève Discours de Carthage Début de l’insurrection en Algérie 1956 : Indépendances de la Tunisie et du Maroc Loi-cadre Defferre 1957 : Indépendance du Ghana 1958 : Création de la Communauté française 1959 : De Gaulle annonce le droit de l’Algérie à l’autodétermination 1960 : Indépendances du Congo belge, du Nigéria, des Etats de l’Afrique noire française 1962 : Accords d’Evian 1975 : Indépendances de l’Angola et du Mozambique. SUJET N°2 : Le Régime de Vichy et la collaboration (1940-44). En vous appuyant sur la chronologie indicative qui suit, vous commenterez ce point de vue de Stanley Hoffmann : « ... Il y a eu une constante et illusoire politique de collaboration... : en échange d’une reconnaissance par l’Allemagne de l’autonomie politique de Vichy et d’un assouplissement de l’Armistice, la France s’associerait pleinement à «l’ordre nouveau » et jouerait le rôle d’un brillant second - partenaire impérial et naval de la puissance dominante. C’est Hitler qui n’a pas voulu de la collaboration ainsi proposée et quémandée... Ce que nous ne savions pas, c’est l’ampleur et la ténacité des efforts et des offres de Vichy... : moins les Allemands mordaient à l’hameçon, plus Vichy, dans l’espoir de concessions allemandes, anticipait en quelque sorte et collaborait quand même... » Chronologie indicative 1940 16 juin Le maréchal Philippe Pétain devient président du Conseil 22 juin Signature de l’Armistice à Rethondes juillet A Vichy, l’Assemblée nationale accorde les pleins pouvoirs constituants au maréchal Pétain qui devient chef de l’Etat français (le 10) Pierre Laval, vice-président du Conseil (le 13) 3 octobre Premier «statuts des juifs » 24 octobre L’entrevue de Montoire scelle la collaboration avec l’Allemagne 13 décembre Rencoi et arrestation de Laval 1941 février L’Amiral Darlan, vice-président du Conseil. 2 juin Deuxième «statut des juifs » octobre Charte du Travail 1942 18 avril Pierre Laval chef du gouvernement, ministre de l’intérieur et des affaires étrangères 16-17 juillet Rafle du «vel d’Hiv » à Paris septembre Début du STO novembre Débarquement anglo-américain en Afrique du Nord Occupation de la zone sud par l’armée allemande Sabordage de la flotte française à Toulon 1943 janvier Création de la Milice par Joseph Darnand 1944 28 juin Philippe Henriot, secrétaire d’Etat à la propagande, abattu par la Résistnace 19-21 août Transfert de Pétain et Laval à Belfort puis à Sigmaringen (septembre) 47 SESSION 2000 SUJET N°1 : Les «trente glorieuses » dans les pays industrialisés de 1947 à 1973 : facteurs et limites de la croissance dans ses aspects économiques et sociaux (les documents sont donnés à titre indicatif) Chronologie indicative 1944 : conférence de Bretton Woods. Création du FMI 1947 : mise en place du GATT. Plan Marshall d’aide économique à l’Europe 1948 : invention du transistor 1951 : création de la CECA 1957 : traité de Rome. Création de la CEE 1958 : Mise au point des lasers 1960 : création de l’OPEP 1961 : création des circuits intégrés 1964-67 : Kennedy Round 1969 : premier homme sur la lune 1971 : suppression de la convertibilité du dollar en or 1972 : création du serpent monétaire européen 1973 : premier choc pétrolier. Document : « population des principaux pays industrialisés en 1974 et évolution de leur PNB, entre 1948 et 1977 » Pays concurrents Population Produit national brut (M. hab.) (Mds de dollars) 1974 1948 1974 Etats Unis 212 223 1420 Japon 110 11 451 All Fédérale 62 15 386 France 52 17 274 Royaume Uni 56 39 187 Italie 55 11 149 Source : P. Léon, Histoire économique et sociale du monde, t. VI, A. Colin, 1977 SUJET N°2 : La cinquième république après de Gaulle (1969-86) : aspects institutionnels et politiques Chronologie indicative : 1969 : élection de Georges Pompidou à la présidence de la république 1969-72 : Jacques Chaban-Delmas Premier Ministre 1972 : programme commun de la gauche 1972-74 : Pierre Messmer Premier Ministre 1974 : élection de Valéry Giscard d’Estaing. Jacques Chirac Premier Ministre 1976 : démission de Jacques Chirac 1976-81 : Raymond Barre Premier Ministre 1977 : Jacques Chirac maire de Paris 1978 : élections législatives : la gauche reste minoritaire 1981 : élection de François Miterrand à la présidence de la république Pierre Mauroy Premier Ministre ; l’Assemblée nationale est dissoute 1984 (été) : grandes manifestations pour l’école privée 1984-86 : Laurent Fabius Premier Ministre 1986 (mars) : victoire de la droite aux élections législatives ; Jacques Chirac Premier Ministre et première «cohabitation ». SESSION 2001 SUJET N°1 : Les mutations de la société française depuis 1945 La société française a connu des changements en profondeur dans bien des domaines, démographique, économique, social et culturel. En vous appuyant sur des exemples concrets puisés dans l’histoire sociale et culturelle de la France des cinquante dernières années, vous proposerez votre analyse de cette évolution. Chronologie indicative 1945-50 Période dite de la « reconstruction » : nationalisations, bataille du charbon et du rail, plan Jean Monnet, plan Marshall, « baby boom ». 1945 Droit de vote accordé aux femmes ; création de la « sécu ». 1945-46 La mode « existentialsite ». 1947 Création du festival d’Avignon. 1950 Création du SMIG. 1956 Troisième semaine de congés payés. 1950-73 La croissance annuelle moyenne frôle les 5 %. 1958 André Malraux se voit confier le Ministère de la Culture 1965 Un ménage sur deux a une voiture, une télévision, un réfrigérateur, une machine à laver. 1967 Loi Neuwrith sur la contraception. 48 1973 1974 1975 1977 1981 1986 1988 1990 1999 Début de la longue dépression économique (cycle B Kondratieff). Majorité à 18 ans. Loi Weil sur l’avortement (IVG). Inauguration du Centre G. Pompidou à Paris. Suppression de la peine de mort. Inauguration du musée d’Orsay. Création du RMI. La France frôle les trois millions de chômeurs. Ouverture de l’opéra Bastille. Le recensement fait apparaître une population de 58.5 millions d’habitants, avec 26.5 millions d’actifs, 3.2 millions d’étrangers, 3 millions de résidences secondaires. SUJET N°2 : La coexistence pacifique (1963-1975) : ses origines, ses manifestations, ses limites. Chronologie indicative 1963 Traité de Moscou. 1964 Destitution de Khrouchtchev. 1965 Engagement américain au viêt-nam. 1966 Retrait de la France de l’Otan Tricontinentale réunie à Cuba 1967 Accord entre les Etats Unis et l’URSS sur la démilitarisation de l’espace. 1968 Traite de non-prolifération de l’arme nucléaire. 1971 Chine population admise à l’ONU 1972 Voyage de Nixon à Pékin. Accords SALT 1. 1973 Entrée de la RFA et de la RDA à l’ONU. Accords de Paris. Guerre du Kippour 1975 Conférence d’Helsinki SESSION 2002 SUJET N°1 : La France sous l’occupation allemande (1940-1944) Chronologie indicative 1940 (10 mai) début de l’offensive allemande à l’Ouest. 1940 (18 juin) Appel du Général de Gaulle (22 juin) Armistice de Rethondes (10 juillet) Pleins pouvoirs au maréchal Pétain à Vichy (03 octobre) Premier « statut des Juifs » (24 octobre) Entrevue entre Hitler et Pétain à Montoire. 1942 (16 juillet) Rafle du Vel’ d’Hiv. 1942 (mai) Fondation du CNR par Jean Moulin. (11 novembre) Occupation de la zone libre. 1943 (16 février) Occupation de la zone libre 1944 (été) Libération de la France. SUJET N°2 : Le modèle de civilisation américain. En vous appuyant sur des exemples concrets puisés dans l’histoire récente des Etats-Unis, vous présenterez son système politique, sa puissance économique, son rayonnement culturel et son influence dans le monde. Chronologie indicative 1621 Débarquement du Mayflower. 1787 Rédaction de la constitution nord-américaine (qui sera modifiée par 26 amendements). 