DES TROUBLES ANXIEUX A L`ABANDON DE L`ECOLE, QUELLES
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DES TROUBLES ANXIEUX A L`ABANDON DE L`ECOLE, QUELLES
DES TROUBLES ANXIEUX A L’ABANDON DE L’ECOLE, QUELLES PRISES EN CHARGE, QUELS REMEDES ? Auteurs : - Dr Catherine NARET, Chef de service du service de médecine interne pour adolescents à la clinique médicale et pédagogique Edouard Rist (75016 Paris) - Dr Eric TANNEAU, Psychiatre à la clinique médicale et pédagogique Edouard Rist (75016 Paris) - Mme Marie-Ange LECHAT, Proviseur-Adjoint du lycée Claude Bernard, Directrice du service des études de la clinique médicale et pédagogique Edouard Rist (75016 Paris) Référent contact : [email protected] Résumé : Aller à l’école quand on est adolescent, a fortiori adolescent malade, n’a pas forcément d’intérêt et peut même effrayer. La phobie scolaire est un symptôme qui révèle des troubles très divers. Elle n’est pas un décrochage occasionnel, mais une véritable rupture avec l’école. Qu’il soit lié à des problématiques psychologiques ou à masque somatique, cet abandon de l’école est une véritable perte de chances qui pénalise gravement le jeune, sa famille et même la société. Des prises en charge personnalisées et adaptées sont donc souhaitables pour prévenir une désinsertion. Mots clés : Adolescent / phobie scolaire / insertion / famille / santé 1 Introduction : Selon les chiffres extraits de l’ouvrage L’absentéisme scolaire : du normal au pathologique1, l’absentéisme concerne aujourd’hui 5 % des élèves, tous établissements confondus, et révèle dans environ 1,5 % des cas une véritable phobie scolaire. Or on sait que 30 % des enfants avec des antécédents de refus scolaire auront encore dix ans plus tard un diagnostic psychiatrique. L’école rend-elle malade ou est-ce parce que l’on est malade que l’on refuse l’école ? Les deux médecins impliqués dans le dispositif sur les troubles anxieux de l’école ont été sollicités par certains de leurs collègues pour prendre en charge des adolescents en rupture scolaire souffrant de troubles somatiques ou psychologiques à masque somatique. Travaillant dans un établissement de la Fondation Santé des Etudiants de France dont le concept de base est le lien soins-études, ils ont alors mis en place en collaboration étroite avec le service des études un projet innovant pluridisciplinaire dans l’esprit d’un partenariat. Description du travail : Quelles ont été les prises en charge proposées pour ces adolescents ? La reconnaissance médicale de leurs troubles anxieux de l’école et de leur souffrance scolaire, l’éloignement momentané de la famille par l’hospitalisation, la confirmation du diagnostic par des évaluations plus ciblées à la Clinique médicale et pédagogique Edouard Rist, un traitement spécifique et un dispositif scolaire particulier ont permis à ces patients de progresser. 1 L’Absentéisme scolaire : du normal au pathologique, sous la direction de Patrice Huerre, Hachette Littératures, 2006. 2 Patients et Méthodes Quinze adolescents (7 filles, 8 garçons) âgés de 15 ans en moyenne (11 ,75-18) ont été hospitalisés au Centre Edouard Rist entre janvier 2009 et Octobre 2010 en raison de symptômes douloureux invalidants d’étiologie non retrouvée malgré les multiples investigations ( migraines ou céphalées dans 10 cas, douleurs abdominales dans 2 cas, douleurs des membres inférieurs dans 1 cas) rebelles aux traitements) , d’une obésité avec perte de l’estime de soi(1cas) et d’un syndrome dépressif (1 cas), associés à une déscolarisation depuis plusieurs mois voire plusieurs années en moyenne. La demande de prise en charge émanait de médecins hospitaliers de l’Assistance Publique pour 11 d’entre eux et de psychiatres pour les 4 autres. Avant même leur hospitalisation, tous les patients sauf un psychologique avaient eu un suivi plus ou moins régulier en raison de troubles anxieux ou anxio dépressifs. Trois étaient sous traitement anti-dépresseur. Au plan socio familial, les parents de 3 patients