Faut-il avoir peur des progrès de la génétique

Transcription

Faut-il avoir peur des progrès de la génétique
Faut-il avoir peur des progrès de la génétique ?
Préparation à un débat
Projet de Madame MOMBRIAL, avec les 1ères S-SVT (631)
OBJECTIF :
Préparer les élèves de 1ère S-svt, après leur enseignement de génétique, à un débat sur les
problèmes éthiques posés par les avancées de la science en génétique (bien connaître le sujet, se
forger une opinion, la présenter, la défendre...).
DÉROULEMENT :
·
un sujet par groupe de cinq élèves (six groupes) dans le cadre des modules.
·
présentation du projet par le professeur de SVT et le documentaliste.
·
recherche documentaire : 3 ou 4 articles scientifiques pertinents (extraits de supports variés :
ouvrages documentaires, usuels, périodiques, cassettes vidéo, cédéroms, l’internet...) à lire,
regarder, écouter.
·
Faire des fiches de lecture, débattre du contenu des articles, échanger ses découvertes pour
aboutir à l’élaboration d’un plan détaillé sur chacun des sujets à traiter.
·
Savoir dire quels sont les articles qui ont permis de mieux évoluer dans son opinion.
(1h. de préparation : présentation du sujet, recherche et utilisation des documents).
Travail au CDI avec M. DUFFÉAL et Madame BOUILLARD :
Avant le démarrage de l’activité proprement dite, rappel ou initiation à la recherche documentaire
informatisée (logiciel BCDI).
Tout au long de l’activité : aide à la recherche, à la sélection et à l’utilisation des documents.
THÈMES :
1.
Les organismes génétiquement modifiés
2.
La thérapie génique
3.
Le clonage
4.
l’eugénisme
5.
Breveter le vivant
6.
La bioéthique
PRODUCTION DES ÉLÈVES :
·
Court dossier où devront bien apparaître les aspects scientifiques, éthiques, juridiques,
économiques et financiers. Ces dossiers auront été élaborés d’après les fiches de lecture faites
par les élèves pour chaque document utilisé. Une bibliographie devra y figurer. (Les élèves
indiqueront aussi le nombre d’heures passées à ce travail).
L’ensemble de ces dossiers pourrait faire l’objet d’un fascicule.
·
Prolongement avec la collaboration des professeurs de philosophie pour un débat :
« les problèmes éthiques posés par les avancées de la science »
Les élèves de Term. S invitent les élèves de 1ère S à un « salon-philo » au CDI.
INTERVENANTS :
·
Professeurs de SVT de 1ère S, Mme MOMBRIAL et de Term. S, Mme LANDRÉ, qui a fait
travailler ses élèves sur la thérapie génique et la bioéthique en enseignement de spécialité.
·
Les professeur de philosophie : Mlle ROSSI, qui enseigne en Term. S-svt, propose de faire venir
au lycée un professeur de philosophie de l’UER de LYON, spécialiste de la philosophie des
sciences.
Mlle ROSSI et Mlle LE TEXIER animeront les deux groupes du salon philo. M. DAVID participera, lui
aussi, au débat.
·
M. ENJARY, professeur de SES, apportera son concours pour l’aspect économique.
·
·
Les documentalistes, Mme BOUILLARD et M. DUFFÉAL.
Au moment du débat, tout autre enseignant intéressé et pouvant apporter des précisions pour tel
ou tel aspect du thème, ou/et relancer le débat si nécessaire.
(M. Jean-Pierre BERLAND, directeur de recherche à l’INRA de MONTPELLIER a été contacté pour
une intervention le 17 mars. Pas de réponse pour le moment)
PÉRIODE : De la fin janvier 2000 pour la préparation au CDI à avril pour le débat.
Faut-il avoir peur des progrès de la génétique ?
SUJETS :
1.