1865 Suppression de l’esclavage aux Etats-Unis 1933 Conférence de Bretton Woods 1947 Doctrine Truman – signature du GATT 1950 Naissance du « maccarthisme » 1951 Les Etats-Unis font exploser la bombe H 1960 Kennedy et la « nouvelle frontière » - levée de la séparation raciale 1968 Révoltes étudiantes et assassinat de Martin Luther King 1969 Envoi des premiers hommes sur la lune 1972 Scandale du « watergate » 1973 Arrêt de la Cour Suprême sur l’avortement 1981 R. Regan lance le « Révolution conservatrice » 1991 Signature de l’ALENA (marché commun nord-américian) – les américains déclenchent la guerre du Golfe, contre l’Irak 1997 Le robot « Rocky » est déployé sur la planète Mars – Sommet de Denver (juin) au cours duquel B. Clinton reçoit les représentants du G7 et de la Russie Les présidents américains : 49 1933-45 : F. Roosvelt (D) 1945-53 : H. Truman (D) 1953-61 : D. Eisenhower (R) 1961-63 : J. Kennedy (D) 1963-69 : L. Johnson (D) 1969-74 : R. Nixon (R) 1974-77 : G. Ford (R) 1977-81 : J. Carter (D) 1981-89 : R. Reagan (R) 1989-93 : G. Bush (R) 1993-2001 : B. Clinton (D) 2001: G. Bush Jr (R) SESSION 2003 Sujets non disponibles SESSION 2004 Sujets non disponibles SESSION 2005 SUJET N°1 : Origines, caractères et évolution de la Guerre froide de 1947 à 1962. Indication chronologique 12 mars 1947 Le président Truman définit la doctrine de containment Oct. 1947 Naissance du Kominform 24 juin 1948 Début du blocus de Berlin Février 1956 XXe congrès du PCUS 12-13 août 1961 Construction du Mur de Berlin Octobre 1962 Crise de Cuba SUJET N° 2 : La France de 1944 à 1962 : aspects institutionnels et politiques. Indication chronologique Juin 1944 Gouvernement provisoire de la République française présidé par le général de Gaulle Oct. 1946 Une faible majorité de Français approuve la Constitution de la Quatrième république Juin 1947 Renvoi des ministres communistes Août 1954 Rejet de la CED par le Parlement français Sept. 1958 Adoption de la Constitution de la Ve République par référendum Sept. 1962 Référendum pour l'élection du Président de la République au suffrage universel 50 EPREUVES de GEOGRAPHIE CONDITIONS GENERALES D'EXAMEN L'épreuve de géographie est une dissertation en 3 heures. L'utilisation de toute documentation (notes de cours, manuel, etc...) est formellement interdite et entraînerait la nullité de la copie. En revanche, des textes ou des tableaux peuvent accompagner le libellé du sujet, ils servent à stimuler la réflexion du candidat mais ne doivent pas donner lieu à un commentaire spécifique. Lorsque le sujet s'y prête, un fond de carte est également adjoint à ce dernier, les correcteurs apprécient toujours de manière positive les tentatives de croquis réalisés par les candidats, sans pour autant pénaliser ceux qui ne savent pas maîtriser cette technique d'expression géographique. SESSION 1995 Traitez l'un des deux sujets suivants : 1 - La Corée du Sud est-elle un modèle de Nouveau Pays Industrialisé ? 2 - Les pays du Tiers Monde face à la question démographique. SESSION 1996 Traitez l'un des deux sujets suivants : 1 - L'industrie américaine : organisation, performances, faiblesses. 2 - Nature, structure et évolution des grands flux de marchandises, services et capitaux, à l'échelle mondiale. SESSION 1997 SUJET N°1 : Les agricultures américaines. SUJET N°2 : En quoi les espaces urbanisés des pays des Tiers Mondes sont-ils sous-développés ? SESSION 1998 SUJET N°1 : Croissance et changements démographiques, dynamiques urbaines dans les pays du Tiers-Monde. SUJET N°2 : La montée en puissance de l’Asie pacifique et ses problèmes. SESSION 1999 SUJET N°1 : L’agriculture aux Etats-Unis : production, organisation et relation avec l’industrie agro-alimentaire. SUJET N°2 : Les migrations internationales. SESSION 2000 SUJET N°1 : Les villes du tiers-monde SUJET N° 2 : L’économie japonaise : aspects et fondements et limites de la puissance. 