la foi de lazare (et de marthe et marie)

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la foi de lazare (et de marthe et marie)
Route de Pâques 2011
5e semaine du Carême
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la foi de lazare (et de marthe et marie)
D
epuis deux semaines, nous faisons route avec des personnages qui nous ressemblent, auxquels
nous pouvons sans peine nous identifier : une femme revenant sans cesse vers le puits, pour
étancher sa soif d’eau, et plus encore d’amour ; un homme, aveugle et mendiant, en quête de
lumière. Et il ne nous est pas difficile avec eux d’emprunter le chemin de la foi : reconnaître en
Jésus celui qui donne l’eau vive, le Christ qui vient dans le monde ; découvrir en Jésus celui qui ouvre les
yeux aveuglés, lui, la lumière du monde.
Mais voici qu’en cette semaine qui nous achemine presqu’au terme du Carême, vers la Semaine
Sainte et la célébration des mystères de la Passion et de la Résurrection du Christ, en cette semaine,
l’identification devient moins évidente, alors même que la révélation est plus déterminante. Double difficulté : Lazare, qui doit nous guider, est mort, et nous ne pouvons guère saisir le cheminement de sa foi ; et
surtout Jésus se présente non plus seulement comme «le Christ de Dieu» (Jean 4,26), «le Fils de l’homme»
(9,35), mais abruptement comme «la Résurrection» (11,25). Le choix que nous avons à faire, alors même
qu’il est plus malaisé à fonder, apparaît cependant comme décisif : c’est un choix de vie et de mort.
Par grâce, Lazare a des sœurs. Des sœurs qui envoient prévenir Jésus : «Seigneur, celui que tu aimes
est malade» (11,3). Deux sœurs qui réagissent selon leurs tempéraments différents, lorsque survient sa
mort : l’une, Marthe, courant à la rencontre de Jésus pour le supplier encore ; l’autre, Marie, demeurant
«assise à la maison» (11,20), accablée par le chagrin. Deux femmes, deux chemins de foi. Et le plus touchant est ici la manière dont Jésus assume toutes ces attitudes devant la mort, sa façon d’accepter les retentissements de la mort dans la vie et le cœur des hommes et de les prendre sur lui. Il accueille la prière
de Marthe et l’expression de sa foi encore imparfaite, pour l’éclairer et la fortifier. Il accueille les larmes
de Marie, pour les accompagner et les purifier par sa propre douleur. Il accueille le silence et l’incapacité
radicale où est réduit Lazare, en le délivrant des entraves multiples où se débat toute existence humaine.
Il embrasse notre mort corporelle, pour que sa vie – une vie éternelle – nous soit redonnée.
«Je suis la Résurrection. Le crois-tu ?», nous interroge aujourd’hui Jésus (11,25-26). Et nous percevons
bien la gravité de la question. Là est bien le plus incroyable de notre foi : comment un homme peut-il
poser une telle affirmation ? se présenter comme le Donateur de vie, plus encore comme la Vie même ?
Là est le plus incroyable, mais là est aussi le plus enthousiasmant, car qu’aurions-nous à faire de prophètes
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et de thaumaturges qui ne nous guériraient ou ne nous instruiraient que pour un temps, nous laissant
sombrer sans retour dans la mort ? Qu’aurions-nous à faire d’un dieu qui ne nous délivrerait pas de la
mort ? «Crois-tu cela ?» La question décisive nous est posée. «Si le Christ n’est pas ressuscité des morts, alors
notre message est vide, vide aussi votre foi», avertit Paul (1 Corinthiens 15,14).
Mais notre foi n’est pas un pari, fût-ce un pari contre l’absurde. Elle est une confiance. Confiance
en cette voix puissante qui ouvre nos tombeaux. Confiance en cette voix qui sait se faire si tendre pour
supplier : «Choisis donc la vie, pour que toi et tes fils viviez» (Deutéronome 30,19). Confiance en Celui qui
n’a pas réveillé Lazare de loin, mais qui s’est fait Lazare, jusqu’en sa mort et sa mise au tombeau. Celui
qui arrache notre foi à l’ombre et au néant, au prix même de sa vie. Celui qui se relève dans la lumière
de Pâques, pour que désormais nous vivions de sa vie. «Moi je suis venu, nous redit Jésus, pour qu’on ait la
vie, et qu’on l’ait en abondance» (Jean 10,10).
Dimanche 10 avril
Chaque jour, un texte biblique proposé à la lectio divina fait écho à l’évangile du dimanche. Pour lancer
la semaine, l’évangile est accompagné d’une homélie et d’un texte patristique et notre route baptismale suit les
étapes des catéchumènes vers leur baptême, dans la nuit de Pâques.
Un évangile à méditer
Jean 11,1-45
Un homme était tombé malade. C’était Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de sa
sœur Marthe. (Marie est celle qui versa du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds
avec ses cheveux. Lazare, le malade, était son frère.) Donc, les deux sœurs envoyèrent dire à
Jésus : «Seigneur, celui que tu aimes est malade.» En apprenant cela, Jésus dit : «Cette maladie ne conduit pas
à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié.» Jésus aimait Marthe et
sa sœur, ainsi que Lazare. Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura pourtant deux jours à l’endroit
où il se trouvait ; alors seulement il dit aux disciples : «Revenons en Judée.» Les disciples lui dirent : «Rabbi, tout
récemment, les Juifs cherchaient à te lapider, et tu retournes là-bas ?» Jésus répondit : «Ne fait-il pas jour pendant douze heures ? Celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ;
mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui.» Après ces paroles, il
ajouta : «Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je m’en vais le tirer de ce sommeil.» Les disciples lui dirent alors :
«Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé.» Car ils pensaient que Jésus voulait parler du sommeil, tandis qu’il
parlait de la mort. Alors il leur dit clairement : «Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de
vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui !» Thomas (dont le nom signifie : Jumeau) dit aux autres
disciples : «Allons-y nous aussi, pour mourir avec lui !»