Les organismes génétiquement modifiés :
·
Les plantes transgéniques :
L’irruption du génie génétique en biologie végétale a considérablement étendu les possibilités
d’amélioration des végétaux :
- quelles sont les techniques de la transgénèse ?
- quels sont les arguments pour, les arguments contre ?
- quels en sont les enjeux économiques et financiers ?
- quelles peurs cela peut-il susciter ?
·
Les animaux transgéniques :
- sur quels animaux a-t-on déjà expérimenté la technique de la transgénèse ?
- quels sont les objectifs visés en créant des animaux transgéniques ?
- est-on déjà passé, pour certains, à la phase d’exploitation industrielle ?
2. Soigner par la thérapie génique :
- recherchez les techniques de cette thérapie qui suscite beaucoup d’espoirs de guérison des
maladies génétiques.
- où en est-on à l’aube du 21ème siècle ?
- quels problèmes peut poser cette nouvelle façon de soigner ?
3. Le clonage :
- depuis quand sait-on cloner le vivant ?
- quels êtres vivants sait-on cloner actuellement ?
- quelles sont les techniques actuellement utlisées pour le réaliser chez les végétaux et les
animaux ?
- quels sont les intérêts, les enjeux économiques ?
Et si l’on clonait l’homme ? :
- quelles applications pourraient -éventuellement- « justifier » ce clonage ?
- quelles sont les dérives pour lesquelles on peut avoir des inquiétudes (problèmes éthiques) ?
4.Avec les progrès de la génétique, un vieux démon renaît de ses cendres : l’eugénisme :
- après avoir défini ce qu’est l’eugénisme, vous chercherez à préciser, par quelques aspects
historiques, la naissance de cette théorie et les méthodes préconisées alors.
- pourquoi les progrès de la génétique peuvent-ils conduire à ce qu’on appelle « un nouvel
eugénisme » ?
5. Breveter le vivant :
La génétique appliquée à l’agriculture vient de marquer un nouveau point avec le brevet
« Terminator » Après avoir indiqué pourquoi, vous orienterez votre réflexion
sur le questions
suivantes :
- peut-on faire main basse sur le vivant ?
- peut-on breveter le vivant ?
6. La bioéthique :
Avec les progrès réalisés en génétique, des problèmes éthiques se sont posés concernant le bon
usage de
ces progrès, le devoir d’en favoriser les effets bénéfiques et d’en limiter les effets
pervers... ainsi est née la
notion de bioéthique.
- quels sont les objectifs du Comité National d’Ethique ?
- de quels « horizons » viennent les membres de ce comité ?
- tous les pays n’ont pas les mêmes conceptions juridiques et éthiques vis-à-vis des avancées de
la génétique et de la manipulation du vivant : quelles sont les différences ?
Faut-il avoir peur des progrès de la génétique ?
COMPTE-RENDU DU TRAVAIL RÉALISÉ
(conduit avec une classe de 1ère S-SVT, enseignement modulaire)
·
1ère heure : Présentation du projet aux élèves (partie scientifique, partie philosophique).
- Répartition des élèves par groupe de cinq,
- Tirage au sort des sujets (liste des sujets en annexe),
- Intervention du documentaliste sur le travail au CDI : présentation des outils et documents à
utiliser : logiciel documentaire, l’internet, encyclopédies (papier ou version cédérom), autres
documents ; rappel de quelques règles de base pour la prise de notes, la rédaction d’une fiche de
lecture...
·
2ème heure : Recherche de documents (rappel de l’utilisation du logiciel documentaire). La
grande quantité de documents disponibles (voir bibliographie en annexe) amène à faire une sélection
:
- par date : on choisit d’écarter les documents antérieurs à 1995 (sauf quand l’aspect historique
est important -pour l’eugénisme, par exemple),
- en fonction de la complexité du document pour un niveau de 1ère S : les élèves lisent avec
application le début des articles ; ceux pour lesquels la difficulté paraît trop grande sont mis de côté.
