Conseil Economique et Social de la Martinique Etude prospective
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Conseil Economique et Social de la Martinique Etude prospective
Conseil Economique et Social de la Martinique Etude prospective sur la jeunesse Martiniquaise: réalités et perspectives Représentations, stratégies et aspirations de la jeunesse en Martinique Mai 2009 Victor VAUGIRARD (V.E.V Consulting) Professeur des Universités en Finance, Université de Strasbourg 1 Sommaire Synthèse du rapport 4 Introduction 11 Les jeunes dans la dynamique sociodémographique martiniquaise 16 Partie 1. Etat des lieux 20 1.1. Etudes et emploi 1.2. Cadre de vie et conditions de vie 1.3. Vie pratique ordinaire 1.4. Loisirs et vie amoureuse 1.5. Participation à la vie du territoire 1.6. Perception de l’avenir 20 28 30 32 35 38 Partie 2. Diagnostic 40 2.1. Positionnement identitaire 2.2. Milieu familial et relations intergénérationnelles 2.3. Scolarité, études et formation 2.4. Entreprises et emploi 2.5. Vie pratique ordinaire 2.6. Citoyenneté 2.7. Vie en société et spiritualité 2.8. Opportunités et menaces 2.9. Forces et faiblesses 42 43 44 45 46 54 54 55 56 Partie 3. Recommandations 57 3.1. Rétablir la confiance des jeunes 3.2. Encourager le respect de certaines valeurs 3.3. Améliorer l’enseignement secondaire 3.4. Améliorer les perspectives d’emploi 3.5. Développer l’autonomie financière des jeunes 3.6. Renforcer l’attractivité du territoire 3.7. Enrichir l’offre culturelle et de loisirs 58 62 65 67 81 82 86 Conclusion 89 2 Personnes interrogées Annexe bibliographique 90 91 Table des matières 93 3 Synthèse du rapport Cette synthèse présente les résultats des travaux menés par Victor VAUGIRARD1 dans le cadre d’une étude prospective menée sur la jeunesse martiniquaise2. Il convient prioritairement de rétablir la confiance des jeunes, individuellement et collectivement. Cela suppose d’insuffler une nouvelle dynamique qui passe par une modification de l’image intériorisée de la Martinique, en communiquant plus sur les atouts de la Martinique et en montrant que le sort des jeunes est une véritable préoccupation des élus, et par l’exemplarité et la valorisation de l’histoire de la Martinique. Il convient également de traiter les préoccupations plus concrètes des jeunes, en améliorant les perspectives d’emploi, en leur accordant une plus grande autonomie financière et en améliorant leurs conditions de logement. Des exemples d’actions correspondantes sont la réalisation de contrats d’études prospectives, pour que la formation d’aujourd’hui soit en adéquation avec les besoins en ressources humaines de demain, la mise en place de formations plus centrées sur l’entrepreneuriat et un changement de l’image de l’entreprise, en relayant une représentation plus positive de l’entreprise dans les media grands publics. L’épanouissement socioprofessionnel de l’homme étant conditionné par sa réussite scolaire, l’optimisation de l’enseignement est une nécessité impérieuse. Aussi peut-on recommander de reconnaître l’enfant comme une personne, et non pas seulement comme un élève, en donnant aux enfants, dès les petites classes, l’occasion de se découvrir des capacités dans différents domaines (jardinage, mécanique…) et en ne stigmatisant pas les élèves qui choisissent des voies professionnelles. De plus, le développement des enseignements sur la Martinique (histoire, évènements politiques, savoirs traditionnels…) est de nature à les motiver. Renforcer l’attractivité de la Martinique passe par la lutte contre l’insécurité et le sentiment d’insécurité. En effet, la prééminence des thèmes sécuritaires dans les préoccupations des jeunes martiniquais est également un fait marquant de cette étude. Quelques propositions pour lutter contre l’insécurité et le sentiment d’insécurité sont la création « d’écoles des parents » dans les communes, le tissage de réseaux de périnatalité ou la mise en place de centres médico-sociaux psychopédagogiques. Le respect et la solidarité sont des valeurs qui se délitent, comme conséquence logique de la propension forte à l’individuation, des besoins consuméristes exacerbés et de la recherche hédoniste. Les principales recommandations de cette section sont : 1) d’axer la spiritualité sur la responsabilisation et la solidarité en encourageant les jeunes à être des acteurs de l’organisation d’activités évènementielles et 2) de responsabiliser les jeunes à l’effort nécessaire pour gagner de l’argent en les mettant en situation concrète de gestion financière, ce qui les sensibilisera également à la valeur travail. 1 Victor Vaugirard (V.E.V Consulting), professeur des universités en finance à l’Université de Strasbourg ; Tel : 0696-345061 ; email : [email protected] 2 Avec l’expertise scientifique du sociologue Louis-Félix Ozier-Lafontaine et de l’institut de sondage LH2 DOM. 4 Partie 1 – Etat des lieux Etudes et emploi Une majorité de jeunes déclarent qu’il n’est pas facile de poursuivre ses études en Martinique. Les raisons principales de ces difficultés sont le choix trop restreint en matière de formation qui oblige à partir et le manque d’aides financières qui sont évoqués de manière plus importante. Des carences sont relevées également pour l’information et le conseil concernant les formations. Une grande majorité des jeunes concernés à une opinion défavorable de la formation professionnelle en Martinique, tant en matière de formalités que de facilité d’accès aux informations sur les dispositifs et de largeur de gamme de formation. La qualité des centres de formation n’est pas non plus exempte de reproches. Concernant l’emploi, les constats sont encore plus pessimistes. La quasi-totalité des jeunes Martiniquais déclare qu’il est difficile de trouver un travail et les deux principales raisons invoquées pour expliquer les difficultés de l’accès à l’emploi sont le manque d’information concernant les emplois disponibles et la discrimination à l’égard des jeunes. L’aide dont peuvent bénéficier les jeunes dans leur recherche d’emploi suscite des avis mitigés. La mission locale est l’organisme obtenant les meilleurs taux de satisfaction. Les jeunes soulignent sa disponibilité et son écoute, ses conseils utiles et ses propositions de formation ou d’emploi conformes à leurs attentes. La disponibilité et l’écoute de l’ANPE est également appréciée par 62% des jeunes ayant été en contact avec elle, mais les conseils et les propositions de formation ou d’emploi sont majoritairement estimés inutiles ou nonconformes aux attentes. Les jeunes Martiniquais sont moins attirés par la fonction publique que leurs ainés (35% contre 44% pour l’ensemble de la population). La principale raison invoquée par les sondés pour justifier leur préférence du statut d’indépendant par rapport à celui de salarié est l’indépendance vis-à-vis d’une hiérarchie. Cadre de vie et conditions de vie Les jeunes Martiniquais sont majoritairement satisfaits globalement des conditions de vie et du cadre de vie en Martinique et dans leur commune. La sécurité et le logement sont les principaux motifs d’insatisfaction. La prégnance du sentiment d’insécurité est évidente quand les jeunes sont questionnés sur les thèmes prioritaires à améliorer. Vie pratique ordinaire Le téléphone portable et l’Internet sont omniprésents dans la vie des jeunes qui les utilisent souvent pour des motifs relevant de l’ordre de la futilité (« tchatchage », « le bilan de la journée »…). Le réseau MSN et les SMS sont plébiscités. Les mouvements de mode en provenance des Etats-Unis seraient largement dominants dans les évocations. Les jeunes manifestent peu d’intérêt pour la santé, mais connaissent les règles de base et intègrent le risque SIDA dans leur comportement sexuel. 5 Loisirs et vie amoureuse Une majorité de jeunes se montre mécontente des loisirs proposés au sein de leur commune et en Martinique. Cette carence perçue au niveau de l’offre de loisirs se double d’un sentiment de sous-information quant à l’offre existante. Concernant les loisirs qu’il serait souhaitable de développer, les jeunes Martiniquais optent pour les activités sportives, notamment la natation en piscine, les activités nautiques et le tennis, tous territoires confondus. Parmi les autres activités, ce sont les activités liées aux jeux vidéos-internet et le cinéma, ainsi que les maisons de jeunes et les parcs d’attraction qui sont le plus représentés. La dimension ludique et l’animation sont prégnantes. Cette attente est confirmée par certains techniciens et élus en charge de la jeunesse. Il serait nécessaire de favoriser la création d’espaces pour les jeunes qui soient des espaces « non stigmatisés » et ouverts à tous. Les jeunes mettent en avant plusieurs facteurs qui inciteraient à utiliser davantage les équipements de loisirs et sportifs: la baisse des coûts, l’adaptation des programmes, l’accessibilité via les transports en commun, l’adaptation des horaires et la proximité avec le domicile. Dans le domaine de la vie amoureuse, la hiérarchie des motivations dans le choix des partenaires diffère pour les garçons et les filles. La majorité des jeunes pensent que ce qui compte le plus pour les garçons dans le choix d’une partenaire est l’attirance physique et l’apparence physique, tandis qu’ils pensent que ce qui compte le plus pour les jeunes filles est les sentiments et l’argent. Participation à la vie du territoire Les jeunes expriment un attachement à la Martinique sans faire d’angélisme. Une majorité de jeunes considère que la jeunesse n’est pas suffisamment prise en compte dans leur commune et l’offre associative apparaît comme insuffisamment développée, les possibilités d’expressions des jeunes insuffisantes. Les jeunes manifestent peu d’intérêt pour la vie politique en Martinique et ils ne font pas confiance aux élus Martiniquais pour résoudre les problèmes sociaux. De nombreuses actions seraient prioritaires pour améliorer la situation des jeunes en Martinique : faciliter l’accès à l’emploi des jeunes, favoriser l’accès au logement, aider financièrement les jeunes, un meilleur accompagnement des jeunes pour les aider à régler leurs problèmes, le développement des formations, donner plus souvent la parole aux jeunes, le développement des possibilités de loisirs et des lieux de rencontre. Perception de l’avenir Les jeunes imaginent leur avenir en dehors de la Martinique. De plus, ils sont remarquablement pessimistes sur l’avenir de la Martinique (« bétonnage », « guerre civile », manque de respect entre Martiniquais »…). 6 Partie 2 – Diagnostic Positionnement identitaire Les jeunes martiniquais, comme tous les jeunes, développent des stratégies qui traduisent et correspondent à trois grandes logiques : propension forte à l’individuation, besoin consumériste exacerbé et recherche hédoniste. Comparativement aux adultes, ils le font de manière plus exacerbée parce que moins soumise à l’auto censure des normes sociales. Chaque jeune martiniquais porte en lui et sur lui une synthèse de trois modèles : celui de l’antillanité française traditionnelle portée par les parents et/ou grands parents ; celui du modèle français ordinaire ; et celui de la subculture afro américaine venant des banlieues des mégapoles américaines. Mais en fonction des caractéristiques de leurs milieux familiaux, les jeunes pencheront d’avantage vers tel ou tel de ces trois modèles sans pour autant se désintéresser et se détourner des autres. Milieu familial et relations intergénérationnelles Les jeunes jugent l’attitude des adultes hostile à leur égard et vice-versa, et les enfants ont moins tendance à respecter les adultes qu’avant parce ces derniers sont aussi désorientés que les jeunes. Scolarité, études et formation Les élèves expriment majoritairement un désir d’écoute et de reconnaissance de la part de leurs parents et de leurs enseignants. Entreprise et emploi La relation entre l’entreprise et l’emploi est caractérisée par une perception par les jeunes du monde de l’entreprise qui s’améliore mais un attrait pour l’expatriation professionnelle. Vie pratique ordinaire o Argent et consommation : Chez les jeunes « sans problème apparent », on est assez loin de la consommation ostentatoire observable chez bon nombre de Martiniquais. Au contraire, la culture des univers de la pauvreté est dominée à la fois par le manque, la débrouillardise et la surconsommation o Mode : Les jeunes martiniquais mettent en œuvre des stratégies orientées vers les marqueurs afro-américains des modèles qui les séduisent. o TIC : Les téléphones portables et la télévision sont utilisés par les jeunes pour la mise en scène de leurs modèles. Le plus souvent les motifs sont de l’ordre de la futilité (« le tchatchage »). Les TIC permettent également une pratique intense des « maillages relationnels à distance», tels que les réseaux sociaux. 7 o Loisirs : On retrouve en Martinique le bon vieil adage « l’oisiveté est la mère de tous les vices ». Les jeunes notent l’absence d’activités après 17hr, même pour les touristes, alors que dans les îles voisines, il y a des transports et de l’animation toute la nuit. Les jeunes demandent également plus de responsabilités dans l’organisation de manifestations. Citoyenneté Le mouvement populaire de février-mars 2009 a suscité un sentiment d’injustice (« Les jeunes ont vu des comportements du patronat souvent blanc qu’ils ont jugés provocateurs et arrogants ») mais a aussi entrouvert une fenêtre d’opportunité dans la mesure où les jeunes seraient apparus comme des personnes pouvant s’organiser (« Depuis la grève le regard sur les jeunes a un peu changé, les gens ont vu qu’ils savaient aussi s’organiser, avaient une pensée et qu’il ne fallait pas seulement se fier à leur look »). Vie en société et spiritualité Le respect et la solidarité sont des valeurs moins respectées en raison de l’individualisme croissant. Opportunités et menaces Les opportunités pour les jeunes en Martinique sont : les TIC ; les départs à la retraite à partir de 2015 ; l’ambiance favorable à l’expression des jeunes en Martinique par les évolutions institutionnelles à venir, les prochaines élections et le mouvement populaire de février-mars 2009 ; la prégnance en France de la nécessité d’une amélioration de la situation des jeunes. Les menaces sont : le vieillissement de la population ; la raréfaction des ressources de transfert, la violence et l’insécurité ; auxquelles s’ajoutent quelques incertitudes : la durée crise économique actuelle et l’évolution du capitalisme : ultralibéral ou humaniste? Forces et faiblesses La Martinique dispose de nombreux atouts : un bon niveau de formation générale, l’accès à la technologie française et européenne, l’existence de modèles de référence y compris dans la Diaspora. Il reste également des créneaux à investir ; le syndrome de la proximité peut donner l’audace d’entreprendre, la débrouillardise des Martiniquais est légendaire et la diversité ethnoculturelle peut permettre aux Martiniquais d’échanger quel que soit le lieu du monde. Mais la Martinique présente aussi quelques faiblesses à surmonter : les unes de nature objective, comme le chômage des jeunes, la vie chère et le manque d’autonomie financière des jeunes, le coût et la disponibilité des logements, des parents démissionnaires ou des enseignants dépassés ; les autres de nature psychosociologique : le défaut de confiance en soi, le manque de confiance en l’avenir de la Martinique et de confiance en la capacité des adultes et des élus à résoudre les problèmes des jeunes, l’existence de représentations discutables et un rapport à l’autorité difficile. 8 Partie 3 – Recommandations Rétablir la confiance des jeunes Les jeunes martiniquais expriment un manque de confiance multiforme. Il convient donc d’insuffler une nouvelle dynamique qui passe par une modification de l’image intériorisée du pays, en communiquant plus sur les atouts de la Martinique et en montrant que le sort des jeunes est une véritable préoccupation des élus, et par le renforcement de la confiance individuelle et collective, par l’exemplarité et la valorisation de l’histoire de la Martinique. Encourager le respect de certaines valeurs Le respect et la solidarité sont des valeurs qui se délitent, comme conséquence logique de la propension forte à l’individuation, des besoins consuméristes exacerbés et de la recherche hédoniste. Les principales recommandations de cette section sont : 1) d’axer la spiritualité sur la responsabilisation et la solidarité en encourageant les jeunes à être des acteurs de l’organisation d’activités évènementielles (ainsi, pourquoi ne pas confier aux pastorales des projets pouvant être valorisés dans la Caraïbe ou au Vatican, par exemple des actions humanitaires ou de développement durable) et 2) de responsabiliser les jeunes à l’effort nécessaire pour gagner de l’argent en les mettant en situation concrète de gestion financière, ce qui les sensibilisera également à la valeur travail. Améliorer l’enseignement secondaire La recommandation principale de cette section consiste à reconnaître l’enfant comme une personne, et non pas seulement comme un élève, sur le modèle de la Finlande, en donnant aux enfants, dès les petites classes, l’occasion de se découvrir des capacités dans différents domaines (jardinage, mécanique…) et en ne stigmatisant pas les élèves qui choisissent des voies professionnelles. De plus, le développement des enseignements sur la Martinique (histoire, évènements politiques, savoirs traditionnels…) est de nature à motiver les enfants. Améliorer les perspectives d’emploi Dans le domaine de l’enseignement, cela pourrait consister à mettre en place une formation plus centrée sur l’entreprenariat, avec des doubles formations en gestion, la revalorisation des travaux de groupes et la formation à l’entrepreneuriat des groupes défavorisés. Dans le domaine des filières, il faut identifier les secteurs porteurs par des Contrats d’Etudes Prospectives et les structurer en pôles d’excellence. Dans le domaine de l’insertion socioprofessionnelle, il faut prendre en compte les bas niveaux de qualification – validation des acquis de l’expérience – pour l’accès au niveau CAP par exemple, et il faut renforcer la coopération des acteurs de l’insertion. 9 Pour changer positivement l’image de l’entreprise, il faut renforcer les actions sur l’image de marque des entrepreneurs, relayer une représentation plus positive de l’entreprise dans les media grands publics et promouvoir l’esprit d’entreprise dans la société civile. Renforcer l’autonomie financière des jeunes Cette section recommande de renforcer l’autonomie financière des jeunes en créant une allocation spécifique et en encourageant à multiplier les tarifs jeunes en Martinique. Renforcer l’attractivité du territoire Renforcer l’attractivité de la Martinique passe par la lutte contre l’insécurité et le sentiment d’insécurité en raison de la prééminence des thèmes sécuritaires dans les préoccupations des jeunes. Quelques propositions correspondantes sont : la création « d’écoles des parents » dans les communes, le tissage de réseaux de périnatalité ou la mise en place de centres médico-sociaux psychopédagogiques. Il convient également que les media fassent la promotion des réussites des jeunes plutôt que des faits divers et que les adultes soient sensibilisés aux formes d’expression contemporaine des jeunes. Dans le domaine de l’accès des jeunes au logement, il paraît judicieux d’utiliser le domaine public de l’Etat qui sera vendu / mis à disposition en Martinique pour construire des logements étudiants ou d’insérer dans les futures lois sur l’Outremer des dispositions sur la défiscalisation du logement étudiant. Enrichir l’offre culturelle et de loisirs Les jeunes sont mécontents de l’offre de loisirs et expriment une demande forte pour la dimension ludique et l’animation. Les recommandations principales de cette section sont de renforcer l’animation socioculturelle, avec davantage d’évènements de rue et en professionnalisant l’animation, de mailler le territoire de lieux de rencontre et de développer des dispositifs afin de faciliter l’émergence de projets à l’initiative des jeunes. 10 Introduction Ce rapport présente les résultats d’une étude prospective menée sur la jeunesse martiniquaise par Victor-Emmanuel Vaugirard (V.E.V) Consulting3. Ce chapitre introductif décrit succinctement le contexte et les objectifs de la mission, la méthodologie utilisée et le déroulement de la mission ainsi que les difficultés rencontrées. Ce rapport se compose de trois grandes parties. o La première partie, en se fondant sur un sondage téléphonique, des entretiens et des réunions de groupe, réalise un panorama des représentations, stratégies et aspirations des jeunes en Martinique. o La seconde partie fournit un diagnostic approfondi des conditions d’existence de la jeunesse. o La troisième partie s’attache à fournir des pistes d’actions afin de pallier les faiblesses identifiées dans la seconde partie. Conformément au cahier des charges, une synthèse grand public accompagne ce rapport détaillé. 1.1. Contexte de la mission De nombreuses menaces concernant les jeunes Martiniquais pèsent sur la cohésion sociale, telles que l’échec scolaire, le bas niveau de qualification, la démotivation, la violence ou les addictions. Le Conseil Economique et Social Régional (CESR) s’est donc autosaisi de la question de la complexité actuelle de la vie des jeunes et a souhaité disposer d’une étude pour l’aider dans la formulation de propositions. 1.2. Objectifs de l’étude L’étude a pour objet les représentations sociales des jeunes par rapport à la vie actuelle au sein de la société martiniquaise, ainsi que leur projection dans le monde d’aujourd’hui et l’avenir. Les objectifs de l’étude peuvent être déclinés de la façon suivante : o Etablir une photographie de la jeunesse et de son environnement, ce qui implique de comprendre : ses difficultés, notamment les phénomènes de démotivation, les éléments de frustration et de violence, les difficultés du dialogue intergénérationnel et les addictions ; 3 Avec l’expertise scientifique du sociologue Louis-Félix Ozier-Lafontaine et de l’institut de sondage LH2 DOM. 11 ses attentes, par exemple en matière de cadre de vie, de loisirs, d’accompagnement socioprofessionnel ; o Formuler des propositions dans le but d’améliorer les conditions d’existence de l’ensemble de la jeunesse martiniquaise, ce qui implique : d’acquérir des outils pour susciter des échanges avec les jeunes d’appréhender les voies de la réussite d’un certain nombre de jeunes de comprendre pourquoi certaines actions ont réussi par le passé et pourquoi d’autres actions / politiques n’ont pas fonctionné. 1.3. Méthodologie employée La réalisation d’une telle étude a supposé bien évidemment que des investigations soient menées bien au-delà d’une approche statistique par sondage ; des entretiens et réunions de groupes ont permis d’aborder les éléments qualitatifs de la condition de la jeunesse Martiniquaise. Un comité de pilotage a été constitué pour suivre l’étude, comprenant les membres de la Commission formation, emploi, insertion et dialogue social du CESR et d’un agent administratif du Conseil Régional affecté au CESR. 1.3.1. Analyse documentaire L’analyse documentaire aura pour objet de collecter les données statistiques sur la jeunesse Martiniquaise, de passer en revue les principales politiques et actions menées au profit de la jeunesse depuis une dizaine d’années et d’analyser les mesures prises aux plans national et international, dans une optique d’identification des meilleures pratiques. Les travaux de sociologues et écrivains Antillais et Français ont été également consultés. Une liste bibliographique et de sites Internet figure en annexe. 