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Importer du bois de la République démocratique du Congo : un business à haut risque pour l’Europe Étude de cas III : afrormosia exporté de la RDC en Belgique par La Forestière Mise à jour du 26 février 2015 Le Maersk Kampala est arrivé le 7 décembre 2014 dans le port d’Anvers avec à son bord environ 130 mètres cubes d’afrormosia (Pericopsis elata) en provenance de la République démocratique du Congo (RDC). Le bois était exporté par la société italienne La Forestière et destiné à trois grands négociants en bois belges : Byttebier Hout S.A., Callens S.A. et Decolvenaere S.A. L’afrormosia est repris sur l’annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES). Le commerce de cette essence est limité et réglementé par le biais d’un système de permis. La CITES est mise en œuvre dans l’Union européenne (UE) au moyen d’un ensemble de règles connues sous le nom de règlement de l’UE sur le commerce des espèces sauvages (EU Wildlife Trade Regulation). Le bois listé négocié avec un permis valide est considéré comme ayant été récolté légalement en vertu du règlement bois de l’Union européenne (RBUE)1. Cette « voie verte » dispense le bois de toute évaluation des risques. En 2013, Greenpeace Belgique a mis en évidence un premier exemple2 de la façon dont les importations illégales d’afrormosia de la RDC pénètrent dans le pays, démontrant les faiblesses intrinsèques du système CITES par rapport à la légalité du bois et aux privilèges accordés par la voie verte du RBUE. Les risques minant les efforts de lutte contre le commerce illégal et les problèmes connexes sont largement reconnus par les acteurs concernés3 et les autorités belges4. Cette nouvelle étude de cas expose l’incapacité des autorités de la RDC, de la CITES et de l’UE à enrayer ce commerce illégal et montre comment cette situation a conduit à des dissimulations et à un écoblanchiment (greenwashing) accru. La réaction officielle face aux craintes d’un commerce continu, au sein de l’UE, de bois CITES illégal provenant de la RDC Préalablement à l’arrivée dans le port, en décembre 2014, de la cargaison d’afrormosia, Greenpeace Belgique a envoyé des preuves aux autorités CITES, RBUE et douanières ainsi qu’aux sociétés concernées en Belgique. Ces preuves ont été une nouvelle fois envoyées après l’arrivée de la cargaison. Greenpeace a demandé la saisie du bois de La Forestière et une enquête sur les trois sociétés de bois belges. 5 L’autorité CITES en Belgique a déclaré que la cargaison avait été temporairement bloquée afin d’inspecter les permis avant toute libération. Elle a également fait savoir qu’il avait été demandé, conformément à la notification liée aux permis de la RDC6, au secrétariat de l’organisation à Genève de vérifier le permis d’exportation avant de produire un permis d’importation, et que le comité scientifique CITES belge avait donné son feu vert. L’autorité conclut : « Il a été procédé à toutes les vérifications possibles dans le cadre de notre mandat. Leurs résultats ont été positifs. Les permis d’importation ont été délivrés conformément au règlement bois de l’UE et sont considérés comme valides. » Et « Les douanes ont comparé la cargaison réelle avec les permis. Comme toutes les cargaisons étaient couvertes par des permis d’exportation et d’importation CITES valides, le bois a été libéré. »7 Greenpeace Belgique 1 Byttebier et Callens, deux des négociants en bois, se sont alignés sur les autorités belges en affirmant qu’ils considéraient le bois comme légal car les permis d’importation et d’exportation CITES ont été émis et vérifiés par le secrétariat. Ils ont en revanche déclaré avoir contacté La Forestière à propos 8 des questions d’exploitation forestière illégale soulevées par Greenpeace. En réaction au cas d’importations d’afrormosia illégal dénoncé par Greenpeace Belgique en 2013, la Fédération Belge du Commerce d’Importation de Bois (FBIB) a annoncé qu’elle demandait à ses 9 membres de faire preuve de diligence