associations et gestion publique 934

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associations et gestion publique 934
associations et gestion publique
Christian DESCHEEMAEKER
Magistrat à la Cour des comptes (depuis 1974), a été notamment avocat général puis premier avocat général (1986-1995)
Conseiller maître à la 4e Chambre (1995-1998) et simultanément président du comité de liaison Cour des comptes - CRC
A ensuite présidé la CRC de Rhône-Alpes (1999-2001), puis celle d’Ile-de-France (2001-2007)
Actuellement président de la 7e Chambre à la Cour des comptes
Les associations et le risque de gestion de fait
our qui s’interroge sur le risque de la gestion de fait encouru par les associations, la première
impression est qu’il a diminué. Ce constat d’une réduction des irrégularités justiciables du juge
des comptes – Cour des comptes ou chambres régionales ou territoriales des comptes – n’est pas
scientifiquement fondé, car la gestion de fait recouvre deux notions proches : les irrégularités
commises et les procédures ouvertes. Or, par définition, seules les secondes sont recensées.
P
L’intuition que les situations constitutives de gestion de fait impliquant des associations sont moins fréquentes qu’elles ne l’étaient il y a dix ou vingt ans s’explique d’abord par une connaissance bien plus
répandue de l’irrégularité elle-même et de ses éléments constitutifs. Les publications et les cycles de
formation ont rendu la notion plus familière aux gestionnaires et la gestion de fait commise en méconnaissance de son caractère irrégulier est donc moins fréquente.
Ce constat positif ne signifie pas que le risque de gestion de fait ait disparu. Les irrégularités de cette
nature subsistent et, comme la procédure applicable devant le juge des comptes a été nettement
raccourcie par la réforme de 2008 (1), il est moins difficile qu’auparavant pour lui d’engager une procédure de gestion de fait.
LES IRRÉGULARITÉS CONSTITUTIVES
DE GESTION DE FAIT
ONT DIMINUÉ DANS LES ASSOCIATIONS
Les faits générateurs d’une gestion de fait de deniers d’une collectivité publique sont :
– le fait de s’ingérer dans le recouvrement de recettes affectées
ou destinées à la collectivité publique concernée (collectivité
territoriale, service de l’Etat, établissement public) ;
– le fait de recevoir ou de manier des fonds ou valeurs extraits
irrégulièrement de la caisse de la collectivité publique.
Des associations, qu’elles soient subventionnées ou non, ont fréquemment été impliquées dans des gestions de fait sur le fondement de ces faits générateurs que définit l’article 60 modifié de
la loi du 23 février 1963 : soit une association très liée à la collectivité a reçu des sommes destinées à celle-ci (immixtion dans
l’encaissement de deniers publics) ; soit la subvention versée se
révèle fictive puisqu’elle reste à la disposition de la collectivité qui
l’a attribuée (extraction irrégulière de deniers publics).
L’intervention plus fréquente
de commissaires aux comptes
prévient les irrégularités
Aux termes de l’article L. 612-4 du Code de commerce dans sa
rédaction issue de l’ordonnance nº 2005-856 du 28 juillet 2005,
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toute association ayant reçu annuellement, d’administrations ou
d’établissements publics à caractère industriel et commercial,
une ou plusieurs subventions dont le montant annuel dépasse un
montant fixé actuellement à 153 000 c (2) doit établir des comptes
selon des règles définies, les rendre publics et les faire certifier par
un commissaire aux comptes.
Ces obligations de nature comptable ont fait sortir un certain
nombre d’associations subventionnées d’un amateurisme parfois
dangereux. Etre tenu d’assurer la publicité de comptes certifiés
est souvent un changement d’importance. Certes, le seuil actuellement en vigueur reste élevé, mais le dispositif institué devient la
référence et rien n’empêche une association qui reçoit un montant moindre de fonds publics de faire la preuve de son sérieux
en se soumettant aux mêmes obligations. Le progrès est réel.
