Héritage spirituel du Père Jules Chevalier
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Héritage spirituel du Père Jules Chevalier
1. Héritage spirituel du Père Jules Chevalier Introduction : L’héritage spirituel que nous a légué le Père Jules Chevalier présente une profonde cohérence. Le Père Cuskelly dans son livre ‘Jules Chevalier, l’homme et sa mission’, présente ainsi la « nouvelle dévotion » à Notre-Dame du Sacré-Cœur : « C’était le temps où les gens allaient « à Jésus par Marie » ; c’était aussi le temps où les confréries étaient vraiment l’expression en même temps que la nourriture de la vie spirituelle des laïques. Ceux-ci montrèrent dès le début une réponse enthousiaste à cette « nouvelle dévotion », qui même s’ils n’y avaient jamais pensé auparavant, liait le Christ, Marie et les hommes dans des liens d’un amour tendre et compatissant. »1 Voilà la cohérence de la pensée de Chevalier : relier - le Christ, dont le Cœur est le symbole de l’amour incarné ; - avec Notre-Dame du Sacré-Cœur ; - et avec les hommes, cette humanité qui lui fut si chère C’est le plan que j’ai suivi pour mon exposé : 1) le Christ, dont le Cœur est le symbole de l’amour incarné ; 2) Notre-Dame du Sacré-Cœur ; 3) les hommes, cette humanité qui lui fut si chère 1 Jules Chevalier, l’homme et sa mission E.J. Cuskelly, MSC pages 34 et 35. 2. 1. Le Christ, dont le Cœur est le symbole de l’amour incarné : Dans la prière pour obtenir la béatification du Père Chevalier nous disons de lui qu’ « il fut l’apôtre passionné du Sacré-Cœur et de son amour miséricordieux qu’il voulait faire aimer jusqu’au bout du monde ». C’est bien le Cœur de Jésus qui a été au centre de sa vie et de son œuvre. Pour vous en parler, je prendrai des aspects essentiels de sa spiritualité qui peuvent nous interpeller aujourd’hui encore. Parfois je me permettrais d’emprunter des textes de Maurice Zundel qui redit dans un langage plus actuel certaines intuitions de Chevalier. 1.1. Le Cœur du Verbe Incarné. La découverte spirituelle centrale de J. Chevalier est qu’en Jésus, Dieu aime avec un cœur d’homme et se révèle comme charité et amour. Pour lui, le cœur désigne « le siège de l’amour sensible du Verbe incarné »2. Dans son livre « Le Sacré-Cœur de Jésus » il écrit : « Le Cœur de Jésus est l’expression abrégée et vivante de sa Divine Personne… O mon Dieu, votre Cœur, c’est vous… Donc son Cœur et Lui, c’est tout un. »3 Pour Chevalier, comme pour d’autres auteurs spirituels de son temps, la dévotion au SacréCœur est la « synthèse de toute la doctrine catholique, résumée dans l’amour de Jésus-Christ pour nous et de nous pour Jésus-Christ. »4 Plus proche de nous Maurice Zundel dit de Dieu : « Dieu n’est qu’un cœur, Il est tout cœur. Pour être donné à Lui, il faut être tout cœur pour Lui, tout cœur pour les autres dans une croissance éternelle. Voilà ce qu’est Dieu : un Cœur, tout Cœur, rien qu’un Cœur. »5 1.2. Le bon Berger J. Chevalier, Nos constitutions (Règle de vie) nous invitent à découvrir « dans le Cœur de Jésus l’infinie tendresse de Dieu, notre Père, est une voie sûre pour amener les autres à comprendre combien Dieu les aime. »6 Tout l’évangile nous montre comment Jésus aimait. L’image que le Père Chevalier affectionnait est celle du Bon Pasteur. Il a le souci d’expliquer toute la richesse que contient cette image. « Depuis la crèche jusqu’à la croix, la douceur et la force apparaissent en lui (Jésus) avec un éclat incomparable… La miséricorde accompagne partout ses pas et la puissance ne l’abandonne jamais. »7 Cette miséricorde, le Père Chevalier la dépeint sous des traits émouvants : « Il (le vrai berger) regarde de tout côté, il appelle, il court, il va et vient. Il n’est point de sentier qu’il ne visite, point de