Quand Jésus arriva, il trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà. Comme Béthanie était tout
près de Jérusalem – à une demi-heure de marche environ –, beaucoup de Juifs étaient venus manifester leur
sympathie à Marthe et à Marie, dans leur deuil. Lorsque Marthe apprit l’arrivée de Jésus, elle partit à sa rencontre, tandis que Marie restait à la maison. Marthe dit à Jésus : «Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait
pas mort. Mais je sais que, maintenant encore, Dieu t’accordera tout ce que tu lui demanderas.» Jésus lui dit :
«Ton frère ressuscitera.» Marthe reprit : «Je sais qu’il ressuscitera au dernier jour, à la résurrection.» Jésus lui
dit : «Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et tout homme qui vit et
qui croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ?» Elle répondit : «Oui, Seigneur, tu es le Messie, je le crois ; tu
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es le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde.» Ayant dit cela, elle s’en alla appeler sa sœur Marie, et lui dit
tout bas : «Le Maître est là, il t’appelle.»
Marie, dès qu’elle l’entendit, se leva aussitôt et partit rejoindre Jésus. Il n’était pas encore entré dans le
village ; il se trouvait toujours à l’endroit où Marthe l’avait rencontré. Les Juifs qui étaient à la maison avec Marie,
et lui manifestaient leur sympathie, quand ils la virent se lever et sortir si vite, la suivirent, pensant qu’elle allait
au tombeau pour y pleurer. Elle arriva à l’endroit où se trouvait Jésus ; dès qu’elle le vit, elle se jeta à ses pieds
et lui dit : «Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort.» Quand il vit qu’elle pleurait, et que les
Juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus fut bouleversé d’une émotion profonde. Il demanda : «Où l’avez-vous
déposé ?» Ils lui répondirent : «Viens voir, Seigneur.» Alors Jésus pleura. Les Juifs se dirent :
«Voyez comme il l’aimait !» Mais certains d’entre eux disaient : «Lui qui a ouvert les yeux
de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ?» Jésus, repris par l’émotion,
arriva au tombeau. C’était une grotte fermée par une pierre. Jésus dit : «Enlevez la
pierre.» Marthe, la sœur du mort, lui dit : «Mais, Seigneur, il sent déjà ; voilà quatre jours
qu’il est là.» Alors Jésus dit à Marthe : «Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras
la gloire de Dieu.» On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et
dit : «Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je savais bien, moi, que tu
m’exauces toujours ; mais si j’ai parlé, c’est pour cette foule qui est autour de moi,
afin qu’ils croient que tu m’as envoyé.» Après cela, il cria d’une voix forte : «Lazare,
viens dehors !» Et le mort sortit, les pieds et les mains attachés, le visage enveloppé
d’un suaire. Jésus leur dit : «Déliez-le, et laissez-le aller.»
Les nombreux Juifs, qui étaient venus entourer Marie et avaient donc vu ce que faisait Jésus, crurent en lui.
À l’écoute des Pères
De saint Jean Damascène, au VIIIe s.
Étant Dieu véritable, tu connaissais, Seigneur, le sommeil de Lazare et tu l’as prédit à tes
disciples, les convainquant de la puissance infinie de ta divinité. Étant dans la chair, toi
sans limite, tu viens à Béthanie. Vrai homme, Seigneur, tu pleures sur Lazare ; vrai Dieu,
par ta volonté tu ressuscites le mort de quatre jours.
Pleurant sur ton ami, tu as mis fin dans ta compassion aux larmes de Marthe, et, par ta passion
volontaire, tu as ôté toute larme du visage de ton peuple. Dieu de nos pères, tu es béni ! Trésorier de la
vie, Seigneur, tu as appelé le mort comme s’il dormait. Par une parole tu as déchiré le ventre des enfers
et tu as ressuscité celui qui se mit à jubiler : Dieu de nos pères, tu es béni ! Tu as réveillé le mort sentant
déjà, lié de bandelettes. Moi, étranglé par les liens de mes péchés, relève-moi aussi et je chanterai : Dieu
de nos pères, tu es béni !
Marie, dans sa reconnaissance, t’apporte, comme un dû pour son frère, un vase de myrrhe, Seigneur, et elle te chante dans tous les siècles. Comme mortel, tu invoques le Père, comme Dieu, tu réveilles Lazare. C’est pourquoi nous te chantons, ô Christ, pour les siècles des siècles.Tu réveilles Lazare,
un mort de quatre jours, et le fais surgir du tombeau, le désignant ainsi comme témoin véridique de ta
résurrection le troisième jour, ô Christ. Tu marches, tu pleures, tu parles, mon Sauveur, montrant ton
énergie humaine, mais en réveillant Lazare, tu révèles ton énergie divine. De manière indicible, Seigneur
mon Sauveur, tu as, selon tes deux natures, librement opéré mon salut.
Triode des matines du Samedi de Lazare
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La Parole commentée
Homélie de frère Pierre-Marie (Carême 2002 - Saint-Gervais)
Le récit de l’Évangile que nous venons d’entendre, nous rapporte l’acte le plus fantastique de l’histoire des hommes. Le rappel de la mort et le retour à la vie d’un
homme enseveli depuis quatre jours déjà (Jn 11,17). D’un homme, nommément désigné : «Lazare» ; parfaitement situé dans sa famille et sa maison ; en temps et lieux
bien précisés, «dans le village de Béthanie», voisinant Jérusalem (11,1-5) et «à l’approche de la pâque des Juifs» (12,1) ; en présence de nombreux témoins (11,33 ; 12,9), sous le pontificat de
«Caïphe, grand prêtre cette année-là» (11,49). On ne saurait être plus explicite ni plus affirmatif.
Mais cet événement, si clairement inscrit dans l’histoire, est plus encore «un signe accompli»
(11,47), qui traverse le temps. Manifestement, en effet, Celui que Marthe et Marie appellent à juste titre
«Maître et Seigneur» (11,28.32.39), veut par là nous révéler une des vérités les plus fondamentales qui
soient. Une vérité capable, à elle seule, de donner sens et espérance à toute notre existence si, vraiment,
nous voulons nous aussi, «vivre et croire en lui».
Ainsi «le Maître» nous montre-t-il ce qu’est la mort aux yeux des hommes ; et «le Seigneur» nous
révèle-t-il ce qu’est la mort aux yeux de Dieu. Tout baptisé n’est-il pas dès lors appelé à «marcher et à
croire en sa lumière» (12,35-36) ?