·
3ème heure : sélection de deux documents différents par élève (1/2 heure).
- distribution et présentation d’une fiche de lecture avec ses objectifs : un document, en
principe, contient des informations scientifiques et révèle une argumentation ; sur ce thème en
particulier, il permet de se poser des questions ; faire apparaître nettement tous ces éléments.
·
4ème heure : début de lecture. Le professeur est sollicité en permanence par les élèves qui
demandent des explications concernant certaines notions, certaines techniques...
Chaque élève emprunte les deux documents sélectionnés pour une lecture approfondie et la
rédaction des fiches de lecture pendant les vacances d’hiver (dix fiches de lecture par groupe de
travail).
·
5ème heure : Après les vacances, mise en commun, au sein de chaque groupe, des lectures de
chaque élève. On relève les complémentarités, les doublons...
Le professeur ramasse les fiches de lecture pour les évaluer.
·
6ème heure : le professeur passe dans chaque groupe et reprend les objectifs de la fiche de
lecture : il ne s’agit pas d’un simple recopiage mais du tri et de la mise en valeur des idées
essentielles. Il demande aux élèves d’élaborer, pour la fin de la séance, un plan général pour chaque
sujet en citant en référence les fiches de lecture qui auront été numérotées.
·
7ème heure : Présentation orale par chacun des groupes du travail réalisé, chaque élève
devant obligatoirement prendre la parole.
ÉVALUATION :
Quatre critères ont été retenus (chacun noté sur 5) :
- comportement au CDI,
- pertinence des fiches de lecture,
- prise de parole,
- plan général fait par le groupe de travail.
BILAN :
o Gros travail de préparation (mais passionnant) de la part du professeur et du documentaliste.
o intérêt : les élèves ont consulté beaucoup de périodiques qu’ils ne connaissaient pas toujours ;
certains ont été particulièrement utiles sur ce thème (Science & Vie Junior ou Courrier international
par exemple). Bonne vulgarisation : les élèves se rendent compte qu’ en travaillant avec méthode ils
peuvent accéder seuls à des connaissances scientifiques.
o le déroulement de cette activité a demandé beaucoup plus de temps que ce qui avait été prévu
au départ.
o gros investissement du documentaliste.
o une salle du CDI a été réservée à chaque séance.
o Améliorations à envisager pour une prochaine expérience :
- libeller différemment les textes des thèmes pour mieux orienter les
recherches.
- bien repréciser l’utilisation et l’utilité de la fiche de lecture.
En prolongement, les élèves de 1ère S, Term ES et Term. S ont assisté à une conférence (suivie de
questions) de Monsieur Jean Mathiot, maître de conférences (philosophie) à l’Université d’AixMarseille, intitulée : « bioéthique : faut-il avoir peur des avancées des sciences ? ».
En annexe :
- Modèle de fiche de lecture,
- Bibliographie,
- Compte-rendu de la conférence
Ce travail a été conçu et conduit par Madame MOMBRIAL, professeur de SVT (1ère S-SVT) au Lycée
La Prat’s de CLUNY.
Madame LANDRÉ, professeur de SVT, a fait travailler ses élèves de Term.S sur la thérapie génique
et la bioéthique en enseignement de spécialité.
Les aspects philosophiques ont été étudiés par les professeurs de philosophie : Madame ROSSI avec
les élèves de Term. S- SVT et Mademoiselle LE TEXIER en Term. ES.
Documentalistes : Madame BOUILLARD, Monsieur DUFFÉAL.
Contact : [email protected]
Faut-il avoir peur des progrès de la génétique ?
Bibliographie
Note : cette bibliographie est simplifiée. D’une part, tous les documents possédés par le CDI sur le
thème ne sont pas mentionnés (il y en a beaucoup ! nous n’indiquons pas, par exemple, les multiples
articles du journal « Le Monde ») ; d’autre part, nous ne précisons pas les articles sur lesquels les
élèves ont travaillé, mais nous indiquons seulement les références des documents dans lesquels
figurent ces articles. Cela uniquement pour faire plus court. Pour les périodiques, vous pourrez
facilement en retrouver le contenu détaillé en consultant le logiciel documentaire de votre CDI (si le
CDI est abonné aux périodiques cités ; sinon, contactez-nous).
