Le traité de Lisbonne et le changement climatique.

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Le traité de Lisbonne et le changement climatique.
Sarah Becker 4 avril 2012 Master 2 recherche droit de l’environnement
Séminaire de M. Christophe Sanson
Synthèse des rapports : Le traité de Lisbonne et le changement
climatique.
Sources :
Rapport 1 : Les fondements théoriques et philosophiques d'une construction européenne
favorable à la lutte contre les changements climatiques.
Rapport 2 : Traité de Lisbonne et changement climatique : examen des dispositions
pertinentes.
Rapport 3 : bilan critique du droit dérivé de l’Union Européenne destiné à lutter contre le
changement climatique.
Rapport 4 : Vers un TFUE protecteur de l’environnement : des modifications nécessaires.
1 Sarah Becker 4 avril 2012 SOMMAIRE
Introduction : ..................................................................................................................................... 3 I/ Les politiques dissuasives de l’Union Européenne visant à lutter contre les
comportements accentuant le changement climatique. ............................................................ 4 A) Fondements de la politique dissuasive de l’UE en matière de changement climatique. ............. 5 1. Les fondements théoriques et légaux de l’action de l’UE en matière de changement
climatique. .................................................................................................................................................................... 5 2. Les politiques dissuasives .............................................................................................................................. 5 B) Le nécessaire comblement des lacunes du traité en matière de politiques contraignantes contre
le changement climatique. ............................................................................................................................ 6 1. Les lacunes du traité et de la politique de l’UE qui en découle ......................................................... 6 2. Réécrire les articles du traité concernant la liberté de circulation .................................................... 6 II/ Les politiques incitatives de l’Union Européenne visant à favoriser des
comportements conformes à la lutte contre le changement climatique. ............................... 7 A) Fondements de la politique incitative de l’UE en matière de changement climatique ................ 7 1. Protection renforcée et principe d’intégration ......................................................................................... 7 2. Politiques incitatives de l’UE. ...................................................................................................................... 8 B) Une politique incitative à développer afin de permettre la modification des comportements. ... 8 1. L’insuffisante promotion d’une consommation durable ...................................................................... 8 2. Des nouvelles postures sont à adopter ....................................................................................................... 9 Conclusion : ...................................................................................................................................... 10 2 Sarah Becker 4 avril 2012 Introduction :
L’Union Européenne a été créée au sortir des deux guerres mondiales, période pendant
laquelle reconstruction et croissance économique étaient les deux objectifs primordiaux.
L’Union Européenne s’est construite par petits pas, intégrant progressivement de nouvelles
préoccupations et tentant de répondre aux lacunes de ses traités en les reformant sans cesse.
La dernière réforme en date est celle de 2007, après la crise ayant suivi la non ratification du
projet de traité constitutionnel en 2005, le traité de Lisbonne a été ratifié par tous les Etats
membres de l’Union Européenne. Ce traité, entré en vigueur en 2009 est composé de deux
parties : le traité sur l’Union Européenne (TUE) et le traité sur le fonctionnement de l’Union
Européenne (TFUE). Ce traité apporte un très grand nombre de modifications institutionnelles
à l’Union Européenne qui perd définitivement l’appellation de Communauté européenne.
Cependant, alors que l’Union Européenne est habituée à s’adapter aux grands défis de
son temps, il apparaît que le traité de Lisbonne n’apporte pas de modifications considérables
en ce qui concerne la lutte contre le changement climatique. Le changement climatique
désigne l’ensemble des variations des caractéristiques climatiques en un endroit donné, au
cours du temps : réchauffement ou refroidissement1. Le changement climatique peut causer
des dommages considérables et être la cause directe de catastrophes naturelles. Les
scientifiques estiment que le réchauffement climatique pourrait atteindre entre 2 et 4 degrés
d’ici à 2100, il s’agit d’une moyenne et certaines régions du monde pourraient être touchées
de manière plus forte. Les conséquences du changement climatique seront également
économiques, tel que l’économiste Nicholas Sterne l’a montré dans un rapport de 20062, selon
lequel si rien n’est fait, une récession de 20% du PIB mondial pourra être observée. Les
conséquences seront également importantes en matière d’écosystèmes. En effet certaines
espèces de faune et de flore pourraient être amenées à disparaître entrainant d’importants
dérèglements éco systémiques.