1.3.2. Entretiens Des entretiens avec les acteurs institutionnels en prise directe avec les jeunes sont destinés à collecter des éléments qualitatifs sur la jeunesse et afin de bénéficier de leur expérience. Les entretiens ont permis notamment de prendre la mesure de l’opinion dans les milieux : - du monde éducatif : Rectorat, UAG, associations de parents d’élèves, éducation spécialisée, CCEE… - des responsables de l’emploi et de l’insertion : ANPE, ASSEDIC, Mission locale et PLIE, Agence départementale d’insertion, associations d’insertion de jeunes délinquants… - de l’information des jeunes : Centre Régional Information Jeunesse (CRIJ), CIO (Rectorat), CROUS… 12 - - - des socioprofessionnels et autres responsables du monde économique et social: CCIM, CGPME, ADEM, JCE, Contact-Entreprise, Centre régional de l’économie sociale et solidaire (CRESS)… Structures d’Etat et associatives dédiées aux jeunes : DDJS, Association pour le développement des jeunes en Martinique (ADJM), Association Enfance et Partage… des loisirs et du sport : associations sportives, associations culturelles et festives… des structures dédiées à la protection de la jeunesse et des publics en difficultés: Direction départementale de la protection judiciaire de la jeunesse, DDASS, associations de prise en charges de toxicomanes… des collectivités locales : communes, Conseil Général (DGA éducation, culture et sport), Conseil Régional… des policiers et militaires des personnalités qualifiées : sociologues, écrivains… Il s’est agi d’obtenir de ces publics leur avis de professionnels sur la jeunesse en Martinique, leur évaluation de la performance et du niveau d’adaptation des politiques et moyens mis en œuvre dans l’île, ainsi que leurs suggestions pour l’amélioration de ces dispositifs et donc des conditions d’existence de la jeunesse en Martinique. La liste des personnes à rencontrer a été établie en coopération avec le CESR en tout début de projet, à partir d’une proposition de départ de l’équipe. En outre, le CESR avait déjà entendu de nombreuses personnes en charge de problèmes rencontrés par la jeunesse pour rédiger le cahier des charges de l’étude, et l’équipe a pu bénéficier des enseignements de ces entretiens (collectés par le CESR) lors des diverses réunions avec le CESR. La liste des institutions et personnes ressources rencontrées et le calendrier des entretiens figure en annexe. 1.3.3. Sondage téléphonique auprès des jeunes de 16 à 25 ans Une enquête téléphonique a été menée auprès de 400 jeunes sur l’ensemble du territoire. Elle a permis d’interroger aussi bien des élèves et étudiants que des personnes en situation d’emploi ou à la recherche d’un emploi. Ce sondage a été effectué selon les règles de l’art : Un échantillon de 400 personnes4 a été sélectionné de manière aléatoire selon la méthode des quotas, avec un souci de représentativité de la jeunesse Martiniquaise : sexe, âge, statut scolaire / emploi, commune de résidence. L’enquête téléphonique a eu pour objectif de faire transparaître l’opinion des jeunes sur leur situation, c'est-à-dire d’obtenir des données sur la façon dont la population jeune perçoit la vie actuelle à la Martinique, les difficultés et avantages qui y sont associés, et quelle est sa projection dans le monde d’aujourd’hui et l’avenir. 4 L’intervalle de confiance correspondant est de +/- 3% 13 1.3.4. Réunions de groupes pour les 10-15 ans et les jeunes en décrochage social Des jeunes ont également été consultés au moyen de réunions de groupes, pour ceux qui n’étaient pas interrogeables directement par sondage téléphonique : o Les jeunes de 10-15 ans o Les jeunes en décrochage social Les jeunes en chantier d’insertion ont également été consultés en réunions de groupes, en raison des problèmes spécifiques auxquels ils sont confrontés et qui ne peuvent pas faire l’objet d’une interrogation dans le temps limité d’un sondage téléphonique. La représentativité des groupes interrogés a été assurée de la façon suivante : o Taille des groupes : entre 8 et 10 individus o Parité hommes – femmes o Représentation des quatre micro-régions de la Martinique o Inclusion des instituts d’enseignement spécialisés, outre les collèges et lycées o Représentation égale des tranches d’âge 10-13 ans et 14-15 ans pour les 10-15 ans o Représentation égale des 16-19 ans, 20-23 ans et 24-25 ans pour les personnes en insertion Ces réunions de groupes ont permis d’aborder, outre certaines sous-variables du sondage téléphonique, les thèmes complémentaires suivants, d’un point de vue qualitatif : o Nouveaux moyens de communication et rapport à la modernité o Scolarité et insertion o Consumérisme, mode, rapport à l’argent o Regards croisés villes – campagnes o Perception du monde de l’entreprise o Milieu familial et relations intergénérationnelles o Citoyenneté et rapport à l’autorité o Santé, comportements déviants et violence o Spiritualité o Vision de l’avenir 1.4. Déroulement de la mission et difficultés rencontrées 1.4.1. Déroulement de la mission La mission s’est déroulée en 2009 selon l’échéancier précisé dans le tableau ci-après (La lettre Q désigne les quinzaines de jours ; COPIL veut dire comité de pilotage): 14 Modules Notification du marché COPIL1 Réunion de lancement de la mission Sondage téléphonique Q1 Q2 janvier janvier Q1 et Q2 février et Q1 mars Q1 Q2 mars avril Q2 avril Q1 mai Q2 mai 12 janvier Entretiens Réunions de groupe Diagnostic COPIL 2 Clairance du rapport d’étape 27 janvier GREVE POUR LE POUVOIR D’ACHAT ET CONTRE LA PROFITATTION (5 février-14 mars) 29 avril Recommandations COPIL 3 Clairance du rapport final 3 juin 1.4.2. Difficultés rencontrées Les différents entretiens et les réunions de groupes se sont bien déroulés. Les jeunes et les personnes en charge de la jeunesse en Martinique sont désireux d’exprimer leurs idées et de partager leurs expériences. La principale difficulté a été la grève pour le pouvoir d’achat qui a paralysé la Martinique du 5 février au 14 mars 2009. Cette grève a stoppé la conduite de l’étude durant 5 semaines et certains thèmes envisagés, comme la perception des motivations des patrons, ont été retirés, par peur d’un biais systématique dans les réponses des personnes interrogées, encore sous le coup de l’émotion de ces évènements. 15 Les jeunes dans la dynamique sociodémographique martiniquaise Les jeunes : des acteurs déterminants dans les mutations en cours Lorsque l’on aborde l’étude de la part des dimensions sociétales prise par la population jeune, il est indispensable de prendre en compte au départ les aspects quantitatifs du poids démographique des catégories d’âge concernées ; la Martinique n’échappe à la règle. Partout, il y a lieu en effet de bien comprendre en quoi ces dimensions sont productrices ou reproductrices d’enjeux à l’échelle de la société toute entière. Production d’enjeux dans le sens qu’il appartient aux générations adultes d’apporter les solutions nécessaires à la réalisation de l’intégration sociale des jeunes dans le système sociétal. Reproduction dans la mesure où les jeunes sont des acteurs qui introduisent des enjeux spécifiques, dans la mesure où ils traduisent et véhiculent des idées, des valeurs et des modèles, autrement dit des manières de faire et de penser liées au pays lui –même et aussi à son environnement. Dans le contexte actuel de très grande mutation de civilisation que vit la Martinique, acteurs capteurs d’innovation et de novation apportées par les modes en cours, les jeunes martiniquais sont à la fois des passeurs et des facilitateurs de changements culturels. Traduction de cette logique générale: plus leur place dans la démographie sera grande, plus forte sera leur impact à ce niveau. D’autant plus que, dans le cas de la Martinique, il s’agit d’une jeunesse qui majoritairement a bénéficié d’une instruction de bon niveau et aspire à être en phase avec le reste du monde. Pour saisir l’importance quantitative du fait démographique « jeunes » et évaluer sa force de détermination dans la construction de la société, il faut retenir que son poids social résulte des modèles dominants de socialisation qui y ont cours dans la société. Pour aller vite, il faut retenir que pour les décideurs, l’instruction, l’éducation, la formation et l’insertion des jeunes constituent indéniablement des priorités déclarées et reconnues, même si les investissements dans ces domaines ne sont pas toujours à la hauteur des besoins. Nous sommes dans un contexte où chaque jeune peut être un acteur individuel dans son entourage s’il le souhaite ; en tout cas, il peut, dans une très large mesure, affirmer son individualité propre. Quelque soit le mode et le degré d’individuation qu’il a choisis de mettre en œuvre, le jeune martiniquais, comme tout jeune du monde, le fait en fonction de la personnalité et le potentiel de ressources acquis à travers son éducation familiale. C’est dire que même dans une île de taille restreinte, les particularités des familles et l’extrême diversité de celles-ci, rendent très hétérogène le tissu social. Si la démographie fournit une photographie, mais replacée dans le contexte de sa réalité sociale, elle aide à coup sûr à comprendre la dynamique induite par le poids social des jeunes. Par voie de conséquence, elle permet, notamment, de saisir en quoi les enfants et les adolescents, cristallisent et orientent à la fois les problématiques de socialisation et celles de l’insertion. Plus les jeunes seront nombreux, plus donc les implications socioculturelles liées à leur positionnement social seront compliquées parce qu’exigeantes. Plus la mise en œuvre de ces deux fonctions demandera aussi, de la part de l’organisation sociale, la mobilisation de ressources importantes. 16 Les jeunes martiniquais, des acteurs au poids démographique déterminant vivant dans un milieu complexe Or, nous sommes précisément en Martinique, dans le cas d’une population relativement jeune et d’un contexte éminemment compliqué du point de vue des stratégies de socialisation et d’insertion de ces mêmes jeunes. Rappelons que sous l’angle de leur enculturation, c'est-à-dire de l’intériorisation des normes et des valeurs proposées par le milieu culturel aux jeunes, la sphère culturelle martiniquaise est dans son ensemble hypercomplexe. C’est un milieu de vie qui se structure à partir non seulement de fondements originels de civilisation très divers (Européens, Africains, Caribéens, etc…), mais aussi d’influences des cultures modernes contemporaines telles qu’elles sont profondément imprégnées de la fulgurance des progrès technologiques. En son état actuel, ce contexte culturel martiniquais, biotope de la maturation des jeunes, est loin de constituer un cadre global cohérent et favorable à l’intériorisation de repères socioculturels équilibrés et stabilisés. Il revient principalement aux cadres primaires de socialisation, en tout premier lieu les familles, de réaliser cette tâche immense qui consiste à établir à leur propre niveau, les conditions de cette cohérence et de favoriser l’émergence de cette stabilisation des normes et des valeurs au profit des enfants. Les familles composant le tissu social martiniquais ne possédant pas les mêmes ressources éducatives, il y a tout lieu de croire que les disparités socio économiques et culturelles impacteront de façon très diversifiées la dynamique globale de socialisation. Pour ne viser ici que celles de nature socio économique, nous retiendrons un fait majeur qui illustre bien les enjeux liés à la socialisation des jeunes et aux effets de rupture produits par les mutations en cours: la fraction des jeunes de 16 à 25 ans actuels, nés dans les années 1982-85 sont, pour une grande part d’entre eux, membres de familles monoparentales dirigées par une femme âgée de 32 à 40 ans en 2009. Il s’agit très souvent de la première vague de femmes qui ont connu, et qui connaissent encore, les affres du chômage de très longue durée et de la précarité des revenus quasi exclusivement constitués d’allocations. La grande majorité d’entre elles n’a connu que quelques périodes courtes de vrai travail. Les trajectoires souvent chaotiques de leurs enfants, devenus adolescents et jeunes adultes de ces premières années du troisième millénaire, mettent bien en évidence les conséquences du type de socialisation qui a prévalu au plan de la maturation des enfants et des adolescents. Feurstein, un des pères de la remédiation cognitive insiste dans ses travaux sur le parcours de déprivation à la fois de ressources cognitives, affectivo éducatives et socio économiques marquant les milieux pauvres. L’esquisse des inconvénients de certaines conditions qui peuvent marquer l’itinéraire d’une catégorie de jeunes est là pour montrer l’importance de l’enjeu de la socialisation et de l’insertion, eu égard, comme nous l’avons dit précédemment, du poids démographique de cette jeunesse. Concernant plus généralement sa place quantitative au sein de la société martiniquaise, il s’agit, soulignons le, d’une population relativement jeune, même si globalement l’ensemble martiniquais connait un net vieillissement démographique. Néanmoins, il reste que les moins de vingt ans représentent le quart de la population totale (25 %) ; (à titre comparatif, pour l’hexagone, ils sont 20%). 17 L’offre de socialisation : l’enseignement et la formation Par rapport à une population estimée en début janvier 2009 à environ 400.400 habitants, le nombre de jeunes de moins de 25 ans serait de 150.000. Quatre autres indications statistiques sont utiles pour mesurer cette offre de socialisation et de formation : - L’effectif de l’enseignement public et privé du 1er degré : il est de 49 200 (données de 2006) - L’effectif de l’enseignement public et privé du 2nd degré : il est de 47 600 (données de 2006) - L’effectif des grands établissements (IUFM, prépas, écoles de commerce, paramédicales, sociales etc…compris) : il est de 3 647 élèves - L’effectif de l’université : il est de 5337 étudiants en 2008 Ces données livrent une information significative : - Sur les 150000 jeunes de moins de 25 ans, le nombre en cycle d’enseignement tous degrés et statuts confondus serait de l’ordre de 99784. - Ajoutons les 5200 jeunes en apprentissage, en CCD et en CDI, nous aboutissons à un chiffre d’environ 108000 jeunes. Les jeunes de bas niveau de qualification et inactifs : un nœud pesant et révélateur de la problématique sociétale martiniquaise Si comme les chiffres le mettent évidence, les institutions des domaines de l’enseignement, de la formation et de l’insertion sont nombreuses, il reste que 42000 environ jeunes martiniquais seraient hors tout cycle de formation et d’emploi. Parmi eux, la grande majorité de jeunes adultes de 16 à 25 ans est constituée d’inactifs et de sans qualification ou munis d’un niveau V (CAP, BEP). L’activité ne leur est pas non plus favorable, puisque comme le font remarquer G. FORGEOT et J. NACITAS dans un article intitulé « L’emploi se porte mieux » : « l’activité se concentre davantage encore sur les personnes de 25 à 54 ans, les plus jeunes étant de moins en moins présents sur le marché du travail » page 24 in Emploi –chômage- revue Antiane de l’INSEE septembre 2008. Une situation de crise qui aggrave les processus d’insertion En définitive, la capacité d’absorption en termes d’emploi du tissu économique martiniquais reste limitée, en tout cas, pas à la hauteur de la masse de jeunes arrivant annuellement sur le marché du travail. La nouvelle conjoncture de crise généralisée qui est celle de la Martinique de l’année 2009, vient surajouter tout un ensemble de déterminants de récession économique, sur un contexte déjà bien rétréci dans ses perspectives de débouchés offerts aux jeunes en phase d’insertion. 18 Or, il s’agit d’une jeunesse majoritairement instruite. Lorsqu’elle ne l’est pas suffisamment, elle possède en tout cas un degré de conscience lui permettant de connaitre le niveau des standards à atteindre et à capitaliser, pour répondre favorablement à ce triple besoin qui caractérise les temps modernes, à savoir : - L’individuation c'est-à-dire l’affirmation des désirs de chacun à satisfaire ses aspirations à construire une identité propre dans l’univers de sa vie. - Le consumérisme en tant que moyen stratégique d’accès au confort matériel procuré par la possession des objets signes des temps actuels. - L’hédonisme, comme recherche d’un mode de vie habité par un maximum de plaisirs permettant de surmonter l’imprévisibilité souvent malheureuse et la morosité de la routine du quotidien. La jeunesse : un moment de la vie d’intense et crucial questionnement Tout au long de l’étude du positionnement social et des stratégies de la jeunesse martiniquaise, il y a lieu de garder à l’esprit cette interrogation essentielle : selon quelles modalités, les jeunes martiniquais de l’époque actuelle mettent-ils en œuvre leurs stratégies pour traduire ces trois grandes logiques et correspondre aux standards proposés par la marche du monde actuelle ? Comment négocient-ils les ajustements entre, d’une part, les capacités acquises de leur milieu et de leur trajectoire de socialisation et, d’autre part, les sollicitations et les contraintes qui s’imposent à eux ? En un mot, comment dans la Martinique du début du troisième millénaire, eux, petits-fils et arrière petits-fils de la départementalisation, comment résolvent-ils leur dilemme de vie dans l’univers grandissant de la mondialisation? 19 Partie 1 – Etat des lieux L’état des lieux de la jeunesse martiniquaise est articulé autour des axes suivants: ► ► ► ► ► ► Etude et emploi Cadre de vie et conditions de vie Vie pratique ordinaire Loisirs Participation à la vie du territoire Perception de l’avenir 1.1. Etudes, formation, insertion et emploi Résumé Une majorité de jeunes déclarent qu’il n’est pas facile de poursuivre ses études en Martinique. Les raisons principales de ces difficultés sont le choix trop restreint en matière de formation qui oblige à partir et le manque d’aides financières qui sont évoqués de manière plus importante. Des carences sont relevées également pour l’information et le conseil concernant les formations. Une grande majorité des jeunes concernés à une opinion défavorable de la formation professionnelle en Martinique, tant en matière de formalités que de facilité d’accès aux informations sur les dispositifs et de largeur de gamme de formation. La qualité des centres de formation n’est pas non plus exempte de reproches. Concernant l’emploi, les constats sont encore plus pessimistes. La quasi-totalité des jeunes Martiniquais déclare qu’il est difficile de trouver un travail et les deux principales raisons invoquées pour expliquer les difficultés de l’accès à l’emploi sont le manque d’information concernant les emplois disponibles et la discrimination à l’égard des jeunes. L’aide dont peuvent bénéficier les jeunes dans leur recherche d’emploi suscite des avis mitigés. La mission locale est l’organisme obtenant les meilleurs taux de satisfaction. Les jeunes soulignent sa disponibilité et son écoute, ses conseils utiles et ses propositions de formation ou d’emploi conformes à leurs attentes. La disponibilité et l’écoute de l’ANPE est également appréciée par 62% des jeunes ayant été en contact avec elle, mais les conseils et les propositions de formation ou d’emploi sont majoritairement estimés inutiles ou nonconformes aux attentes. Les jeunes Martiniquais sont moins attirés par la fonction publique que leurs ainés (35% contre 44% pour l’ensemble de la population). La principale raison invoquée par les sondés pour justifier leur préférence du statut d’indépendant par rapport à celui de salarié est l’indépendance vis-à-vis d’une hiérarchie. Seront abordés successivement dans cette section : 9 Emploi et formation professionnelle 9 Raisons des difficultés de trouver un emploi 9 Un attrait pour la fonction publique moindre que les aînés 20 1.1.1. Les jeunes pensent qu’il est difficile de poursuivre des études en Martinique et ont une opinion défavorable de la formation professionnelle (Questions Q6, Q7 et Q8 du sondage) ► Une majorité de jeunes (62%) déclarent qu’il n’est pas ou pas du tout facile de poursuivre ses études en Martinique, en raison notamment du choix trop restreint en matière de formation et du manque d’aides financières. Cette proportion s’applique uniformément dans les classes d’âge, sur l’ensemble du territoire et entre hommes et femmes. Concernant les raisons qui expliquent cette difficulté de poursuite des études, ce sont le choix trop restreint en matière de formation qui oblige à partir et le manque d’aides financières qui sont évoqués de manière plus importante (79% et 75%). L’information et le conseil concernant les formations représentent 43% et 37%. Les plus jeunes (16-19 ans) sont les plus critiques sur l’information sur les études existantes (48% de mécontents) et les conseils en matière d’orientation et de choix de formation (44% de mécontents). Etes‐vous d'accord avec les opinions suivantes concernant la poursuite des études en Martinique? (base répondants: 400) Choix formation limité Aides financières insuffisantes Information insatisfaisante Conseil et orientation déficients 37% Martinique 43% 40% Hommes 33% Femmes 75% 79% 47% 73% 38% 79% 77% 79% 35% 38% 24‐25 ans 29% 20‐23 ans 78% 39% 85% 81% 80% 44% 48% 16‐19 ans 0% 10% 20% 30% 40% 50% 68% 60% 70% 76% 80% 90% 21 Questionnés sur le lieu des études (« Martinique ou France ? ») en réunions de groupe, les types de réponses entendues sont : – « En France, si tu veux réussir, tu dois être fort mentalement car il y a plus d’indifférence; en Martinique il y a plus de solidarité » – « Mais le fait d’avoir des éléments de France sur ton dossier donne plus de confiance aux patrons » ► Une grande majorité des jeunes concernés à une opinion défavorable de la formation professionnelle en Martinique, en raison notamment de la lourdeur des formalités et des difficultés d’accès aux informations sur les dispositifs Cette opinion générale est défavorable tant en matière de formalités (ils sont seulement 14% à les juger faciles) que de facilité d’accès aux informations sur les dispositifs (21%) et de largeur de gamme de formation (24%). De même, la qualité des centres de formation est jugée suffisante par seulement 42% d’entre eux. L’insatisfaction quant à la facilité d’accès à la formation est la plus prononcée dans le Sud (12% de satisfaits) et Nord Atlantique (15% de satisfaits). Questionnés sur la formation professionnelle en réunions de groupe, les types de réponses entendues sont : – – « bien au contraire; c’est la galère pour avoir des informations; bien souvent c’est le bouche à oreille ou le hasard en ouvrant le journal » « trouver des stages c’est très compliqué; il faut du filon » Etes-vous d'accord avec les opinions suivantes concernant la formation professionnelle en Martinique? (base répondants: 146) Formalités faciles 14% Information sur dispositifs facile d'accès 21% Gamme diversifiée de formations 24% Centres de formation de qualité suffisante 0% 42% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 40% 45% 22 1.1.2. Les principales raisons invoquées pour les difficultés de trouver un emploi sont le manque d’information sur les emplois disponibles et la discrimination à l’égard des jeunes (Questions Q9, Q10, Q14 à Q18 du sondage) ► La quasi-totalité des jeunes Martiniquais déclare qu’il est difficile de trouver un travail et les deux principales raisons invoquées pour expliquer les difficultés de l’accès à l’emploi sont le manque d’information concernant les emplois disponibles et la discrimination à l’égard des jeunes. 