Gemelos - dossier pédagogique
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Gemelos - dossier pédagogique
DANS LE CADRE DU FESTIVAL TILT ! GEMELOS D’après Le Grand Cahier d’Agota Kristof Cie Teatrocinema (Ex La Troppa) Chili Spectacle en espagnol, surtitré en français Durée : 1h45 ©Rodrigo Sanchez DOSSIER PEDA PEDAGOGIQUE DAGOGIQUE Sommaire Enjeux de la reprise de Gemelos Gemelos, le spectacle Gemelos, un roman adapté dans un castelet Agota Kristof, l’auteure La trilogie d’Agota Kristof Contexte politique en Hongrie Les grands moments de l’histoire du Chili L’art et la politique au Chili La Compagnie Teatrocinema La marionnette et le castelet Pistes pédagogiques / Sources La presse en parle p. 3 p. 4 p. 6 p. 8 p. 9 p. 11 p. 12 p. 15 p. 17 p. 18 p. 19 p. 20 Lors de cette cette cinquième édition du Festival Tilt !,!, découvrez un spectacle fort, fort, lié à l’actualité, qui questionne à sa manière notre vision du monde et de l’Autre. Il y a cinq ans naissait au sein du Manège une réflexion active sur le rapport entre école et théâtre et plus largement entre ados et arts de la scène. Nous souhaitions créer une véritable « école du spectateur », un chemin de la petite enfance à l’âge adulte ponctué de découvertes et de plaisirs artistiques, créer l’envie et la culture des arts vivants. Une programmation jeune public, des spectacles tout public et la création de Tilt !, un festival à destination des adolescents, avec un véritable accompagnement des professeurs et des élèves et des choix artistiques tant liés à la pertinence des thèmes abordés qu’à une forme théâtrale surprenante et inventive susceptibles d’accrocher les jeunes. Aujourd’hui Tilt ! a cinq ans et cette réflexion de départ s’est étoffée d’année en année pour enrichir le projet pédagogique global du Manège et multiplier les opportunités pour les élèves de s’impliquer dans les arts vivants. Rencontres, animations, visites de lieux, projets individuels à plus long terme... Certains d’entre eux mettent même le pied dans l’artistique, que ce soit sur le plateau (Detto Molière de Marco Martinelli) ou dans l’accompagnement d’un artiste (le parcours des jeunes d’« avoir 20 ans en 2015 » aux côtés du metteur en scène Wajdi Mouawad*). Bien plus loin que notre première idée de l’école du spectateur, le festival Tilt ! nous fait vivre des aventures merveilleuses, riches de sens et porteuses d’émotions intenses… Article publié dans le MIX N°1 – AVRILAVRIL -JUIN 2012 Page | 2 Pour tout renseignement complémentaire ou pour organiser les animations dans les classes, n’hésitez pas à contacter : Isabelle Peters – [email protected] – 0493/093.011 Enjeux de la reprise de Gemelos Dans un va et vient entre passé et présent, la compagnie chilienne Teatrocinema reprend Gemelos et sa quête de l’absolu, infinie et irréductible, pour tenter de réparer l’irréparable. Entrechocs et entrelacs historiques et narratifs, le processus de travail de la compagnie Teatrocinema est singulier : elle construit un répertoire, création après création, avec Gemelos, Sin Sangre et L’Homme qui donnait à boire aux papillons, qu’elle ne cesse jamais de jouer, permettant un questionnement permanent de ses œuvres et une mise en regard de tous ses spectacles. Comme dans Sin Sangre et L’Homme qui donnait à boire aux papillons, l’humanité est bouleversée par la guerre et dévastée par la douleur dans Gemelos, sorte de compilation d’apologues sans morale mais avec un questionnement éthique. Mise en abyme de leur propre histoire, celle du Chili dont les blessures ouvertes par Pinochet ne seront jamais refermées, Gemelos est le travail fondateur des membres de la compagnie Teatrocinema, Laura Pizarro et Zagal. Dans un savant enchâssement narratif, le dispositif scénique tient du castelet de marionnettes et du théâtre d’objets, permettant des jeux de focales et autres effets narratifs. Mi-hommes, mi-automates, les comédiens chiliens cherchent les restes d’une humanité disparue. Quatrième protagoniste, la scénographie est imaginée et conçue comme un acteur, qui a sa part de jeu, d’illusion et de manipulation. Une scénographie dans une dynamique d’interaction avec les comédiens, entre castelet et cinéma, marque de fabrique de la compagnie Teatrocinema. Le souci et l’ambition de travailler sans cesse les œuvres, les laisser reposer, les retrouver, à travers les années et les collaborations artistiques visent à l’exploration de tous les possibles d’une oeuvre. Revisiter constamment son travail, pour comprendre comment représenter le monde au plus juste, comment questionner nos mémoires collectives. Yvon Tranchant, Scène Nationale de Sète et du Bassin de Thau Chacun doit canaliser ses émotions pour ne pas laisser sa propre tragédie envahir son personnage. D’où ces gestes mécaniques qui recentrent le jeu sur la narration, les faits faits uniquement. Plus que tout autre travail, celuicelui - ci nous a énormément ébranlés. Il y a tant de tristesse. Laura Pizarro Page | 3 Pour tout renseignement complémentaire ou pour organiser les animations dans les classes, n’hésitez pas à contacter : Isabelle Peters – [email protected] – 0493/093.011 Gemelos, Gemelos, le spectacle Les guerres tuent des hommes, détruisent les pays, mais pas seulement : elles séparent les enfants de leur mère, aussi. Pour le bien des petits, parfois. Pour qu’ils n’aient pas à subir la violence, les bombardements et les autres dangers. En pleine guerre, dans un lieu non-identifié de l’Europe de l’Est, une jeune mère, inquiète de la famine qui frappe la Grande Ville, laisse à sa propre mère paysanne le soin de veiller sur ses jumeaux. Les deux garçons sont âgés d’environ dix ans, ne vont pas à l’école et effectuent les travaux agricoles. Leur grand-mère, surnomée la sorcière dans tout le village, est soupçonnée d’avoir tué son mari. Elle est en tous cas avare, rude, sale et méchante. Les jumeaux apprennent à son contact des règles impitoyables de la survie dans les violences de la guerre et de la misère, jusqu’à l’apprentissage des valeurs humaines essentielles. Alors pour les enfants, la vie ne coulera pas en douceur. Ils vont être mis à rude épreuve. Heureusement, ils sont deux. Et jumeaux. Gemelos, d’après Le Grand Cahier d’Agota Kristof, est donc le parcours initiatique de garçons jumeaux qui apprennent seuls à vivre dans un climat social, politique et affectif hostile. Ils découvrent l’état du monde, avec un mélange de curiosité appliquée, de réalisme cynique et de bonté naturelle. Rusés, ils s’astreignent d’eux-mêmes à de nombreux exercices d’endurcissement du corps et de l’esprit. ©Rodrigo Sanchez Il leur faut tenir bon dans ce monde qui se révèle d’une infinie cruauté, où surgissent les exactions et horreurs de la guerre. On ne sait rien du père parti au front. La guerre se lit chez chaque personnage, chacun traversé par des pertes, des renonciations, la peur ou la mort. Les saynètes, tels de petits apologues, constituent une galerie de personnages et de situations qui forment le monde qui entoure les jumeaux, un monde où ni morale ni norme n’existent plus. Gemelos questionne notre humanité, comme collectif ou peuple d’abord. Une humanité qui se dégrade : d’abord réduite à un troupeau humain condamné à la déportation, elle devient un charnier. Quand elle