51 SESSION 2001 SUJET N°1 : On a qualifié le Monde de « village planétaire ». Vous approfondirez le sens de celle formule en la critiquant (le cas échéant). SUJET N° 2 : La population en Chine SESSION 2002 SUJET N°1 : La puissance agricole des Etats-Unis (aspects, facteurs et limites). SUJET N° 2 : Les Villes du Tiers-Monde. SESSION 2003 SUJET N°1 : Forces et faiblesses de l'économie japonaise SUJET N° 2 : L'agriculture dans le Tiers-Monde. SESSION 2004 SUJET N°1 : L’agriculture des Etats-Unis SUJET N° 2 : Unité et diversité des pays du « Sud » SESSION 2005 SUJET N°1 : Les conséquences géographiques de la mondialisation SUJET N° 2 : Le Japon : puissance industrielle et commerciale 52 EPREUVES de MATHEMATIQUES CONDITIONS GENERALES D'EXAMEN L'épreuve dure 3 heures et seule est autorisé une machine à calculer non programmable. TOUTE SOLUTION DOIT ÊTRE CONSTITUÉE PAR UNE DÉMONSTRATION. Des résultats exacts mais énoncés sans démonstration sont sans valeur. Attention. Des expressions telles que : "d'après les propriétés de l'addition" ne sont pas acceptées. Les définitions, axiomes, théorèmes… utilisés devant être explicitement mentionnés on peut par contre écrire : "d'après l'associativité et la commutativité de l'addition". POUR CITER UNE DÉFINITION, UN AXIOME, UN THÉORÈME IL SUFFIT DE DONNER SA RÉFÉRENCE DANS LE COURS, IL EST INUTILE DE RECOPIER SON ÉNONCÉ (voir cours, chapitre 0, paragraphe 0-3). L'utilisation à contre-sens de symboles mathématiques est une faute grave. SESSION 1995 Les six exercices ont indépendants et peuvent être traités dans n'importe quel ordre. Il est donc conseillé de lire soigneusement les six énoncés avant de commercer la recherche des solutions. 1er exercice (2 points) A) Ecrire sous une forme plus simple : 4 + 1/3 ----------3 + 5/7 12 + 4/7 -----------9 + 2/5 B) On considère les fractions : x/y + 1 _________ x+y ----y x + 1/x -------1 + 1/x Sans les simplifier calculer leurs valeurs numériques pour x = 1/2 et y = 1/3 Puis les simplifier et retrouver le résultat. 2ème exercice (3 points) La suite de nombres a, b, c et d écrits dans cet ordre et la suite des nombres 10, 20, 30, et 40 écrits dans cet ordre sont proportionnelles. A) Démonter que b = 2a, c= 3a, d = 2b = 4a. B) Quel est le dénominateur de la fraction égale à a/10 et ayant pour numérateur a + b + c + d ? 3ème exercice (3 points) Les nombres a, 3, b et 4 écrits dans cet ordre sont en proportions.` A) Exprimer b en fonction de a. B) Quel est le dénominateur de la fraction égale à a/3 et ayant pour numérateur 2a + b ? C) Quelles sont les valeurs numériques de a et b dans le cas où b = a + 1 et dans le cas où b = a - 1 ? 53 4ème exercice (4 points) Le prix de vente P' d'une automobile est obtenu en faisant subir au prix hors taxe P une augmentation de 18 %. Lorsqu'un acheteur paie une voiture 76 000 francs quel est le montant du prix hors taxe ? Les taxes étant égales à P' - P quel pourcentage du prix payé représentent-elles ? Pour une même automobile le concessionnaire A propose une réduction de 5 250 F sur le prix hors taxe et le concessionnaire B une réduction de 6 000 F sur le prix de vente. Quelle est l'offre la plus avantageuse ? 5ème exercice (4 points) Un particulier achète un appartement dont le prix de vente est de 640 000 francs. Il paye en deux fois : la première fois il donnera 1/4 du prix de vente augmenté de frais égaux à 18 % de ce prix. La seconde fois, 9 mois plus tard, il versera le reste du prix de vente augmenté d'intérêt au taux de 4,5 % pour un an. Combien cet acheteur aura-t-il dépensé finalement ? 6ème exercice (4 points) Jules, brocanteur, essaie de gagner sa vie en revendant, le dimanche sur le marché aux puces, des livres et des cartes postales. Un premier dimanche, le 2 avril, pour reconstituer son stock, il achète à un autre brocanteur 25 livres valant chacun le même prix et d'autre part il réussit à vendre 100 cartes postales toutes au même prix. Quand il fait ses comptes il constate que la journée a été mauvaise : il a perdu 150 francs. Le dimanche suivant, le 9 avril, en profitant d'une mode, Jules vend encore 50 cartes postales toujours toutes au même prix, mais ce prix est celui du dimanche précédent augmenté de 10 francs. Par contre pour se débarrasser des 25 bouquins, il doit les céder en perdant sur chacun d'eux 5 francs. Finalement, la journée est bonne : Jules a dans sa caisse 1 275 francs. Quels étaient le prix d'un livre et le prix d'une carte postale le dimanche 2 avril ? SESSION 1996 Vous devez traiter au choix deux exercices parmi les exercices 1, 2, 3 et 4. Chacun de ces deux exercices sera noté sur 2 points Vous devez traiter obligatoirement les exercices 5, 6, 7 et 8 Chacun de ces quatre exercices sera noté sur 4 points Tous les exercices sont indépendants. 