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Les travailleurs sociaux du secteur de la santé :
Leurs conditions de travail et autres sujets connexes
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Le contexte
L’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux (ACTS) est une organisation
nationale qui représente plus de 16 000 travailleuses et travailleurs sociaux au Canada, exception
faite du Québec. L’ACTS est l’une des 10 organisations nationales, dont une coalition, qui ont
participé activement à l’initiative nationale pour l'amélioration de la collaboration
interdisciplinaire dans les soins de santé primaires (ACIS). L’objectif de cette initiative était
d'encourager les professionnels de la santé à travailler ensemble, de la façon la plus efficace et la
plus efficiente possible, pour produire de meilleurs résultats en matière de santé pour les
personnes et les familles. (Les soins de santé primaires, mars 2006). www.eicp-acis.ca
L’ACTS est aussi l’une des 11 organisations nationales représentant des fournisseurs de services,
des usagers et des familles dans le cadre de l'Initiative canadienne de collaboration en santé
mentale (ICCSM). Le but de cette initiative est d'améliorer la santé mentale et le bien-être des
Canadiennes et des Canadiens en renforçant la collaboration entre les fournisseurs de soins de
santé, les usagers, les familles et les aidants naturels. http://www.ccmhi.ca/fr/
L’ACTS a créé le Groupe d'intérêts sur la santé afin de lui confier des projets d'importance
stratégique identifiés par le conseil d'administration de l’ACTS ou les membres du Groupe en
matière de service social et de santé, incluant les deux initiatives précitées : l’ACIS et l’ICCSM.
Les membres du Groupe d'intérêts sur la santé jouent un rôle de chef de file auprès de l’ACTS,
formulent des recommandations à son intention et proposent certaines actions à entreprendre en
matière de politiques, de pratique, d'éducation, et de recherche dans le domaine de la santé au
sens large.
Le Groupe d’intérêts de l’ACTS sur la santé a exprimé certaines préoccupations relatives aux
conditions de travail des travailleuses et travailleurs sociaux du secteur de la santé; il est
particulièrement intéressé à comprendre les conditions de travail de ces praticiens et à définir la
nature des appuis requis pour les intervenants en service social œuvrant présentement dans le
secteur de la santé. Il souhaiterait rédiger un exposé de position traitant des niveaux d'appui
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recommandés pour les intervenants de première ligne en service social, un document qui
s’attarderait à définir ce qui est efficace et ce qui ne l’est pas. Une autre préoccupation connexe a
trait au fait que les écoles et les facultés de service social ne préparent pas assez bien leurs
étudiants à occuper un poste dans le secteur de la santé. Enfin, le Groupe est désireux de se
prononcer sur le sempiternel dilemme de la pratique du service social dans les milieux de la
santé, à savoir ce que devraient être les champs d'activité respectifs des détenteurs d'un
baccalauréat ou d'une maîtrise en service social.
Introduction
Dans le contexte des changements rapides qui se produisent dans le secteur de la santé, les
auteurs se sont davantage intéressés au niveau de satisfaction au travail des travailleurs sociaux
(Gleason-Wynn et Mindel, 1999; Kadushin et Kulys, 1995; Michalski, Creighton et Jackson,
1999). On a noté une corrélation entre la satisfaction et le rendement au travail et il semble en
outre exister un rapport entre la satisfaction au travail et le roulement des travailleurs (Freund,
2005; Gellis, 2002; Gleason-Wynn et Mindel, 1999; Gregorian, 2005). Il existe une perception
selon laquelle la pratique du service social dans le secteur de la santé a considérablement changé,
comme conséquence surtout de l’adoption par les hôpitaux de l’approche de gestion par
programmes, mais en raison aussi de la complexité des problèmes des clients, de la complexité
des systèmes sociaux et des pressions afférentes à la compression des coûts. Les têtes dirigeantes
du service social dans le secteur de la santé craignent que la satisfaction au travail des praticiens
ne soit compromise et que les travailleurs sociaux aient à subir des conditions de travail difficiles
qui affectent leur santé et leur bien-être, de même que leur capacité de fournir un rendement
optimal. Elles tiennent à comprendre les stresseurs actuels liés à la pratique dans le secteur de la
santé et à comprendre la nature et le niveau d'appui requis pour venir en aide aux praticiens.