route qu’il ne parcoure, point de roc ni de désert qu’il n’interroge, point de buisson où il ne s’engage, point de ruisseau qu’il ne franchisse. » « La brebis retrouvée… il la caresse, la prend sur ses épaules et la ramène au bercail ; il est tellement heureux que sa joie ‘éclate de tous les côtés’. »8 Contempler Jésus dans sa vie terrestre c’est aussi découvrir sa compassion pour les petits, les exclus, les pécheurs. « Si nous suivons Notre Seigneur dans sa vie publique, nous voyons son Cœur s’épancher sur toutes les infortunes, sur toutes les misères morales et physiques. D’où 2 J. Chevalier, Le Sacré-Cœur de Jésus p. 87 J. Chevalier, Le Sacré-Cœur de Jésus p. 132 4 Mgr Baunard p. 200, cité par Chevalier 5 L’humble présence. M. Zundel P. 142 6 Constitutions FNDSC N°1 7 Le Sacré-Cœur de Jésus p. 200 8 Méditations II p. 54 3 vient ce pardon qu’il accorde si généreusement à la Samaritaine ? A la femme adultère, à Marie-Madeleine ? De son Cœur ! D’où procède cette miséricorde infinie dont il use envers 3. les pécheurs, cette compassion si tendre pour ceux qui souffrent ? De son Cœur… Aussi l’Evangile qui les relate pourrait être appelé l’Evangile du Sacré-Cœur. »9 La compassion de Dieu, réalité si belle et si difficile à comprendre ! Maurice Zundel m’a encore une fois aidée à saisir la grandeur de ce sentiment. Il écrit : « Dieu ne peut pas souffrir au sens où la souffrance apporte une perturbation au sein de l’être. Dieu souffre d’une souffrance de compassion en s’identifiant avec nous, comme le fait comprendre l’image de la mère qui s’identifie à son enfant et souffre en lui, pour lui et plus que lui, parce qu’elle sent dans sa charité l’état de misère de son enfant, plus profondément que lui-même qui est privé de ces hautes lumières. Jésus exprimant cette souffrance divine en son humanité torturée compatit, si l’on peut dire, à la souffrance de Dieu. »10 Commentant ce passage Marc Donzé, auteur du livre cité, ajoute : « La souffrance de Dieu n’est pas identique à la nôtre. Elle n’est pas manque, elle est perfection d’amour. Elle est compassion. Comment cette forme d’amour, qui est la plus noble, cette forme d’amour par laquelle nous prenons sur nous la douleur des autres, comment n’appartiendrait-elle pas éminemment à Dieu ? »11 C’est ainsi que Dieu aime chacun de nous personnellement. Que l’Esprit Saint fasse de nous des êtres de miséricorde et de compassion pour que nous devenions le Cœur de Dieu sur terre, quand le mal se répand, quand l’injustice accroît les inégalités, quand l’intolérance fait des exclus. Le monde souffre, l’Eglise souffre dans ses membres, saurons-nous amoureusement compatir à ce mal en vivant la spiritualité du Cœur ? La spiritualité du Cœur se ressource dans l’eucharistie et l’eucharistie la dynamise. 1.3. L’Eucharistie. Du côté transpercé a surgi l’Eglise avec les sacrements. Pour J. Chevalier, l’eucharistie est le centre des sacrements, « par lesquels nous est communiquée la vertu de la Rédemption. » L’eucharistie est « l’extension de l’incarnation du Verbe en chacun des membres de son corps mystique ».12 Elle actualise le lien entre la création, l’incarnation et la rédemption, lien vécu concrètement par le Verbe incarné et qui l’a conduit jusqu’à la mort de la croix, afin de révéler aux hommes que Dieu est amour. J. Chevalier était très attaché à Rome et au Pape. De son temps ce courant s’appelait ‘ultramontain’. Pour Chevalier « le salut ne pouvait venir qu’en situant l’Eglise au dessus des contingences locales, en insistant sur son caractère universel, catholique (qui signifie précisément universel). Et à l’époque, le fait que l’Eglise soit ‘romaine’, semblait bien être le gage de cette universalité. »13 Son amour de l’Eglise universelle était donc indéfectible ; il a fait de nombreux voyages à Rome, rencontré le Pape. Le partout de notre devise ‘Aimé soit partout le Sacré-Cœur de Jésus !’ en était la conséquence logique. Pour lui, l’Eglise est bien plus qu’une organisation, elle est le sacrement du Corps du Christ : « l’Eglise est son corps, sa plénitude, et lui-même est la tête qui assure l’unité de ce corps. En ce corps dont nous sommes tous membres, nous ne faisons plus qu’un. »14 Il faut ici citer la merveilleuse inspiration de Chevalier : « Le Verbe, sorti du Cœur de son Père fait surgir le 9 Le Sacré-Cœur de Jésus p. 9 L’humble présence. M. Zundel p.223 11 L’humble présence. M. Zundel p.222 12 J. Chevalier, Le Sacré-Cœur de Jésus p. 214 13 Le Père Jules Chevalier. Père Jean Tostain, msc p. 136 14 Vocabulaire de théologie biblique. 10 monde du néant, et du Cœur du Verbe Incarné, percé sur le calvaire, je vois sortir un monde nouveau, le monde des élus. Et cette création, pleine de grandeur et de fécondité, inspirée par 4. l’amour et la miséricorde, c’est l’Eglise, ce corps mystique du Christ, qui la perpétuera sur la terre jusqu’à la consommation des temps, et vivra de sa vie divine pendant toute l’éternité.15 Eucharistie et Mission sont intimement liées. La mission, c’est d’aller porter l’Evangile à toutes les nations. L’Eucharistie, c’est prendre tous les hommes en son cœur, dans une communion universelle. « Si l’Eucharistie est source et exigence d’un amour universel et que cet amour devient réalité vécue et témoignée, alors elle peut concerner tous les hommes. Elle peut intéresser même l’homme de la rue, dans la mesure où il se sent aimé. »16 15 16 J. Chevalier, Le Sacré-Cœur de Jésus p. 145-146 L’humble présence. M. Zundel p.313 5. 2. Notre Dame du Sacré-Cœur La spiritualité du Cœur et la dévotion à Notre-Dame du Sacré-Cœur sont inséparables dans la Famille Chevalier. Un des premiers compagnons du Père Chevalier, le Père Piperon parle des débuts de la Congrégation des MSC en ces termes : « Qu’était, en effet, la Congrégation des Missionnaires du Sacré-Cœur, lorsque la dévotion envers N. D. du S.C. lui fut confiée ? Tout au plus une plante frêle et chétive… Que fut pour elle l’Archiconfrérie de N.D. du S.C. ? L’Archiconfrérie produisit sur la Congrégation les effets d’une greffe vigoureuse et féconde… ; elle infusa une vie plus intense, elle lui donna de produire bientôt des fruits, et plus abondants et plus savoureux…Notre-Seigneur dont le Cœur voulait, plus que jamais, être glorifié et aimé par tout l’univers, avait confié à sa Mère bien-aimée le soin de conduite la petite Société naissante vers cette fin si haute et si noble. »17 2.1. Origine du titre : Un rappel d’évènements que vous connaissez déjà, mais qui me semblent importants pour donner toute la place à Notre-Dame du Sacré-Cœur. « Le Père Chevalier aime raconter l’histoire de l’origine du titre et de la dévotion : ‘C’est au 8 décembre 1854, jour à jamais mémorable de la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception qu’il faut remonter pour trouver l’origine de la dévotion à Notre-Dame du SacréCœur, telle qu’elle existe aujourd’hui.’18 Il explique ensuite comment la Société des Missionnaires du Sacré-Cœur prit naissance, suite à la neuvaine à Marie Immaculée dont leurs prières furent exaucées en raison du signe reçu le neuvième jour, un don de 20 000 Frs pour fonder une bonne œuvre en Berry. »19 Quand fut prononcé la première fois le titre de N.D. du S.C. ? Le Père Bertolini, msc cite le Père Piperon qui relate avec beaucoup de détails l’évènement de la révélation de ce nouveau titre donné à Marie. C’était au printemps de l’année 1859, alors qu’avaient commencé les travaux de la basilique : « Donc, en cette année 1859, nous prenions