L`équilibre comme fondement de la pratique

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L`équilibre comme fondement de la pratique
J EDRZEJ AK Aur or e Années 2006­2007 L'équilibre comme fondement de la pratique instrumentale développé dans le jeu pianistique CEFEDEM Bretagne / Pays de la Loire Référent de mémoire : Mme WAHLI DELBOS Marianne
REMERCIEMENTS Je tiens à remercier tout particulièrement mon professeur de piano Marie­Christine CALVET qui m'a transmis tant de savoir et m'a apporté son soutien pour la réalisation de ce mémoire. Merci ma référent de mémoire Marianne WAHLI pour son aide et ses précieux conseils. Je n'oublie pas ma tutrice Anne CHAILLOU avec qui j'ai beaucoup appris pédagogiquement et la remercie grandement pour son investissement. Enfin, je remercie les membres de ma famille qui m'ont soutenu et tout particulièrement Nicolas CARRIER.
2 SOMMAIRE REMERCIEMENTS .................................................................................................. 2 INTRODUCTION ...................................................................................................... 4 1. L' expression musicale ............................................................................................ 5 1.1. Définition de l'expression (sens général) et de l'expression musicale ..................... 5 1.2. Le mouvement expressif dans le jeu musical ......................................................... 5 1.3. Le texte musical et l'expression ............................................................................. 6 1.4. La restitution de l'expression ................................................................................. 7 2. L' équilibre ............................................................................................................ 10 2.1. Les définitions de l'équilibre................................................................................ 10 a)Généralité ............................................................................................................... 10 b)L'équilibre corporel................................................................................................. 10 c)L'équilibre mental ................................................................................................... 11 2.2 Liens entre le corps et le mental .......................................................................... 12 2.3. Différences d'équilibre sur un piano droit et sur un piano à queue........................ 14 2.4. Le rapport d'équilibre issu de facteurs extérieurs ................................................ 15 2.5. Équilibre des trois sens (kinesthésique, auditif et visuel) ..................................... 17 3. Équilibre ou déséquilibre ? .................................................................................. 20 3.1. Attitude, position, comportement lors au piano.................................................... 20 3.2. Conséquences physiologiques ............................................................................. 22 3.3. Conséquences sur le mental................................................................................. 23 3.4. Conséquences musicales ..................................................................................... 23 4. Les apprentissages de l'équilibre ......................................................................... 24 4.1. Les apprentissages au piano................................................................................. 24 a)Équilibre postural ................................................................................................... 24 Équilibre du corps....................................................................................................... 24 Équilibre de la main .................................................................................................... 27 b)Équilibre au clavier................................................................................................. 29 Placement du corps dans le Hara ................................................................................. 29 Le soutien ................................................................................................................... 31 Positionnement de la main .......................................................................................... 34 c)L'équilibre en mouvement/déplacement .................................................................. 35 4.2. Les Apprentissages sans piano ............................................................................ 38 a)Différentes pratiques développant la conscience corporelle en vue d'un meilleur équilibre (corporel et mental) b)Exercices pratiques .................................................................................................. 38 4.3. Conséquence de cet équilibre sur la musicalité, sur l'être et son mental................ 38 CONCLUSION ......................................................................................................... 41 ANNEXES………………………………… ............................................................... 42 BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………....................... 52
3 INTRODUCTION Aujourd'hui, dans notre société, le corps humain est souvent considéré comme une enveloppe dirigée par le cerveau. En Occident, le corps et l'esprit ont été séparés par PLATON puis DESCARTES. Le mental, considéré comme supérieur, a pris le pas sur les sensations. L'homme n'est plus à l'écoute de son corps, il apprend plus souvent par l'intellect que par son ressenti corporel créant un déséquilibre. Quelles solutions peuvent­elles être trouvées alors ? Aujourd'hui, cette séparation tend à se résorber : l'homme occidental prend petit à petit modèle sur les modes de vie orientaux. Ces derniers considèrent l'homme sous plusieurs plans : corporel, émotionnel, mental et intuitif. L'apprentissage d'un instrument de musique peut être un moyen d'habiter son corps, de se découvrir et de mieux se connaître sur tous les plans. Lors de mon apprentissage musical, j'ai eu la chance de rencontrer un professeur qui m'enseigna le piano en tenant compte du corps dans sa totalité sans le séparer de l'esprit (mental, intellect, intuition). C'est donc relativement jeune que j'ai reçu un enseignement porté sur les sensations, la détente, la tonicité, la gestion mentale ; tout ceci constituant la totalité de l'équilibre. Par l'apprentissage d'une posture corporelle équilibrée j'ai appris l'aisance dans la rapidité d'exécution, le travail durant plusieurs heures sans tension, sans douleur ni fatigue. Le souci de transmettre le plus justement possible ce savoir m'a ouvert un chemin de réflexion semé de questionnement par rapport au concept d'équilibre. Qu'est ce que sous tend la notion d'équilibre ? Comment développe t­on en soi l'équilibre ? Quel lien l'équilibre entretien­il avec l'expression musicale ? J'ai décidé de développer principalement une de ces questions : l'équilibre est­il indispensable au jeu expressif ? Je définirai donc de manière détaillée les notions d'expression et d'équilibre. Ensuite j'opposerai la position d'équilibre avec celle de déséquilibre pour mettre en valeur les différentes conséquences. Enfin, je montrerai comment développer cet équilibre, comment l'enseigner et quelles sont les conséquences de l'équilibre sur l'expression musicale et sur le musicien.
4 1. L'expression musicale 1.1. Définition de l'expression (sens général) et de l'expression musicale L'expression au sens large est l'action d'exprimer quelque chose, de le communiquer à autrui par la parole, le geste 1 . L'encyclopédie Universalis donne une définition très pointue du mot expression : "ensemble de données perceptives offertes par l'être à un moment donné du temps et qui fonctionnent comme des signes manifestent, révélant ou trahissant les émotions, les sentiments et les intentions de cet être" 2 . L'étymologie du terme ex­pression est révélateur de sens : il doit être entendu comme mouvement (ex) d'extraction d'une intériorité. L'expression est donc un mouvement qui régit un transfert d'informations du dedans au dehors, en prenant dans la musique, le son pour support. La musique exprime en soi. Art de l'instant, sans cesse recréée, elle ne peut être rendue vivante que par l'intervention du musicien. En effet, l'art musical n'est qu'une forme d'expression de la nature humaine parmi tant autres. Mais quelle est alors cette forme d'expression ? L'expression musicale est la faculté pour l'artiste de rendre sensible certaines idées ou certains états d'âme contenus dans une oeuvre musicale. L'expression se manifeste aussi par une qualité de présence, une participation active à la réalisation de l'oeuvre. Jouer de manière expressive est le fait de vivre l'oeuvre comme "une approche fervente" selon Dominique HOPPENOT. Pour Monique DESCHAUSSEES, il s'agit "d'une osmose entre l'interprète et la partition dans son contenu sensible 3 . Je vais tenter de complèter cette définition au cours de ce chapitre. 1.2. Le mouvement expressif dans le jeu musical Nous pouvons distinguer deux étapes par rapport au mouvement d'expression : l'aspiration à s'exprimer et sa mise en forme 4 . La première étape consiste en une transformation du signe lu sur la partition en 1 Grand Larousse Universel, Tome 10, Mars 1997. 2 Encyclopédie Universalis, Thesaurus, 19­111a. 3 DESCHAUSSEES Monique, L'homme et le piano, de la connaissance physique à la perception métaphysique, Paris, octobre 2002, p.87. 4 CALVET Marie­Christine, Sur les traces de Scaramuzza, enquête sur une gestuelle pianistique, Paris, Juin 2006, Tome IV, p.74.