Le service social dans le secteur de la santé
Le service social est une profession stimulante et dynamique dont le passé dans le secteur de la
santé est riche d'une tradition de service et de réalisations. Le rôle du service social a évolué au
fil des ans, répondant dans bien des cas à des besoins uniques identifiés dans certains milieux
donnés de la santé. Ses fonctions sont toutefois demeurées assez constantes par rapport aux
enjeux psychosociaux des patients et des familles dans le secteur de la santé ou aux enjeux qui
résultent du vécu de ces derniers dans le système de santé ainsi que de leurs rapports avec les
ressources communautaires.
Le service social est apparu dans le secteur de la santé en Grande-Bretagne, en Europe, aux
États-Unis et au Canada à la fin du 19e siècle; il s’agit du champ d'activité le plus ancien de cette
pratique professionnelle (Carlton, 1984). Le Département de service social de l’Hôpital général
de Winnipeg a vu le jour en 1910 et a été le premier au Canada. Le deuxième a été celui de
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l’Hôpital général de Toronto en 1911. On attribuait alors au service social un rôle d'intermédiaire
entre le patient et l’ensemble des ressources d'aide disponible, Dieu et le monde autour de lui,
créant de ce fait un champ d'activité qui incluait de répondre aux besoins d'un patient dans son
environnement. Cannon (1930) cite Mary Richmond qui divisait la pratique du service social en
quatre secteurs : « le service social personnel, qui traite des problèmes sociaux des personnes ou
des familles; le service social auprès de groupes, tel qu’on l’observe au sein d'associations de
quartier, de peuplements et de clubs; le travail global de réforme sociale, tel qu’il s’exprime dans
la propagande sociale et les lois; et, finalement, la recherche sociale » (pp.205-206).
Le financement de l’assurance-maladie au début des années 1960 a permis d'assurer des soins de
santé universels, accessibles, portables et globaux pour l’ensemble de la population canadienne
et a donné lieu à la croissance rapide du système de santé. Les départements de service social des
hôpitaux se sont développés comme partie intégrante des soins de santé; dans bien des régions du
Canada et parallèlement au service social, les soins à domicile ont aussi pris de l’expansion en
tant qu’élément clé du système de santé.
Carleton (1984) utilise l’expression service social en santé pour désigner les interventions
professionnelles tant en matière de santé qu’en matière de maladie. Cela inclut la pratique
professionnelle relative au fonctionnement institutionnel et communautaire du client, un
fonctionnement qui pourrait être précipité ou exacerbé par des problèmes de santé physique ou
mentale, une incapacité ou un accident, que ces problèmes soient réels ou anticipés. Plusieurs
auteurs traitent de la capacité de la profession du service social de contribuer à l’avancement du
modèle des soins de santé primaires en mettant davantage l’accent sur la promotion de la santé,
la prévention de la maladie et des accidents, et la gestion des maladies chroniques (ACTS, 2003).
Des éléments probants découlant de l’expérience empirique indiquent que les appuis et les
réseaux sociaux contribuent de manière importante à la santé des personnes, des familles, des
groupes et des collectivités. Les travailleurs sociaux perpétuent une tradition bien ancrée dans
l’approche écologique et une tradition qui intègre la prestation de services dans une multiplicité
de milieux.
Le changement
Au cours des années 1990, la montée en flèche des coûts de la santé a donné lieu à un
mouvement international de réforme des soins de santé, alors que les gouvernements
s’efforçaient de contenir la flambée des coûts. On a emprunté certaines notions du secteur
manufacturier et on a entrepris une réingénierie du système en vue de le rendre plus efficient. Au
Canada, on a entrepris d'apporter des réformes d'envergure au système de santé, notamment en
fermant ou en fusionnant certains hôpitaux, en mettant l’accent sur les soins offerts dans la
collectivité et l’intégration des systèmes de prestation de soins, et sur des approches de soin
axées sur le patient au sein de structures de gestion par programmes. Dans le cadre d'une étude
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réalisée pour le compte de la National Association of Social Workers (association nationale des
travailleurs sociaux des Etas-Unis), Berger, Cayner, Jensen, Mizzahi, Scesny et Trachtenberg
(1996) se sont penchés sur la situation des milieux hospitaliers des États-Unis au début des
années 1990, une époque de remboursements décroissants, de changement dans les patterns de
prestation des services et de concurrence accrue. Berger et ses collègues ont décrit divers
modèles de décentralisation comportant une gestion matricielle, un champ d'application plus
limité et un aplanissement des structures verticales et ont fait état de certaines craintes émanant
de la profession du service social qui craignait de disparaître, alors que la planification des
congés était prise à charge par les soins infirmiers. Ces craintes ne se sont jamais concrétisées et
Berger et ses collègues ont réclamé qu’on adopte un point de vue équilibré dans le contexte des
changements globaux qui se produisaient dans l’industrie des soins de santé et qu’on n’isole pas
le cas du service social. Selon Berger, il est important d'adopter un tel point de vue équilibré de
manière à éviter que les gestionnaires et les praticiens se présentent comme des victimes et de
manière à mobiliser les efforts de participation au processus de changement.
