Questions PMA à Nairobi – 4 janvier 2016 Un paquet au pied du sapin

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Questions PMA à Nairobi – 4 janvier 2016 Un paquet au pied du sapin
Note d’information n° 16
Questions PMA à Nairobi – 4 janvier 2016
Un paquet au pied du sapin
Introduction
A l’issue d’une journée supplémentaire d’intenses négociations, Nairobi a finalement
accouché d’un résultat. Les membres sont maintenant rentrés à la maison avec le sentiment
du devoir accompli. Il y a bel et bien un paquet sous le sapin, même si sa taille et son
contenu doivent encore être évalués avec le recul nécessaire.1 La période des fêtes de fin
d’année est aussi l’occasion sinon d’appliquer au moins de prendre de bonnes résolutions.
L'avenir de l'OMC était entre les mains des Ministres à Nairobi, et le moins qu'on puisse dire
est que cet avenir reste incertain. Des vœux ont été formulés mais des divergences
profondes persistent et ont été inscrites comme telles dans les textes. Déballons le paquet,
regardons ce qu’il contient et voyons quel usage nous pouvons en faire dans un futur
proche. Nous pourrions avoir besoin d'éléments supplémentaires plus tard pour permettre à
toutes les pièces de s’emboiter...
Une moisson "historique" dans l'agriculture
Les accords dans l'agriculture ont été loués par le Directeur général de l'OMC comme le
«résultat le plus significatif sur l'agriculture" dans l'histoire de l'institution. La vieille question
des subventions aux exportations agricoles (WT/MIN(15)/W47) a finalement trouvé une issue
positive avec l'élimination totale et définitive de ce type de soutien ayant un haut niveau de
distorsion sur les échanges. La période de mise en œuvre diffère selon le niveau de
développement des pays membres et en fonction de quelques produits spécifiques. La
décision comprend également quelques mesures relevant de la clause de l’effort maximum
(best endeavour) sur les crédits à l'exportation, le financement des exportations et les
entreprises commerciales d'État.
1
Pour le paquet global, voir https://www.wto.org/french/thewto_f/minist_f/mc10_f/nairobipackage_f.htm
Concernant la constitution de stocks publics à des fins de sécurité alimentaire – d’importance
capitale pour l'Inde en particulier – la décision de Bali a été rappelée et une solution doit être
trouvée d’ici à la prochaine Conférence ministérielle en 2017 (WT/MIN(15)/W46).
Pour ce qui est du mécanisme de sauvegarde spéciale (MSS), les pays en développement
sont autorisés à augmenter les tarifs (pour une période définie) en cas de poussées
d'importations (WT/MIN(15)/W45).
Les PMA ont reçu un paquet
Les Pays les Moins Avancés (PMA) ont obtenu une série de décisions qui couvrent une
partie mais pas la totalité des questions qui leur sont spécifiques. Il n’y a pas eu de décision
concernant l’accès en FDSC (sauf pour le coton), mais cela est surtout dû à une divergence
fondamentale et non résolue entre les PMA eux-mêmes qui demeurent divisés entre ceux
qui bénéficient de l’AGOA et ceux qui ne sont pas éligibles au programme américain de
préférences. Toutefois, les membres sont parvenus à un accord sur questions PMA
spécifiques suivantes : règles d'origine préférentielles, dérogation pour les services et coton.
Règles d'origine préférentielles
La décision (WT/MIN(15)/W/38) aborde tous les éléments couverts par la Décision
ministérielle de Bali. Bien que la décision affine les lignes directrices énoncées par la
Décision ministérielle de Bali, elle ne les transforme pas en critères obligatoires. L'utilisation
fréquente du mot « doit » dans le texte de la décision est souvent contrebalancé par les
termes « considérer », « comme un principe général », « le cas échéant », « dans la mesure
du possible », et ainsi de suite. Néanmoins, la décision est un pas dans la bonne direction
car elle décrit clairement la façon dont les membres de l'OMC devraient concevoir leurs
arrangements relatifs aux règles d'origine préférentielles dans le futur.
En ce qui concerne les exigences relatives à l'évaluation de la transformation suffisante ou
substantielle, la décision reprend les éléments proposés par le Groupe des PMA en ce qui
concerne le critère du pourcentage ad valorem, le critère de changement de classification
tarifaire et le critère de l'opération de fabrication/transformation. En ce qui concerne le critère
du pourcentage ad valorem en particulier, la décision expose que les membres accordant
des préférences doivent adopter une méthode de calcul fondée sur la valeur des produits
non-originaires et envisager de permettre l'utilisation de produits non originaires jusqu'à
hauteur de 75% de la valeur du produit final. Ce résultat est toutefois à modérer du fait que
2
les pays octroyant des préférences qui utilisent une autre méthode de calcul peuvent
continuer à l’appliquer, et dans ce cas, utiliser un seuil équivalent.