5 son. En effet, lorsque l'on ouvre une partition, une foule d'informations visuelles nous parvient (notes, altérations, nuances, tempi, rythmes, articulations, accentuations...). Le musicien lors d'une première lecture transforme mentalement ces signes en son et se fait une première image mentale de l'oeuvre. La deuxième étape au mouvement expressif est sa mise en forme. Le musicien modifie ces images sonores en acte. Après s'être imprégné intérieurement de la musique, l'interprète la retranscrit gestuellement. Une chaîne est alors constituée : signe­son­geste (termes empruntés à Marie Christine CALVET). Il faut remarquer à juste titre que la démarche de l'interprète est inversée par rapport à celle du compositeur. En effet, partant des concepts, des signes apparents, l'instrumentiste recherche la source de création. L'expression est inscrite de manière codée dans le texte. Les capacités conceptuelles et intuitives du musicien sont donc fortement sollicitées. La démarche d'un compositeur est tout autre. Il a pour départ l'intuition qui progressivement va s'intégrer dans un « cadre » composé de nombreux signes. Ainsi, chaque signe représente un indice de l'Idée du compositeur pour le musicien. Ils l'aident à recomposer l'oeuvre et à se l'approprier. La démarche expressive n'a donc aucun rapport avec le jeu instinctif. L'expression musicale se fonde sur un mode d'action beaucoup plus profond et conceptualisé. 1.3. Le texte musical et l'expression Dans la partie 1.2., j'ai évoqué l'intuition du compositeur qui s'incarne dans son oeuvre. Son Idée ne peut pas prendre forme sans une codification, un signe. Ces signes donnent forcement un espace limité à la pensée symbolique de départ. L'expression d'une oeuvre musicale pose alors un problème : faut­il se limiter à la seule retranscription du signe ? N'y a­t­il pas une autre dimension à rechercher pour parvenir à une réelle expression ? Le signe possède deux dimensions, je parlerai de « signes fermés » et « signes ouverts » (termes empruntés à M.C. CALVET). Le signe fermé est tout
6 simplement le graphisme tel qu'il apparaît : une clé de sol, une croche, une nuance piano, une mesure à quatre temps. Il a une valeur objective et universelle. Chaque musicien connaît ses signes, leurs sens ne peuvent prêter à confusion. Le professeur de musique se doit d'avoir une idée théorique claire et non approximative de ces signes aussi bien sur le plan sonore que gestuel. La deuxième dimension est celle du « signe ouvert ». Ce domaine réintègre le signe dans l'espace d'où il est issu : celui de l'intuition. La combinaison de tous les signes explicite de manière camouflée l'Idée du compositeur. Mais si un musicien lit une oeuvre comme une suite de signes mis les uns à côté des autres sans accéder à un domaine plus imagé, plus sensitif, plus intuitif, l'oeuvre risque d'être appauvrie au niveau expressif. Par exemple, le signe ^ sur une note peut être lu comme : c'est un accent et l'on doit faire sonner la note de manière la plus vibratoire possible. Il s'agit alors d'une lecture d'un signe fermé. Si l'on va plus loin dans la recherche, en observant que cette note accentuée avec ^ est placée au sein d'une phrase piano, dans une tessiture aigu, dans une tonalité majeure, alliant un rythme régulier de croches avec un tempo plutôt lent, l'interprète ouvre son « champ intuitif ». Il peut se figurer des images multiples (clochettes, procession festive, luminosité...). Ainsi, le sens musical est retranscrit pour le musicien dans l'interprétation expressive de l'oeuvre. Le « signe ouvert » est une lecture plus large de ce signe. Cette dernière fait appel à l'intuition du musicien le poussant à trouver les multiples sens d'une oeuvre. Le signe fermé est la «coque apparente » du symbole (signe ouvert). L'un ne peut aller sans l'autre puisque le musicien s'appuie d'abord sur la lecture de signes fermés pour pouvoir ensuite remonter jusqu'au sens de l'oeuvre. Le texte musical prend donc le signe pour support expressif. Le signe a une double dimension : il renvoie au savoir théorique comme à la résonance symbolique, convoquant l'ensemble des capacités de l'individu (intuition, raisonnement, émotions et réalisation gestuelle). 1.4. La restitution de l'expression Il est important pour tous les musiciens de travailler à développer ses sensations physiques propres, pour qu'au moment du jeu musical, aucun parasite
7 (tensions physiques, perturbations mentales) ne viennent entraver la traduction du signe au son. Il est tout à fait dommage qu'un musicien ayant mentalement des idées musicales très précises chargées de sens, ne parvienne pas à restituer son intention musicale faute d'une absence de maîtrise corporelle. D. HOPPENOT affirme qu'un travail sur le corps développe "une puissance intérieure" et "une élasticité qui donne du champ et de la fécondité à l'expression musicale" 5 . Un musicien se doit de conscientiser sa posture et toute sa gestuelle face à son instrument. Il est important qu'il travaille à la dissociation de toutes les parties de son corps mises en action par le jeu instrumental. Développer ses sensations physiques permet de pouvoir disposer de son corps sans que des tensions viennent perturber l'expression musicale. Ce travail permet par exemple de ressentir un bien être permanent durant le jeu. Enfin le développement des sensations et celui de l'écoute est primordial pour le musicien. Bien des élèves à qui j'ai enseigné jouent sans s'écouter. Écouter est un chemin qu'il faut entreprendre dès le début des apprentissages musicaux : une meilleure écoute favorise le développement de la palette expressive. De plus, la traduction claire des signes musicaux est un premier pas vers l'expression musicale. Ces signes concernent le graphisme textuel (valeurs rythmiques, clés, point d'orgue,...), les annotations littérales (tempi, nuances, caractères,...), et la ponctuation (accents, staccato, legato,...). Comme nous l'avons vu précédemment ces signes ouvrent un champ expressif plus vaste que le simple graphisme sur papier. Le choix de la couleur, du tempo, des plans d'intensités contribue également à rendre le discours musical vivant. Dans une certaine mesure, le musicien a la possibilité de choisir différents timbres, différentes nuances et peut même agir sur le temps musical. Les choix de timbres viennent colorer l'expression. Le pianiste les transmet au 5 HOPPENOT Dominique, Le violon intérieur, Van de Velde, Paris, 1981, p.182.
8 clavier par différentes « attaques ». Le musicien en modelant les intensités et les dynamiques d'une oeuvre crée la forme, la perspective de la phrase musicale. Enfin, il peut agir sur le temps par ses choix de tempi (si non indiqué) ou par le sentiment agogique lié à l'idée musicale du compositeur. L'expression est un jeu sur les différents paramètres sonores (temps, timbres, intensités) que le travail du pianiste doit mettre en valeur. Une place doit être accordée à « l'ego » du musicien c'est à dire à sa personnalité. En effet, il faut mentionner que la différence entre le jeu d'Horowitch et le jeu d'Arrau par exemple, est en partie due à leurs singularités. Chaque individualité permet d'avoir un éclairage différent sur une même oeuvre. En effet, tous les musiciens n'ont pas le même sens intuitif, il est donc normal qu'une même oeuvre soit jouée de plusieurs manières. Néanmoins la limite à ne pas franchir reste celle du texte. Sans cette rigueur architecturale, l'interprétation reste aléatoire et subjective : elle perd son sens réel et son expression en est modifiée. Par conséquent, il est intéressant d'observer le développement de la personnalité car elle influence le jeu instrumental. L'expression musicale est donc un mouvement qui fait appel aux sensations, au raisonnement mental, au sens intuitif et à la personnalité du pianiste. Elle concerne la globalité de l'individu. L'expression rassemble tous les plans d'intégration de l'espace vivant et contribue donc à l'équilibre du musicien.
9 2. L'équilibre 2.1. Les définitions de l'équilibre a)Généralité L'équilibre est une notion à vocation transdisciplinaire (physique, chimie, biologie, économie, psychologie...). Dans les sciences physiques, l’équilibre peut se définir comme l’opposition de deux forces égales qui s’annulent 6 . D’autres définitions évoquent aussi l’équilibre comme juste proposition entre des éléments opposés, entre des forces agonistes d’où résulte un état de stabilité, d’harmonie 7 . Nous trouvons enfin une autre définition d’équilibre comme expression imaginaire de notre pouvoir naturel d’auto organisation 8 . L’équilibre est un concept que l’on trouve dans tous les enseignements spirituels et dans la plupart des religions. Dans l’enseignement oriental, par exemple, on recherche à comprendre et à maîtriser l’équilibre physique (comme cité dans les définitions ci­dessus) amenant l’équilibre mental. Nous nous limiterons, dans ce mémoire à quelques définitions en lien avec l’expression musicale. b)L'équilibre corporel Le dictionnaire présente la définition suivante : "état de quelqu’un qui est dans une position stable, qui ne tombe pas" 9 . Nous allons étayer cette définition. Tout d’abord, l’équilibre est une opposition à la gravité du corps humain positionné de manière à résister à la pesanteur. Cette attitude permet une libre circulation d’énergie (musculaire, sanguine, nerveuse...). L’équilibre est engendré par le travail de chaînes musculaires (agonistes et antagonistes) qui agissent selon les lois physiologiques naturelles pour produire la flexion et l’extension des articulations. L’équilibre corporel est produit aussi par la construction d’un plus petit système 6 7 8 9 Dictionnaire LeRobert. Grand Larousse Universel, Tome 10, Mars 1997. Encyclopédie Universalis, Thésaurus. Grand Larousse Universel, Tome 10.
