Proposition de position du GT prisons – Pour une politique
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Proposition de position du GT prisons – Pour une politique
REMARQUE: Seule la partie III "Quelles solutions pour notre système carcéral" à partir de la page 11 est soumise à amendements. Les parties I et II sont proposées à titre d'information. Proposition de position du GT prisons – Pour une politique pénitentiaire plus juste et efficace ! PARTIE I : CONSTATS À un moment où la surpopulation carcérale est sans cesse pointée du doigt, il nous semble essentiel de poser la question de la place de la prison comme réponse à la criminalité. Si la privation de liberté apparaît en effet souvent aux yeux de l'opinion publique comme la peine la plus appropriée, qu'en est-il réellement ? La poursuite aveugle de la politique carcérale actuellement menée, à savoir miser sur l'élargissement du parc immobilier pénitentiaire, sans réelle remise en question de notre système d'attribution d'abord, d'application des peines ensuite, ne sera-t-elle pas humainement et financièrement difficilement justifiable pour les générations futures ? Face notamment au taux de récidive particulièrement important (pour plus d'informations à ce sujet, voir plus loin), ne devonsnous pas purement et simplement poser le constat d'échec de la prison ? Dans son article « Réinsertion : une mission secondaire »[1], Salim Megherbi, sociologue et chercheur au Centre de recherche et d'interventions sociologiques (Cris), rappelle en effet que pour le législateur, la réinsertion sociale des détenus constitue une des missions des centres pénitentiaires. Or si cette mission n'est pas remplie, à quelles fins prive-t-on les prisonniers, qu'ils soient prévenus ou condamnés, de liberté ? Si la prison a pour principal but de protéger la société, alors elle remplit pleinement son rôle, à supposer seulement que tous les détenus représentent une réelle menace pour la société. Qu'en est-il des missions de punition et de réparation de la prison ? Peuvent-elles, dans les conditions actuelles de détention, être poursuivies de manière optimale ? Avant de proposer des pistes de solution, il nous semble important d'analyser plus en détails certains des constats susmentionnés, à savoir la détention préventive et ses conséquences sur la surpopulation, ainsi que la récidive. Nous aborderons ensuite la question des conditions de détentions et leur impact sur la santé des détenus, avant de poursuivre notre analyse avec le lien entre les inégalités et la criminalité violente. Nous consacrerons enfin le dernier paragraphe à la situation singulière des détenues. La surpopulation Au moment de publier leur notice 2013, l'Observatoire International des Prisons faisait état d'un surnombre de 2.000 détenus[2] au sein des prisons belges et il est peu vraisemblable que la situation ait depuis évolué dans le bon sens. Cette surpopulation s'explique par trois facteurs principaux : l'augmentation constante de la détention préventive (voir plus loin), la multiplication et l'allongement des peines, ainsi que les trop rares libérations conditionnelles. En 2011, la Cour des Comptes a réalisé un audit de la situation dans le but d'y apporter une solution. Jusqu'à présent, seule la piste de la libération provisoire automatique des condamnés à des peines de moins de trois ans a été explorée, mais on est en droit de se demander si pareille mesure ne pourrait pas constituer une incitation à réclamer des peines plus lourdes de manière quasi systématique. 1 2 Article publié dans le numéro 77 de la revue Politique : Les prisons au bout du rouleau : pp. 34-35. Observatoire international des prisons – Notice 2013 : p. 26. Proposition de position du GT prisons – Pour une politique pénitentiaire plus juste et efficace ! 1/14 REMARQUE: Seule la partie III "Quelles solutions pour notre système carcéral" à partir de la page 11 est soumise à amendements. Les parties I et II sont proposées à titre d'information. La détention préventive Selon l'Observatoire international des prisons[ 3], la détention préventive est en constante augmentation et serait responsable de 35 à 40% de la population carcérale. Il est également intéressant de noter qu'en 2005, la durée moyenne de la détention préventive avait doublé par rapport à 1980. Selon la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, une série de conditions doivent pourtant être remplies avant qu'un mandat d'arrêt ne puisse être délivré : risque de fuite, de collusion avec des tiers, de disparition des preuves et de récidive. Dans la pratique, il s'avère que la loi est interprétée de manière très large et que par conséquent, un nombre important d'inculpés se retrouvent derrière les barreaux avant même d'avoir eu droit à un procès. Face à la lenteur de la justice, ces inculpés purgent alors une peine pour laquelle ils n'ont pas encore été condamnés. On est en droit de se demander si cette manière de faire ne remet pas en cause le principe de présomption de l'innocence si cher à l'Europe. Cet état de fait est encore plus interpellant lorsqu'on sait qu'une personne qui se présente à son procès déjà incarcérée aura davantage de chances d'être déclarée coupable, le juge étant inconsciemment influencé par la situation actuelle du détenu. La récidive Les chiffres sur la récidive étant relativement méconnus, nous baserons nos constatations sur le rapport d'étude « Wederopsluiting na vrijlating uit de gevangenis »[4] (En français : « Réincarcération après libération »[5] : 26 janvier 2012) rédigé par l’Institut National de Criminalistique et de Criminologie (INCC). Il est toutefois important de souligner que ce rapport ne fait pas état de la récidive à proprement parler, puisqu'il englobe toutes les personnes qui ont été incarcérées une nouvelle fois après (une première) libération et comprend donc les individus qui, par exemple, ont été préventivement incarcérés, puis acquittés par la suite. Afin de réaliser cette étude, les chercheurs ont suivi, jusqu'à mi-2011, les détenus libérés entre le 1er janvier 2003 et le 31 décembre 2005, à savoir 14.754 condamnés, ce qui signifie que ne sont pas prises en compte les potentielles