*
Ce qu’est la mort aux yeux des hommes, nul ne le sait mieux que le «créateur du monde» descendu jusqu’à nous pour se faire «le Rédempteur de l’homme». «Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit
pas de la perte des vivants», proclame l’Écriture (Sg 1,13). Mais il la prend au sérieux et la voit dans toute
l’épaisseur de sa réalité tragique. Il sait que sa cause est le péché puisque, comme dit l’apôtre Jacques,
dans un raccourci saisissant : «Le péché, parvenu à son terme, enfante la mort» (1,15). Ou, comme dit
l’apôtre Paul, de manière plus lapidaire encore : «Le salaire du péché, c’est la mort» (Rm 6,23) ! «Ainsi la
mort a passé en tous les hommes du fait que tous ont péché» (Rm 5,12). La voilà donc, l’invisible compagne
que l’ensemble des hommes côtoient partout, au long des jours, et que chacun rencontrera un jour au
terme de sa propre route.
Jésus, en tant qu’homme, ne se cache pas et ne nous voile pas cette réalité.Tout au contraire, il la
regarde et nous invite à la regarder en face. «Montons en Judée», dit-il à ses disciples (11,7). «Lazare est
mort… allons auprès de lui» (11,14-15). Même les justes, même les saints, même les innocents doivent
mourir. Le récit de la marche vers Béthanie est éloquent à ce sujet. La mort est bien une fin, provoque
deuil et désolation, et entraîne à la peine et aux sanglots. Même les amis de Jésus n’ont pu y échapper
et lui-même, le premier, en «a pleuré» (11,35).
Rien là que de commun, dira-t-on peut-être. Mais il n’est pas inutile de nous souvenir combien en
face de ce drame, «le Fils de Dieu», en personne, devenu «fils de l’homme» pour notre salut, s’est vraiment
comporté en tout, en «ami des hommes». La grande nouveauté du christianisme est que celui qui nous a
créés semblables à lui, s’est fait aussi lui-même «en tout semblable à nous» ! Sur le rude chemin de notre
vie qui s’avance vers la mort, Quelqu’un a marché devant nous et chemine toujours auprès de nous ; et
c’est «le Prince de la Vie». Lui, «le premier-né de toute créature», devenu aussi pour nous «le premier-né d’entre les morts», sans partage et sans faire-semblant (Col 1,15.18). «Ce n’est pas pour rire que je t’ai aimé»
(sainte Angèle de Foligno). Quel stimulant pour nos cœurs et quelle espérance pour nos âmes !
*
Qu’est donc la mort aux yeux de Dieu ? Demandons-le à «l’envoyé du Père». L’attitude de Jésus en
face de la mort n’est pas seulement celle de la solidarité et de la compassion. Même s’il marche vers elle
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à travers l’opacité de notre nuit, il avance «sans trébucher» car il est «la lumière de ce monde» (Jn 8,12 ;
11,10). Dès lors toute une clarté se lève sur ses pas. La pleine vérité nous est révélée concernant «notre
sœur la mort corporelle».
«Notre ami Lazare repose, je vais aller le réveiller» (11,1). Aux yeux de Dieu, la mort n’est qu’un
sommeil. «Ne pleurez plus ! La fillette n’est pas morte, elle dort.» Et Jésus ramène à la vie la fille de Jaïre
(Lc 8,52). La mort n’est plus le terme définitif de l’existence. Elle n’est qu’un moment de la vie. Un
moment grave et douloureux certes. Mais seulement un moment, puisqu’elle est le passage de cette vie
mortelle à la vie éternelle. «Viens des quatre vents, Esprit, souffle sur ces morts et qu’ils vivent !» (Ez 37,1).
La mort n’est pas d’abord la fin de notre existence ici-bas, elle est le vrai commencement de la vie en
plénitude. Elle n’est donc pas pour notre tourment ; elle est pour l’affermissement et le triomphe de
notre foi. «Lazare est bien mort et je me réjouis pour vous afin que vous croyiez» (11,14).
Alors, de plus en plus clairement, Jésus affirme l’essentiel de son message. «Je suis la Résurrection
et la Vie. Qui croit en moi, fût-il mort, vivra. Et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ?»
(11,25-26). Il n’y a que «le Seigneur de la gloire» (1 Co 2,8), porteur de la Toute-Puissance de la Vie, qui
puisse proclamer de semblables paroles ! «Ne t’ai-je pas dit que si tu crois tu verras la gloire de Dieu ?»
(Jn 11,40). Nous savons comment Marthe et «beaucoup de Juifs venus auprès de Marie, crurent alors en
lui» en voyant la manifestation de cette gloire divine jaillie de la parole de «notre grand Dieu et Sauveur
Jésus Christ» (Tt 2,13).
*
«C’est pour tous ces hommes qui m’entourent que je parle afin qu’ils sachent que tu m’as envoyé»
(Jn 11,42). Nous nous tenons tous là, devant le seuil prodigieux de notre suprême liberté. À présent,
plus besoin d’arguments à avancer, de démonstrations à faire, de preuves à revendiquer. «Si je ne fais
pas les œuvres de mon Père, ne me croyez pas. Mais si je les fais, quand bien même vous ne me croiriez pas,
croyez en ces œuvres ; et sachez une bonne fois que le Père est en moi et moi dans le Père» (Jn 10,37‑38 ;
14,11). Nous connaissons la réplique d’Abraham dans la parabole du mauvais riche visant Caïphe et son
Sanhédrin : «Même si quelqu’un ressuscite d’entre les morts, ils ne croiront pas !» (Lc 16,31).
De fait, il nous faut choisir : ou nous croyons en Jésus Christ, ou nous ne croyons pas en lui. Si la
résurrection de Lazare, après celles du fils de la veuve de Naïm et de la fille de Jaïre, ne nous suffit pas ;
si la propre résurrection du Christ, par la puissance du Père, ne nous paraît pas assez ; si vingt siècles de
vie chrétienne où tant de témoins ont proclamé leur foi en lui, jusqu’au martyre, nous semblent encore
trop peu ; nous sommes libres ! Dramatiquement libres de penser que la mort aurait définitivement le
dernier mot et que cette existence où tout finirait à la tombe n’aurait donc pas de sens… Mais comment consentir à se soumettre à l’absurde ?