notre récréation de l’après-dîner, assis sous les tilleuls qui nous donnaient un frais ombrage, car le soleil était brûlant… Tout à coup le Révérend Père Chevalier, qui semblait dominé par une pensée, nous interroge … Sous quel vocable, nous dit-il, placerons-nous la chapelle de la Vierge dans notre église ? Alors chacun de répondre selon son attrait et sa dévotion particulière… Non, non, reprit le Révérend Père, nous aurons Notre-Dame du Sacré-Cœur. Ce vocable béni était alors prononcé pour la première fois et il ne fut pas entendu sans une certaine surprise. » 6. Le Père Chevalier qui avait sûrement longuement mûri cette idée en donne tout de suite le sens profond : « Ce vocable ‘N.D. du S.C. renferme un sens profond. Il veut dire que Marie, par suite de sa Maternité divine, possède un grand pouvoir sur le Cœur de Jésus et que c’est par Elle que nous devons aller à ce Divin Cœur. »20 2.2. Notre Dame du Sacré-Cœur et les premières œuvres. Le Père Chevalier aimait dire : « Notre-Dame a tout fait dans notre Congrégation. » Il introduit son livre sur ‘Notre-Dame du Sacré-Cœur’ par un vibrant et touchant hommage à « Notre-Dame du Sacré-Cœur sous les scellés » : « Eh quoi, ô Notre-Dame du Sacré-Cœur ! C’est au milieu de ces tristesses amères que je viens parler de vos incomparables prérogatives ! … Au sein de vos humiliations je Vous vois resplendir d’un éclat plus beau…Votre basilique reprendra sa physionomie d’autrefois… dans son enceinte montera de nouveau l’hymne de l’amour et de la reconnaissance. » 21 17 J. Bertolini, Charles Piperon MSC, Un témoin p. 255-256 J. Chevalier, Notre-Dame du Sacré-Cœur mieux connue 1879 p. 5 19 Jan G. Bovenmars, msc, Notre-Dame du Sacré-Cœur p.16 20 J. Bertolini, Charles Piperon MSC 21 J. Chevalier, Notre-Dame du Sacré-Cœur 1895, p. XV 18 6. Dans le testament aux Filles de ND du SC, il écrit de même : « Les débuts ont été pénibles. Le démon a mis tout en œuvre pour faire échouer le projet et l’anéantir à jamais. Mais N.D. du S.C., qui voulait avoir sa cour d’honneur a pris la cause en main ; et malgré la rage de l’enfer et tous les obstacles accumulés, Elle a remporté la victoire. C’est donc à cette bonne Mère que vous devez votre existence. Vous ne sauriez trop lui témoigner votre reconnaissance. »22 2.3. Marie dans l’évangile de St Jean Pour exprimer la relation de Marie à Jésus et ensuite aux hommes, nous aimons prendre dans la Famille Chevalier deux textes de St Jean : Marie aux noces de Cana (Jn 2, 1-12) et Marie au pied de la croix (Jn 19, 25-37, les deux seuls textes dans cet évangile où il est question de Marie. 2.3.1. Le signe de Cana : Jn 2, 1-12 Le Père Chevalier commentant ce texte précise : « Il nous semble que Jésus et Marie apparaissent là parfaitement ce qu’ils sont l’un pour l’autre : Marie, créature et Mère, demandant comme créature, et cela, avec quelle modestie ! et, obtenant comme Mère, ce qu’elle désire ; et Jésus, Créateur et Fils, accordant librement, comme Fils, ce qu’Il a, comme créateur, le droit de refuser. »23 Il ajoute : « … entre Jésus-Christ et Marie, bien qu’Ils soient l’un et l’autre au ciel, il y a toujours les mêmes relations de Fils et de Mère. La mort n’a rien détruit. La maternité dans Marie et la filiation dans le Christ durent toujours. »24 Le Père Bovenmars écrit : « Plus on réfléchit sur Jn 2, 1-12, les noces de Cana, plus ce texte devient l’épiphanie de Jésus comme époux messianique de l’Eglise, l’épiphanie de Marie comme fidèle associée et Mère de l’Eglise. »25 Marie nous est révélée ici comme la première croyante : « Faites tout ce qu’il vous dira ! » dit-elle aux serviteurs. Notre-Dame du SacréCœur est bien celle qui nous introduit auprès de son Fils et qui intercède avec nous et pour nous. 