adaptation au changement climatique

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adaptation au changement climatique
Dossier Adaptation et Atténuation, N°1, Juillet 2010
LA NOTION D’ADAPTATION
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
Le travail effectué dans le livre blanc du changement climatique en Savoie a permis d’identifier les
secteurs potentiellement ou actuellement vulnérables aux conséquences du changement climatique
ainsi que les différentes stratégies à mettre en œuvre pour s’y adapter au niveau territorial.
Alors que le Plan National d’adaptation au changement climatique en France est prévu pour 2011, il
est indispensable de rappeler et préciser dans ce premier numéro les définitions, les atouts et les
limites du concept de l’adaptation, ainsi que les outils à développer pour répondre à ces enjeux.
Quelques définitions
Adaptation : ajustement des systèmes naturels ou humains en réponse à des stimuli climatiques
présents ou futurs ou à leurs effets, afin d’atténuer les effets néfastes ou d’exploiter des opportunités
bénéfiques ; l’adaptation peut être anticipée ou réactive, publique ou privée, autonome ou planifiée.
Aléa : événement naturel susceptible de se produire et dont on s’efforce d’évaluer la probabilité.
Atténuation : intervention humaine pour réduire à la source les émissions de gaz à effet de serre, ou
augmenter le stockage de ces gaz (puits).
Vulnérabilité : degré par lequel un système risque de subir ou d’être affecté négativement par les
effets néfastes des changements climatiques, y compris la variabilité climatique et les phénomènes
extrêmes.
1) Le concept d’adaptation
L’adaptation vise à réduire la vulnérabilité des systèmes ou territoires par des actions qui permettent
de réduire les impacts effectifs du changement climatique ou d’améliorer la capacité de réponse de la
société.
L’adaptation peut englober des stratégies nationales ou régionales et des mesures concrètes prises au
niveau communautaire ou individuel. Menée à bien anticipativement ou a posteriori, elle concerne
aussi bien les systèmes naturels que les systèmes humains. La notion de «climate proofing» est
souvent utilisée pour qualifier le processus consistant à garantir la viabilité d’un investissement tout au
long de sa durée de vie par la prise en compte du changement climatique.
Face aux changements
climatiques, il existe deux
types de politiques de
prévention : l’atténuation,
d’une part, qui s’adresse aux
causes du changement en
s’efforçant de réduire les gaz
à effet de serre présents dans
l’air, et l’adaptation au
nouveau climat, d’autre
part.
ONERC
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Les finalités
L’adaptation, qui vise à réduire notre vulnérabilité aux conséquences du changement climatique,
poursuit quatre grandes finalités qui doivent sous-tendre l’ensemble des mesures à mettre en place :
- protéger les personnes et les biens en agissant pour la sécurité et la santé publique,
- tenir compte des aspects sociaux et éviter les inégalités devant les risques,
- limiter les coûts et tirer parti des avantages,
- préserver le patrimoine naturel.
De façon générale, l’appréciation stratégique de l’adaptation au sein des différentes approches repose
sur la capacité que l’on a à identifier au préalable les impacts du changement climatique au sein de ces
secteurs. Il convient de souligner aussi que de nombreux systèmes, tant techniques que socioéconomiques, sont mal adaptés aux conditions climatiques d’aujourd’hui et à la variabilité de ce climat
alors qu’il existe des lois et des plans de prévention. Par conséquent, un point de départ consisterait à
retenir les mesures permettant de renforcer la résistance de ces systèmes aux conditions actuelles. Une
réflexion doit être engagée sur le long terme, dans le sens d’une meilleure protection des personnes et
des biens et d’une meilleure gestion des ressources naturelles, et non pas se limiter aux actions de
crise.
Le concept de mal-adaptation et les stratégies « sans regret »
Si atténuation et adaptation ne vont pas toujours dans le même sens, ce qui sera souligné dans les
paragraphes suivants, l’adaptation peut aussi conduire à des résultats non-conformes aux attentes
et les risques de mal-adaptation ne doivent pas être sous-estimés. Cette notion de mal-adaptation est
définie par le GIEC de la manière suivante : un changement dans les systèmes naturels ou humains qui
conduit – de manière non intentionnée - à augmenter la vulnérabilité au lieu de la réduire.
Une explication plus pragmatique est proposée pour lequel une situation de mal-adaptation correspond
par exemple à l’une des situations suivantes :
• utilisation inefficace de ressources comparée à d’autres options d’utilisation (par exemple, faire en
sorte que chaque investissement soit calibré par rapport au changement climatique engendrerait un
surcoût qui ne serait sans doute pas profitable à l’ensemble de la société) ;
• transfert de vulnérabilité : d’un système à un autre, mais également d’une période à une autre (une
mesure peut être positive sur une période et négative ensuite, ou inversement).