est un collectif, ce sont des soldats, qui recommencent le cercle de violence. Le sentiment même d’humanité a disparu et l’issue ontologique des garçons se trouve dans le miroir qu’ils sont l’un pour l’autre. Ils consignent leurs apprentissages et observations dans un cahier et édifient leur propre éthique, sans Dieu. Page | 4 Pour tout renseignement complémentaire ou pour organiser les animations dans les classes, n’hésitez pas à contacter : Isabelle Peters – [email protected] – 0493/093.011 Distribution Distribution Adaptation théâtrale et mise en scène : Laura Pizarro, Zagal et Jaime Lorca / Interprétation : Laura I Pizarro, Zagal et José Manuel Aguirre / Musique originale et interprétation : Zagal / Scénographie du spectacle, costumes, masques, objets et machinerie : Eduardo Jímenez et Rodrigo Bazáes / Lumière : Cristóbal Castillo P roduction Compagnie Teatrocinema (Chili) / Avec le soutien de FONDART (Gouvernement Chilien) / Production déléguée de l’exploitation en Europe : Scène Nationale de Sète et du Bassin de Thau […] Dans cette pièce, tout est narration, tout est récit, tout est émotion. La Troppa c’est l’enchantement, la perfection rêvée, le point équidistant entre la sur-marionnette, et l’acteur pur. Gemelos, Gemelos […] est une fois de plus une petite machine à jouer où l’on ne distingue pas la limite entre l’artifice et l’humain. Tendrement artificiels, cachant encore plus leur brutal génie afin de faire place à la poésie, ils ont choisi Le Grand Cahier, premier volet de la saga des jumeaux d’Agota Kristof, pour déployer un petit théâtre, avec des petits rideaux, un diaphragme, des scènes qui ne cessent de tomber, une étude impeccable du mouvement dont fait partie le travail musical de Juan Carlos Sagal. […] On dirait un conte pour enfants et c’est un conte d’enfants mais pour les grands. Ou peut-être pour cesser d’être enfant. Le charme cette fois-ci côtoie le terrible. Marco Antonio de la Parra (Psychiatre, écrivain et dramaturge chilien) Page | 5 Pour tout renseignement complémentaire ou pour organiser les animations dans les classes, n’hésitez pas à contacter : Isabelle Peters – [email protected] – 0493/093.011 Gemelos, un roman adapté dans un castelet Véritable roman d’apprentissage, Le Grand Cahier d’Agota Kristof n’a rien perdu de ses qualités humanistes quand il est devenu la trame de Gemelos, le spectacle de La Troppa. Le spectacle se déroule dans un espace scénique qui n’est pas sans rappeler les jeux et jouets d’enfance, quand un rien pouvait devenir un village, un train, une église, un magasin et plein d’autres choses encore. Quand on se laissait émerveiller par illusion, qu’on ne cherchait pas à la dénoncer. Parce que c’était bon de rêver. C’est cette joie que l’on retrouve dans le spectacle : cette joie de nous effrayer et de nous faire rêver comme quand on croyait au grand méchant loup et aux vilaines sorcières. Sauf qu’ici, le loup et la sorcière existent, et qu’ils surgissent sous des formes nouvelles. ©Rodrigo Sanchez Jaime Lorca et Juan Carlos Zagal jouent les jumeaux, Laura Pizzaro la grand-mère, mais ils interprètent aussi les nombreux personnages secondaires du roman, en changeant de costume ou de masques, et en manipulant des pantins, des marionnettes, des poupées ou de vieux jouets en bois. Le castelet géant se transforme au gré du récit, comme dans un film d’animation. Ce castelet est agrandi et exploitable sur ses trois dimensions. Petit théâtre de bois posé sur un plateau, il fait environ 5 mètres de long (et pratiquement autant en profondeur) sur 4 mètres de haut. Sur le mur face au ©Rodrigo Sanchez public, un cadre de 3 mètres d’ouverture peut être fermé par un rideau peint. Cette structure, qui ressemble fortement à un castelet traditionnel, se révèle en réalité d’une utilisation plus complexe. Il s’agit d’une boite entièrement praticable par les trois comédiens qui jouent avec les marionnettes, les objets et les ombres. Elle est constituée d’une succession de plans : des châssis de coulisses, mobiles ou fixes. Fermée par un plafond praticable, elle est en revanche ouverte sur les côtés, ce qui permet notamment l’éclairage latéral. L’arrière-plan de la boite présente un dispositif d’écrans et de châssis qui crée des fonds successifs, à chaque changement de décor. Sur les côtés du cadre, des panneaux peuvent s’ouvrir sur de petits volumes de jeu, réservés aux marionnettes ou à des effets de focale. A l’étage, sur le plafond du castelet, se trouve la chambre de la grand-mère, meublée d’un lit : une échelle dans les coulisses permet aux comédiens d’y accéder. Page | 6 Pour tout renseignement complémentaire ou pour organiser les animations dans les classes, n’hésitez pas à contacter : Isabelle Peters – [email protected] – 0493/093.011 Ainsi, la maison de la grand-mère, avec la cuisine en bas et la chambre à l’étage, devient une rivière où l’on pêche la truite, une forêt abritant le corps d’un soldat mort ou celui d’un déserteur, la place du village, l’église du curé, l’échoppe du cordonnier juif que la Gestapo viendra chercher… Au loin, à l’horizon, un facteur roule à bicyclette sur la colline, le ciel se remplit de parachutistes, un petit train de bois emmène ses wagons vers la mort… Rien qu’à trois, même si on pourrait croire qu’ils sont bien plus nombreux, les comédiens inventent un monde ludique où le léger et le grave se côtoient, où le presque rien devient un univers magique. Un monde ludique où le spectateur peut retrouver le regard émerveillé ou effrayé de son enfance. Le dispositif scénique tient du castelet de marionnettes et du théâtre de poche. Les personnages ne sont pas tout à fait des acteurs vivants, leurs gestes sont stylisés, leur demi-masque en carton les fait ressembler à des marionnettes. Le propos, très dur, est d’autant plus fort que l’esthétique joue sur la magie du merveilleux. […] Ni scène pour acteurs, ni vrai castelet de marionnettes, le lieu dans lequel se joue la pièce est un théâtre miniature ou un grand castelet conçu pour se déplacer sur les routes et s’ouvrir là où il peut y avoir des spectateurs. Dans ce drôle de cadre scénique, surgissent des êtres d’apparence humaine, aux visages de carton peint dont la taille ne concorde pas avec celle du décor : trop grands pour être des poupées, trop petits pour être des acteurs, et de ce fait, les acteurs qui jouent ne peuvent être totalement vivants. Ils jouent avec des gestes stylisés, mécaniques, un peu comme des automates, avec, pour les jumeaux, des mouvements identiques qui les rendent irrésistibles. Tellement irrésistibles qu’ils n’hésitent pas à s’effacer devant des marionnettes, répliques exactes en miniature de leurs personnages. Gestuelle, voix, musique, costumes, masques, décors, toiles peintes, objets en bois miniatures, projections, lumières, procédés d’apparition ou d’escamotage des uns et des autres, jeu des écrans délimitant le regard pour mieux le focaliser, jeu avec l’espace pour rapprocher ou éloigner du regard du spectateur les scènes, les personnages ou les objets, pour en accentuer les émotions et la poésie, … […] Jacques Renard, Arte Page | 7 Pour tout renseignement complémentaire ou pour organiser les animations dans les classes, n’hésitez pas à contacter : Isabelle Peters – [email protected] – 