10 s’opposant à la gravité : la main du pianiste. L’opposition se fait par la résistance de la main (construction) à la pesanteur. Être en équilibre corporellement c’est avant tout avoir une position lors du jeu instrumental en adéquation avec la physiologie et le mode de fonctionnement du corps humain. Il est nécessaire pour le musicien de vivre cette posture de l’intérieur. Cette position d’équilibre doit être ressentie et mémorisée par les sensations. Il serait inadéquat de vouloir attribuer une position standard sans que les sensations générales d’équilibre ne soient vécues de l’intérieur. c)L'équilibre mental Il est plus difficile de définir précisément l’équilibre mental sans entrer dans des définitions psychologiques, là n’est pas notre propos. Dans le Grand Larousse Universel, l’équilibre mental est défini comme un "rapport d’harmonie entre les tendances psychiques, les rythmes ou les domaines d’activités de quelqu’un ayant pour conséquence un comportement dit normal, une santé mentale". Être équilibré c’est être pondéré, raisonnable, sain mentalement et avoir toutes ses facultés intellectuelles. Il est intéressant de constater que l’on trouve le terme « harmonie » dans la définition de l'équilibre mental ainsi que dans le langage musical. Monique DESCHAUSSEES définit l’équilibre mental comme une attitude cérébrale engendrant une émissivité et une réceptivité de l’individu 10 . Pour elle, l’émissivité est la capacité à communiquer ce que l’on a appris, ce que l’on est et ce que l’on sent. La réceptivité est au contraire un état d’accueil et de disposition totale. Ainsi, ces deux états psychologiques s’équilibrent dans l’individu. Pour le musicien, l’équilibre mental est une manière d’être, sûr de soi, de ses idées, de ses possibilités physiques. C’est disposer d’une solidité mentale, d’une assurance en sa manière de penser au moment du jeu musical. Gérer ses émotions, son trac, ses pensées parasites constituent un véritable « travail » mental pour atteindre l’équilibre. D. HOPPENOT pense que l’équilibre ne peut être atteint que par une qualité de présence du musicien lors du jeu. La participation active à sa réalisation musicale 10 DESCHAUSSEES Monique, L'homme et le piano, op. cit., p.95, 96, 97, 98.
11 contribue à un développement personnel sur le plan de la santé, du plaisir, de l'harmonie intérieure. 2.2 Liens entre le corps et le mental Notre vie quotidienne est un engrenage de suractivité, d'agitation, de bruit. L'attention de l'homme est constamment tournée vers des objets extérieurs à lui­même. Les capacités mentales se développent au détriment d'une recherche sensitive. Doit on séparer le corps de l'esprit de l'homme ? La réponse a été donnée il y a quelques années par Jean Piaget et Henri Wallon. Bien qu'ils aient eu chacun leur méthode, ils ont souligné que "le psychisme et le moteur ne sont pas deux catégories étrangères, cloisonnées et séparées où l'une serait soumise aux seules lois de la pensée pure et l'autre aux mécanismes physique et physiologique. Bien au contraire, le mental et le moteur sont l'expression bipolaire d'un seul et même processus, celui de l'adaptation souple, mouvante et constructive au milieu environnant" 11 . De même, Danis BOIS (psycho­somatopédagogue) affirme que "la personne est constituée d'une unité corps/psyché". Il remarque qu'apparaît "la conscience d'une tonalité spécifique" lorsque ses patients travaillent sur leur corps 12 . Karl Friedrich DURKHEIM en dit autant : "Si l'on a compris que le physique et le psychique ne sont que deux aspects au travers desquels le sujet s'extériorise en même temps qu'il s'intériorise, on sait alors que, de même qu'une modification intérieure entraîne une modification de l'attitude corporelle, de même la modification des attitudes corporelles entraîne une transformation intérieure" 13 . Ainsi, lorsque l'on établit un équilibre dans son corps, on permet à l'esprit de la même manière de trouver son équilibre. Un précepte japonais le décrit très bien : "lorsque la verticale du corps est solidement fixée, l'esprit l'est également" 14 . Il paraît évident qu'un changement sur le corps est un effet sur l'esprit. J. DALCROZE et G. ALEXANDER en ont fait l'expérience 15 . 11 Encyclopédie Universalis, Corpus, 19­19a., psychomotricité. 12 BOIS Danis, Le moi renouvellé, introduction à la somato psychopédagogie, Point d'appui, Ivry­sur­Seine, 2006, p.104. 13 DURCKHEIM Karl Friedrich, Hara centre vital de l'homme, Courrier du livre, Paris, p.254. 14 HOPPENOT Dominique, Le violon intérieur , op. cit., p.36. 15 BERSIN David, « une entrevue avec Gerda Alexander », Nouvelles de danse, périodique trimestriel, N°28, p.65.
12 Dalcroze a fait travailler ses étudiants en les faisant mobiliser tout leur corps par rapport aux rythmes, aux dynamiques, à la mélodie, au phrasé et à la forme musicale. Ceux­ci firent d'énormes progrès. Dalcroze avait compris qu'en visant à enseigner la musique avec tout le corps, ses étudiants étaient touchés dans leur totalité. Apprendre la musique en se servant uniquement de l'esprit ne leur suffisait pas. De même, Gerda Alexander témoigne du même lien corps/esprit : "je ne parlais jamais [des] difficultés psychologiques [des patients] mais je voyais que le travail sur l'élimination des blocages du tonus avait une influence sur la personne toute entière au niveau physique, émotionnel et spirituel » 16 . Nous pouvons citer de nombreux exemples démontrant le lien entre le mental de l'homme et son corps. Les émotions, par exemple, sont des énergies corporelles. La joie ou la colère sont des pulsions engendrées par le cerveau que l'esprit de l'homme peut contrôler. Le trac est une émotion suscitant l'angoisse et qui engendre un comportement corporel : mains moites, jambes flageolantes, absence de force dans les bras, trous de mémoire, voix intérieures disant : "tu vas te tromper", "tu n'as pas assez travaillé", surdité momentanée ou encore absence de contact avec le clavier. Tous ces symptômes physiques sont engendrés uniquement par le mental de l'homme. A l'inverse, nous avons tous vécu la difficulté de concentration quand le corps a faim, soif ou sommeil. L'attitude corporelle est souvent liée à la manière d'être de l'individu. Ainsi, un homme déprimé a une attitude souvent repliée avec un relâchement du dos. Au contraire, une personne épanouie psychologiquement a plus facilement une attitude tonique: dos redressé, tête haute. Ce lien corps/esprit peut­être pris dans n'importe quel sens. Une personne déprimée prenant une attitude tonique de manière consciente exerce une influence favorable sur son psychisme. . Pour le musicien, le confort mental commence par le plaisir d'être bien 16 BERSIN David, « Une entrevue avec Gerda Alexander », Nouvelles de danse, périodique trimestriel, été 1996, N°28, volume I, Contredanse, Bruxelles, p.61
13 physiquement (être posé "au fond de la touche" pour le pianiste). De même, la détente mentale entraîne chez le musicien une détente musculaire et réciproquement. Néanmoins, ce confort physique de l'esprit ne peut être conçu que par une prise de conscience de l'esprit ! De même, le confort mental se travaille à travers le corps. Il est évident que la musique permet de renforcer ce lien corps/esprit que la société actuelle tente de diviser. Le musicien doit travailler sur son corps de manière à ce que la conscience pénètre partout. Il ne peut trouver autrement son équilibre. Il faut que son corps soit en relation constante avec son mental. Pour réaliser ce travail d'unité, le musicien doit lors de son jeu calmer son agitation intérieure. Il doit faire taire ses pensées empêchant toute sensations de se former. Comme le dit D. HOPPENOT "lorsque nous sommes distraits, perdus dans les idées, les soucis, le passé ou l'avenir, notre cerveau, perturbé, est incapable de recevoir les messages sensitifs, incapable d'une quelconque « attention »" 17 . Il s'agit de créer "un état de vide". Il ne peut être atteint qu'en centrant son attention sur sa présence corporelle. Cet état permet entre autre de « lutter » contre le trac. C'est une manière de centrer l'esprit sur le corps afin d'obtenir un grande concentration au lieu de diviser les deux. L'homme trouve son équilibre en unifiant son esprit et son corps. La musique comme les arts martiaux permet de travailler ce lien pour que l'homme forme une entité. 2.3. Différences d'équilibre sur un piano droit et sur un piano à queue Être installé sur son tabouret face à un piano droit ou face à un piano à queue est très différent pour un élève pour plusieurs raisons. D'abord, le volume de l'instrument n'est pas le même. Le piano à queue occupe un espace beaucoup plus important en hauteur (s'il est ouvert) et en longueur. Seul la largeur du clavier ne varie pas pour l'élève. Ensuite, la puissance sonore est aussi très différente sur un piano à queue (d'autant plus que les pianos droits sont souvent contre les murs). Une autre différence remarquable sur les pianos à queue est la 17 HOPPENOT Dominique, Le violon intérieur, op. cit., p.73.