De nombreux changements se sont produits dans les hôpitaux (Lloyd, McKenna et King, 2005;
Neuman, 2003) :

des changements structurels : décentralisation (gestion par programmes); aplanissement
organisationnel et fusions; remaniement des postes, des fonctions, des rôles, des
disciplines et des départements; baisse de la sécurité d'emploi.

réévaluation et réaffectation des tâches : restructuration en fonction habiletés des
travailleurs (tâches de routine effectuées par des techniciens et tâches complexes par des
professionnels); un accent moins important sur la supervision par des professionnels
d'une même discipline.

plans de soins uniformisés, protocoles de traitement et plans de soins.

accent mis sur des stratégies d'amélioration des processus.
Les incidences du changement
En 1996, Globerman, MacKenzie et Walsh ont exprimé certaines préoccupations relatives à la
nature du service social : la gestion par programmes a entraîné une perte de contrôle aux
chapitres de la supervision des fonctions de service social et de la responsabilité qui en découle.
Globerman formule une mise en garde : le service social souffrira si le nouvel ordre des choses
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« affecte négativement la capacité des travailleurs sociaux de s’affirmer comme tels et
d’effectuer certaines tâches à l’insu de l’équipe (travail relatif au système et aux
politiques)… »
Globerman traite aussi de la disparition du leadership en service social, décrivant un scénario
dans le cadre duquel les priorités sont établies par d'autres disciplines et le rôle des travailleurs
sociaux est « atténué » :
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
diminution ou élimination du personnel dirigeant
démantèlement des conseils professionnels
élimination des visites par des travailleurs sociaux
diminution du nombre des stagiaires en service social
diminution des conférences de formation
incitation réduite à s’impliquer dans ces activités
Baker (1993) et Neuman (2002) ont également soulevé certaines questions professionnelles
découlant de la gestion par programmes :




perte d'un groupe de référence professionnel : les travailleurs sociaux sont dispersés dans
divers programmes et pourraient avoir à travailler en étant isolés d'autres travailleurs
sociaux.
visibilité moindre des normes de pratique professionnelle : les normes de pratique sont
élaborées par des organismes professionnels et les praticiens apprennent à les mettre en
application au travail en interagissant avec des collègues. Si la profession ne maintient
pas les structures et les processus requis, il est à craindre que les praticiens perdent de vue
l’importance d'élaborer de normes pour leur propre profession.
évaluation interdisciplinaire du travail professionnel : l’amélioration de la qualité et la
mesure d'impact seront davantage ciblés sur les résultats des clients et les processus de
soins que sur les normes de service social.
examens interdisciplinaires : la supervision et l’évaluation par des gestionnaires qui ne
sont pas des travailleurs sociaux pourraient donner lieu à un relâchement des normes
professionnelles, à certains malentendus dans le cadre d'activités professionnelles, à un
brouillage ou à la confusion des rôles professionnels et à un champ d'activité plus limité
pour la pratique.
Baker (1993) souligne de fait un déplacement de l’autorité et de la responsabilité relatives à la
pratique du service social et avance que les gestionnaires du service social craignent de perdre
leur identité professionnelle et leurs groupes de référence. Globerman et coll. (1996) soulignent
que, si ce n’était de l’existence de départements de service social, la profession ne jouirait
d'aucun statut officiel au sein de l’organisation; ils soulignent également le démantèlement de la
structure de comités au sein de la profession – enjeux professionnels, normes, éducation, clubs
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de rédaction scientifique, développement professionnel, consultation entre pairs, conseils de
pratique.
Une enquête menée auprès de travailleurs sociaux de partout au Canada s’intéresse à leurs
perceptions relatives à l’adoption d'une approche de gestion par programmes en service social.