2.3.2. Marie au pied de la croix : Jn 19, 25-37 Reprenons le commentaire de Chevalier sur ce texte : « C’est bien là, au pied de la Croix, qui est vraiment l’Arbre de la vie, que prend naissance la nouvelle postérité de Marie ; c’est bien là que cette Mère bénie enfante, dans les gémissements et la douleur, tous les enfants de la grâce et de la bénédiction. » « La bienheureuse Vierge Marie nous enfantera à la vie du Christ, comme Elle a enfanté le Christ à la vie de l’homme. »26 « Elle nous fera les fils et les frères d’un Dieu, comme Elle a fait d’un Dieu le Fils et le Frère de l’homme. »27 Le Père Bovenmars insiste : « Ce point culminant de l’union de Marie avec son Fils est aussi le point culminant de son union avec nous car, l’heure de Jésus, c’est le moment où la maternité spirituelle de Marie atteint sa plénitude. Cela présuppose toutefois, que nous acceptions ce don précieux à la manière de Saint Jean : ‘Et à partir de cet instant, le disciple la prit chez lui.’»28 En tant que membre de la famille Chevalier nous sommes invités à offrir un accueil chaleureux à Notre-Dame du Sacré-Cœur. Sur le Calvaire, Jésus nous donne Marie pour Mère, l’Eglise est née, la nouvelle alliance est scellée et l’Esprit Saint nous est donné. « Quand nous l’appelons Notre-Dame du Sacré-Cœur, nous pensons à tout cela. Elle est la Mère de notre foi, la Mère de l’Eglise et, en tant que Notre-Dame du Sacré-Cœur, elle est aussi la Mère de l’alliance. »29 22 J. Chevalier, Testament spirituel pour les Filles de N.D. du S.C. 1905 J. Chevalier, Notre-Dame du Sacré-Cœur 1895, p. 227-228 24 J. Chevalier, Notre-Dame du Sacré-Cœur 1895, p. 230 25 Jan G. Bovenmars, msc, Notre-Dame du Sacré-Cœur p.354 26 J. Chevalier, Notre-Dame du Sacré-Cœur 1895, p. 206 27 J. Chevalier, Notre-Dame du Sacré-Cœur 1895, p. 208 28 Jan G. Bovenmars, msc, Notre-Dame du Sacré-Cœur p. 362 29 Jan G. Bovenmars, msc, Notre-Dame du Sacré-Cœur p. 373 23 7. Le Père Chevalier aimait aussi prier Marie sous le vocable ‘Notre-Dame des désespérés’. Aujourd’hui, comme en son temps ; il y a bien des raisons de désespérer. Aussi pouvons-nous terminer par cette prière du Père Chevalier confiant son livre à Marie : « O Marie, Mère de Dieu et Mère des hommes, ô Notre-Dame du Sacré-Cœur ! faites que la lecture de ce livre (nous pouvons dire, faites que la dévotion à Notre-Dame du Sacré-Cœur) augmente la confiance de vos enfants, porte la paix dans quelque âme troublée, jette la lumière dans les esprits indécis, fortifie quelques faibles, ranime une espérance qui s’en va et ramène celle qui n’est déjà plus… »30 3. Spiritualité du Cœur tournée vers l’homme. Au début de mon exposé j’ai dit que la découverte spirituelle centrale est qu’en Jésus, Dieu aime avec un cœur d’homme et se révèle comme charité et amour. Pour lui, le cœur désigne « le siège de l’amour sensible du Verbe incarné ». Le mystère de l’Incarnation est donc au centre de notre spiritualité et le Père Cuskelly souligne : « Centrée sur le Christ, grand Prêtre et Médiateur, cette spiritualité doit nécessairement considérer un double aspect de la prêtrise : - le Christ rendant gloire suprême et adoration à Dieu ; - le Christ donnant vie et salut aux hommes. »31 D’où les deux mouvements de cette dernière partie : 3.1. une spiritualité centrée sur le Christ et tournée avec Lui vers le Père 3.2. une spiritualité tournée vers l’homme Avant de parler de la spiritualité du cœur tournée vers l’homme, il est important de rappeler quelle est la relation du Christ, Verbe Incarné avec son Père. 3.1. une spiritualité centrée sur le Christ et tournée avec Lui vers le Père 3.1.1. Jésus est le prêtre éternel. Nous savons que le Père Chevalier aimait particulièrement les textes de l’Epître aux Hébreux dans lesquels