14 hauteur souvent plus importante du pupitre et le double échappement. Enfin, la qualité d'enfoncement des pédales n'est pas la même face à un piano droit ou à queue. La cause en est que les mécanismes ne sont plus les mêmes et rendent l'enfoncement des pédales un peu plus difficile (plus lourd) sur les pianos à queues. Jouer sur un piano droit ou à queue bouleverse principalement trois sens : la vue, l'ouïe et le toucher. Pour cela, l'élève doit être habitué très tôt à jouer sur des pianos très différents : différence de clavier (mou ou dur), de grandeur (droit, crapaud ou queue), de pédales et de couleurs, de sonorités. Ainsi, plus l'élève sera accoutumé à changer d'instrument, moins et il sera déstabilisé. Le risque de déséquilibre corporel et mental en sera donc largement réduit ! D'autres solutions peuvent être proposées à l'élève pour lui permettre de désacraliser le piano à queue qui est parfois impressionnant. Le professeur peut proposer à l'élève lors des premiers cours d'explorer le piano à queue ; c'est à dire tourner autour, regarder et toucher l'intérieur, appuyer sur les pédales, percevoir les changements qui en résultent ; petits exercices destinés à réduire encore une fois la déstabilisation de l'élève au moment du jeu pianistique. Lorsque j'étais jeune élève, je travaillais principalement sur des pianos droits, à la maison et en cours. Je n'étais pas du tout à l'aise lorsque le jour de l'audition arrivait et que je devais jouer sur un piano à queue. Je me sentais vraiment perdue face à cet instrument que je trouvais « énorme ». Cette absence de préparation m'a coûté. J'étais très déstabilisé et ai perdu en même temps une grande confiance en moi alors que je ne faisais que débuter. Je ne souhaite pas que cela se passe de la même manière pour mes élèves. 2.4. Le rapport d'équilibre issu de facteurs extérieurs Le problème majeur de tous les pianistes est le changement fréquent d'instruments. En effet, un pianiste joue rarement sur son instrument de travail. Il doit donc sans cesse s'adapter aux nouvelles conditions extérieures créatrices d'un déséquilibre. Il est indispensable que le pianiste développe en lui un équilibre
15 pour que ces perturbations influent le moins possible sur son expression. De nombreux facteurs interviennent dans le déséquilibre d'un pianiste : acoustique de la salle, poids du clavier, sonorité du piano, mécanisme de pédales. Le pianiste doit faire preuve d'une grande adaptabilité. La mise en jeu des pédales intervient directement dans le déséquilibre corporel et mental du pianiste. Il est important que l'élève se place en équilibre sur ses pieds malgré le changement de position. L'élève doit conserver l'appui qu'il avait lorsque ses pieds étaient à la même hauteur. L'appui du pied qui mettra la pédale, va se décaler : du pied entier, il passera sur le talon. Il est donc préférable que l'élève mette le bout du pied sur la pédale. Il privilégie ainsi un meilleur contact avec le sol. L'avancée d'un pied ou d'un autre ne doit en rien perturber l'équilibre du pianiste qui est en train de jouer. Le professeur doit être vigilant à ce que l'avancée du pied droit n'entraîne pas un déséquilibre car c'est le corps tout entier qui sera alors déséquilibré. En effet, ne pas avoir d'appui sur la jambe droite désaxe le bassin qui déséquilibre la ceinture scapulaire, les bras, les doigts et au final le son ! C'est une réelle réaction en chaîne. Ce changement de positionnement corporel peut­être travaillé dès la fin du premier cycle si l'élève est assez mûr (dans la dissociation des deux mains par exemple). Il est important que le pédagogue puisse faire prendre conscience à l'élève que la mise en action de la pédale peut provoquer un déséquilibre de son corps. Ainsi,il pourra peu à peu être vigilant et se corriger. La pédale forte peut déstabiliser l'élève par son action sur le son. Il n'est généralement que ponctuel et on ne peut pas dire qu'il le déséquilibre. Par contre la pédale una corda peut provoquer un plus grand déséquilibre. En effet, le fait que le clavier se déplace vers la droite sur les pianos à queues modifie l'équilibre corporel et mental. L'élève n'a plus la même vision dans l'espace et peut perdre ses repères. De plus, la sonorité du piano avec cette pédale ouvre un espace insoupçonné. Enfin, le toucher est lui aussi modifié : il devient un peu plus sec. Ces transformations sont autant d'éléments déstabilisants chez l'élève. Le professeur doit en tenir compte. Par conséquent, et je l'ai déjà évoqué, il faut que l'élève ait très tôt la possibilité de pouvoir changer d'instruments et jouer dans
16 différents endroits de manière à explorer toutes les possibilités instrumentales. Pour réussir cette adaptation, il est nécessaire qu'il développe son équilibre corporel et mental. Je terminerai ce chapitre en proposant un exercice de travail de la pédale. Il s'agit de penser à la pédale sans l'enfoncer physiquement en chantant la musique intérieurement avec ou sans partition. Le but de cet exercice est de faire prendre conscience d'un geste (ici mise de la pédale) sans qu'il perturbe l'équilibre général de l'individu. C'est aussi pour faire prendre conscience du talon, de l'appui du pied et donc du point d'équilibre à développer. 2.5. Équilibre des trois sens (kinesthésique, auditif et visuel) La musique fait appel à trois sens chez l'homme: le sens kinesthésique, le sens auditif et le sens visuel. Mais ceux­ci ne sont pas développés de manière égale chez chaque individu. La P.N.L.(Programmation Neuro Linguistique) pose qu'un "sens ne peut être utilisé de façon prédominante par rapport aux autres dans les activités cognitives comme dans les situations de communication". 18 En effet, la plupart des gens tend à privilégier l'une de ses représentations sensorielles. Pour la P.N.L., c'est la fréquence d'apparition des signes sensoriels qui fait dire qu'on a une « prédominance » ou une orientation. La P.N.L. décrit trois catégories de prédominances sensorielles : visuelle, auditive et kinesthésique. Ainsi, une personne « orientée visuel » a tendance à se fier davantage à ce qu'elle voit plutôt qu'à ce qu'elle entend ou éprouve. Une personne « orientée auditif » accorde une grande importance à ce qui est dit, aux explications verbales, aux discutions. Enfin, les personnes possédant une « orientation kinesthésique » se basent sur leurs perceptions tactiles, leurs expériences corporelles, leurs sensations et émotions. Il est donc intéressant de connaître nos prédominances sensorielles et d'en 18 CUDICIO Catherine, Le grand livre de la PNL, Editions d'organisation, Paris, septembre 2004, p.54.
17 prendre conscience dans le jeu instrumental. En effet, la musique fait appel à ces trois sens simultanément. Il faut être vigilant pour développer face à l'instrument les deux autres sens moins dominants en soi. Le travail musical est très complet pour le développement de l'individu. La musique fait appel aussi bien à la vue (lecture de partition, regard sur ses mains) qu'au toucher (contact avec la touche, ressenti corporel) et à l'ouïe. Il est important pour le professeur de repérer le sens dominant chez ses élèves et de faire travailler leurs oeuvres de manière à développer leurs autres sens. Depuis que j'enseigne, j'ai rencontré peu d'élèves à prédominance auditive ou kinesthésique. Par contre, la grande majorité était visuelle, d'ailleurs la P.N.L. soutient qu'il y a plus «d'individus visuels » que « auditifs » et encore moins « kinesthésiques ». Pour permettre de développer le sens auditif et kinesthésique, je conseille à mes élèves de jouer les yeux fermés ou bien de ne pas regarder leurs mains. Le sens kinesthésique peut se développer également par un travail corporel en dehors de l'instrument ou dans le jeu au piano très lent, yeux fermés. Enfin, pour développer le sens visuel, je demande aussi à l'élève de regarder ses mains et non de les voir simplement. Regarder exactement là où les doigts se posent. Je propose aussi de lire et mémoriser la partition sans jouer, rien qu'en la « photographiant » du regard. Il y a quelques années, en temps qu'élève, je jouais lors d'auditions et j'avais continuellement des trous de mémoire dès que mes yeux se posaient sur mes mains. L'affolement était à son comble quand mes yeux semblaient découvrir pour la première fois mes doigts se poser sur les touches. Dès l'instant où j'ai travaillé en regardant mes mains, selon les conseils de mon professeur, je n'ai plus jamais connu d'angoisse de la sorte. Il me fallait réaliser que j'avais une prédominance auditive et que je travaillais quotidiennement mon piano le nez en l'air et les yeux hagards. Le travail musical accompli dans cette direction permet d'équilibrer les trois sens: visuel, auditif et kinesthésique. B. BOUTHINON DUMAS, quant à elle, parle de mémoires tactile, auditive et visuelle. 19 Ces mémoires sont dépendantes les unes des autres. Elle affirme que 19 BOUTHINON DUMAS Brigitte, Mémoire d'empreintes, l'enseignement du piano, Points de vue, Cité de la musique, Paris, 2003, p. 49.