raisonnée avec le bois CITES – même si celui-ci relève de la voie verte.10 La diligence raisonnée signifie que l’opérateur doit réaliser une évaluation du risque et que, s’il existe une possibilité que du bois issu d’une récolte illégale se retrouve dans sa chaîne d’approvisionnement, ce risque doit être pris en compte et réduit à un niveau négligeable. Si certains facteurs de risque sont présents – tels qu’un défaut systémique de gouvernance –, s’appuyer uniquement sur des documents officiels ne suffit pas et toute déclaration de la part des autorités du pays de récolte concerné perd en crédibilité. Decolvenaere, le troisième négociant en bois, est membre de la FBIB, contrairement à Byttebier et Callens. Contredisant ses instructions précédentes, la fédération réagit au cas présent de la façon suivante : « L’autorité CITES en Belgique reste responsable de l’émission des permis d’importation sur la base de son inventaire et de son évaluation des risques. Nos membres suivront naturellement 11 les décisions de la CITES. » Greenpeace Belgique pense que Decolvenaere, Callens et Byttebier ont tous les trois omis de faire preuve de diligence raisonnée concernant les importations d’afrormosia congolais de La Forestière. Du bois issu d’une récolte illégale a par conséquent été mis sur le marché. Exploitation forestière illégale : opérations de La Forestière dans la Province orientale, en RDC Violation du moratoire sur l’octroi de nouveaux permis de coupe industriels Selon la liste publique la plus récente des titres d’exploitation forestière du ministère de l’Environnement congolais (MECNT), La Forestière dispose de trois contrats de concession dans la Province orientale. Octroyés en 2011, pour une surface totale de 483 026 ha12, ils dérivent de titres octroyés à l’origine en 1992 et 1993. Une révision des titres forestiers financée par la Banque mondiale a considéré que les trois titres de La Forestière étaient légaux et a noté, avec satisfaction, que les autorités lui avaient accordé un allègement fiscal pour cas de force majeure en raison de « guerre ; mines antipersonnel dans la forêt, 13 14 le parc à bois et la scierie. » Les opérations de déminage se sont terminées en 2010. Le 31 mars 2014, le ministre de l’Environnement de la RDC a tenté de résoudre un litige frontalier entre La Forestière et l’entreprise forestière libanaise voisine Cotrefor en modifiant la superficie des concessions 001/11 et 003/11 de La Forestière. Ces modifications ont été publiées dans le Journal Officiel de mai 2014 (voir ANNEXE I). Le flou subsiste sur la question de savoir si le mandat qu’avait donné le premier ministre au ministre de l’Environnement en faveur d’un règlement à l’amiable s’étendait à un ajustement des limites des concessions concernées. Ce changement a visiblement conduit à une augmentation de superficie nette de 26 797 ha.15 La concession 003/11 couvre aujourd’hui 220 861 ha. La superficie de la concession 003/11 a déjà été augmentée au moins une fois auparavant, passant de 84 740 ha à 140 807 ha. Le contrat original du 4 août 2011 (voir ANNEXE II) et les rapports de mission publiés par l’Observateur Indépendant de la mise en application de la loi forestière et de la 16 17 gouvernance (OI-FLEG) en 2011 et 2014 indiquent une superficie de 84 740 ha. Pour Greenpeace, la date et les motivations de la première augmentation restent un mystère. Greenpeace Belgique 2 Cette augmentation constitue une violation du moratoire sur l’octroi de nouveaux permis de coupe industriels18 du 14 mai 2002.19 La surface actuelle de La Forestière comprend une zone exempte des 20 documents de gestion forestière requis avant la signature d’un contrat. Le site web du ministère ne publie actuellement aucun des trois contrats de l’entreprise ni aucune 21 documentation complémentaire . Conclusions de l’observation indépendante 2011 – 2013 : détection d’exploitation illégale d’afrormosia En 2011, Resource Extraction Monitoring, l’Observateur Indépendant de la mise en application