A propos de l`atelier clinique de perfectionnement ASPCo du 8
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A propos de l`atelier clinique de perfectionnement ASPCo du 8
A propos de l’atelier clinique de perfectionnement ASPCo du 8 décembre 2012 donné par Mme Magali Volery « Application spécifique et clinique des techniques TCC aux troubles alimentaires » C’est une journée orientée sur la pratique que nous a proposée Magali Volery. Après un rappel théorique portant sur les principes de la TCC sous-jacents à la prise en charge des troubles du comportement alimentaire (TCA), nous avons exercé différentes techniques TCC autour de plusieurs vignettes cliniques, illustrées par des extraits vidéo de la consultation de Magali Volery. Mais commençons par la théorie. Magali Volery est bien souvent présentée comme ayant l’avantage de porter la « double casquette » de diététicienne et de psychologue, ce qui est vu comme un « plus » pour travailler dans les TCA. Cette double casquette lui donne un positionnement très clair : « les régimes sont mauvais pour la santé ». Il est vrai que l’influence néfaste de la restriction alimentaire sur le comportement alimentaire est bien connue et qu’elle figure au cœur de nombreux modèles TCC utilisés pour expliquer le maintien des TCA. Pour illustrer cela, Magali Volery nous raconte l’expérience du Minnesota, qui a eu lieu durant la seconde guerre mondiale. Le but de cette expérience était de déterminer les conséquences physiologiques et psychologiques d’une restriction alimentaire sévère et prolongée de plusieurs mois. En 1950, Keys et ses collègues ont publié un rapport complet à partir de cette expérience, sur les effets de la dénutrition. En plus de la perte de poids et de nombreux effets somatiques, on a pu observer chez les participants l’émergence de nombreux comportements très proches de ceux observés dans l’anorexie mentale et la boulimie : ils étaient obsédés par la nourriture, collectionnaient des recettes, mâchaient du chewing-gum, buvaient très chaud, et enfin, souffraient de crises de boulimie. Ceci amène à faire le lien avec le schéma de maintien des TCA de Fairburn (1985). Fairburn a proposé à l’époque un modèle qui situe en amont du problème une mauvaise estime de soi, engendrant une focalisation excessive de la personne sur son poids et son apparence physique. A cause de ces préoccupations exagérées, la personne va suivre des régimes excessifs, qui vont engendrer de la frustration, et au final des compulsions alimentaires. Un cercle vicieux s’installe car chaque étape renforce les autres : les compulsions renforcent la faible estime de soi, la préoccupation exagérée pour le poids ainsi que la reprise du régime de manière même plus sévère. De ce schéma découlent les objectifs suivants pour le traitement : 1. Réduction des crises alimentaires et des vomissements 2. Rééquilibrage des apports alimentaires en dehors des crises 3. Réduction des cognitions dysfonctionnelles à l’égard du poids et de la silhouette. Depuis, le modèle de Fairburn (2008) s’est enrichi. En effet, comme le remarque Magali Volery, dans la vraie vie de thérapeute, des comorbidités sont presque toujours présentes chez 1 les patients avec TCA. De nombreux ouvrages, comme Fairburn (spécialiste de la TCC de la boulimie), Garner (spécialiste de la TCC de l’anorexie mentale), ou Perroud (expert de la TCC des TCA ayant publié en français) présentent des techniques qui ciblent généralement uniquement le TCA. Mais si le thérapeute ne va pas plus loin, la thérapie ne suffira souvent pas. Le rôle du thérapeute sera de faire le lien entre le trouble alimentaire et les facteurs sousjacents. Il utilisera des techniques spécifiques aux TCA et des techniques plus générales destinées à cibler les processus psychologiques à l’origine des troubles, qu’il s’agisse d’estime de soi, de sensibilité au regard d’autrui, de contrôle, de perfectionnisme, de pensée dichotomique ou de culpabilité. Des analyses fonctionnelles répétées lui permettront d’orienter le travail. Autour du repas de midi, Magali Volery nous propose un exercice utilisé pour aider les patients à retrouver leurs sensations de faim et de satiété. Après avoir réfléchi à la définition des différents termes, nous devons évaluer notre faim (pas faim, faim, très faim), notre envie de manger (pas envie, envie, très envie), puis après le repas notre satiété (encore faim, assez mangé, trop mangé) et notre satisfaction (frustration, bonne conscience, culpabilité). Cet exercice n’est pas à utiliser avec des personnes souffrant d’anorexie mentale ou de boulimie avec vomissements, ces patients ayant d’abord besoin de manger régulièrement pour remédier à la dénutrition, en partie responsable des crises de boulimie. Il est donc plutôt réservé à des patients souffrant d’hyperphagie boulimique. Cet exercice autour du repas de midi soulève de nombreuses questions dans l’assistance autour des sensations alimentaires, probablement moins faciles à travailler pour les thérapeutes TCC que nous sommes. Pour redécouvrir les sensations de faim, Magali Volery nous expose cet exercice, tiré de Zermati (2002) : Pendant 4 jours, le patient ne doit pas manger de petit déjeuner le matin. Il aura avec lui une collation de son choix, à consommer dans la matinée. La consigne : - Jour 1 : Manger dès qu’on a faim Jour 2 : Attendre