Nombre d'entre eux ont dit qu’ils se sentaient mal préparés à répondre aux nouvelles exigences
de la pratique et, de ce fait, qu’ils pourraient potentiellement agir en fonction de fonctions et de
rôles dépassés (Levin, Herbert et Nutter, 1996). Certains répondants ont rapporté que :
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
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
ils consacraient plus de temps aux soins personnels aux patients (de 68 % à 74 %)
ils consacraient moins de temps aux activités de nature administrative (de 17 % à 2 %)
ils consacraient moins de temps à la recherche
ils consacraient moins de temps à l’enseignement, à la recherche et au développement
professionnel
ils se sentaient isolés de leurs collègues
ils s’inquiétaient de leur sécurité d'emploi
L’état actuel de la situation
Il est important de bien comprendre la réalité actuelle des travailleurs sociaux œuvrant dans le
secteur de la santé et de déterminer si les prédictions de ce qui allait advenir de la profession se
sont avérées justes et, le cas échéant, de constater dans quelle mesure. Comment les conditions
de travail actuelles affectent-elles les travailleurs sociaux?
Selon Michalski et coll. (1999), les travailleurs sociaux du secteur de la santé ont une pratique
très autonome; ils doivent assumer pleinement la responsabilité des normes professionnelles et
représenter leurs propres intérêts dans le cadre de programmes qui, bien souvent, ne relèvent pas
de la gestion ou du leadership d'un travailleur social. Les possibilités d'avancement sont rares, à
un point tel qu’il arrive souvent que des travailleurs sociaux cherchent de l’avancement en
dehors de leur propre profession. Il se pourrait que le milieu actuel de la santé rende difficile de
s’adonner à des activités de mentorat, de consultation clinique, de formation d'étudiants et de
recherche. Certains associés de recherche ont indiqué que la transition vers un mode de gestion
par programmes avait eu certains effets désirés : une augmentation du temps consacré aux soins
personnels aux patients et une diminution du temps consacré aux tâches administratives.
Malheureusement, on note aussi une diminution du temps consacré à l’enseignement, à la
recherche et au développement professionnel.
Pockett (2003) voit les hôpitaux comme des milieux pleins d'ambigüité et de défis, surtout à la
suite des changements tumultueux survenus récemment. Elle a entamé sa recherche en se
demandant pourquoi les travailleurs sociaux continuaient d'œuvrer en milieu hospitalier. Elle
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partage l’opinion d'autres auteurs cités en ce qui a trait aux difficultés qui confrontent les
travailleurs sociaux : l’absence d'une relation avec un superviseur, le manque de précision quant
au rôle, la mauvaise organisation des milieux, le faible taux de rémunération, et l’épuisement
professionnel. Elle se penche sur deux notions – la résistance et la tolérance –, notamment sur
l’importance de reconnaître les caractéristiques positives et négatives de la tolérance. Certains
travailleurs sociaux devraient être incités à abandonner leur travail en milieu hospitalier si leur
tolérance s’exprime de manière plutôt négative par des propos tels « Je peux vivre avec ça » ou «
J’en ai l’habitude ». Les caractéristiques positives de la tolérance se manifestent chez les
praticiens réfléchis qui se réalisent pleinement. Ces travailleurs sociaux exhibent des qualités de
résistance – soit un esprit de remise en question, une capacité de contrôle et d'engagement – et ils
continuent de travailler en milieu hospitalier parce qu’ils en retirent un haut niveau de
satisfaction au travail. Pocket réclame l’élaboration de stratégies axées sur le renforcement de la
résistance chez les travailleurs.
Selon Acker (2004), les conditions qui prévalent au sein d'une organisation constituent des
indicateurs prévisionnels puissants de la satisfaction au travail des employés et de leur intention
de quitter leur emploi. Acker s’est penché sur le cas de 259 travailleurs sociaux œuvrant dans des
milieux de santé mentale et a constaté que les conflits de rôles, l’ambigüité des rôles, les appuis
sociaux, les occasions de développement professionnel et la position de l’employé au sein de
l’organisation étaient autant de facteurs permettant de prédire le niveau de satisfaction des
travailleurs et leur intention de quitter l’organisation. Certains facteurs, tels un niveau
d'éducation plus élevé, une expérience de travail plus longue, la lourdeur des charges de travail,
de faibles taux de rémunération et les occasions de développement professionnel peuvent avoir
une incidence sur la satisfaction au travail, Les travailleurs plus heureux occupent des postes de
gestionnaires, ont des revenus plus élevés et jouissent de bonnes occasions de développement
professionnel. Une étude menée en Australie (Lloyd et coll. 2005) a révélé que des changements
structurels apportés aux services de santé mentale avaient déclenché de graves réactions de
stress, notamment un taux d'absentéisme accru, un taux de roulement du personnel plus élevé, un
faible taux de satisfaction au travail, une baisse du moral des employés, une baisse du rendement
et de l’efficacité, et une augmentation de l’épuisement professionnel. Les facteurs de nature
organisationnelle incluaient de lourdes charges de travail, des demandes concurrentielles, et un
manque de personnel formé convenablement. Cette étude à révélé que les stress avait donné lieu
à ce que les travailleurs sociaux commencent à douter de leurs capacités et vivent des conflits
avec d'autres professionnels.