Ces différents constats concernant le changement climatique ont été dressé en grande
partie par le groupe intergouvernemental sur l’étude du climat (GIEC) qui, composé de 2500
scientifiques rend des rapports périodiques sur ces questions climatiques. C’est en effet au
niveau international qu’a eu lieu une véritable prise de conscience sur la nécessité de lutter
contre le changement climatique. La conférence de Rio en 1992 a donné lieu à la signature de
la convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), base
légale internationale pour la lutte contre les changements climatiques. Les parties
contractantes se réunissent dans le cadre de conférences de parties (COP) dont la plus
importante a été celle de Kyoto en 1997. Le protocole signé a Kyoto est contraignant et
impose aux Etats, à objectif 2008-2012, la réduction de 5,2% les émissions des principaux gaz
à effet de serre par rapport à leur niveau de 1990.
L’Union Européenne participe à cette lutte contre le changement climatique. En effet,
même si le traité de Rome, traité fondateur de l’ancienne « communauté européenne » ne
mentionnait à aucun moment les préoccupations environnementales, cela a bien changé. Un
titre est consacré à l’environnement dans l’Acte Unique Européen en 1986, puis, avec le traité
de Maastricht en 1992, l’environnement devient une politique européenne à part entière. Au
sein du traité de Lisbonne, les articles 191, 192 et 193 du TUE sont les principales bases
légales permettant la mise en œuvre de la politique de l’environnement. L’article 194 TFUE
1 Définition du GIEC en 1995, rapport du groupe 3, p.3. 2 Nicholas STERNE: “l’économie du changement climatique”, 30 octobre 2006, cité par le rapport du groupe 1 p. 6. 3 Sarah Becker 4 avril 2012 concernant quant à lui la politique de l’énergie. Selon ces articles, l’UE vise à contribuer à un
niveau de protection élevé de l’environnement ainsi qu’à l’utilisation prudente et rationnelle
des ressources naturelles. Le droit de l’environnement issu de ces articles est, par ailleurs,
fondé sur les principes de précaution, d’action préventive, de pollueur payeur et principe de
correction par priorité à la source. Enfin, l’article 11 TFUE permet d’intégrer les exigences de
la protection de l’environnement aux autres politiques de l’Union Européenne. Ces bases
légales ainsi que celles qui figuraient dans les traités précédents ont permis à l’UE de créer un
grand nombre de textes législatifs : directives et règlements sur les questions
environnementales et de changement climatique. Le paquet énergie climat en 2009 est
l’exemple le plus parlant d’une certaine efficacité de la politique de l’UE en matière de
changements climatiques.
L’Union Européenne a donc intégré les problématiques environnementales au sein de
ses traités et tente même d’être un exemple à suivre dans le monde sur ces questions.
Cependant, il reste encore beaucoup à faire concernant la prise en compte par les traités
européens, des problématiques liées aux changements climatiques. Les quatre rapports ont
chacun montré les points forts ainsi que les points faibles de l’UE en matière de changement
climatique. L’UE, reprenant les grands principes du droit de l’environnement et afin de lutter
contre le changement climatique a énoncé, à travers les traités et le droit dérivé qui en est issu,
des politiques dissuasives concernant l’émission de gaz à effet de serre ou l’utilisation
déraisonnée de ressources naturelles non renouvelables. Ces politiques dissuasives consistent
en la mise en œuvre de certaines règles et sanctions permettant d’éviter les comportements
néfastes des citoyens européens pour le changement climatique (I). Par ailleurs, la lutte contre
le changement climatique se fait également à travers des politiques incitatives, l’UE tente de
favoriser des pratiques conformes à la lutte contre le changement climatique, incitant à utiliser
des ressources renouvelables, promouvant l’efficacité énergétique et les comportements
responsables (II). Politiques incitatives et dissuasives vont forcément de paire et sont toutes
deux nécessaires à une lutte efficace contre le changement climatique. L’action de l’Union
Européenne est cependant, à ce jour, incomplète au niveau des traités comme du droit dérivé,
il faut donc réfléchir aux moyens dont dispose l’UE pour favoriser la lutte contre le
changement climatique dans le futur.