18 c'est l'alliance de ces trois mémoires qui donne le sentiment de sécurité lorsque l'on joue par coeur comme cité dans l'exemple ci­dessus. Il est donc important de développer, par le travail, ces trois mémoires pour créer un équilibre, une stabilité corporelle mais surtout mentale. Pour D. HOPPENOT, l'équilibre part de l'oreille. C'est l'audition qui règle « l'organisation corporelle ». 20 Son analyse est cependant incomplète. L'équilibre du corps humain dépend essentiellement de trois facteurs: la posture (sens kinesthésique), la vue (sens visuel) et l'ouïe (sens auditif). Chez l'homme debout, l'équilibre est maintenu lorsque la verticale passant par le centre de gravité se projette à l'intérieur du polygone de sustentation (défini par la surface d'appui des pieds au sol). 21 L'équilibre postural est construit grâce au squelette et au maintien musculaire (tonus musculaire). Le système visuel agit également sur l'équilibre. Des fonctions proprioceptives (vision de nos sensations intérieures) permettent de maintenir l'équilibre du corps lorsque l'oreille observe des images en mouvement. De plus, le système auditif contribue à cet équilibre. En effet, l'oreille possède un appareil vestibulaire qui détecte les mouvements de la tête et sa position par rapport à la verticale. Ce système est essentiel pour la maîtrise de l'équilibre et du déséquilibre en déplacement ou dans l'immobilité. Toutes ces informations sur l'équilibre sont captées par des récepteurs situés dans les muscles, tendons, capsules articulaires ou récepteurs cutanés. Cependant, sans le contrôle de l'oreille, quelle que soit la précision gestuelle, la sonorité n'est qu'un bruit. Il n'y a donc pas à privilégier dans le travail instrumental, un sens en particulier mais, au contraire, à développer les trois sens de manière la plus égale possible pour obtenir un équilibre sensitif et psychologique chez le musicien. 20 HOPPENOT Dominique, Le violon intérieur , op. cit., p. 118. 21 Encyclopédie Universalis, Corpus 8.
19 3. Équilibre ou déséquilibre ? Voici un tableau comparatif illustré d'exemples afin de mettre en valeur les différences physiologiques, psychologiques d'un pianiste ainsi que celles de son jeu musical par rapport à sa situation d'équilibre ou de déséquilibre. Rappelons certains principes : ­tonus postural : contraction statique qui immobilise les articulations pour maintenir l'état d'équilibre. Le tonus postural assure un point d'appui aux muscles moteurs 22 . ­axe tragien : (terme emprunté à Philippe CHAMAGNE) : alignement du centre du conduit auditif avec le centre de l'articulation de l'épaule 23 . ­effet de synergie : muscle ou groupe de muscles fonctionnant en simultanéité avec un autre groupe musculaire. Les synergies ont pour but d'installer un équilibre dans le maintien de différents segments 24 . ­ceinture scapulaire : ensemble fonctionnel formé par les deux clavicules et les deux omoplates (reliées entre elles). Complexe fait pour porter les bras et les mouvoir dans l'espace 25 . ­première commissure : écartement, ouverture entre le pouce et l'index. 3.1. Attitude, position, comportement au piano Équilibre équilibr e statique juste : *tonus postural *axe tragien respecté *placement juste du bassin (équilibre entre rétroversion et antéversion) Déséquilibre déséquilibre de posture statique : *absence de tonus postural, absence de maintien postural *axe tragien non respecté *mauvais placement du bassin (déficit de mobilité) *absence d'effet de synergie des muscles agonistes et antagonistes comportement physiologique lor s comportement anti­physiologique lors du du jeu jeu : *soutien scapulaire *absence de soutien au niveau de la ceinture scapulaire 22.CHAMAGNE Philippe, Prévention des troubles fonctionnels chez les musiciens, Alexitère, Dijon­Quetigny, 1996, p.66. 23.CHAMAGNE Philippe, Prévention des troubles fonctionnels chez les musiciens, op. cit., p. 82. 24.CHAMAGNE Philippe, Prévention des troubles fonctionnels chez les musiciens, op. cit., p.62. 25.CHAMAGNE Philippe, Prévention des troubles fonctionnels chez les musiciens, op. cit., p. 206.
20 Équilibre Déséquilibre *ouverture pouce­index de la main *déséquilibre de la main : fermeture de la première commissure *flexion et extension coordonnées *flexions et extensions des muscles non synchronisées *mouvements « parasites », déplacements vers l'avant et sur les côtés travail dissocié sur les trois sens absence de travail sur le sens visuel, (visuel, kinesthésique et auditif) kinesthésique et auditif sensation d' un « lâcher prise » volonté d'y ar river" à tout prix" lor s du jeu tout en étant vigilant Exemples de déséquilibres en ayant une position statique : J'ai souvent remarqué la non vigilance des élèves lors du déchiffrage au piano. Ils ne prennent pas le temps de se placer correctement considérant cela comme un travail secondaire par rapport au travail de lecture. Les exemples de déséquilibre les plus courant remarqués sont : une position de tête « tirée » vers l'avant accompagnée d'une cambrure lombaire cause d'une focalisation sur la partition, pieds placés sous le tabouret ou tendus sous le piano et dos voûté, position avachie. Le personnage de Glenn GOULD est intéressant par rapport à cette notion. Certes, il jouait très bien mais il a lui même pendant de longues années cherché un équilibre face à ses douleurs physiques et morales. Son journal publié sous le nom de Journal d'une crise est la preuve de ses recherches physiologiques, sa quête de bien être. En effet, GOULD a souffert de nombreux maux causés par sa position anti­ physiologique. Il constate lui même son manque de soutien : « l'affaissement vertébral » qui rend difficile l'élévation de la partie supérieure du bras est la cause des problèmes rencontrés". 26 Exemple de comportement anti­physiologique pendant le jeu J'ai observé le cours d'un élève qui travaillait sur les arpèges. Le son était lourd, « écrasé », les doigts de l'élève étaient aplatis (voûte métacarpienne absente). Cet enfant avait des difficultés à progresser dans les tessitures, ses mains se 26 GOULD Glenn, Journal d'une crise, op. cit., .p.41.
21 désynchronisaient et le passage des pouces était laborieux. Un manque de soutien des bras était flagrant. Ses omoplates étaient décollées du rachis. Sa main ne pouvait donc pas se mouvoir avec liberté. Exemple d'un manque de travail dissocié sur les trois sens J'ai constaté un déséquilibre en assistant au cours d'un élève qui travaillait les gammes les yeux fermés sur les conseils de son professeur : absence de contact, peur, recréation du rythme avec le corps (déplacement de l'axe). Cet élève n'avait pas assez travaillé son sens kinesthésique. De nature plutôt visuel, il ne faisait pas assez confiance aux deux autres sens pouvant l'aider musicalement. 3.2. Conséquences physiologiques Équilibre Déséquilibre *limitation des effets du trac *effet du trac non maîtrisés *meilleure respiration *blocages respiratoir es *meilleur drainage (sanguin, lymphatique...) *mauvaise circulation *bien être corporel : sensation de légèr eté, rapidité digitale, absence d' effort *puissance musculaire utilisée de manière juste sans forcer et surtout : usage d'une énergie non musculaire plus puissante *bonne écoute (attention) Exemples : *compensations musculaires : ­accentuation des courbures vertébrales (cyphose, lordose, scoliose) ­contractures et gonflements * main joue en force : ­déperdition d'énergie ­fatigue musculaire (tendinites, crispations..) ­dystonie de fonction *surdité momentanée Les témoignages de Glenn Gould sur ses problèmes physiques sont nombreux faute d'un manque d'équilibre ; fourmillement au bout des doigts, douleurs dans le cou, le dos, les bras, troubles oculaires, vertiges, défaut de coordination etc. 27 Ayant moi même rencontré des soucis de santé causés par un mauvais équilibre (tendinites, maux de dos...). Cette attitude empêchait mon bien être et bloquait mon expression. 27 GOULD Glenn, Journal d'une crise, op. cit., p.10, 63, 76.