Gellis (2002) a réalisé certains travaux intéressants portant sur les moyens de composer avec le
stress professionnel, surtout dans le cas des travailleurs sociaux et du personnel infirmier. Des
échantillons aléatoires ont été constitués par des associations professionnelles; il a donc été
impossible d'établir le nombre de travailleurs sociaux œuvrant en santé qui en faisaient partie.
Cette étude à fait ressortir un certain nombre de conséquences du stress professionnel,
notamment un niveau de productivité plus faible, un taux d'absentéisme plus élevé, un taux de
roulement du personnel plus élevé, une moins bonne santé chez les employés, et une moins
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bonne qualité de vie. De l’avis des deux groupes, la perception du stress au travail était le facteur
le plus important de l’insatisfaction en emploi. Le personnel infirmier comptait davantage sur
une approche axée sur les émotions pour s’en sortir et a fait état d'un niveau plus élevé de stress
au travail; les travailleurs sociaux ont davantage fait appel à une approche de résolution de
problème pour composer avec le stress et ont rapporté un niveau de satisfaction au travail plus
élevé. Gellis suggère d'avoir recours à des groupes de restructuration cognitive et de réduction du
stress ayant pour objet de modifier la perception qu’a une personne des stresseurs liés à son
emploi.
Egan et Kadushin (2004) ont établi une corrélation entre la satisfaction au travail et le roulement
de personnel chez les travailleurs offrant ses soins de santé à domicile. Cette étude a mis en
lumière certains facteurs intéressants liés à la satisfaction au travail – l’appui des gestionnaires et
des superviseurs, les conflits de valeurs et les compromis en matière de déontologie, et
l’influence des sources de financement. Cette étude a révélé que le soutien administratif incluait
le soutien émotionnel (l’amélioration du moral en se faisant rassurant, chaleureux et
encourageant), le soutien instrumental (une aide à la réalisation de tâches difficiles), et la
communication de l’information requise pour effectuer sa tâche. Un environnement affecté par
des compressions de coûts occasionnera dans bien des cas un relâchement de la supervision. Cela
laisse croire que la supervision joue un rôle important pour amortir le stress. Cet effet tampon
étant compromis, il en résulte une augmentation du roulement du personnel.
Michalski et coll. (1999) ont constaté que les postes de première ligne qui avaient été perdus au
cours des années 1990 étaient en voie d'être rétablis lentement, sauf pour les postes de direction
en service social qui avaient à toutes fins pratiques été éliminés ou presque. Ces chercheurs ont
également constaté que le niveau de satisfaction au travail des travailleurs sociaux avait baissé
comparativement à des études menées antérieurement et, selon une enquête de suivi, que la
réaction initialement favorable à l’idée de travailler dans des hôpitaux gérés par programmes
s’était atténuée.
Quelques stratégies de soutien du personnel
Un sommaire de stratégies se dégage des diverses études du milieu de travail des travailleurs
sociaux œuvrant en santé (Acker, 2004; Baker, 1993; Berger et coll., 1996; Cohen et Gagin,
2005; Freund, 2005; Gellis, 2002; Gregorian, 2005; McLean, 2002; Michalski et coll., 1999;
Neuman, 2002, 2003; Pockett, 2003).
Plusieurs études soulignent l’importance de la formation universitaire et pratique, et les
chercheurs mettent l’accent sur l’importance pour les universités et les écoles de service social de
préparer les étudiants à affronter la réalité du travail dans le secteur de la santé. Ils soulignent
également une baisse du nombre des formateurs en enseignement pratique.
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Collaborer avec les facultés de service social pour assurer qu’elles aient une
appréciation des réalités et des défis que présentent les milieux d'emploi actuels des
travailleurs sociaux et les inciter à préparer adéquatement les étudiants à occuper un
poste dans le secteur de la santé, notamment en les préparant à faire preuve du haut
niveau d'autonomie requis dans les milieux de la santé.