94% des répondants déclarent qu’il est difficile de trouver un emploi. En ce qui concerne les raisons des difficultés de l’accès à l’emploi, la raison principale raison évoquée est le manque d’informations concernant les emplois disponibles (80%). Ensuite viennent la discrimination à l’égard des jeunes, le manque de moyens de transport et le manque de conseil par les structures d’accompagnement (60-70%). En revanche, l’exigence de salaires élevés par les jeunes, le manque d’adaptation des diplômes et la pénibilité perçue de certains métiers sont des raisons évoquées par moins de la moitié des jeunes. Aucune différence entre les hommes et les femmes n’est notée à ce sujet. Les plus âgés (24-25 ans) sont plus nombreux (56% contre 49% en général) à penser que les diplômes obtenus par les jeunes ne sont pas suffisamment adaptés au marché de l’emploi. Les jeunes du Nord Caraïbe sont plus nombreux (89% contre 71,5% en général) à penser qu’une des raisons des difficultés d’accès à l’emploi est la discrimination à l’égard des jeunes dans les entreprises. Les jeunes du Nord Caraïbe sont moins nombreux (10,5% contre 37% en général) à penser que les salaires élevés demandés par les jeunes sont un facteur explicatif. On observe aussi un contraste entre les territoires concernant le manque de conseil par les structures d’accompagnement (CCIM, CIO, centres de formation…), puisque les jeunes du Centre et du Nord Atlantique sont 54% à identifier ce facteur comme un frein à l’accès à l’emploi, contre 64% pour les jeunes du Nord Caraïbe et du Sud (59% pour l’ensemble des jeunes). ► Les principaux critères de choix d’un emploi sont la rémunération et l’intérêt pour la profession Les principaux critères de choix d’un emploi sont la rémunération et l’intérêt pour la profession. Un quart des répondants déclarent qu’ils prendront en compte l’existence d’offres d’emploi en Martinique ou en France. En revanche, la possibilité d’emploi dans leur commune n’est pas un critère pertinent pour les jeunes. 23 Etes-vous d'accord avec les raisons possibles suivantes concernant les difficultés à trouver un emploi? (Base répondants: 400) Salaires demandés par les jeunes trop élevés 37% 49% Diplômes non adaptés Métiers jugés pénibles par les jeunes 51% Manque de conseil 59% Manque de moyens de transport 60% Discrimination à l'égard des jeunes 72% Manque d'information 80% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% ► La mission locale est l’organisme obtenant les meilleurs taux de satisfaction, tant en termes de disponibilité et d’écoute que d’utilité des conseils et que de propositions de formation ou d’emploi conformes aux attentes des jeunes Sur les jeunes Martiniquais en situation d’emploi ou à la recherche d’un emploi ou en formation, ils ont été à 66% en contact avec l’ANPE, à 39% avec une mission locale ou PAIO et à 5% avec un Plan Local pour l’Insertion et l’Emploi (PLIE). La mission locale est l’organisme obtenant les meilleurs taux de satisfaction : o Les jeunes soulignent pour la mission locale : disponibilité et écoute (90%), conseils utiles (79%), propositions de formation ou d’emploi conformes à leurs attentes (65%). o La disponibilité et l’écoute de l’ANPE est également appréciée par 62% des jeunes ayant été en contact avec elle ; en revanche, les conseils et les propositions de formation ou d’emploi sont majoritairement estimés inutiles ou non-conformes aux attentes. o Les résultats concernant le PLIE sont plus difficilement interprétables car la base de répondants est très faible (8). Les territoires se distinguent entre eux. En effet, les contacts avec ce type d’organismes sont surreprésentés dans le Nord, par exemple, 81% pour l’ANPE dans le Nord Atlantique, 56% pour les missions locales ou PAIO dans le Nord Atlantique et 50% dans le Nord Caraïbe. A l’inverse, la Mission locale du Sud est sous-représentée en termes de contacts (29%). 24 1.1.3. Un attrait pour la fonction publique moindre que les aînés (Questions Q12 et Q13 du sondage) L’environnement local semble être caractérisé par une dualité, sinon une ambigüité, des perceptions vis-à-vis des trajectoires professionnelles préférentielles : entreprise ou fonction publique ? En effet, bien que les Martiniquais restent dans l’ensemble gourmands de statut et de réussite sociale, l’environnement culturel a favorisé historiquement l’orientation professionnelle des jeunes vers les métiers de la fonction publique. Sur ce point on remarquera la prépondérance de formations orientées sur les métiers de la fonction publique à l’UAG (droit public, administration, sciences politiques, économie du développement, etc.). L’enquête téléphonique menée dans le cadre de l’étude auprès d’un échantillon représentatif de la population de jeunes Martiniquais reflète cette répartition à peu près équilibrée entre les deux tendances : ► Les jeunes Martiniquais sont moins attirés par la fonction publique que leurs ainés (35% contre 44% pour l’ensemble de la population) ► L’attrait du statut d’indépendant (38%) est comparable à celui observé pour l’ensemble de la population5 (36%), mais est faible par rapport à l’Union européenne (45%), la France (42%) et surtout les Etats-Unis d’Amérique (61%)6 ; Cependant, les choses évoluent progressivement en raison : • de la relative dévalorisation de la fonction publique (moins d’embauches à court terme, salaires peu élevés), • du changement positif intervenu dans l’image générale de l’industrie, • du développement du secteur tertiaire (finance, commerce…). Un témoignage de l’évolution qui intervient entre la génération des étudiants d’aujourd’hui et celle de leurs parents est fourni par l’origine socioprofessionnelle des étudiants de l’ECG: leurs parents sont souvent fonctionnaires. Aussi, des enquêtes du Rectorat de la Martinique montrent que les élèves sont de plus en plus nombreux à envisager une carrière en entreprise7. 5 Les éléments de comparaison avec l’ensemble de la population Martiniquaise sont issue du rapport de Victor VAUGIRARD (2008) « Etude sur le développement de l’esprit d’entreprise en Martinique », pour le compte de la CCIM 6 Les éléments de comparaison internationale de cette section sont basés sur le Flash Eurobaromètre « L’esprit d’entreprise » de la Commission européenne de juin 2004. 7 Source : la responsable DAET-DAFCO du Rectorat de la Martinique 25 Statut rêvé (Base répondants: 400) Jeunes 16‐25 ans Population 36% 38% Propre compte 14% Entreprise 18% Administration 44% 35% 6% Ne sait pas 0% 9% 10% 20% 30% 40% 50% ► La principale raison invoquée par les sondés pour justifier leur préférence du statut d’indépendant par rapport à celui de salarié est l’indépendance vis-à-vis d’une hiérarchie La possibilité de créer son propre environnement et l’accomplissement personnel qui ne peut être assouvi d’une autre façon sont des raisons également invoquées, mais dans des proportions bien plus faibles que la première. Pour quelles raisons souhaitez‐vous être indépendant plutôt que salarié? (Base répondants: 151 jeunes / 135 population) (2 réponses maximum) Population Jeunes 16‐25 ans Indépendance hiérarchie 57% 11% Créer son propre environnement 75% 25% 17% 16% Accomplissement personnel 12% 11% Meilleures perspectives de revenu 2% Famille / amis chefs d'entreprise 0% 9% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 26 Les principales raisons invoquées par les sondés pour justifier leur préférence du statut d’employé par rapport à celui d’indépendant sont : 9 la régularité des revenus (43% pour le secteur privé ; 46% pour l’administration) 9 la stabilité de l’emploi (30% pour le secteur privé; 76% pour l’administration) Ces résultats sont comparables à ceux de l’enquête portant sur l’ensemble des Martiniquais déjà citée. Les mêmes principaux arguments sont invoqués en Europe (tous âges confondus), quoi que dans des proportions bien moindres qu’en Martinique : 30% pour la régularité des revenus ; 24% pour la stabilité de l’emploi. Les Européens basent également leur préférence sur le climat économique défavorable (21%), la moins bonne couverture sociale des employés (12%) ou le manque de temps pour exercer comme indépendant (10%). 27 1.2. Cadre de vie et conditions de vie Résumé : Les jeunes Martiniquais sont majoritairement satisfaits globalement des conditions de vie et du cadre de vie en Martinique et dans leur commune. La sécurité et le logement sont les principaux motifs d’insatisfaction. La prégnance du sentiment d’insécurité est évidente quand les jeunes sont questionnés sur les thèmes prioritaires à améliorer. Seront abordés successivement dans cette section : 9 Difficulté de se loger et autres conditions de vie 9 Problèmes de sécurité et autres éléments du cadre de vie 9 Thèmes prioritaires à améliorer 1.2.1. La difficulté de se loger est le principal motif d’insatisfaction concernant les conditions de vie (Questions Q19, Q22 à Q28 du sondage) Deux tiers des jeunes Martiniquais se déclarent globalement satisfaits de leurs conditions de vie dans leur commune et en Martinique. Les critiques portent principalement sur la difficulté de se loger, l’accès aux soins hospitaliers et aux loisirs et la desserte des communes par les transports en commun : o Seules 8% des personnes interrogées considèrent qu’il est facile de se loger en Martinique. Les difficultés évoquées quant à la difficulté de trouver un logement sont le coût du logement, le manque de logement et, dans une moindre mesure, l’insalubrité. o Concernant les insatisfactions quant à l’accès aux services, ce sont les accès aux soins hospitaliers et aux loisirs en général qui sont cités le plus fréquemment par les jeunes Martiniquais. o Plus de 4 jeunes Martiniquais sur 10 déclarent que les moyens de transport ne desservent pas bien leur commune. o De plus, la plupart des jeunes Martiniquais déclarent ne pas savoir à qui s’adresser en cas de difficulté d’ordre social, financier ou de logement. o Concernant les raisons de non satisfaction de la prise en charge des services sociaux, les jeunes évoquent en premier lieu l’inadéquation de l’aide (à 47%), la difficile accessibilité (53%) et le manque d’écoute (à 37%). 1.2.2. Les critiques portent principalement sur la sécurité concernant le cadre de vie (Question Q21 du sondage) Dans le domaine du cadre de vie, les personnes interrogées sont majoritairement satisfaites de l’environnement, des relations de voisinage, du logement (l’habitat) et du calme (absence de bruit). Cette opinion sur l’habitat n’est pas contradictoire de l’opinion sur la difficulté de se 28 loger, dans la mesure où près de 9 jeunes interrogés sur 10 vivent chez leurs parents ou la famille. Les critiques portent principalement sur la sécurité, puisque près d’un jeune sur deux déclare être peu ou pas satisfait. 1.2.3. La prégnance du sentiment d’insécurité est évidente quand les jeunes sont interrogés sur les thèmes prioritaires à améliorer en Martinique (Question Q29 du sondage) En effet : o Les jeunes privilégient les thèmes sécuritaires : la lutte contre la délinquance, l’insécurité et l’usage de la drogue (entre 90 et 95% des jeunes). o Ensuite, le développement de l’accès au logement arrive à égalité avec le développement des transports en commun. Le développement des loisirs et l’amélioration du cadre naturel sont cités comme axes prioritaires par 80% des personnes interrogées. o La prégnance du sentiment d’insécurité est confortée par les réunions de groupe tenues, puisque les problèmes liés à la délinquance et à l’usage de la drogue aux abords des établissements scolaires sont évoqués spontanément par les jeunes quand le milieu scolaire est abordé. – Néanmoins, les jeunes déplorent l’usage croissant de caméras de vidéosurveillance dans les lieux publics : « ce serait amusant de les péter », « où est la liberté ?», « ça ne va pas apporter plus de sécurité ». 29 1.3. Vie pratique ordinaire Résumé : Le téléphone portable et l’Internet sont omniprésents dans la vie des jeunes qui les utilisent souvent pour des motifs relevant de l’ordre de la futilité (« tchatchage », « le bilan de la journée »…). Le réseau MSN et les SMS sont plébiscités. Les mouvements de mode en provenance des Etats-Unis seraient largement dominants dans les évocations. Les jeunes manifestent peu d’intérêt pour la santé, mais connaissent les règles de base et intègrent le risque SIDA dans leur comportement sexuel. Seront abordés successivement dans cette section les TIC, la mode et la santé. 1.3.1. Des moyens de communication omniprésents dans la vie des jeunes, véritablement constitutifs d’un mode de vie ► Le téléphone portable est omniprésent et sa dimension multifonctionnelle est très fortement intégrée par les jeunes • Il représente un vecteur d’échange avant tout en direction des amis (« échanger des sons », faire des photos…) • Le texto est souvent préféré à l’appel téléphonique pour des raisons financières et psychologiques (distance sécurisante, discrétion) • Les sujets qui alimentent le plus souvent les conversations téléphoniques sont…: – – « le bilan de la journée », l’organisation de sorties entre amis, la prise de nouvelles auprès d’amis …et le moment privilégié pour téléphoner est le soir durant le weekend en raison des forfaits gratuits et du temps disponible ► L’usage d’Internet est très répandu chez les jeunes et se caractérise avant tout par l’usage de MSN • Si Internet ne fonctionnait pas pendant quelques semaines (suite à un cyclone par exemple) : « je deviens fou », « je pars en France » • Avec la forte place occupée par le téléphone mobile et Internet, la télévision tendrait à être secondarisée parmi les loisirs des jeunes. 1.3.2. Des mouvements de mode en provenance des Etats-Unis ► Le concept de mode est plutôt rattaché à des univers-produits qu’à des marques • La mode c’est aussi, des codes gestuels ou des codes de langage: « Ma fille », « frère »… • Les mouvements de mode en provenance des Etats-Unis seraient largement dominants dans les évocations, en raison de la télévision qui est un puissant vecteur 30 de diffusion des mouvements de modes, notamment les chaînes musicales: BET, MCM et aussi Trace. 1.3.3. Les jeunes manifestent peu d’intérêt pour la santé, mais connaissent les règles de base et intègrent le risque SIDA dans leur comportement sexuel Pour la catégorie des jeunes « sans problèmes apparents »: – – Les règles d’une bonne hygiène de vie sont maîtrisées Pour autant, la santé, à titre personnel, ne représente pas un sujet d’intérêt majeur ; ils confient ce rôle à leurs parents qui seraient mieux informés qu’eux – La consommation d’alcool et de drogue sont les deux risques auxquels les jeunes sont le plus souvent confrontés. Le danger du mimétisme, la pression des pairs sont signalés. Pour la catégorie des jeunes « en écart social»: – Les hommes portent peu d’intérêt en général aux nécessités du lavage corporel quotidien • Néanmoins, dès lors où ils sont intégrés dans une activité de travail régulière et rémunérée, y compris du genre chantier d’insertion, leurs manières de faire en matière d’hygiène corporelle changent. Le rythme des obligations liées au travail introduit de facto l’inscription dans leur temps de vie des rituels de propreté (douche après le travail, recours aux vêtements de travail, etc), Cela est d’autant plus possible qu’ils sont en mesure d’acquérir de nouveaux vêtements. Cependant, ils ne rendent pas plus qu’auparavant chez le médecin, ce qu’ils font très rarement. – Les jeunes femmes portent manifestement une plus grande attention à la fois à leur propreté corporelle et à leur présentation • Mais ce qui est paradoxalement remarquable à leur niveau, c’est leur accoutumance extrêmement aisée au manque de propreté de leur compagnon Le tatouage n’est pas présenté comme un signe d’affirmation identitaire ; il relèverait plutôt du registre de la réappropriation mimétique d’une pratique du modèle « afro américain Jamaican style ». Aucun des très nombreux jeunes interrogés n’ignorent le risque SIDA et MST, ni n’avoue d’usage mal approprié du préservatif lorsque décision est prise d’y avoir recours. 31 1.4. Loisirs et vie amoureuse Résumé : Une majorité de jeunes se montre mécontente des loisirs proposés au sein de leur commune et en Martinique. Cette carence perçue au niveau de l’offre de loisirs se double d’un sentiment de sous-information quant à l’offre existante. Concernant les loisirs qu’il serait souhaitable de développer, les jeunes Martiniquais optent pour les activités sportives, notamment la natation en piscine, les activités nautiques et le tennis, tous territoires confondus. Parmi les autres activités, ce sont les activités liées aux jeux vidéos-internet et le cinéma, ainsi que les maisons de jeunes et les parcs d’attraction qui sont le plus représentés. La dimension ludique et l’animation sont prégnantes. Cette attente est confirmée par certains techniciens et élus en charge de la jeunesse. Il serait nécessaire de favoriser la création d’espaces pour les jeunes qui soient des espaces « non stigmatisés » et ouverts à tous. Les jeunes mettent en avant plusieurs facteurs qui inciteraient à utiliser davantage les équipements de loisirs et sportifs: la baisse des coûts, l’adaptation des programmes, l’accessibilité via les transports en commun, l’adaptation des horaires et la proximité avec le domicile. Dans le domaine de la vie amoureuse, la hiérarchie des motivations dans le choix des partenaires diffère pour les garçons et les filles. La majorité des jeunes pensent que ce qui compte le plus pour les garçons dans le choix d’une partenaire est l’attirance physique et l’apparence physique, tandis qu’ils pensent que ce qui compte le plus pour les jeunes filles est les sentiments et l’argent. 1.4.1. La dimension ludique des loisirs et l’animation sont prégnantes (Questions Q30-Q37 du sondage) ► La pratique des loisirs est dominée par les loisirs peu coûteux et accessibles au plus grand nombre – bavarder avec des amis, écouter de la musique, regarder la télévision, utiliser Internet et écouter la radio – Les sports individuels et collectifs sont également massivement pratiqués, mais plus en dehors de clubs qu’au sein de structures – loisirs plus classiquement culturels (théâtre, club de lecture, peinture…) nettement moins pratiqués ► Une majorité de jeunes se montre mécontente des loisirs proposés au sein de leur commune et en Martinique – Cette carence perçue au niveau de l’offre de loisirs se double d’un sentiment de sousinformation quant à l’offre existante 32 ► La dimension ludique et l’animation sont prégnantes. – Cette attente est confirmée par certains techniciens et élus en charge de la jeunesse. Il serait nécessaire de favoriser la création d’espaces pour les jeunes qui soient des espaces « non stigmatisés » et ouverts à tous. ► Une majorité de jeunes partent en vacance avec leur famille ou des amis en Juillet-août – Plus de la moitié des jeunes interviewés partent durant les vacances de juillet-août avec leur famille ou des amis (dont 35% en France ou à l’étranger et 19% dans une autre commune de la Martinique). On peut aussi noter que 18% déclarent exercer un travail saisonnier. – Seulement 28% des jeunes qui restent en Martinique en juillet-août considèrent qu’il y a suffisamment d’activités pour ceux qui restent en Martinique. – Concernant l’information sur les loisirs existants, les jeunes Martiniquais qui restent en Martinique en juillet-août sont une minorité à se sentir bien informés sur les loisirs dans leur commune (42%) et en Martinique dans son ensemble (34%). – Des différences entre territoires sont visibles. En effet, les jeunes du Centre et du Sud sont moins nombreux à se sentir bien informés (36%), au contraire des jeunes du Nord Caraïbe (74%)8. ► Les loisirs qu’il serait souhaitable de développer selon les jeunes sont: – – – activités sportives: la natation en piscine, les activités nautiques et le tennis activités liées aux jeux vidéos-internet et le cinéma maisons de jeunes et parcs d’attraction ► Les évènements ayant le plus marqué les jeunes cette année: – – – – – événements sportifs: tournois, spectacles, manifestations fêtes thématiques créant une animation: fêtes culturelles, ludiques ou à thèmes concerts, soirées dansantes et certains films au cinéma hors fêtes thématiques et types de concerts spécifiques, la « culture classique » (théâtre, bibliothèque, expositions, etc.) n’est que très peu représentée dans les trois événements les plus intéressants cités par les jeunes Martiniquais. de même, la politique et le mouvement social de février 2009 sont peu cités spontanément par les jeunes. ► Plusieurs facteurs inciteraient à utiliser davantage les équipements de loisirs et sportifs: – – 8 baisse des coûts (82%) adaptation des programmes (80%) Mais ce nombre doit être pris avec prudence, en raison de la faible taille de la base de répondants. 33 – – – accessibilité via les transports en commun (75%) adaptation des horaires (75%) proximité avec le domicile (74%) 1.4.2. Les motivations de la vie amoureuse (Questions Q39, 40 du sondage) La majorité des jeunes pensent que ce qui compte le plus pour les garçons dans le choix d’un partenaire est l’attirance physique (45%) et l’apparence physique (30%), bien plus que les sentiments (17%) ou l’argent (7%). Cette hiérarchie est la même pour les hommes et les femmes. Cette hiérarchie est bouleversée pour la perception des motivations des jeunes filles, puisque les sentiments sont prépondérants (48%), devant l’argent (32%) ; l’apparence physique (15%) et l’attirance physique (6%) sont perçues comme secondaires. Cette hiérarchie est la même pour les hommes et les femmes. Les regards croisés hommes – femmes révèlent une certaine méconnaissance réciproque: o dans la motivation supposée des garçons, les filles pondèrent plus l’attirance physique (54%) et moins les sentiments (10%) o dans la motivation supposée des filles, les filles pondèrent plus les sentiments (60%) et moins l’argent (25%) Qu'est‐ce qui compte le plus dans leur choix de couple pour les jeunes hommes / femmes Martiniquais(es)? (Base répondants: 400) Femmes 17% Sentiments Apparence physique 15% Attirance physique 48% 30% 45% 6% 7% Argent Autres Hommes 32% 1% 0% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 34 1.5. Participation à la vie du territoire Résumé : Les jeunes expriment un attachement à la Martinique sans faire d’angélisme. Une majorité de jeunes considère que la jeunesse n’est pas suffisamment prise en compte dans leur commune et l’offre associative apparaît comme insuffisamment développée, les possibilités d’expressions des jeunes insuffisantes. Les jeunes manifestent peu d’intérêt pour la vie politique en Martinique et ils ne font pas confiance aux élus Martiniquais pour résoudre les problèmes sociaux. De nombreuses actions seraient prioritaires pour améliorer la situation des jeunes en Martinique : faciliter l’accès à l’emploi des jeunes, favoriser l’accès au logement, aider financièrement les jeunes, un meilleur accompagnement des jeunes pour les aider à régler leurs problèmes, le développement des formations, donner plus souvent la parole aux jeunes, le développement des possibilités de loisirs et des lieux de rencontre. Seront abordés successivement dans cette section : 9 9 9 9 L’attachement à la Martinique Le maillage associatif L’intérêt pour la vie politique Les actions prioritaires en faveur des jeunes 1.5.1. Attachement à la Martinique (Question Q41 du sondage) Les jeunes sont prioritairement attachés à la Martinique (46%), mais un nombre significatif de jeunes (29%) se sentent citoyens du monde, c’est-à-dire ne manifestent pas de sentiment d’attache territoriale ou ethnoculturelle. La commune, la Caraïbe, France, l’Europe et l’héritage ethnoculturel ne recueillent que peu de suffrages. 35 Vous êtes avant tout attaché à? 1% 2% 3% 5% 7% 7% 46% 29,00% Martinique Citoyen du monde Caraïbe Commune France Héritage ethnoculturel Europe Ne sait pas 1.5.2. Maillage associatif (Questions Q42, Q43, Q45, Q46, Q49 du sondage) Une majorité de jeunes considère que la jeunesse n’est pas suffisamment prise en compte dans leur commune et l’offre associative apparaît comme insuffisamment développée, les possibilités d’expressions des jeunes insuffisantes. Paradoxalement, seulement 45% des jeunes déclarent être prêts à participer à des réunions avec des élus, des personnes en charge de la jeunesse pour faire part de leur avis et de leurs idées. Un jeune Martiniquais sur cinq adhère à une association et cette adhésion est avant tout liée à la participation à des associations sportives et des associations culturelles et de loisirs. 36 1.5.3. Intérêt pour la vie politique (Questions Q48, Q49 du sondage) Seuls 38% des jeunes pensent que les jeunes Martiniquais manifestent de l’intérêt pour la vie politique en Martinique, mais ils sont 61% à penser que les jeunes Martiniquais considèrent comme un devoir d’aller voter. Ils ne sont que 34% à penser que les jeunes font confiance aux élus Martiniquais pour résoudre les problèmes sociaux. 