réincarcérations de ces anciens détenus après 2011. Si, pour les raisons avancées ci-dessus, il nous est donc impossible de parler de récidive, les chiffres qui ressortent de cette enquête sur la réincarcération sont tout de même interpellants. Il apparaît en effet que 44,1% des condamnés libérés entre 2003 et 2005 sont retournés en prison. Dans l'écrasante majorité des cas, la réincarcération a eu lieu pendant l'année qui a suivi la libération. Il nous faut également souligner que parmi ceux qui ont été réincarcérés, la moitié l'a à nouveau été au moins deux fois. Ces données mettent inévitablement en lumière les lacunes du système actuel et reposent la question du suivi des détenus après leur libération, ainsi que celle des conditions de libération (lorsque celles-ci sont d'application). Observatoire international des prisons – Notice 2013 : pp. 26-27. La version française du rapport n'étant pas encore disponible, nous avons ici basé notre analyse sur le rapport en néerlandais publié le 26 janvier 2012 : http://nicc.fgov.be/upload/files/ODcriminologie/NICC%20%20Rapport_wederopsluiting_26_01_2012.pdf (consulté le 20/04/2014). 5 Traduction personnelle. 3 4 Proposition de position du GT prisons – Pour une politique pénitentiaire plus juste et efficace ! 2/14 REMARQUE: Seule la partie III "Quelles solutions pour notre système carcéral" à partir de la page 11 est soumise à amendements. Les parties I et II sont proposées à titre d'information. Durant leur enquête, les chercheurs ont également pu constater que certains facteurs jouaient un rôle plus ou moins grand dans la probabilité de récidive. Nous nous limiterons ici à en citer trois : l'âge du détenu lors de sa première libération, son régime de détention et la durée de la première peine. Ainsi, les jeunes qui ont entre 16 et 20 ans ont 4,248 plus de chances que les plus de 60 ans d'être réincarcérés et les détenus qui ont pu bénéficier d'une détention limitée ou d'une surveillance électronique ont moins de chance de se retrouver à nouveau derrière les barreaux (dans le cas de la surveillance électronique, les chances sont même divisées par deux). Enfin, les condamnés ayant purgé une peine légère (inférieure à trois ans) ont davantage de chances de récidiver que ceux qui ont passé plus de dix ans en prison. Santé en prison & Maladies mentales La prise en charge des maladies mentales et, de manière plus générale, la santé des personnes incarcérées sont clairement les « parents pauvres » de la politique carcérale. Sur la dernière décennie, la population des internés a augmenté de plus de 85%[ 6] ! La population d’internés en Belgique, sans prendre en compte les internés placés dans les établissements de défense sociale de Mons et Tournai, représente 10% de la population carcérale totale, soit 1089 personnes (en 2010). Actuellement, les internés sont placés dans les annexes psychiatriques des prisons, en attente du transfert vers un établissement de défense sociale. Ces annexes psychiatriques sont les lieux les plus surpeuplés des prisons belges à tel point que dans certaines prisons, il a fallu créer des « annexes bis » au sein du cellulaire « normal » ou renvoyer les détenus vers le cellulaire « normal ». Cette situation dénoncée par les médecins est en totale violation de la loin de 2002 relative aux droits du patient. Souvent, les urgences psychiatriques se traitent par la mise au cachot, ce qui ne permet aucun traitement. De plus, le personnel soignant et surveillant manque de formation et est trop peu nombreux. Par exemple, il n’y a parfois aucun personnel soignant la nuit et les week-ends, les listes d’attente des consultations peuvent s’élever à 150 et il n’y a pas ou peu de locaux adaptés aux activités thérapeutiques. La juridiction chargée de rendre un avis sur l’internement des inculpés/prévenus, est la Commission de Défense Sociale (CDS) qui décide de renvoyer ou pas l’interné vers un Établissement de Défense Sociale (EDS). Entre le moment où le CDS décide du placement d’un interné en EDS et son transfert effectif, il s’écoule généralement une période de 3 ans, parfois même 4. Ceci est la conséquence de la surpopulation des EDS. Pendant ce temps, l’interné est placé en annexe psychiatrique, elle-même surpeuplée et n’offrant pas de soins. La Cour européenne des droits de l’Homme a d’ailleurs considéré cet état de fait comme constitutive de traitements inhumains et dégradants[ 7]. De plus, selon les Recommandations du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur les règles pénitentiaires européennes : « les aliénés ne doivent pas être détenus dans les prisons et des dispositions doivent être prises pour les transférer aussitôt que possible dans des établissements appropriés pour malades mentaux ».[8] En ce qui concerne la santé des détenus, le Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe en visite dans les prisons belges en 2008 constatait que le personnel était en nombre 6 Observatoire international des prisons – Notice 2013 : p. 161. Observatoire international des prisons – Notice 2013 : p. 163. 8 Observatoire international des prisons – Notice 2013 : p. 163. 7 Proposition de position du GT prisons – Pour une politique pénitentiaire plus juste et efficace ! 3/14 REMARQUE: Seule la partie III "Quelles solutions pour notre système carcéral" à partir de la page 11 est soumise à amendements. Les parties I et II sont proposées à titre d'information. insuffisant, les délais d’attentes pour rencontrer le médecin ou l’infirmier trop long et les temps de consultation trop courts. En dépit du dévouement et de l’engagement du personnel, les prestations en matière de soins de santé sont insuffisantes, se limitant généralement à de la pharmacothérapie, à des interventions d’urgences et ponctuelle sans qu’aucun suivi régulier ne soit ni possible ni envisagé. Il en est de même pour la santé psychologique des internés. La méthodologie pour l’expertise psychiatrique est défaillante. Il y a trop peu de psychologues, ils sont mal payés, ce qui n’incite pas au bon travail, et doivent prendre leur décision sur une seule visite de parfois 10 minutes à peine. De plus, leur diagnostic n’est pas soumis à la contradiction, ce qui a été