•
Ouvrages documentaires, romans (nous ne mentionnons pas les usuels -dictionnaires ou
encyclopédies- que tous les CDI possèdent) :
o BENOIT-BROWAEYS, Dorothée. La bioéthique. Paris : Milan, coll. Les Essentiels, 1995.
64 p.
o BERNARD, Jean. La bioéthique. Paris : Flammarion, coll. Dominos, 1994. 128p.
o BOUSQUET, Catherine. La génétique. Paris : Presses Pocket, coll. Explora, 1992. 128 p.
o
o
o
o
•
HUXLEY, Aldous. Le meilleur des mondes. Paris : Presses Pocket, 1977. 284 p.
LAMBRICHS, Louise L. À ton image. Paris : L’Olivier, 1998, 384 p.
PICHOT, André. L’eugénisme ou les généticiens saisis par la philanthropie. Paris : Hatier, coll.
Optiques Philosophie, 1995. 80 p.
VIAN, Boris. Et on tuera tous les affreux. Paris : LGF, Le Livre de Poche. 1999
Pérodiques :
o Courrier international, 18.12.1997, n°372
o Courrier international, 05.02.1998, n°379
o Courrier international, 26.02.1998, n°382
o Courrier international, 23.04.1998, n°390
o Courrier international, 28.05.1998, n°395
o Courrier international, 12.11.1998, n°419 (très riche)
o Courrier de l’Unesco, septembre 1999
(«
»)
o Eurêka, nov. 1996, n°12
o Eurêka, avr. 1997, n°18
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
•
Eurêka, mai 1997, n°19
Eurêka, déc. 1997, n°26
Eurêka, nov. 1998, n°37
Eurêka, janv; 1999, n°39
Eurêka, août 1999, n°46
Eurêka, déc. 1999, n°50 suppl.
Eurêka, mars 2000, n°53
Eurêka, avril 2000, n°54
L’Histoire, fév. 1988, n°108
L’Histoire, juin 1994, n°178
L’Histoire, janv. 1998, n°217
Monde, dossiers et documents, nov. 1999, n°281a
Phosphore, mars 1998, n°202
La Recherche, janv. 2000, n°327
Revue du Palais de la Découverte, fév. 1998, n°255
Revue du Palais de la Découverte, mai 1999, n°268
Science & Vie, oct. 1995, n°937
Science & Vie, avr. 1997, n°955
Science & Vie, mai 1997, n°956
Science & Vie, juin 1999, n°981
Science & Vie, oct. 1999, n°985
Science & Vie, mars 2000, n°990
Science & Vie Junior, avr. 1997, n°91
Science & Vie Junior, oct. 1997, n°97
Science & Vie Junior, janv. 1999, HS 35
Science & Vie Junior, déc. 1999, n°123
Science & Vie Junior, janv. 2000, n°125
Sciences et Avenir, sept. 1996, n°595
Sciences et Avenir, mars 1998, HS 66
Sciences et Avenir, nov. 1998, HS 116
Sciences et Avenir, fév. 2000, n°636
Sciences Humaines, mai 1999, n°94
L’Usine Nouvelle, nov 1999, HS ·
Cédérom Encyclopédie Encarta 99
Sites Web : (très nombreux et souvent très intéressants ; nous n’indiquons que ceux dans lesquels
les élèves ont relevé des articles pour en faire des fiches de lecture).