22 3.3. Conséquences sur le mental Comme je l'ai dit dans la partie 2.2, le corps et le mental sont indissociables. Il est donc logique qu'un déséquilibre du corps entier entraîne des troubles au niveau psychologique. Je dégagerai quelques conséquences : Équilibre Déséquilibre *concentration sans fournir d'efforts *difficulté de concentration *bien être mental lié au bien être physique *blocages liés à des états d'être (mental défectueux) *stimulation au travail *démotivation *sensation de maîtrise (confiance en soi, maîtrise du trac) *mésestime de soi, pensées parasites Exemples : J'ai souvent observé les symptômes du trac chez les adolescents d'une timidité excessive n'ayant pas encore travaillé leur équilibre au piano. Ce trac les envahi à chaque montée sur scène et bloque leur expression. Enfin, la démotivation entraînée par un jeu déséquilibré est remarquable chez GOULD qui témoigne : "plusieurs heures de découragements dû (...) à une contraction générale des poignets". 28 3.4. Conséquences musicales Équilibre Déséquilibre *respect du texte, transmission de l' expression musicale *expression des sentiments propres du pianiste (mêlée aux blocages physiques et mentaux) *intentions musicales restituées *le retour sonore n'est pas celui attendu *tension/détente musicale r estituées *état de tensions ou de relâchement musicaux excessifs 28 GOULD Glenn, Journal d'une crise, op. cit., p.48.
23 4. Les apprentissages de l'équilibre Il n'est pas facile pour un professeur de développer les sensations corporelles d'un élève. Il est beaucoup plus aisé de faire comprendre intellectuellement que de faire ressentir une notion à un élève. En effet, le professeur peut difficilement se mettre à la place ou dans la peau de ce dernier. La pédagogie par imitation serait ici loin d'être la meilleure. L'élève ne doit pas recréer un résultat qui lui soit extérieur. Au contraire, il doit diriger son attention sur SA propre sensation physique. 4.1. Les apprentissages au piano a) Équilibre postural l Équilibre du corps L'équilibre idéal du pianiste n'a bien entendu aucun caractère normatif, il doit être adapté à chacun. Cependant il s'affirme comme une réalité à laquelle on ne peut échapper puisqu'il découle de l'adaptation de l'individu au fonctionnement de l'instrument. Il existe donc une position d'équilibre qui répond à des constantes universelles. Elle doit avant tout être ressentie par l'élève dans le but qu'il l'adopte au quotidien. Une posture d'équilibre permet, nous l'avons dit auparavant, de créer une force qui va s'opposer à la force gravitationnelle. Ainsi, le pianiste ressent beaucoup moins un poids qui l'attire vers le sol ce qui permet d'éviter un jeu (et un son) lourd dans laquelle la vitesse d'exécution n'est pas envisageable. Ø Construction de la position assise au piano L'équilibre se crée en premier lieu à partir des pieds. Il faut pour cela que les pieds du pianiste soient en contact total avec le sol (bien à plat). Ils doivent être écartés d’une distance égale à la largeur du bassin. Placé ainsi, le pianiste prend toute sa force, son énergie dans le sol pour jouer. Ensuite, les genoux doivent être pliés et se situer à la verticale des pieds. En fait, le pianiste se doit d'être en appui sur ses jambes plus que sur son siège. En effet, l'ancrage au sol est un point crucial pour que soit établi un vrai équilibre. Pour les
24 enfants, trop petits encore pour atteindre le sol, je conseille de placer un petit tabouret sur lequel ils pourront poser leurs pieds et prendre appui comme sur le sol. Le pianiste doit s'asseoir sur la moitié antérieur de son siège et se placer sur ses ischions (os des fesses). Les ischions font partie de la ceinture pelvienne. Cette dernière comprend le bassin qui a un très grand rôle dans l'équilibre du corps entier. En effet, il peut très facilement basculer vers l'avant (cambrure lombaire) ou vers l'arrière (hyperlombalgie). Le pianiste doit chercher en lui­même le bon placement du bassin. Il peut faire rouler son bassin et passer de l'antéversion à la rétroversion pour trouver sa position et sentir qu'il est assis sur les ischions. Le bassin a un très grand rôle car, mal placé, il peut couper « le haut » du corps avec « le bas ». La prise d'énergie faite par la bonne posture des pieds et des jambes va être stoppée par la position de déséquilibre du bassin et cette force ne parviendra pas dans sa totalité jusqu'aux doigts. Ensuite, nous parvenons à la ceinture scapulaire qui comprend entre autre les omoplates et les clavicules. Les omoplates ont pour rôle de porter (soutenir) les bras. Pour mener à bien ce rôle et pour que le corps soit équilibré, les omoplates doivent être plaquées contre le rachis (colonne vertébrale). Dans cette position, on obtient en même temps une ouverture claviculaire c'est à dire une légère avancée du buste vers l'avant. Concernant les épaules, elles ne doivent en aucun cas être remontées, déracinées vers le haut ou vers l'avant car la coordination complexe des muscles dans l'action du bras sera faussée. Le cou et la tête sont dans le prolongement de la colonne vertébrale. Le menton se recule légèrement et la tête (avec le cou) s'étire vers le haut comme si quelqu'un tirait un fil imaginaire au sommet du crâne. Enfin, si le poids des bras est bien porté par le dos, les coudes sont détendus ainsi que les poignets. Construire un équilibre du corps au piano consiste à faire travailler les muscles du soutien (isométriques). Ces muscles sont faits pour pouvoir porter certaines parties du corps. Le musicien n'éprouve donc aucune fatigue en les mobilisant.
25 Mais construire l'équilibre du corps n'est pas qu'un travail musculaire. Nous l'avons vu, il s'agit aussi d'un alignement (empilement, emboîtement) d'os, la colonne vertébrale en est une belle représentation. Ø Représentation : Forces d’attraction Ø Exercices pratiques : ­Exer cice N°1: Je propose ce petit exercice d'équilibre en dehors du piano (pour les plus petits élèves): ­se mettre debout ­fermer les yeux et imaginer son corps se métamorphosant en arbre : les pieds et les jambes sont les racines, le ventre et le buste sont le tronc, les bras sont les branches et, les mains les feuilles de l'arbre. ­quelques minutes après, comme un jeu, imaginer le vent dans les branches et agiter les bras de telle manière à rester bien enraciner au sol (on peut faire ouvrir les yeux) Ce petit jeu peut paraître naïf mais il n'est pas très évident. Par l'image, l'enfant arrivera plus facilement à ressentir cette position d'équilibre. Passer par l'imaginaire pour les enfants est un moyen de leur faire intégrer des notions plus facilement que par des explications verbales. ­Exer cice N°2: ­Le faire asseoir. ­Lui faire sentir l'appui au sol et la force des jambes: Écarter le tabouret du piano.