de la loi forestière et de la gouvernance (OI-FLEG), financée par l’UE, a relevé plusieurs infractions commises par La Forestière, dont un marquage irrégulier de grumes et des imprécisions administratives « rendant impossible le contrôle de l’origine précise des bois ainsi déclarés », ainsi qu’une surexploitation de certaines essences, dont l’afrormosia. L’absence de cartes géo-référencées du permis de coupe visité « n’a pas permis de vérifier le respect des limites ».22 Malgré les conclusions de l’OI-FLEG, le ministère n’a toujours pas émis de rapport officiel sur ces infractions.23 La nouvelle OI-FLEG, l’Observatoire de la Gouvernance Forestière (OGF), a effectué en octobre 2013 une mission dans la concession 003/11, avec des inspecteurs du ministère de l’environnement. L’Observatoire a constaté que La Forestière « a exploité frauduleusement » deux blocs de coupe (C40 et C35) pour lesquels des permis avaient été délivrés par un fonctionnaire local24 (voir ANNEXE III). La mission de terrain a relevé plusieurs autres infractions, parmi lesquelles : - - Des dégâts « énormes » dus au non-respect des règles d’exploitation forestière à faible impact lors de l’ouvertures des bretelles et construction des parcs secondaires. L’absence de cartes géo-référencées d’exploitation des Assiettes annuelles de coupe et des Autorisations de coupe industrielle de bois, et absence de la matérialisation des limites du bloc D40 empêchant la mission de vérifier si l’exploitation s’est bien déroulée à l’intérieur des limites du bloc D40, empêchant la mission de vérifier si l’exploitation s’est bien déroulée à l’intérieur des limites concernées. L’absence d’un carnet de chantier sur les sites d’exploitation. Un marquage non conforme de grumes. Une base-vie non conforme. Absence des mesures de sécurité pour les travailleurs. Non-respect des normes environnementales. 25 Non-paiement de la taxe pour la scierie mobile . L’OI-FLEG a dénoncé l’utilisation continue par le ministère de permis de coupe ordinaires pour le prélèvement d’afrormosia au lieu des permis spéciaux exigés par la loi26. La Forestière a apparemment reçu une amende de 13 438 USD, même si Greenpeace ne dispose d’aucune 27 confirmation de son règlement . Mission de terrain de Greenpeace, novembre 2014 En novembre 2014, Greenpeace Afrique a mené une mission de terrain dans la concession 003/11, en compagnie d’un expert de l’administration provinciale de l’Environnement. Nous avons interrogé des membres du comité de direction local, des travailleurs, des fonctionnaires de l’administration locale et des membres de la société civile. Les habitants locaux ont laissé entendre que l’expansion de la concession en violation du moratoire de 2002 s’est déroulée sans avoir consulté les communautés28. Greenpeace a pu confirmer plusieurs des infractions relevées par l’OI-FLEG et a révélé les faits suivants : Greenpeace Belgique 3 - Irrégularités dans les autorisations de coupe : o Deux autorisations spéciales pour la coupe d’afrormosia, 36/PO/2014 et 21/PO/2014 (voir ANNEXE IV), ont été signées respectivement le 19 août et le 5 juin 2014. C’est après l’échéance officielle fixée par la loi au 31 décembre de l’année précédant le 29 début du prélèvement . o Des questions se posent quant à l’éventuel renouvellement officiel du permis de 2013 (45/2013/PO/15 pour le bloc D40, voir ANNEXE V) pour autoriser l’exploitation d’afrormosia repris dans la première déclaration trimestrielle de 2014. o La même autorisation de coupe annuelle (ACIBO 45/2013/PO/15) est incorrecte vu que l’afrormosia ne peut être prélevé qu’avec une autorisation spéciale. - Non-respect des cahiers des charges : o L’ONG Centre National d’Appui au Développement et à la Participation Populaire (CENADEP), basée à Kisangani, a rapporté à Greenpeace Afrique que La Forestière a violé la convention d’investissement social (cahier des charges) qu’elle a signée avec les communautés de Banalia pour la concession 002/11. Les habitants affirment qu’ils n’ont