•
http://www.ccne-ethique.org
o http://cybersciences.com
•
http://encreuse.com
o http://www.infoscience.fr
o
http://liberation.com
o
http://www.monde-diplomatique.fr
Note. Le thème des OGM est très intéressant pour faire prendre conscience aux
élèves de la disparité des contenus de divers sites : ils se rendent aisément compte
que les OGM n’ont pas les mêmes vertus selon que l’on consulte le site de Monsanto
(www.monsanto.fr) (ou le site ogm.org) ou celui de greenpeace (www.greenpeace.fr)
ou de vegebionet (www.vegebionet.com) !
Faut-il avoir peur des progrès de la génétique ?
FICHE DE LECTURE
Problème posé :
Références du document :
(en remettant la fiche, on explique bien aux élèves l’importance de cette rubrique et comment ils
doivent la remplir : toujours indiquer le support, et selon ce support : auteur(s), titre, éditeur, date,
collection, n°, adresse, etc.)
Document consulté le :
Informations apportées (en faire une liste) :
Le document a-t-il répondu à tout ou partie du problème posé ?
Appréciation personnelle (niveau de difficulté, richesse/pauvreté du contenu...) :
Faut-il avoir peur des progrès de la génétique ?
Conférence de Monsieur Jean MATHIOT,
philosophe, maître de conférences à l’Université d’Aix-Marseille,
Lycée de Cluny, le 28 avril 2000
Bioéthique : faut-il avoir peur des avancées de la science ?
(Compte-rendu de Mlle ROSSI)
Si l’on pose les problèmes éthiques (ex : est-ce bien ou mal de manipuler les êtres vivants?) après
que la science biologique ait acquis la possibilité de le faire, on rate l’essentiel (on vient trop tard et on
ne comprend plus les enjeux). La question philosophique doit se faire en amont : qu’est-ce-que la
génétique comme science ?
1/ La génétique est une nouvelle forme d’objectivité scientifique ; elle nous conduit à penser le vivant
comme un être naturel. Le vivant est modifiable, c’est-à-dire qu’il n’est plus le seul résultat de la
Nature (écosystème). Cette constatation pose la question du déterminisme (1) du vivant. L’ensemble
génétique qui constitue un vivant permet-il de savoir de façon nécessaire et certaine comment il va se
développer ? La génétique permet-elle vraiment de dire ce que la reproduction donnera comme
individu ? Depuis que Mendel, en 1865, a découvert les lois de la transmission génétique, on a pu
croire qu’on avait ainsi une « formule » de la perpétuation de l’identité du vivant. (on explique par ces
« lois » pourquoi tel individu a les yeux bleus -par exemple.). L’expression (le développement) d’un
gène et le code génétique (découverte de Crick et Watson) donnent-ils la forme première de la vie et
des vivants ? Il semble que certains comportements sont le fruit de gènes (ex : le comportement
maternel est déterminé par un seul gène) ; cependant, de ce constat, on ne peut pas conclure que
tous les comportements sont déterminés exclusivement par les gènes. Le seul fait que dans un gène
soit concentré potentiellement une fonction implique bien qu’il faut d’autres conditions pour que celleci soit réalisée. Il faut un milieu particulier. Cela n’a donc pas de sens d’opposer l’inné et l’acquis. La
philosophie remet en question les déterminations génétiques : les gènes ne sont pas les premiers
fondements des fonctions. C’est l’évolution qui est première. Parler de déterminisme génétique, c’est
faire une coupe dans le temps ; or, le temps ne s’arrête pas (ni ne commence) à cette coupe. Isoler un
gène, ce n’est donc pas isoler un des premiers fondements du vivant. Le gène est un facteur de
développement, sous-produit de l’évolution.