1er exercice Pour cet exercice la solution utilisant une mise en équation n'est pas acceptée. Un groupe industriel a quatre activités la télévision, les cassettes vidéos, l'édition de livres et la construction de bâtiments. Les trois premières activités rapportent respectivement 1/2, 1/3, et 1/4 du bénéfice rapportés par la construction de bâtiments et quand on additionne les bénéfices rapportés par ces trois premières activités on trouve une somme supérieure de 200 millions au bénéfice rapporté par la construction de bâtiments. Quel est le bénéfice rapporté par la construction de bâtiments ? 2ème exercice deux capitaux sont placés la premier à 5% par an et le second à 10% par an, le premier est le tiers du second. Au bout d'un an l'intérêt total est de 7000 francs. Quel est le montant de chaque capital ? 3ème exercice Une personne doit payer un impôt de 27000 francs augmenté d'une amende égale à 1/3 de cette somme. Elle obtient la possibilité d'effectuer trois versements égaux mais l'administration lui précise que pour chacun des deux derniers versement il faudra ajouter le montant d'une pénalité égale à 10% de la somme restant due avant le versement en question. En définitive combien cette personne va-t-elle payer ? 4ème exercice Une bicyclette possède un pédalier de 48 dents et sur la roue arrière trois pignons ayant respectivement 16, 18 et 24 dents. Déterminer pour chacune de ces trois possibilités le nombre de tours de roue correspondant à 20 coups de pédales (on admet que pour un coup de pédale la pédalier fait un tour) SANS CEPENDANT CALCULER LE NOMBRE DE TOURS DE ROUES CORRESPONDANT A UN COUP DE PEDALE. 5ème exercice 54 (x/y + y/x) - 2 On considère C = ----------------------(x/y - y/x) a) sans simplifier C calculer sa valeur pour x = 1/3 et y = 1/2 b) simplifier c et retrouver le résultat précédent 6ème exercice On considère la proportion a, u, b, v ces quatre nombres sont par conséquent tels que a/u = b/v. par commodité on note r la valeur commune de a/u et b/v donc a/u = b/v = r. 2a + b Démontrer qu'on a encore r = -----------2u + v SESSION 1997 1er exercice (8 points) CET EXERCICE EST OBLIGATOIRE. Un employeur va partager, à titre de prime, une somme P = 36 000 francs entre trois employés : Arthur, Barnabé et Célestin. Il décide de répartir les 2 / 3 de P proportionnellement aux nombres d'années d'ancienneté qui sont 12 pour Arthur, 9 pour Barnabé et 3 pour Célestin. Le reste sera réparti inversement proportionnellement aux incidents professionnels survenus au cours du dernier trimestre : 6 pour Arthur, 4 pour Barnabé, 8 pour Célestin. Quelle est la somme qui sera versée à chacun des trois employés ? -------------------------------------------------------------------------------------------------------VOUS DEVEZ TRAITER TROIS DES EXERCICES CI-DESSOUS. -------------------------------------------------------------------------------------------------------2ème exercice (4 points) On considère C = x/y+1 -------------x + y x - y = N ------D a ) Sans modifier les expressions ci-dessus calculer N, D et C pour x = 1 / 2 et y = 1 / 3 b ) Ecrire C sous une autre forme et retrouver le résultat précédent. 3ème exercice (4 points) On considère les quatre nombres réels a, b, c, tels que a et b soient opposés. Démontrer que [ a ] - [ b ] = 0 et que [ a ] - [ b ] + [ d ] = [ a ] - [ b ] + [- d ] 4ème exercice (4 points) Un contribuable doit au percepteur un impôt de y francs. Il verse une première fois x francs soit la moitié de la somme due puis effectue un second versement dont le montant est de 5000 francs et reçoit alors une lettre du percepteur lui rappelant que les deux versements additionnés ne constituent que les 3 / 4 de la somme y qui était due. Calculer y. (remarque : il y a dans cet énoncé deux inconnues x et y il faudra donc écrire un système de deux équations) 5ème exercice(4 points) Un alcool est vendu 120 francs le litre et on admet que les 2 / 3 de l'alcool produit est vendu. 