Ou bien, comme Marthe et Marie, les apôtres, les disciples, comme des myriades d’hommes et
de femmes «de toutes races, langues, peuples et nations» (Ap 7,9), depuis 2000 ans, nous lui redirons : «Oui
Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, celui qui devait venir en ce monde» (Jn 11,27). Alors tout
prend un sens. Notre vie est rendue à l’espérance. Nous avançons dans la paix. Nous croyons à l’éternité de l’amour. La lumière, issue de la Résurrection du Christ, emplit nos cœurs de joie. Nous comprenons enfin le sens de notre baptême : «Baptisés dans le Christ Jésus, c’est dans sa mort que nous avons été
baptisés. Nous avons donc été ensevelis avec lui, par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est
ressuscité des morts pour la gloire du Père, nous vivions, nous aussi, dans une vie nouvelle» (Rm 6,3-4).
Alors, non ! La mort n’est plus mortelle ! Elle n’est que le seuil, tout en haut de l’escalier, au-delà
duquel nous tomberons enfin dans les bras du Père ! C’est écrit : «Celui qui a ressuscité le Christ Jésus
d’entre les morts, donnera aussi la vie à nos corps mortels, par son Esprit qui habite en nous» (Rm 8,11). Ne
faut-il pas qu’en nous aussi, l’Écriture s’accomplisse ?
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Vers le baptême
Troisième scrutin
Les scrutins, que l’on célèbre solennellement le dimanche, ont un double but : faire apparaître
dans le cœur de ceux qui sont appelés ce qu’il y a de faible et de malade, pour le guérir, et ce
qu’il y a de bien, de bon et de saint, pour l’affermir. Cela afin que les catéchumènes s’attachent
plus profondément au Christ et poursuivent leur effort pour aimer Dieu. Ils donnent aux futurs
baptisés la force du Christ, qui est, pour eux, le Chemin, la Vérité et la Vie. En ce cinquième dimanche du carême,
dimanche de Lazare, les futurs baptisés vivent le troisième scrutin.
Après l’homélie, les catéchumènes se placent avec leurs parrains et marraines devant le célébrant. Celui-ci, tourné vers les fidèles, les invite à prier en
silence pour les «appelés», puis, tourné vers les catéchumènes, il les invite
aussi à prier en silence et même à exprimer leur esprit de pénitence en s’inclinant. Après un moment de prière silencieuse, les catéchumènes se relèvent
et les parrains et marraines posent la main droite sur l’épaule de leur filleul.
Le célébrant dit :
Prions pour les catéchumènes que Dieu a choisis ; afin que, rendus
semblables au Christ dans sa mort et sa Résurrection, ils puissent surmonter l’épreuve de la mort par la grâce des sacrements.
Le diacre :
Pour que ces catéchumènes, par le don de la foi, reconnaissent
que le Christ est la Résurrection et la Vie, prions le Seigneur.
R/ Seigneur, exauce-nous.
Pour qu’ils soient délivrés de leurs péchés et portent des fruits de sainteté pour la vie éternelle,
prions le Seigneur. R/
Pour qu’ils soient libérés des liens du péché par la pénitence, et deviennent conformes au Christ
par le baptême, prions le Seigneur. R/
Pour qu’ils meurent au péché et soient toujours vivants pour Dieu, prions le Seigneur. R/
Pour qu’en mettant leur espérance dans l’Esprit qui fait vivre, ils se disposent avec ardeur à leur
nouvelle vie, prions le Seigneur. R/
Pour qu’en partageant bientôt le repas de l’eucharistie, ils soient unis à celui qui est l’auteur de
la vie et de la Résurrection, prions le Seigneur. R/
Pour que nous aussi nous marchions sur le chemin de la vie nouvelle, et manifestions au monde
la puissance de la résurrection du Christ, prions le Seigneur. R/
Pour que tous les habitants de la terre puissent rencontrer le Christ et reconnaître en lui l’auteur
des promesses de la vie éternelle, prions le Seigneur. R/
Après la prière, le célébrant, tourné vers les «appelés», dit, les mains jointes :
Prions. Père de la vie éternelle, toi qui n’es pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants, tu as
envoyé ton Fils comme messager de la vie pour libérer tes enfants du règne de la mort et les conduire
à la résurrection. Nous te prions d’arracher ces catéchumènes au pouvoir mortel de l’esprit du mal,
afin qu’ils reçoivent la vie nouvelle du Christ ressuscité et en soient les témoins. Par Jésus, le Christ,
notre Seigneur. Amen.
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Ensuite, le célébrant fait l’onction d’huile sur les deux mains de chaque catéchumène en leur disant :
Que la force du Christ vous fortifie, lui qui est le Sauveur ; qu’elle vous imprègne comme cette
huile du salut dont je vous marque dans le Christ notre Seigneur, lui qui règne pour les siècles des
siècles. Amen.
Le célébrant impose la main en silence sur chaque catéchumène puis il continue en étendant les mains :
Seigneur Jésus, toi qui as relevé Lazare d’entre les morts, tu es venu pour que les hommes aient la
vie et qu’ils l’aient en abondance ; délivre aussi de la mort ceux qui cherchent ta vie dans les sacrements :
dégage-les de tout esprit du mal et donne-leur, par ton Esprit vivifiant, la foi, l’espérance et la charité,
pour qu’en vivant toujours avec toi ils participent à la gloire de ta Résurrection. Toi qui règnes pour les
siècles des siècles. Amen.
Ensuite, le célébrant congédie les catéchumènes, en disant :
Que le Seigneur soit toujours avec vous. Allez dans la paix du Christ.
Les catéchumènes répondent :
Nous rendons grâce à Dieu.
Une icône pour prier
L’icône de la résurrection de Lazare
La résurrection de Lazare est, avec
le Bon Pasteur et l’Orante, et avant
même la représentation de la Cène, l’une des scènes
les plus primitivement représentées dans l’art chrétien. On peut s’en étonner : pourquoi ce miracle plutôt qu’un autre ? C’est qu’il revêt une importance
théologique toute particulière, perçue avec acuité
par les premières générations chrétiennes. Avec la
résurrection de l’homme mort, Lazare, on est vraiLa résurrection de Lazare
ment au cœur du mystère de la Rédemption : c’est
(Catacombes de Rome - IIIe siècle)
pour relever les morts de leur tombeau que le Père
a envoyé son Fils et que le Fils va se laisser lui-même descendre dans le tombeau.