1.5.4. De nombreuses actions seraient prioritaires pour améliorer la situation des jeunes en Martinique (Question Q50 du sondage) Pour la quasi-totalité des jeunes Martiniquais, de nombreuses actions sont prioritaires pour améliorer la situation des jeunes en Martinique : o o o o o o o faciliter l’accès à l’emploi des jeunes, favoriser l’accès au logement, aider financièrement les jeunes, mieux accompagner les jeunes pour les aider à régler leurs problèmes, développer les formations, donner plus souvent la parole aux jeunes, développer les possibilités de loisirs et des lieux de rencontre. 37 1.6. Perception de l’avenir Résumé : Les jeunes imaginent leur avenir en dehors de la Martinique. De plus, ils sont remarquablement pessimistes sur l’avenir de la Martinique (« bétonnage », « guerre civile », manque de respect entre Martiniquais »…). Seront abordées successivement la perception des jeunes de leur propre avenir et leur vision de l’avenir de la Martinique. 1.6.1. Les jeunes imaginent leur avenir en dehors de la Martinique (Questions Q51-Q55 du sondage) ► Les trois quart des jeunes se déclarent optimistes pour leur propre avenir ► Ce relatif optimisme ne se traduit pas par un souhait de rester sur le territoire. A peine plus d’un tiers des jeunes envisagent de construire leur vie sur le territoire. o Lorsqu’on souhaite rester sur le territoire, la principale raison invoquée est une raison positive : l’attachement à la Martinique (« c’est mon pays » ; 82%). Les autres raisons sont la famille et les habitudes. En revanche, peu de raisons objectives sont invoquées (diminution du chômage des jeunes ou diminution des problèmes de sécurité par exemple). o Lorsqu’on souhaite en partir c’est principalement pour une raison positive : l’envie de découvrir autre chose (93%), mais également parce qu’il n’y a pas de travail sur le territoire (85%). De plus, près de trois quart des jeunes qui affirment souhaiter partir le ferait parce qu’on ne reconnaît pas suffisamment la réussite des jeunes et 63% parce qu’il « n’y a rien pour les jeunes » sur le territoire. Raisons qui ne donnent pas envie de rester vivre en Martinique (Base répondants: 258) 53% Qualité de la vie 63% Rien pour les jeunes Manque reconnaissance réussite 73% 85% Pas de travail 93% Connaître autre chose 0% 20% 40% 60% 80% 100% 38 1.6.2. La vision des jeunes remarquablement pessimiste de l’avenir de la Martinique est Outre les raisons invoquées précédemment par les jeunes à propos des raisons ne donnant pas envie de rester en Martinique, les réponses des jeunes à la demande « décrivez la Martinique dans 20 ans » parlent d’elles-mêmes : – – – – « Bétonnage », pollution Guerre civile « on dirait que la Martinique a appuyé sur le bouton autodestruction et que le compte à rebours a commencé » Les Martiniquais vont-ils plus se respecter entre eux? « il ne faut pas rêver » 39 Partie 2 – Diagnostic sur les difficultés et attentes des jeunes Résumé de la Partie 2 Positionnement identitaire : Les jeunes martiniquais, comme tous les jeunes, développent des stratégies qui traduisent et correspondent à trois grandes logiques : propension forte à l’individuation, besoin consumériste exacerbé et recherche hédoniste. Comparativement aux adultes, ils le font de manière plus exacerbée parce que moins soumise à l’auto censure des normes sociales. Chaque jeune martiniquais porte en lui et sur lui une synthèse de trois modèles : celui de l’antillanité française traditionnelle portée par les parents et/ou grands parents ; celui du modèle français ordinaire ; et celui de la subculture afro américaine venant des banlieues des mégapoles américaines. Mais en fonction des caractéristiques de leurs milieux familiaux, les jeunes pencheront d’avantage vers tel ou tel de ces trois modèles sans pour autant se désintéresser et se détourner des autres. Milieu familial et relations intergénérationnelles : Les jeunes jugent l’attitude des adultes hostile à leur égard et vice-versa, et les enfants ont moins tendance à respecter les adultes qu’avant parce ces derniers sont aussi désorientés que les jeunes. Scolarité, études et formation : Les élèves expriment majoritairement un désir d’écoute et de reconnaissance de la part de leurs parents et de leurs enseignants. Entreprise et emploi : La relation entre l’entreprise et l’emploi est caractérisée par une perception par les jeunes du monde de l’entreprise qui s’améliore mais un attrait pour l’expatriation professionnelle. Vie pratique ordinaire : o Argent et consommation : Chez les jeunes « sans problème apparent », on est assez loin de la consommation ostentatoire observable chez bon nombre de Martiniquais. Au contraire, la culture des univers de la pauvreté est dominée à la fois par le manque, la débrouillardise et la surconsommation o Mode : Les jeunes martiniquais mettent en œuvre des stratégies orientées vers les marqueurs afro-américains des modèles qui les séduisent. o TIC : Les téléphones portables et la télévision sont utilisés par les jeunes pour la mise en scène de leurs modèles. Le plus souvent les motifs sont de l’ordre de la futilité (« le tchatchage »). Les TIC permettent également une pratique intense des « maillages relationnels à distance», tels que les réseaux sociaux. o Loisirs : On retrouve en Martinique le bon vieil adage « l’oisiveté est la mère de tous les vices ». Les jeunes notent l’absence d’activités après 17hr, même pour les touristes, alors que dans les îles voisines, il y a des transports et de l’animation toute la nuit. Les jeunes demandent également plus de responsabilités dans l’organisation de manifestations. 40 Citoyenneté : Le mouvement populaire de février-mars 2009 a suscité un sentiment d’injustice (« Les jeunes ont vu des comportements du patronat souvent blanc qu’ils ont jugés provocateurs et arrogants ») mais a aussi entrouvert une fenêtre d’opportunité dans la mesure où les jeunes seraient apparus comme des personnes pouvant s’organiser (« Depuis la grève le regard sur les jeunes a un peu changé, les gens ont vu qu’ils savaient aussi s’organiser, avaient une pensée et qu’il ne fallait pas seulement se fier à leur look »). Vie en société et spiritualité : Le respect et la solidarité sont des valeurs moins respectées en raison de l’individualisme croissant. Opportunités et menaces : Les opportunités sont : les TIC ; les départs à la retraite à partir de 2015 ; l’ambiance favorable à l’expression des jeunes en Martinique par les évolutions institutionnelles à venir, les prochaines élections et le mouvement populaire de février-mars 2009 ; la prégnance en France de la nécessité d’une amélioration de la situation des jeunes. Les menaces sont : le vieillissement de la population ; la raréfaction des ressources de transfert, la violence et l’insécurité ; auxquelles s’ajoutent quelques incertitudes : la durée crise économique actuelle et l’évolution du capitalisme : ultralibéral ou humaniste? Forces et faiblesses : La Martinique dispose de nombreux atouts : un bon niveau de formation générale, l’accès à la technologie française et européenne, l’existence de modèles de référence y compris dans la Diaspora. Il reste également des créneaux à investir ; le syndrome de la proximité peut donner l’audace d’entreprendre, la débrouillardise des Martiniquais est légendaire et la diversité ethnoculturelle peut permettre aux Martiniquais d’échanger quel que soit le lieu du monde. Mais la Martinique présente aussi quelques faiblesses à surmonter : les unes de nature objective, comme le chômage des jeunes, la vie chère et le manque d’autonomie financière des jeunes, le coût et la disponibilité des logements, des parents démissionnaires ou des enseignants dépassés ; les autres de nature psychosociologique : le défaut de confiance en soi, de confiance en l’avenir de la Martinique et de confiance en la capacité des adultes et des élus à résoudre les problèmes des jeunes, l’existence de représentations discutables et un rapport à l’autorité difficile. Les différents thèmes abordés dans ce diagnostic seront les suivants : • • • • • • • • • Positionnement identitaire Milieu familial et relations intergénérationnelles Scolarité, études et formation : Entreprise et emploi Vie pratique ordinaire : rapport à l’argent, consommation, mode, TIC, loisirs Citoyenneté Vie en société et spiritualité Opportunités et menaces Forces et faiblesses 41 2.1. Positionnement identitaire des jeunes martiniquais 2.1.1. Trois grandes logiques stratégiques D’une façon générale, en tant que groupe de classes d’âge et adultes en devenir, les jeunes martiniquais vérifient parfaitement les grandes stratégies définies par Liposky en tant que caractéristiques de la période contemporaine dite hyper moderne, à savoir : o Une propension forte à l’individuation, c'est-à-dire à l’affirmation d’une autonomie et d’une identité personnelle librement choisies et assurées ; o Un besoin consumériste sans limite autre que celle contrainte par les seuls moyens et ressources créées par la personne ; o Une recherche hédoniste comme nouvel art de vivre et concrétisation de l’idée du bonheur possible dans le monde d’aujourd’hui. Quelque soit le lieu du monde où ils résident, les jeunes développent des stratégies qui traduisent et correspondent à ces trois grandes logiques ; comparativement aux adultes, ils le font de manière plus exacerbée parce que moins soumise à l’auto censure des normes sociales. Les ressources socio économiques et, surtout, le haut niveau d’équipement en moyens de communication font que les univers qui sont ceux des jeunes martiniquais sont profondément influencés et même habités par les images et standards de ces grandes logiques à la fois consuméristes et identitaires qui traversent le monde. Quant aux jeunes dits en écart, le recours à ces stratégies individualistes, hédonistes et consuméristes sont en grande partie contrecarrées par l’extrême modestie de leurs disponibles. Pour autant, ils ne sont pas hors des mouvements de l’hyper modernité-monde. Mais l’insuffisance de leur socialisation telle qu’elle est marquée par le manque de ressources en compétences sociales ajouté au sentiment de relégation qu’ils portent en eux, les poussent à développer sans discernement des stratégies identitaires, hédonistes et consuméristes. Par effet interactif, ces manières de faire et de penser participent du processus de marginalisation dont ils ont souvent conscience de souffrir. Cependant, ne nous trompons pas, les stratégies qu’ils pratiquent reflètent, sur le mode de l’excès bien entendu, celles des jeunes de leur âge. En effet, ce qui caractérise le système marchand dominant, c’est le fait que sa cible reste, de par le monde et les classes sociales, un individu humain indistinct dénommé : le consommateur. 2.1.2. Une synthèse identitaire de trois modèles Mais en tant que personnage, ce consommateur est porté par un individu socialisé au sein et par une culture qui est habitée et sous la pression de modèles qui orienteront son activité consumériste. Ces modèles seront sensiblement différents selon les générations. S’agissant des jeunes martiniquais en général, ils sont en confrontation avec trois modèles : o l’antillanité française traditionnelle portée par les parents et/ou grands parents, 42 o le modèle français ordinaire, o la sub culture afro américaine venant des banlieues des mégapoles américaines, via souvent les banlieues françaises. Chaque jeune porte en lui et sur lui une synthèse de tous ces modèles. Mais en fonction des caractéristiques de leurs milieux familiaux, les jeunes pencheront d’avantage vers tel ou tel de ces trois modèles, sans pour autant se désintéresser et se détourner des autres. 2.2. Milieu familial et relations intergénérationnelles ► Les jeunes souffriraient de l’attitude jugée trop souvent hostile à leur égard de la part des adultes en général: « certains ont peur des jeunes » • • • Généralisation de la perception par les adultes de comportements déviants des jeunes (« les jeunes, c’est de la mauvaise graine ») Manque d’intérêt pour ce que ressentent les jeunes Chez les jeunes « en écart »: les jeunes apportent aux adultes des difficultés qui sont des problèmes supplémentaires à résoudre ► Les enfants ont tendance à respecter moins les adultes qu’avant parce que ces derniers sont aussi désorientés que les jeunes et perdent leur self-control presque tout autant. Dans les milieux modestes, c’est « la guerre et il n’y a pas grands et petits guerriers ». La différence n’est pas entre jeunes et adultes ; elle est entre les « possédants et les dépourvus » ► Les adultes sont perçus comme prenant peu en compte les préoccupations des jeunes, parce que ces derniers leur apportent ou leur soumettent toujours des difficultés qui sont des problèmes supplémentaires à résoudre. La vie des jeunes en Martinique, leur maturation sociale, leur insertion professionnelle représente « un parcours du combattant », surtout ceux qui n’ont pas bien réussi à l’école. Or, les adultes eux-aussi, surtout ceux de conditions modestes, se trouvent aux prises à des embuches nombreuses et successives. Ils ont donc peu de temps et d’énergie à consacrer aux jeunes. ► Les adultes ne sont pas (plus) des modèles pour les jeunes. En fait, c’est presque devenu l’inverse, dans le sens où le monde des jeunes est devenu un univers fantastique pour les adultes. De plus, dans le contexte des familles modestes, il existe une sorte de nivellement éthique par le bas, c'est-à-dire que dans le contexte des familles modestes, donc de pénurie relative de ressources financières, les parents sont eux – aussi amenés à adopter des stratégies de survie, parfois à la limite des normes, pour faire face aux contraintes du quotidien, mais aussi aux sollicitations de la surconsommation ambiante. Si ces jeunes ont tendance à vivre « en écart », c'est-à-dire tout juste hors de la norme, les parents eux sont « sur le fil de la limite », sur la crête de l’autorisé et de la morale. 43 ► Le respect de l’attachement aux enfants est néanmoins une valeur qui persiste, quelque soit les conditions matérielles des familles. Ainsi, les familles modestes sont souvent frustes, car du point de vue des ressources socio affectives elles vivent dans la survivance socio économique quotidienne. Néanmoins, elles conservent le sentiment de l’engagement à assurer les devoirs parentaux de base à l’égard de leurs enfants et, si possible, un peu plus. Pour les jeunes en écart social, « ce plus serait une question de chance ». Comprenons par là qu’au sein des contextes domestiques de leurs familles, hyper centrées sur la survivance socio économique, le problème de l’ambiance ne constitue guère un enjeu. La ligne de démarcation se trouve au niveau des actes de violences entre parents, phénomène de moins en moins tolérable par ces jeunes eu égard aux campagnes d’informations effectuées sur ce sujet. A noter que les jeunes hommes les considèrent comme insupportables lorsque ces maltraitances sont exercées sur leur mère par un beau père. 2.3. Scolarité, études et formation Les élèves expriment majoritairement un désir d’écoute et de reconnaissance de la part de leurs parents et de leurs enseignants. ► Ce qu’il y a lieu de retenir chez ces familles modestes dans lesquelles des enfants réussissent, c’est le culte de l’effort et la culture de l’envie d’apprendre qui y sont développés opiniâtrement par le(s) parent(s). En effet, on observe en pratique les situations suivantes : o 1e raison : un milieu familial, même dirigé par une mère seule dans lequel l’envie de réussir est valorisée et expliquée comme étant un résultat découlant de l’effort et au travail scolaire ; les ou le parent se cantonnant à donner le goût et l’image de l’effort par son (ou leur) propre exemple de « travailleur », quelque que soit, par ailleurs, la catégorie professionnelle du ou des parents. o 2e raison : Un membre de la famille proche incitant activement au travail scolaire. o 3e raison : L’existence de ressources communales de proximité en matière de bibliothèque et de soutien scolaire durant les grandes vacances. ► Les élèves, notamment ceux en écart social, attendent avant tout des enseignants de la confiance en l’élève, de la disponibilité et de la tolérance. Tout en reconnaissant qu’ils ont été des élèves difficiles, ils insistent qu’ils n’étaient pas au début des « monstres », par conséquent, avec un peu de tolérance, les enseignants auraient pu arriver à entretenir une relation positive avec eux. « Ils ne savaient, ni nous écouter, ni nous parler et ni nous voir ». L’école a été pour eux un univers de l’échec, parce que ni chez eux et encore moins à l’école, ils n’ont trouvé d’adultes leur donnant l’envie d’apprendre. Par conséquent, ils attendaient de l’enseignant d’abord de la confiance en l’élève (et non, comme 44 c’est souvent le cas, de la peur instinctive) disponibilité (et non comme c’est souvent le cas, des adultes tourmentés par leurs propres problèmes) et de la tolérance. 2.4. Entreprise et emploi La relation entre l’entreprise et l’emploi est caractérisée par une perception du monde de l’entreprise qui s’améliore mais un attrait pour l’expatriation professionnelle. ► Le monde de l’entreprise ne fait pas l’objet d’une stigmatisation de la part des jeunes: – Les jeunes mettent en avant la liberté associée à la qualité de chef d’entreprise : « pour avoir une plus grande facilité pour gérer son temps » – Ils font preuve d’une certaine maturité concernant les responsabilités impliquées par le statut d’indépendant – Ils sont également conscients de fourchettes de salaires réalistes pour les jeunes. ► Les jeunes manifestent un attrait marqué pour l’expatriation professionnelle – autant pour des raisons positives: « connaître autre chose », « plus d’opportunités d’emplois ailleurs»… – …que des raisons négatives : • manque de dynamisme de l’activité économique: « il n’y a rien en Martinique » • environnement trop pesant en raison de l’exiguïté: « tout le monde se connaît et connaît les affaires des autres » – Plus généralement, la Martinique ne saurait pas suffisamment mettre ses atouts en exergue. – Au contraire, les jeunes qui manifestent leur préférence pour travailler en Martinique évoquent avant tout la possibilité de rester auprès de leur famille. 45 2.5. Vie pratique ordinaire Résumé : Argent et consommation • Chez les jeunes « sans problème apparent », on est assez loin de la consommation ostentatoire observable chez bon nombre de Martiniquais – – – • Au contraire, la culture des univers de la pauvreté est dominée à la fois par le manque, la débrouillardise et la surconsommation – • Epargner pour réaliser des études ou à des fins de loisirs ou pour « économiser pour réussir sa vie après ». Néanmoins, « le jeune aime avoir de l’argent pour se sentir bien » La vie est chère en Martinique pour les jeunes: peu de tarifs jeunes… L’argent serait symboliquement un bien détenu par un autre membre d’un univers étranger : « l’argent que l’on a, soit des allocations ou soit de nos jobs, c’est comme une sorte de butin pris sur l’ennemi » Les modes de consommation restent soumis d’abord à la puissance des sollicitations des médias publicitaires et à l’irrationalité caractérisant en général les personnes en manque de compétences discriminatoires – Pour certains d’entre eux, dans leur esprit se confondent dans une large mesure d’une part l’image et la réalité, et, d’autre part, l’imaginaire et la conscience du réel, en raison notamment de la part extrêmement importante de la télévision dans l’occupation du temps par ces jeunes – C’est ce processus d’assimilation réductrice qui permet la transgression des normes et qui conduit à la violence, c'est-à-dire au mauvais traitement de ce qui est devenu désormais trop souvent une marchandise, c'est-à-dire le sujet humain fait objet. Mode Les jeunes martiniquais mettent en œuvre des stratégies orientées vers les marqueurs afro-américains des modèles qui les séduisent. • L’attrait de « l’afro américain jamaican style » est général, mais n’est pas sans danger pour les jeunes les plus vulnérables en faisant l’apologie de « l’argent facile », de la luxure et même du banditisme à partir de l’exposition d’une trilogie d’accroche argent/sexe/drogue. • Les stratégies liées à la mode c'est-à-dire d’un recours ostentatoire à la possession et à l’exhibition de l’objet « à la mode » ne peuvent être séparées des aspirations générales 46 des femmes et des hommes de notre temps à l’individuation, à l’hédonisme et consumérisme. • Les objets « à la mode » sont dits « objets signe » parce qu’à la fois ils opèrent dans le registre de la monstration c'est-à-dire ils désignent leur propriétaires-porteurs comme étant acteur participant de la modernité et du progrès, et, dans le même temps, ils les distinguent des autres qui seraient, à l’opposé, implicitement stigmatisés en tant que « passéistes. » (Casquettes, sac à dos, bandanas, pantalons taille basse…) TIC Que faites-vous entre 18 et 21hr avec vos téléphones portables et l’Internet ? • Les téléphones portables et la télévision sont utilisés par les jeunes pour la mise en scène de leurs modèles – Le plus souvent les motifs sont de l’ordre de la futilité (« le tchatchage ») – Permet une pratique intense des « maillages relationnels à distance» ; tels que les réseaux sociaux Loisirs On retrouve en Martinique le bon vieil adage « l’oisiveté est la mère de tous les vices ». Les jeunes notent l’absence d’activités après 17hr, même pour les touristes, alors que dans les îles voisines, il y a des transports et de l’animation toute la nuit. Les jeunes demandent également plus de responsabilités dans l’organisation de manifestations : « Pourquoi ne pas laisser les jeunes organiser des manifestations avec l’aide des adultes mais en leur faisant confiance car ils connaissent les codes entre eux et savent comment se parler. » 2.5.1. Le rapport à l’argent ► Chez les jeunes « sans problème apparent », on est assez loin de la consommation ostentatoire observable chez bon nombre de Martiniquais. Les jeunes interrogés se montrent assez conservateurs concernant l’utilisation de leur argent de poche ou de revenus divers : ils pensent à épargner pour réaliser des études ou à des fins de loisirs ou pour « économiser pour réussir sa vie après ». ► Chez les jeunes en « écart social », la situation est plus complexe. C’est avant tout, un rapport significatif de la situation de pauvreté. Rappelons que les univers de la pauvreté sont en Martinique ceux qui sont les plus soumis à la dépendance aux dispositifs d’assistance sociale. Dans le budget des ménages auxquels appartiennent les jeunes en écart, ce type de revenu intervient soit en complément de salaires du niveau des minima sociaux, ou soit, comme c’est souvent le cas, en tant qu’unique ressource. 47 Contrairement aux acteurs bénéficiant d’un positionnement social intégré et assuré par une rémunération sécurisée, pour cette catégorie de jeunes, l’argent constitue d’abord un enjeu vital qui nécessite toujours, pour eux-mêmes ou pour leurs parents, un exercice quotidien compliqué. Il est souvent lié quasi exclusivement à des « revenus concédés », c'est-à-dire à des allocations versées dans le cadre des droits sociaux. Sauf dans les jours suivant les échéances de perception des dites allocations, il est rare que l’argent soit une ressource disponible suffisante pour satisfaire les besoins élémentaires (repas, électricité, eau etc.