Jésus est présenté comme « le grand prêtre fidèle et compatissant », dont le sacrifice est supérieur aux sacrifices de la première alliance : « C’est pourquoi, en entrant dans le monde, le Christ dit : ‘Tu n’as voulu ni sacrifice ni oblation ; mais tu m’as façonné un corps… Alors j’ai dit : Voici, je viens, car c’est de moi qu’il est question dans le rouleau du livre, pour faire, ô Dieu, ta volonté. »32 3.1.2. Jésus confirmé par le Père Lors de son baptême et à la Transfiguration Jésus est confirmé par le Père et présenté comme le Fils bien aimé, en qui le Père a mis tout son amour : « Aussitôt baptisé, Jésus remonta de l’eau ; et voici que les cieux s’ouvrirent : il vit l’Esprit de Dieu descendre somme une colombe et venir sur lui. Et voici qu’une voix venue des cieux disait : ‘Celui-ci est mon Fils bien aimé, qui a toute ma faveur. » Et à la Transfiguration : « …Voici qu’une nuée lumineuse les prit sous son ombre, et voici qu’une voix disait de la nuée : ‘Celui-ci est mon Fils bien aimé qui a toute ma faveur ; écoutez-le !’ »33 3.1.3. Jésus reçoit tout du Père pour devenir source de vie : Dans son évangile l’apôtre Jean nous dit : « Le Père aime le Fils ; il a tout remis en sa main. »34 Et plus loin il ajoute : « Le dernier jour de la fête, le grand jour, Jésus, debout, lança à pleine voix : ‘Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive, celui qui croit en moi !... Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croient en lui. » 35 30 J. Chevalier, Notre-Dame du Sacré-Cœur 1895, p. 248 Cuskelly : L’homme et sa mission p. 114 32 He 10,5…7 33 Mt 3, 16-17 et 17, 5 34 Jn 3, 35 31 8. 3.1.4. Son abandon au Père est total. Son obéissance (qui signifie écoute) va jusqu’à la mort : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux. »36 Telle fut sa prière à Gethsémani. Et sur la croix son ultime parole fut un cri de totale remise de soi à son Père : « Père, je remets mon esprit entre tes mains. »37 3.2. une spiritualité du cœur tournée vers l’homme. Pour le Père Chevalier l’homme est au centre de la création. Il écrit dans son livre sur le Sacré-Cœur de Jésus : « Qu’il est merveilleux, ce monde matériel ! Quelle unité parfaite dans indescriptible variété ! Aucun être isolé ! Partout, au contraire, union de forces, combinaisons d’influence ; chacun sert à tous et tous à chacun : c’est un filet immense dont toutes les mailles se tiennent et aboutissent à un point central : l’homme. Oui, c’est dans l’homme que se fait cette merveilleuse unité ; c’est dans l’homme et par l’homme que cette matière prend part au culte de l’âme. » 38 Et encore : « Et ce n’est pas de loin que Dieu nous crée… C’est en nous, au plus intime de notre être, plus présent à nous-mêmes que nous-mêmes. Il est en nous ce que nous avons de plus intime. »39 Quel grandeur que l’homme ! En passant j’aimerai souligner à quel point ces textes sont modernes, à l’heure où il est question de mondialisation, d’écologie, de sauvegarde de la planète et aussi des sciences humaines. 3.2.1. L’amour du Père Chevalier pour l’humanité. Cuskelly dans son livre ‘Jules Chevalier, l’homme et sa mission’ écrit : Les premiers documents de la Société MSC révèlent bien cette préoccupation du Père Chevalier « pour les maux modernes ». « On ferait fausse route si on allait croire que Chevalier considérait ces « ismes » (maux modernes) comme des systèmes impersonnels. Il les voyait plutôt comme atteignant des personnes… En arrière de ces systèmes, il voyait d’abord les « âmes qui Lui (Christ) sont si chères. »40 3.2.2. L’amour du Cœur de Jésus pour les hommes est un amour compatissant : Dans le livre des « Méditations » le Père Chevalier écrit : « Pendant sa vie mortelle, il (Jésus) était heureux d’épancher toutes les