Le geste décisif de Jésus vainqueur de la mort
C’est bien lui, Jésus, qui se détache de toute la scène. Lazare a beau être tout blanc
de la blancheur de la mort et de ses bandelettes enserrant encore tout son corps, Jésus lui
vole la vedette comme l’iconographie veut très clairement le signifier en le représentant
plus grand que les autres personnages. Il est en mouvement, le doigt pointé avec autorité
vers la tombe où gisait son ami quelques instants avant la scène. Dans sa main gauche, il
tient le rouleau des Écritures, pour signifier que,Verbe de Dieu, il accomplit par sa vie et par ses œuvres
le dessein divin que le peuple d’Israël scrutait avec amour en méditant la Loi. Son visage est tendu et son
regard résolument fixé sur le visage de Lazare. C’est le face à face entre Dieu et l’homme ressuscité que
l’icône veut donner à contempler.Voilà ce que Dieu veut faire de l’homme : un vivant !
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Jésus est vêtu comme le Pantocrator des coupoles byzantines :
un manteau bleu foncé (couleur
de la nature humaine et de la vie
terrestre) et une tunique rouge
pourpre (couleur de la royauté, de
la vie et du sang versé pour le salut du monde). Sa main droite bénit
(les deux doigts reliés signifiant la
double nature divine et humaine
du Christ) en même temps qu’elle
désigne et appelle le mort à sortir
de son tombeau. Geste décisif par
lequel s’exprime le pouvoir de Jésus sur la mort. Tout concourt à
mettre en valeur l’autorité et la divinité de Jésus, jusqu’à l’inscription
dans l’auréole : «Ô ôn» : «Celui qui
est», en référence à la révélation du
nom divin à Moïse dans le buisson
ardent (Exode 3,14). Le geste de
Marthe et de Marie, prosternées
tout en bas de l’icône aux pieds de
Jésus, va bien dans le même sens.
L’iconographe ne leur accorde pas
d’autre rôle ni de place que celle-là,
essentielle : se tenir en prière aux
pieds du Maître, puisqu’il peut tout.
Lazare
Bien debout sur ses deux jambes, bien qu’encore prisonnier de ses bandelettes qu’un serviteur
est en train de dénouer –, Lazare se détache sur le fond noir du tombeau qui s’est ici transformé en
grotte. Le rapprochement n’est pas fortuit avec la grotte de la Nativité : c’est le même mystère qui est
ici signifié, la grotte symbolisant la puissance de la mort que le Fils vient détruire à jamais.
Lazare n’a pas fait semblant d’être mort : le voile que tient un autre serviteur devant son nez
incommodé est là pour l’attester. Mais Lazare est tout entier attiré par le Christ qui le sauve : ses yeux
plongés dans les yeux de Jésus. «Sur la tombe de Lazare, tu es venu, ami des hommes, chante la liturgie
orientale, tu l’as appelé, tu lui as rendu la vie, toi le Dieu immortel qui procure la vie à tous les humains, préfigurant la future résurrection. Seigneur, tu as tiré Lazare ton ami de l’obscur charnier de l’Hadès et par ton Verbe
tout-puissant, tu as brisé les verrous et détruit le Royaume de la mort».
Le groupe des Juifs venus assister à la scène
Derrière Jésus, un groupe compact assiste à la scène. Clairement identifiés comme juifs par leur
voile blanc strié de noir, ils ne font pas montre d’hostilité mais semblent au contraire fascinés par le
spectacle de ce mort vivant qui s’offre à leurs yeux. Nulle trace de ce que d’autres écoles représenteront en dissociant le groupe des juifs du reste de la scène et en faisant porter leur regard vers le
spectateur, comme pour le prendre à parti. Se trouverait-on ici en présence de ces juifs qui, nous dit
l’évangile, «crurent en lui» ?
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5e semaine du Carême
63
Lundi 11 avril • La foi à l’épreuve du mal
«Seigneur, celui que tu aimes est malade» (Jean 11,3)
L
a prière de Marthe et de Marie, sœurs de Lazare, rassemble toutes les plaintes de l’humanité. Elle
monte non pas pour soi, mais pour l’autre, le frère, et elle tient inséparablement deux vérités :
le constat que tout homme est malade, et la confiance en l’amour de Dieu sauveur. L’évangile
de Jean ne précise pas de quelle maladie souffrait Lazare ; il ne dit que l’essentiel : Lazare en est
mort. Mais le psalmiste que nous écoutons en ce jour, comme la voix de tous les Lazare de notre terre,
détaille en son cri toutes les formes de maladie qui se mêlent : il est atteint en son corps – «ma gorge
brûle» – et en son esprit – «tu sais ma folie» ; il est atteint tout à la fois par les forces de la nature – «le flot
me submerge» –, par les autres qui lui «nuisent sans cause» et par son propre péché. Il est tout ensemble
malade, malheureux et pécheur, figure d’une humanité souffrant du mal et des maux depuis l’origine.
Mais cette situation n’est pas présentée en un cri de désespoir, mais en une prière. Marthe et
Marie en appellent à l’amour de Jésus pour Lazare. Le psalmiste clôt sa lamentation par un cri de foi :
«Que ton salut, Dieu, me redresse !» – tellement sûr d’être exaucé qu’il débouche immédiatement sur l’action de grâce : «Je louerai le nom de Dieu par un cantique». Et Dieu ne fait pas défaut. Dieu vient combler
le désir du priant. «Je vais aller le réveiller», affirme Jésus (Jean 11,2). Le mal n’est pas supprimé, comme
par un coup de baguette magique ; il est dépassé par une promesse plus haute. Celle que Jésus est venu
lui-même vivre en sa chair souffrante et ressuscitée, afin d’ouvrir pour nous une brèche dans le mal.
Psaume 69,2-5.30-34
[2] Sauve-moi, ô Dieu, car les eaux me sont entrées jusqu’à l’âme.
[3] J’enfonce dans la bourbe du gouffre, et rien qui tienne ;
je suis entré dans l’abîme des eaux et le flot me submerge.
[4] Je m’épuise à crier, ma gorge brûle, mes yeux sont consumés d’attendre mon Dieu.
[5] Plus nombreux que les cheveux de la tête, ceux qui me haïssent sans cause ;
ils sont puissants ceux qui me détruisent, ceux qui m’en veulent à tort. (…)
[30] Et moi, courbé, blessé, que ton salut, Dieu, me redresse !
[31] Je louerai le nom de Dieu par un cantique, je le magnifierai par l’action de grâces ;
[32] cela plaît au Seigneur plus qu’un taureau, une forte bête avec corne et sabot.
[33] Ils ont vu, les humbles, ils jubilent ; chercheurs de Dieu, que vive votre cœur !