Des alternatives existent dans le secteur public
à la création d’associations
La création d’associations à l’initiative de collectivités publiques
ne correspond pas vraiment à l’esprit de la loi de 1901, si libéral
soit-il. Mais, faute d’interdiction, l’habitude s’était prise, dans le
secteur local comme dans celui des administrations d’Etat, de
susciter la création d’associations soit pour recevoir une subvention dont l’Administration entendait se réserver l’usage, soit pour
collecter des fonds : ces « caisses noires », modestes ou
(1) M. Lascombe et X. Vandendriessche, Gestion et finances publiques 2009, p. 424.
C. Descheemaeker, « Changer les procédures juridictionnelles de la Cour des
comptes : une réforme attendue et de grande ampleur », même revue, 2009, p. 700.
(2) Décret nº 2006-335 du 21 mars 2006.
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associations et gestion publique
substantielles, ont servi à mettre des fonds publics à l’abri des
regards des comptables publics. Elles ont permis à divers ordonnateurs ou gestionnaires de disposer d’un carnet de chèques
ouvert au nom d’une association para-administrative susceptible
d’être qualifiée de transparente (au sens de transparente à
l’égard d’une collectivité publique donnée, car dénuée de
volonté propre).
recours. Lorsqu’il est saisi d’un cas, le juge des comptes cherche
à déterminer le degré d’autonomie de l’association qui sert de
relais ou d’opérateur à l’Administration qui la subventionne. Si
cette autonomie existe, il n’y a pas de gestion de fait ; si elle est
nulle et que, par exemple, c’est l’Administration qui choisit nominativement les bénéficiaires d’allocations distribuées par l’association qu’elle subventionne, il y a gestion de fait.
Il arrivait que la création d’une association dans de telles conditions résulte non pas de la volonté de disposer de fonds utilisables
sans réel contrôle, mais de créer une structure distincte ayant une
personnalité juridique propre et assurant l’affectation des recettes
aux dépenses. Le législateur a ouvert aux personnes morales de
droit public des formules juridiques qui constituent, dans ce cas,
des alternatives à la forme associative.
Si une association est considérée comme transparente par le juge
des comptes (5), la théorie du mandat fictif, fondamentale dans
la jurisprudence, s’applique : le montant de la subvention versée
à une association n’a pas pris le caractère de deniers privés en
entrant dans la caisse de l’association car il est resté à la disposition de la collectivité publique qui l’a attribuée. L’association
maniant des deniers qui sont restés publics, elle s’immisce dans
une fonction réservée par la loi à un comptable public. Elle est
en conséquence « comptable de fait » – au sens de comptable
public de fait – et, pour autant que le juge des comptes la déclare
telle, elle est tenue, comme un comptable patent, de produire
un compte des deniers publics qu’elle a perçus et de l’emploi
qu’elle en a fait. Le jugement du compte peut conduire à la mise
en débet du ou des comptables de fait et certains d’entre eux
peuvent en outre être condamnés à des amendes.
Le groupement d’intérêt public (GIP) a été la première innovation. Cette nouvelle catégorie de personnes morales de droit
public est apparue en 1982. A l’usage, elle ne s’est pas révélée
aussi pratique qu’on pouvait l’espérer et ce pour plusieurs raisons :
le foisonnement de sous-catégories de GIP régies par des textes
distincts présentant entre eux quelques différences a introduit une
réelle complexité ; par ailleurs, le caractère temporaire d’un tel
groupement soulève des difficultés pour constituer des équipes
et les faire travailler sur un projet. Enfin, la petite taille de bon
nombre de GIP conduit à ce que, lorsqu’ils sont dotés d’un comptable public, celui-ci ne leur consacre que peu de temps. Globalement, la gestion des GIP comporte souvent des anomalies (3).
Une autre alternative à la création d’associations para-administratives est la constitution, par un établissement public, de
sociétés commerciales. Innovation importante, la création de
filiales de droit privé de personnes morales de droit public n’est
pas d’application générale. Elle apporte aux gestionnaires, dans
certains secteurs (en particulier celui de l’enseignement supérieur
et de la recherche, avec la loi du 12 juillet 1999 puis la loi de
programmation du 18 avril 2006), la souplesse de gestion que
certains réclamaient. L’expérience dira si cette formule permet,
notamment aux universités, de lancer des initiatives utiles en
conciliant souplesse et rigueur. L’activité de recherche des universités, l’action internationale qu’elles entendent mener ou
l’organisation de cours d’été peuvent ainsi cesser d’être de fréquentes causes de gestion de fait.