dénoncé par la Cour Constitutionnelle. Les EDS, qui sont sous la houlette soit du Ministère de la Justice, soit sous celui de la Santé, sont censés être des établissements aptes à recevoir des internés et à répondre à des exigences sécuritaires et de santé. Ceux-ci souffrent des mêmes carences que les annexes psychiatriques, à savoir, une surpopulation chronique, des locaux inadaptés (grands dortoirs), un manque de personnel qualifié (Paifve : 8 infirmière pour 167 patients, soit bien en deçà des normes hospitalières) et un manque de moyens matériels. Enfin, en 2004, sous la houlette de Laurette Onkelinx, alors Ministre de la Justice, une Commission « internement » a été créée et a travaillé pendant plusieurs années pour aboutir à la loi d’internement du 21 avril 2007. Cette loi n’est pas encore en vigueur à l’heure actuelle, faute de moyens financiers. Inégalités et criminalité violente Dans son ouvrage « Pourquoi l'égalité est meilleure pour tous », Wilkinson[9] montre le lien positif qui existe entre les inégalités de revenus et la criminalité violente. Au contraire des cambriolages et des vols, les homicides et les agressions serait en effet étroitement liés aux inégalités de revenus. À l'exception de la Finlande et de Singapour, son étude démontre de façon claire que le taux d'homicide est plus élevé dans les pays les plus inégalitaires. Wilkinson va même plus loin en remettant en cause la cellule familiale et la cohésion sociale des quartiers. Si son étude se base sur des chiffres récoltés aux États-Unis, on peut toutefois supposer que sa validité a une portée bien plus grande et peut être transportée à la société belge. De cette étude, il ressort que les taux de divorce sont plus élevés dans les comtés les plus inégalitaires. Or « l'explosion progressive du noyau familial et le stress génèrent un cycle intergénérationnel de violence » (p.211). Dans le cas de l'influence de l'environnement, Wilkinson écrit : « les taux de criminalité violente sont plus faibles dans les quartiers à forte cohésion sociale, où les résidents entretiennent des liens étroits et sont déterminés à agir pour le bien commun » (p. 213). Les inégalités seraient donc dans les deux cas indirectement génératrices de violence. Ces constats sont loin d'être inintéressants, surtout dans le cadre d'une politique carcérale qui privilégierait la prévention à la répression. Les femmes dans les prisons belges Les femmes représentent 4,3% de la population carcérale. En 2014, on dénombre ainsi dans les Wilkinson, Richard & Kate Pickett, Pourquoi l'égalité est meilleure pour tous, 29 novembre 2013, co-édité par Etopia, Les Petits Matins et l’Institut Veblen. 9 Proposition de position du GT prisons – Pour une politique pénitentiaire plus juste et efficace ! 4/14 REMARQUE: Seule la partie III "Quelles solutions pour notre système carcéral" à partir de la page 11 est soumise à amendements. Les parties I et II sont proposées à titre d'information. prisons belges 11.267 hommes pour seulement 502 femmes[ 10]. Sur les 36 établissements pénitentiaires que compte le Royaume[ 11], seuls sept[12] accueillent des femmes (Anvers, Bruges, Gand, Hasselt, Lantin, Mons et Berkendael). Si les femmes sont largement minoritaires en prison - et cela est, selon l'Observatoire international des prisons, notamment dû au fait que la justice tient généralement davantage compte de la situation familiale lorsque l'inculpé est une femme -, elles purgent des peines en moyenne plus longues que leurs semblables masculins. À cause de la surpopulation carcérale, de l'état des infrastructures et de leur nombre restreint, les détenues ne bénéficient pas du même traitement que les hommes. Selon l'Observatoire international des prisons, il n'est en effet pas rare que les femmes aient plus difficilement accès au travail, aux loisirs et aux activités. Elles ne profitent pas non plus de certains régimes de détention moins contraignants tels que la détention semi-ouverte, car les établissements proposant cette alternative à l'enfermement total ne sont pas ouverts aux femmes. Par ailleurs, si dans la pratique, le régime pénitentiaire des femmes s'avère moins strict que celui réservé aux hommes (et cela est notamment dû à leur comportement globalement moins violent), les femmes semblent souffrir encore davantage des épouvantables conditions sanitaires. Comme le rappelle Irène Kaufer dans son article « La double peine des femmes »[13], le manque d'hygiène est particulièrement difficile pour les femmes, surtout lors de leur période de menstruation. PARTIE II : BONNES ET MAUVAISES SOLUTIONS Bracelet électronique Le bracelet électronique est la mesure la plus fréquemment utilisée comme peine alternative. Elle est perçue par de nombreux politiques comme une réponse à la surpopulation carcérale. Le bracelet électronique est considéré comme un moyen de limiter les ruptures notamment familiales, de facilitation de la réinsertion par le maintien au sein de la structure familiale et dans l'emploi. Cependant, pour être réellement efficace, cette mesure doit être accompagnée d'un suivi psychosocial et ne pas être utilisé pour sanctionner des faits qui ne l'étaient pas précédemment (au risque de s'ajouter à la détention au lieu de s'y substituer). La pertinence du système de bracelet électronique repose notamment sur l'efficacité de la surveillance, or, le manque de moyen en personnel[14] par exemple pour surveiller les signaux émis par les bracelets (un garde le week-end) pose question. Aménagement de peines Il existe plusieurs types d'aménagement de peines : surveillance électronique, libération conditionnelle, détention limitée (sortie autorisée pendant maximum 12h), congé pénitentiaire (3x36h par trimestre), permission de sortie pour raisons familiales ou sociales (16h maximum), interruption de l'exécution de la peine (maximum 3 mois). Ces mesures sont du ressort soit du Tribunal d'application des peines (TAP) soit du Ministre de la justice. Ce type de mesure vise la Chriffres SPF Economie : http://statbel.fgov.be/fr/statistiques/chiffres/population/autres/detenu/ (consulté le 19/04/2014). 11 Observatoire international des prisons – Notice 2013 : p. 26. 