reçu aucun versement et qu’aucun des travaux de construction et d’infrastructure promis n’a été terminé. Le premier cahier de charges de 2010 constituait lui-même une infraction à l’arrêté réglementant de tels accords.30 Il indiquait que le paiement pour les projets de développement ne commencerait que dès le début effectif des travaux d’exploitation, alors qu’il doit en réalité commencer dès la signature de l’accord. Avec l’aide du CENADEP, ce passage a été amendé en 2012 (voir ANNEXE VI). o Un représentant de la communauté de Baego affirme que l’entreprise a violé son cahier des charges du 24 novembre 2010 (contrats de concession 001/11 et 003/11). Dans une lettre datée du 5 octobre 2014 (ANNEXE VII), la communauté a demandé une discussion sur ces questions avec l’entreprise, à l’occasion d’une réunion fixée au 30 octobre. Cette réunion n’a pas eu lieu à cette date, ni à aucune autre à ce jour. Les règles CITES par rapport à la pratique sur le terrain Greenpeace et d’autres ONG internationales demandent à toutes les parties à la CITES qu’elles suspendent immédiatement le commerce avec la RDC de toutes les espèces listées par l’organisation.31 Le chaos organisé qui caractérise la gestion des ressources naturelles du pays s’étend aux autorités et dépasse largement les essences de bois, certains rapports faisant état d’un trafic d’espèces de grands singes et de perroquets gris. La corruption, le commerce illégal et l’incapacité à répondre aux exigences en matière d’espèces sauvages restent des problèmes chroniques32. Notification de la CITES sur les permis manquants Le 2 avril dernier, la CITES a publié une notification établissant que le secrétariat avait « appris l’existence d’un grand nombre de faux permis ou de permis falsifiés délivrés en apparence par la République démocratique du Congo » et recommandait « jusqu’à nouvel avis, [...] de ne pas accepter de permis d’exportation CITES ou de certificat CITES délivré en apparence par la République démocratique du Congo, sans confirmation de leur validité par le Secrétariat ».33 Elle a également publié une longue liste de permis qu’elle a qualifiés de « manquants », alors qu’en fait bon nombre d’entre eux avaient été octroyés aux principales multinationales forestières du pays. Cotrefor, Sodefor, Forabola et Siforco en faisaient partie, selon une liste fournie par le ministère de l’Environnement.34 Un groupe d’ONG a demandé avec insistance au secrétariat de la CITES ce que signifie concrètement l’approbation préalable. Un courrier envoyé le 27 novembre (voir ANNEXE VIII) a reçu une réponse du secrétaire général John E. Scanlon le 29 décembre 2014 (voir ANNEXE IX). Les éléments communiqués mettent en évidence le fait que le processus de vérification n’a qu’une portée Greenpeace Belgique 4 très limitée et que le secrétariat vérifie uniquement si le permis a bien été délivré par l’autorité de gestion de la RDC – pas si cette délivrance respectait les exigences de la CITES. Il est regrettable que la notification de la CITES du 2 avril 2014 laisse entendre que le secrétariat est apte à confirmer la « validité » des certificats d’exportation. En réalité, il ne peut que vérifier leur existence. Le secrétariat soutient en outre que la vérification de la légalité relève du mandat du pays émetteur. Comme aucun système de traçabilité du bois n’est en place pour la RDC, et vu le manque de gouvernance en termes de réglementation CITES, tout certificat d’exportation apparaît comme très suspect et est potentiellement émis sans garantie quant à la légalité du bois. Les cargaisons d’afrormosia de La Forestière montrent qu’il est possible d’obtenir un certificat d’exportation CITES en RDC même s’il est de notoriété publique que le producteur se livre à une exploitation illégale et destructrice. Définition du quota pour l’afrormosia de la RDC Dans un communiqué daté du 9 septembre 2014 adressé aux titulaires de concessions forestières, le secrétaire général du MECNT donnait aux exploitants d’afrormosia