0493/093.011 Agota Kristof, l’auteure « Vous oublierez. C’est la vie. Le temps efface tout. Les mémoires palissent. La douleur diminue, les mémoires palissent. Palissent, ternissent, mais ne disparaissent pas. » Agota Kristof est née en 1935 à Csikvand, zone nordoccidentale de la Hongrie, annexée à l’Allemagne nazie. Elle s’enfuit en 1956, quand les chars russes viennent écraser la révolution. De langue hongroise, les occupants parlent allemand, puis l’obligent à s’exprimer en russe. Suite à l’écrasement de l’insurrection nationale de 1956, sa famille est menacée à cause des engagements politiques de son mari, opposant du régime totalitaire. Leur fuite et un plan de distribution des réfugiés hongrois mis en place par les autorités helvétiques les amènent à s’installer à Neuchâtel, désormais port d’attache. Elle y obtient la citoyenneté suisse. L’errance solitaire, la guerre et l’exil, un violent sentiment de l’absurde, vont imprégner son œuvre. Ouvrière dans une usine d’horlogerie, Agota Kristof se familiarise avec la langue française qui reste une langue profondément étrangère, confortant son altérité. Elle choisit donc de se détourner de sa langue maternelle, pour écrire directement en français des pièces de théâtre marquées par un réalisme grotesque. Désirant raconter son enfance, en 1986, elle commence sa trilogie des jumeaux, où l’humour noir le dispute au tragique. Premier volet écrit dans une langue d’une grande simplicité et d’une précision extrême. Le Grand Cahier (1986) est immédiatement distingué par le prix de l’Association des Ecrivains de Langue Française. Suivront La Preuve (1988) et Le Troisième Mensonge (1991), ce dernier couronné par le prix de Livre Inter en 1992. Ces trois romans sont aujourd’hui traduits dans une vingtaine de langues. En 1995, Agota Kristof publie Hier, narrant dans un style toujours rigoureux et concis, l’histoire d’un amour impossible. En 1998, sous le titre l’Heure Grise, paraît un premier recueil de ses pièces de théâtre. D’exil géographique en exils linguistiques, la vie et l’écriture d’Agota Kristof sont donc singulières, heurtées, et reflètent son sentiment profond de solitude, d’arrachement affectif, de rupture intime. J’essaie d’écrire des histoires vraies, mais à un certain moment L’histoire devient insupportable, justement à cause de sa vérité, vérité, Et alors je suis forcée de la changer. J’essaie de raconter mon histoire, mais je ne peux pas, Je n’en ai pas le courage, ça fait trop mal. J’embellis donc le tout et ne décrit pas plus les choses comme elles se sont passées Mais comme j’aurais voulu vo ulu qu’elles se soient passées. « Il y a des vies qui sont plus tristes que le livre le plus triste » Page | 8 Pour tout renseignement complémentaire ou pour organiser les animations dans les classes, n’hésitez pas à contacter : Isabelle Peters – [email protected] – 0493/093.011 La trilogie d’Agota Kristof Ainsi, en 1986, Agota Kristof écrit son premier roman, Le Grand Cahier, aux Éditions du Seuil. Elle reçoit le Prix européen de l’Association des Écrivains de langue française. Elle publie ensuite les second et dernier volets de la trilogie en 1988 et 1991, La Preuve et Le Troisième Mensonge. Le Grand Cahier Dans la grande ville qu’occupent les armées étrangères, la vie est devenue impossible. La disette menace. Une mère conduit donc ses enfants à la campagne, chez leur grand-mère. Terrible grand-mère : analphabète, sale, avare, méchante et même meurtrière. Elle mène la vie dure aux jumeaux, les contraignant à de lourdes tâches au jardin et à la maison, en échange d’un peu de nourriture. Elle les néglige, détourne, pour les revendre, les colis de vêtements envoyés par leur mère, garde l’argent et les lettres qui leurs sont destinés et ne les appellent jamais autrement que « fils de chienne ». Loin de se laisser abattre, les frères apprennent seuls les lois de la vie, de l’écriture et la cruauté. Très vite, ils sont obligés de se construire des mécanismes de survie se composant de différents exercices : des exercices d’immobilité, d’insensibilité, de surdité, d’aveuglement… Abandonnés à eux-mêmes en un pays en proie à la guerre, dénués du moindre sens moral, ils s’appliquent à dresser chaque jour, dans un grand cahier, le bilan de leurs progrès et la liste de leurs forfaits. En une suite de saynètes tranquillement horribles, Le Grand Cahier, nous livre sans fard, sans une once de sensiblerie, une fable incisive sur les malheurs de la guerre et du totalitarisme, mais aussi un véritable roman d’apprentissage dominé par l’humour noir. La Preuve A la fin du Grand Cahier, après la mort de leur terrible grand-mère, les jumeaux décident de se séparer. L’un franchissait la frontière interdite, laissant l’autre en son pays pacifié mais dominé par un régime autoritaire. Celui resté à la maison, seul et désormais privé d’une partie de lui-même, est perdu et incapable d’assumer sa vie au quotidien. Il reprend vie petit à petit. Il semble alors vouloir se consacrer au bien. Il recueille Yasmine et son fils Mathias, (petit être difforme, né des amours incestueux de Yasmine et de son père), porte sa pitance au vieu curé du village, tente de consoler Clara dont le mari fut pendu pour « trahison », écoute avec attention la confession de Victor, le libraire alcoolique qui rêve d’écrire un livre… Mais Yasmine disparaît, Mathias se suicide. Clara, toujours obsédée par le souvenir de son mari, part pour se venger. Victor ne réussit pas à écrire son livre et tue sa sœur, Sophie, qui l’avait hébergé afin qu’il puisse se consacrer à son roman. A cinquante ans, de retour au pays, le frère exilé ne retrouve pas son frère lui-même disparu depuis une vingtaine d’années. Il ne peut convaincre Peter de son identité, reçoit de ce dernier les fameux cahiers, y découvre des brides de vie, y retrouve des lambeaux du passé… Au-delà de la fable, l’auteur poursuit ici son explication impitoyable d’une mémoire si longtemps divisée, à l’image de l’Europe. Page | 9 Pour tout renseignement complémentaire ou pour organiser les animations dans les classes, n’hésitez pas à contacter : Isabelle Peters – [email protected] – 0493/093.011 Le troisième mensonge « On m’appelle Claus T. Est-ce mon nom ? Dès l’enfance, j’ai appris à mentir. Dans ce centre de rééducation où je me remettais lentement d’une étrange maladie, on me mentait et je mentais déjà. J’ai menti encore quand j’ai franchi la frontière de mon pays natal. Puis j’ai menti dans mes livres. Bien des années plus tard, je franchis la frontière dans l’autre sens. Je veux retrouver mon frère, un frère qui n’existe peut-être pas. Mentirai-je une dernière fois ? » « Je m’appelle Klaus T. Mais personne ne me connaît sous ce nom-là. Depuis que mon frère jumeau a disparu, il y a cinquante ans de cela, ma vie n’a plus beaucoup de sens. J’ai longtemps attendu son retour. S’il revenait aujourd’hui, je serais pourtant obligé de lui mentir ». Après les horreurs de la guerre (le Grand Cahier) et les années noires d’un régime de plomb (La Preuve), le temps serait-il venu d’ouvrir les yeux sur la vérité ? Pour vivre, pour survivre, il a fallu mentir pendant toutes ces années. Claus et Klaus T. découvrent à leurs dépens que la liberté retrouvée n’est pas synonyme de vérité. Et si leur existence