Prendre la mesure du risque de mal-adaptation, c’est notamment privilégier le choix de stratégies
« sans regret », qui permettent de réduire la vulnérabilité au changement climatique tout en ayant
des bénéfices immédiats, leur pertinence et leur efficacité étant indépendantes de l’incertitude sur
les évolutions climatiques. Les actions d’amélioration de la capacité d’adaptation sont souvent
considérées comme des mesures « sans regret » dans la mesure où elles rendent la société
moins vulnérable à un ensemble de pressions (y compris à la variabilité climatique), quel que soit le
niveau effectif du changement.
En termes de stratégies d’adaptation « sans regret », la notion de « stratégie adaptative » a été
introduite pour le secteur de la biodiversité. Il s’agit d’un mode d’adaptation qui, dans un contexte de
forte incertitude et de manque de connaissance sur les réactions des écosystèmes au changement
climatique, permet d’augmenter le potentiel d’adaptation et la résilience des écosystèmes et d’infléchir
la gestion de l’adaptation au fil du temps, en fonction des observations.
Il est intéressant de prendre en compte ce concept dans la gouvernance des territoires, car il préserve la
capacité d’adaptation intrinsèque des écosystèmes tout en maintenant la possibilité d’intervenir en
fonction des évolutions constatées. En ce sens, il s’agit d’une gouvernance prudente, graduée et
flexible.
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2) La mise en œuvre de l’adaptation
La mise en œuvre de l’adaptation sera guidée notamment par l’application des principes suivants :
– le souci de l’équité, qui exige d’associer toutes les collectivités et catégories socioprofessionnelles
susceptibles de subir les conséquences du changement climatique ;
– l’anticipation des situations de crise, autant que cela sera possible ;
– le fait que le recours aux dispositifs d’assurance, privés ou publics, ne permettra pas de répondre à
toutes les situations et pourra même retarder des décisions d’adaptation nécessaires ;
– le fait que les aides et les subventions ne doivent pas conduire à faire perdurer des situations sans
issue, mais plutôt favoriser les évolutions et les diversifications économiques dans une optique de
développement durable ;
– le souci d’articulation avec l’atténuation ;
– la recherche d’actions présentant d’autres avantages, en dehors du changement climatique.
Les acteurs concernés par l’adaptation
L’adaptation est susceptible de concerner tous les secteurs réceptifs aux conséquences possibles du
réchauffement climatique. Elle doit associer des politiques nationales, une approche au niveau local et
une implication des acteurs socioéconomiques. La solidarité nationale doit s’exercer en présence de
catastrophes. Cependant, l’État ne peut assumer le coût des réponses à des problèmes chroniques.
L’effort d’adaptation ne peut reposer entièrement sur la contrainte réglementaire ou sur des
subventions.
C’est donc l’ensemble des décideurs privés et publics qui doivent intégrer l’adaptation dans leurs
choix. La prise en compte par l’ensemble de ces acteurs des implications à long terme de leur action,
fondement du développement durable, nécessite des changements de valeurs qui, comme la société, ne
se réforment pas par décrets. Il ne faut donc pas négliger le travail sur la vision et les valeurs
partagées.
Les acteurs de l’adaptation incluent les catégories suivantes :
- élus nationaux et territoriaux ;
- ministères, administrations centrales et services déconcentrés ;
- acteurs territoriaux (régions, départements, autorités locales...) ;
- agences et établissements publics ;
- entreprises ;
- associations ;
- citoyens, consommateurs ;
- médias.
Les fondamentaux des politiques publiques d’adaptation au changement climatique
- L’atténuation est d’abord globale, l’adaptation est d’abord locale.
- Pour un territoire donné, l’adaptation au changement climatique est un faisceau de contraintes, c’est
aussi un ensemble d’opportunités.
- L’articulation entre politiques publiques et pratiques privées d’adaptation au changement climatique
doit constituer une richesse, pas un obstacle.
- La réponse adéquate d’un territoire donné à la question de l’adaptation dépend autant des jeux
d’acteurs locaux que des solutions techniques et économiques possibles.
Quelques premiers principes à suivre : la politique est à mener pendant les 10 à 30 prochaines années
et donc pas de précipitation mais pas d’endormissement. Poser les cadres, installer les boutons, tester
le fonctionnement, évaluer la mesure.