12 Observatoire international des prisons – Notice 2013 : p. 60. 13 Article publié dans le numéro 77 de la revue Politique : La double peine des femmes : p. 39. 14 www.lesoir.be/408011/article/actualite/belgique/2014-01-21/bracelet-electronique-bientot-ingerable 10 Proposition de position du GT prisons – Pour une politique pénitentiaire plus juste et efficace ! 5/14 REMARQUE: Seule la partie III "Quelles solutions pour notre système carcéral" à partir de la page 11 est soumise à amendements. Les parties I et II sont proposées à titre d'information. plupart du temps la réinsertion ou des raisons médicales et ou familiales. Un certain nombre de conditions doivent être remplies pour obtenir ce type d'aménagement comme par exemple avoir un travail, un logement, un plan d'indemnisation de la ou des victimes… En cas de non-respect de ces conditions, la personne peut retourner en prison. Transaction pénale La transaction pénale est une procédure permettant au Procureur du roi de proposer à l'auteur présumé d'une infraction le paiement d'une somme en échange de l'extinction de l'action publique (il y est notamment fait usage en matière d'infraction au code de la route). Existant depuis de nombreuses années, elle a été étendue en 2011 et peut viser maintenant certains faits de criminalité fiscale et financière et peut intervenir y compris tant que l'affaire n'a pas été jugée définitivement. Cet élargissement en matière fiscale et financière entérine un principe de justice à deux vitesses : d'une part parce qu'elle vise des faits fiscaux et financiers qui nécessitent des connaissances approfondies en matière de droit social, fiscal…, ce qui n'est pas à la portée de tous et, d'autre part, parce que seule certains responsables de ces crimes sont en capacité de payer ces transactions et de mettre fin à l'action publique. Les défenseurs de la transaction pénale pointent souvent comme justification que les délits et crimes financiers et fiscaux sont plus complexes et l'Etat obtient plus difficilement justice. La transaction permettrait dès lors de recouvrir une partie des montants perdus. En novembre 2013, la compagnie Bois sauvage a signé un accord de transaction pénale pour un montant de 8,5 millions d'euros lui permettant de mettre fin à un procès où elle était suspectée notamment de délit d'initié[15], faux, usage de faux. Lors d'un procès, elle aurait pu encourir jusqu'à 30 millions d'euros. Prisons fermées, semi-ouvertes et ouvertes En Belgique, il existe trois types de prisons Les prisons fermées sont les mieux connues. Elles disposent de tous les moyens de surveillance et des équipements de sécurité, comme un mur d'enceinte, des barreaux, une détection de sécurité, etc. Dans ces prisons, les détenus passent la majeure partie de leur temps en cellule. Dans les prisons semi-ouvertes, les détenus peuvent travailler la journée dans des ateliers à l’intérieur ou à l'extérieur de la prison. La nuit, ils séjournent obligatoirement dans leur cellule. Dans les prisons ouvertes, les mesures de sécurité sont moins strictes. Les détenus qui y séjournent acceptent volontairement un régime éducatif avec des contraintes minimes. Un grand nombre de ces prisons fonctionnent sur un mode communautaire avec parfois des dortoirs. Certaines des prisons ouvertes servent aussi de centre de formation pour les agents pénitentiaires, c'est le cas par exemple de Marneffe, en province de Liège. La Le délit d'initié est un délit boursier que commet une personne qui vend ou achète des valeurs mobilières en se basant sur des informations dont ne disposent pas les autres. 15 Proposition de position du GT prisons – Pour une politique pénitentiaire plus juste et efficace ! 6/14 REMARQUE: Seule la partie III "Quelles solutions pour notre système carcéral" à partir de la page 11 est soumise à amendements. Les parties I et II sont proposées à titre d'information. prison ouverte de Saint-Hubert a la particularité d'être une prison ouverte, mais d'avoir au milieu de son domaine le centre fermé pour mineurs[ 16]. En plus de ces trois types de prison, il existe un établissement de défense sociale à Paifve, en province de Liège. Il s'agit d'un lien entre une prison et un hôpital psychiatrique. Ce sont des internés qui y séjournent et le personnel est également médical (infirmiers, médecins…). La plupart des prisons regroupent à la fois des maisons d’arrêt et des maisons de peine. Les maisons d’arrêt (ex. la prison de Forest) sont destinées aux personnes faisant l’objet d’une détention préventive en attente d’un jugement. Les maisons de peine sont destinées aux personnes reconnues coupables et condamnées. Les deux types de détenus ne sont pas censés être mélangés, mais la surpopulation permet parfois difficilement cette distinction. Liberté conditionnelle et peines incompressibles Lorsqu'une personne est reconnue coupable par un tribunal, elle peut être condamnée à une peine de prison fixée par le juge ou le jury d'assise. Cette peine, dont la durée varie, n'est pas nécessairement purgée dans son intégralité. En effet, les détenus peuvent bénéficier d'une libération conditionnelle après le 1/3 de la peine (ou les 2/3 en cas de récidive). Au cours des dernières années, et face à des libérations conditionnelles médiatisées ou médiatiques, des citoyens et des politiques ont réclamé l'instauration de peines incompressibles, c'est-à-dire des peines que le détenu doit purger dans son intégralité. A priori, on pourrait s'attendre à ce qu'une personne condamnée pour une peine d'une certaine durée "fasse son temps", mais ce serait omettre plusieurs réalités importantes. La première est d'oublier le sens de la libération conditionnelle. Celle-ci permet de donner au détenu un horizon, un espoir qui joue un rôle important dans la réinsertion et permet notamment de donner du sens à la peine. Deuxièmement, la libération conditionnelle, comme son nom l'indique, est sujette à condition et assure que le détenu sorte avec des objectifs, un cadre, des règles et une surveillance. De telle manière qu'il peut envisager une réinsertion tout en permettant un retour en arrière si les règles ne sont pas respectées. Troisièmement, il existe la possibilité pour un juge ou