26 Faire plusieurs fois : s'asseoir sur le bord du siège de manière à presque pouvoir tenir dans cette position sans tabouret, puis de manière à pouvoir se lever tout de suite. ­Lui faire sentir les ischions et le placement du bassin. ­Lui faire reculer le bassin d'avant en arrière pour se fixer « au milieu ».Lui faire sentir l'étirement de la colonne vertébrale. Côté plus imaginaire : penser qu'on tire un fil au­dessus de sa tête qui allonge sa colonne et redresse son cou et sa tête, ou qu'une force imaginaire l'attire vers le haut (sans qu'il soit déraciné). l Équilibre de la main La main est le dernier « maillon » de la chaîne que nous venons de construire. Sa solidité est essentielle à l'équilibre du corps entier. La construction de la main permet : _de s'opposer au poids du bras libre (sans crispation) _de transmettre l'énergie, la force prise depuis les pieds La crispation de la main (des doigts) bloque bon nombre d'articulations en particulier celle du poignet. Ø Construction de la main: Il s'agit avant tout de construire un arc de voûte, "os contre os" pour avoir une main solide pour éviter les crispations musculaires pendant le jeu musical. Placée ainsi, la main est en équilibre, stable. Les doigts peuvent acquérir une force. Pour construire cet arc de voûte : Placer sa main à plat (soit sur une table, soit sur le clavier) Tirer la première phalange du doigt Continuer à tirer : la deuxième phalange se lève Lever la dernière phalange : le métacarpe Il est important que le pouce et l'index forme presque un « o ». En effet, une explication physiologique sous tend l'affirmation de cette position. Le pouce et l'index sont des piliers pour l'équilibre de la main. Lorsque le pouce s'écarte un peu par rapport à l'index, il se créé des contractions par synergie d'autres muscles
27 favorisant l'élargissement et le maintien de la voûte métacarpienne 29 . Cet effet de synergie stabilise les articulations métacarpo­phalangiennes. Autrement dit, cette ouverture pouce­index assure une autonomie et une plus grande précision des doigts. Elle crée un équilibre dans la main. Il est nécessaire que le professeur soit vigilant par rapport à cette position pendant le jeu musical de son élève. Si l'ouverture de la première commissure (écartement pouce­index) est absente, l'arc de voûte de la main aura tendance à s'affaisser, les doigts se resserreront et le majeur sera en tension pour rétablir un équilibre fonctionnel. L'élève ne sera pas dans un confort physique et mental mais surtout, il aura quelques difficultés à traduire ses intentions musicales. Pour contribuer à l'équilibre de la main lors du jeu, les doigts doivent être stabilisés. Le poids doit passer d'un doigt à l'autre sans déperdition d'énergie. Pour cela, la flexion de chaque doigt est primordiale. En effet, dès que le doigt prend appui sur la touche, la flexion des phalanges et la contraction de groupes musculaires respectifs créent la stabilité de la voûte métacarpienne et rendent le doigt plus solide. Pour rechercher une sonorité ou un phrasé, le fléchisseur profond doit entrer en action par la mobilisation de la dernière phalange. Ce fléchisseur est un muscle très puissant qu'il faut faire sentir à l'élève. Pour cela, on peut lui faire poser la main à plat et qu'il tire sur sa dernière phalange en plaçant l'autre main sous le poignet. Ensuite, il faudra que l'élève ressente intérieurement cette action sans contrôle extérieur. La stabilité de la main ne peut pas être effective si l'auriculaire est « couché » sur la touche ou arrondi comme les autres doigts (sauf le pouce) avec les phalanges pliées. En effet, il est nécessaire d'entraîner ce doigt à se placer comme un « i » car il a plus de force dans cette position et surtout, il évite à la main de se retourner vers l'extérieur. Comme je l'ai mentionné, il n'est pas évident d'apprendre ces notions aux élèves pianistes. Les termes d'équilibre et de stabilité sont difficiles à faire comprendre, il faut arriver à trouver une traduction physique à ces notions plutôt abstraites. Par exemple, le professeur peut jouer sur l'avant bras de l'élève pour qu'il sente le travail du fléchisseur par exemple. Il peut aussi opposer la réalité extérieure qu'il 29 CHAMAGNE Philippe, Prévention des troubles fonctionnels chez les musiciens, op. cit., p.167.
28 perçoit de son élève en reproduisant ses gestes et sa sonorité. Le professeur se doit d'associer la qualité du toucher avec la qualité sonore. En effet, il faut toujours préciser que le travail d'un geste a pour but un changement sonore. Dans ce travail, le professeur peut vite oublier la musique pour ne travailler que la technique. Ce travail d'équilibre du corps et de la main doit être ressenti par l'élève. Pour l'équilibre digital, je demande souvent aux élèves de rechercher un « plancher » sous leurs doigts, un terrain d'appui. Cette image est souvent plus efficace qu'un long discours ! Enfin, je pense qu'il est nécessaire qu'un professeur fasse ce travail sensitif afin de guider ses élèves sur la voie de leurs sensations. b) Équilibre au clavier l Placement du corps dans le Hara Dans la langue japonaise, le centre de gravité du corps humain est nommé « Hara ». Il se situe au niveau de la troisième vertèbre lombaire. Le Hara n'est pas un organe précis que l'on peut situer anatomiquement. Il est le lieu où se concentre notre force, où se fonde notre stabilité. « Être dans son Hara» c'est sentir son centre de gravité au niveau du bas ventre et non au niveau du thorax. Pour D. HOPPENOT, il s'agit d'établir une concentration dans son acception littérale (...) fondée dans une assise juste (posture) et que notre respiration soit placée" 30 . Le musicien placé dans son Hara acquiert une stabilité autant physique que mentale. En effet dans cette attitude une certaine relaxation du haut du corps est possible et peut aider le pianiste lors des passages techniques complexes. Elle permet aussi de ne pas engendrer de tensions parasites dans les parties du corps en mouvement (bras, coudes, poignets, doigts). La relaxation de la partie haute du corps dépend d'un bon ancrage dans le Hara. Le pianiste se sentant plus détendu mais ancré est plus serein et arrive à mieux transmettre ses intentions musicales. Pour les orientaux, une force vitale invisible circule dans le corps ; ils la 30 HOPPENOT Dominique, Le violon intérieur, op. cit., p.174.
29 nomment énergie mais elle ne peut être quantifiée car elle ne passe par aucun canaux du corps. Elle est nommée « T'Chi ». Cette énergie peut circuler correctement si le corps est maintenu en position équilibrée (voir I). Le « T'Chi » peut­être ressenti par différentes pratiques comme le Tai­Chi­Chuan (que je développerai plus tard dans ce mémoire). C'est une force qui surpasse la force musculaire. Elle est donc bien utile au musicien voulant économiser sa force physique. Le « T'Chi » émane du Hara et rayonne dans tout le corps si ce dernier est positionné en équilibre. Si le musicien ne prend pas conscience de son Hara, il ne peut pas acquérir cette force. Comme nous l'avons mentionné dans la partie 2.2, le corps n'est pas dissocié de l'esprit. S'il se produit lors du jeu des tensions physiques, le T'Chi ne peut pas circuler correctement dans le corps. Les tensions physiques se transforment en tensions mentales qui se répercutent au niveau de l'extériorisation. Et donc l'énergie ne passe pas jusqu'à l'auditoire. Enfin, la sensation d'être dans son Hara est pour un musicien très agréable. Elle donne la sensation d'être plus stable et plus équilibré. Être dans son Hara n'est pas seulement l'adoption d'une attitude ou d'une nouvelle façon de se tenir. Elle est aussi une modification au niveau de l'esprit car le changement d'attitude corporelle a inévitablement une répercussion sur le mental. Ainsi le musicien reprend contact avec son moi propre qui lui permet ensuite de s'exprimer musicalement plus librement. Je propose aux élèves deux exercices visant à prendre conscience du Hara:
· Premier exercice: Debout, détendu, respiration calme, genoux légèrement fléchis.
· à chaque expiration, les épaules se relâchent, le haut du corps se détend un peu plus
· puis, à chaque fin d'expiration, on s'installe dans le « bassin » (on réduit légèrement la cambrure lombaire et on s'assoit dans le bassin)
· ensuite, on laisse glisser le bas­ventre vers le sol, sans contracter la musculature; on le laisse descendre naturellement Cet exercice fait ressentir un contact différent avec le sol. Le pratiquant a un plus grand contact et une meilleure conscience de la surface de contact du sol avec ses pieds. Cet exercice fait ressentir une force provenant du bas et une légèreté
30 provenant du haut du corps. Attention! Veillez à ce que les épaules et les genoux soient détendus.
· Deuxième exercice: La mar che lente
· marcher au ralenti en prenant conscience du déplacement du centre de gravité
· associer la respiration (lever une jambe – inspirer, poser la jambe en avançant – expirer) Le plus important est de sentir que le déplacement ne se fait qu'à partir du centre de gravité. l Le soutien Ø Explication Le corps humain est soumis à la gravité. Il exerce donc un certain poids sur le sol. Pour jouer, le pianiste doit savoir gérer ce poids. C'est son énergie première. Le poids peut­être un avantage comme un handicap. Le pianiste doit donc cesser de le subir pour apprendre à s'en servir. Le musicien peut « doser » la quantité de poids qu'il met sur le clavier grâce à un réglage correct du tabouret sur lequel il est assis et grâce à une position physiologique de sa ceinture scapulaire permettant le soutien des bras. La hauteur du siège est importante. En effet, l'avant bras du pianiste, « plongeant » ou trop haut par rapport au clavier, empêche le poids de « couler » librement jusqu'au bout des doigts. Le réglage du tabouret doit être fait de manière à laisser l'avant­bras en prolongement naturel du clavier. Cette position facilite le transfert du poids du bras au clavier. Il est facile pour un professeur de transmettre cette notion simple dès les premiers pas du pianiste. Il est nécessaire que l'élève débutant prenne conscience de l'importance du placement correct du corps avant le jeu. Le son produit dépend beaucoup de cet équilibre de départ. Le soutien exercé par les muscles de la ceinture scapulaire est indispensable au pianiste : plus les bras sont légers, plus les mouvements sont facilités. L'expression peut alors naître. Le soutien est donc un moyen de s'opposer à la pesanteur qui freine et réduit les mouvements.
