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PRB 03-37F
LE FLÉAU DU POURRIEL
Lalita Acharya
Division des sciences et de la technologie
Le 10 février 2004
PARLIAMENTARY RESEARCH BRANCH
DIRECTION DE LA RECHERCHE PARLEMENTAIRE
La Direction de la recherche parlementaire de la Bibliothèque
du Parlement travaille exclusivement pour le Parlement,
effectuant des recherches et fournissant des informations aux
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TABLE DES MATIÈRES
Page
INTRODUCTION .................................................................................................................
1
QU’EST-CE QUE LE POURRIEL ET
QUEL EST SON VOLUME ANNUEL? ..............................................................................
1
EN QUOI LE POURRIEL EST-IL UN PROBLÈME?.........................................................
2
A. Contenu des messages et considérations d’ordre éthique ou criminel..........................
2
B. Coût financier................................................................................................................
3
C. Déplacement des autres courriels et « menaces combinées » .......................................
4
COMMENT LES POLLUPOSTEURS PROCÈDENT-ILS? ...............................................
4
LA LUTTE AU POURRIEL .................................................................................................
5
A. Options technologiques.................................................................................................
5
B. Autoréglementation de l’industrie.................................................................................
7
C. Approches juridiques.....................................................................................................
1. Mesures législatives contre le pourriel .......................................................................
a. États-Unis.................................................................................................................
b. Union européenne ....................................................................................................
c. Canada......................................................................................................................
d. Législation et coopération internationale.................................................................
2. Litiges .........................................................................................................................
9
9
10
11
12
13
14
LA POSITION DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL CANADIEN SUR LE POURRIEL .....
15
CONCLUSION .............................................................................................................................
16
LE FLÉAU DU POURRIEL
INTRODUCTION
L’Internet et le courrier électronique (ou « courriel ») ont révolutionné la façon de
vivre et de faire des affaires de nombreuses personnes dans le monde. Depuis quelques années,
par contre, un volume croissant de courriels non sollicités et non désirés, communément appelés
« pourriels », a compromis les avantages du courriel et miné la confiance des consommateurs à
l’égard des communications électroniques.
Le présent document examine les raisons pour
lesquelles le pourriel constitue un problème, ainsi que les approches technologiques, juridiques et
autres employées afin de résoudre ce problème partout dans le monde. Il aborde la situation au
Canada, ainsi que le débat sur la nécessité de mesures législatives canadiennes pour lutter contre
la diffusion du pourriel.
QU’EST-CE QUE LE POURRIEL ET
QUEL EST SON VOLUME ANNUEL?
Aucune définition du pourriel ne fait l’unanimité. Certains limitent le terme au
courriel en masse non sollicité(1) ou au courriel non sollicité à caractère commercial, tandis que
d’autres englobent tout le courriel non sollicité. Une définition plus large comprend tous les
messages électroniques non sollicités, indépendamment de leur contenu, de la taille de l’envoi ou
de la nature du moyen de communication(2). Le pourcentage de courriel considéré comme du
pourriel(3) a connu une véritable explosion ces dernières années, passant de 7 p. 100 en avril 2001
(1)
Voir, par exemple, The Spamhaus Project (http://www.spamhaus.org/definition.html).
(2)
Voir, par exemple, Government of Australia, National Office for the Information Economy, SPAM:
Final Report of the NOIE, Review of the Spam Problem and How It Can Be Countered, avril 2003, p. 7
(http://www.noie.gov.au/publications/NOIE/spam/final_report/SPAMreport.pdf).
(3)
Sauf indication contraire, le mot « pourriel » dans le présent document fait allusion au courriel non
sollicité.
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à 60 p. 100 en janvier 2004(4). Une entreprise de logiciels anti-pourriel a prédit que la proportion
de courriels considérés comme des pourriels dépassera 75 p. 100 en 2004(5).
Le pourriel peut contenir de l’information sur des produits et services légitimes ou
illégitimes, y compris des publicités pour de la marchandise générale, des services financiers, des
produits et services de santé, de la pornographie, des logiciels et des services éducatifs. Le
pourriel sert également à transmettre des messages politiques et religieux.
EN QUOI LE POURRIEL EST-IL UN PROBLÈME?
A. Contenu des messages et considérations d’ordre éthique ou criminel
De façon très générale, de nombreux destinataires de courriels ne veulent pas
recevoir de courriels non sollicités, parce que, peu importe leur contenu ou leur but, il est
ennuyeux de devoir s’en débarrasser et il faut y mettre le temps. D’autres personnes protestent,
parce que le contenu de ces courriels est souvent trompeur, frauduleux ou, de l’avis du
destinataire, offensant. Selon certaines estimations, environ 18 p. 100 des pourriels sont des
publicités pour des produits ou des services de divertissement pour adultes(6). Comme les
polluposteurs ne ciblent généralement pas leur public, il arrive souvent que les destinataires
soient des enfants.
Les exemples de pourriels trompeurs dans lesquels on propose des stratagèmes
malhonnêtes pour s’enrichir rapidement et des prix fictifs sont nombreux(7).
Un problème
de pollupostage relativement nouveau – le « phishing » (jeu de mot sur l’anglais « fishing »,
« aller à la pêche ») – comporte le vol de renseignements personnels de nature confidentielle.
Les adeptes de cette méthode envoient des courriels qui semblent provenir d’entreprises
légitimes. Les courriels dirigent les destinataires vers un site Web (en cliquant sur un URL
intégré) où on leur demande de mettre à jour des renseignements personnels (p. ex. des mots de
(4)
Brightmail, Spam Statistics (http://www.brightmail.com/spamstats.html).