…). Assurer la subsistance conduit à d’incessantes négociations : négociation entre la femme chef de ménage et les différents pères de ses enfants, entre femme et amant, entre frères et sœurs résidant dans la maisonnée, entre petits enfants et grands parents etc… C’est dire que l’argent ne peut faire l’objet que très exceptionnellement d’une accumulation domestique, conduisant par conséquent à une utilisation rationnelle. Au contraire, dans le contexte de l’hyper modernité la culture des univers de la pauvreté est dominée à la fois par le manque, la débrouillardise et la surconsommation. L’argent serait symboliquement un bien détenu par un autre membre d’un univers sinon étranger, tout au moins différent appartenant à un ailleurs, quelque soit le caractère excessif de ce point de vue ; comme nous l’a déclaré un jeune (opinion appuyée par d’autres présents à ses cotés), « l’argent que l’on a, soit des allocations ou soit de nos jobs, c’est comme une sorte de butin pris sur l’ennemi ». On mesure combien pèse un tel marqueur sur ces éléments stratégiques (le manque, la débrouillardise et la surconsommation) qui structurent le rapport à l’argent chez ces jeunes pauvres et en écart. Il est important de retenir que ces trois composantes culturelles correspondent à des manières de faire stratégiques, concrètes et quotidiennes qui soumettent en permanence les jeunes en écart aux sollicitations créées par ce qu’il convient d’appeler « l’envie ». o De leur façon de gérer cette force intérieure de l’envie dépendra souvent leur destinée, car se soumettre unilatéralement ou impulsivement à la satisfaction de leurs désirs, c’est fréquemment recourir à des actes inciviques ou illicites. o A l’inverse, cette force de l’envie peut ouvrir à des stratégies volontaristes positives d’accroissement des capacités d’amélioration des compétences et, par suite, d’insertion sociale 2.5.2. La consommation L’accès à la consommation qui est lié à l’enjeu de la possession de la ressource financière n’est pas une démarche aisée. Elle est problématique au sein des univers de la pauvreté auxquels appartiennent les jeunes. Mais son importance c’est que l’accès à la consommation est devenu un des marqueurs principaux de la vie moderne. Consommer c’est faire partie de son temps, c’est aussi pratiquer l’accès aux progrès techniques. Sauf exception due à des comportements psychopathologiques de type addictif, les modes de consommation restent soumis d’abord à la puissance des sollicitations des médias publicitaires et à l’irrationalité caractérisant en général les personnes en manque de compétences discriminatoires. Les jeunes de cet échantillon font partie pour la plupart de cette catégorie. 48 o A la différence de tous qui ont déjà sombré dans la marginalité, ils gardent encore la mesure d’une certaine retenue ; mais sur ce point aussi, ils sont sur « la frontière ténue de la limite ». o A noter que la consommation de l’alcool en moins, les jeunes femmes sont à la fois plus contrôlées et plus sous tensions de la frustration de leurs envies non satisfaites. La maternité et l’élevage de leur(s) enfants les contraignent à partager, voire même à différer certains de leurs actes de consommation. o Mais femmes et hommes des échantillons des groupes en insertion sociale subissent et participent de la même soumission à la consommation et à une occupation de leur conscience par l’objet marchand. L’objet qui les obsède, les hante, leur fait envie et leur apporte bien du plaisir ; l’objet qui prend toutes les formes réelles et imaginaires et qui finit par être assimilé à des sujets. La force de l’image est passée par là, par le moule de la marchandisation. Et nous le verrons plus bas, la part extrêmement importante de la télévision dans l’occupation du temps par ces jeunes. Ils dévorent le temps ainsi, mais, en même temps, l’image les dévore. Pour certains d’entre eux, dans leur esprit se confondent dans une large mesure d’une part l’image et la réalité, et, d’autre part, l’imaginaire et la conscience du réel. C’est ce processus d’assimilation réductrice qui permet la transgression des normes et qui conduit à la violence, c'est-à-dire au mauvais traitement de ce qui est devenu désormais trop souvent une marchandise, c'est-à-dire le sujet humain fait objet. 2.5.3. La mode Les jeunes martiniquais mettent en œuvre des stratégies orientées vers les marqueurs afro-américains des modèles qui les séduisent. • L’attrait de « l’afro américain jamaican style » est général, mais n’est pas sans danger pour les jeunes les plus vulnérables en faisant l’apologie de « l’argent facile », de la luxure et même du banditisme à partir de l’exposition d’une trilogie d’accroche argent/sexe/drogue. • Les stratégies liées à la mode c'est-à-dire d’un recours ostentatoire à la possession et à l’exhibition de l’objet « à la mode » ne peuvent être séparées des aspirations générales des femmes et des hommes de notre temps à l’individuation, à l’hédonisme et consumérisme. • Les objets « à la mode » sont dits « objets signe » parce qu’à la fois ils opèrent dans le registre de la monstration c'est-à-dire ils désignent leur propriétaires-porteurs comme étant acteur participant de la modernité et du progrès, et, dans le même temps, ils les distinguent des autres qui seraient, à l’opposé, implicitement stigmatisés en tant que « passéistes. » (Casquettes, sac à dos, bandanas, pantalons taille basse…) 49 ► L’attrait de « l’afro américain jamaican style » est indéniable, mais n’est pas sans danger pour les jeunes les plus vulnérables en faisant l’apologie de « l’argent facile », de la luxure et même du banditisme à partir de l’exposition d’une trilogie d’accroche argent/sexe/drogue. On le sait, du point de vue de l’économie globale, la mode est une orientation déterminée de l’offre de production qui a de ce fait une traduction marchande ; une traduction des modèles de consommation en matière alimentaire, d’habillement, de musique, d’images, etc... La question est de savoir quels sont les modèles auxquels sont le plus sensibles les jeunes martiniquais dits « en écart », étant entendu qu’ils restent, comme tous les jeunes martiniquais d’aujourd’hui confrontés aux trois modèles indiqués précédemment (franco antillais traditionnel, français et afro américain). Il se trouve que parmi ces 3 modèles, il y en a un, à savoir, l’afro américain qui s’est moulé à la culture d’une des îles de la Caraïbe en intégrant un des éléments de son patrimoine musical qui a séduit le monde entier : il s’agit de la Jamaïque, du reggae et de l’image du personnage de légende qu’a été Bob Marley. Par la suite, la puissance d’attrait du rythme et des thématiques de cette musique a contribué à constituer un noyau culturel autour duquel se sont greffées tous les musiques se réclamant de la dance hall ainsi qu’une imagerie singulière. o A l’ère des clips vidéo, médias privilégiés de l’hyper modernité culturelle qui véhiculent avec grande efficacité les complexes sons/ images/gestes, cette forme d’expression musicale et imagée a opéré une grande séduction, en particulier, sur les générations jeunes de toutes les Antilles. o Sa composante négro caribéenne n’est pas non plus étrangère à ce succès, y compris dans les Antilles hispanophones. o Les jeunes y puisent un grand nombre des ingrédients composant habituellement leurs stratégies en matière musicale et télévisuelle bien sur, mais aussi d’habillage et de gestualité. Mais pour les jeunes les plus vulnérables, certaines expressions de ce modèle qui font l’apologie de « l’argent facile », de la luxure et même du banditisme à partir de l’exposition d’une trilogie d’accroche argent/sexe/drogue ne sont pas sans danger. Les jeunes « en écart » qui sont majoritairement défaillants du point de vue de leurs capacités cognitives de discrimination sociale ont tendance du point de vue identificatoire à se soumettre à ces messages. En fin de compte, en matière de mode nous avons affaire chez les jeunes martiniquais à des stratégies très composites, néanmoins plutôt orientées vers les marqueurs afro américains des modèles qui les séduisent. Bien évidemment ces stratégies sont toujours la résultante de choix pour mettre en œuvre au plan personnel les besoins créés par les trois grandes logiques (consumérisme, hédonisme et individuation) du monde dans lequel ils vivent. Pour chaque jeune l’enjeu consiste à apprécier les ressources dont ils disposent pour accéder aux biens matériels et immatériels symbolisant la part du modèle qu’il lui plait de satisfaire ; le cas échéant, de savoir quels efforts il peut accomplir pour les acquérir. Le problème pour les jeunes en écart, c’est que l’accès à ces biens les met en tension anomique, c'est-à-dire ils vivent en permanence l’écart entre les contraintes d’acquisition de 50 ces biens et le niveau de leurs ressources. Ceux d’entre eux qui franchissent le pas pour se les accaparer coûte que coûte plongent dans la déviance. Ils n’ont pas les moyens cognitifs et éducatifs pour résister à « l’envie » de la possession si caractéristique de la culture de la surconsommation ambiante. ► Révolte sinon non-conformité par rapport aux normes des générations nées ou grandies avec l’époque de l’assimilation, affichage de l’aspiration à l’émancipation individuelle, attachement sans réticence à la consommation, propension sans mauvaise conscience morale au plaisir : tels sont les significations et les messages portés par la plupart des nouvelles stratégies identitaires des jeunes martiniquais actuels. Les stratégies liées à la mode c'est-à-dire d’un recours ostentatoire à la possession et à l’exhibition de l’objet « à la mode » ne peuvent être séparées des aspirations générales des femmes et des hommes de notre temps à l’individuation, à l’hédonisme et consumérisme. Le recours aux objets à la mode est d’autant plus important que nous sommes dans un milieu de concentration sociale donc de « visualisation humaine interactive » et de « miroir ». En fonction des désirs de chacun, tel ou tel objet est privilégié ; mais il reste que les courants de la mode ont tendance à magnifier certains types objets et à créer ainsi une panoplie d’objets phare. Il s’agit surtout de ceux que l’on porte sur soi ou qui servent d’accessoires pouvant être perçus, vus ou montrés (parfums, bijoux, vêtements, voitures…). Ces objets ont une puissance de représentation dans les logiques de distinction/ressemblance. Ils sont dits « objets signe » parce qu’à la fois ils opèrent dans le registre de la monstration c'est-à-dire ils désignent leur propriétaires-porteurs comme étant acteur participant de la modernité et du progrès, et, dans le même temps, ils les distinguent des autres qui seraient, à l’opposé, implicitement stigmatisés en tant que « passéistes ». Objets signe parce qu’ils annoncent un ancrage des jeunes dans l’hyper monde de la modernité ; à l’inverse les autres générations seraient déjà frappés d’une sorte de « déchéance » identitaire parce déjà hors du monde du progrès et du bonheur ; deux valeurs montantes de l’hyper modernité que garantirait la culture de la consommation. Ces objets – signe ont tous force de symbole : o La casquette c’est la sportivité, le sac à dos, l’aventure ; les deux s’inscrivent dans le registre de l’individuation donc de l’affirmation de la liberté. - Plus globalement, et c’est le cas de tous les objets signe arborés par les jeunes, ces objets cherchent à symboliser l’appartenance au mouvement de planétarisation de la terre et à la nouvelle idéologie sur la citoyenneté mondiale. Cette tendance ne serait pas celle de la génération adulte qui clamerait, au contraire, la nécessité d’un ancrage dans l’identité antillaise. - Ces objets seraient une fois de plus, le moyen pour faire la démonstration de la prise de distance du jeune d’avec son milieu et sa propension à affirmer sa liberté. 51 o Par rapport à cette panoplie très nombreuse d’objets signe de la culture actuelle « jeune », deux marqueurs de la mode « jeunes » méritent en effet une attention particulière, sans pour autant les extraire des logiques dominantes déjà indiquées : - Le bandana : tel que porté par certains jeunes friands de mode ou franchement marginaux, cet accoutrement prend l’allure d’un symbole de révolte sociale - Les jupes ou les pantalons taille basse : ces vêtements exposent, souvent jusqu’à la limite du début du pubis, le ventre nu des jeunes femmes, comme signe ostentatoire d’émancipation sexuelle, par conséquent de liberté. Révolte sinon non-conformité par rapport aux normes des générations nées ou grandies avec l’époque de l’assimilation, affichage de l’aspiration à l’émancipation individuelle, attachement sans réticence à la consommation, propension sans mauvaise conscience morale au plaisir : tels sont les significations et les messages portés par la plupart des nouvelles stratégies identitaires des jeunes martiniquais actuels. 2.5.4. Technologies de l’information et de la communication Les jeunes martiniquais « en écart » comme tous les autres jeunes sont des insulaires vivant sur un territoire hors des lieux de production des biens en tous genres. Sauf à pouvoir se rendre aux grands spectacles présentant des vedettes du show biz américain, Trinidadien ou Jamaïcain, ils ne peuvent pas avoir accès physiquement à leurs « modèles » autrement que par le télévision principalement. En dehors de la télévision familiale, ils ne disposent pas le plus souvent d’ordinateur et, par voie de conséquence, de l’accès à internet. Pour eux, l’autre moyen privilégié de se relier aux réseaux de production et de communication des images participant de la mise en scène de leurs modèles (nous avons dit, prioritairement l’afro américain jamaican style), reste le téléphone portable. De façon marginale, en milieu urbain (Fort de France mais aussi grands bourgs de commune), ils peuvent capter ces images sur les écrans plasma accrochés dans certains bars. Que faites-vous entre 18 et 21hr avec vos téléphones portables et l’Internet ? Déplacements, communication et réseaux sociaux : • Tout ce qui est de l’ordre de l’utilisation du temps hors des moments réservés aux obligations (études, formation, travail etc..), en particulier les séquences de loisirs mettent en évidence la forte propension des jeunes à se regrouper, à se rencontrer et à échanger. Le plus souvent les motifs sont de l’ordre de la futilité (« le tchatchage »); qu’importe, il y a là une grande source de plaisir partagé, aspiration, nous l’avons souligné précédemment, primordiale pour cette génération. • Le deuxième point a trait à l’importance des réseaux relationnels dans le contexte de grande concentration humaine et sociale du milieu martiniquais : c’est évidemment une caractéristique qui influence beaucoup la vie des jeunes dans la mesure où ces derniers développent une pratique intense des « maillages relationnels à distance», qui compensent la mauvaise qualité des transports à la Martinique. 52 2.5.5. Loisirs Résumé : On retrouve en Martinique le bon vieil adage « l’oisiveté est la mère de tous les vices ». Les jeunes notent l’absence d’activités après 17hr, même pour les touristes, alors que dans les îles voisines, il y a des transports et de l’animation toute la nuit. Les jeunes demandent également plus de responsabilités dans l’organisation de manifestations. • « Quelque soit l’endroit, campagne ou ville, c’est l’ennui qui amène le jeune à faire des bêtises » – « le jeune attend des activités de proximité pour s’occuper mais il n‘y a rien ou sinon c‘est trop cher pour lui » – « très tôt les quartiers sont morts, pas d’animation ; pas de tournoi de foot le soir par exemple » – « les jeunes voudraient s’exprimer alors ils se mettent ensemble pour acheter une bouteille d’alcool alors qu’avec 2€ ils ne peuvent rien faire seuls. C’est la raison pour laquelle ils se regroupent; car ils mettent en commun leurs moyens, bons ou mauvais » • « Pas assez d’activités pour les empêcher d’aller casser » – « le jeune qui va jouer au foot n’aura pas envie d’aller casser car il sera fatigué en entrant chez lui et n’aura pas envie de ressortir » – « Les sons peuvent permettre a des jeunes de révéler leurs talents ; certaines communes sont mortes le week-end (même pas une vendeuse de pistaches) » • « Trop de répression, pas assez de confiance aux jeunes » • « Ils s’ennuient dans les cités et à la campagne c’est pire d’autant plus que les équipements sont encore plus limités à la campagne sans compter les problèmes de transport » • « Dans les petites îles de la Caraïbe, il y a des animations et des transports toute la nuit mais en Martinique même pour les touristes il n’y a rien après 17h » • « Pourquoi ne pas laisser les jeunes organiser des manifestations avec l’aide des adultes mais en leur faisant confiance car ils connaissent les codes entre eux et savent comment se parler » 53 2.6. Citoyenneté Le mouvement populaire de février-mars 2009 a suscité un sentiment d’injustice mais a aussi entrouvert une fenêtre d’opportunité. • De l’incompréhension face au « système » – « La Martinique ne nous appartient plus ; tout est fabriqué par le système; on interdit plein de choses que l’on met à disposition des jeunes (cigarette, alcool…) alors comment ne seraient-ils pas tentés » – « On fait des spectacles avec des artistes pour des jeunes (ex. Sean Paul) mais le prix d’entrée est exorbitant. Les jeunes sont confrontés à tout et son contraire, ils ne s’y retrouvent plus » – « le système politique a échoué à la Martinique » – « Par rapport à la multiplicité des problèmes sociaux de toutes sortes qui frappent la Martinique, les jeunes sont les premiers responsables à cause de leur comportement »: « Non, la politique et le système de consommation y sont pour beaucoup » • Un sentiment d’injustice qui suscite la révolte – « la présence des fourgons pendant la grève a déclenché un sentiment d’injustice et de révolte » – « Les jeunes ont vu des comportements du patronat souvent blanc qu’ils ont jugés provocateurs et arrogants » – « Les jeunes martiniquais estiment que la justice a une capacité à prendre en permanence des décisions équitables »: « non, car plusieurs affaires ont montré que « ravèt pa ni rézon douvant poule » • Le mouvement populaire de février-mars 2009 est perçu comme ayant entrouvert une fenêtre d’opportunité – « La diminution de tous les problèmes va améliorer la vie en Martinique mais il faudrait changer le système politique pour que les jeunes générations voient les choses autrement » – « Depuis la grève le regard sur les jeunes a un peu changé, les gens ont vu qu’ils savaient aussi s’organiser, avaient une pensée et qu’il ne fallait pas seulement se fier à leur look » – « Il faut absolument résoudre les problèmes du chômage pour que les jeunes ne se sentent pas rejetés et aient de nouveau confiance » 2.7. Vie en société et spiritualité Le respect et la solidarité sont des valeurs moins respectées en raison de l’individualisme croissant. • Le respect et la solidarité seraient deux valeurs moins respectées – Le savoir-vivre en société reposerait selon les jeunes principalement sur deux valeurs : respect et solidarité 54 • – Ces valeurs sont perçues comme moins « respectées » que par le passé en raison d’un déficit d’éducation et de l’individualisme exacerbé : « beaucoup de personnes veulent se sentir supérieures aux autres » – Le développement du savoir-vivre ensemble passerait notamment par la valorisation des initiatives et réalisations positives des jeunes • par exemple « en créant un site Internet » et par l’exemplarité des adultes La religion est un sujet qui suscite plus de questions qu’il n’apporte de réponses – « On se demande si Dieu existe » – La religion est perçue comme une source de réconfort possible – Elle est aussi considérée comme une démarche quelque peu « conventionnelle » qui permet à certains de se donner « bonne conscience » : « Beaucoup de gens se cachent derrière la religion » – Pour certaine jeunes, la religion évoque spontanément la violence, le prosélytisme, un caractère trop normatif ou strict. – Le rastafarisme est assimilé à une religion et non à une secte – Certains jeunes regrettent la disponibilité de livres sur le « quimbois » dans certaines bibliothèques scolaires – Comment interpréter le succès des « Journées mondiales de la jeunesse »? • Le fait de se retrouver entre jeunes, de rencontrer des habitants d’autres pays, de participer à une cérémonie grandiose 55 2.8. Opportunités et menaces Des opportunités favorisent la prise en compte des 9 TIC …mais les sujets d’inquiétude sont prégnants Menaces 9 Départs à la retraite en 2015 9 Vieillissement de la population 9 Ambiance favorable à l’expression des jeunes en Martinique: évolutions institutionnelles, élections à venir, mouvement populaire février-mars 2009… 9 Raréfaction des ressources 9 Prégnance en France de la nécessité d’une amélioration de la situation des jeunes de transfert 9 Violence et insécurité Incertitudes 9 Durée crise économique actuelle? 9 Capitalisme ultralibéral ou humaniste? 56 2.9. Forces et faiblesses Un effort collectif est nécessaire pour surmonter les obstacles. Atouts • Formation générale • Accès à la technologie • Modèles de référence • Diaspora • Il reste des créneaux à investir • Syndrome de la proximité • Débrouillardise • Diversité ethnoculturelle Faiblesses • Freins objectifs – – – – – • Chômage des jeunes Vie chère et manque d’autonomie financière des jeunes Logement: coût et disponibilité Parents démissionnaires Enseignants dépassés Obstacles psychosociologiques – – – – – Confiance en soi Confiance en l’avenir de la Martinique Confiance en la capacité des adultes et des élus à résoudre les problèmes des jeunes Représentations discutables Rapport à l’autorité 57 Partie 3 – Recommandations pour améliorer les conditions d’existence de la jeunesse en Martinique De nombreuses pistes d’actions ont pu être identifiées à partir du diagnostic précédent, d’entretiens et de bonnes pratiques internationales, tout cela en cohérence avec les documents stratégiques existants. Les recommandations de cette partie sont articulées autour d’une typologie des principaux problèmes à résoudre, spécifiques à la Martinique: ► ► ► ► ► ► ► Rétablir la confiance des jeunes Encourager le respect de certaines valeurs Améliorer l’enseignement secondaire Améliorer les perspectives d’emploi Développer l’autonomie financière des jeunes Renforcer l’attractivité du territoire Enrichir l’offre culturelle et de loisirs Fondamentalement, il s’agit de promouvoir l’égalité des chances, entre les jeunes et leurs aînés, entre les jeunes sans problème apparent et les jeunes en écart social, entre les filles et les garçons. 58 3.1. Rétablir la confiance des jeunes Résumé : Les jeunes martiniquais expriment un manque de confiance multiforme. Il convient donc d’insuffler une nouvelle dynamique qui passe par une modification de l’image intériorisée du pays, en communiquant plus sur les atouts de la Martinique et en montrant que le sort des jeunes est une véritable préoccupation des élus, et par le renforcement de la confiance individuelle et collective, par l’exemplarité et la valorisation de l’histoire de la Martinique. Rappel d’éléments du diagnostic : Les jeunes Martiniquais sont extrêmement pessimistes concernant l’avenir de la Martinique et ils ne s’imaginent pas vivre en Martinique. L’envie de partir est motivée principalement par des facteurs négatifs : manque de travail, détérioration de la qualité de vie (insécurité, manque de respect entre Martiniquais, problèmes entre les groupes ethnoculturels…), manque de reconnaissance de la réussite, oisiveté ; ainsi que par une raison positive : l’envie de découvrir autre chose. Il convient donc de tenter de restaurer la confiance des jeunes en l’avenir et la confiance en eux, en combinant plusieurs pistes : • • • Communiquer sur les atouts de la Martinique Montrer que le sort des jeunes est une véritable préoccupation des responsables Faire tomber certaines barrières psychosociologiques 3.1.1. Communiquer sur les atouts de la Martinique pour enrayer la sinistrose ambiante qui est transmise aux jeunes Il s’agit d’une action particulièrement importante. La Martinique souffre d’un déficit de communication « positive ». Insuffler une nouvelle dynamique passe par une modification de l’image intériorisée du pays, de ses ressources et de ses capacités à donner aux jeunes l’envie de rester. Dans la perspective de changer l’image que se font les habitants du pays, différents canaux de communication devraient pouvoir être mobilisés : ► Développer les relations « Presse » A ce jour, les images véhiculées ont essentiellement trait aux problèmes de sécurité, aux difficultés de la Martinique. Il serait nécessaire de valoriser les initiatives, les expériences réussies, les atouts du pays. La communication sur la réalisation de la présente étude, la mobilisation des jeunes, des techniciens, des élus, la valorisation de ce qui « fonctionne » devraient permettre de nuancer les images qui prédominent actuellement. ► Infléchir le discours des élus et des experts 59 Ici encore, il s’agit de relayer des messages plus positifs afin de donner envie aux jeunes de construire leur avenir en Martinique. ► Développer les rencontres entre jeunes et élus L’étude montre que les jeunes peuvent se mobiliser pour dialoguer avec les élus. S’il est toujours difficile de mobiliser les jeunes, l’expérience montre que de telles rencontres peuvent être extrêmement constructives. Le développement de ces rencontres suppose en revanche qu’elles soient organisées. Il s’agit bien d’aller « vers les jeunes » et non pas d’attendre qu’ils se mobilisent spontanément. 