un jury de condamner une personne à une période de mise à la disposition du TAP, c'est-à-dire que la personne ne peut bénéficier d'aucune libération conditionnelle pendant une période déterminée, dépassant le cadre classique. Quatrièmement, lorsqu'une personne va "à fond de peine", c'est-à-dire qu'elle purge l'entièreté de sa peine (de manière volontaire ou non), et qu'elle est libérée, elle ne doit remplir aucune condition. Elle sort alors de prison sans aucun suivi ni soutien ni surveillance, livrée à elle-même avec toutes les conséquences que cela peut avoir en termes de récidive. Enfin, une des causes régulièrement pointée comme responsable de la surpopulation carcérale est l'augmentation des détenus allant à fond de peine et le durcissement Bien que situé au cœur de la prison de Saint-Hubert, le centre fermé pour mineurs est totalement entouré de grille et les contacts entre les mineurs et les majeurs sont impossibles. 16 Proposition de position du GT prisons – Pour une politique pénitentiaire plus juste et efficace ! 7/14 REMARQUE: Seule la partie III "Quelles solutions pour notre système carcéral" à partir de la page 11 est soumise à amendements. Les parties I et II sont proposées à titre d'information. des conditions d'octroi des libérations conditionnelles. Bref, et à tout point de vue, les peines incompressibles ne règlent rien. Elles ne donnent pas de sens à la peine, voire elles le diminuent ce qui peut inciter le détenu à ne pas travailler sur sa réinsertion. Elles aggravent le risque de récidive à la sortie et la surpopulation carcérale. Réinsertion L'article 76 de la Loi de principe[17] (entré en vigueur le 1er septembre 2011) énonce que « l’administration pénitentiaire veille à ce que le détenu bénéficie d’un accès aussi large que possible à l’ensemble des activités de formation proposées dans l’optique de contribuer à son épanouissement personnel, de donner un sens à la période de détention et de préserver ou d’améliorer les perspectives d’une réinsertion réussie dans la société libre ». Ces activités peuvent recouvrir des cours de base, des formations professionnelles, des groupes de parole, des activités artistiques et culturelles… L'organisation de ces activités ressort des régions et communautés et l'administration des prisons est une compétence fédérale, cette triple répartition complexifiant le travail et dépendant alors des moyens des uns et des autres. La situation difficile des prisons liées notamment à la surpopulation influence l'organisation de ces activités qui peuvent facilement être écartées si un mouvement de grève surgit ou si les agents sont dans l'incapacité d'organiser le déplacement des détenus et leur surveillance pendant ces périodes. En effet, la surpopulation nécessite un travail accru des agents qui doivent se concentrer sur les besoins élémentaires et les missions prioritaires. Ajouter à ça, le manque de suivi psycho-social (lié au manque de personnel et, encore une fois, à la surpopulation) et nous voyons bien que la réinsertion, malgré ce qu'infirme la loi, n'est pas une priorité. Ces activités, en partie parce qu'elles permettent de donner une occupation, sont un des éléments essentiels du sens de la peine et jouent un rôle majeur dans la perspective d'une sortie positive de la prison. Sans une volonté politique de soutien massif à la réinsertion, on ne peut continuer à espérer que cette réinsertion va se faire comme par magie. Peines alternatives Il existe trois grands types de peines alternatives : la médiation pénale (règlement d'un litige avant intervention judiciaire)[18], la libération conditionnelle et la peine de travail autonome[ 19] (appelé "travaux d'intérêt général"). Ces peines alternatives sont gérées par les Maisons de justice. Il y a 28 maisons de justice en Belgique, une par arrondissement judiciaire (Bruxelles compte une maison de justice francophone et une néerlandophone). Les Maisons de justice ont comme missions de fournir des informations aux autorités judiciaires et administratives, de suivre les auteurs d’infractions dans l’exécution de la peine ou de la mesure décidée par le juge, d’informer et assister les victimes d’infractions et d’informer les citoyens. L’organisation de la vie pénitentiaire et des principes de base de la détention dépend depuis le 12 janvier 2005 de la « Loi de principe concernant l’administration des établissements pénitentiaires ainsi que le statut juridique des détenus ». 18 La médiation pénale qui n'est pas une peine à proprement parlé puisqu'elle intervient avant une intervention judiciaire peut amener à une peine de travail autonome par exemple. Si cette médiation fonctionne, elle met fin à l'action publique. 19 Une peine de travail est une mesure par laquelle une personne effectue entre 20 et 300 heures de travail au bénéfice de la société (jusqu’à 600 heures en cas de récidive). 17 Proposition de position du GT prisons – Pour une politique pénitentiaire plus juste et efficace ! 8/14 REMARQUE: Seule la partie III "Quelles solutions pour notre système carcéral" à partir de la page 11 est soumise à amendements. Les parties I et II sont proposées à titre d'information. Depuis la 6ème réforme de l'Etat, les Maisons de justice sont maintenant du ressort des entités fédérées. Quoi qu'il en soit, le maintien de ces structures est essentiel et les réflexions autour d'une augmentation de ce type de peines et d'une augmentation du panel de ces peines est important. Il est notamment nécessaire de les faire connaître tant auprès des citoyens que des juges et montrer en quoi elles jouent un rôle important. Construction de nouvelles prisons (+ privatisation) Face à la surpopulation, les gouvernements précédents ont décidé le lancement d’un Masterplan prisons prévoyant notamment la construction de sept nouvelles prisons et le remplacement des établissements jugés trop vétustes. En 2013, la prison de Marche-en-Famenne a ouvert ses portes. L'organisation pratique de ces nouvelles prisons diffère des autres prisons fermées par une liberté plus grande laissée aux détenus à l'intérieur de la prison, par des douches individuelles et le recours à des couleurs vives afin d'améliorer le confort et la