(5)
Postini, Inc., « Incidence of spam, viruses, and fraudulent email attacks to increase dramatically in
2004 », décembre 2003 (http://www.postini.com/press/pr/pr121703.html).
(6)
Brightmail, op. cit.
(7)
Pour voir des exemples de pourriels contenant des manigances trompeuses, voir le tableau de cas à la
page consacrée aux pourriels du site Web de la Federal Trade Commission des États-Unis
(http://www.ftc.gov/os/2003/05/swnetforcepresschart.pdf).
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passe et des numéros de cartes de crédit) que l’organisme légitime possède déjà. Ce site Web
fictif ne sert toutefois qu’à dérober les renseignements personnels des destinataires(8).
B. Coût financier
Comme la plupart des formes de communication (p. ex. l’envoi de circulaires par
la poste) occasionnent des coûts importants à l’expéditeur, celui-ci doit considérer les avantages
escomptés à la lumière des frais afférents, c’est-à-dire déterminer la portée de la campagne
d’information ou de publicité qui lui permet de dépenser ses ressources de façon efficace. Avec
le pourriel, par contre, il ne coûte presque rien à l’expéditeur pour faire parvenir ses messages, et
la taille des envois peut être beaucoup plus importante que s’ils étaient acheminés par des modes
de communication plus traditionnels. Les frais associés au traitement du pourriel sont plutôt
assumés par le fournisseur de services Internet (FSI) et par le destinataire du pourriel. Même si
l’information contenue dans une partie des pourriels peut se révéler utile pour un certain nombre
de destinataires, ces envois sont le plus souvent indésirables et, par conséquent, filtrés ou
supprimés par les destinataires ou par le FSI.
L’accroissement du volume des pourriels au cours des dernières années a entraîné
une hausse des coûts financiers liés à leur traitement. Une étude européenne réalisée en 2001
estimait que les coûts de connexion des internautes associés uniquement au téléchargement de
pourriels par le truchement de la technologie la plus répandue se chiffraient dans le monde à
environ 10 milliards d’euros (environ 16,8 milliards de dollars canadiens) par an(9). Les pourriels
peuvent également faire augmenter les tarifs d’accès des clients à l’Internet. Les FSI paient une
largeur de bande en fonction de son utilisation prévue par la clientèle. Lorsqu’un polluposteur se
met à utiliser la largeur de bande d’un FSI, l’accès Internet des clients s’en trouve ralenti. Pour
augmenter la vitesse d’accès, le FSI doit, soit acquérir une largeur de bande supérieure, soit
investir dans des systèmes visant à bloquer ou à filtrer les pourriels. Dans les deux cas, les coûts
liés au traitement des pourriels sont généralement refilés aux clients du FSI.
Le traitement des pourriels est également onéreux pour les entreprises.
Si
l’entreprise ne bénéficie pas d’un service pour filtrer ou bloquer les pourriels (un service qui
(8)
Consulter le site Web du Anti-Phishing Working Group pour de plus amples renseignements
(http://www.antiphishing.org).
(9)
Serge Gauthronet et Étienne Drouard, Communications commerciales non sollicitées et protection des
données, Commission des Communautés européennes, janvier 2001
(http://europa.eu.int/comm/internal_market/privacy/docs/studies/spamstudy_fr.pdf).
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n’est de toute façon pas totalement efficace), les employés peuvent passer un temps considérable
à effacer les pourriels de leurs comptes. Même si le temps consacré au traitement des pourriels
ne se limite qu’à quelques secondes par message, les pertes de productivité de l’entreprise
s’accumulent au fil du temps. Un rapport estimait récemment que les pourriels coûtent aux
sociétés environ 20 milliards de dollars américains (ou 27 milliards de dollars canadiens)
mondialement chaque année en frais liés à la technologie de l’information (p. ex. une largeur de
bande supérieure, des coûts de stockage plus élevés, l’achat de logiciels anti-pourriel et le soutien
offert aux utilisateurs de ces logiciels) et en perte de productivité, et que ce coût augmente de
près de 100 p. 100 par an(10).
C. Déplacement des autres courriels et « menaces combinées »
Outre le coût financier associé à leur traitement, les pourriels constituent une
menace pour la fiabilité et la sécurité des communications par Internet. Les pourriels peuvent
inonder les serveurs de courriel et ainsi réduire ou empêcher la circulation de courriels légitimes.
Les « menaces combinées » – le regroupement de virus, de vers ou de chevaux de Troie avec des
pourriels – constituent un problème de pollupostage plus récent. En 2003, par exemple, un ver
de diffusion massive connu sous le nom de Sobig.C se propageait par l’entremise de courriels
dotés de pièces jointes qui contenaient le code du virus.
La reproduction de Sobig.C a
vraisemblablement été favorisée par la technologie du pollupostage, qui a permis une
propagation plus rapide et une distribution à l’échelle planétaire(11).
COMMENT LES POLLUPOSTEURS PROCÈDENT-ILS?
L’envoi de pourriels coûte trois fois rien et constitue une méthode rapide pour les
entreprises et les particuliers d’acheminer des publicités pour des produits et services, ainsi que
d’autres genres d’information, à des destinataires dont le nombre varie de quelques-uns à
plusieurs millions. Les polluposteurs n’ont qu’à avoir accès aux logiciels appropriés pour se
mettre à envoyer des messages non sollicités, soit directement, au moyen de leurs comptes
(10) L’auteur de l’étude ne donne aucune information à propos du processus d’estimation de ce chiffre. Voir
Jonathan B. Spira, Spam E-Mail and Its Impact on IT Spending and Productivity, Basex, décembre 2003
(http://www.basex.com/poty2003.nsf/e67dc0f5617d6e9c85256a99005ea0e7/f8761f74ba37069385256e0
40019f314/$FILE/BasexReport.Spam.pdf).