3.1.2. Montrer que le sort des jeunes est une véritable préoccupation des responsables politiques et administratifs Cette démonstration implique de construire une politique jeunesse à l’échelle de la Martinique et de l’affirmer en associant les jeunes. ► Construire une politique jeunesse dépassant le seul cadre communal… Afin de créer une dynamique, de mutualiser des ressources et des moyens, il serait nécessaire d’élaborer une politique jeunesse dépassant le seul cadre des communes. Cette politique devrait être affirmée et communiquée afin de montrer que la jeunesse est une réelle préoccupation et un champ d’investissement pour la Martinique9. ► …et l’affirmer en associant les jeunes Une telle politique passe notamment par l’association et l’implication des jeunes à la vie sociale et citoyenne. Des actions de ce type existent déjà. Il s’agirait de les renforcer en accordant une place aux jeunes dans les instances en charge de l’élaboration des politiques et /ou la mise en œuvre d’actions en leur faveur (par exemple association des jeunes dans le fonctionnement des missions locales, au sein des conseils de développement, au sein des conseils municipaux…). 3.1.3. Faire tomber certaines barrières psychosociologiques Les recommandations de cette section visent à desserrer des freins psychosociologiques et culturels identifiés précédemment, comme l’aversion au risque, le manque de confiance en soi ou le manque de confiance collective dans les Martiniquais en tant que peuple. Elles sont structurées autour des axes suivants. • • • • Promouvoir l’exemplarité Valoriser l’histoire Encourager le dépassement de soi Communiquer sur les réussites d’autres petits pays 9 Il faut signaler à cet égard les conséquences désastreuses du conflit CFA de Ducos en début 2009 où les jeunes de certaines filières n’ont pas pu poursuivre leur formation comme prévu initialement ; les jeunes en veulent énormément au « système ». 60 ► Promouvoir l’exemplarité pour renforcer la confiance et diminuer l’aversion au risque Les modèles ont un rôle primordial pour donner confiance. La promotion de ces référents peut passer par les actions suivantes : • • • • Faire témoigner les chefs d’entreprise locomotives sur leur parcours Mettre en valeur les Martiniquais de la Diaspora qui ont eu un parcours hors du commun Dynamiser la communication des organisations professionnelles o Utiliser les entreprises leaders comme référents Par exemple, le mois de la qualité de l’ADEM en fin 2007 a révélé une entreprise exemplaire dans ce domaine o Faire des focus sur des domaines managériaux dont la maîtrise procure un avantage concurrentiel en Martinique (logistique, marketing stratégique…) Favoriser (conseil / accompagnement) la bonne gouvernance/gestion des structures associatives, en tant que tremplin vers les responsabilités au sein des entreprises. ► Valoriser l’histoire pour la confiance dans les Martiniquais en tant que peuple Il s’agit ici de revisiter l’histoire en mettant en valeur les réussites des ethnies africaines ou d’ascendance africaine, dès les classes primaires. On pense aux réalisations Egyptiennes, aux royaumes Peuls ou aux luttes d’indépendance en Afrique et dans la Caraïbe. Dans la même veine, de nombreux savants et artistes Martiniquais restent méconnus du grand public. ► Encourager le dépassement de soi Cette proposition vise à donner plus d’audace, à encourager les jeunes à prendre plus d’initiatives. Des modalités en sont les jeux de rôle, les cours de théâtre ou les ateliers d’improvisation, dans les écoles et dans les entreprises. ► Communiquer sur les réussites d’autres petits pays L’analyse en elle-même a l’intérêt de scruter ce qui est applicable à la Martinique. L’identification de bonnes pratiques quant à elle permet de communiquer sur le caractère non inéluctable de l’ultrapériphéricité comme un handicap. Des premiers exemples sont : • La corrélation entre le développement économique fulgurant de l’Irlande et le choix politique des TIC comme outil stratégique de développement, outre les investissements des Américains d’origine irlandaise ; • L’instrumentalisation des transports maritimes comme outil de développement dans le cas de Singapour, outre l’esprit d’initiative de la communauté d’origine Chinoise ; • La discipline et des choix sectoriels de développement clairs dans le cas de l’Île Maurice ; 61 • La structuration de la filière touristique et une stratégie commerciale agressive en direction de l’Afrique de l’Ouest dans le cas des Canaries, outre un lobbying structuré auprès des instances européennes. On peut également communiquer sur des initiatives à l’ambition plus modeste, comme la création d’organisations de promotion à l’étranger de certains secteurs d’activités, par exemple la Barbados Coalition of Service Industry10. 3.2. Encourager le respect de certaines valeurs Résumé : Le respect et la solidarité sont des valeurs qui se délitent, comme conséquence logique de la propension forte à l’individuation, des besoins consuméristes exacerbés et de la recherche hédoniste. Les principales recommandations de cette section sont : 1) d’axer la spiritualité sur la responsabilisation et la solidarité en encourageant les jeunes à être des acteurs de l’organisation d’activités évènementielles (ainsi, pourquoi ne pas confier aux pastorales des projets pouvant être valorisés dans la Caraïbe ou au Vatican, par exemple des actions humanitaires ou de développement durable) et 2) de responsabiliser les jeunes à l’effort nécessaire pour gagner de l’argent en les mettant en situation concrète de gestion financière, ce qui les sensibilisera également à la valeur travail. Rappel d’éléments du diagnostic : La Martinique est l’objet d’un délitement du respect et de la solidarité comme conséquence logique de l’individuation et du consumérisme: 9 Un positionnement identitaire hybride : l’antillanité française traditionnelle, le modèle français ordinaire, la subculture afro-américaine 9 Un attachement à la Martinique sans angélisme 9 Des relations intergénérationnelles empreintes d’une attitude des adultes jugée hostile 9 Un rapport à la modernité orienté vers des marqueurs afro-américains 9 Le respect et la solidarité sont des valeurs de moins en moins respectées, comme conséquence logique de la propension forte à l’individuation, des besoins consuméristes exacerbés et de la recherche hédoniste Il convient donc de favoriser le respect de certaines valeurs, notamment la spiritualité, et de redéfinir le rapport à l’argent. La dynamisation d’espaces de dialogue, comme la famille, l’école, les lieux de résidence, les espaces de loisirs ou les espaces discursifs avec les élus, est proposée selon plusieurs modalités dans diverses sections des recommandations. 10 La BCSI et son homologue Trinidadienne ont d’ailleurs été reçues à la Martinique par la CCIM en fin 2007. 62 3.2.1. Mettre en valeur la spiritualité pour développer le respect de soi, le respect de l’autre et la solidarité ► Il s’agit d’axer la spiritualité sur la responsabilisation et la solidarité en encourageant les jeunes à être des acteurs de l’organisation d’activités évènementielles. Quelques exemples sont : • Confier aux jeunes l’organisation de rencontres thématiques: l’identification de thèmes et personnes ressources (la drogue, par exemple), la recherche de sponsors, la fabrication de T-shirts imprimés… • Permettre aux jeunes de chanter sur des musiques qu’ils aiment : ragga, « toasts » sur la paix ou le respect… Ces initiatives ont les implications suivantes : 9 Les paroisses doivent s’ouvrir à ce genre de manifestations sur l’exemple des « pastorales de jeunes »; c.-à-d. ne pas seulement être un lieu de catéchisme 9 Les media doivent faire plus de reportages sur ces activités 9 Alors certains des jeunes concernés pourraient participer aux Journées Mondiales de la Jeunesse 9 Les décideurs politiques doivent confier aux pastorales des projets pouvant être valorisés dans la Caraïbe ou au Vatican, par exemple des actions humanitaires ou de développement durable. Le dépassement de certains obstacles psychosociologiques signalés plus en avant s’en trouverait facilité : 9 Respect de soi11 : Rapport au corps et comportements déviants: santé, addictions, violence… 9 Respect de l’autre : relations intergénérationnelles, rapport à l’autorité, violence 9 Solidarité: – au moyen des thèmes retenus – avec des effets d’entraînement sur la participation à d’autres associations 11 L’encouragement au respect de soi passe aussi par la reconnaissance et la valorisation des initiatives et des réalisations positives des jeunes, par exemple en « créant un site Internet pour les jeunes » comme le demandent certains jeunes interrogés pour cette étude. 63 3.2.2. Eduquer sur l’argent en responsabilisant les enfants par la mise en situation de gestion financière et sans faire de moralisme Plusieurs axes d’actions sont envisageables : ► Responsabiliser à l’effort nécessaire pour gagner de l’argent en les mettant en situation concrète de gestion financière : Des modalités en sont : • Animation de quartiers pendant les vacances (kermesses…) où les jeunes doivent trouver des recettes (tickets d’entrée, T-shirts…) • Organisation de projets au sein de foyers ruraux • Créer des conseils d’administration de jeunes • Gérer les achats, budgets • Accompagner les jeunes pour les démarches bancaires Ces actions sensibiliseront également les enfants à la valeur travail. ► Sensibiliser les jeunes à l’argent par l’éducation familiale et arrêter l’hypocrisie de l’incitation à la consommation tout en considérant comme politiquement incorrecte d’éduquer aux questions financières, et sans faire de moralisme sur la consommation ostentatoire ou la mode de la transparence. ► Encourager les familles et les décideurs à ne pas laisser les enfants se considérer comme des adultes (trop tôt) Cet axe d’actions peut prendre les formes suivantes : – Vêtements: pourquoi ne pas (plus) attendre l’entrée au collège pour porter le pantalon? Pourquoi ne pas imposer un uniforme en collège? – Divertissements: peut-on ne pas dénoncer l’organisation de « zouks pour enfants de 612 ans »? – Sexualité: amener les jeunes à comprendre que l’amour n’est pas synonyme de sexe, par un accompagnement de proximité (micro-organisation pour faire de l’individualisation avec un travail en réseau versus grand-messes et grandes structures). En effet, cette assimilation impacte les relations hommes – femmes par la suite, notamment dans les domaines de la stabilité des couples et de la violence envers les femmes. La crédibilité de ces actions passe néanmoins par l’exemplarité des adultes… 64 3.3. Améliorer l’enseignement secondaire Résumé : La recommandation principale de cette section consiste à reconnaître l’enfant comme une personne, et non pas seulement comme un élève, sur le modèle de la Finlande, en donnant aux enfants, dès les petites classes, l’occasion de se découvrir des capacités dans différents domaines (jardinage, mécanique…) et en ne stigmatisant pas les élèves qui choisissent des voies professionnelles. De plus, le développement des enseignements sur la Martinique (histoire, évènements politiques, savoirs traditionnels…) est de nature à motiver les enfants. Rappel d’éléments du diagnostic : Les enseignements font peu de place à la Martinique et restent théoriques : peu de contenu en traditions et histoire de la Martinique, environnement, Caraïbe ; peu d’enseignements concrets et pratiques: sorties, activités manuelles. Les élèves interrogés expriment très fortement un désir d’écoute et de reconnaissance. Le collège est souvent l’objet de remarques négatives de la part des 12-15 ans : – Manque « d’enseignements utiles liés à la vie de tous les jours » – La mauvaise ambiance spécifiquement entre les filles est signalée, ce qui a des effets dévastateurs car elles sont sensibles à cet âge: « conflit entre les filles qui aiment mal parler » – Le lycée serait vécu comme une période plus épanouissante que le collège Il convient donc d’améliorer l’enseignement secondaire, en combinant plusieurs pistes : • • • • l’enseignement l’environnement scolaire l’approche de l’enfant l’organisation 3.3.1. Améliorer l’enseignement Ce plan d’actions peut être structuré autour de plusieurs axes : ► Développer les enseignements sur la Martinique: Histoire et différents évènements politiques; Savoirs traditionnels: environnement littoral, plantes médicinales, créole ► Dynamiser l’apprentissage en recourant à plus d’activités concrètes: Sorties, voyages, échanges…; Rencontres avec invités, historiens, personnes d’autres pays; Utiliser aussi d’autres supports que les livres: reportages TV, cinéma… ► Encourager à un enseignement plus personnalisé, plus adapté au rythme des enfants, et plus axé sur l’expression des élèves 65 3.3.2. Améliorer l’environnement scolaire ► Accompagner les parents qui ont des difficultés à élever ou motiver leurs enfants : Enseigner les règles de base pour une ambiance de réussite: repas prêts, silence quand l’enfant travail, encouragement ► Préparer dès le primaire au collège pour que ce dernier ne soit pas vécu comme un lieu agressif ► Renforcer la sécurité autour des établissements scolaires 3.3.3. Améliorer l’approche de l’enfant ► Reconnaître l’enfant comme une personne et pas seulement un élève Il s’agit de valoriser l’ensemble des compétences et qualités des enfants. La Finlande est précurseur dans ce domaine et l’application en Martinique passe par les postures suivantes: • Donner aux enfants, dès les petites classes, l’occasion de se découvrir des capacités dans différents domaines: jardinage, mécanique… • Ne pas stigmatiser les élèves qui choisissent des voies professionnelles ► Mettre du personnel d’écoute auprès des élèves dans les écoles : Ils en ont besoin car « les jeunes ne se font pas de cadeaux entre eux, ils ne s’accordent pas de circonstances atténuantes. Il ne faut pas donner l’impression d’être faible ou d’avoir peur » 3.3.4. Améliorer l’organisation ► Eviter les « classes d’élite » dans les collèges ou à tout le moins les dénominations perçues comme telles (3ème A1, A2...) ► Privilégier une approche en réseau: familles, décideurs politiques (par exemple, dans les municipalités, assistante sociale, services du logement), écoles, enfants… 66 3.4. Améliorer les perspectives d’emploi Résumé : Dans le domaine de l’enseignement, cela pourrait consister à mettre en place une formation plus centrée sur l’entreprenariat, avec des doubles formations en gestion, la revalorisation des travaux de groupes et la formation à l’entrepreneuriat des groupes défavorisés. Dans le domaine des filières, il faut identifier les secteurs porteurs par des Contrats d’Etudes Prospectives et les structurer en pôles d’excellence. Dans le domaine de l’insertion socioprofessionnelle, il faut prendre en compte les bas niveaux de qualification – validation des acquis de l’expérience – pour l’accès au niveau CAP par exemple, et il faut renforcer la coopération des acteurs de l’insertion. Pour changer positivement l’image de l’entreprise, il faut renforcer les actions sur l’image de marque des entrepreneurs, relayer une représentation plus positive de l’entreprise dans les media grands publics et promouvoir l’esprit d’entreprise dans la société civile. Rappel d’éléments du diagnostic : Les difficultés à trouver un emploi en Martinique sont la principale préoccupation des jeunes. La perception du monde de l’entreprise s’améliore mais les jeunes gardent une opinion défavorable de la formation professionnelle en Martinique : • La quasi-totalité des jeunes Martiniquais déclare qu’il est difficile de trouver un travail et les principales raisons invoquées sont le manque d’information concernant les emplois disponibles et la discrimination à l’égard des jeunes. • Le monde de l’entreprise fait moins l’objet d’une stigmatisation de la part des jeunes que leurs aînés, mais ils manifestent un attrait marqué pour l’expatriation professionnelle. Les jeunes sont moins attirés que leurs aînés par la fonction publique. • Une grande majorité des jeunes concernés à une opinion défavorable de la formation professionnelle en Martinique : « bien au contraire, c’est la galère pour avoir des informations; très souvent, c’est le bouche-à-oreille ou le hasard en ouvrant le journal.» Il conviendrait donc de tenter d’améliorer les perspectives d’emploi, en combinant plusieurs pistes : • • • • Mettre en place une formation plus centrée sur l’entrepreneuriat Créer un environnement favorable pour les jeunes à haut potentiel Agir sur l’insertion socioprofessionnelle Changer positivement l’image de l’entreprise 67 3.4.1. Mettre en place une formation plus centrée sur l’entrepreneuriat Rappel d’éléments du diagnostic : Le manque de formation appropriée en gestion est, on l’a vu, une pierre d’achoppement au développement des entreprises. Les effectifs en formation initiale de gestion, tous systèmes confondus, sont modestes. (…) On notera également la quasi-absence de filières qualifiantes/diplômantes pour les jeunes dans des domaines tels que l’hôtellerie ou le tourisme (un unique hôtel-école, quelques rares formations au tourisme). Les propositions de cette section porte essentiellement sur l’enseignement supérieur et la formation continue. En effet : o les initiatives de sensibilisation aux métiers de l’entreprise en cours dans les collèges sont adaptées au stade de développement des collégiens, au contraire d’actions de sensibilisation à la vie de l’entreprise ou à la création d’entreprise qui requièrent plus de maturité ; o l’approche métier conjuguée à l’alternance en vigueur dans l’enseignement technique en lycée est également appropriée à la maturité des lycéens. Pour ce public, l’entrée dans la vie active sensibilisera aux autres aspects de la vie de l’entreprise et déclenchera une démarche de formation complémentaire pour le développement des compétences dans la perspective d’une création d’entreprise pour ceux qui se découvrent cette fibre. A. PROPOSITIONS POUR L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR • • • • • Favoriser les doubles formations Valoriser les travaux de groupe et les études de cas pour familiariser avec le travail en équipe Familiariser les étudiants au monde de l’entreprise Permettre aux jeunes d’identifier les secteurs d’activité correspondant à leurs affinités Inciter de bons éléments à retourner travailler dans des entreprises locales après leurs études ► Favoriser les doubles formations Cette proposition vise à répondre au problème de manque de formation / compétences spécifiquement en gestion. En effet, si les chefs d’entreprise reconnaissent la disponibilité de bons ingénieurs, techniciens ou spécialistes sectoriels localement, ils déplorent le manque de compétences locales en gestion. o Il s’agit donc notamment d’ouvrir l’accès aux formations de gestion et de commerce des métiers techniques aux étudiants ayant reçu une première formation dans un autre domaine. o Cette proposition s’inspire des doubles formations université (ou « grande école ») – 3ème cycle en gestion (en Institut d’Administration d’Entreprise ou en « grande école ») qui se sont développées à l’échelon national à partir les années 80. 68 o Il y a possibilité d’utiliser pour cela le dispositif de validation des acquis de l’expérience (VAE). Cette proposition concerne tant l’UAG que l’EGC. L’EGC assure déjà une formation continue de 3ème cycle (en partenariat avec l’IAE de Bordeaux) ; L’EGC pourrait également mettre en place un 3ème cycle en formation initiale accessible aux titulaires d’un diplôme de second cycle dans d’autres spécialités que la gestion ou le commerce. Programme d’études de l’école norvégienne d’entrepreneuriat (Norvège) Ce programme a pour objectif primordial de sensibiliser les étudiants en science et en ingénierie aux perspectives offertes par l’entrepreneuriat. 1) Un cours préliminaire de printemps destiné à doter les étudiants d’une maîtrise élémentaire des divers aspects de l’entreprise, et à les préparer à la session d’été. 2) La session d’été est un stage de formation intensive à l’étranger, actuellement à San Francisco, Boston, Singapour et Shanghai. À l’issue d’un processus extrêmement sélectif, les étudiants travaillent comme stagiaires dans des start-ups particulièrement prometteuses. Ils suivent parallèlement des cours dans les universités locales, où ils s’attachent à élaborer un plan d’affaires complet. 3) À leur retour en Norvège, les étudiants rédigent et présentent un projet appliquant ce qu’ils ont appris au contexte d’activité des entreprises en Norvège. Ils ont également la possibilité de prendre contact avec des investisseurs en capital risque et de se porter candidats à l’obtention d’une subvention pour entreprises en démarrage. http://www.grunderskolen.no/inenglish.php ► Valoriser les travaux en groupe et les études de cas pour se familiariser avec le travail en équipe Il s’agit d’adopter des méthodes novatrices pour former les enseignants à l'entrepreneuriat, par exemple : • Les travaux de groupes et les études de cas, • d'autres méthodes interactives, telles que faire participer des enseignants à des activités réelles dans le cadre de projets entrepreneuriaux ou leur faire gérer une minientreprise. Par cette acquisition directe d'expérience, les enseignants pourront utiliser ces méthodes plus efficacement avec leurs élèves ou étudiants. Le système universitaire français a un système d’évaluation basé sur les travaux individuels et valorise peu les travaux en groupe. Ce système ne familiarise pas les étudiants avec la notion de travail en équipe, pourtant indispensable pour le bon fonctionnement des organisations de nos jours. 