1 ) Quelle quantité x d'alcool doit-on produire pour obtenir une recette de 144 000 francs ? 2 ) Si avec 12 kilos de raisin on fabrique 3 litres de cet alcool quelle est la quantité de raisin nécessaire pour que la commercialisation de l'alcool produit rapporte ces 144 000 francs ? 6ème exercice (4 points) Ecrire sous forme d'un produit S = (a + b)(81a² - 16b²) + (a² - b²)( 9a - 4b) 55 SESSION 1998 Les exercices 1 à 5 sont obligatoires chacun d’entre eux est noté sur 3 points. 1er exercice Soit a un réel quelconque et b=1 . a. Démontrer que b est l’opposé de a 2ème exercice On considère les trois nombres réels a, b, c, tels que a et b soient opposés. Démontrer que [ a ] - [ b ] = 0 et que [ a ] - [ b ] + [ c ] = [ - a ] - [ - b ] + [- c ] 3ème exercice Un contribuable doit au percepteur un impôts de y francs. Il verse une première fois x francs soit la moitié de la somme due puis effectue un second versement dont le montant est de 5000 francs et reçoit alors une lettre du percepteur lui rappelant que les deux versements additionnés ne constituent que les 3/4 de la somme y qui était due. Calculer y. 4ème exercice Ecrire sous forme d’un produit S = (a + b)(81a2 - 16 b2) + (a2 -b2)(9a - 4b) + (a - b)(9a - 4b) 5ème exercice 1) Démontrer que a2b2 = (ab)2 en utilisant uniquement la définition du carré et les propriétés de la multiplication. 2) Utiliser les identités remarquables et les propriétés des puissances pour écrire sous forme de produit 49y2 + 14 ay + a2 ; 44 - 42 + 1 ; x2y2 - a2b2 Vous devez traiter au choix l’exercice 6 ou l’exercice 7. L’exercice choisi sera noté sur 5 points. 6ème exercice Le problème de Metz et Nancy En Lorraine les villes de Metz et Nancy rivalisent à propos de tout : tracés d’autoroute et du TGV, qualité de vie etc... et un calculateur prodige lorrain voudrait bien les réconcilier en montrant qu’elles ont un point commun : le climat. Le dimanche 1 février ce calculateur a donc mesuré la température à Metz et la température à Nancy et a constaté qu’en multipliant la première par 100, la seconde par 50 puis qu’en retranchant ce second produit du précédent on obtenait un résultat égal à -150. Le dimanche 8 février nouvelles mesures et nouveaux calculs. La température à Metz est en augmentation de 10 degrés par rapport au dimanche 1 février alors que la température à Nancy est en diminution de 5 degrés (toujours par rapport au 1 février) et en multipliant la première par 50 la seconde par 25 puis en ajoutant ces deux produits le calculateur constate qu’il obtient un résultat égal à 150. A partir de tout cela le calculateur est parvenu à démontrer que le 1 février la température était la même à Metz et à Nancy. Comment ? P.S. Ce calculateur prodige était bien sûr aussi un peu fou puisque pour comparer des températures il suffit d’employer des thermomètres. 7ème exercice Une petite soirée entre amis. Pat Poker, Cards Devon et Doc Holiday se préparent à une sacrée partie de cartes en compagnie de Maverick. La cagnotte qui sera attribuée au gagnant va être constituée avec les mises des joueurs et c’est Maverick qui en fixe le montant puis déclare qu’il mise, ce qui est naturel 1/4, de ce montant. En suivant Pat Poker mise également 1/4 du montant mais Cards Devon explique que les affaires étant ce qu’elles sont, il ne peut miser que 1/5 du montant de la cagnotte et Doc Holiday ajoute qu’étant donné ce qui lui est arrivé à OK Corral il se contentera de la moitié de ce qu’a misé Cards Devon. Maverick s’exclame alors : « çà ne va pas les gars il manque 1000 dollars ». Démontrer que Doc Holiday mise 1/10 du montant de la cagnotte et trouver ce montant. SESSION 1999 1er exercice (3 points) Démontrer que |a.b|=|-a.-b|=|-a.b|=|a.