(11) Paul Roberts, « Sobig: Spam, Virus, or Both? Virus writer likely used spamming techniques to spread
the worm quickly », PCWorld, juin 2003 (http://www.pcworld.com/news/article/0,aid,111028,00.asp).
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personnels auprès de leur FSI, ou anonymement, par l’entremise de « serveurs relais ouverts » de
tiers(12) ou de « serveurs mandataires ouverts »(13) (où le polluposteur et les destinataires ne sont
pas des utilisateurs locaux). Dans le cas de la première méthode, les FSI seront portés à fermer
les comptes, s’ils s’aperçoivent qu’ils sont utilisés pour des activités de pollupostage, mais cela
ne se produit généralement pas avant que des centaines de milliers, voire des millions, de
messages aient été envoyés par le polluposteur. En utilisant des serveurs mandataires ouverts ou
des serveurs relais ouverts et d’une adresse électronique fictive dans l’en-tête du messageréponse afin d’envoyer des courriels de façon anonyme, les polluposteurs peuvent dissimuler la
véritable origine des messages. Dans les régions du monde où la messagerie texte par téléphone
mobile (services de messages courts – SMS) est populaire, notamment en Europe et en Asie, les
polluposteurs peuvent également envoyer des pourriels de type SMS à des téléphones mobiles.
Les polluposteurs obtiennent les adresses électroniques de trois façons : a) en
« furetant », une pratique qui consiste à recueillir (à l’aide de programmes automatiques appelés
« robots ») les adresses électroniques affichées sur les pages Web et sur les babillards
électroniques; 2) en « devinant », une pratique selon laquelle le polluposteur emploie des termes
ou des chaînes produites au hasard afin de concevoir des adresses de courriel; et 3) en se
procurant des adresses électroniques auprès de courtiers.
LA LUTTE AU POURRIEL
A. Options technologiques
Diverses approches technologiques peuvent diminuer, sans toutefois éliminer, la
livraison de pourriels à un FSI, à un réseau d’entreprise ou à un ordinateur personnel à la maison.
Au niveau le plus fondamental, les particuliers et les entreprises peuvent rédiger leurs propres
programmes ou règles afin de détecter et d’éliminer le pourriel. Bon nombre d’entreprises et de
FSI investissent dans des logiciels pourvus de filtres anti-pourriel plus avancés (qui peuvent
fonctionner à partir de l’Internet ou d’un serveur ou être installés sur un appareil) vendus par l’un
(12) Les serveurs relais ouverts (également appelés relais non protégés ou relais de tiers) sont configurés de
façon à accepter et à livrer du courriel de la part de n’importe quel utilisateur de n’importe quel endroit,
y compris des tiers qui n’ont aucun lien avec l’organisation qui héberge le serveur.
(13) Les serveurs mandataires ouverts sont des ordinateurs mal configurés qui permettent la canalisation de
la circulation de pratiquement n’importe quel service de réseau par l’entremise d’un ordinateur hôte.
Les polluposteurs ciblent et piratent souvent ces serveurs mandataires non protégés et se servent des
ordinateurs pour expédier des quantités énormes de messages de façon anonyme.
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des nombreux fournisseurs de logiciels anti-pourriel, qui continuent de se multiplier depuis
quelques années. Il existe différentes sortes de filtres anti-pourriel, y compris des logiciels
d’analyse du contenu, qui cherchent des mots clés, et des outils d’analyse de comportements, qui
sont à l’affût de constantes telles qu’un nombre important de destinataires ou de copies muettes.
Les filtres anti-pourriel les plus nouveaux sont des programmes perfectionnés qui vérifient les
messages selon des critères déterminés d’avance dans une base de règles ou des algorithmes
statistiques qui « apprennent » les caractéristiques qui différencient les courriels légitimes des
pourriels.
À un autre niveau, les FSI peuvent adhérer à des listes de « trous noirs » gérées
par plusieurs entreprises(14). Ces listes contiennent les adresses IP (Internet Protocol) des réseaux
qui expédient ou qui relaient le pourriel. On ajoute les polluposteurs à ces listes, à la suite de
plaintes et d’une enquête, puis les FSI peuvent régler leurs serveurs de courrier de façon à ce
qu’ils rejettent les messages qui proviennent de ces adresses IP. Le désavantage de ces listes est
qu’elles ne sont pas sélectives et que tout le courrier des réseaux qui laissent passer les pourriels
est rejeté. Par conséquent, des messages légitimes sont perdus.
La réduction du nombre de serveurs relais ouverts et de serveurs mandatés ouverts
à l’échelle internationale pourrait également contribuer à ralentir le flux de pourriels. La Federal
Trade Commission des États-Unis et des organismes de 26 pays ont annoncé récemment
l’offensive « Operation Secure Your Server » (opération Sécurisez votre serveur). Dans le cadre
de cette initiative internationale, les organismes participants ont ciblé des dizaines de milliers de
propriétaires ou d’exploitants de serveurs relais ou de serveurs mandataires potentiellement
ouverts dans le monde entier, et ils envoient des lettres pour les inciter à fermer ces serveurs et à
éviter ainsi de devenir des sources de pourriel à leur insu(15).
Le président de Microsoft Corp. a laissé entendre récemment qu’il serait possible
d’éradiquer le pourriel d’ici deux ans à l’aide d’une correction technologique. Il a annoncé que
son entreprise est à examiner des moyens d’éliminer le pourriel en obligeant, par exemple, les
expéditeurs de courriels à payer des frais, à moins que le destinataire y renonce(16). De nombreux
(14) Voir, par exemple, The Spamhaus Block List (http://www.spamhaus.org/sbl/index.lasso).