I/ Les politiques dissuasives de l’Union Européenne visant à lutter contre
les comportements accentuant le changement climatique.
Les différents rapports reviennent très largement sur ce qui existe au niveau de l’UE en
matière de lutte contre le changement climatique, certains articles du TFUE servent de base
légale d’une législation fournie ayant comme but de limiter les gaz à effet de serre en
imposant des mécanismes dissuasifs à l’encontre de leurs utilisateurs ainsi que des
mécanismes de diminution des énergies fossiles (A). Ces mécanismes ne semblent cependant
pas suffisant et de nouvelles taxes et outils pourraient être adoptés par l’UE afin de rendre sa
politique plus favorable au changement climatique (B).
4 Sarah Becker 4 avril 2012 A) Fondements de la politique dissuasive de l’UE en matière de changement
climatique.
1. Les fondements théoriques et légaux de l’action de l’UE en matière de
changement climatique.
L’Union Européenne, comme les autres parties au protocole de Kyoto a pour objectif de
limiter le changement climatique notamment en réduisant les émissions de gaz à effet de
serre. La découverte de l’effet de Serre et des conséquences des changements climatiques a en
effet appelé à mettre en œuvre des mesures importantes pour lutter contre celui-ci.
Au sein du traité de Lisbonne, le titre XX est consacré à l’environnement et contient les
articles 191 à 193, le titre XXI traite quant à lui de l’énergie avec l’article 194. Cependant, il
est parfois difficile de savoir quelle sera la base légale utilisée pour chaque texte adopté en
matière de changement climatique puisqu’il peut s’agir de textes portant à la fois sur des
questions énergétiques (194) et de protection de l’environnement (articles 191 à 193). Cette
question est de taille car selon la base légale utilisée, la procédure ne sera pas la même. Le
titre consacré à l’environnement permet l’adoption des textes selon une procédure ordinaire3
alors que l’article 194 consacré à l’énergie prévoit une procédure législative spéciale imposant
l’unanimité au conseil.
Outre les bases légales, la politique de l’UE en matière de changement climatique est
également fondée sur des programmes d’action concernant l’environnement. L’UE a lancé en
2010 le 6ème programme d’action communautaire pour l’environnement intitulé
« environnement 2010 : notre avenir, notre choix ». Ce programme, comme les précédents
donne les priorités de l’UE en matière d’environnement. Ces programmes d’actions sont très
importants dans le cadre des politiques dissuasives de l’UE puisque c’est eux qui donnent les
orientations quant aux objectifs de réduction des émissions des gaz à effet de serre.
2. Les politiques dissuasives
En 2006, la Commission Européenne a soumis un livre vert sur la coordination des politiques
européennes en matière d’énergie. Cette initiative a mené à l’adoption, en 2009, d’un paquet
législatif comprenant 5 directives consacrées à l’énergie et au climat. Ce paquet énergieclimat a une importance considérable et montre une certaine volonté de l’UE de prendre des
mesures afin de réellement réduire les émissions de gaz à effet de Serre. Deux mesures sont
particulièrement importantes pour illustrer les politiques contraignantes de l’UE en matière de
changement climatique : le marché de quotas et le captage et stockage de CO2.