un délai jusqu’au 31 octobre 2014 pour déposer – « à défaut des plans d’aménagement approuvés » – « au moins les rapports 35 d’inventaire forestier d’aménagement ». Ces rapports, à présenter à la Direction des inventaires et de l’aménagement forestiers (DIAF), doivent « permettre ainsi d’évaluer le volume de prélèvement de cette espèce pour 2015 ». Le 23 mai 2014, l’autorité CITES de la RDC a déposé un avis de commerce non préjudiciable (ACNP) auprès du secrétariat.36 Un ACNP doit servir de base scientifique pour fixer le quota d’exportation à un niveau qui ne mette pas l’espèce davantage en danger. L’ACNP de l’afrormosia contient un tableau avec un code couleur reprenant 23 permis de coupe classés selon l’état de progression des inventaires d’afrormosia par leurs titulaires.37 Onze titres surlignés en rouge – au bas de la liste – « dont la prise en compte pour le calcul du quota […] en 2015 est peu probable en raison du retard pris dans le processus d’aménagement ». Les exploitants de sept de ces onze permis devaient encore déposer un « plan de sondage » de base. Les trois titres de La Forestière en font partie. Selon la Fédération Belge du Commerce d’Importation de Bois (FBIB), aucun des titres de La Forestière n’entre en ligne de compte pour l’exportation d’afrormosia en 201538 (voir ANNEXE X). Le quota d’afrormosia de la RDC pour 2015 s’élève à 23 240 mètres cubes39, en légère baisse par rapport aux années précédentes. Greenpeace et d’autres ONG remettent en question le sérieux de l’ACNP.40 Les inventaires d’afrormosia sont réalisés par les sociétés elles-mêmes et ne sont pas officiellement validés. En outre, il n’y a à ce jour aucun système de traçabilité en place, ce qui complique la tâche consistant à vérifier que le bois est issu des titres forestiers appropriés. Les niveaux de prélèvement ne s’appuient pas sur les connaissances scientifiques relatives au statut de l’espèce et à sa prévision de croissance, et le prélèvement responsable n’est pas non plus garanti par un plan exhaustif de gestion forestière (une seule société a déposé un plan de gestion complet). Greenpeace estime que l’ACNP est rédigé de sorte à protéger l’industrie forestière, et non l’espèce d’arbre. Cela apparaît clairement à la lecture de l’affirmation de la Fédération des Industriels du Bois (FIB), qui représente certains exploitants industriels du Congo, selon laquelle le commerce de l’afrormosia ne devrait pas être suspendu sous peine de risquer de devoir fermer l’entièreté du secteur 41 forestier industriel. La CITES et le RBUE, une relation tendue Le règlement CE 865/2006 sur le commerce des espèces sauvages, qui couvre la mise en œuvre de 42 la CITES au sein de l’UE, a été amendé le 16 janvier 2015. Une clause nouvellement introduite permet aux autorités CITES nationales de remettre en question la validité des permis d’exportation et de les rejeter lorsque des questions de légalité relatives à la protection des espèces ne reçoivent pas une réponse satisfaisante. Il se dit également qu’un document d’orientation est en préparation. Greenpeace Belgique 5 Au moment des importations d’afrormosia de La Forestière en décembre 2014, les autorités belges ont choisi d’ignorer les changements déjà proposés par la Commission afin de renforcer le règlement UE sur le commerce des espèces sauvages. Ces changements ont été publiés et portés à la connaissance des autorités belges au moment de l’importation. Recommandations de Greenpeace : risque élevé d’une « circulation libre sur la voie verte » pour le bois CITES Cette étude de cas montre que, malgré la reconnaissance des problèmes dans l’application de la CITES et de l’existence de la voie verte RBUE, les pratiques ne se sont pas améliorées. Le premier problème est le fait que les sociétés et les autorités abusent de la vérification des permis par le secrétariat international de l’organisation afin de revendiquer la conformité avec les obligations CITES et RBUE, tandis que le secrétariat CITES n’assume aucune responsabilité