(15) U.S. Federal Trade Commission, « FTC and International Agencies Announce ‘Operation Secure Your
Server’ », 29 janvier 2004 (http://www.ftc.gov/opa/2004/01/opsecure.htm).
(16) CBSNEWS.com, « Gates: Spam To Be Canned By 2006 », 24 janvier 2004
(http://www.cbsnews.com/stories/2004/01/24/tech/main595595.shtml).
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analystes accueillent ces affirmations avec scepticisme, en soutenant qu’aucune technologie antipourriel n’est parfaitement efficace et en soulignant que les polluposteurs créent constamment de
nouvelles applications logicielles pour contrer les systèmes anti-pourriel. Par exemple, l’une des
toutes dernières méthodes de pollupostage consiste à inclure au hasard du texte rédigé en blanc
sur un fond blanc. Invisible pour la majorité des destinataires, ce texte brouille les filtres qui
sont à la recherche d’un texte de pourriel typique.
B. Autoréglementation de l’industrie
La plupart des associations de marketing sur Internet et de marketing direct ont,
jusqu’à tout récemment, soutenu que l’autoréglementation de l’industrie devrait suffire pour
lutter contre le pourriel. Au pays, l’Association canadienne des fournisseurs Internet (ACFI) est
favorable aux « initiatives d’autoréglementation » de ce genre. L’Association laisse entendre
que les règlements ou les mesures législatives du gouvernement ne seront jamais assez souples
pour suivre le rythme effréné des changements technologiques qui se produisent sur Internet et
qu’ils ne pourront jamais s’appliquer d’une administration ou d’un pays à l’autre pour s’attaquer
à l’absence de frontières qui caractérise l’Internet. L’Association a produit un document qui
expose une série de pratiques équitables à l’intention de ses membres. L’une de ces politiques
contient la déclaration suivante : « Aucun fournisseur membre de l’ACFI ne permet sciemment
que ses services servent à la transmission massive de courriel-rebut, en particulier de pourriel ou
courriel-rebut de nature commerciale, entre des parties qui jusque-là n’avaient aucune relation
commerciale. »(17) La plupart des FSI ont effectivement des politiques anti-pourriel et peuvent
fermer le compte de tout abonné qu’ils surprennent à exercer de telles activités.
Le Code de déontologie et Normes de pratique de l’Association canadienne du
marketing (ACM) interdit à ses 800 membres de transmettre des courriels publicitaires sans le
consentement du destinataire, à moins que le commerçant ait déjà une relation avec le
destinataire (une approche dite « d’inclusion » du marketing). Les membres peuvent envoyer
leurs courriels publicitaires à des clients existants, mais ces courriels doivent identifier
clairement le commerçant et offrir au destinataire un moyen simple de lui répondre par courriel.
(17) Association canadienne des fournisseurs Internet, « Autoréglementation », Les enjeux Internet –
Sommaire (http://www.caip.ca/issueset-fr.htm).
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De plus, on interdit aux membres d’envoyer du courriel aux destinataires qui ont indiqué qu’ils
ne veulent pas recevoir d’autres communications(18).
En janvier 2004, les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables
des questions de consommation ont entériné le Code canadien de pratiques pour la protection
des consommateurs dans le commerce électronique(19). Ce code volontaire a été élaboré par un
groupe de travail formé de représentants d’entreprises canadiennes, du gouvernement et
d’organismes de défense des consommateurs. Le Code comprend les « principes » suivants sur
l’envoi non sollicité de courriels à caractère commercial : 1) « Le commerçant ne doit pas
transmettre de courriel publicitaire au consommateur sans son consentement, sauf si une relation
a déjà été établie avec ce dernier. Le seul fait de consulter ou de parcourir le site Web d’un
commerçant ne constitue pas l’établissement d’une telle relation. » et 2) « Tout courriel
publicitaire provenant du commerçant doit indiquer clairement une adresse électronique de
retour et proposer clairement une formalité facile à remplir, qui permet au consommateur
d’aviser le commerçant qu’il ne désire pas recevoir de tels messages. »
Aux États-Unis, il n’est pas interdit aux membres de la Direct Marketing
Association (DMA) d’envoyer des courriels non sollicités, à condition d’avoir purgé au préalable
leurs listes des adresses électroniques des personnes qui se sont inscrites à la base de données
« e-mail Preference Service » de l’Association. Les commerçants qui ne sont pas membres de la
DMA peuvent, eux aussi, avoir accès à la base de données. Les Canadiens qui désirent que leur
adresse électronique soit retirée des listes d’envoi peuvent s’inscrire à ce service(20).
Les
commerçants affiliés à la DMA doivent également inclure, dans chaque courriel, un lien ou un
avis permettant aux destinataires d’exiger qu’on ne leur envoie plus de courriel. Dans ce
système « d’exclusion », il incombe aux destinataires du pourriel de demander que leur adresse
soit retirée des listes des commerçants.
Le message doit également révéler l’identité du
(18) Association canadienne du marketing, Code de déontologie et Normes de pratique
(http://www.the-cma.org/french/ethics.cfm).
(19) Groupe de travail sur la consommation et le commerce électronique, Code canadien de pratiques pour
la protection des consommateurs dans le commerce électronique, janvier 2004
(http://cmcweb.ca/epic/internet/incmccmc.nsf/vwapj/EcommPrinciples2003_f.pdf/$FILE/EcommPrinciples2003_f.pdf).
(20) Voir Direct Marketing Association, Consumer Assistance, « Getting off commercial e-mail lists »
L’inscription au service est
(http://www.dmaconsumers.org/consumers/optoutform_emps.shtml).
gratuite pour les particuliers. Les commerçants sont tenus de verser des droits à la DMA pour avoir
accès à la base de données.