réinsertion des détenus. Face à ce Masterplan, deux critiques majeures ont été formulées. La première est liée à la pertinence de la construction de nouvelles prisons pour répondre aux défis de la surpopulation, bien sûr, cette critique ne vise pas le remplacement de prisons trop veilles, mais surtout jugées insalubres. Donner comme unique réponse à la surpopulation carcérale l'augmentation du nombre de places est considérée par de nombreux spécialistes comme la porte ouverte à l'augmentation de la population carcérale, sans réflexion sur le sens de la peine, sur l'augmentation du nombre de détenu, sur l'allongement des peines… La seconde critique formulée est liée aux conditions de construction de ces prisons. La situation budgétaire du pays étant mauvaise, l'Etat n'a pas les moyens de construire ces prisons, il a donc choisi d'avoir recourt au contrat DBFM, plus connu sous le nom de PPP – Partenariat Public-Privé. En gros, ce sont des consortiums privés qui construisent les prisons à leur frais et en assurent l'entretien. L'Etat loue ces prisons pendant 18 à 25 ans. L'objectif est de diminuer les coûts, mais les expériences précédentes tendent à prouver que c'est souvent le contraire qui se produit[ 20]. De plus, la question de la privatisation des prisons, et donc de matières régaliennes du ressort de l'Etat fédéral, se pose au regard des clauses de ces contrats qui confient à des firmes privées des métiers qui, auparavant, étaient du ressort des fonctionnaires du service public[ 21]. Tilburg Face à la surpopulation criante dans les prisons belges, et en attendant que le Masterplan prison prenne vie, les autorités belges décident d'envoyer une partie de ses détenus dans la prison hollandaise de Tilburg. Le 31 octobre 2009, les deux Etats, la Belgique et les Pays-Bas, signent un accord par lequel le second loue sa prison afin d'accueillir plus de 600 détenus. La location de cette prison coûte 43 millions d'euros par an indexé. Au-delà du prix de location, que nous pouvons déjà discuter, se pose la question du suivi pour les détenus, de leur accès à leur avocat, à des formations, aux associations travaillant sur la réinsertion. Nous pouvons également nous interroger sur les visites pour les familles et leur coût. Mais, ce qui reste interpellant et qui est rarement évoqué, c'est le fait que les Pays-Bas possèdent trop de prisons par rapport à son nombre de détenus au point qu'ils peuvent les louer à un autre état. Le modèle hollandais d'incarcération diffère par bien des points du L'Etat belge a d'ailleurs déjà été condamnée à des amendes pour ne pas avoir respecté des délais dans l'exécution de ce masterplan. 21 Voir à ce sujet l'article "L'illusion de la privatisation" http://politique.eu.org/spip.php?article2570 20 Proposition de position du GT prisons – Pour une politique pénitentiaire plus juste et efficace ! 9/14 REMARQUE: Seule la partie III "Quelles solutions pour notre système carcéral" à partir de la page 11 est soumise à amendements. Les parties I et II sont proposées à titre d'information. modèle belge et aucune transposition telle quelle n'est possible[ 22]. Mais, dans les éléments qui jouent, on trouve le principe du numerus clausus appliqué à la prison. Ce principe repose sur l'idée qu'on ne peut incarcérer une personne que s'il y a effectivement une place disponible. En gros, ce n'est pas les prisons qui s'adaptent au nombre de détenus, mais le nombre de détenus qui s'adaptent au nombre de place disponible. Le numerus clausus existe dans plusieurs pays, a fait l'objet de proposition de loi en France et aussi en Belgique sur proposition de la sénatrice Ecolo Zakia Khattabi[23]. Il nous semble que cette proposition devrait, au minimum, être sérieusement envisagée. Double peine et renvoi au pays Beaucoup de préjugés circulent sur la présence d'étrangers dans les prisons belges. La première distinction à faire concerne la différence entre des détenus étrangers et des détenus d'origine étrangère. Les personnes qui ont la nationalité belge ne peuvent être renvoyées dans un quelconque pays d'origine qu'elles n'ont parfois jamais connu. Le second élément concerne les discriminations subies par les détenus étrangers ou d'origine étrangère lors de l'emprisonnement ou du prononcé de la peine (par exemple, ils sont davantage placés en détention préventive). On ne peut légitiment penser que les personnes étrangères ou d'origine étrangère commettent plus de crimes et délits, d'autres éléments sont à prendre en compte[ 24]. S'agissant de l'expulsion des personnes étrangères ayant été reconnues coupables d'un crime ou d'un délit, il faut faire preuve de la plus grande prudence. Expulser quelqu'un après qu'il ait purgé sa peine revient à lui infliger une seconde peine, ce qui est contraire aux principes du droit belge. L'idée de les renvoyer purger leur peine dans leur pays d'origine peut sembler électoralement intéressante pour certains, s'abaisser à renvoyer quelqu'un purger une peine dans des conditions inhumaines est contraire au droit, mais aussi contraire aux principes que se fixent un état de droit comme la Belgique. Enfin, dernier élément, quelqu'un qui commet un fait en Belgique doit logiquement pouvoir purger sa peine ici, d'autant plus quand on réfléchit à une démarche de réparation. Pays-Bas, pays nordiques, et si les exemples venaient d'ailleurs ? Régulièrement, nous entendons parler des conditions de détention dans d'autres pays ou des "performances" de tel ou tel système judiciaire. Certains s'en offusquent, d'autres souhaiteraient qu'on s'en inspire. Il n'existe aucun système parfait et aucun n'est transposable tel quel chez nous. L'organisation judiciaire et pénitentiaire d'un pays repose sur une histoire, une culture, des habitudes, un contexte social et économique… Il n'empêche que l'analyse des mesures positives prises à un endroit peut être une source d'inspiration ici et surtout une invitation à prendre conscience qu'il n'y a pas qu'un modèle. Pour en mesurer la pertinence, il est intéressant de prendre en compte l'avis des nombreux chercheurs et spécialistes qui, depuis longtemps, tirent la sonnette d'alarme sur la détérioration des conditions de détention en Belgique et l'inefficacité des mesures actuelles. A ce sujet, voir l'article de Philippe Mary dans Démocratie, disponible en ligne http://www.revuedemocratie.be/index.php?p=art&id=780 23 Le texte intégral de son intervention est disponible ici http://www.ecolo.be/spip.php?page=intervention&id=7159903 24 Pour une réflexion à ce sujet, lire Fabienne Brion dans le n°77 de la revue Politique "Pénalisation du social : étrangers en première ligne". 