était en ellemême un mensonge ? La trilogie d’Agota Kristof nous emmène dans les méandres de la mémoire, se plaît à nous y perdre, elle traite de la vérité et du mensonge, des souvenirs qui palissent, de la déformation de la réalité par la littérature et la journalistique. Agota Kristof ne pose pas de lieu précis pré cis dans ce premier volet de la trilogie, L e Grand Cahier.. L ’ histoire des jumeaux peut ainsi s ’ adapter aux quatre coins de la terre, Cahier terre , que ce soit dans le contexte politique politique hongrois dans lequel a évolué l’l’ auteure, aussi bien que qu e dans un pays qui se remet d’ d’ un régime dictat dictato ctatoria rial tel que celui de Pinochet au Chili d’ où viennent les comédiens de la Compagnie Teatrocinema ; et même m ême d’ d’ ailleurs… ailleurs … Il s’ s ’ agit de lieux où les valeurs humaines, les rapports entre les hommes et les le s femmes et la vie quotidienne ont été mis à mal par un contexte social spécifique et hors du commun… commun … Un temps où l’éthique est tordue, où les malheurs sont vécus comme une suite sans fin. Page | 10 Pour tout renseignement complémentaire ou pour organiser les animations dans les classes, n’hésitez pas à contacter : Isabelle Peters – [email protected] – 0493/093.011 Contexte politique en Hongrie En 1920, l’indépendance de la Hongrie est proclamée mais son territoire est amputé des deux tiers. Trois millions de Hongrois sont rattachés à des pays étrangers. Sous la régence de l’Amiral Horty, la Hongrie évolue vers un régime conservateur et autoritaire, dévoué aux intérêts des grands propriétaires restés les maîtres du pays. La rancœur laissée par le traité de Trianon pousse la Hongrie à se rapprocher de l’Italie fasciste (1927) puis de l’Allemagne hitlérienne. De 1938 à 1945, la mainmise de l’Allemagne hitlérienne sur la Hongrie influence la politique vers un régime d’extrême droite nationaliste. Des agitations fascistes et antisémites se déclarent. En 1941, la Hongrie entre aux côtés de l’Allemagne en guerre contre l’U.R.S.S. En 1944, échec de l’alliance avec l’Allemagne. Un coup d’état porte au pouvoir le mouvement fasciste des Croix fléchées de Szalassy. Un régime de terreur s’installe, la majorité des juifs hongrois est exterminée. En réaction, un vaste mouvement de résistance voit le jour. Les Russes avancent en Hongrie. En Février, Miklos, chef de la 2ème Armée hongroise (passée aux Russes), est nommé président du gouvernement provisoire à Debrecen. En 1945, le gouvernement provisoire organise des élections libres : victoire du parti Agrarien (petits propriétaires) sur les communistes et les sociaux-démocrates. Et en 1946, la République est proclamée, sous l’inspiration communiste. Entre 1949 et 1956, le régime communiste lié à l’U.R.S.S. régit le pays jusqu’en 1952. A partir de 1953, la pression populaire oblige le régime à persévérer dans la voie d’une relative libéralisation grâce à des mouvements nationalistes et insurrectionnels. Le 23 octobre 1956 : INSURR INSUR R ECTION NATIONALE Revenu au pouvoir, Imre Nagy (libéral) ne parvient pas à maîtriser son peuple et aligne peu à peu ses positions sur celles du mouvement, qui prend une orientation nettement antisoviétique. (Annonce du retrait de la Hongrie de l’organisation du pacte de Varsovie). Les troupes soviétiques, reçoivent l’ordre d’intervenir, livrent des combats à Budapest du 4 au 13 novembre 1956 et imposent un nouveau gouvernement présidé par Janos Kadar. Deux cent mille Hongrois se réfugient à l’ouest. Page | 11 Pour tout renseignement complémentaire ou pour organiser les animations dans les classes, n’hésitez pas à contacter : Isabelle Peters – [email protected] – 0493/093.011 Les grands grands moments de l’histoire du Chili Quand les conquistadors espagnols sont arrivés au Chili, le nord faisait partie de l'Empire Inca. Plus au sud, c'était le territoire des Indiens Mapuches, nommés par les Espagnols ‘Araucans’. Et près des terres australes vivaient les ‘Yamanas’ et les ‘Alakaloufs’, un peuple de pêcheurs. C'est 1535 que Diego de Almagro commence la conquête du Chili. Il parcourt plus de 2500 km en se dirigeant vers le sud depuis le Pérou. Cette conquête se poursuit véritablement lorsqu’en 1540, Pedro de Valdivia s'installe à Valparaiso et fonde plusieurs villes dont Santiago, qui devient la capitale du pays. Mais les Indiens Mapuches résistent farouchement aux envahisseurs espagnols et Valdivia est tué lors d'une des batailles. Les Mapuches continuent à résister, et c'est seulement vers le milieu du XIXème que les colons espagnols étendent leur domination jusqu'au sud du Chili. L'indépendance du Chili Les premières idées nationalistes prônant l'indépendance chilienne remontent au XVIIIème siècle. A cette époque, deux mouvements principaux se développent : les royalistes et les patriotes. Leurs combats aboutissent à une première victoire le 18 septembre 1810 : le pays rompt tout lien politique avec l'Espagne et obtient son indépendance. Le conseil municipal de Santiago destitue le gouverneur colonial du Chili et délègue ses pouvoirs à une assemblée de sept personnes. Bien qu'officiellement indépendant de l'Espagne, le Chili reste en guérilla contre les troupes espagnoles envoyées du Pérou, qui entreprennent une reconquête de 1814 à 1817. Le 12 février 1818, le Chili proclame son indépendance. Cependant, les forces royalistes gardent le contrôle d'une grande partie du sud jusqu'à la bataille de Maipú, en 1818. Ce n'est qu'en 1826 qu'elles sont définitivement chassées du pays. Bernardo O'Higgins dirige le pays en dictateur jusqu'en 1823, date à laquelle il est contraint de démissionner face à l'hostilité populaire. La république, instaurée en vertu d'une constitution libérale, est alors proclamée à l'instigation de Ramón Freire. Mais les rivalités entre les nombreux partis politiques sèment l'anarchie jusqu'en 1830. Le général Joaquín Prieto, Prieto à la tête des conservateurs, s’empare du pouvoir en 1831. Il devient président. Sous le gouvernement conservateur, la politique extérieure du Chili est marquée par une série de conflits avec les pays voisins : le Pérou et la Bolivie en 1839, puis l'Argentine en 1843. Ce dernier conflit prend fin en 1881 après avoir failli, à plusieurs reprises, dégénérer en guerre ouverte. Un traité est alors signé : il accorde la moitié de la Terre de Feu au Chili. Vainqueur de la ‘guerre du pacifique’ en 1883, le Chili agrandit considérablement son territoire. En 1891, une alliance étroite entre forces politiques et clergé catholique se rebelle contre le gouvernement du président José Manuel Balmaceda, Balmaceda chef du parti libéral. Sous le commandement du capitaine Jorge Montt, officier de marine, les rebelles s'emparent de la flotte chilienne et des riches provinces du nord. En août, Valparaíso tombe aux mains des rebelles, de même que Santiago. Cette chute marque pratiquement la fin d’une guerre civile qui fait plus de 10 000 victimes et des dégâts matériels considérables. Balmaceda se suicide en septembre. Une des conséquences de ce conflit est l'orientation du régime vers un système parlementaire, accordant plus de pouvoirs au Congrès. Peu après, Jorge Montt devient président. Le Chili entre alors dans une longue période de paix et de reconstruction. En