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commerçant et la ligne objet doit être « claire, honnête et ne pas induire en erreur »(21). En vertu
des mesures législatives fédérales qui ont pris effet aux États-Unis en janvier 2004 (voir la
section consacrée aux États-Unis ci-dessous), tous les pourriels de nature commerciale doivent
maintenant comporter des consignes d’exclusion et des lignes objet honnêtes.
Les plans d’autoréglementation n’ont pas réussi à ralentir le flux des pourriels sur
Internet.
Les polluposteurs établis à l’étranger qui n’appartiennent pas à des organismes
nationaux de marketing ou qui envoient des messages trompeurs ou frauduleux n’ont
généralement aucun motif de respecter les lignes directrices des codes de conduite. Pour cette
raison, de nombreux territoires se sont tournés vers les mesures législatives en guise d’arme antipourriel supplémentaire.
C. Approches juridiques
1. Mesures législatives contre le pourriel
Différents pays ont fait appel à au moins une des approches législatives générales
suivantes afin de lutter contre le pourriel : 1) interdire le courriel qui comporte une ligne objet ou
un en-tête frauduleux ou trompeur; 2) exiger des polluposteurs qu’ils incluent des consignes
d’exclusion dans les courriels commerciaux non sollicités pour que les destinataires puissent leur
demander de ne pas leur envoyer d’autres messages; 3) exiger que la ligne objet du courriel porte
une étiquette, si le message est une publicité non sollicitée; 4) interdire l’envoi de courriels
commerciaux non sollicités, à moins que l’expéditeur ait obtenu le consentement du destinataire
au préalable (approche « d’inclusion »). On a présenté des mesures législatives anti-pourriel
dans plusieurs pays, notamment aux États-Unis, en Australie et dans les États membres de
l’Union européenne. Les approches législatives privilégiées par les États-Unis et l’Europe, de
même que la situation au Canada, sont abordées ci-après.
(21) Direct Marketing Association, DMA Guidelines for Ethical Business Practice, avril 2002 [traduction]
(http://www.the-dma.org/library/guidelines/ethicalguidelines#6a).
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a. États-Unis
Avant 2003, il n’existait aucune loi fédérale sur le pourriel aux États-Unis, même
si on avait déposé plusieurs projets de loi anti-pourriel au Congrès dans les années précédentes(22)
et même si 36 États s’étaient déjà dotés d’une quelconque forme de mesures législatives antipourriel(23). La Controlling the Assault of Non-Solicited Pornography and Marketing Act de
2003 (CAN-SPAM Act de 2003)(24) a été adoptée le 16 décembre 2003 et a pris effet le
1er janvier 2004. Cette loi exige que les messages électroniques commerciaux non sollicités
soient étiquetés (aucune méthode standard n’est imposée) et qu’ils comportent des consignes
d’exclusion ainsi que l’adresse postale physique de l’expéditeur. Elle interdit l’utilisation d’une
ligne d’objet trompeuse ou d’un en-tête fictif. La Loi interdit également de relayer des messages
électroniques commerciaux par l’entremise d’un ordinateur ou d’un réseau informatique protégé
auquel l’expéditeur a eu accès sans autorisation. Elle oblige la Federal Trade Commission à
planifier la mise sur pied d’un registre anti-courriel et lui permet de le faire sans y être mandatée.
La Loi exige également que la Federal Communications Commission présente des règlements
qui visent à protéger les consommateurs contre l’envoi de messages courts (SMS) non désirés à
caractère commercial. La Loi remplace les lois des États qui exigent des étiquettes sur les
courriels commerciaux non sollicités ou qui interdisent tous les courriels commerciaux, même si
des dispositions qui ne font qu’aborder la fausseté et la déception demeurent en place. Les
infractions à la Loi peuvent entraîner des amendes ou des peines d’emprisonnement.
Certains détracteurs de la loi fédérale américaine l’ont surnommée la « YOUCAN-SPAM Act » (loi qui autorise le pourriel), en soutenant qu’elle légalise le pourriel pour
autant que les polluposteurs fournissent aux destinataires un moyen « d’exclusion ».
Les
critiques font remarquer que la loi fédérale remplace des lois des États qui étaient souvent plus
strictes. Par exemple, la Californie et le Delaware avaient tous deux des lois qui interdisaient
l’envoi non sollicité de courriel de nature commerciale à partir de ces États ou à destination de
personnes habitant ces États(25).
(22) Voir le résumé de ces mesures (http://www.spamlaws.com/federal/index.html).
(23) Voir le résumé des lois des États américains (http://www.spamlaws.com/state/index.html).
(24) Voir la Controlling the Assault of Non-Solicited Pornography and Marketing Act of 2003 (the CANSPAM Act of 2003), Public Law 108-187 (http://www.spamlaws.com/federal/108s877enrolled.pdf).
(25) Voir, par exemple, The Spamhaus Project, « United States set to Legalize Spamming on 1 January 2004 »
(http://www.spamhaus.org/news.lasso?article=150).
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Des analyses récentes de la circulation de pourriels donnent à penser que la
nouvelle loi n’a eu aucune incidence directe sur les taux de pourriels aux États-Unis. Selon trois
fournisseurs de filtres anti-pourriel, seulement entre 1 et 10 p. 100 des pourriels expédiés à des
adresses aux États-Unis dans la semaine qui a suivi l’entrée en vigueur de la Loi en janvier 2004
répondaient aux exigences d’étiquetage de la Loi. De plus, un fournisseur a indiqué que la
quantité de courriels envoyés durant cette période a en fait augmenté(26).