quant à la légalité du bois. Le gouvernement de la RDC est quant à lui connu pour son manque d’efficacité extrême en termes d’application de la CITES. Deuxièmement, six sociétés sont autorisées à exporter de l’afrormosia de la RDC en 2015 avec un sceau d’approbation ACNP, malgré l’absence d’améliorations significatives dans la gouvernance du régime de la CITES, et alors qu’elles affichent un bilan très médiocre en termes de pratiques forestières. Les recommandations de Greenpeace sont les suivantes : - - - - - - Les importateurs européens doivent faire preuve de diligence raisonnée pour tout le bois et les produits de bois importés, en ce compris les produits CITES, afin d’éviter que du bois illégal n’entre dans leur chaîne d’approvisionnement. Il reste presque impossible d’importer du bois de la RDC tout en respectant les obligations du RBUE. Les autorités compétentes au sein de l’UE doivent saisir l’afrormosia de La Forestière et ouvrir une enquête sur les trois sociétés belges impliquées. Celles-ci devraient à leur tour s’abstenir de commercialiser le bois. Les autorités CITES en Europe doivent se servir des nouveaux pouvoirs octroyés par le règlement UE sur le commerce d’espèces sauvages pour refuser d’accorder des permis d’importation s’il y a le moindre doute sur la légalité d’une cargaison de produits CITES. L’UE doit considérer le plan d’action pour l’application des réglementations forestières, gouvernance et échanges commerciaux (FLEGT) ainsi que les processus d’examen RBUE comme une occasion de concevoir des stratégies qui s’attaquent au commerce de bois CITES illégal. La Commission européenne devrait fournir des orientations en la matière aux autorités CITES et RBUE. Le gouvernement de la RDC doit : o Organiser une validation indépendante des inventaires d’afrormosia des sociétés forestières et s’assurer que l’application de la CITES s’améliore significativement en renforçant les institutions et les systèmes de vérification du bois. o Suivre les recommandations formulées en 2014 par la mission de l’OI-FLEG concernant La Forestière et l’afrormosia, enquêter plus en profondeur et sanctionner les agissements de la société. La violation du moratoire est extrêmement préoccupante et exige une intervention politique de haut niveau. La CITES doit procéder en RDC à une étude du commerce à l’échelle du pays, ou à une étude exhaustive à la fois de la faune et de la flore par les comités respectifs, et suspendre le commerce des espèces listées provenant de la RDC jusqu’à ce que la conformité et la durabilité des espèces reprises sur la liste CITES puissent être garanties. 1 Règlement (UE) n° 995/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 établissant les obligations des opérateurs qui mettent du bois et des produits dérivés sur le marché. Article 3. 2 Greenpeace Belgique, « Importer du bois de la République démocratique du Congo : un business à haut risque pour l’Europe. Étude de cas dans le port d’Anvers : blocage, investigation et libération de bois afrormosia illégal pour des commerçants de bois belges », juin 2013. Greenpeace Belgique 6 3 Chatham House, « Meeting Summary : The EU Timber Regulation and CITES », 11 – 12 décembre 2013. 4 Service public fédéral belge, « Le Service CITES libère le bois d’Afrormosia », communiqué de presse du 13 mai 2013 : « Selon ce nouveau règlement européen, entré en vigueur le 3 mars dernier, qui interdit la mise sur le marché de l’UE de bois illégal, les importateurs doivent s’assurer que le bois a été obtenu conformément à la législation applicable dans le pays de provenance. Le règlement part du principe que les autorisations d’exportation CITES offrent une garantie pour la légalité du bois. Le problème avec les cargaisons de bois d’Afrormosia saisies démontre cependant que ce système nécessite une évaluation critique. » 5 E-mails de Greenpeace Belgique adressés aux autorités CITES, RBUE et douanières, 7 et 15 décembre 2014. 