LE RISQUE
DE GESTION DE FAIT SUBSISTE
Si des alternatives à la forme associative existent lorsqu’une administration veut constituer une structure proche d’elle, l’association
de la loi de 1901 conserve de nombreux atouts et, en premier
lieu, sa facilité de création. Les associations para-administratives
restent nombreuses. Celles qui sont proches de l’Etat se sont
même vu parfois reconnaître la qualification d’opérateurs de
l’Etat résultant de la loi organique sur les lois de finances de 2001
et leur gestion est en conséquence progressivement encadrée
de façon de plus en plus étroite, qu’il s’agisse de leur personnel
ou de leurs effectifs (4). Pour que la situation soit acceptable aux
yeux du juge des comptes, il faut que l’association qui reçoit des
subventions et les utilise dans un cadre qui lui est imposé conserve
une liberté d’appréciation dans l’exécution de ses tâches. Autrement dit, l’association est proche de l’Administration, mais non
pas transparente à son égard. Ce cas est fréquent dans le secteur
social.
La distinction entre associations
proches de l’Administration
et associations transparentes comptables de fait
reste délicate
La notion d’association transparente n’est pas utilisée seulement
par le juge des comptes : le juge civil et le juge administratif y ont
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La jurisprudence n’est pas d’une parfaite clarté sur la question
essentielle pour une association : est-elle transparente ou non ?
Sans doute est-ce inévitable lorsque le juge recourt à un faisceau
d’indices pour apprécier son degré d’autonomie et répondre à
la question (6).
L’incertitude jurisprudentielle affecte non seulement l’association
qui reçoit une subvention et peut se révéler transparente. Elle
touche aussi l’association qui s’ingère dans l’encaissement de
recettes qui peuvent ou non être considérées comme publiques.
L’exemple en est l’organisation de cours d’été dans les locaux
d’une université moyennant une rétribution encaissée par une
association proche de celle-ci. L’association étant supposée non
transparente par rapport à l’université, la question est de savoir si
la théorie du service public apparent s’applique à elle, qui
encaisse des rémunérations en contrepartie de cours délivrés
dans les locaux d’une université et donnant lieu à la délivrance
d’une attestation de cette université. Curieusement, il est arrivé
que le juge des comptes, malgré l’évidence, ne déclare pas
l’association comptable de fait de deniers de l’université (7).
La jurisprudence Prest’Action
peut accroître les situations irrégulières
dans les associations délégataires
de service public
Le juge des comptes a longtemps admis qu’un délégataire de
service public – qui peut avoir la forme associative – soit autorisé
par une collectivité publique à percevoir un prix, une redevance,
voire une taxe qu’il lui reverse ultérieurement. Or, le Conseil d’Etat,
dans un avis du 13 février 2007 (8) a adopté une position beaucoup plus stricte. Interrogé par le Gouvernement sur la légalité de
la pratique consistant, pour une collectivité territoriale, à faire
(3) C. Descheemaeker, « Le contrôle des GIP par la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes », Le Courrier juridique des Finances, nº 70, novembre
1996.
(4) Circulaire du Premier ministre nº 5454/SG du 26 mars 2010, publiée au Moniteur
du 30 avril 2010.
(5) A titre d’exemple, arrêt d’appel de la Cour des comptes du 27 septembre 2007
sur l’association d’action sociale du personnel de l’ODHLM de Seine-et-Marne, avec
la note de M. Lascombe et X. Vandendriessche, Gestion et finances publiques 2009,
p. 215.
(6) Plus surprenante est l’indécision du juge des comptes, lorsqu’il déclare une
gestion de fait, sur le point de savoir si l’association transparente est elle-même
comptable de fait.
(7) C. comptes, 5 juillet 1999, Université de Nice : La Revue du Trésor 2000, p. 199.
C. comptes, 21 mars 2005, Ecole nationale supérieure des techniques avancées et
société des amis de l’Ecole : Revue française de finances publiques, novembre
2006, p. 195.