[34] Car le Seigneur exauce les pauvres, il n’a pas méprisé ses captifs.
Seigneur, au début de cette semaine, nous te présentons l’humanité confrontée depuis toujours
au mal. Intercédant pour elle, comme un frère, comme une sœur, nous te présentons tous les
malades, tous ceux qui souffrent la violence ou qui sont tourmentés par leurs propres angoisses. Regarde, Seigneur, les affamés et les torturés, les bourreaux et ceux qui veulent détruire le
visage de l’homme fait à ta ressemblance. Pardonne, Seigneur, guéris, toi qui es le Dieu de vie. Console,
toi le Dieu de tout amour, aie pitié de tes enfants égarés, toi notre Père de toute éternité, qui veux
rendre à la vie et redonner la vie en abondance. Amen.
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Mardi 12 avril • Le don fait à la foi
«Qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ;
et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais» (Jean 11,25)
V
oilà la promesse de Dieu – nous l’entendons en ce second jour de la semaine. Contre le mal
présent sous de multiples formes dans toute vie humaine, la promesse d’une vie plus forte que
la mort, qui est la vie même du Christ. À l’affirmation de foi, vibrante mais encore inchoative, de
Marthe : «Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour», Jésus répond par une identification inouïe : «Je suis la Résurrection». Tout comme il avait dit, dans la synagogue de Capharnaüm : «Je suis
le pain de vie» (Jean 6,35a). Deux affirmations équivalentes puisqu’elles associent le Nom de Dieu («Je
Suis») au don de la vie ; deux affirmations qui sont suivies d’une proclamation solennelle : «Qui croit en
moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais» (11,25), «Qui vient à moi n’aura
jamais faim, qui croit en moi n’aura jamais soif» (6,35b). Deux promesses qui indiquent à la fois le but et
le chemin : si la vie ne peut exister éternellement qu’en Dieu, c’est par Jésus-Christ, son envoyé, qu’elle
nous est rendue ; et, plus concrètement encore, c’est la nourriture qu’il nous a laissée – son Corps et
son Sang, témoins de sa vie livrée pour mettre fin au règne de la mort et prémisses de la vie divine qui
croît en nous jusqu’à notre propre résurrection. Le don a été fait – la vie de Jésus a bien été livrée pour
nous faire accéder à la vie éternelle – avant même que la foi ne s’exprime. Le don ne répond pas à la
foi, il la sollicite. Le don est fait, gratuitement. Quelle va être notre réponse ?
Jean 6,35-40
[35] Jésus leur dit : «Je suis le pain de vie. Qui vient à moi n’aura jamais faim ; qui croit en
moi n’aura jamais soif. [36] Mais je vous l’ai dit : vous me voyez et vous ne croyez pas. [37]
Tout ce que me donne le Père viendra à moi, et celui qui vient à moi, je ne le jetterai pas
dehors ; [38] car je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé.
[39] Or c’est la volonté de celui qui m’a envoyé que je ne perde rien de tout ce qu’il m’a donné, mais que je le
ressuscite au dernier jour. [40] Oui, telle est la volonté de mon Père, que quiconque voit le Fils et croit en lui ait
la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour.»
Seigneur Jésus, toi qui es Dieu, Fils de Dieu, sois béni d’être venu te faire Dieu-avec-nous. Sois
béni d’avoir, pour nous, donné au Nom de Dieu le goût concret du pain que tu es toi-même
et qui, chaque jour, nous est donné pour la route. Sois béni d’avoir pris sur toi notre mort humaine, afin de nous faire participer, par ta résurrection, à ta vie de plénitude. Ouvre les oreilles
de notre cœur, que nous entendions ta promesse, plus douce que nos morts quotidiennes, plus forte
que la mort du dernier jour, toi qui es notre Dieu de toute éternité. Amen.
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Mercredi 13 avril • La victoire de la foi
«Oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu,
celui qui devait venir dans le monde» (Jean 11,27)
Q
uelle est notre réponse au don de la vie offert par Dieu ? La réponse de Marthe, en tous les
cas, ne se fait pas attendre. D’un coup elle passe dans la nouvelle alliance. Au début de son dialogue avec Jésus, se mêlaient en elle la confiance à l’égard de ce rabbi à qui «Dieu accorde tout ce
qu’il demande» (Jean 11,22) et le souvenir de la foi pharisienne lentement acquise au cours des
siècles, affirmant la rétribution au dernier jour. La réponse de Jésus la place ailleurs : dans la foi au Fils
de Dieu qui comble les promesses faites aux pères, car il est «celui qui devait venir», et, en même temps,
les déborde totalement, en s’identifiant, lui, à la Résurrection.
Voilà ce qui nous est proposé à nous aussi, comme le rappelle le passage de l’épître médité
aujourd’hui : «croire que Jésus est le Fils de Dieu». Là est bien le nœud de notre foi, notre passage à la
nouvelle alliance en lui : identifier Jésus de Nazareth, homme mortel entre les hommes, au Dieu unique
dont l’être même est la vie. Le «témoignage» suprême donné à la croix ne peut se recevoir que dans
l’Esprit qui nous donne de reconnaître en cet homme mourant défiguré, le Dieu de la beauté et de la
vie ; il passe par «l’eau et le sang» qui coulent de son côté ouvert et deviennent l’eau de nos baptêmes
et le sang de nos eucharisties qui, sacramentellement, nous donnent déjà part à sa vie. Si lui, Jésus, a
vaincu le mal en l’assumant entièrement à la croix pour que ne demeure que la vie, notre «victoire» sur
«le monde» – c’est-à-dire, selon le sens donné à ce terme par Jean, sur tout ce qui en nous et hors de
nous s’oppose à Dieu –, c’est «notre foi». «Crois-tu cela ?» (Jean 11,26).