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La prise de décision en univers incertain
Etant donné le contexte présenté précédemment, on se trouve donc – pour la prise de décision – dans
un univers incertain et controversé, ce qui souligne l’intérêt de certaines méthodes spécifiques, à
savoir notamment :
• l’utilisation de probabilités ;
• la mise en valeur de seuils critiques (seuils d’irréversibilité notamment) ;
• la mise en place d’approches participatives afin d’impliquer les acteurs concernés dans
l’analyse ;
• la priorité à la recherche de solutions flexibles, révisables ou de stratégies « sans regret ».
3) Adaptation et atténuation : conflit et synergie
Les quatre différences majeures entre ces deux approches sont les suivantes :
•
L’échelle géographique : quelle que soit l’échelle de mise en œuvre, les bénéfices des mesures
d’atténuation sont globaux, tandis que l’adaptation est réalisée en général au niveau local (bien qu’elle
soit coordonnée à des échelles plus larges – nationale, européenne) et apporte des bénéfices à l’échelle
du système impacté.
•
L’échelle temporelle : les bénéfices d’une politique d’atténuation menée aujourd’hui seront
mis en évidence des décennies plus tard, du fait de la longue durée de vie des GES dans l’atmosphère.
En revanche, certaines mesures d’adaptation mises en œuvre aujourd’hui auront des bénéfices à court
terme, en réduisant la vulnérabilité à la variabilité climatique (notons que d’autres ne seront efficaces
que sur le long terme – par exemple : redéfinition des normes de construction).
• Le nombre et la nature des acteurs impliqués : l’atténuation implique en grande partie des grands
émetteurs (acteurs du secteur de l’énergie, des transports…), habitués à prendre des décisions
d’investissement à long-terme. Les acteurs de l’adaptation sont plus nombreux et appartiennent à
des secteurs plus variés, incluant la santé, la biodiversité ou encore la gestion des côtes.
•
La comptabilisation des coûts et des bénéfices : l’efficacité des mesures d’atténuation peut être
mesurée à l’aide d’une même unité - la tonne d’équivalent CO2 évitée. Une métrique unique est plus
difficile à trouver pour comparer différentes mesures d’adaptation (dommages monétaires évités, vies
humaines sauvées…), rendant difficile la comparaison entre différentes mesures et donc la prise
de décision. (Klein et al. 2005)
En dépit des différences entre les approches d’atténuation et d’adaptation, il est nécessaire de
développer et de tirer profit des synergies entre ces deux options.
On parle de synergies lorsque les moyens de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre
participent également à réduire les conséquences adverses du changement climatique ; et
réciproquement. On citera l’exemple du développement de la végétation en milieu urbain, qui
favorise le stockage de carbone (atténuation) et peut contribuer à limiter l’effet d’îlot de chaleur en cas
de canicule (adaptation).
A l’inverse, des conflits potentiels peuvent émerger entre adaptation et atténuation. Ceux-ci doivent
être soulignés afin d’être systématiquement étudiés en amont des stratégies de lutte contre le
changement climatique. A titre d’exemple, favoriser une forte densité en milieu urbain permet
d’incorporer des systèmes d’approvisionnement énergétique permettant de réduire les émissions de
GES, mais peut contribuer également à créer des îlots de chaleur urbains. Soulignons que l’apparition
de synergies/de conflits dépend fortement du contexte local dans lequel les mesures sont mises en
œuvre.
L’adaptation et l’atténuation sont étroitement liées au plan des principes : la crainte des impacts est en
effet la raison pour laquelle une action est nécessaire dans les deux cas. L’action en faveur de
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l’adaptation, comme toute politique publique, devra prendre en considération l’atténuation, afin
d’exploiter les synergies, de résoudre les contradictions possibles et d’assurer une bonne lisibilité de
l’action par les collectivités.
Il apparaît clairement qu’aucune mesure d’adaptation ne compenserait l’absence de réductions
d’émissions de gaz à effet de serre, qui doivent être conduites dans tous les secteurs : transports,
habitat, industrie, agriculture... Comme l’adaptation, l’atténuation doit aussi passer par une
régionalisation et une territorialisation des responsabilités et moyens d’action. La manière de
communiquer est également essentielle.
L’expérience montre qu’il n’est pas possible de séparer les deux approches dans le discours, sans
désorienter les interlocuteurs qui ne sont pas toujours suffisamment informés des questions relatives
au changement climatique. La question de l’adaptation relève donc clairement d’une analyse en termes
de développement durable qui doit prendre en compte des objectifs multiples : objectifs sociaux,
environnementaux, économiques, dans un contexte souvent contradictoire. Une telle démarche
implique la prise en compte des interfaces avec les politiques économiques et sociales en termes
d’acceptabilité.