(8) Avis nº 373788, voir notamment J.-D. Dreyfus, « Les conditions de validité des
conventions de mandat conclues en matière de recettes et de dépenses publiques
des collectivités territoriales », AJDA 2008, p. 787.
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associations et gestion publique
recouvrer par un tiers certaines recettes moyennant la signature
d’une convention de mandat, il s’est fondé sur le caractère législatif de l’exclusivité donnée au comptable de la collectivité territoriale pour exécuter ses recettes et ses dépenses pour estimer
qu’un document contractuel n’était pas d’un niveau suffisant
pour déposséder le comptable public de ses prérogatives. La
demande d’avis avait pour objet de clarifier une situation juridique ambigüe après deux contentieux concernant la société
Prest’Action (9).
Une circulaire interministérielle Intérieur – Comptes publics du
8 février 2008, à laquelle est joint l’avis du Conseil d’Etat de 2007,
a diffusé des recommandations strictes à l’intention des préfets
afin qu’ils défèrent au juge administratif les conventions qui
comporteraient une autorisation pour le délégataire d’encaisser
des recettes publiques. La consigne est claire : une telle convention de mandat doit être autorisée par la loi. Peu après, le Conseil
d’Etat, juge de cassation de l’affaire Prest’Action, a rendu un arrêt
qui confirme l’avis de 2007 mais qui, en raison de la complexité
du cas d’espèce, soulève aussi des interrogations (10).
Sans pouvoir développer ici toutes les questions d’interprétation
que soulève l’arrêt Prest’Action (11), on retiendra qu’en restreignant les cas dans lesquels l’autorisation de percevoir des
recettes peut être donnée à un délégataire – association ou
autre –, il élargit sensiblement les hypothèses de gestion de fait.
Là où traditionnellement le juge des comptes voyait dans une
clause contractuelle un « titre légal » permettant à un délégataire
d’encaisser des recettes, le Conseil d’Etat voit désormais une
ingérence irrégulière dans l’encaissement de recettes publiques
et donc une gestion de fait de deniers de la collectivité
délégante.
LA PROCÉDURE
DEVANT LE JUGE DES COMPTES
A ÉTÉ SIMPLIFIÉE
La Cour des comptes a voulu réformer profondément ses procédures juridictionnelles pour les rendre conformes aux exigences
de la Convention européenne des droits de l’homme. Après des
années d’attente et de débats de la doctrine et après des petits
pas du juge de cassation, les arrêts de la Cour de Strasbourg
concernant une gestion de fait en 2004 et une gestion patente
en 2006 ont débouché sur une modification législative (loi du
28 octobre 2008) et réglementaire (décrets du 19 décembre 2008)
du Code des juridictions financières. La réforme, qui comporte
une phase transitoire pour les procédures déjà ouvertes, est
entrée en vigueur le 1er janvier 2009 (12).
La ligne directrice de cette réforme est simple : la Cour des
comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes
disposent de trois organes : le rapporteur, la formation de jugement et le Ministère public. Désormais, et à la différence de la
situation prévalant de longue date, chaque fonction procédurale
est remplie par un organe et par lui seul : le Ministère public ouvre
l’instance par un réquisitoire ; le rapporteur instruit l’affaire ; la formation collégiale juge.
Un raccourcissement important
de la procédure
La partie réglementaire du Code des juridictions financières
concernant la procédure de gestion de fait renvoie à la procédure de jugement des comptes patents, ce qui a l’avantage de
la brièveté mais non de la clarté (art. R.141-22 pour la Cour des
comptes et R. 241-44 pour les chambres régionales des comptes).
Désormais, une gestion de fait se règle normalement en deux
arrêts.
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La procédure de gestion de fait, on le sait, comporte traditionnellement trois phases, une fois qu’elle est ouverte :
– il faut d’abord déterminer quelles sont les opérations constitutives de gestion de fait et quels sont leurs auteurs : c’est la déclaration de gestion de fait ;
– il faut ensuite juger le compte, ce qui conduit le juge à admettre
des recettes et à allouer des dépenses alléguées et, par différence, à fixer le montant du débet, c’est-à-dire de la somme que
les comptables de fait doivent verser à la collectivité dont ils ont
régulièrement manié les fonds ;
– le juge des comptes peut en outre infliger aux comptables de
fait ou à certains d’entre eux une amende.