2/ La biotechnologie est une forme d’expérimentalité. La biologie n’est pas une science théorique ;
c’est par l’expérience (rencontre) et l’expérimentation (que l’on produit volontairement) que le vivant
montre certaines caractéristiques. Aucun concept purement abstrait, comme par exemple un
« nombre » mathématique ou une « force » physique ne peut être tiré de l’enseignement de la
biologie. Le vivant est dynamique et mutant, c’est ce qui le rend irréductible à un savoir théorique, par
définition figé. La connaissance génétique prétend pourtant à l’ indépendance de son savoir vis-à-vis
des vivants concrets. Le gène se donne comme une entité valable pour tous les vivants, c’est une
protéine. Mettre en question cet objet en en faisant un moyen de connaissance, c’est prendre le vivant
lui-même pour un objet. On affecte ainsi la nature, l’essence du vivant. La connaissance génétique fait
du vivant dynamique un objet statique. Cette prétention à la connaissance figée est ruinée par la
biotechnologie. Entreprendre des transformations génétiques sur le vivant, c’est, en effet,
expérimenter. On voit que la nature concrète du vivant normalise (de l’intérieur) toute expérience que
nous pouvons tenter sur lui. Quelle est cette nature ? Que cherche-t-on dans l’expérience biogénétique ? La part d’inconnu est nécessaire dans l’expérience. Expérimenter, c’est accepter quelque
chose que l’on n’a pas encore maîtrisé. En matière de génétique, l’expérience scientifique n’est pas
technologie, elle est purementtechnique. La technologie, c’est la transformation du savoir-faire en
savoir (maîtrise symbolique de tous les aspects). Il ne faut pas assimiler biotechnologie et science.
Les OGM, par exemple, peuvent avoir des réactions imprévisibles. On insère un gène dans un
individu. On utilise comme moyen le vivant même, on insère un inconnu... D’ailleurs, ce n’est pas
l’aspect de machine (solide sans déformation) que l’on utilise dans le cas du vivant, mais sa
malléabilité. Il se déforme et peut être hybride.
3/ Le rapport du pouvoir (d’action sur le vivant) au savoir. La biotechnologie nous apparaît comme
une puissance. Or, contrairement à la technologie physique, la technologie biologique n’est jamais un
pur savoir (Claude Bernard : « l’homme peut plus qu’il ne sait » Introduction à la médecine
expérimentale, 1865. Aujourd’hui, la possibilité d’un recouvrement du pouvoir par le savoir a disparu.
Au fur et à mesure qu’avance notre recherche, que le champ de l’application devient plus grand, la
part d’inconnu grandit. Quel statut (juridique) ont les biotechnologies avec la part de risques inconnue- qu’elle comportent) ? Les innovations biotechnologiques (clones, greffes, OHM) sont dites
aux Etats-Unis « propriétés intellectuelles ». On ne peut pas dissocier ces deux aspects (expérimental
-pouvoir- et théorique -savoir-) de l’opération bioéthique. Le processus est global, on ne peut pas
breveter une partie du vivant. Le décalage entre pouvoir et savoir implique souvent une (mauvaise)
réaction : celle du principe de précaution au nom duquel on bloque toute expérimentation technique
tant qu’on n’a pas l’assurance du savoir. On interdit quelque chose dont on ne sait pas ce qu’elle sera.
4/ Risque-t-on un eugénisme (2) génétique ? Pourra-t-on choisir son bébé grâce aux biotechnologies ?
Il semble que l’eugénisme ne nous menace pas sur une base génétique. C’est un projet constamment
politique. Deux raisons :
•
•
1. La multiplicité des gènes rend impossible la localisation d’un gène, et impossible la réalisation d’une
race idéale. Il y a trop d’aspects pour pouvoir en faire une liste...
2. C’est toujours sur des malades qu’intervient la biotechnologie en matière d’eugénisme ; mais les
malades sont en nombre très faible par rapport aux porteurs sains de gènes potentiellement
pathogènes. Le risque principal qu’on encourt dans les manipulations génétiques, c’est l’abolition de la
grande diversité génétique. A vouloir « limiter » » les risques de maladies génétiques, on appauvrit le
patrimoine naturel et donc aussi les potentialités des vivants.
•
•
(1)
(2)
définition du déterminisme : les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets.
volonté de création d’une race