tendresses de son Cœur sur les petits, sur les humbles, sur les pauvres, sur ceux qui souffrent, sur les pécheurs et sur toutes les misères de l’humanité. La vue d’une infortune, d’un malheur, d’une douleur quelconque, touchait son Cœur de compassion. »41 Si parfois nous nous demandons : quelle est notre mission aujourd’hui ? ou, est-elle encore adaptée aujourd’hui ? nous avons ici une réponse 3.2.3. C’est un amour exigeant : Cuskelly tient à le préciser : « un Christ humble et doux n’est pas un Christ faible : le Cœur de Jésus possède à la perfection les vertus de ‘courage, force, constance et générosité’ »42 Il cite ici les vertus que le Père Chevalier donne au Cœur de Jésus dans son livre sur le SacréCœur. 43 35 Jn 7, 37…39 Mt 26, 39 37 Lc 23 46 38 J. Chevalier : Le Sacré-Cœur de Jésus p. 64-65 39 J. Chevalier : Le Sacré-Cœur de Jésus p. (R10) 36 40 Cuskelly : Jules Chevalier, l’homme et sa mission, p. 120 J. Chevalier : Méditations, Vol. II, p. 32 42 Cuskelly : Jules Chevalier, l’homme et sa mission, p. 124 43 J. Chevalier : Le Sacré-Cœur de Jésus p. 182. 41 9. 3.2.4. C’est un amour missionnaire : Notre première mission est celle de manifester la bonté de Dieu, dans le service et l’amour. « Etre missionnaire de l’amour du Christ, c’est travailler à libérer les hommes des maux de leur temps. »44 Cuskelly écrit encore en citant Chevalier : « Puisque l’image du Christ Bon Pasteur plaisait à Chevalier, il était naturel qu’il s’en serve pour décrire dans le ‘Directoire Commun’(1ère Règle de vie pour les MSC) la façon dont ses missionnaires devaient servir : ‘avec cette charité vraiment efficace du Christ pour les hommes et, plus spécialement, cette immense miséricorde pour la brebis perdue.’45 Et dans les « Méditations » : « La bonté, la charité, la miséricorde, voilà des vertus qui nous sont sans cesse recommandées par l’Esprit Saint. »46 Une ‘immense miséricorde’, note Cuskelly, mais une miséricorde qui s’exprime de la façon la plus simple et la plus humaine : « une parole venant du cœur, dite avec intérêt, avec amour, avec une compatissante bonté » 47 précise Chevalier. Grâce au Père Piperon nous savons que le Père Chevalier vivait de cet amour qu’il recommandait et qu’il avait découvert comme jeune séminariste dans la dévotion au SacréCœur : « Aujourd’hui encore, après cinquante années, nous le retrouvons toujours bon, compatissant, aimable envers tous ceux qui l’approchent. Il s’est fait tout à tous pour les gagner à Jésus-Christ. Tel est le grand secret qui attire vers lui tant d’âmes de tous les pays : aucune ne s’éloigne de lui sans emporter parole une bonne et consolante, un encouragement au bien. »48 Conclusion : A Issoudun quand on parle de la Basilique ou des bâtiments qui l’entourent les gens disent : « Nous allons au Sacré-Cœur », ou « Au Sacré-Cœur, il y a telle ou telle manifestation. » Mais lorsque ailleurs on parle d’Issoudun, on répond : « Ah oui, les Annales de Notre-Dame du Sacré-Cœur, le pèlerinage à Notre-Dame du Sacré-Cœur. » C’est donc tout un. Comme je l’ai déjà cité, le Père Chevalier aimait dire : « Notre-Dame a tout fait dans notre Congrégation. » C’est encore vrai aujourd’hui et nous pouvons la prier avec confiance : « Fais nous vivre comme toi Dans l’amour de ton Fils, Pour que son règne vienne. Conduis tous les hommes A la source d’eau vive qui jaillit de son Cœur, Répandant sur le monde L’espoir et le salut, la justice et la paix. Vois notre confiance, Réponds à notre appel Et montre-toi toujours notre mère ! » 44 Cuskelly : Jules Chevalier, l’homme et sa mission, p. 126 J. Chevalier : Directoire Commun N° 6 46 J. Chevalier : Méditations, Vol. II, p. 464 47 J. Chevalier : Méditations, Vol. I, p.74 48 Piperon, Ms Le T.R.P. Chevalier, p. 34-35 45