-b| 56 2ème exercice (3 points) Démontrer que Démontrer que x³ = x² .x x et x³ puis utiliser ce résultat pour ont le même signe 3ème exercice (4 points) Démontrer que (y = x²)² - (y – x²)² = 4.x² .y Et que (a -a²) . (a + a²) = a . (a² + 1)² . (a² - 1) 4ème exercice (4 points) Rechercher les racines de l’équation x . ( x + 4 ) + 3 . (x + 4 ) = 0 5ème exercice (6 points) En année normale un agriculteur irrigue ses cultures en utilisant d’une part son alimentation personnelle et d’autre part l’eau du Canal du Midi. Pour une période donnée il emploi ainsi 4000 hectolitres. En année de sécheresse et pour la même période il a besoin de 3 fois plus d’eau. Pour cela il en puise 3 fois plus dans le Canal du Midi et sa consommation personnelle augmente de 2000 hectolitres. Déterminer pour une année normale les quantités d’eau fournies dans ces conditions par l’alimentation personnelle et par le Canal du Midi. SESSION 2000 OPTION 1 1er exercice Soient deux réels x et y tels que x # y et que | x | = |-6 | - | -4 | |y|=|6|-|4| Démontrer que x est l’opposé de y. 2ème exercice Démontrer que (a + b)² - ( a – b)² = 4. a. b. 3ème exercice Soit Démontrer que S = 0 S = (16.a² - 25.b²) – (4.a + 5.b) . (4.a – 5.b) + (a + b)² - (a – b)² - 4.a.b 4ème exercice Démontrer que (- u . - v)² = u² . v² 5ème exercice Traitez au choix un des trois exercices suivants. Vous pouvez si vous le souhaiter traiter plusieurs de ces exercices et seule la meilleure solution sera alors retenue. 5- A Un robinet coulant seul remplirait un bassin en 6 heures, un second le remplirait en 3 heures et un troisième en 2 heures. Si les trois robinets coulent ensemble en combien de temps le bassin sera-t-il rempli ? 5- B Etant donnés Démontrer que 5- C Soit a) démontrer que -2 (6.x + 3) = - 3 (4.x + 2) a=2–x b = -3 + 2.x a – b = -c et c = 3.x – 5 S = 3. (2.x – 2) – 2 (6.x + 3) + 6. (4.x – 1) – 12. (1 – x) 6. (4.x – 1) = 3. (8.x – 2) b) utiliser les résultats précédents pour trouver -12.(1 – x) = -3. (4 – 4.x) S’ tel que S = 30. S’ 57 OPTION 2 1er exercice Soient deux réels x et y tels | x | = | y | - | -y | Démontrer que x = 0 2ème exercice Démontrer que (a + b)² - (a – b)² -4.a.b = 0 3ème exercice Ecrire sous une autre forme Démontrer que S = 0 S = (16.a² - 25.b²) - (4.a + 5.b) . (4.a – 5.b) + (a + b)² - (a – b)² - 4.a.b 4ème exercice Démontrer que (-u. v)² = (-u . –v)² 5ème exercice Traiter au choix un des trois exercices suivants. Vous pouvez si vous le souhaiter traiter plusieurs de ces exercices et seule la meilleure solution sera alors retenue. 5- A Le 29 mars Jules possède x francs sur son compte en banque, le 30 il gagne d francs au jeu du «hasard national » et les dépose sur son compte en banque le 31, le 01 avril il juge le jour bien choisi demander un prêt. Le banquier lui dit : « c’est amusant la différence entre le carré de ce que vous possédez après avoir gagné (soit le 31) et le carré de ce que vous possédiez avant d’avoir gagné (soit le 29) est égale au carré de ce que vous avez gagné ». Combien Jules possédait-il le 29 mars ? 5- B Soient a = 1 – x b = 5 – 2.x Démontrer que (a – b)² = (-c)² et c=4–x 5- C Trouver x tel que 3. ( 2.x – 2) + 6.(4.x - 1) = 12. (1 – x) + 2 (6.x + 3) il peut être intéressant de démontrer que 6.(4.x – 1) = 3.(8.x – 2) 12.(1 – x) = 3.(4 – 4.x) 2 (6.x + 3) = 3. (4.x + 2) SESSION 2001 Sujets non disponibles SESSION 2002 Sujets non disponibles SESSION 2003 OPTION 1 EXERCICE 1 (2 points) Quel est le signe de x si I- x I = x ? EXERCICE 2 (2 points) Démontrer que – 1 . – u = u. EXERCICE 3 (3 points) Démontrer que – 1 . x + 1. – x = 2. – x = - 2 . x 58 EXERCICE 4 (4 points) a) (1 point) Quel est le théorème qui permet d'écrire (u .v)2 =u2. v2 ? b ) ( 3 points ) On donne s = 9.a2 –25. b2 + (5.b)2 Démontrer que s = (3.a)2 EXERCICE 5 (4 points) Soit s = x. ( y + 1 ) – y . ( x + 1) + y - x Démontrer que s = 0 EXERCICE 6 (5 points) Démontrer l'égalité (x + y )2 + (x - y )2 = 2 . ( x 2 + y 2 ) OPTION 2 EXERCICE 1 (3 points) Quel est le signe de u si I- u I = - u ? EXERCICE 2 (3 points) Démontrer