Selon certains
analystes, une application rigoureuse s’impose pour que la Loi ait un quelconque effet.
b. Union européenne
En juillet 2002, le Parlement européen et le Conseil des Communautés
européennes ont adopté une directive(27) qui vise à assurer un degré commun de protection dans
l’ensemble des États membres de l’Union européenne (UE) contre les communications
électroniques non sollicitées (les télécopies, les appareils téléphoniques automatisés et les
courriels, y compris les messages SMS) envoyées dans le but de faire du marketing direct. La
directive est une approche « d’inclusion » selon laquelle on interdit aux commerçants d’expédier
du courriel sans avoir obtenu au préalable le consentement des destinataires, à moins d’avoir déjà
établi une relation avec ces destinataires. Le courriel publicitaire doit clairement identifier
l’expéditeur et fournir une adresse valide où le destinataire peut demander que l’on mette fin aux
communications de ce genre. La directive de l’UE vise les « personnes physiques » (c.-à-d. les
particuliers); les États membres sont également tenus de veiller à ce que les intérêts légitimes des
autres abonnés (p. ex. les entreprises) soient suffisamment protégés par les lois nationales. La
directive devait être mise en œuvre par les États membres de l’UE avant le mois d’octobre 2003.
En novembre 2003, toutefois, la Commission européenne intentait des procédures pour infraction
contre neuf États membres qui n’avaient pas intégré la directive de l’UE à leur code de droit
national(28).
(26) Grant Gross, « Is the CAN-SPAM Law Working? Only a small percentage of unsolicited e-mail
complies with the new law, studies show », PCWorld, 13 janvier 2004
(http://www.pcworld.com/news/article/0,aid,114287,00.asp).
(27) Directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement
de données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications
électroniques (directive vie privée et communications électroniques)
(http://europa.eu.int/eur-lex/pri/fr/oj/dat/2002/l_201/l_20120020731fr00370047.pdf).
(28) Commission européenne, « La Commission engage des procédures d’infraction contre neuf États
membres pour défaut d’adoption des nouvelles règles en matière de protection de la vie privée
applicables aux réseaux et services numériques », 5 décembre 2003
(http://europa.eu.int/rapid/start/cgi/guestfr.ksh?p_action.gettxt=gt&doc=IP/03/1663|0|AGED&lg=FR&display).
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c. Canada
Il n’existe actuellement aucune loi fédérale au Canada qui cible le pourriel de
façon précise, bien que les bulletins d’informations laissent entendre que le gouvernement songe
à présenter des mesures législatives(29). La plupart des pourriels envoyés au Canada, bien que
contrariants, ne sont pas illégaux. Par contre, l’envoi de pourriels frauduleux ou qui impliquent
un accès non autorisé à des ordinateurs, un usage non autorisé d’ordinateurs ou un méfait à
l’égard de données informatisées peut être visé en vertu du Code criminel. En outre, la Loi sur la
concurrence renferme des dispositions qui interdisent les fausses représentations et les pratiques
de marketing trompeuses, y compris celles sur Internet. Enfin, la Loi sur la protection des
renseignements personnels et les documents électroniques établit des règles qui régissent la
collecte, l’utilisation et la divulgation de renseignements personnels dans le cadre d’activités
commerciales; considérées comme des renseignements personnels, les adresses électroniques
sont donc assujetties aux dispositions de la Loi.
Deux projets de loi sur le pourriel d’initiative parlementaire ont été présentés au
cours de la 37e législature. Le projet de loi S-2 : Loi visant à empêcher la diffusion sur l’Internet
de messages non sollicités(30) a été déposé au Sénat le 3 février 2004(31). Si elle était adoptée,
cette loi permettrait au ministre de l’Industrie de former un conseil autonome, auquel tous les FSI
devraient appartenir, qui déterminerait les normes d’éthique pour ses membres ainsi que les
normes relatives au filtrage du pourriel(32). Le projet de loi exige que le Ministre dresse et
conserve une liste « anti-pourriel » confidentielle. L’envoi d’un courriel non sollicité à une
adresse qui figure sur cette liste ou l’envoi d’un courriel dont l’adresse est fictive ou qui contient
de faux renseignements sur n’importe quels biens et services annoncés serait passible d’une
amende. Quant au pourriel frauduleux, au pourriel destiné aux enfants ou au pourriel qui
contient de la pornographie juvénile ou dont le contenu est sexuellement explicite, la loi
proposée prévoit des sanctions plus sévères, y compris l’emprisonnement.
(29) La Presse canadienne, « Industry minister willing to consider law against unsolicited e-mails »,
4 février 2004.
(30) Projet de loi S-2 : Loi visant à empêcher la diffusion sur l’Internet de messages non sollicités
(http://www.parl.gc.ca/37/3/parlbus/chambus/senate/bills/public/pdf/s-2_1.pdf).
(31) Initialement présenté en tant que projet de loi S-23 en septembre 2003 au cours de la 2e session de la
37e législature.
(32) Le projet de loi définit le pourriel comme « un ou plusieurs messages non sollicités envoyés et reçus sur
l’Internet, à l’exception des messages qu’une personne envoie à une autre personne avec qui elle a des
relations commerciales ou personnelles ».
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Le projet de loi C-460 : Loi modifiant le Code criminel (courriel non sollicité)(33)
a été déposé à la Chambre des communes le 2 février 2004(34). Ce projet de loi vise à modifier le
Code criminel afin de créer deux nouvelles infractions : l’envoi de courriel électronique
commercial non sollicité (sauf s’il existe déjà une relation d’affaires) et la vente d’adresses
électroniques sans le consentement préalable des personnes concernées. Le projet de loi prévoit
une peine d’emprisonnement, une amende ou les deux peines pour une personne reconnue
coupable de l’une ou l’autre de ces infractions.