1 Jean 5,4-13
[4] Telle est la victoire qui a triomphé du monde : notre foi.[5] Quel est le vainqueur du
monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ? [6] C’est lui qui est venu par eau
et par sang : Jésus Christ, non avec l’eau seulement mais avec l’eau et avec le sang. Et c’est
l’Esprit qui rend témoignage, parce que l’Esprit est la Vérité. [7] Il y en a ainsi trois à témoigner : [8] l’Esprit,
l’eau, le sang, et ces trois tendent au même but. [9] Si nous recevons le témoignage des hommes, le témoignage
de Dieu est plus grand. Car c’est le témoignage de Dieu, le témoignage que Dieu a rendu à son Fils. [10] Celui
qui croit au Fils de Dieu a ce témoignage en lui. Celui qui ne croit pas en Dieu fait de lui un menteur, puisqu’il
ne croit pas au témoignage que Dieu a rendu à son Fils. [11] Et voici ce témoignage : c’est que Dieu nous a
donné la vie éternelle et que cette vie est dans son Fils. [12] Qui a le Fils a la vie ; qui n’a pas le Fils n’a pas la
vie. [13] Je vous ai écrit ces choses, à vous qui croyez au nom du Fils de Dieu, pour que vous sachiez que vous
avez la vie éternelle.
Seigneur Jésus, avec Marthe, je reconnais que tu es celui qui vient accomplir la longue attente,
que tu es celui qui doit venir, le Christ de Dieu. Avec Jean à la croix, je te rends grâce pour le
témoignage du plus grand amour qui livre sa vie pour que le monde ait la vie en abondance.
Que ce témoignage, Seigneur, s’étende par la foi de tes disciples à tous ceux qui ne savent pas
encore qu’en toi est leur vie, et à tout ce qui en moi est encore soumis à la mort. Afin que le monde
sauvé par toi te reconnaisse et te chante éternellement. Amen.
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Jeudi 14 avril • Les larmes de la foi
«‘Seigneur, viens et vois.’ Jésus pleura» (Jean 11,34-35)
L
a foi n’empêche pas les larmes – et Marie le montre en cet évangile. Elle que Luc présente «assise
aux pieds du Seigneur, écoutant ses paroles» (10,39), elle qui semble se nourrir et vivre de la seule
présence de Jésus, attachée au seul nécessaire, à la «meilleure part» qui lui est échue (10,42), voici
que nous la retrouvons dévastée par la mort de son frère Lazare. Incapable de dire à Jésus autre
chose que cette déploration qui sonne comme un reproche plus que comme un hommage : «Seigneur, si
tu avais été là, mon frère ne serait pas mort !» (Jean 11,32). Larmes de Marie qui disent le désespoir d’une
vie qui ne serait qu’une marche à la mort et d’un amour qui n’engendrerait que douleur et séparation.
Mais à ce désespoir, Jésus n’oppose aucune réprimande. Lui qui avait qualifié ses disciples, pris par
la peur, d’«hommes de peu de foi» (Matthieu 8,26), ne dit ici rien de semblable, mais au contraire mêle
ses larmes à celles de Marie et compatit de tout son être à cette détresse humaine qu’il est venu guérir.
Car Jésus n’a pas fait semblant d’être homme. Il a voulu tout connaître de notre condition, et jusqu’à
notre souffrance, pour pouvoir tout rédimer. Par sa souffrance et ses larmes, il a été «rendu parfait», dit
le passage de la lettre aux Hébreux que nous méditons aujourd’hui. Non pas qu’il lui manquait quelque
perfection, mais parce qu’il est ainsi devenu totalement apte à remplir sa mission de Rédempteur. «Du
fait qu’il a souffert par l’épreuve, dit encore l’épître aux Hébreux, il est capable de venir en aide à ceux qui
sont éprouvés» (2,18). Contemplons en ce jour ces larmes de compassion de Dieu, mêlées aux larmes
des hommes. Larmes du Dieu fait homme, déchiré en ses entrailles de père, en son cœur d’amant, par
la douleur de l’homme dont l’amour s’abîme dans la mort.
Hébreux 5,7-10
[7] C’est lui qui, aux jours de sa chair, ayant présenté, avec une violente clameur et des larmes, des implorations et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, et ayant
été exaucé en raison de sa piété, [8] tout Fils qu’il était, apprit, de ce qu’il souffrit, l’obéissance ; [9] après avoir été rendu parfait, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent principe de salut éternel,
[10] puisqu’il est salué par Dieu du titre de grand prêtre selon l’ordre de Melchisédech.
Seigneur Jésus, toi qui es venu parmi nous et as voulu connaître la souffrance et la mort, nous
te présentons en ce jour tous ceux qui pleurent. Que leurs larmes, parfois mêlées de colère ou
de désespoir, deviennent, purifiées par les tiennes, larmes de compassion et de pardon. Nous
te bénissons d’être venu nous rejoindre jusque là, d’être venu habiter notre souffrance pour
qu’en toi elle prenne sens. Et nous te bénissons plus encore d’être ce Dieu qui veut, à la fin des temps,
essuyer toute larme de nos yeux et nous garder dans ta joie, éternellement. Amen.
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Vendredi 15 avril • L’enjeu de la foi
«Lazare, viens dehors !» (Jean 11,43)
C
ontempler la douleur de Dieu peut nous bouleverser. Mais, si nous en restions là, l’incarnation
du Verbe n’aurait en rien changé notre vie ni notre mort. «Si les morts ne ressuscitent pas, écrit
Paul aux Corinthiens pour dissiper leurs doutes, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si le Christ
n’est pas ressuscité, vaine est votre foi ; vous êtes encore dans vos péchés» (1 Corinthiens 15,16-17).
Lazare qui gît au tombeau depuis quatre jours, pleuré par ses sœurs, représente l’impuissance extrême :
déjà hors du temps, il n’est plus que chair corrompue, entravée, emmurée derrière une pierre scellée.
Lui dont le nom signifie «Le Seigneur vient en aide», va être arraché à ses ténèbres, rappelé à la vie pour
être signe : «Ne t’ai-je pas dit que, si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ?» (Jean 11,40). Signe du véritable
but de la créature – qui dépasse de loin sa réanimation présente – qui est de croire en la glorification
du Fils, pour partager un jour sa gloire. Et le Seigneur «vient» effectivement «en aide» à Lazare, à tous les
«Lazare» que sont les hommes mortels. La voix du Verbe appelle chacun par son nom, avec la force et
l’efficience qu’elle manifestait lors de la première création. «Elle vient l’heure où tous ceux qui sont dans les
tombeaux entendront sa voix et sortiront» (Jean 5,29). L’heure où le Fils de Dieu devenu fils de l’homme, le
Verbe, sortira du tombeau scellé, au matin de Pâques, «prémices de ceux qui se sont endormis». Car, si la
réanimation de Lazare prophétisait la résurrection du Christ, à la manière d’une ébauche imparfaite, la
résurrection du Christ est la réalité efficace qui permet la nôtre. En même temps qu’elle est la pierre
de touche de notre foi. «Si le Christ n’est pas ressuscité, vide alors est notre message, vide aussi votre foi.»