août 1906, un terrible tremblement de terre détruit pratiquement la ville de Valparaíso et ravage des quartiers de Santiago, tuant plus de 3000 personnes et laissant près de 100000 sans-abris. Page | 12 Pour tout renseignement complémentaire ou pour organiser les animations dans les classes, n’hésitez pas à contacter : Isabelle Peters – [email protected] – 0493/093.011 En 1920, Les libéraux remportent les élections, mettant à la tête du pays Arturo Alessandri Palma, Palma ancien ministre de l'Intérieur. Celui-ci tente de faire adopter ses projets de réforme; mais en 1924, des chefs militaires renversent Alessandri et rétablissent la dictature. Ils sont à leur tour renversés au début de 1925. Alessandri retrouve alors la présidence, mais son mandat dure moins d'un an. Après de nombreux coups d'État et changements de gouvernements, Alessandri est finalement réélu président en 1932, grâce au soutien des partis centristes et des partis de droite. Il conserve cette fonction jusqu'à la fin légale de son mandat en 1938. En 1936, un nouveau parti politique est constitué : le front populaire, populaire comprenant à la fois des radicaux, des socialistes et des communistes. Il remporte les élections de 1938 et un nouveau gouvernement, présidé par le radical Pedro Aguirre Cerda, Cerda est constitué. Son ambitieux programme, inspiré du New Deal américain, et mettant l'accent sur l'éducation et l'industrialisation, est brisé par un tremblement de terre dévastateur qui tue 30 000 personnes en 1939. En 1946, l'élection présidentielle est remportée par Gabriel González Videla, Videla chef du parti radical, soutenu par une coalition composée de radicaux et de communistes. González Videla nomme, pour la première fois dans l'histoire du pays, trois communistes dans son cabinet, mais la coalition ne dure pas six mois. Souvent en désaccord avec les autres membres du gouvernement, les communistes quittent le pouvoir en avril 1947. Quelques mois plus tard, le Chili rompt ses relations diplomatiques avec l'Union soviétique. La situation se durcit et, en 1948, des centaines de communistes sont arrêtés en vertu de la loi pour la défense de la démocratie qui interdit le parti communiste. Une révolte militaire menée par l'ancien président Carlos Ibáñez del Campo est réprimée et la période qui suit est troublée par une agitation sociale importante. En 1951, presque tous les secteurs de l'économie sont touchés par les grèves. L'année suivante, le peuple manifeste son hostilité aux partis traditionnels en élisant le général Carlos Ibáñez del Campo, soutenu par le Parti agraire-travailliste. En 1958, Jorge Alessandri Rodríguez, Rodríguez ancien sénateur et fils d'Arturo Alessandri Palma, est élu président. À la tête d'une coalition regroupant libéraux et conservateurs, il préconise un programme en faveur de la libre entreprise et des investissements étrangers. L'élection présidentielle de 1964 est remportée par le candidat démocrate-chrétien et ancien sénateur Eduardo Frei Montalva. Montalva Il entreprend de grandes réformes : la nationalisation partielle des mines de cuivre par la loi du 25 juillet 1966 ; puis une réforme agraire en 1967. Ces dernières soulèvent un mécontentement à gauche comme à droite et une violente opposition politique s’ensuit. À l'approche de l'élection présidentielle de 1970, l'opposition de gauche s'unit pour former l'Unité populaire et désigne Salvador Allende Gossens comme candidat, avec le soutien du célèbre romancier chilien Pablo Neruda. Celui-ci conduit une campagne fondée sur un programme promettant la nationalisation totale de toutes les industries de base, des banques et des communications. Il reçoit non seulement près de 37% des voix, mais également le soutien inconditionnel du Congrès face à son adversaire de droite, l'ancien président Alessandri. Allende devint alors le premier président élu sur un programme socialiste dans un pays non communiste. Une fois en fonction, le président Allende met vite en application les promesses faites durant sa campagne, transformant le pays en État socialiste. Une partie importante de l'économie passe sous le contrôle de l'État : mines (loi de juillet 1971 sur le cuivre), banques étrangères et entreprises monopolistiques sont nationalisées. La réforme agraire s'accélère et des conseils paysans naissent. De plus, Allende entreprend de redistribuer le revenu national, augmente les salaires et institue un contrôle des prix. Cependant, l'opposition ne reste pas inactive et, dès 1972, organise des mouvements de panique. Les conditions se détériorent en 1973, le Chili est au bord du chaos. En plus de cette opposition interne, les États-Unis, méfiants à l'égard du nouveau pouvoir chilien, pratiquent un blocus financier. Page | 13 Pour tout renseignement complémentaire ou pour organiser les animations dans les classes, n’hésitez pas à contacter : Isabelle Peters – [email protected] – 0493/093.011 La dictature du Général Pinochet Le 11 septembre 1973, les militaires s'emparèrent du pouvoir, et le président Allende meurt. C'est le général Augusto Pinochet Ugarte qui prend la tête de la junte militaire et adopte, en juillet 1974, le titre de "chef suprême de la nation". Aussitôt, il suspend la Constitution, dissout le Parlement, impose la censure absolue et interdit tous les partis politiques. Il lance par ailleurs le pays dans une campagne de terreur contre la gauche, les anciens partisans d’Allende et des répressions sanglantes. Des milliers de personnes sont arrêtées. Beaucoup sont exécutés, torturés ou doivent s'exiler, tandis que d'autres sont longuement emprisonnés ou "disparaissent". Le 5 octobre de la même année, Pinochet organise un plébiscite visant à reconduire son mandat après mars 1989 jusqu'en 1997. Alors que le "non" l'emporte avec près de 55% des voix, Pinochet annonce qu'il prolonge son mandat jusqu'en mars 1990. Néanmoins, en décembre 1989, le Chili connait le premier scrutin présidentiel organisé depuis dix-neuf ans. L'élection donne la majorité au candidat démocrate-chrétien Patricio Aylwin. Aylwin Alors que Pinochet demeure à la tête de l'armée de terre, le président Aylwin nomme, en avril 1990, une commission d'enquête "pour la vérité et la réconciliation" sur les violations des Droits de l'Homme sous le régime précédent. Ces réformes économiques visent à maintenir un taux de croissance élevé et à instaurer une intégration sociale. Le pays s'ouvre sur l'extérieur en multipliant les exportations, en particulier vers les États-Unis, grâce à un accord bilatéral de commerce et d'investissement. Les élections municipales de juin 1992 renforcent la victoire des démocrates-chrétiens. Retour vers la Démocratie Lors de l'élection présidentielle de 1993, le candidat démocrate-chrétien de la concertation nationale pour la démocratie, Eduardo Frei RuizRuiz-Tagle, Tagle fils de l'ancien président Eduardo Frei Montalva, l'emporte. Le gouvernement chilien doit faire face à un développement de la pauvreté dans certaines catégories de la population, et à une augmentation de la violence et de l'insécurité dans les villes. La coalition au pouvoir (démocrates-chrétiens et sociaux-démocrates) recueille la majorité des suffrages exprimés lors des élections municipales d'octobre 1996. 