Plusieurs associations de protection des consommateurs (p. ex. la Canadian
Coalition Against Unsolicited Commercial Email in Canada) ont réclamé une loi fédérale afin
d’aider à atténuer le problème du pourriel.
Certains groupes de marketing direct laissent
maintenant entendre que l’autoréglementation ne peut suffire à lutter contre le pourriel. L’ACM
considère que la voie législative pourrait être une « option », à condition qu’il y ait
harmonisation avec les lois des autres pays et de l’ensemble des provinces. L’Association fait
également remarquer que la coopération internationale s’avère nécessaire, puisque les activités
des polluposteurs se font souvent à l’extérieur du Canada, ce qui soulève des questions d’ordre
juridique(35). Aux États-Unis, la DMA, qui s’opposait initialement à d’éventuelles mesures
législatives anti-pourriel, s’est déclarée en faveur de la CAN-SPAM Act. Les détracteurs de la
volte-face de la DMA prétendent que cette dernière a appuyé cette loi uniquement parce que
celle-ci reflète ses règles anti-pourriel existantes, qui n’interdisent pas aux membres d’envoyer
du courriel non sollicité à caractère commercial.
d. Législation et coopération internationale
Les mesures législatives présentées dans plusieurs pays du monde ne sont pas
uniformes et les différences entre les lois nationales compromettent leur efficacité. À titre
d’exemple, la loi américaine permet que l’on envoie du courriel commercial non sollicité à
n’importe qui, sauf lorsque le destinataire demande explicitement de ne plus en recevoir. En
revanche, la directive de l’UE exige le consentement préalable du destinataire avant l’envoi de
(33) Projet de loi C-460 : Loi modifiant le Code criminel (courriel non sollicité),
(http://www.parl.gc.ca/PDF/37/2/parlbus/chambus/house/bills/private/c-460_1.pdf).
(34) Initialement présenté avec le même numéro en octobre 2003 au cours de la 2e session de la
37e législature.
(35) Réponse de l’ACM au document de discussion d’Industrie Canada Télémercatique : Offrir un choix au
consommateur et créer des possibilités d’affaires
(http://www.the-cma.org/media/downloads/March%2027%20submission.pdf).
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n’importe quel message de publicité directe. Selon les analystes, puisque la plupart des pourriels
proviennent des États-Unis(36) et que la loi américaine est moins restrictive que la directive de
l’UE, les habitants de l’UE continueront de recevoir d’importantes quantités de pourriels en
provenance des États-Unis.
Comme l’Internet ne connaît pas de frontières, les lois peuvent contribuer à faire
diminuer la quantité de pourriels, sans toutefois les éliminer. Les polluposteurs d’un pays
risquent de ne pas respecter les lois des autres pays, et il peut être difficile de retracer,
d’identifier et ainsi de mettre en accusation les polluposteurs qui enfreignent les lois du pays en
envoyant leurs messages par l’entremise de serveurs mandataires ouverts situés à l’étranger.
Des efforts internationaux sont déployés afin de diminuer le flux de pourriels, du
moins de pourriels trompeurs. En 2002, par exemple, la Federal Trade Commission des ÉtatsUnis, huit organismes d’État chargés de l’application de la loi et quatre organismes canadiens se
sont unis dans le cadre de l’initiative Netforce afin de cibler les pourriels trompeurs et la fraude
sur Internet.
Les organismes se sont concentrés sur différentes arnaques – des enchères
frauduleuses aux sites offrant des « remèdes » contre le cancer – et ils ont expédié des lettres
rappelant que l’envoi de pourriels trompeurs est interdit par la loi(37).
2. Litiges
Les polluposteurs ont fait l’objet de poursuites dans plusieurs territoires, le plus
souvent par des FSI dont les serveurs ont été congestionnés par du pourriel ou par des tiers dont
le nom ou les ressources ont été utilisés sans permission(38). La plupart de ces poursuites ont eu
lieu aux États-Unis, et un certain nombre d’entre elles ont porté fruit(39). La nouvelle loi anti-
(36) En mars 2003, 58,4 p. 100 des pourriels reçus dans le monde provenaient des États-Unis, suivis de la
Chine (5,6 p. 100), du Royaume-Uni (5,2 p. 100), du Brésil (4,9 p. 100) et du Canada (4,1 p. 100).
Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, Rapport sur le commerce
électronique et le développement, 2003, p. 27 (http://www.unctad.org/en/docs//ecdr2003_en.pdf). Le
rapport lui-même est rédigé en anglais, mais un aperçu général produit en français est disponible
(http://r0.unctad.org/ecommerce/docs/edr03_en/overview_fr.pdf).
(37) U.S. Federal Trade Commission, « International Netforce Launches Law Enforcement Effort »,
2 avril 2002 (http://www.ftc.gov/opa/2002/04/spam.htm).
(38) David Sorkin, « Technical and Legal Approaches to Unsolicited Electronic Mail », University of San
Francisco Law Review, vol. 35, hiver 2001, p. 325 à 384.
(39) Voir la description de cas choisis sur les sites de SpamLaws (http://www.spamlaws.com/cases/) et
d’AOL (http://legal.web.aol.com/decisions/dljunk/otherarchive.html).
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pourriel adoptée aux États-Unis confère un droit d’action au civil à la Federal Trade
Commission, aux procureurs généraux des États et aux FSI, mais pas aux particuliers.
Au Canada, quelques poursuites relatives aux pourriels ont fait les manchettes.