étaient séparés ou divorcés depuis plusieurs années, les mères de 5 patients étaient de nature anxieuse et surprotectrice, une autre était traitée pour un syndrome dépressif, 5 patients reconnaissaient des conflits fréquents au sein de la structure familiale Au plan scolaire ; un patient de 12 ans , déscolarisé depuis 2 ans avait un niveau CM2, six étaient au collège, huit étaient lycéens. Résultats Au 30 Novembre 2010 : deux patients lycéens hospitalisés depuis Octobre 2010 sont encore présents dans le service mais ont un emploi du temps scolaire normal et n’ont pas d’absentéisme. deux patientes sont sorties contre avis médical au bout de 15 et 21 jours d’hospitalisation, 3 un patient qui avait refusé l’hospitalisation en temps plein et venait en hôpital de jour est resté moins d’une semaine un patient de 12 ans transféré d’Algérie n’a pas voulu revenir après les vacances scolaires Au plan médical : la posologie des traitements a pu être diminuée chez tous les patients qui avaient accepté la prise en charge La reprise de la scolarité en milieu ordinaire a été possible pour les neuf autres au terme de 4,5 mois en moyenne. La confirmation diagnostique de la « phobie scolaire » est assez évidente. Mais l’intérêt de la phase initiale d’observation est de permettre une évaluation plus fine du de(s) trouble(s) psychiatrique(s) qui se manifeste(nt) par ces symptômes. Il ne s’agit pas de mettre une étiquette sur l’adolescent mais de comprendre les mécanismes du refus scolaire, pour définir la conduite à tenir et in fine, mieux préciser le pronostic. Rappelons que si les diagnostics psychiatriques auxquels réfèrent les signes de phobie scolaire appartiennent au registre des troubles anxieux chez les enfants, lorsque les troubles surviennent chez les grands adolescents, ils peuvent révéler d’autres diagnostics allant du trouble obsessionnel compulsif grave ou à la schizophrénie. Insistons également sur la possible comorbidité : un syndrome dépressif pourra être réactionnel et secondaire à un refus scolaire anxieux tandis qu’un trouble hyperactif ou une phobie sociale pourront être ainsi démasqués. Dans le cas de manifestations somatiques au premier plan (« migraines » par exemple), l’évaluation médicale aura permis de rassurer l’adolescent, sa famille et le milieu scolaire en éliminant une pathologie organique ou en traitant le facteur déclenchant initial (crise comitiale ou malaise hypoglycémique inauguraux). L’évaluation se fait pendant une période de quinze jours pendant lesquels le patient est libre d’aller ou pas en classe, de participer ou pas aux activités du service. Chaque intervenant de l’équipe note les possibilités ou refus éventuels, y compris les interactions de l’adolescent avec ses comparses ou son possible évitement des situations sociales au-delà de la situation scolaire. Les moyens thérapeutiques seront multidimensionnels. 4 Le traitement hospitalier de nos patients s’impose par la gravité des cas présentés (chronicisation, tensions familiales extrêmes, épuisement de la famille) et se justifie par les échecs des prises en charge antérieures. Le but est le retour à l’école, dans le cadre particulier mixte privilégié des possibilités médicales et pédagogiques de l’établissement. Cet objectif doit déboucher bien sûr sur la poursuite d’une scolarité dans un établissement usuel, non médicalisé et ultimement par la reprise d’une insertion sociale correcte. Le traitement médicamenteux concerne le diagnostic plus précis retrouvé au-delà des symptômes de phobie scolaire : traitement par antipsychotique d’un début de schizophrénie, traitement antidépresseur d’un état dépressif, etc. Le traitement psychothérapique est le traitement de choix. L’hospitalisation permet une prise en charge institutionnelle. Le mimétisme avec les autres patients/élèves s’apparente à un modeling comportemental, lequel va stimuler et aider l’enfant en difficulté à reproduire le même comportement (aller à l’école) que ses pairs. La