La directive 2009/29 CE réforme le système du marché de quota de gaz à effet de serre qui
avait été institué en 2003 au sein de l’UE après le protocole de Kyoto. Cette directive met en
place un mécanisme clairement contraignant et dissuasif à l’égard des Etats puisqu’il a pour
objectif d’appliquer l’un des principes fondamentaux du droit de l’environnement de l’UE : le
principe pollueur-payeur. Ce système de quota permet d’agir directement sur la quantité de
CO2 diffusée dans l’atmosphère en attribuant des quotas d’émissions autorisées et en taxant le
surplus. Des améliorations seront sans doute à prévoir dans la mise en œuvre de ce système
pour le rendre encore plus contraignant, les quotas alloués l’étant pour l’instant surtout de
manière gratuite. D’autre part, des fraudes au système ont été mises à jour ainsi que de trop
nombreuses dérogations et de moyens de contourner le système.
Le captage et le stockage du CO2 sont également prévus par le paquet législatif de 2009 selon
un mécanisme contraignant en amont et en aval de la procédure du stockage du C02. Il s’agit
3 La codécision. 5 Sarah Becker 4 avril 2012 pour l’UE de contraindre certaines entreprises à capter le CO2 émis et à le stocker selon des
règles techniques bien définies. La encore, les système méritera d’être renforcé des
améliorations techniques sont encore possibles afin d’éviter les fuites de carbone par exemple.
B) Le nécessaire comblement des lacunes du traité en matière de politiques
contraignantes contre le changement climatique.
1. Les lacunes du traité et de la politique de l’UE qui en découle
En matière de politique dissuasive permettant d’éviter d’émettre plus de gaz à effet de serre et
de limiter l’utilisation des ressources non renouvelables, l’action de l’UE est perfectible. En
effet, les taxes, outils principaux d’une politique dissuasive ne sont que très peu mises au
profit d’une politique de lutte contre le changement climatique. Ce constat est fondé sur
l’importance du libéralisme économique dans les fondements théoriques de l’UE. Le libre
échange et l’union douanière empêchent la taxation des marchandises lors de leur passage à la
frontière des Etats membres de l’UE. En matière de libre circulation des marchandises, les
articles 30 à 37 du TFUE interdisent les taxes à l’importation ou à l’exportation ainsi que la
plupart des restrictions quantitatives. L’interdiction des taxes sur les marchandises peut être
considérée comme contre-productive en matière de changement climatique. En effet, taxer
plus des produits qui seraient très consommateurs en carbone ne devrait pas être
complètement interdit par les traités comme c’est aujourd’hui le cas. Une telle taxation
pourrait être efficace et une « taxe verte » pourrait même être mise en place systématiquement
sur les produits polluants afin par exemple de venir alimenter un fonds européen chargé de la
lutte contre le changement climatique.
La même question se pose concernant la libre circulation des services et des personnes. Tout a
en effet été fait pour que la libéralisation se développe entrainant ainsi plus d’échanges, plus
de transports et donc obligatoirement, plus d’émission de gaz à effet de serre. Cette
affirmation doit nous faire réfléchir à la question de la croissance, au cœur des objectifs des
traités européens. Chercher à augmenter le PIB des Etats de l’UE est aujourd’hui un des
objectifs de l’UE alors même que la recherche de la performance économique à tous prix est
contre productive en matière de lutte contre le changement climatique. Peut-être faudrait il
alors que l’UE intègre dans ses traités une vision moins portée sur la croissance et plus sur les
questions de durabilité.
2. Réécrire les articles du traité concernant la liberté de circulation
Afin de remédier à ces lacunes du traité en matière de politique dissuasive, il conviendrait de
faire plusieurs réformes. Tout d’abord, il s’agirait de sortir du « dogme de la croissance » et
d’adapter les traités aux nouveaux enjeux du monde à savoir un monde fini dans lequel les
ressources ne sont pas illimitées comme ont pu le penser les hommes il y a quelques siècles.
Cela passe notamment par l’utilisation d’indicateurs économiques plus favorables au
changement climatique que le PIB qui ne l’est pas. L’indicateur d’extraction renouvelable
(CER) pourrait, dans ce cadre, être utilisé.