En 1999, par exemple, un FSI établi à Toronto a intenté un procès contre un abonné qui avait
envoyé du pourriel, à l’encontre des règles du fournisseur. Le polluposteur aurait expédié
environ 600 000 courriels sur une période de deux semaines dans le cadre d’une manigance
lucrative. Le tribunal a tranché en faveur du FSI(40). Dans un autre cas, qui remonte également à
1999, un FSI de l’Ontario a été poursuivi par un client pour avoir interrompu son service. Le FSI
avait mis fin au service du client en alléguant que ce dernier avait envoyé jusqu’à 200 000
courriels publicitaires non sollicités par jour. Le juge a rejeté la requête du client exigeant que le
FSI rétablisse le service en déclarant que le courriel commercial en masse non sollicité est une
violation des principes de la « Nétiquette », sauf si cette pratique est expressément permise dans
le contrat applicable(41).
LA POSITION DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL CANADIEN SUR LE POURRIEL
Industrie Canada a produit un document de politique sur le pourriel en 1997(42).
À cette époque, le pourriel n’était pas un problème grave et le document avait été conçu
principalement dans le but d’informer.
Le gouvernement fédéral estimait alors qu’une
combinaison de cadres stratégiques et législatifs, de solutions technologiques, d’initiatives de
sensibilisation des consommateurs et de pratiques responsables par les acteurs de l’industrie de
l’Internet suffisait pour combattre la malveillance et les activités criminelles en matière
d’informatique et de pourriel.
Par contre, au milieu 2002, on a estimé que le volume de pourriel constituait au
moins 30 p. 100 de la circulation globale de courriel et qu’il continuait de s’accroître rapidement.
Industrie Canada a alors entamé des discussions avec certains acteurs de l’industrie, y compris
(40) Joaquim Menezes, « Ontario court sends spammer a message », Computing Canada, avril 1999.
(41) Dan Goodin, « It’s OK to cancel spam accounts », CNETnews.com, juillet 1999
(http://news.com.com/2100-1023-228210.html?legacy=cnet).
(42) Industrie Canada, « L’Internet et le courrier électronique en vrac non sollicité », L’Économie numérique
au Canada, document de discussion, juillet 1997
(http://e-com.ic.gc.ca/epic/internet/inecicceac.nsf/vwapj/SPAM_1997fr.pdf/$FILE/SPAM_1997fr.pdf).
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les commerçants et les FSI, concernant les méthodes possibles de lutte contre le problème du
pourriel.
En janvier 2003, Industrie Canada a publié un document de discussion sur le
pourriel(43) et l’a expédié à un petit nombre d’organismes représentant les FSI, les industries de la
technologie de l’information, les entreprises et les consommateurs. Le document soulevait un
certain nombre de questions sur les politiques gouvernementales, l’observation des lois en place,
les technologies des réseaux, les pratiques commerciales de l’industrie, ainsi que l’éducation et la
sensibilisation des consommateurs. D’autres consultations gouvernementales sont prévues à ce
sujet en 2004.
CONCLUSION
Le courriel non sollicité et non désiré – le pourriel – est devenu un problème de
taille ces dernières années, tant pour les particuliers que pour les sociétés qui utilisent l’Internet.
Parmi les enjeux : le contenu douteux d’une grande proportion du pourriel; le coût financier de
son traitement; le déplacement du courriel légitime par le pourriel; et la menace qu’il constitue
pour la fiabilité et la sécurité de l’Internet. Des approches de la réglementation du pourriel axées
sur le marché ont peu fait pour en freiner le flux, et les particuliers et les entreprises doivent
payer, soit indirectement (p. ex. perte de productivité), soit directement (p. ex. technologies antipourriel), pour y faire front. On a conçu une panoplie de technologies anti-pourriel, mais aucune
d’entre elles n’est parfaitement efficace, et les polluposteurs créent continuellement de nouvelles
applications pour échapper aux systèmes anti-pourriel.
Au cours des dernières années, les gouvernements des quatre coins du monde ont
commencé à présenter des mesures législatives afin de tenter de gérer le pourriel.
Le
gouvernement fédéral canadien n’a déposé aucun texte de loi qui cible expressément le pourriel,
mais deux projets de loi anti-pourriel d’initiative parlementaire ont été déposés en 2004.
L’énoncé de principes le plus récent du gouvernement fédéral sur le pourriel laisse entendre que
les lois, les technologies et les pratiques de l’industrie en place sont suffisantes pour lutter contre
le pourriel. Industrie Canada, en revanche, tient des consultations avec des groupes intéressés au
sujet du pourriel et passe en revue sa politique sur ce problème.
Même si des mesures
(43) Industrie Canada, « Télémercatique : Offrir un choix au consommateur et créer des possibilités d’affaires »,
L’Économie numérique au Canada, document de discussion, janvier 2003 (http://ecom.ic.gc.ca/epic/internet/inecic-ceac.nsf/vwapj/SPAM_2003fr.pdf/$FILE/SPAM_2003fr.pdf).
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législatives peuvent aider à diminuer la quantité de pourriel qui provient de certains territoires,
les polluposteurs (surtout ceux qui envoient des messages trompeurs, frauduleux ou offensants)
continueront vraisemblablement de déjouer le système en expédiant du pourriel à partir de
territoires où les lois sont moins restrictives ou inexistantes et pour lesquels le repérage et la
poursuite des polluposteurs ne constituent pas une priorité, ou en passant par de tels territoires.
Il est douteux qu’un seul front d’attaque puisse réduire de façon importante la
circulation des pourriels dans le monde. Une approche polyvalente comportant des technologies
anti-pourriel, la collaboration de l’industrie, des lois harmonisées dans l’ensemble des territoires,
des sanctions sévères pour le pourriel illégal, la coopération transfrontalière et la sensibilisation
des consommateurs constitue probablement la seule façon de régler le fléau du pourriel à
l’échelle internationale.