1996 Elle remporte également les élections législatives du 11 décembre 1997. 1997 Le 10 mars 1998, le général Pinochet quitte le commandement de l'armée de terre pour entrer dans un climat hostile au Sénat et y occuper un siège à vie. Une grave crise interne est provoquée par l’arrestation du général Pinochet par la police britannique, le 16 octobre 1998. Le juge espagnol Baltasar Garzón réclame l’extradition vers l’Espagne de l’ancien chef de la Junte militaire, afin de le juger pour des délits de « génocides », « tortures » et «disparitions» commis pendant la dictature. Les révélations sont faites à propos du plan « Condor », qui coordonnait, pendant les dictatures, l’action répressive contre les opposants en Argentine, en Bolivie, au Chili, au Paraguay et en Uruguay. 17 mois plus tard, le ministre britannique de l’Intérieur Jack Straw rejette la demande d’extradition du général Pinochet vers l’Espagne. Ce dernier peut ainsi retourner dans son pays, où la cour d’appel de Santiago du Chili vote, le 23 mai 2000, la levée de son immunité parlementaire. Le 16 janvier 2000, Ricardo Lagos, Lagos candidat de la concertation démocratique, est élu président du Chili avec 51,3% des suffrages. C'est le premier président socialiste du Chili depuis Salvador Allende. Il s’engage à faire des droits de l'homme une priorité de son gouvernement et se prononce en faveur d'un jugement d'Augusto Pinochet à son retour au Chili. En 2006, les élections présidentielles confortent les socialistes, et pour la première fois dans l'histoire de l'Amérique du Sud, une femme est élue présidente. Le 11 mars 2006, Michelle Bachelet, Bachelet ancienne ministre de la santé et de la défense de Ricardo Lagos, prend ses fonctions et compose un gouvernement comprenant 10 hommes et 10 femmes. Page | 14 Pour tout renseignement complémentaire ou pour organiser les animations dans les classes, n’hésitez pas à contacter : Isabelle Peters – [email protected] – 0493/093.011 L’art et la politique au Chili Sources : Théâtre au Chili, Le Manège Mons, centre dramatique & Matucana 100, Santiago, Alternatives Théâtrales 96-97, pp. 69>73 & Le Théâtre Politique en Amérique Amérique Latine, Latine Anne-Lise Heynen, pp. 18-25. Le théâtre chilien n’est pas forcément connu sur la scène internationale. Cependant, depuis l’indépendance en 1810, de nombreuses pièces ont été écrites et représentées. Elles consignent, à travers le théâtre romantique, politique, anarchiste, bourgeois, communiste, ou avant-gardiste, l’évolution historique du pays : l’indépendance, les guerres, les coutumes, les rêves. Tout cela rend compte d’une richesse et d’une variété présentes aux origines de l’histoire scénique. Le Chili a vécu les agitations du XXème siècle, un gouvernement de front populaire en 1938, le socialisme avec Allende an 1973, la guerre froide avec Pinochet, et la récente mondialisation. Les arts scéniques ont relayés ces agitations dans leurs différentes étapes. Le théâtre politique chilien a été l’un des plus virulents d’Amérique latine sous la dictature. En effet, un réel combat de résistance contre le régime d’oppression est mené par les artistes de l’époque. Aujourd’hui, le théâtre chilien est confronté à une irruption de nombreux jeunes auteurs. Les programmes des théâtres se centrent sur les mises en scène des contemporains, ce qui permet à de nombreux metteurs en scène et auteurs de la scène nationale d’émerger. Le théâtre chilien, bien qu’il ait mis du temps à prendre son indépendance face au théâtre des colonisateurs, a réellement commencé à exister au début du XXème siècle. Dès 1917 apparaît, à l’initiative de Luis Emilio Recabarren, un Théâtre Ouvrier. Ouvrier En 1920 nait le théâtre social chilien. Les salles de théâtre se multiplient dans le pays et les représentations à caractère populaire attirent un public jusqu’ici mis à l’écart des arts de la scène. Ce théâtre populaire est caractérisé par des expressions nationales, des personnages facilement identifiables qui traitent des sujets problématiques du pays. C’est dans ce contexte que les bases d’une nouvelle ‘institution’ théâtrale se sont posées. Ensuite voient le jour les théâtres universitaires. Le premier à être créé, en 1941, est le Teatro Tea tro Experimental de la Universidad de Chile. Chile Deux ans plus tard est ouvert le Teatro Ensayo de la Universidad Católica. Católica Ces deux théâtres contribuent au développement des thèmes nationaux dans les arts de la scène : drames sociaux, théâtre psychologique, comédies métissées, abordant la sauvegarde du folklore, … Une grande influence sur les générations de la seconde moitié du XXème siècle s’ensuit. Un exemple d’une initiative de ces théâtres universitaires est le « clásico ». Il s’agit, à partir de 1938, de spectacles mixant le théâtre et le football. Au départ, la partie théâtrale du clásico consistait simplement en « barras », qui sont de courts numéros faits par les supporters. Peu à peu, ils se transforment en « capuchas », duels d’esprit et d’humour entre les étudiants. En 1945, German Becker entrevoit dans ces représentations une opportunité de créer un théâtre de masse, permettant de représenter des faits d’actualité sous formes de parodies ou de satires. Ces courtes présentations évoluent rapidement pour devenir des spectacles plus ambitieux. Elles sont l’opportunité de véhiculer des valeurs nationales. Le public se rend au stade autant pour le football que pour le spectacle et c’est grâce à cette masse que cette forme théâtrale a pu se développer. Après les années 50, les spectacles ont une grande influence sur le public, et les thèmes traités sont toujours plus politiques et sociaux. La preuve en est que le clásico a été l’une des premières victimes de la censure politique. La presse retire son appui et le stade national est transformé en prison. C’est ainsi que la forme théâtrale du clásico disparaît. Dans les années 60 et 70, le théâtre se développe dans un climat optimiste. Le théâtre populaire et folklorique attire l’attention de tous sur les problèmes sociaux. Le théâtre, considéré comme Page | 15 Pour tout renseignement complémentaire ou pour organiser les animations dans les classes, n’hésitez pas à contacter : Isabelle Peters – [email protected] – 0493/093.011 didactique, évolue vers un certain réalisme, dénonçant ces faits. C’est le début du théâtre politique au Chili. La création collective tient beaucoup de place, laissant la parole à chacun de ses artistes, elle permet de multiplier les thématiques, les langages scéniques, questionnant par là même les valeurs et les schémas des institutions existantes. Entre 1973 et 1989, période dictatoriale, le théâtre tient un rôle important dans la révélation des crimes. Cependant, ces dénonciations se font de manière dissimulée, métaphorique ; notamment via un processus de destruction de l’identité et de l’art. Entre 1973 et 1976, les théâtres universitaires sont fermés de force. Les institutions théâtrales subventionnées par l’état peuvent continuer, programmant des pièces étrangères : théâtre français et espagnol. La censure est à son comble. Le théâtre devient patriotique ; tandis que parallèlement se forme une sorte de résistance culturelle. La seule solution est la métaphore. La parole acquiert ainsi une valeur inouïe. Peu