La nouvelle procédure comporte les étapes suivantes :
– le Ministère public introduit l’instance par un réquisitoire (qui sera
éventuellement complété par d’autres) ;
– le rapporteur instruit la première phase de la procédure qui se
termine par un arrêt de déclaration de gestion de fait (13) rendu
après une audience publique ;
– les personnes ainsi incluses dans le périmètre de la gestion de
fait produisent un compte des opérations irrégulières. Le rapporteur instruit à la fois cette deuxième phase et ce qui constituait
antérieurement la phase de l’amende. Au vu de son rapport et
après une audience publique, le juge des comptes rend un arrêt
dans lequel il fixe le montant du débet et, s’il y a lieu, les amendes
individuelles.
La nouvelle procédure, qui forme un tout (14), nécessite deux
arrêts là où antérieurement, compte tenu de la règle du double
arrêt et de l’existence de trois phases, le nombre d’arrêts nécessaire était proche de huit (15). Le progrès est donc considérable.
Si l’instruction d’une gestion de fait peut être complexe, comme
c’était déjà le cas, la séquence procédurale est très sensiblement
raccourcie.
Une difficulté procédurale persistante :
la reconnaissance de l’utilité publique
des dépenses de la gestion de fait
La reconnaissance, par l’autorité budgétaire de la collectivité
dont les fonds ont été maniés (conseil d’administration d’un établissement public, conseil municipal d’une commune, Parlement
dans le cas de l’Etat), de l’utilité publique des dépenses d’une
gestion de fait est justifiée de très longue date par la régularisation
budgétaire que représente la procédure. Des dépenses ayant
été irrégulièrement payées, l’autorité budgétaire, par cet acte
de reconnaissance, effectue ce qui équivaut à une ouverture
rétroactive de crédits.
A l’expérience, une telle justification est trop abstraite pour être
comprise. Le plus souvent, l’autorité budgétaire croit qu’il lui est
demandé d’approuver la gestion de fait et comprend mal qu’elle
a la faculté de reconnaître l’utilité publique de certaines dépen(9) TA Dijon, 18 mars 2004, AJDA 2004, p. 980, note O. Rousset. CAA Douai, 3 août
2006, req. nº 04DA00855, concl. J. Lepers.
(10) 6 novembre 2009, req. nº 297877, commenté par les professeurs Lacombe et
Vandendriessche : « La gestion de fait, sacrifiée sur l’autel de la rentabilité ? »,
Gestion et finances publiques 2010, p. 132.
(11) En particulier, les cas dans lesquels les recettes ont un caractère public et ceux
dans lesquels elles ont un caractère privé.
(12) C. Descheemaeker, « La réforme des procédures juridictionnelles de la Cour
des comptes et des chambres régionales des comptes de 2008 », Mélanges en
l’honneur du professeur Hertzog, 2010 (à paraître). E. Thévenon, « La réforme des
procédures juridictionnelles devant les chambres régionales et territoriales des
comptes », BJCL nº 3/09.
(13) Ou par un arrêt de non-lieu.
(14) Elle est ouverte par un réquisitoire unique.
(15) Chaque jugement ou arrêt définitif pouvant faire l’objet d’un recours, certaines
procédures ont donné lieu à un nombre impressionnant de décisions juridictionnelles. Un exemple en est fourni par la gestion de fait de l’Association des amis de
la commune de Méru (Oise) portant sur des faits intervenus de 1989 à 1995 et qui
a donné lieu à des arrêts de la Cour des comptes du 15 juillet 2009, Gestion et
finances publiques 2010, p. 466. Un autre exemple est l’arrêt de la Cour des comptes
du 16 juillet 2008 qui met fin à onze ans de procédure dans la gestion de fait du
comité social du personnel de la commune de Villers-lès-Nancy, Gestion et finances
publiques 2010, p. 85.