69 Il est donc proposé que les institutions d’enseignement supérieur, notamment l’UAG, intègrent les travaux en groupe dans leur système d’évaluation. Ces travaux pourraient porter sur des études de cas d’intérêt pour les entreprises et le développement de la Martinique. Le tourisme peut servir à illustrer cette proposition : o Des étudiants de Master 1 ou 2 pourraient rédiger une monographie sur le secteur touristique en Martinique dans le contexte de l’environnement caribéen. o Cette contribution prendrait la forme d’un travail en groupe, par exemple sur une durée de six mois. o La méthodologie pourrait s’appuyer sur : un travail statistique, une approche métiers, une revue des meilleures pratiques caribéennes dans les domaines des infrastructures, de la formation, de la gouvernance… o Les étudiants pourraient bénéficier pour cela du soutien méthodologique de structures d’accompagnement et de cabinets de conseil spécialisés. Outre la notion de travail en équipe, cette approche tend à professionnaliser les étudiants en leur donnant une connaissance concrète d’un secteur d’activités. ► Se familiariser avec le monde de l’entreprise Il s’agit de sensibiliser les étudiants au monde de l’entreprise, avant même d’envisager un double cursus. Diverses mesures peuvent permettre de converger vers cela : • • • • • • Recourir à plus de professionnels du secteur privé dans les formations en économiegestion-droit Faire venir des chefs d'entreprise en classe et faire participer directement les étudiants à des projets entrepreneuriaux (question de rémunération). Il est plus complexe d'appliquer les méthodes actives d'apprentissage que les approches plus traditionnelles, car les premières supposent d'amener les étudiants à engager leurs émotions et leurs ressentis dans le processus d'apprentissage. Le personnel encadrant l'apprentissage doit dès lors être à même de créer un environnement propice dans lequel les étudiants se sentent suffisamment en confiance pour oser prendre des risques. Intégrer dans les formations des témoignages sur des problématiques précises (banquiers, URSSAF…) Lancer plus de formations professionnalisantes dans les secteurs d’avenir, par exemple une licence en développement durable, en y incluant des modules entreprises et des stages Généraliser les modules de formation à la vie de l’entreprise dès la licence, dans toutes les sections de l’UAG Généraliser et évaluer les stages en entreprise et autres mises en situation professionnelle dans toutes les formations d’économie-gestion de l’UAG et des sections BTS des lycées 70 ► Permettre aux jeunes d’identifier les secteurs d’activité correspondant à leurs affinités La logique de cette proposition est que des étudiants ayant identifié de tels secteurs sont plus motivés dans leurs études et plus enclins à suivre des modules de formation sur la vie de l’entreprise. Une réflexion est en cours au rectorat de l’académie de la Martinique et au sein de quelques autres administrations, dont les principes directeurs sont les suivants : • Mettre en réseau les jeunes, enseignants, conseillers d’information et d’orientation (CIO), entreprises et administrations connaissant les métiers en tension (ASSEDIC, OPCALIA, INSEE…) grâce à un site Internet ; • Mettre en ligne un logiciel de correspondance (« matching ») compétences – affinités – métiers en tension. Un exemple de logiciel est « Atout junior ». Une présentation de ce logiciel peut être consultée sur : www.centraltest.ca/espinfo/doc/qc/dp.pdf ► Inciter de bons éléments à retourner travailler dans des entreprises locales après leurs études Cette rubrique ne comporte pas d’actions de formation à proprement parler, mais des actions en direction des étudiants. Les Martiniquais bien formés sont nombreux, y compris dans les domaines de la gestion et du commerce, mais ils sont tout aussi nombreux à préférer exercer leurs compétences en Métropole ou à l’étranger. Il s’agit d’en inciter certains à retourner en Martinique : o En mettant en place une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les entreprises12 ; o en menant des actions de communication en direction de la Diaspora. B. PROPOSITIONS POUR LA FORMATION CONTINUE • • • Former au top management Introduire la mobilité géographique dans la formation continue Se donner les moyens de financer des formations (coûteuses) dans des domaines porteurs ► La formation au top management permet de faciliter la promotion interne de l’encadrement intermédiaire à des positions d’encadrement supérieur. 12 Cf. aussi les contrats d’études prospectives dans la rubrique « créer un environnement favorable » infra. 71 o Elle permet de motiver le middle management en lui ouvrant des perspectives de carrière et elle permet de répondre à une préoccupation des chefs d’entreprise Martiniquais qui regrettent d’avoir à « hélitreuiller des Métropolitains » à des postes de responsabilité. o Il est proposé de multiplier les initiatives de type HEC– CEREGMIA (UAG) – OPCALIA, où la section Antilles-Guyane des diplômés HEC a organisé une formation sur la conduite du changement (février 2008) à l’intention de cadres et de consultants spécialistes du coaching. ► L’encouragement à la mobilité géographique lors des formations permet un enrichissement des stagiaires au contact de référents sectoriels en Métropole ou à l’étranger. ► La formation dans des domaines porteurs (énergie renouvelable, biotechnologies…) peut nécessiter des installations coûteuses (équipements, salles spécialisées …) ou des mises en situation professionnelle originales (par exemple, la conduite de travaux pratiques en entreprise (Météo France, SARA…)). Le coût des ces prestations a pu valoir par le passé à certaines structures de formation des refus de l’octroi de concours par les organismes financeurs. Il est recommandé que les financeurs potentiels de ces formations prennent en compte ces spécificités dans leur décision d’allocation de ressources. C. PROPOSITIONS POUR L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE Les recommandations principales sont les suivantes : ► Réaliser un référentiel qui servirait de fil directeur à des activités avec les jeunes autour du thème de l’entrepreneuriat Action CESR : Le CESR pourrait prendre l’initiative de constituer un comité de réflexion avec des pédagogues et des professionnels, dans le but de réfléchir à la réalisation d’un outil qui permettrait de « travailler » avec les jeunes, autour de thèmes tels que « l’entrepreneuriat, c’est quoi exactement ? » (Signalons que le Rectorat est ouvert à cette proposition). ► Participer à l’élaboration du matériel support pour les cours liés à l’entreprise. Diffuser dans les écoles un livre racontant les succès de jeunes entrepreneurs locaux, de manière à améliorer leur image de marque et à faire d'eux des exemples à suivre pour les élèves. ► Proposer la formation à l'entrepreneuriat aux groupes défavorisés. Ce type de formation pourrait être tout particulièrement bénéfique pour les jeunes menacés d'exclusion sociale (bas revenus, décrochage scolaire, adolescents menacés de chômage de longue durée, réfugiés, etc.). Ce type d'enseignement est plus susceptible de motiver ceux qui apprennent plus facilement par la pratique et qui ont des difficultés à suivre dans des disciplines plus traditionnelles. Des programmes spécifiquement tournés vers ces groupes 72 ont donné d'excellents résultats tant sur le plan des démarrages d'entreprise qu'au niveau de l'intégration sociale. JA-YE Europe (Junior Achievement-Young Enterprise) Young Enterprise Europe est une organisation internationale fondée en 1993 qui regroupe des organismes à but non lucratif situés dans vingt pays d’Europe et de la région méditerranéenne. Elle a fusionné en septembre 2002 avec Junior Achievement, autre réseau international pour la promotion de l’enseignement de l’entrepreneuriat. La nouvelle organisation s’appelle désormais «JA-YE Europe» et compte 37 nations affiliées. «JA-YE Europe» a pour ambition de renforcer la mentalité entrepreneuriale parmi les jeunes. Ses membres organisent, au titre de leurs activités de formation à l’entreprise, des programmes scolaires au niveau national, basés sur l’apprentissage par la pratique et, plus spécifiquement, par la création d’une mini-entreprise et son exploitation par les élèves durant une année scolaire. Il s’agit de véritables entreprises opérant dans un environnement protégé, qui produisent et vendent de véritables produits ou services. D’autres programmes JA-YE ont été développés à l’intention de l’enseignement primaire, moyen et secondaire, et la participation est désormais ouverte aux universités. Des événements sont régulièrement organisés au niveau européen. Au total, quelque 600 000 étudiants participent chaque année à la gestion de mini-entreprises. http://www.ja-ye.org/ Quelques autres propositions sont : ► Étendre le partenariat ADEM – Rectorat13 à d’autres structures de soutien ► Élargir aux lycées d’enseignement général la semaine école – entreprise (actuellement seulement en classe de 3ème) 3.4.2. Créer un environnement favorable pour les jeunes à haut potentiel Rappel d’éléments du diagnostic : Les principales difficultés à l’accès à l’emploi invoquées par les jeunes sont le manque d’information sur les emplois disponibles et la discrimination à l’égard des jeunes, ce qui conduit à faire les propositions suivantes : • • • 13 Mettre en place une véritable politique sectorielle Favoriser la promotion interne dans les entreprises ; Favoriser l’innovation managériale en valorisant la jeunesse. Ce partenariat, initié en 2000, a été renouvelé en décembre 2007. 73 ► Mettre en place une véritable politique sectorielle Il s’agit de donner une meilleure visibilité sur les secteurs porteurs pour la Martinique. Cela passe par la réalisation d’études spécifiques et la communication des résultats de ces travaux en direction des jeunes notamment. • Élaborer des contrats d’étude prospective (CEP) et moduler les dispositifs d’aides en fonction des résultats de ces études o Il s’agit d’identifier et d’analyser les secteurs prioritaires à long terme (secteurs stratégiques (agriculture…) ou porteurs (services environnementaux, services à la personne…) o Ces CEP comprennent (ou sont suivis) de plans d’actions multidimensionnelles qui peuvent être exhaustifs: politique de l’emploi, politique de formation, accompagnement, promotion des opportunités de marché et de différentes modalités (franchises, filiales…), soutien à la constitution de filières, impacts environnementaux… o Les partenaires sociaux doivent être associés à l’établissement des CEP pour s’assurer de leur appropriation par le plus grand nombre En outre, la constitution de pôles d’excellence sectoriels / thématiques mettant en réseau des entreprises, des centres de recherche et des écoles contribuerait à cette politique sectorielle. ► Favoriser l’innovation managériale en valorisant la jeunesse Une autre proposition consiste à favoriser l’innovation managériale en valorisant la jeunesse. Cela veut dire oser confier des responsabilités aux jeunes et arrêter de véhiculer l’image de l’ancienneté dans l’entreprise comme une nécessité pour exercer des responsabilités. ► Favoriser la promotion interne dans les entreprises La promotion interne est délicate à mettre en œuvre dans les entreprises martiniquaises en raison de leur petite taille et de leur statut d’entreprise familiale pour la plupart. Pour autant, il apparaît difficile de motiver un personnel sans perspective de carrière. Les efforts des chefs d’entreprise pourraient consister à : o Apprendre à faire confiance aux Martiniquais ; o Mieux rémunérer les cadres pour les motiver ; o Abandonner le « management à l’Antillaise » comme avatar du paternalisme Le management à l’Antillaise repose sur la croyance que la mentalité des Antillais ne les prédispose pas au management rigoureux en vigueur en Europe, qu’une tape sur l’épaule ou qu’un « coup de main » pour résoudre un problème personnel seraient en fait plus efficaces pour les faire travailler. Si cette façon de gérer peut plaire à certains employés, elle tend à indisposer d’autres catégories de personnel et des responsables syndicaux et cela a un 74 effet répulsif sur les managers Antillais en poste en Métropole qui envisageraient de retourner exercer leurs compétences en Martinique. 3.4.3. Agir sur l’insertion socioprofessionnelle Rappel d’éléments du diagnostic : Ce thème est central dans les préoccupations des jeunes. Le diagnostic a mis en lumière de nombreuses interrogations : o De fortes interrogations sur l’accompagnement des jeunes en matière d’insertion professionnelle o Quelle coopération entre les structures des différents territoires : missions locales, PLIE, Education Nationale, PJJ…? o Quels liens avec le milieu de l’entreprise ? o Quels jeunes accompagne-t-on et comment ? Nécessité de sortir d’une logique exclusivement sociale Ainsi, l’action à cet égard doit combiner plusieurs pistes : ► Affirmer une politique en faveur de la jeunesse à l’échelon de la Martinique en matière d’insertion professionnelle • en prenant en compte les bas niveaux de qualification – – Mission locale du Sud Validation des acquis de l’expérience pour l’accès au niveau 5 (CAP) des personnes en insertion – Ré-intervention du CRM sur les bas niveaux («classe préparatoire CFA ») – Dispositif spécial d’aide financière pour la formation dans les organismes d’insertion sociale14 • en renforçant la coopération des acteurs de l’insertion – • Missions locales, Education nationale et PLIE… en renforçant les moyens existants en matière d’accompagnement des jeunes sur les territoires les moins pourvus – Mission locale du Sud – « beaucoup de jeunes ignorent l’existence des missions locales qui ne concernent que les jeunes qui habitent le secteur où elles sont implantées » 14 Les aides s’arrêtent à la fin de la formation pour les organismes d’insertion. Pour l’instant, font seulement apprentissage; quand c’est terminé, les jeunes se retrouvent à la rue; cela concernerait 12 000 jeunes adultes 75 • en ouvrant un chantier sur le processus d’orientation des jeunes et sur l’offre de formation qui leur est offerte ► Renforcer l’accompagnement des jeunes les plus en difficultés, notamment sur le plan du logement et de la mobilité 9 « Le problème est que le jeune doit savoir se débrouiller seul pour aller jusqu’au bout du projet d’insertion ou avoir l’aide de sa famille » 9 « Il faudrait davantage un suivi individualisé du jeune du début à la fin avec une mise à disposition de moyens pour le transport, les photocopies, les courriers à rédiger… » 9 Par exemple, aides au permis de conduire, développement de l’offre de transport adapté aux jeunes (extension du trajet du TCSP…) 3.4.4. Changer positivement l’image de l’entreprise Rappel d’éléments du diagnostic : Le diagnostic a mis en lumière l’influence de l’environnement socio-économique martiniquais sur la perception du monde de l’entreprise. L’attrait historique pour la fonction publique a longtemps convergé avec une image plutôt négative de la sphère privée et de l’entreprise. Les choses évoluent, notamment du fait de l’ensemble des initiatives prises par une palette d’acteurs pour rectifier cette image, et en particulier d’une meilleure mobilisation du patronat. L’action à cet égard doit se poursuivre et se renforcer, en combinant plusieurs pistes : 9 9 9 9 Dynamiser la communication des organisations professionnelles Relayer une représentation plus positive de l’entreprise dans les media grand public Promouvoir l’esprit d’entreprise au sein de la société civile Communiquer en direction de la Diaspora ► Dynamiser la communication des organisations professionnelles • • Renforcer les actions portant sur l’image de marque des entrepreneurs (en mobilisant des chefs d’entreprise véhiculant des modèles positifs), Mener des actions auprès des relais d’opinion plutôt que directement auprès du grand public Le redressement de l’image des entrepreneurs passe par la promotion de leurs réalisations positives. Outre les actions de sponsoring et de mécénat déjà mises en œuvre par certains d’entre eux, il est proposé que les organisations professionnelles mettent en avant le rôle de modèle de certains d’entre eux, à l’aune de critères comme la réussite, l’abnégation, l’engagement sociétal, le rôle de véhicule d’une représentation positive de la Martinique à l’étranger… 76 Une autre recommandation est de mener des actions auprès des relais d’opinion plutôt que directement auprès du grand public, pour des raisons évidentes d’efficience. Cela passe par : o La poursuite de manifestations pour renforcer l’adhésion des salariés et de leur famille à l’entreprise privée, dans la même veine que la « fête de l’entreprise » de l’association Contact-Entreprise ; o L’élargissement de la communication aux responsables politiques, parents, enseignants, associations : La communication en direction des responsables politiques est évidemment particulièrement importante à la Martinique, en raison du poids financier et décisionnaire des collectivités locales dans l’économie et en raison de la suspicion entre les responsables politiques et économiques pour des raisons historiques. Les parents et les enseignants doivent également être ciblés - On peut saluer l’initiative « forum des métiers » qui vise à sensibiliser aux métiers les élèves des collèges et leurs parents (classes de 4ème et 3ème), et dont l’Association de Parents d’élèves de l’enseignement public est la cheville ouvrière. Les associations ont aussi un rôle important à jouer, et il faut pour cela s’efforcer de trouver des outils appropriés, au-delà des sphères culturelles et sportives. Le projet Marco Polo – sensibilisation des enseignants à l’entreprenariat (Italie) Le projet Marco Polo, lancé par la chambre de commerce de Padoue en concertation avec les autorités nationales, régionales et locales, est à l’origine d’un large éventail d’instruments de promotion de l’enseignement de l’entrepreneuriat. À ce jour, 80 % environ des écoles secondaires de la ville de Padoue ont participé à cette initiative, axée sur les étudiants sur le point d’entrer sur le marché du travail. Basé sur des cours destinés à susciter une culture entrepreneuriale, sur des jeux d’entreprise et sur des stages, en ce qui concerne les élèves, le projet a bénéficié du soutien dynamique de plus de 500 entreprises de la région, sensibilisées aux avantages qu’elles pouvaient ellesmêmes trouver dans un encouragement en faveur de ce type de formation. Le projet Marco Polo s’est adressé à quelques 200 enseignants, auprès desquels il a diffusé une culture entrepreneuriale grâce à une formation spécifique, des stages et des séminaires au sein de petites et moyennes entreprises en pleine expansion en Vénétie, où ils pouvaient entrer aisément en contact avec des entrepreneurs locaux. Leur formation a notamment porté sur la création de matériel pédagogique, et avait pour objectif ultime de les préparer à dispenser, dans les écoles, les cours d’entrepreneuriat développés dans le cadre de l’initiative. http://www.pd.camcom.it/dev_cciaa/web.nsf/web/home 77 ► Relayer une représentation positive de l’entreprise dans les media grand public • • • Inviter les structures de soutien à l’entreprise à des émissions de télévision ou de radio portant sur la vie de l’entreprise, Mieux relayer les actions de promotion des organisations professionnelles, Oser le journalisme d’investigation économique Une première proposition est d’associer les structures d’accompagnement à des émissions de télévision ou de radio. o Nous n’avons trouvé aucun exemple de telle émission associant spécifiquement les structures d’accompagnement En revanche, il y a des émissions associant les organisations professionnelles, comme « Face aux PIL » des MPI sur la chaîne de télévision RFO. o On peut même envisager la création d’une boîte de production d’émissions qui réunirait le plus possible de structures d’accompagnement de la Martinique La proposition de mieux relayer les actions de promotion des organisations professionnelles part du regret de certaines organisations que les media grand public relaient peu leurs actions. Une recommandation importante est d’oser le journalisme d’investigation économique. En effet, l’information économique dans la presse grand public consiste essentiellement en la médiatisation de conflits sociaux et de faits divers comme les malversations de certains promoteurs. Pourquoi ne pas essayer un journalisme plus analytique sur des sujets d’intérêt comme le chlordécone ou le poids de certains groupes dans l’économie martiniquaise ? Bien sûr, il ne s’agit non plus de tomber dans le travers du voyeurisme ou de « l’économie people » Aisne TV – La chaine locale de Télévision sur Internet En 2007, l’Aisne s’est dotée d’une chaine TV sur Internet dont la mise en œuvre a été appuyée par des structures publiques comme la CCI-A ou l’Agence de Développement de l’Aisne. Aisne.tv diffuse quotidiennement les faits marquants, des reportages sur tous les sujets : de l’économie à la culture, en passant par le tourisme et l’agriculture sans négliger la santé et le sport ainsi que les prévisions météorologiques. Elle est le portail d’informations pour toutes les mairies, associations, entreprises et collectivités de l’Aisne grâce à la mise à disposition de blogs gratuits. Aisne.tv est un agenda de toutes les manifestations (foires, brocantes, marchés, concerts, manifestations culturelles et sportives ...) http://aisne.tv/1.0/Accueil 78 ► Promouvoir l’esprit d’entreprise au sein de la société civile Cette section s’intéresse à des actions pouvant être menées sur l’ensemble de la population. • • • • Intégrer un aspect ludique pour toucher l’ensemble de la population Communiquer sur l’intérêt de l’appartenance à des associations ou club services pour une première expérience des responsabilités dans une organisation Donner aux jeunes la possibilité de développer leurs aptitudes entrepreneuriales en les aidant à créer leur propre « job d'été » Promouvoir l’excellence dans les services, sur le modèle de la Barbade Une première recommandation est d’intégrer un aspect ludique pour toucher l’ensemble de la population. Il convient également de communiquer sur l’intérêt d’être membre actif d’associations ou club services pour une première expérience des responsabilités dans une organisation. Les clubs de services ont tendance à communiquer seulement sur leurs actions ; la proposition ici est d’inviter les responsables de ces associations à communiquer également sur l’intérêt que représente l’appartenance à ces organisations en termes de responsabilité dans une organisation. L’appartenance à ces organisations génère également des opportunités d’échanges avec le reste de la Caraïbe, où ces clubs sont très en vogue. On peut également donner aux jeunes la possibilité de développer leurs aptitudes entrepreneuriales en les aidant à créer leur propre « job d'été » (par exemple, bourse à l’emploi dans les écoles et universités) et à gagner de l'argent grâce à leurs idées et leurs initiatives. De telles activités peuvent être encouragées par une coopération entre écoles, organismes à but non lucratif, entreprises et collectivités locales. La promotion de l’excellence dans les services est une recommandation basée sur une bonne pratique identifiée à la Barbade. L’initiative NISE est un projet de société, un projet commun autour duquel tous les « Bajans » se sont rassemblés ; c’est ce qui la caractérise en premier lieu. Elle s’est matérialisée par la création d’une association15. L’excellence dans les services est recherchée en toutes occasions: écoles, manifestations sportives, expression du sens civique, services à la personne, services aux entreprises… NISE (National Initiative for Service Excellence) – La Barbade L’initiative NISE a été créée en 2004 par un ensemble de partenaires sociaux (gouvernement, syndicats, entreprises, etc.) afin de rehausser le niveau des services aux standards internationaux. L’objectif est ainsi de créer une culture nationale d’excellence dans les services, d’aider la Barbade à acquérir un rayonnement en matière de services et de doter les habitants d’un ensemble d’outils leur permettant d’atteindre ce niveau d’excellence. Le programme se divise en trois phases : 15 La directrice de l’association a été invitée en Martinique par l’ADEM en fin 2007. 79 1/ Construire une excellence à travers des projets et formations spécifiques 2/ Garantir la pérennité de cette excellence notamment à travers l’instauration de système de management de la qualité 3/ Récompenser l’excellence grâce à des prix, concours, etc. www.nisebarbados.org Action CESR : Le CESR pourrait être le fer de lance d’une telle initiative en Martinique. La première action pourrait être d’organiser une séance de travail avec la directrice de cette association, qui s’est montrée très favorable à cette initiative. ► Communiquer en direction de la Diaspora Des actions en direction de la Diaspora sont nécessaires pour inciter certains Martiniquais à retourner en Martinique. Cela va de pair avec l’objectif de changer la perception de la société martiniquaise et de ses entreprises, qui ont évolué sur les vingt dernières années. La création d’un site Internet au bénéfice des Martiniquais du monde entier faciliterait cette communication. Ce site pourrait comprendre les rubriques suivantes : o une base de données de Martiniquais expatriés, de tous les secteurs professionnels et dans toutes les régions du monde o des interviews et portraits de Martiniquais remarquables o la présentation d’entreprises, associations, artistes, etc. o des offres d’emploi émises par les partenaires du site ainsi qu’un service de placement de stagiaires dans des entreprises locales o l’actualité culturelle, sportive et économique des expatriés o un forum des expatriés o des liens sélectionnés vers les sites de la diaspora: blogs dédiés à la diaspora… Action CESR : Le CESR et le Pôle Emploi pourraient conjointement porter un projet de création d’un site Internet qui attirerait les Martiniquais du monde entier, où le Pôle Emploi centraliserait les offres et les demandes d’emploi. De plus en plus de pays mettent en place de tels sites, comme la Réunion (www.reunionnaisdumonde.com) ou Sainte Lucie (www.sluonestop.com). 