un peu avant de manger Jour 3 : Attendre un peu plus Jour 4 : Trouver le temps idéal (le risque de trop attendre étant la crise de boulimie) Ainsi le patient apprend à se connaître, à mieux évaluer de quelle quantité de nourriture il a besoin pour avoir faim au repas suivant. L’idée essentielle étant de ne plus avoir peur de la faim. On parle également d’un autre exercice proposé par Zermati pour que les patients réintroduisent les aliments « interdits » dans leur alimentation. Ces aliments interdits sont généralement réputés faire prendre du poids et les patients n’en consomment plus à cause de cela, sauf lors des crises de boulimie. Pendant 4 jours, le patient va remplacer un repas de midi par un aliment interdit qu’il apprécie. Pendant les 4 jours, il s’agira du même aliment interdit, un aliment que le patient 2 n’arrive d’habitude pas à manger sans perdre le contrôle de la quantité. Faire en sorte que la quantité choisie fasse environ 500 kcal, soit un peu moins qu’un plat du jour habituel. Le patient se pèse le premier jour de l’exercice et le jour 5. Les conséquences espérées de l’exercice sont d’abord que le patient constate qu’il peut manger de cet aliment interdit sans prendre de poids. Mais également, qu’après avoir généralement mangé plus que la quantité prévue les jours 1 et 2, le patient découvre qu’il sature et qu’il peut manger de cet aliment sans déraper. Si la saturation n’est pas arrivée après les 4 jours, on peut renouveler l’exercice. Durant cette journée, nous avons également pu exercer, autour de différents extraits vidéo, l’application de différentes techniques de TCC à certaines problématiques spécifiques souvent rencontrées dans le traitement des TCA. Un premier extrait montre le cas d’un thérapeute qui doit annoncer à sa patiente, souffrant de surpoids et d’hyperphagie boulimique, venue pour une première consultation, qu’il ne pourra rien faire pour son poids. Dans les exercices à deux qui suivent, pour imaginer la suite de la thérapie, nous cherchons à construire une alliance, à l’aide d’une exploration de l’histoire du poids de la patiente, de ses antécédents familiaux, de psycho-éducation sur les effets des régimes sur le métabolisme (le fameux effet yoyo), et d’une approche plus motivationnelle sur les avantages et inconvénients de faire des régimes versus de stabiliser son poids. Puis nous voyons Sélina (nom d’emprunt), 37 ans, qui pèse 49.9 kg pour 170cm. Elle peut avoir jusqu’à 10 crises de boulimie par jour. Sélina est très isolée et désinsérée professionnellement. Elle souffre d’anxiété et d’un schéma d’abandon. Au moment de la vidéo, le travail thérapeutique porte sur le contrôle des crises alimentaires. Elle arrive en séance en ayant réussi à éviter une crise de justesse. L’objectif de la séance est de réfléchir à comment gérer la suite de la journée. Nous faisons l’analyse fonctionnelle du moment, puis par groupe de deux, nous réfléchissons à la suite de la séance, comment augmenter la motivation de la patiente à ne pas faire de crise, quelles stratégies utiliser, comment organiser précisément son après-midi jusqu’à la soirée, où elle va au cinéma avec une amie. La dernière situation présentée est celle de Mona (nom d’emprunt), 47 ans, qui souffre d’hyperphagie boulimique ainsi que d’un trouble bipolaire. Mona appréhende de devoir retourner dans son village natal, dans lequel elle n’est pas retournée depuis environ 15 ans. Elle a pris beaucoup de poids depuis cette période et craint les remarques des gens du village. A cause de cette perspective, alors qu’elle avait intégré depuis un certain temps que les régimes perpétuaient l’hyperphagie boulimique, elle se demande à nouveau « que me faut-il pour perdre enfin du poids ? ». Situation intéressante car très fréquente en clinique. Grâce à un camembert des responsabilités, la patiente va réaliser le peu de contrôle qu’elle a sur son poids, seuls 15% des facteurs dépendant d’elle, relativement aux 85% d’autres facteurs à l’origine de son surpoids. Suite à cet extrait vidéo, deux membres du public se prêtent à un jeu de rôle pour poursuivre la séance. Il s’agit d’exercer la flèche descendante (que craint la patiente si on lui fait des remarques sur son poids) et les techniques d’affirmation de soi. Ces extraits vidéo de situations caractéristiques ont illustré comment jongler avec les différentes techniques de la TCC lorsque l’on prend en charge des TCA. Pour ma part, j’ai apprécié la grande part laissée aux exercices et la disponibilité de Magali Volery pour les 3 nombreuses questions que chacun avait. Les TCA sont complexes et partager l’expérience d’une experte est toujours enrichissant. A la fin de l’atelier, Magali Volery demande à chacun de dire un mot, un seul, sur la journée. Passant en dernier, je donne ma langue au chat, il me semble que tout a été dit. Mais je mentionnerais maintenant la générosité, avec laquelle Magali a partagé sa pratique avec nous en ce samedi de l’escalade 2012. Isabelle Carrard, PhD Psychologue spécialiste en psychothérapie FSP Références Fairburn CG. Cognitive behavior therapy and eating disorders. Guilford Press, 2008. Garner DM & Garfinkel PE. Handbook of treatment for eating disorders, 2nd ed. Guilford Publications, 1997. Perroud A. Savoir traiter la boulimie avec la TCC. Retz, 2010. Zermati JP. Maigrir sans régime. Odile Jacob, 2002 4