En ce qui concerne le cumul, la liste des possibilités est assez vaste, mais le texte se limite à
encourager les membres à faire usage de ces possibilités. En outre, la décision appelle les
membres à réduire le fardeau administratif découlant des exigences relatives aux documents
et aux procédures.
Les membres accordant des préférences doivent informer le Comité des règles d'origine
avant le 31 Décembre 2016 des mesures prises pour mettre en œuvre la décision, et notifier
leurs règles d'origine préférentielles conformément au mécanisme de transparence pour les
Arrangements commerciaux préférentiels (ACPr). Le Comité est chargé d'élaborer un
modèle pour de telles notifications en vue d'améliorer la transparence et promouvoir une
meilleure compréhension des règles d'origine applicables aux produits importés en
provenance des PMA. En outre, le Comité doit examiner chaque année la mise en œuvre de
la décision conformément aux dispositions de transparence énoncées par la Décision
ministérielle de Bali.
Dérogation PMA pour les services
On peut retenir de cette Décision ministérielle (WT/MIN(15)/W/39) les trois éléments
suivants : (i) l'extension de la durée de la dérogation PMA pour les services, (ii) le rôle futur
du Conseil du Commerce des Services (CCS) en ce qui concerne l'opérationnalisation de la
dérogation, et (iii) la règlementation intérieure, en particulier ce qui touche aux procédures
administratives et aux frais.
Premièrement, la décision étend la durée de la dérogation PMA pour les services jusqu'au
30 Décembre 2030 et invite les membres de l'OMC ayant déjà présenté leurs notifications à
en étendre la durée en conséquence, c’est-à-dire jusqu'au 30 Décembre 2030. Il est à
prévoir que les Membres de l'OMC concernés le feront. Dans ce contexte, il est à noter que
la Décision ministérielle presse les pays membres de l'OMC (y compris les pays en
développement membres en mesure de le faire) qui n’ont pas encore soumis leurs
notifications de redoubler d’efforts à cet égard.
Deuxièmement, la décision engage le CCS à entreprendre un certain nombre de tâches.
Plus important encore, le CCS doit maintenir de façon permanente un point à l’ordre du jour
pour examiner et promouvoir l'opérationnalisation de la dérogation, et doit initier un
processus visant à examiner le fonctionnement des préférences notifiées. En outre, le CCS
est appelé à examiner rapidement l'approbation de préférences notifiées relatives à des
mesures autres que celles couvertes par l'article XVI de l’AGCS, c’est-à-dire les mesures
relatives à la réglementation intérieure.
3
Troisièmement, la décision ne correspond pas aux attentes en ce qui concerne la
règlementation intérieure, notamment pour les procédures administratives et les frais. Dans
la perspective de la Conférence ministérielle de Nairobi, les PMA avaient demandé aux
Membres de l'OMC à faire preuve de flexibilité à cet égard, en particulier pour ce qui touchait
aux procédures administratives et aux frais de visas, permis de séjour et de travail et
licences pour fournisseurs PMA de services, y compris les professionnels indépendants.
Toutefois, cette demande n'a pas été retenue. Au lieu de cela, la décision réclame que les
membres de l'OMC accordent « une priorité particulière à l'élimination des obstacles
réglementaires d'intérêt pour les PMA » dans les négociations conformément à l'article VI:4,
donc en dehors du contexte de la dérogation PMA pour les services.
Coton
En ce qui concerne le coton (WT/MIN(15)/W/48), l’on peut regretter l'absence de tout progrès
dans le domaine du soutien interne qui reste le fardeau le plus lourd sur les prix mondiaux du
coton. Sur ce point précis, la décision est particulièrement vague et peut être considérée
comme décevante. Seules des mesures relevant de la clause de l’effort maximal sont
proposées dans le domaine du soutien interne sans aucune date butoir ni étape
intermédiaire proposées. Le texte ne traite ni des changements observés sur le marché
mondial du coton depuis dix ans, ni de la question des stocks. Malgré un résultat positif
constitué d'une décision contraignante sur l'accès au marché, de l'abolition immédiate de
toutes les subventions à l'exportation et de la réaffirmation de l’importance de l’aide au
développement pour le coton, la décision reste déséquilibrée.