à peu, les théâtres de groupements sociaux et les centres culturels populaires réapparaissent. « L’espace théâtral se transforme en un lieu de réunion, d’expression, où le monde imaginaire proposé par le texte du spectacle est comparable au monde réel du spectateur. De cette manière, est établie une complicité codée entre le producteur et le spectateur. Le spectacle et son message viennent remplacer l’espace politique et idéologique d’antan : il ne s’agit plus de l’espace social qui parle au théâtre et au spectateur mais du théâtre qui parle à l’espace social du spectateur. » (Extrait de Le théâtre sous la contrainte, contrainte, article de F. Toro dan dans « El teatro en Chile : ruptura y renovación renovación », p. 245.) Les thèmes abordés sont principalement liés au quotidien : violence, crise économique, relations humaines, … Tous les intervenants culturels, bien qu’indépendants, adhèrent à un mouvement unique de résistance à la dictature. Le théâtre s’organise et tout le monde y participe. Il est même présent dans les camps de concentration où sont enfermés les prisonniers politiques. En effet, Oscar Castro, dramaturge et metteur en scène est enfermé dès le début de la dictature. Il introduit le théâtre et tous les prisonniers participent et organisent de petites représentations. Il devient par ce biais une nouvelle forme de langage pour ces nouvelles communautés. Une autre forme de théâtre qui se développe au Chili à cette époque est le Théâtre « poblacional poblaci onal » . Dans le contexte socio-économique et politique du pays, les relations sociales sont fortement mises à mal. Le théâtre est alors le moyen de communiquer, mais aussi un mode de réflexion sur la recherche d’un nouvel équilibre social. Les représentations tournent ainsi autour du quotidien et non plus uniquement des images de moments historiques nationaux. Le but est de dénoncer la marginalisation de certaines populations et prend petit à petit la forme d’un discours revendicateur et critique. Dès 1976, certaines populations prennent conscience que le théâtre peut amener à une certaine forme d’expression culturelle indépendante. En 1980, de nombreux groupes de théâtre poblacional fonctionnent sous la couverture d’associations paroissiales ou de clubs sportifs. Les spectacles mettent en évidence la capacité des personnages à établir un ordre social plus humain grâce au travail collectif. Le régime dictatorial a donc poussé les artistes à trouver de nouvelles formes d’expression, ce qui a donné naissance à une multitude de langages. Au cours des premières années de démocratie, les groupes de théâtres populaires s’organisent et l’activité théâtrale prend une forme : des réseaux se créent, des festivals regroupant toutes les formes théâtrales accueillent une population éclectique, le théâtre engagé est très présent. La nature du théâtre a changé mais il est tout autant politique même s’il intervient dans un système de valeurs totalement différent que lors du régime dictatorial. Les générations se succèdent et les mentalités évoluent. Mais les enfants de la dictature poursuivent encore aujourd’hui leur théâtre de combat. Le théâtre est assimilé à la résistance. Faire du théâtre, c’est combattre ! Le théâtre reste un moyen d’obtenir des réponses, d’éclaircir certaines zones d’ombres. Page | 16 Pour tout renseignement complémentaire ou pour organiser les animations dans les classes, n’hésitez pas à contacter : Isabelle Peters – [email protected] – 0493/093.011 La Compagnie Teatrocinema Teatrocinema La Troppa est un terme qui s’applique aussi bien à une armée qu’à une bande d’acteurs. De fait, la Compagnie de Jaime Lorca, Laura Pizarro et Juan Carlos Zagal a été fondée à Santiago du temps de la dictature militaire. Compagnons d’études à l’Ecole de Théâtre de l’université catholique du Chili au début des années 80, leur association s’appelle d’abord Los que no estaban muertos, muertos ceux qui n’étaient pas morts. L’expression désignait à leurs yeux leur propre génération, celle des Chiliens pour qui la démocratie n’était qu’un souvenir d’enfance, et qui, parvenant à l’âge adulte, se débattaient dans l’étouffant climat répressif. En 1987, ils créent la compagnie de théâtre L a Troppa. Troppa A leurs yeux, faire du théâtre est une guerre spirituelle, qu’il faut mener sur tous les fronts : non seulement ses trois membres jouent à eux seuls tous les rôles, mais ils conçoivent ensemble les canevas, les décors, les masques, les costumes, les marionnettes et les accessoires, tandis que Zagal écrit les musiques de scène. Ils créent ainsi des spectacles familiaux comme Pinocchio en 1991 ou Voyage au centre de la Terre en 1995. Ils aiment raconter des histoires, des parcours initiatiques et des voyages fabuleux. Au centre de leurs créations, on retrouve toujours une scénographie à transformation. Pour le spectacle Gemelos, ils utilisent un castelet à marionnettes, à la taille des acteurs, qui se révèle être une structure mobile, magique, qui se joue des rapports d’échelle et se métamorphose en une boîte à effets. Depuis ses débuts en 1987 à Santiago, le trio d’acteurs-manipulateurs de La Troppa occupe une place importante dans la vague rénovatrice du théâtre chilien, en renouvelant la tradition sans jamais la mettre à mal, il puise autant dans les grandes œuvres populaires que dans l’esthétique de la bande dessinée et de la télévision. Il crée des parcours initiatiques qui vont au plus profond de soi et au plus loin dans le monde, il remplit la scène d’objets hétéroclites, fabrique et utilise des marionnettes, des masques, tout en se nourrissant de l’esthétique du vidéo-clip ou de la musique rock. Gemelos a été l’un des spectacles majeurs de La Troppa, compagnie créée en 1987. Dix-neuf ans plus tard, en 2006, « La Troupe » de ceux qui marchent d’un pas solide à l’heure de la dictature, se sépare. Ainsi est née la compagnie Teatrocinema, réunissant un vaste groupe d’artistes issus de plusieurs disciplines et unis par l’intérêt commun de la recherche de la beauté et de la poésie, de la narration, de l’image et de la musicalité. A mi-chemin entre théâtre et cinéma, la troupe se dote d’une nouvelle ligne de conduite : (con)fondre les langages et les techniques des deux arts pour qu’ils deviennent inséparables et uniques, pour créer l’illusion de voyage dans l’espace et le temps à travers diverses histoires et récits vertigineux. Les techniques propres au cinéma vont permettre de surprendre le public et d’amener une réflexion sur le sens de la vie et du temps qui passe ; de mettre en scène les conflits intérieurs des personnages mais aussi le monde dans lequel ils évoluent. La volonté esthétique de la compagnie Teatrocinema est donc de créer une fusion entre le virtuel et le corporel et par ce biais de rendre imperceptible la frontière entre le théâtre et le cinéma. Page | 17 Pour tout renseignement complémentaire ou pour organiser les animations dans les classes, n’hésitez pas à contacter : Isabelle Peters – [email protected] – 0493/093.011 La marionnette et le castelet Le choix fait par le théâtre de marionnettes de tenter de représenter la réalité par la manipulation de personnages fabriqués le place d’emblée dans une position de décalage par rapport au réel... Dr R. Schon. La