Il convient également de souligner que l’évaluation des impacts futurs dépend de l’organisation socioéconomique au moment où seront ressentis ces impacts, laquelle est, sur le long terme, très
difficilement prévisible sous de nombreux aspects. Les extrapolations dans ce domaine peuvent se
révéler très hasardeuses, l’expérience passée montrant que l’histoire ne se répète généralement pas :
les voies du développement futur seront sans nul doute très différentes de celles du passé.
Interactions sectorielles
La compréhension des impacts du changement climatique et la mise en œuvre de stratégies
d’adaptation efficaces impliquent une prise en compte de ces différentes formes d’interactions, telles
que décrites ci-dessous:
- Les conséquences du changement climatique pour un secteur donné peuvent entraîner des effets
« en cascade » pour d’autres secteurs, du fait des nombreuses interdépendances qui existent.
L’exemple le plus évident est peut-être celui de la baisse de la disponibilité en eau, qui se répercutera
sur l’ensemble des secteurs d’activité (agriculture, tourisme, énergie…). Les mécanismes qui
gouvernent ces interdépendances (qu’ils soient financiers, en lien avec les ressources naturelles ou
encore les ressources humaines) s’inscrivent à l’échelle des territoires.
- Les mesures d’adaptation mises en œuvre, spontanées ou planifiées, ont inévitablement un impact sur
les autres secteurs, qu’il soit marginal, positif ou négatif. On peut citer par exemple le développement
de l’offre touristique aux intersaisons qui aura des conséquences sur l’ensemble de la sphère
économique et sociale sur le territoire concerné.
- Les mesures d’adaptation (ou d’atténuation) prises pour un secteur donné sont susceptibles
d’interagir avec les mesures prises pour un autre secteur. On évoque ainsi un risque d’incompatibilité
de stratégies de lutte contre le changement climatique sur un espace donné (par exemple, une stratégie
d’atténuation visant à limiter l’étalement urbain pour réduire les consommations d’énergie peut aller à
l’encontre des stratégies d’adaptation au phénomène d’îlot de chaleur urbain).
Ces interactions multiples seront d’autant mieux gérées qu’elles seront anticipées, et prises en compte
dans les politiques d’atténuation et d’adaptation, au niveau national comme au niveau territorial et
local ; avec la nécessité d’analyser l’ensemble des mesures d’adaptation et d’atténuation, afin de
favoriser les synergies et de minimiser les conflits. Pour cela il faut croiser le secteur et la dimension
territoriale et modifier les outils de gouvernance pour prendre en compte ces enjeux croisés.
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Programmes en cours
L’Observatoire savoyard du Changement Climatique participe (1, 2) ou suit (3, 4) de très près les
programmes suivant :
- (1) DRIAS : Donner accès aux scenarios climatiques Régionalisés français pour l'Impact et
l'Adaptation de nos Sociétés et environnements ;
- (2) Adaptation au changement climatique en Rhône-Alpes : partenariat opérationnel entre équipes de
recherche et collectivités territoriales ;
- (3) L'adaptation au changement climatique : les défis d'une approche intégrée pour les territoires ;
- (4) Adaptation des territoires alpins à la recrudescence des sécheresses dans un contexte de
changement global.
http://www.gip-ecofor.org/publi/page.php?id=409&rang=0&domain=38&lang=fr_FR
A suivre aussi : le plan national d’adaptation au changement climatique prévue pour 2011.
Sources :
- IPCC/GIEC (2007) Bilan 2007 des changements climatiques : Impacts, adaptation et vulnérabilité.
- LAGANIER R. (2009) Les dynamiques territoriales face au changement climatique : enjeux,
évaluation et questions méthodologiques, présentation CNRS UMR 8586 PRODIG, AFPCN, 28
janvier 2009.
- ONERC (2007) Stratégies nationales d’adaptation au changement climatique, la Documentation
Française, 95 pages.
- MEEDDM (2009) Evaluation du coût des impacts du changement climatique et de l’adaptation en
France, Rapport de la seconde phase. Groupe Interministériel.
- TABET J.P. (2009) L’Adaptation des Politiques Publiques des pays du Nord au Changement
Climatique, présentation Ademe, Séminaire Adaptation au Changement Climatique, Lyon, 20 octobre
2009
Pour aller plus loin
Modèle conceptuel des impacts du changement climatique, de la vulnérabilité et de l’adaptation
Isoard, Grothmann and Zebisch, 2008 (in EEA report, impacts of Europe’s changing climate).
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