psychothérapie sera individuelle et parfois familiale selon les difficultés rencontrées par la famille, et dans ce cas, effectuée en dehors de l’établissement. La psychothérapie individuelle sera cognitivo-comportementale. La modification des comportements sera utilisée dans tous les cas. Son but est double : extinction de l’angoisse et prévention de la réponse d’évitement. L’apprentissage par l’élève d’une méthode de relaxation de type Schulz ou Jacobson permettra de mettre en place des stratégies de désensibilisation systématique. Des stratégies d’exposition in vivo seront utilisées en association avec d’autres stratégies comportementales : retrait des renforçateurs associés au fait de rester à la maison (par exemple : connexion Internet, jeux vidéo) ; renforcement positif des temps passés à l’école. La restructuration cognitive sera également utilisée dans tous les cas. Son but est d’aider l’adolescent à comprendre le dysfonctionnement cognitif qu’il présente, à reconnaître ses cognitions négatives pour lui apprendre des techniques de modification de ses pensées. Enfin, une meilleure affirmation de soi par l’apprentissage des techniques d’entraînement aux habilités sociales seront aussi très pertinentes. Ces stratégies comportementales et cognitives seront accompagnées par une psychothérapie de soutien et parfois d’inspiration analytique permettant une réorganisation du fonctionnement psychique. 5 Sur le plan scolaire, un dispositif a été mis en place pour réconcilier peu à peu les élèves avec l’apprentissage scolaire. Les petits effectifs des classes du secteur scolaire de la clinique Edouard Rist sont indéniablement un atout de ce dispositif, car les élèves souffrant de phobie scolaire ont peur du groupe et des autres élèves, et leur phobie scolaire est souvent liée à une phobie sociale. Lors de sa visite de pré admission, l’élève a visité le bâtiment des études comme tous ceux de la clinique et il doit maintenant se réapproprier un lieu scolaire, le reconnaître comme un lieu possible pour lui. Tout élève arrivant au centre Édouard Rist est reçu par un dispositif d’accueil appelé Pôle Bienvenue. Dans un premier temps, les élèves phobiques vont juste saluer le professeur présent et il n’est pas question d’inscription. L’emploi du temps du dispositif de rupture scolaire, intitulé DRS, sans explication pour les élèves des lettres du sigle, est proposé à l’adolescent et il peut s’en saisir ou non. L’accueil au pôle Bienvenue a lieu tous les jours en fin de matinée et au tout début d’après-midi, l’élève peut donc y venir plusieurs fois avant de prendre l’emploi du temps. Sur cet emploi du temps, figurent 6 heures de cours sur la semaine dont 4 h de français, mathématiques, sciences physique, histoire-géographie et 2 h de théâtre prises en charge par un comédien art-thérapeute et un professeur de lettres de la structure. Le passage au pôle Bienvenue comporte également une visite du Centre de documentation et d’information (CDI) où un professeur, ou un membre de l’équipe éducative, accompagne l’élève sans qu’il ait l’obligation d’y rester. Le principe de cette première période est que l’élève prenne son temps pour reconnaître les lieux, les apprivoiser. Il peut venir dans la salle où a lieu le cours, y entrer et en ressortir sans travailler, mais il a quand même un cadre horaire à respecter car il ne peut venir n’importe quand dans une salle de cours, sauf au CDI. Le professeur qui prend en charge l’élève entre d’abord en contact avec lui sans lui proposer de contenu scolaire, cette proposition viendra à la demande de l’élève et non l’inverse. Même quand le cours a un contenu scolaire, l’évaluation apparaît très tardivement, car c’est souvent l’un des facteurs qui bloque l’élève. Il faudra prendre garde aux envies de l’élève : parfois culpabilisé par sa phobie, surtout s’il a un passé scolaire de bon élève, il peut surestimer ses forces et vouloir trop vite reprendre un 6 rythme normal de cours. Ce retournement brutal