6 CITES, Notification n° 2014/017, « Permis manquants et vérification des permis », 2 avril 2014), http://cites.org/sites/default/files/notif/F-Notif-2014-017.pdf. 7 Autorité CITES belge, e-mail à Greenpeace Belgique, 11 décembre 2014, extrait traduit du néerlandais : « Alle verificaties die wij gemachtigd zijn om te doen, werden uitgevoerd en waren positief. De invoervergunningen werden dus afgeleverd conform de EU-Verordeningen terzake en dienen als geldig beschouwd te worden. » Et « De douane heeft dan geverifieerd of de zending overeenkwam met de door ons aangegeven vergunningen. Aangezien alle zendingen gedekt zijn door geldige CITESuitvoer en –invoervergunningen, werden de zendingen vrijgegeven. » 8 E-mail de Byttebier à Greenpeace Belgique, 15 décembre 2014 et appel téléphonique de Callens et Greenpeace Belgique, 16 décembre 2014. 9 Houtwereld, « Thema artikel België, Ondanks alles optimistisch », juin 2013, n° 12. 10 Le document d’orientation de la Commission est clair à ce sujet : « Le niveau de gouvernance peut compromettre la fiabilité de certains documents faisant état d’une conformité avec la législation applicable. Il faut donc prendre en considération le niveau de corruption du pays, ses indices de risques commerciaux ou d’autres indicateurs de gouvernance », sur http://ec.europa.eu/environment/forests/pdf/Final%20Guidance%20document.pdf 11 E-mail de la FBCIB à Greenpeace Belgique, 16 décembre 2014, traduit du néerlandais : « Uiteraard is en blijft het de verantwoordelijkheid van CITES België de noodzakelijke invoervergunning uit te geven op basis van het door hen onderzochte en geevalueerde risiko. Het is duidelijk dat onze leden zich bij de beslissingen van CITES neerleggen. » 12 MECNT, « Note technique à l’attention de son Excellence Monsieur le Premier Ministre, chef du gouvernement », « annexe I. Clôture du processus de conversion des anciens titres forestiers au 31 juillet 2014. Tableau des titres convertis par province », 26 août 2014. 13 « Dégrèvement de la redevance de superficie forestière par la DGRAD du fait de la force majeure (guerre, mines antipersonnelles [sic] dans la forêt, le parc à bois et la scierie) ». MECNT, Commission Interministérielle de Conversion des Anciens Titres Forestiers, « Tableau récapitulatif par titre des recommandations de la Commission Interministérielle de Conversion des Anciens Titres Forestiers », 19 septembre 2008. 14 REM, « RAPPORT DE MISSION DE TERRAIN N°1 », mission 3-29 juillet 2011, http://www.observationrdc.info/documents/Rapport_REM_001_OIFLEG_RDC.pdf, p. 19 15 Concession 001/11 : réduction de 53 257 ha par rapport à la superficie d’août 2013 (167 975 ha --> 114 718 ha) ; concession 003/11 : augmentation de 80 054 ha par rapport à la superficie d’août 2013 (140 807 ha --> 220 861 ha). Superficie d’août 2013 sur le site web du MECNT : http://www.mecnt.gouv.cd/v2/index.php/mecnt3/le-ministere2/textes-legaux/category/386-situationdes-titres-forestiers 16 REM, « RAPPORT DE MISSION DE TERRAIN N°1 », mission 3-29 juillet 2011, http://www.observationrdc.info/documents/Rapport_REM_001_OIFLEG_RDC.pdf 17 Observatoire de la Gouvernance Forestière (2014), Mission de Terrain N°1, octobre 2013. 18 Arrêté n° 05/116 du 25 octobre 2005 fixant les modalités de conversion des anciens titres forestiers en contrats de concession forestière et portant extension du moratoire en matière d’octroi des titres d’exploitation forestière, article 16 : « En aucun cas la conversion d’un titre ne peut entraîner l’extension des superficies concernées ou leur substitution par des nouvelles. Les superficies peuvent être réduites en raison de la remise en cohérence des limites de la concession avec les terroirs agricoles et les zones non productives, ou à la demande du requérant. » et art. 23 al. 2 : « Ce moratoire couvre toute acquisition de droit d’exploitation, y compris par échange, relocalisation ou réhabilitation d’anciens titres ». http://www.leganet.cd/Legislation/JO/2005/JO.25.10.2005.2.pdf 19 Arrêté ministériel n° CAB/MIN/AF.F.