que – 3 . ( x + y) = 3 . – ( x + y) EXERCICE 3 (4 points) Démontrer que x . y + x. – y = 0 EXERCICE 4 (5 points) Soit s = 4. ( x + y ) – 3 . x – 3. y - ( y + x) Démontrer que s = 0 EXERCICE 5 (5 points) On sait que le Marsupilami est un animal possédant une queue lui servant entre autres a cueillir des fruits. Observant au dessus de lui un régime de bananes mûres à point le Marsupilami constate que malheureusement sa queue n'est pas assez longue : il manque 10 mètres et que même si elle était deux fois plus longue il manquerait encore 3 mètres. Quelle est la longueur de la queue du Marsupilami ? SESSION 2004 Chaque exercice est noté sur 4. OPTION 1 EXERCICE 1 Démontrer que I x + y I = I - x - y I (On pourra poser z = x + y ) EXERCICE 2 Trouver x tel que x.( y - 3 ) + 2. ( y – 3 ) + ( x + 2 ) . ( 6 – y ) = 0 EXERCICE 3 Trouver x et y tels que x. ( y + 2 ) – 2 . ( y + 2 ) – 3. ( x - 2 ) = 0 EXERCICE 4 Démontrer que ( - y )2 – y 2 + 25 . x2 = ( 5.x ) 2 EXERCICE 5 Démontrer que (x + y )2 - (x 2 + y 2 ) = 2.x. y 59 OPTION 2 EXERCICE 1 Démontrer que I x. y I = I - x. y I EXERCICE 2 Démontrer que - 1. – x + x . y + x. – y = x EXERCICE 3 Trouver x tel que quel que soit y x. ( 3 + y ) + 3. ( x - 1) - 3 – y = 0 SESSION 2005 OPTION 1 EXERCICE A. Démontrer que I a . b I = I - a . – b I EXERCICE B. TRAITER AU CHOIX DEUX DES TROIS EXERCICES SUIVANTS. EXERCICE B-1 1) Démontrer l'égalité : ( a + 1 ) + ( a + 3 ) = 2. ( a + 2 ) 2) En utilisant notamment le résultat précédent démontrer l'égalité : (a + 1).( a + 4) + (a + 4).(a + 3) = 2. (a + 2). ( a + 4) EXERCICE B-2 Démontrer que ( a + b ) + ( - a + b ) = 2.b EXERCICE B-3 Démontrer l'égalité : (a - 2).(3a - 4) - (a - 2).(3a - 2) + (a2 - 4) = a . (a - 2) EXERCICE C. TRAITER AU CHOIX UN DES DEUX EXERCICES SUIVANTS. EXERCICE C-1 Démontrer l'égalité : u2 . v2 - a2 . b2 = (u. v + a . b). (u. v - a . b) EXERCICE C-2 Démontrer l'égalité : a2 - b2 - a. (a - b) - b.( a - b) = 0 OPTION 2 Les exercices sont indépendants et peuvent être traités dans n'importe quel ordre. EXERCICE A. Démontrer que I- 1 . x I = I x I EXERCICE B. TRAITER AU CHOIX UN DES DEUX EXERCICES SUIVANTS. EXERCICE B-1 Démontrer l'égalité : (a + 1).(a +2) + (a + 2).( a + 3) - ( 2.a + 4 ) = 2. (a + 1). ( a + 2 ) 60 EXERCICE B-2 Que peut-on dire de x et de y si x . ( y + 2 ) - y . ( x + 2 ) - 2. ( y - 2 ) + 2. ( x – 2 ) = 0 EXERCICE C. Trouver x tel que 3. x + 2 = 2. ( x + 1) + 1. 61 EPREUVES D'ECONOMIE CONDITIONS GENERALES D'EXAMEN La durée de l'épreuve est de trois heures. Aucun document n'est autorisé. Les candidats ont le choix entre deux sujets. SESSION 1995 Sujet n° 1 : La loi constitue-t-elle une protection ? Sujet n° 2 : Intérêts et limites des prix administrés ? SESSION 1996 Sujet n° 1 : La démocratie Sujet n° 2 : La construction de l'Europe est-elle utile ? SESSION 1997 Sujet n° 1 : L’autarcie présente-t-elle des avantages ? Sujet n° 2 : Le progrès humain est-il possible ? SESSION 1998 Sujet n°1 : Peut-on échapper à l’exploitation ? Sujet n° 2 : Que dire de la valeur du temps ? SESSION 1999 Sujet n° 1 : Est-il payant d’être réaliste ? Sujet n° 2 : Y a-t-il une horreur économique, comme l’écrit V. Forrester ? SESSION 2000 Sujet n° 1 : La publicité Sujet n° 2 : La croissance est-elle une solution pour lutter contre la rareté ? SESSION 2001 Sujet n° 1 : Une réforme est-elle synonyme de changement ? Sujet n°2 : L’humain peut-il refuser le progrès ? 62 SESSION 2002 Sujet n° 1 : Jean Baptiste Say a écrit « Les produits s’échangent contre des produits ». Qu’en pensez-vous ? Sujet n°2 : Le progrès permet-il d’éliminer la pollution ? SESSION 2003 Sujet n°1 : La croissance est-elle une solution pour lutter contre la rareté ? Sujet n°2 : L'existence de la rareté peut-elle être mise en doute SESSION 2004 Sujet n°1 : Comment gagner « des sous » ? Sujet n°2 : Adhérer à une coalition présente-t-il toujours un intérêt ? SESSION 2005 Sujet n°1 : La satisfaction des besoins répond-elle aux nécessités ? Sujet n°2 : Faut-il se méfier de l'échange ? 63