22 Proposition de position du GT prisons – Pour une politique pénitentiaire plus juste et efficace ! 10/14 1 PARTIE III : QUELLES SOLUTIONS POUR NOTRE SYSTÈME CARCÉRAL ? 2 3 4 5 6 7 8 9 Par la mise en perspective des constats, par notre réflexion sur les fausses et bonnes idées dont nous entendons régulièrement parler et grâce à la rencontre d'acteurs du terrain, nous prenons conscience des nombreuses difficultés auxquelles les mondes judiciaires et pénitentiaires font face, sans que cela ne fasse baisser la criminalité, n'améliore la réparation et la réinsertion. Partons de toutes ces informations et fort du rôle que veut jouer écolo j en tant qu'acteur réflexif, parfois impertinent, nous souhaitons proposer un modèle pénitentiaire que nous considérons comme meilleur et qui surmonte les obstacles financiers, sociaux, culturels, politiques ou électoralistes souvent invoqués. 10 11 12 13 14 15 Avant d’envisager le système carcéral idéal à mettre sur pied, il semble d’abord nécessaire de s’interroger sur le sens que l’on souhaite donner à la peine. Du point de vue de la victime, elle doit prioritairement lui permettre de se sentir comprise et considérée. Pour la personne reconnue coupable, la peine revêt, selon nous, un triple objectif : la punition, la réparation et la réinsertion. C’est sur base de ces fonctions que doit être d’urgence repensé le système judiciaire belge, sans angélisme mais avec une véritable volonté de tendre vers une société plus juste où il fait bon vivre. 16 Travailler en amont 17 18 19 20 21 22 Tout d’abord, il est essentiel de travailler en amont de la sanction en tant que telle. À ce niveau, la première priorité doit être la réduction des inégalités en tout genre. Elles sont le terreau d’importantes tensions qui engendrent inévitablement la violence au sein de la société. C'est le premier élément d'une politique de prévention, les sociétés les moins inégalitaires étant également les moins criminogènes. La prévention ne doit évidemment pas s'arrêter là mais se construire de manière à favoriser le vivre ensemble et à limiter les risques de dérapages. 23 24 25 26 Il est également indispensable d’opérer un profond remaniement de notre code pénal, vieux de deux siècles, afin de sanctionner davantage les atteintes aux personnes que les atteintes aux biens, contrairement à ce qui se fait actuellement. En effet, il n’est pas normal qu’aujourd’hui le vol soit punit plus sévèrement que les coups et blessures. 27 La détention préventive comme moyen de protection uniquement 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 La présomption d’innocence est un principe général de droit essentiel en démocratie. Or, il est fortement mis en danger par un recours excessif à la détention préventive. Cette solution ne doit être actionnée que dans les cas où il existe un réel risque de fuite ou de danger pour la société. Dans tous les autres cas, des alternatives doivent être encouragées comme, par exemple, le recours au bracelet électronique à titre préventif dans l’attente du procès. Il est également essentiel de mettre sur pied un réel accompagnement psycho-social tant des victimes que des personnes faisant l’objet de poursuites judiciaires, visant à fournir de l’aide et des explications à leur situation respective. Cet accompagnement ne doit en aucun cas être une manière de renoncer au principe de la présomption d'innocence, bien au contraire, mais surtout de prévenir les conséquences pour une personne de faire face à la justice. C'est une manière d'étendre la Loi Salduz à l'accompagnement psychosocial. 38 39 La Chambre du Conseil, responsable de la décision de placer ou non une personne en détention préventive doit également être aidée dans sa tâche, notamment par la présence de services sociaux Proposition de position du GT prisons – Pour une politique pénitentiaire plus juste et efficace ! 11/14 40 qui pourraient apporter un point de vue plus circonstancié de la situation de l’individu. 41 Déployer les peines alternatives 42 43 44 45 46 47 Depuis plusieurs années, des peines alternatives à la prison ont vu le jour. Elles sont cependant encore trop peu utilisées et il est dès lors essentiel de continuer à les développer pour qu’elles rencontrent réellement les objectifs que poursuit une peine et gagnent ainsi en crédibilité. Le juge doit pouvoir choisir parmi une palette de sanctions la plus large possible afin d’infliger celle qu’il juge la plus adaptée à la situation. Ceci doit particulièrement être le cas concernant les mineurs et passe notamment par l'augmentation des ressources dévolues aux peines alternatives à la prison. 48 49 50 51 52 53 54 55 Parmi les peines alternatives à la prison, nous prônons notamment le développement de l’usage du bracelet électronique en tant que peine autonome et moyennant une évaluation régulière de la situation et un véritable suivi adéquat. Nous demandons également que le juge ait la possibilité de prononcer dès le départ des aménagements de peine (des sorties autorisées par exemple), des mesures d’éloignement, des processus de dialogue avec les victimes si elles sont demandeuses, des peines de réparation du mal qui a été causé, l’obligation d’un suivi psycho-social (sans obligation de résultat), des peines de travail d’intérêt général dans un milieu adéquat, le séjour dans un centre d’accueil ou encore, dans certains cas, la condamnation à un régime pénitentiaire semi-ouvert. 56 Aider le juge dans l’évaluation de la peine 57 58 59 60 61 62 Selon nous, pour déterminer la peine la plus adéquate lorsqu’il déclare une personne coupable, le juge doit pouvoir être aidé par d’autres acteurs du monde judiciaire. A cette fin, nous prônons la création d’une commission des peines. Celle-ci aurait une compétence d’avis et serait composée de professionnels des secteurs judiciaire, social et médical, de représentants des maisons de justice et d’agents pénitentiaires. Elle serait chargée de suivre la personne suspectée dès l’arrestation et d’apporter au juge un éclairage socio-culturel au moment du jugement sur la peine. 