aboutit la plupart du temps à un échec. Peu à peu, l’élève reprend un rythme scolaire, même s’il est limité et se réinscrit dans une perspective future de classe traditionnelle. Ceci peut demander plusieurs semaines durant lesquelles le cadre scolaire devient de plus en plus important pour lui, en particulier parce que la Conseillère principale d’éducation va prendre en compte ses absences quand il se sentira prêt à respecter son emploi du temps. Le premier but n’est pas d’augmenter le nombre d’heures de cours mais de lui redonner de l’appétence pour sa scolarité et relancer ainsi sa projection dans l’avenir. Durant tout ce temps d’apprivoisement, la vigilance des adultes de l’équipe pédagogique s’exerce vis-à-vis de l’élève. Celui-ci peut avoir des manquements et s’absenter mais il sait que ce n’est ce qu’on attend de lui, qu’on l’aidera mais qu’on ne l’excusera pas. Une fois le rythme installé, les professeurs et l’équipe de direction peuvent commencer à interroger l’élève sur un éventuel retour dans sa classe de référence. Pendant sa présence au dispositif de rupture scolaire, l’élève peut échanger avec l’enseignant mais l’objectif demeure scolaire même s’il passe par des stratégies de contournement comme le théâtre ou la construction d’un projet. Le but n’est pas de maintenir l’adolescent dans un état d’exception mais tout au contraire de le remettre dans un cadre scolaire ordinaire où il pourra trouver sa place. Sil reste un certain temps à la clinique médicale et pédagogique Edouard Rist, une fois revenu dans sa classe de référence, il ne sera pas évalué tout de suite, mais les professeurs s’emploieront à essayer de combler les lacunes que ses absences antérieures nombreuses ont provoquées. Conclusion : La phobie scolaire est fréquente et grave à double titre : à titre personnel pour l’enfant ou l’adolescent qui la vit car elle handicape son futur d’adulte, à titre collectif pour la société dans laquelle évolue ce jeune. Le dépistage de la phobie scolaire est souvent fait à et par l’école car l’absentéisme en est le signal d’alerte et l’indicateur du niveau de gravité. 7 Toutefois si l’école est le lieu de la phobie, elle en est le catalyseur plutôt que la cause car elle constitue le seul lieu social obligatoire pour un jeune de cet âge. La multiplicité des composantes de la phobie scolaire implique donc qu’on ne peut la traiter sur un plan unique. A la clinique médicale et pédagogique Edouard Rist, la phobie scolaire est prise en compte sur le plan médical, somatique et psychologique, et sur le plan pédagogique. Ainsi, le dispositif contre la phobie scolaire peut être gradué en ajoutant des données ou des outils comme dans un simulateur d’avion. Sur le plan pédagogique, l’élève peut aller de l’équipement minimal qui consiste à se rendre dans une salle de cours, même vide, jusqu’à la tempête avec des trous d’air que constitue un emploi du temps plein dans une classe référencée. Notons cependant que les effectifs réduits et la pédagogie différenciée pratiquée par des professeurs volontaires et informés sont des éléments importants qu’offre moins facilement un établissement ordinaire. La prise en charge de la phobie scolaire est un acte de prévention qui vise à éviter les conséquences délétères de la phobie sociale ou des autres troubles dépistés : la dépression et l’alcoolisme. Bibliographie : - LEROY P., HUERRE P. (dir.). L’Absentéisme scolaire : du normal au pathologique. Hachette Littératures, 2006. - LE HEUZY M.-F., MOUREN M.-C. Phobie scolaire. Comment aider les enfants et adolescents en mal d'école ? Éditions Josette Lyon, 2008. - LAGET J., HALFON O. Problèmes des prises en charge psychologiques et psychiatriques des adolescents scolarisés dans le secondaire. L'équipe de pédopsychiatrie et les nouvelles demandes (l'hôpital, l'école, le secteur social). Neuropsychiatrie de l'enfance, 1992, vol. 40, p. 222- 227. - Décrochage scolaire et déscolarisation. La nouvelle revue de l’AIS, 4e trimestre 2003, n°24. 8