En ce qui concerne l'accès au marché, les PMA se voient accorder un accès en FDSC pour
le coton et les produits liés au coton (liste annexée à la Décision) originaires des PMA.
L’accès est accordé par les pays développés et les pays en développement « qui se
déclarent en mesure de le faire », tandis que les autres pays en développement doivent
s’engager à améliorer leur accès au marché pour le coton en provenance des PMA. Pour ce
qui est des pays développés, les Etats-Unis sont le principal pays concerné, les autres ayant
déjà accordé un accès complet en FDSC pour le coton. Cependant, les Etats-Unis sont
également un exportateur net de coton. En ce qui concerne les pays en développement, la
question reste ouverte de savoir lesquels vont se déclarer « en mesure de le faire ». L’accès
aux marchés émergents – notamment la Chine2 – représente un défi majeur pour les PMA
car ces marchés sont ceux dont ils peuvent espérer retirer le plus de bénéfices d’une telle
décision.
2
Une note de bas de page dans le texte de la decision mentionne : “China declares itself in a position to do so
to the extent provided for in its preferential trade arrangements and political commitments”, une formulation
que demeure très vague concernant l’amélioration potentielle de la situation actuelle.
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L'avenir de Doha: un paquet vide?
Les membres se sont mis d’accord pour dire qu’ils n’étaient pas d’accord et cette
reconnaissance de profondes divergences va dominer toutes les discussions à venir. La
Partie III de la Déclaration ministérielle (WT/MIN(15)/W/33/Rev.3) apparaît comme une
œuvre inachevée. Bien qu'elle réaffirme la « prééminence de l'OMC en tant que forum
mondial pour l'établissement de règles commerciales et la gouvernance », ainsi que
l'engagement des membres d'avancer sur les questions de Doha et de garder la dimension
du développement au centre des négociations, la Déclaration confirme l’existence de
positions inconciliables sur l'avenir des négociations. Alors que certains membres préfèrent
s’en tenir strictement au mandat et au cadre de Doha, d'autres souhaitent aborder de
nouvelles questions et envisager de nouvelles approches. A ce stade, on peut seulement se
poser des questions :
-
Les Ministres ont renvoyé leur négociateurs à Genève avec un mandat peu clair sur
la manière de se mettre d’accord sur la voie à suivre, mandat sur lequel ils n’ont pu
eux-mêmes se mettre d’accord. Comment les négociateurs vont-ils procéder ?
-
Nairobi incarnera-t-elle la fin d’un cycle de facto, cycle dans lequel les membres ont
réussi à atteindre un accord et à éviter à la fois l'échec et le « blame game » ?
Nairobi va-t-elle permettre de relancer les discussions ?
-
La Déclaration ne dit pas un mot sur la façon de procéder pour concilier les positions
divergentes sur ce que les négociations devraient couvrir ni sur quelle
structure/architecture pourrait être utilisée pour mener à bien ces négociations.
Comment les membres vont-ils travailler à partir de janvier 2016 ? Dans une
organisation où le consensus est nécessaire pour toute décision, y compris pour
définir la voie à suivre, comment les membres peuvent-ils faire face à ces
déclarations contradictoires ?
-
Aucune nouvelle date limite ou étape intermédiaire n’ont été définies jusqu’à la
prochaine Conférence ministérielle. Bien que nous sachions comment les membres
de l'OMC traitent les dates butoir, cette absence risque-t-elle d'encourager les
membres à explorer d’autres enceintes et à se concentrer sur d'autres types
d’accords, plutôt que de chercher à résoudre les problèmes rencontrés par/à l’OMC ?
Conclusion
Winston Churchill disait qu’ « un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un
optimiste voit l'opportunité dans chaque difficulté ». En se concentrant sur les questions
5
urgentes, les membres ont peut-être manqué l’opportunité de véritablement discuter la voie à
suivre. Un « temps mort » dédié à une réflexion en profondeur sur où nous sommes et où
nous voulons aller est peut-être une étape nécessaire pour nous assurer que nous ne
pratiquerons pas la politique de l’autruche. En positivant, nous pouvons dire que cette
Conférence ministérielle a apporté son lots d’opportunités dans les nombreuses difficultés
auxquelles les membres ont dû faire face et que 2016 générera certainement de nouveaux
défis à relever ! À ce moment de l'année où les gens formulent leurs vœux pour 2016, nous
choisissons de regarder le verre à moitié plein et espérons que les souhaits ne se limiteront
pas à des vœux pieux et permettront la restauration de la fonction de négociation de notre
honorable organisation…
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