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associations et gestion publique
ses et de ne pas le faire pour d’autres. Enfin, elle n’admet guère
que le juge des comptes puisse écarter pour insuffisance de justifications des dépenses dont elle a reconnu l’utilité publique.
Source de malentendus résultant d’une conception trop subtile,
la reconnaissance de l’utilité publique des dépenses présente en
outre l’inconvénient d’allonger la procédure, parfois dans des
proportions considérables. Les comptables de fait doivent en
effet obtenir que le sujet soit examiné par l’autorité budgétaire ;
dans le cas d’une gestion de fait de deniers d’un service de l’Etat,
la loi de règlement, qui n’intervient qu’une fois par an, est le seul
support juridique admis. Dans les autres gestions de fait, la reconnaissance fait l’objet d’une délibération de l’autorité budgétaire
qui, comme tout acte administratif, peut faire l’objet d’un recours
pour excès de pouvoir.
La réforme procédurale de 2008 prévoyait la suppression de cet
acte. Cette simplification importante n’a pas été votée, ce qu’il
faut regretter. Dès lors, la situation se présente comme suit, pour
une formalité dont l’origine est purement jurisprudentielle :
– dans les gestions de fait de la compétence de la Cour des
comptes, la reconnaissance de l’utilité publique des dépenses
conserve un fondement uniquement jurisprudentiel. Aussi, la Cour
pourrait-elle mener à son terme une procédure de gestion de fait
en se dispensant de cette formalité en espérant que, s’il est saisi
d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat entérine cette
évolution ;
– dans les gestions de fait des collectivités territoriales (16), une
disposition a été introduite par la loi du 21 décembre 2001 dans
le Code général des collectivités territoriales afin d’imposer à
l’autorité budgétaire un délai pour qu’elle statue (art. L. 1612-19-1
du CGCT). Supprimer la formalité de la reconnaissance suppose
donc une abrogation de cette disposition.
Malgré le maintien de la reconnaissance de l’utilité publique des
dépenses, la procédure applicable aux gestions de fait est désormais plus courte. L’argument sera-t-il entendu par la Cour des
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comptes et par les chambres des comptes, et en premier lieu par
le Ministère public, pour engager des procédures de gestion de
fait avec moins de parcimonie qu’au cours des dernières
années ?
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La gestion de fait a marqué les associations proches des administrations, notamment locales, pendant des années qui se situent
autour de 1990. Jamais l’expression n’avait été autant utilisée,
commentée, brandie comme une menace ; jamais la gestion de
fait, si ancienne qu’elle soit, n’avait autant été enseignée, ce qui
l’avait fait sortir de la sphère de l’érudition juridique. La situation
a évolué, le risque a été mieux compris et d’autres moyens existent désormais pour obtenir une souplesse de gestion qui heureusement n’est souvent que l’acceptation d’un cadre différent et
non le droit de gérer sans règles.
Le risque juridique pesant sur les associations n’est plus le même
aujourd’hui. Si le cadre juridique a changé, avec en particulier
l’officialisation du statut d’associations-relais de l’Administration
(à distinguer des associations transparentes) et l’extension des
contraintes qui leur sont imposées, la jurisprudence elle aussi n’est
pas restée figée. Les mutations des textes et de la jurisprudence
au cours des années récentes ont modifié le risque de gestion de
fait, l’ont sans doute circonscrit mais ne l’ont pas fait disparaître.
La doctrine a joué, dans les changements qui ont été succinctement décrits, un rôle important : auprès des gestionnaires
d’abord, pour leur faire prendre la mesure d’un risque resté longtemps méconnu et qui se transforme ; auprès du juge des
comptes aussi, pour l’inciter, si besoin est, à la clarté dans l’application des règles nécessaire afin que, comme il se doit, ses décisions soient prévisibles aux yeux des gestionnaires d’associations.
(16) Mais non des établissements publics locaux, comme le rappellent les professeurs
Lascombe et Vandendriessche dans leur commentaire des arrêts d’appel du 30 avril
2009 relatifs à une gestion de fait des deniers du département de l’Isère, Gestion
et finances publiques 2010, p. 276.
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