63 64 65 66 67 68 Cette commission aurait également pour mission de donner un avis au juge sur ce qui fera l’objet d’une inscription au casier judiciaire, et pour quelle durée, ainsi que sur les conditions futures d’obtention du certificat de bonnes vie et mœurs. Celles-ci seraient en effet déterminées par le juge dès le prononcé de la peine afin d’éviter au maximum les obstacles que cela peut engendrer en termes de réinsertion professionnelle. En cas de peine d’emprisonnement, la commission sera chargée de remettre un avis au tribunal d’application des peines statuant sur la libération du détenu. 69 Rendre la prison plus humaine 70 71 72 La peine de privation de liberté doit rester de mise dans les cas où les individus représentent un réel danger pour la société. Dans ces situations où aucune alternative n’existe, il convient cependant de tenter de rendre l’enfermement le plus utile à la société et au détenu lui-même. 73 74 75 76 77 Ainsi, il est essentiel de prévoir un accompagnement psycho-social régulier dès le premier jour d’emprisonnement. Celui-ci sera renforcé par la désignation d’un agent référent de réinsertion propre à chaque détenu et dont le rôle sera de fixer, en discussion avec le détenu, le parcours le plus adapté en vue d'une réinsertion dans la société. Tout au long de la peine, le détenu devra pouvoir rencontrer fréquemment son référent et être suivi, à sa demande, et de manière régulière par un Proposition de position du GT prisons – Pour une politique pénitentiaire plus juste et efficace ! 12/14 78 79 psychologue. De plus, le personnel de la prison doit pouvoir se rencontrer et travailler en commun grâce à l'organisation de réunions régulières. 80 81 82 83 Dans le cadre d'un parcours de réinsertion dans la prison, nous distinguons les formations de type éducatif qui visent à apprendre les apprentissages de base (lecture, écriture,…) à ceux qui le souhaitent et celles qui ont pour objectif d’apporter une véritable qualification professionnelle au détenu. Elles ne peuvent fonctionner que sur base volontaire, sans quoi l’effet escompté sera nul. 84 85 86 87 88 Un autre élément important concerne les gardiens à qui il est urgent de donner les moyens d’exercer correctement leur métier notamment en développant la formation qu’ils doivent suivre et en les intégrant dans les processus de décision en apportant notamment des informations sur le comportement et l'évolution du détenu pendant sa détention. De même, il semble nécessaire de créer une formation spécifique pour les directeurs de prison, ce qui n’est pas le cas actuellement. 89 90 91 92 93 94 95 96 Les prisons qui subsisteraient dans un système idéal seraient de petites tailles, proches du centreville afin d’être accessibles pour les familles et visiteurs et de type évolutif, c’est-à-dire que le détenu progresserait au sein de la prison au fur et à mesure de son cheminement personnel. Il y aurait certains espaces communs pour hommes et femmes, comme c’est le cas en Espagne, afin de diminuer globalement la violence. Des espaces seraient aussi réservés, uniquement privés selon la loi de leur droit à la liberté et pas des autres droits, afin que les détenus puissent entretenir une intimité avec leurs proches. Enfin, il est essentiel de développer des unités où les détenus pourraient rencontrer leurs enfants dans des conditions acceptables. 97 98 99 100 101 Les prisons doivent être pensées de manière correcte avec des cellules individuelles et collectives tenant compte des besoins des détenus. Les couleurs doivent être réfléchies. L'alimentation doit être de qualité, variée et suffisante. Les caisses d'entraide pour les détenus doivent être repensées de manière à ne pas reposer sur les familles des détenus. Elles ne doivent pas être une occasion supplémentaire d'aggraver les inégalités entre détenus. 102 103 104 105 Nous prônons également le maintien de prisons ouvertes, à l’extérieur des villes, qui deviendraient un lieu de passage obligé avant toute sortie définitive de prison, après évaluation par la commission des peines et décision du tribunal d’application des peines. Ces prisons ouvertes avec aménagement d'espaces verts, appartements supervisés… doivent permettre une réinsertion progressive. 106 Eviter les fonds de peines 107 108 109 110 111 112 Laisser un détenu arriver au terme de sa peine en prison représente un grand risque puisqu’il est relâché dans la nature sans aucune forme de suivi ou d’accompagnement. Il convient donc de favoriser les libérations conditionnelles afin de pouvoir mettre en place un réel accompagnement à la sortie de prison et éviter les risques de récidive. Cet accompagnement doit être large, et pas seulement judiciaire ou professionnel, mais aussi social et psychologique. Il peut être ajouté à un suivi dans un centre d'accueil. 113 Soutenir les victimes 114 115 116 Les victimes, quant à elles, ne doivent pas être les oubliées du système. Elles doivent au contraire être intégrées au processus judiciaire. Elles doivent bénéficier d’une aide psycho-sociale efficace et ce dès le départ. Elles doivent également se sentir écoutées et dès lors être entendues par la Proposition de position du GT prisons – Pour une politique pénitentiaire plus juste et efficace ! 13/14 117 118 119 120 121 122 commission des peines que nous souhaitons créer afin que celle-ci tienne également compte du point de vue des victimes dans l’avis qu’elle rend au juge. Elles ne peuvent intervenir directement dans le processus de décision sur la peine, mais elles doivent pouvoir apporter des éléments d'informations supplémentaires. Enfin, il est essentiel de développer tous les processus de médiation et de réparation directe des infractions afin de permettre une meilleure compréhension des différentes parties. Proposition de position du GT prisons – Pour une politique pénitentiaire plus juste et efficace ! 14/14