Par ailleurs, il pourrait être utile de permettre une taxation du pétrole encore plus forte que ce
qu’elle n’est actuellement. En effet, cette ressource est l’archétype de la ressource rare et
épuisable au sens de la théorie économique de Ricardo qui veut que plus une ressource est
rare plus sa valeur doit augmenter. Nous sommes aujourd’hui arrivé à un plateau dans le
niveau de pétrole disponible dans le monde. Nous ne savons pas exactement combien il reste
de barils de pétrole dans le monde mais il est clair que ce nombre n’est plus infini. Le traité de
6 Sarah Becker 4 avril 2012 Lisbonne impose une utilisation raisonnée des ressources, il faudrait donc permettre une plus
grande taxation du pétrole y compris au niveau de l’UE.
De la même manière, une taxation des marchandises très polluantes pourrait être envisagée
afin d’utiliser une politique dissuasive : la taxe, pour atténuer le rejet de gaz à effet de serre.
Face à ce constat, plusieurs articles du TFUE pourraient être réécris afin d’être plus
conformes à la lutte contre le changement climatique. Concernant l’union douanière, une
nouvelle rédaction des articles 30 à 36 TFUE pourrait être proposée afin de revenir sur
l’interdiction absolue des droits de douane. L’article 30 TFUE pourrait se voir ajouter un
alinéa 3 permettant une dérogation à l’interdiction des droits de douane sur les marchandises
ou produits polluants. L’article 36 TFUE dans sa rédaction actuelle permet certaines
dérogations à l’interdiction des restrictions quantitatives aux importations ou exportation,
cependant cet article ne prévoit pas de telles dérogations pour des motifs liés à
l’environnement ou au changement climatique. C’est pourquoi l’article 36 mériterait d’être
réécris afin de permettre des dérogations aux restrictions quantitatives pour des motifs de lutte
contre la pollution atmosphérique outre ceux déjà prévus. Enfin, l’insertion d’un article
consacré à une taxe verte pourrait être à prévoir dans la perspective d’une réécriture des
traités favorable à la lutte contre le changement climatique.
La lutte contre le changement climatique passe par des mesures de contrainte permettant à
l’UE de dissuader entreprises et particuliers de rejeter trop de CO2. Cependant cette lutte
passe également par des mesures incitatives visant à favoriser des comportements conformes
aux préoccupations environnementales fondées sur des consommations alternatives d’énergies
et des comportements éco responsables.
II/ Les politiques incitatives de l’Union Européenne visant à favoriser des
comportements conformes à la lutte contre le changement climatique.
L’action de l’UE comporte également partie incitative visant les citoyens de l’UE. Cette
politique est fondée sur des bases légales propres et se décline en un grand nombre de textes
législatifs (A). En matière de promotion d’autres modes de consommation et d’efficacité
énergétique, l’UE présente d’importantes lacunes qui doivent mener à une réécriture des
traités et à l’adoption de nouvelles postures afin de lutter efficacement contre le changement
climatique (B).
A) Fondements de la politique incitative de l’UE en matière de changement climatique
1. Protection renforcée et principe d’intégration
Les bases légales utilisées en matière de politiques dissuasives de l’UE pour lutter contre le
changement climatique à savoir les titres XX et XXI du TFUE sont utilisés également en
matière de politiques incitatives. Cependant, d’autres bases légales peuvent également être
adaptées. L’article 11 du TFUE est le siège du principe d’intégration qui permet de prendre en
compte les préoccupations environnementales dans toutes les politiques sectorielles de l’UE.
L’article 11 dans sa rédaction actuelle ne permet cependant pas de lutter contre le
réchauffement climatique. C’est pourquoi, il pourrait être proposé de créer un article 11 bis
qui clarifierait l’article 11 en mentionnant que « l’UE s’engage à aider les Etats membres à
mettre en place des systèmes de contribution financière aux problèmes environnementaux ;
7 Sarah Becker 4 avril 2012 mettre en œuvre une agriculture durable ; soutenir l’industrie propre ;réduire l’utilisation des
énergies fossiles et à les remplacer par des énergies renouvelables ;favoriser un tourisme
respectueux de l’environnement et des transports peu émetteurs en CO2 ». Il apparaît bien
que cet article 11 puis, à l’avenir peut-être, 11 bis, s’adapterait bien à des méthodes incitatives
permettant à l’UE d’aider les Etats à réduire les émissions et à promouvoir des modes de
fonctionnement plus durables sans pour autant passer par la voie de la contrainte.