-E.T/194/MAS/02 du 14 mai 2002 portant suspension de l’octroi des allocations forestières. 20 Ibid, articles 2 et 7. 21 http://www.mecnt.gouv.cd/v2/index.php/mecnt3/le-ministere2/textes-legaux/category/167-concessions-avec-contrat-signeavec-un-plan-de-gestion-et-accord-de-clauses-sociales-mis-a-jour Greenpeace Belgique 7 22 Voir ci-dessus note 14. 23 REM, « COMPTE RENDU SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION AD HOC DE L’OBSERVATEUR INDEPENDANT », avril 2013, http://www.observation-rdc.info/documents/2013_Suivi_OI_REM_CDL.pdf En avril 2013, les discussions entre l’entreprise et le ministère à propos de l’allégation de marquage incorrect étaient « en cours » (Ibid.) 24 OGF (2014) Rapport de mission de terrain N° 1, p. 5. 25 Ibid., pages 47 à 50. 26 Arrêté ministériel n° 0011/CAB/MIN/ECN-EF/2007 du 12/04/2007 portant réglementation de l’autorisation de coupe industrielle de bois d’œuvre et des autorisations d’achat, vente et exportation de bois d’œuvre. 27 Voir ci-dessus note 24, p. 12. 28 Voir ci-dessus note 18, article 7 et Arrêté N° 28/CAB/MIN/ECN-T/15/JEB/O0 du 7 août 2008 fixant les modèles de contrat de concession d’exploitation des produits forestiers et de cahier des charges y afférent, articles 10 et 17. 29 Arrêté ministériel n° 0011/CAB/MIN/ECN-EF/2007 du 12/04/2007 « portant réglementation de l’autorisation de coupe industrielle de bois d’œuvre et des autorisations d’achat, vente et exportation de bois d’œuvre », article 4. 30 Arrêté n° 023 /CAB/MIN/ECN - T/23/JEB/10 du 7 juin 2010. 31 http://ciel.org/Publications/CITES_DRC_8Jul2014.pdf 32 CITES, Notification aux parties : Vérification des permis d’exportation pour les perroquets gris, n° 2013/051 (15 novembre 2013), http://cites.org/sites/default/files/notif/F-Notif-2013-051.pdf ; pour des détails sur les décisions 14.82-14.85 relatives à e P.erithacus, voir Décisions de la Conférence des Parties à la CITES en vigueur après la 16 session, Décisions CoP 16 (mars 2013), http://www.cites.org/fra/dec/valid16/F16-Dec.pdf. CITES, Conservation et commerce des grands singes, Conf. 13.4 (Rev. CoP16) (2013), http://www.cites.org/fra/sites/default/files/res/all/13/F-Res-13-04R16.pdf ; le secrétariat a fourni une mise à jour sur les actions et points d’attention en cours, y compris le commerce illégal, préalablement à e la 65 session du Comité permanent. Voir CITES, Interprétation et application de la Convention, SC65 Doc. 37 (2014), http://www.cites.org/sites/default/files/fra/com/sc/65/F-SC65-37.pdf. 33 CITES, Notification n° 2014/017, « Permis manquants et vérification des permis », 2 avril 2014), http://cites.org/sites/default/files/notif/F-Notif-2014-017.pdf. 34 Ministère de l’Environnement, Conservation de la Nature et Tourisme (MECNT), Direction de la Conservation de la Nature, Organe de Gestion CITES/RDC, « Rapport annuel. Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction CITES », non daté. MECNT, Organe de Gestion CITES/RDC, lettre n° 269 DCN/SG/ECN/2013 au secrétaire général de la CITES « Transmission Rapports CITES 2011 et 2012 », 15 décembre 2013. 35 MECNT, Communiqué officiel n° 002/SG/ECN/2014, 9 septembre 2014, http://www.mecnt.gouv.cd/v2/index.php/mecnt3/leministere2/textes-legaux/category/464-communique-officiel-sept-2014 36 ICCN, MECNT, « Avis de Commerce Non Préjudiciable pour l’exploitation et le commerce d’Afrormosia (Pericopsis elata) en République Démocratique du Congo », mai 2014 ; lettre du MECNT au secrétariat de la CITES, 23 mai 2014. 37 « Références et caractéristiques des 23 titres forestiers situés dans l’aire de distribution naturelle de P. elata, notamment en ce qui y concerne l’état de progression des inventaires d’aménagement » 38 39 E-mail de la FBCIB à Greenpeace Belgique, 19 décembre 2014. http://www.cites.org/sites/default/files/common/quotas/2015/ExportQuotas2015.pdf 40 http://ciel.org/Publications/CITES_DRC_8Jul2014.pdf 41 Voir ci-dessus note 36, p. 38. 42 http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=OJ:L:2015:010:TOC Greenpeace Belgique 8