La formation universitaire a une influence sur l’engagement organisationnel et sur la façon dont
les travailleurs sociaux planifient leurs carrières. Si un employé tient à faire carrière, il adoptera
un parcours d'emploi qui pourra lui valoir une promotion, peu importe qui l’emploie, mais
conservera vraisemblablement son emploi si des possibilités s’offrent à lui. De nombreux postes
de direction ou de gestion s’offrent en dehors de la profession; par exemple, dans des postes de
gestionnaires de programmes.

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Chaque fois que la situation le permet, les chefs de file du secteur de la santé sont incités
à créer des postes de cliniciens qui seront responsable de la surveillance des soins et d'en
assurer la supervision.
Les travailleurs sociaux peuvent s’intéresser à différents champs d'activité cliniques en
vue d'acquérir plus d'expérience.
Offrir des occasions et des incitatifs afin que les travailleurs sociaux rédigent des
articles, supervisent des étudiants, participent au travail de comités – une variété
d'activités de service social.
Les travailleurs sociaux pourraient réaliser que les occasions de mentorat, de consultation
clinique, de formation d'étudiants ou de participation à de projets de recherche se font rares dans
le secteur de la santé.

Les groupes de service social doivent prendre l’initiative de mettre en place des systèmes
qui permettront de développer plus à fond toutes les composantes de la pratique du
service social dans les établissements de santé.
Les travailleurs sociaux du secteur de la santé sont sujets au stress et à l’épuisement
professionnel et ont à composer avec certains facteurs liés à la satisfaction au travail.
L’engagement, le contrôle en emploi, la satisfaction au travail et le stress sont des facteurs qui
sont tous liés entre eux. Il est important que les chefs de file du secteur de la santé contribuent à
créer un milieu de travail positif.
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Reconnaissant que la supervision a un effet tampon face à l’épuisement professionnel,
assurer un appui au moyen de la supervision, notamment un appui émotif, instrumental et
informationnel.
Créer les conditions et les occasions qui permettront de profiter de l’appui des pairs.
Veiller à ce que des programmes d'orientation des nouveaux employés soient en place.
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Il a été démontré qu’on peut avoir des effets positifs sur la gestion du stress en
augmentant la fréquence des réunions du personnel du service social.
Il a été démontré que l’apprentissage professionnel et l’enrichissement des interventions
confèrent un sentiment de contrôle aux praticiens et ont un effet positif sur la gestion du
stress. Les programmes de formation en cours d'emploi sont importants.
Procéder à des évaluations périodiques du stress chez le personnel et élaborer des
stratégies individuelles. Fournir les moyens de mettre en place des groupes de réduction
du stress utilisant des approches de restructuration cognitive.
Il est important pour les praticiens de pouvoir démontrer leur compétence et leur
efficacité. La démonstration que le service social permet d'atteindre des résultats positifs
pour les patients et les familles est un facteur important de satisfaction au travail. Il faut
clairement articuler les théories et les pratiques en service social et les praticiens doivent
collectivement évaluer l’efficacité de leur pratique. Il faudrait fournir au personnel des
lignes directrices afférentes à la pratique. Trouver des moyens de mettre en évidence les
nombreuses facettes de la pratique du service social.
Il arrive souvent que les évaluations ne fassent pas ressortir les perceptions relatives au
stress, à l’épuisement professionnel et à l’insatisfaction au travail. A-t-on évalué le
roulement réel de personnel? A-t-on eu recours à des méthodes de mesure?
Il est difficile pour les travailleurs sociaux de composer seul avec les conflits et les
dilemmes d'ordre déontologique. Veiller à ce que les travailleurs sociaux soient
conscients des normes professionnelles. La supervision est importante; les occasions
d'apprentissage sont importantes; les discussions de cas entre pairs sont importantes.
Il faut que les chefs de file en santé soient perçus par les travailleurs sociaux comme
participant au changement de manière positive et peaufinée. Il est important d'éviter une
perception de victimisation (le service social n’est pas reconnu à sa juste valeur parce
que les têtes dirigeantes n’ont aucun pouvoir) qui pourrait donner lieu à des
comportements qui exacerbent les problèmes (les guerres de pouvoir, une baisse de
collaboration). Trouver occasions de faire participer les travailleurs sociaux au
processus de solution de problème.
Le Groupe d’intérêts de l’ACTS sur la santé s’est inspiré de cette revue de litterature pour
formuler certaines recommandations destinées à appuyer les travailleurs sociaux œuvrant dans le
secteur de la santé. Voir Les conditions de travail des travailleurs sociaux du secteur de la
santé : recommandations.
Document rédigé par Pam Robb, membre du Groupe d’intérêts sur la santé, Winnipeg
(Manitoba)
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