Autre base légale pouvant être utilisée dans le cadre d’une politique moins contraignante de
l’UE est celle des clauses de protection renforcée. L’article 193 TFUE permet en effet pour
les Etats de maintenir ou d’instituer des régimes de protection renforcée concernant
l’environnement ou l’énergie (renvoi opéré à l’article 194).
2. Politiques incitatives de l’UE.
Le paquet énergie climat de 2009 contient, en plus des mesures contraignantes concernant le
marché de quota et de stockage de CO2, des mesures ayant pour objectif de modifier les
comportements des citoyens de l’UE. La mesure la plus importante dans ce cadre est celle
consistant pour l’UE à inciter les Etats à utiliser des énergies renouvelables afin, à terme, de
diminuer les émissions de gaz à effet de serre. La directive 2009/28/CE pose cet objectif en
définissant les techniques qui devront être utilisées: biocarburants par exemple. La directive
fixe des objectifs mais n’impose pas encore de vraies règles contraignantes, il ne s’agit pas
d’interdire les émissions de CO2 mais d’encourager des modes de consommation alternatifs.
Concernant cette promotion par l’UE des énergies renouvelables, il serait souhaitable qu’elle
n’apparaisse non pas uniquement dans les directives mais également au sein des traités.
L’article 194 TFUE, base légale de la politique énergétique de l’UE devrait être réécris afin
notamment de permettre de « financer la recherche et le développement consacrés aux
remplacements des énergies traditionnelles non renouvelables ».
Le même objectif est contenu dans le paquet énergie climat concernant les véhicules propres.
Là encore, la directive n’oblige pas les Etats à arrêter de construire ou d’utiliser des véhicules
polluants mais incite à l’utilisation des véhicules propres.
L’efficacité énergétique est définie comme le rapport entre les résultats, le service, la
marchandise ou l’énergie que l’on obtient et l’énergie consacrée à cet effet : il s’agit de
l’accroissement de l’efficacité dans les utilisations finales à la suite de modifications
technologiques. Cette mesure ne fait pas partie du paquet énergie climat mais un certain
nombre de directives et de plans européens tentent de la renforcer afin de permettre
notamment des modes de construction faiblement consommateurs de carbone. Toutes ces
mesures permettent de favoriser des modes de consommation plus durables et doivent mener
à la réduction des émissions de gaz à effet de serre sans passer par des mesures de contrainte.
B) Une politique incitative à développer afin de permettre la modification des
comportements.
1. L’insuffisante promotion d’une consommation durable
Il apparaît cependant que l’UE pourrait aller beaucoup plus loin dans l’incitation à une
consommation plus durable. Plusieurs domaines sont particulièrement concernés.
Le domaine de l’agriculture touche de très près à la question du changement climatique
puisque les différentes émissions de produits chimiques auront des conséquences sur le
8 Sarah Becker 4 avril 2012 climat, tout comme la manière dont sont utilisées les ressources naturelles afin de permettre la
production agricole. La politique agricole commune (PAC) est donc une politique cruciale
pour l’UE dans le domaine du changement climatique. Or, pour l’instant la PAC est
intrinsèquement liée à la notion de productivité à tous prix. Cette posture productiviste de
l’UE doit changer afin de permettre un mode de production agricole plus durable. Dans ce
contexte, une réécriture de l’article 39 TFUE pourrait être nécessaire en changeant la formule
actuelle « la PAC a pour but d’accroitre la productivité de l’agriculture » par « la PAC a pour
but une agriculture durable promouvant une consommation locale et une limitation des
transports ».
Le même constat peut être dressé concernant le tourisme au sein de l’UE secteur important
pour le changement climatique puisqu’il est intrinsèquement lié aux transports. L’article 195
TFUE devrait davantage prendre en compte les impératifs de tourisme vert en promouvant
notamment des modes de transports collectifs réduisant les émissions de CO2.