80 3.5. Renforcer l’autonomie financière des jeunes Cette section recommande de renforcer l’autonomie financière des jeunes en créant une allocation spécifique et en encourageant à multiplier les tarifs jeunes en Martinique. Rappel d’éléments du diagnostic : Les jeunes déplorent leur manque d’autonomie financière, tant en matière d’études, que de transports ou de loisirs : « C’est décourageant, pas de tarif étudiant, rien n’est mis en place pour aider les étudiants à devenir autonomes; Ils doivent entièrement dépendre de leurs parents ou avoir des moyens financiers personnels » ; « Les parents fonctionnaires ou appartenant à la classe moyenne sont privés de tout, ils doivent tout faire pour leurs enfants étudiants ; c’est comme si on les punissait d’essayer d’augmenter le niveau de leur famille ». Les tarifs jeunes manquent singulièrement en Martinique, contrairement à la France continentale. Ainsi, les actions suivantes peuvent être recommandées : ► Créer une allocation d’autonomie financière Cette allocation permettrait notamment d’optimiser la poursuite des études supérieures. ► Multiplier les tarifs jeunes Selon des dires des jeunes, « on fait des spectacles avec des artistes pour des jeunes (ex. Sean Paul) mais le prix d’entrée est exorbitant. Les jeunes sont confrontés à tout et son contraire, ils ne s’y retrouvent plus ». Des tarifs jeunes, dans les domaines des transports, des spectacles ou des vêtements, paraissent donc appropriés. 81 3.6. Renforcer l’attractivité du territoire Résumé : Renforcer l’attractivité de la Martinique passe par la lutte contre l’insécurité et le sentiment d’insécurité en raison de la prééminence des thèmes sécuritaires dans les préoccupations des jeunes. Quelques propositions correspondantes sont : la création « d’écoles des parents » dans les communes, le tissage de réseaux de périnatalité ou la mise en place de centres médico-sociaux psychopédagogiques. Il convient également que les media fassent la promotion des réussites des jeunes plutôt que des faits divers et que les adultes soient sensibilisés aux formes d’expression contemporaine des jeunes. Dans le domaine de l’accès des jeunes au logement, il paraît judicieux d’utiliser le domaine public de l’Etat qui sera vendu / mis à disposition en Martinique pour construire des logements étudiants ou d’insérer dans les futures lois sur l’Outremer des dispositions sur la défiscalisation du logement étudiant. Rappel d’éléments du diagnostic : Les jeunes sont majoritairement satisfaits globalement des conditions de vie et du cadre de vie en Martinique et dans leur commune de résidence. Néanmoins, les critiques sont fortes sur la sécurité (un jeune sur deux est mécontent) et le bruit. Les conditions de logement ne sont pas non plus à l’abri des critiques. Cette prééminence des thèmes sécuritaires sur, par exemple, l’offre de loisirs est uniforme, quelque soit la zone de résidence et la tranche d’âge. Selon les territoires, l’accès aux différents services (centres commerciaux, loisirs, services publics) est plus ou moins facile compte tenu notamment de l’offre de transport en commun existante. Il convient donc d’améliorer le cadre de vie, en combinant plusieurs pistes : • • • • Lutter contre l’insécurité et le sentiment d’insécurité Enrichir l’offre de logements accessibles aux jeunes Prévoir des lieux de vie dans les résidences dès leur conception Rationaliser les transports en commun 3.6.1. Lutter contre l’insécurité et le sentiment d’insécurité Améliorer le cadre de vie en Martinique passe prioritairement pour les jeunes par l’amélioration des thèmes relatifs à la sécurité : lutte et prévention contre la délinquance, contre l’usage des drogues, contre l’insécurité. Elle est également confortée par les discours des groupes de jeunes que nous avons interviewés. L’insécurité et le sentiment d’insécurité sont des sentiments largement répandus et qui alimentent une perception négative du territoire. DIMINUER L’INSECURITE L’insécurité s’exprime sous différentes formes : délinquance, violence, usage de drogues et d’alcool… 82 Le présent rapport n’aborde pas les réponses répressives. En effet, les mesures coercitives pourraient faire l’objet d’un rapport en elles-mêmes et leur efficacité est de toute façon l’objet d’un débat controversé. Les mesures dissuasives, telles que le recours aux caméras de surveillance dans les lieux publics, sont également laissées de côté. Le rapport privilégie les réponses éducatives. Celles-ci peuvent être préventives ou thérapeutiques. Les mesures préventives sont nécessaires chez l’enfant et les parents (la mère) dès le plus jeune âge. Elles peuvent consister en : ► Créer des Ecoles des Parents dans les communes ► Développer les réseaux de périnatalité Les mesures thérapeutiques sont également nécessaires. Elles peuvent consister à : ► Mettre en place des centres médico-sociaux psychopédagogiques LUTTER CONTRE LE SENTIMENT D’INSECURITE L’existence d’un sentiment d’insécurité en Martinique est incontestable, au-delà de l’insécurité objective. ► La responsabilité des media: promouvoir les réussites plutôt que les faits divers impliquant les jeunes Cela suppose que les media n’exacerbent pas le sentiment d’insécurité. Ainsi, un incident sur un stade de football à l’occasion d’un match de jeunes ne doit pas se transformer en fait divers « la violence des jeunes, un phénomène de société ». En revanche, la réussite scolaire ou sociale de certains jeunes, notamment ceux de condition modeste, doit servir d’exemple plus souvent. ► Sensibiliser les adultes aux formes d’expression contemporaine des jeunes Les adultes doivent également s’ouvrir plus aux formes d’expression contemporaines : vêtements trash, tatouages, piercing, coiffures…décoiffantes, langage codé, musique rap… ► Intensifier les rondes de police et de gendarmerie dissuasives dans les voisinages des cités Le sentiment d’insécurité est également exacerbé par les regroupements de jeunes dans le voisinage des cités (halls d’immeubles, abris bus…). Le remède ici concerne plus l’habitat et le logement en Martinique, notamment le logement social, toutes tranches d’âge confondues, que les jeunes en particulier. La présente étude n’a donc pas de propositions spécifiques à ce sujet. Il faut simplement que ces rassemblements de jeunes ne donnent pas lieu à des trafics divers et des actes de violence ; des rondes de police et de gendarmerie paraissent appropriées pour cela. ► Renforcer les moyens des CLSPD dans les communes les plus exposées aux nuisances occasionnées par les regroupements de jeunes 83 L’éducation des jeunes sur les nuisances (bruits, détritus…) occasionnées par ces rassemblements et la perception des adultes est peut-être de nature à leur faire ajuster leurs comportements ou aller au contact des adultes les plus exposés (personnes âgées, femmes seules…) pour leur montrer qu’ils ne sont pas à craindre. A cet égard, nous proposons de renforcer les moyens des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) dans les communes les plus exposées à ces problèmes. 3.6.2. Enrichir l’offre de logements accessibles aux jeunes La quasi-totalité des jeunes considère qu’il est difficile de se loger et de plus ils sont très nombreux à dénoncer non seulement le manque de logement et leur cherté mais également leur insalubrité. Dans ces conditions, les actions suivantes peuvent être envisagées : ► Utiliser le domaine public de l’Etat qui sera vendu / mis à disposition en Martinique pour construire des logements étudiants16 ► Insérer dans les futures lois sur l’Outremer des dispositions sur la défiscalisation du logement étudiant ► Mettre en place un dispositif d’accueil des jeunes martiniquais dans les académies de Métropole ► Sensibiliser les jeunes sur le fait qu’il est « normal » de vivre dans des logements exigus lorsqu’on est un jeune adulte Les jeunes actuels considèrent qu’une chambre d’étudiants de 10 mètres carré est une proposition indécente, et exigent également un certain confort (kitchenette et toilettes personnelles). Les générations précédentes d’étudiants vivaient dans des conditions bien plus difficiles. Il faut aussi sensibiliser les jeunes sur le fait que le sentiment d’étroitesse est aussi une des conséquences du choix de vivre en couple, ce qui est un phénomène constaté de plus en plus tôt et de façon de plus en plus répandue. 3.6.3. Prévoir des lieux de vie dans les résidences dès leur conception Ces lieux de vie peuvent comprendre : • • des « réseaux sociaux de prise en charge des enfants des milieux à risque » des structures d’aide après l’école Il faut également continuer à développer les réseaux de périnatalité et les réseaux d’autisme. 16 Par exemple, le Fort Deuzé 84 3.6.4. Rationaliser les transports en commun Moins d’un jeune sur trois a exprimé des préoccupations par rapport aux transports en commun. Néanmoins, selon les territoires, l’accès aux différents services (centres commerciaux, loisirs, services publics) est plus ou moins facile compte tenu notamment de l’offre de transport en commun existante. Aussi, il convient plus de rationaliser les transports en commun que de les développer stricto sensu. ► Renforcer l’intercommunalité dans les transports en commun Cela implique que des communes limitrophes, comme par exemple le Gros-Morne, Trinité, Sainte Marie et le Robert acceptent d’organiser un transport interurbain. ► Finaliser et étendre le Transport Collectif en Site Propre 85 3.7. Enrichir l’offre culturelle et de loisirs Résumé : Les jeunes sont mécontents de l’offre de loisirs et expriment une demande forte pour la dimension ludique et l’animation. Les recommandations principales de cette section sont de renforcer l’animation socioculturelle, avec davantage d’évènements de rue et en professionnalisant l’animation, de mailler le territoire de lieux de rencontre et de développer des dispositifs afin de faciliter l’émergence de projets à l’initiative des jeunes. Rappel d’éléments du diagnostic : Les loisirs en Martinique sont caractérisés par une carence perçue au niveau de l’offre et une demande pour la dimension ludique et l’animation. « Le jeune attend des activités de proximité pour s’occuper mais il n‘y a rien ou sinon c‘est trop cher pour lui. » « Les jeunes voudraient s’exprimer alors ils se mettent ensemble pour acheter une bouteille d’alcool alors qu’avec 2€ ils ne peuvent rien faire seuls. C’est la raison pour laquelle ils se regroupent; car ils mettent en commun leurs moyens, bons ou mauvais.» Il conviendrait donc d’enrichir l’offre culturelle et de loisirs, autour des axes suivants : • • • • • Mettre en place des équipements sportifs et de loisirs structurants Faciliter l’accès aux loisirs et à la culture et mailler le territoire de lieux de rencontre Renforcer l’animation socioculturelle Mieux s’inscrire dans la modernité Favoriser l’émergence de projets 3.7.1. Mettre en place des équipements sportifs et de loisirs structurants Les attentes des jeunes convergent sur quelques équipements. Communiquer fortement sur leur création ou leur développement permettrait d’affirmer les priorités de la Martinique et montrerait ainsi que la jeunesse fait partie des priorités des responsables politiques. Un exemple pourrait être le développement du Parc Aquatique du Nord Caraïbe et la baisse du prix d’entrée. Il convient de mettre en œuvre ces projets dans un cadre intercommunal, compte tenu des moyens financiers limités des communes de la Martinique. 3.7.2. Faciliter l’accès aux loisirs et à la culture et mailler le territoire de lieux de rencontre Disposer d’équipements culturels et de loisirs est nécessaire mais non suffisant. L’étude montre que nombre de jeunes n’ont pas facilement accès à l’existant pour des raisons financières, des problèmes de transport ou encore d’adéquation des programmes avec leurs attentes. Plusieurs actions peuvent être envisagées : 86 ► Créer un « sésame » permettant d’avoir accès à plusieurs équipements avec des tarifs avantageux Ce type de « pass » (abonnement avec une carte) permettrait de mieux communiquer sur l’offre existante, d’en faciliter l’accès et permettrait aussi d’afficher une politique en faveur de la jeunesse. Par exemple, dans le Nord Caraïbe, on pourrait envisager une carte d’abonnement comprenant le Parc Aquatique du Carbet, le Centre de découverte des sciences de la Terre de Saint Pierre et le Musée de Saint Pierre… ► Mailler le territoire d’espaces de rencontre, de loisirs et de culture Les jeunes interrogés ont invariablement exprimé ce besoin, notamment le développement des cyberbases. ► Améliorer la disponibilité des équipements actuels Il s’agit ici de vérifier, équipement par équipement, que les horaires et les conditions d’accès permettent aux jeunes de profiter au mieux de ces équipements. Cette proposition comprend l’électrification des stades de la Martinique, pour faciliter la tenue de matches de football en nocturne. ► Agir sur l’offre de transport La configuration du territoire nécessite que des efforts supplémentaires soient réalisés. L’ajustement de l’offre de transport peut s’opérer via la mise en œuvre de moyens spécifiques lors de grands événements et le développement d’initiatives favorisant la mobilité (covoiturage, navettes de bus entre les périphéries et le centre, par exemple). ► Développer la communication sur l’offre de loisirs existante Il s’agit ici de fédérer les moyens existants ainsi que les média et surtout d’utiliser les média qu’utilisent les jeunes, notamment les sites Internet et les radios dédiées aux jeunes. 3.7.3. Renforcer l’animation socioculturelle, avec davantage d’animations de rue et en professionnalisant l’animation La majorité des jeunes sont sensibles à tout ce qui est « évènement », « animations de rue » et se déplacent pour y participer. ► L’élaboration d’un programme annuel d’évènements, d’animations de rue à l’échelon de la Martinique, d’un calendrier et la promotion active de cette offre permettrait de dynamiser l’existant. ► Professionnaliser l’animation socioculturelle en créant une filière professionnelle des métiers de la culture 87 Plusieurs personnes interrogées ont signalé la nécessité de la constitution d’une filière professionnelle des métiers de la culture. Pour cela, il convient de s’interroger au préalable sur les moyens et la formation adéquate pour les animateurs et sur les modalités de leur accompagnement et de leur soutien aux jeunes. ► Les activités relevant d’un registre culturel plus « académique » semblent actuellement rencontrer moins d’échos auprès des jeunes. Cette programmation mériterait sans doute d’être réexaminée afin de mieux intégrer le public le plus jeune. 3.7.4. Mieux s’inscrire dans la modernité Le développement des nouvelles technologies peut être exploité de la façon suivante. ► Elargir l’accès aux bases de données des bibliothèques et médiathèques par Internet ► Sensibiliser les jeunes à l’international Dans la perspective d’ouvrir les jeunes sur l’extérieur, il serait souhaitable de favoriser les échanges avec d’autres pays, notamment dans la Caraïbe. L’utilisation d’Internet par les jeunes est de nature à susciter une appétence des jeunes pour ces échanges, dans la mesure où ils peuvent déjà avoir des amis sur les réseaux sociaux (MSN, Facebook…). Dans la même veine, ont peut recommander d’associer les jeunes aux projets mis en œuvre dans le cadre des jumelages de communes. 3.7.5. Favoriser l’émergence de projets Il s’agit de favoriser l’émergence de projets de la part des jeunes et de la part des collectivités locales et associations. ► Emergence de projets de la part des jeunes Il s’agirait de développer des dispositifs afin d’aider les jeunes à élaborer des projets et à les mettre en œuvre. ► Soutien en matière d’ingénierie aux collectivités Les ressources des collectivités sont inégales sur ce plan. Certaines disposent de services jeunesse et d’une véritable ingénierie pour monter des projets et chercher des financements. D’autres sont plus démunies. Afin d’aider les collectivités à développer des projets et une offre plus conséquente, il conviendrait de s’interroger sur les moyens pouvant être mobilisés et mutualisés en terme d’appui « ingénierie ». 88 Conclusion Les problèmes des jeunes martiniquais sont donc nombreux et multiformes, mais des pistes de solutions existent. Il convient d’attaquer les problèmes immédiats des jeunes, tels que le manque d’emplois, l’insuffisance d’autonomie financière, les difficultés de se loger ou les problèmes de sécurité. Mais il faut aussi rétablir leur confiance individuelle et collective et favoriser le respect de certaines valeurs, comme le respect, la solidarité ou le travail. Nous renvoyons à la synthèse introductive en guise de conclusion détaillée. 89 Personnes interrogées Charles CAUMARTIN, consultant-formateur, ancien chargé de mission à la Mission locale du Sud, 5 mars Mireille SEBBAG, parente d’élève et commerçante, métropolitaine installée en Martinique depuis 30 ans, 9 mars Danielle LAPORT, Agence Régionale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (ARACT), directrice, sociologue, directrice de la première Mission locale de la Martinique (Cabesterre), 10 mars Olivier COSPAR, Conseil Economique et Social Régional, responsable de service, 20 mars Marie-Claude DERNE, Conseil Régional de Martinique, directrice du développement économique et social, 20 mars Bruno BRIVAL, ADEM, délégué général, 22 mars Daniel CHARLETON – GUITTAUD, Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises de la Martinique (CGPME), président de la commission économique, 24 mars Albert JEAN-ZEPHIRIN, Maire de la Ville du Gros-Morne, 25 mars Emmanuel JOS, UAG, professeur de droit public, 26 mars Justin DANIEL, UAG, doyen de la Faculté de droit-économie, professeur de sciences politiques, membre du CCEE, 26 mars Sonia MONFORT, travailleur social (Education Nationale), membre de l’Union des Parents d’Elèves de la Martinique (UPEM), membre de la paroisse de Ducos, 28 mars Serge CHALONS, pédiatre et responsable de Médecins du Monde en Martinique, 15 avril Charles-Aimé NICOLAS, psychiatre, 20 avril 90 Annexe bibliographique Aucouturier, A-L et Beaudouin, V. (1994) « Parcours d’insertion de jeunes en difficulté : Analyse lexicale de 580 portraits de jeunes rédigée par les conseillers des missions locales et PAIO » Credoc, Paris. Daniel, Justin (coordonnateur) (2007) « Pauvreté, précarité et formes d’exclusion en Martinique : une approche qualitative » Glissant, Edouard (1981) « Le discours Antillais » INSEE (2007) « Premier emploi, et après ? », Antiane Eco 68. INSEE (2007) « L’économie sociale et solidaire en Martinique » http://www.insee.fr/fr/insee_regions/martinique/publi/EcoSocSol_ma.pdf INSEE (2005) « Familles de Martinique » (Chapitre 5 « Enfance et jeunesse ») http://www.insee.fr/fr/regions/martinique/default.asp?page=actionregionale/partenariat/famill es2004_ma.htm Lange, D., Lucrèce A., Ozier-Lafontaine L-F. (1992) « Diagnostic de la marginalité des jeunes en Martinique et axes pour une politique d'insertion des populations jeunes dans le cadre d'un schéma de protection judiciaire de la jeunesse », Conseil de la recherche France, Karibscop études-projets, Ministère de la Justice. Laport, Danielle (2008) « Jeunes chômeurs de la Martinique et socialisation », Editions Publibook Université Lucrèce, André (2000) «Souffrance et jouissance aux Antilles » Lucrèce, André (avril, 1995) «Jeunes, l'angoisse d'une vie tronquée», Le Monde Diplomatique Maximim, Daniel (2004) « Tu, c’est l’enfance » Maximim, Daniel (2008) « Lettre à l’Enfance » Ministère de l’Education Nationale (2004) « Débat national sur l’avenir de l’Ecole » http://www.debatnational.education.fr/index.php?rid=11 Observatoire de l’enfance, de la jeunesse et de l’aide à la jeunesse (1999) « La violence des jeunes ». http://www.oejaj.cfwb.be/IMG/pdf/violencejeunes.pdf 91 Ozier-Lafontaine, Louis-Félix (1999) « Martinique, la société vulnérable », Gondwana Editions Stellinger, Anna et Raphaël Wintrebert (2008) « Les jeunesses face à leur avenir », Fondation pour l’innovation politique ; enquête internationale réalisée par Kairos Future http://www.fondapol.org/fileadmin/uploads/pdf/documents/Etude_Les_Jeunesses_face_a_leur _avenir.pdf Vaugirard, Victor (2008) « Le développement de l’esprit d’entreprise en Martinique » (Etude commandée par la CCIM) 92 Table des matières Sommaire 2 Synthèse du rapport 4 Introduction 11 Les jeunes dans la dynamique sociodémographique martiniquaise 16 Partie 1. Etat des lieux 20 1.1. Etudes et emploi 1.1.1. Emploi et formation professionnelle 1.1.2. Raisons des difficultés de trouver un emploi 1.1.3. Un attrait pour la fonction publique moindre que les aînés 1.2. Cadre de vie et conditions de vie 1.2.1. Difficulté de se loger et autres conditions de vie 1.2.2. Problèmes de sécurité et autres éléments du cadre de vie 1.2.3. Thèmes prioritaires à améliorer 1.3. Vie pratique ordinaire 1.3.1. TIC 1.3.2. Mode 1.3.3. Santé 1.4. Loisirs et vie amoureuse 1.4.1. Loisirs 1.4.2. Motivations de la vie amoureuse 1.5. Participation à la vie du territoire 1.5.1. Attachement à la Martinique 1.5.2. Maillage associatif 1.5.3. Intérêt pour la vie politique 1.5.4. Actions prioritaires 1.6. Perception de l’avenir 1.6.1. Les jeunes imaginent leur avenir en dehors de la Martinique 1.6.2. Les jeunes sont remarquablement pessimistes sur l’avenir de la Martinique 20 21 23 25 28 28 28 29 30 30 30 31 32 32 34 35 35 36 37 37 38 38 39 Partie 2. Diagnostic 40 2.1. Positionnement identitaire 2.1.1. Trois grandes logiques stratégiques 42 42 93 2.1.2. Une synthèse identitaire de trois modèles 2.2. Milieu familial et relations intergénérationnelles 2.3. Scolarité, études et formation 2.4. Entreprises et emploi 2.5. Vie pratique ordinaire 2.5.1. Rapport à l’argent 2.5.2. Consommation 2.5.3. Mode 2.5.4. TIC 2.5.5. Loisirs 2.6. Citoyenneté 2.7. Vie en société et spiritualité 2.8. Opportunités et menaces 2.9. Forces et faiblesses 42 43 44 45 46 47 48 49 52 52 54 54 55 56 Partie 3. Recommandations 57 3.1. Rétablir la confiance des jeunes 3.1.1. Communiquer sur les atouts de la Martinique 3.1.2. Montrer que le sort des jeunes est une véritable préoccupation des responsables 3.1.3. Faire tomber certaines barrières psychosociologiques 58 59 60 60 3.2. Encourager le respect de certaines valeurs 3.2.1. Mettre en valeur la spiritualité 3.2.2. Eduquer les enfants sur l’argent en les responsabilisant 62 63 64 3.3. Améliorer l’enseignement secondaire 3.3.1. Enseignement 3.3.2. Environnement scolaire 3.3.3. Approche de l’enfant 3.3.4. Organisation 65 65 66 66 66 3.4. Améliorer les perspectives d’emploi 3.4.1. Mettre en place une formation plus centrée sur l’entrepreneuriat 3.4.2. Créer un environnement favorable pour les jeunes à haut potentiel 3.4.3. Agir sur l’insertion socioprofessionnelle 3.4.4. Changer positivement l’image de l’entreprise 67 68 73 75 76 3.5. Développer l’autonomie financière des jeunes 81 3.6. Renforcer l’attractivité du territoire 3.6.1. Lutter contre l’insécurité et le sentiment d’insécurité 3.6.2. Enrichir l’offre de logements accessibles aux jeunes 82 82 84 94 3.6.3. Prévoir des lieux de vie dans les résidences dès leur conception 3.6.4. Rationaliser les transports en commun 84 85 3.7. Enrichir l’offre culturelle et de loisirs 3.7.1. Mettre en place des équipements sportifs et de loisirs structurants 3.7.2. Faciliter l’accès aux loisirs et à la culture 3.7.3. Renforcer l’animation socioculturelle 3.7.4. Mieux s’inscrire dans la modernité 3.7.5. Favoriser l’émergence de projets 86 86 86 87 88 88 Conclusion 89 Personnes interrogées Annexe bibliographique 90 91 95