1 Corinthiens 15,12-20.51-53
[12] Si l’on prêche que le Christ est ressuscité des morts, comment certains parmi vous peuvent-ils dire qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? [13] S’il n’y a pas de résurrection des
morts, le Christ non plus n’est pas ressuscité. [14] Mais si le Christ n’est pas ressuscité, vide
alors est notre message, vide aussi votre foi. [15] Il se trouve même que nous sommes des faux témoins de Dieu,
puisque nous avons attesté contre Dieu qu’il a ressuscité le Christ, alors qu’il ne l’a pas ressuscité, s’il est vrai que
les morts ne ressuscitent pas. [16] Car si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n’est pas ressuscité.
[17] Et si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est votre foi ; vous êtes encore dans vos péchés. [18] Alors aussi
ceux qui se sont endormis dans le Christ ont péri. [19] Si c’est pour cette vie seulement que nous avons mis notre
espoir dans le Christ, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. [20] Mais non ; le Christ est ressuscité
d’entre les morts, prémices de ceux qui se sont endormis. (…) [51] Oui, je vais vous dire un mystère : nous ne
mourrons pas tous, mais tous nous serons transformés. [52] En un instant, en un clin d’œil, au son de la trompette
finale, car elle sonnera, la trompette, et les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons transformés.
[53] Il faut, en effet, que cet être corruptible revête l’incorruptibilité, que cet être mortel revête l’immortalité.
Seigneur Jésus, nous croyons de toute la force de notre foi, que tu es ressuscité d’entre les
morts, que tu t’es relevé du tombeau, au matin de Pâques, et qu’à partir de ce jour, une création
nouvelle est advenue, non plus soumise à la corruption de la mort, mais ordonnée à la vie et à
la gloire. Nous croyons que cette vie nouvelle germe en nous depuis notre baptême et qu’elle
s’accomplira à travers le passage que représente désormais la mort. Sois béni pour la vie que tu as créée
et recréée. Sois béni pour «notre sœur la mort corporelle» (S. François d’Assise) qui nous fera passer en
toi et exulter ensemble, tous rassemblés dans l’amour que tu es avec le Père et l’Esprit. Amen.
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Samedi 16 avril • L’œuvre de la foi
«Déliez-le et laissez-le aller» (Jean 11,44)
L
azare n’est pas Jésus. La pierre de sa tombe doit être roulée par des mains d’homme, alors qu’on
trouvera «enlevée» celle du tombeau vide (Jean 20,1). Lazare sort à la voix du Fils de l’homme, «les
pieds et les mains liés de bandelettes, et le visage enveloppé d’un suaire», et il faut encore le délier ;
tandis que, Jésus s’étant lui-même délivré des ténèbres de la mort, il ne reste, dans le tombeau
vide, que «des bandelettes gisant à terre» et «le suaire qui avait recouvert sa tête, roulé à part» (20,6-7).
Lazare n’est pas Jésus : il retourne à sa vie d’homme qu’à nouveau n’épargnera pas la mort. Mais il est
délié et rendu à la liberté des fils de Dieu. La foi de Lazare prend alors la coloration de la confiance :
tel le nouveau baptisé délivré, par la grâce sacramentelle, de ce qui en lui était complice des forces du
mal et entrant dans une vie renouvelée. La foi de Lazare prend aussi une coloration de charité : des
hommes, ses frères, ont aidé à le délier ; ainsi les baptisés deviennent-ils la bouche, les mains, les pieds
du Christ, pour collaborer à son œuvre libératrice et rédemptrice. Faire reculer la mort, sous toutes
ses apparences, devient aussi, après la victoire du Christ, l’œuvre des hommes, œuvre seconde, certes,
et toujours finalement défaite, mais œuvre nécessaire qui travaille à l’humanisation du monde.
Lazare n’est pas Jésus. Il est bien l’un de nous, rené à la voix du Christ qui s’exprime désormais par
les sacrements de son Église. «C’est pour que nous soyons libres que le Christ nous a libérés» (Galates 5,1). Il
nous invite aujourd’hui, avec les mots du psalmiste, à rendre grâce pour notre délivrance et à concourir,
par la prière et la technique, par l’intelligence humaine et la force de l’Esprit, à réduire le plus possible
l’espace de la mort. Jusqu’à l’entrée de tous dans la plénitude de la vie. «Je suis ton serviteur, le fils de ta
servante ; tu as défait mes liens. Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce.»
Psaume 116,1-4.12-19
[1] J’aime, lorsque le Seigneur entend le cri de ma prière,
[2] lorsqu’il tend l’oreille vers moi, le jour où j’appelle.
[3] Les lacets de la mort m’enserraient, les filets du shéol ;
l’angoisse et l’affliction me tenaient,
[4] j’appelai le nom du Seigneur. De grâce, Seigneur, délivre mon âme ! (…)
[12] Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ?
[13] J’élèverai la coupe du salut, j’appellerai le nom du Seigneur.
[14] J’accomplirai mes vœux envers le Seigneur, oui, devant tout son peuple !
[15] Elle coûte aux yeux du Seigneur, la mort de ses amis.
[16] De grâce, Seigneur, je suis ton serviteur, je suis ton serviteur fils de ta servante, tu as défait mes liens.
[17] Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâces, j’appellerai le nom du Seigneur.
[18] J’accomplirai mes vœux envers le Seigneur, oui, devant tout son peuple,
[19] dans les parvis de la maison du Seigneur, au milieu de toi, Jérusalem !
Sois béni, Père saint, qui as envoyé ton Fils dans le monde pour que le monde soit sauvé par lui.
Sois béni, Fils bien-aimé du Père, d’être mort de notre mort pour que nous soyons libérés de
ses liens qui nous retiennent loin de toi. Sois béni, Esprit du Père et du Fils, d’ouvrir en nous la
source de la vie éternelle et de nous combler de tes dons d’intelligence et de force pour que
nous participions à la gestation du monde encore entravé. Sois bénie,Trinité sainte, vivante et vivifiante,
que nous voulons chanter sans fin, dans la glorieuse liberté des enfants de Dieu que nous sommes.
Amen.
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