Concernant l’industrie, c’est encore une fois les lacunes du traité de Lisbonne qui peuvent être
soulignées, celui-ci ne mentionnant à aucun moment la nécessaire prise en compte du
changement climatique dans un secteur pourtant clé. L’article 173 TFUE pourra être modifié
dans un sens plus tourné vers la durabilité de l’industrie.
2. Des nouvelles postures sont à adopter
Au delà de la réécriture de certains articles du traité qui permettrait de combler les lacunes de
l’UE sur les mesures purement incitatives, des changements plus profonds sont à prévoir. En
effet, les traités et le droit dérivé peuvent être de solides bases pour les mesures
contraignantes de réduction des émissions et pour les mesures incitatives permettant une
meilleure visibilité de la durabilité. Cependant, au delà des textes, ce sont les postures qui
devront être modifiées. A ce titre, l’Union Européenne a un vrai rôle à jouer dans
l’information et la participation des citoyens qui permettra d’en faire des « éco
citoyens responsables ». A cet effet, l’UE pourra s’appuyer sur ses programmes d’actions
pour l’environnement. 6 existent déjà mais un 7ème programme pourrait permettre une
sensibilisation accrue des citoyens aux enjeux du changement climatique. Si des contraintes
existent au niveau des Etats membres de l’UE (quotas de gaz à effet de serre, stockage de
CO2), elles ne touchent pas directement les citoyens de l’UE. Il pourrait donc être utile de se
fonder sur des mesures incitatives pour toucher de manière directe les citoyens de l’UE. Le
mécanisme du « bottom-up », fondé non pas sur l’obligation-sanction repose sur la pression
exercée par la communauté de citoyens ou les ONG sur les entreprises polluantes, pourrait
être utile dans la lutte conte le changement climatique mais cela ne peut passer que par une
information et une éducation environnementale de ces citoyens qui deviendront ensuite éco
responsables.
Autre posture nouvelle à adopter, celle de l’adaptation au changement climatique et donc à la
pénurie des ressources naturelles. Il s’agit pour l’UE de promouvoir à une nouvelle approche
de la gestion des biens communs qui permettra de remédier à l’extinction programmée des
ressources naturelles.
Ces nouvelles postures ne pourront pas passer uniquement par des mécanismes contraignants
avec l’établissement de règles suivies de sanction. L’UE si elle veut lutter contre les
changements climatiques devra donc continuer sur la voie qu’elle a déjà suivi : celles des
mesures incitatives non contraignantes qui amèneront, à terme, les citoyens à être plus
responsables.
9 Sarah Becker 4 avril 2012 Conclusion :
Le changement climatique doit, pour être appréhendé par une entité telle que l’Union
Européenne, être traité à la fois par la contrainte -venant sanctionner des comportements
néfastes à l’environnement- et l’incitation à des comportements plus responsables. L’UE a
déjà fait beaucoup pour le changement climatique: bases légales environnementales, de
nombreux textes de droit dérivé et des programmes d’action spécifiques. Cependant, si l’UE
veut être un réel leader pour la lutte contre le changement climatique dans le monde, elle
devra faire plus encore. Cela passe par la réécriture de certains articles du traité entrainant des
modifications du droit dérivé mais aussi par une modification en profondeur des fondements
idéologiques de l’UE. Une politique fondée uniquement sur le libre échange, le dogme de la
croissance, le productivisme agricole et l’essor des transports ne pourra jamais, même avec
des modifications du traité, être conforme à la lutte contre le changement climatique.
De tels changements nécessiteront d’importants efforts car, l’UE est fondée sur des
compromis politiques qui, pour l’instant, portent surtout sur les questions purement
économiques et sociales. Le réchauffement climatique devient, comme l’a montré Nicholas
Sterne un enjeu économique et sera bientôt également, un enjeu social. L’UE a donc tout
intérêt à faire que les compromis politiques portent sur une politique clairement favorable à la
lutte contre le changement climatique.
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