marionnette n’a de réalité que celle qu’on lui prête, contrairement au comédien qui possède et conserve en tant qu’être humain sa réalité même lorsqu’il incarne un rôle. Cette illusion de réalité produite par le jeu de marionnettes implique une adhésion totale et complice du spectateur à ces conventions esthétiques. Dans sa réalité d’objet plastique, la marionnette transfigure l’être humain, dans des dimensions et des proportions qui lui sont propres. Ainsi, l’expression du visage simplifiée et une interprétation astreinte à l’essentiel permettent une outrance du comportement physique et psychologique du personnage. A l’occasion du jeu, la marionnette donne l’illusion de la vie. La réalité est donc représentée à travers un système symbolique subissant des contraintes de lisibilité et de simplification. Ce système s’attache désormais aux caractères fondamentaux des sujets et de leurs actions, en accentuant leur intensité expressive. Renforçant et élargissant le champ d’illusion qu’il engendre, l’univers de la marionnette possède donc son propre système de symboles et de signes dans la représentation de la réalité... L’existence de constantes esthétiques propres au théâtre de marionnettes implique, par conséquent, un espace dramatique spécifique, espace où évoluent des personnages qui n’ont rien de réel, où tout est “faux”, mais d’où, malgré tout, une expression de la réalité émerge. Un castelet est donc un élément de décors de théâtre, servant de cadre à l'espace scénique. Le terme de castelet serait hérité du Moyen Âge et est composé à partir du mot castel signifiant petit château. Il s'agit à la base d'un décor occultant la présence des marionnettistes et servant de scène pour les spectacles de marionnettes. Selon le type de marionnettes utilisées, la structure peut varier. Ceci contraint, bien entendu, à une schématisation du sujet et de son action dramatique dans un monde réel restructuré. En simplifiant sa forme et son mouvement, la marionnette transpose les actions humaines à leurs lignes essentielles. Chaque mouvement, chaque sentiment doit être exprimé de façon dramatique à l’extrême, pour être visualisé et entendu. Les gestes fins, les murmures n’ont pas leur place. La marionnette interroge aussi la nature de la perception du corps parce qu’elle redessine l’espace et permet un travail sur l’échelle, un creusement de l’espace-temps. Sa force de symbolisation impose une rythmique du texte qui introduit une perception spécifique pour le spectateur et propose une projection de la pensée qui mérite d’être précisée. La distanciation toujours présente introduit un rapport particulier au réel. Dans le cas du spectacle Gemelos, Gemelos , l’l ’illusion propre à la marionnette et au lieu du castelet est recherchée, mais au travers du jeu des « acteursacteurs-marionnettes » . La manipulation manipulation propre aux marionnettes est ainsi renversée. renversée. U ne autre forme de manipulation entre en jeu, jeu, et ce notamment grâce gr âce au théâtre théâtre d’ d’objet. L ’utilisation du masque permet aussi l’l ’ expression faciale symbolique, propre aux marionnettes, marionnettes, dont nous parlions cici -dessus. dessus. Page | 18 Pour tout renseignement complémentaire ou pour organiser les animations dans les classes, n’hésitez pas à contacter : Isabelle Peters – [email protected] – 0493/093.011 Pistes pédagogiques × × × × × × × × Le Grand Cahier, d’Agota Kristof Le théâtre de marionnette L’espace théâtral du castelet Le masque et son utilisation Le théâtre d’objet L’expressionnisme Les signes et symboles au théâtre Thèmes : La perte des valeurs en temps de guerre / La survie Sources Brochure Création 2011-2012 du Manège de Mons MIX N°1 – AVRIL-JUIN 2012 Le Grand Cahier, Cahier Agota Kristof, Editions du Seuil, Février 1986. Théâtre au Chili, Chili Alternatives Théâtrales 96-97, Le Manège Mons/Centre dramatique & Matucana 100, Santiago, pp. 69>73 Le Théâtre Politique en Amérique Latine, Latine Anne-Lise Heynen, pp. 18-25. L’annuaire théâtral : revue québécoise d’études théâtrales, théâtrales Chantal Guinebault-Szlamowicz, n°37, 2005, pp.85-98. www.erudit.org http://fr.wikipedia.org Page | 19 Pour tout renseignement complémentaire ou pour organiser les animations dans les classes, n’hésitez pas à contacter : Isabelle Peters – [email protected] – 0493/093.011 La presse en parle parle Le ravissement du conte de fées qu’est Gemelos tient à la parfaite maîtrise des différents éléments mis en jeu par la compagnie : le lieu du jeu et ses accessoires, le jeu des acteurs et celui qui s’opère entre l’espace et le temps. Gestuelle, voix, musique, costumes, masques, décors, toiles peintes, objets en bois miniatures, projections, lumières, procédés d’apparition ou d’escamotage des uns et des autres, jeu des écrans délimitant le regard pour mieux le focaliser, jeu avec l’espace pour rapprocher ou éloigner du regard du spectateur les scènes, les personnages ou les objets pour en accentuer les émotions et la poésie, etc.… toutes choses qui font de Gemelos une pièce rare, forte et qui, personnellement, m’a fait penser aux cadeaux cinématographiques que sont les films d’animation de Jiri Trnka. Jacques Renard – Arte, juin 2001 Rejoint en 1995 par le scénographe Eduardo Jiménez, Zagal, Laura Pizarro et Jaime Lorca vont faire de la Troppa une compagnie de renommée mondiale. D’abord avec un Voyage au centre de la terre inspiré de Jules Verne mais aussi de Méliès pour les références visuelles. En 1999, ils créent leur plus gros succès, Gemelos, adapté du roman Le Grand Cahier d’Agota Kristof. De l’aventure des deux jumeaux orphelins recueillis par leur terrible grand-mère durant la Seconde Guerre mondiale, ils font une métaphore de la dictature de Pinochet et de tous les mécanismes de soumission. Tout en respectant les contraintes du castelet, ils les transcendent à coups de jeux de miroirs, de projections lumineuses, de changements de décor avec toiles peintes et diaporamas. Du cinéma, ils retiennent le souci du cadrage et le recours au plan séquence. Et mélangeant acteurs, marionnettes, masques et images projetées, ils jouent le l’ambiguïté entre réel et virtuel. René Solis – Libération, octobre 2010 Avec le récit noir et désenchanté d’Agota Kristof, La Troppa a fabriqué pour la scène un conte moral où l’espoir affleure fragilement au pays des ombres et des inquiétudes, entre Guignol et Adolf Hitler, comme si le pire était non pas nié mais surmonté. Ceux-là sont trois : ils sont mimes, comédiens, conteurs, bruiteurs et s’enchantent de dessiner un monde avec de gros crayons de couleur : ciel, nuages, moulins, clochetons, vaches, champs de blé. Un joli monde qui a tué à jamais l’idée même de la douceur. Ces chiliens tentent de dire l’innommable : l’enfance volée, la guerre, la Shoah, dans l’intimité d’un conte miniature. Pour cela, ils utilisent les faibles ressources, les ressorts sensibles, de la pantomime et du théâtre de marionnettes. On sort de l’aventure ému comme devant un jouet brisé, au bord des larmes, un peu bête mais régénéré. Frédéric Ferney – Le Figaro, juillet 1999 Page | 20 Pour tout renseignement complémentaire ou pour organiser les animations dans les classes, n’hésitez pas à contacter : Isabelle Peters – [email protected] – 0493/093.011