31 Nous sommes constitués de deux chaînes musculaires: les muscles isotoniques et les muscles isométriques. Les premiers ont pour rôle de produire le mouvement en se raccourcissant. Les muscles isométriques servent à immobiliser les articulations pour maintenir l'état d'équilibre. La contraction de ces muscles est nommée tonus postural. Dans le maintien d'une attitude, il agit en permanence de manière inconsciente sur tous les muscles destinés à ce maintien. Ce tonus varie constamment pour assurer l'équilibre de la posture. C'est donc ce groupe musculaire qui est sollicité dans le jeu pianistique pour soutenir le poids des bras. Mais les muscles isométriques de la ceinture scapulaire, attachés au système osseux, ne peuvent pas fonctionner si les os eux­mêmes ne sont pas positionnés de manière la plus physiologique. En effet, la ceinture scapulaire est composée des clavicules, des omoplates et du sternum. La stabilité de la ceinture scapulaire est assurée en grande partie par l'omoplate. Il est donc indispensable que le pianiste plaque ses omoplates au rachis en les faisant glisser vers le bas. Il obtient en même temps une ouverture des clavicules. Le kinésithérapeute Philippe CHAMAGNE soutien cette évidence: "Il est indéniable que la liberté voulue et recherchée dans les articulations de l'épaule, du coude et du poignet, ne peuvent être obtenues que par une solidité dans la fixation de l'omoplate (...)" 31 Ø Exercice Un petit exercice peut être proposé aux élèves pour avoir un positionnement scapulaire physiologiquement correct en vue du jeu pianistique · placer ses coudes collés le long du corps · plier les avant­bras à 90° · ouvrir les avant­bras en laissant les coudes collés au corps · sentir que les omoplates se plaquent contre la colonne vertébrale et qu'il y a une ouverture au niveau des clavicules · garder cette sensation et sans déplacer les omoplates, laisser revenir les bras sur le clavier (et décoller les coudes du corps) Ce positionnement osseux permet donc aux muscles isométriques d'être efficaces 31 CHAMAGNE Philippe, Prévention des troubles fonctionnels chez le musicien, op. cit., p.117.
32 et ainsi, allège le poids du bras. Cet équilibre réalisé, le pianiste acquiert une plus grande liberté de mouvements et donc une plus grande liberté d'expression musicale. Ø Travail du soutien avec les élèves pianistes Travail du soutien du bras sans piano: Monter bras tendu devant soi à hauteur des épaules. Poser sur l'épaule la main opposée au bras levé. Appuyer le pouce au niveau du creux de l'épaule, de l'emboîtement bras/clavicules/omoplates. Le pouce appuie en fait sur le deltoïde « antérieur » (muscle qui entoure l'épaule). Baisser le bras tendu et le remonter à nouveau. Faire cela plusieurs fois et sentir le muscle se contracter quand le bras se lève. Faire prendre conscience à l'élève que ce muscle permet le soutien du bras (il n'est pas le seul mais il est très important!). Il doit toujours être contracté pendant le jeu au piano. Travail du soutien de l'avant bras sans piano : Pour que l'élève sente le biceps qui soutient l'avant bras, on peut lui faire poser la main gauche sur son biceps droit. Debout, il monte l'autre bras puis le descend, comme le deltoïde, le biceps devra être contracté lors du jeu pianistique. Il est nécessaire, après ce travail de recherche sur ses sensations, que l'élève fasse ce travail au piano. L'élève doit prendre conscience qu'un manque de soutien, donc une absence d'équilibre agit sur la sonorité. Travail du soutien du bras avec piano : (mobilisation du deltoïde) Faire des « chutes » sur sa cuisse au début puis sur clavier (main tombant à plat):
- Lever le bras et le laisser chuter de tout son poids sans contracter le deltoïde. Placer toujours le pouce sur le deltoïde pour contrôler qu'il est relâché. L'élève va constater la puissance sonore désagréable et l'impossibilité de se mouvoir avec autant de poids.
- Recommencer mais chuter en contractant le deltoïde. L'élève va entendre la grande différence d'intensité sonore et la possibilité plus grande de pouvoir jouer. Attention: il est important que l'élève ne chute pas sur un doigt au départ, sa
33 concentration risque de se focaliser sur une note à « viser » et la crispation se fera ressentir de suite. Il est préférable que l'élève, au début chute sur la main ou sur plusieurs doigts. Travail de soutien de l'avant bras avec piano:(mobilisation du biceps) Faire des « chutes » également en ayant la même démarche progressive (cuisse – bois – clavier) Lever l'avant bras et le laisser chuter sans contracter le biceps puis en contractant. Toujours bien faire sentir la différence (en tendant le muscle puis sans). L'élève constatera encore une différence supplémentaire au niveau sonore. Il sentira qu'il chute sur une petite masse. Attention: Garder le deltoïde contracté lors de ce travail d'avant­bras. l Positionnement de la main L’équilibre de la main mais aussi de tout le système musculaire qui est sollicité pour jouer du piano dépend d’un positionnement correct, correspondant aux lois physiologiques de l’avant bras et de la main. L’avant bras du pianiste doit, en effet, se placer en supination. En dehors du piano lorsqu’on observe la position du système avant bras/main relâché le long du corps, on remarque l’avant bras en supination et le pouce en prolongement direct de l’avant bras. Cette position oblique est la plus physiologique et assure un bon fonctionnement digital. Elle doit donc être maintenue au piano. Ainsi la main du pianiste se pose sur le clavier de manière oblique. Cette position présente plusieurs avantages. L'avant bras en supination tend à réduire le croisement des deux os (radius et cubitus) qui le composent. Cette position permet aux muscles (fléchisseurs et extenseurs) de l’avant bras d'agir avec la plus grande économie car la torsion des muscles de l’avant bras est moindre et leur axe de travail plus rectiligne. CHOPIN fait part de cette position de main dans ses écrits. Il parle de poser sur les touches mi, fa#, sol#, la# et si pour trouver la plus juste position de la main au
34 piano 32 De plus, l'inclinaison oblique de la main libère l’ouverture pouce/index qui exerce une grande influence sur tous les autres doigts. Cette position est donc libératrice pour l’agilité digitale. D'ailleurs, un élève de CHOPIN (KLECZYNSKI) mentionne dans ses écrits que la clé d'un jeu égal est la position des mains « un peu tournées en sens inverse » où les doigts sont posés sur mi, fa#, sol#, la#, si (main droite) et do, sib, lab, solb, fa (main gauche). 33 Cette position en obliquité augmente le rayon d'action du pouce qui, entrant plus au fond de la touche, équilibre sa taille avec celle des autres doigts. De même, cette inclinaison réduit la tendance du poignet à la crispation laissant « couler » le poids jusqu’au bout des doigts. Enfin, l’obliquité de la main ouvre la possibilité de jouer non plus de façon perpendiculaire aux touches mais en biais. Les distances sur le clavier sont ainsi « raccourcies » et par là même les écartements des doigts sont réduits, cause d’aggravation majeure de blocage du poignet pour couvrir ces distances. On trouve des remarques équivalentes sur la position oblique de la main chez HUMMEL (dont CHOPIN s'est sans doute inspiré). Il conseille aux pianistes de « tenir les mains libres, arrondies et un peu en dehors » 34 . HUMMEL précise que cela facilite l'usage du pouce sur les touches noires. La position d’obliquité de la main permet au pianiste d’être en contact permanent. Le pianiste peut ainsi s’exprimer librement sans crispation ni compensation musculaire car son équilibre n’est pas mis en péril à chaque instant de son jeu. c) L'équilibre en mouvement/déplacement Travailler la posture et la construction de la main est un bon point départ pour le pianiste en vue d'établir un équilibre corporel et mental. Mais comment peut on faire pour conserver cette stabilité lors du jeu musical ? En effet, jouer implique un mouvement qui peut vite venir modifier une posture statique harmonieuse. Le mouvement entraîne un ajustement permanent de l'équilibre. C'est pour cela qu'il est préférable de travailler dans un premier temps 32 EIGLDINGER Jean­Jacques, Chopin vu par ses élèves, Fayard, Paris, p.47. 33 Ibid., p.60. 34 Ibid., p.138.
35 la stabilité sans piano, sans mouvement afin d'éliminer un surcroît de difficultés. L'association équilibre et mouvement est présente dans la tradition orientale, on parle de "succession de situation", d'aller "d'équilibre en équilibre" 35 . Il y a plusieurs solutions pour pallier au déséquilibre engendré par les mouvements. Le pianiste doit toujours garder le même positionnement du corps (contact des pieds au sol, etc, voir 4.1.a). Les déplacements des bras pour accéder à la totalité du clavier (grave ou aigu) sont à effectuer grâce à une rotation de la taille. En effet, j'apprends toujours à mes élèves à tourner la taille: "comme si vous faisiez du ski". Je trouve qu'apprendre à basculer d'une fesse à l'autre fait perdre le contact avec une partie du siège et déstabilise le bassin. Dans certains cas exceptionnels, le basculement est incontournable (pour certains placements, bras croisés, par exemple). Néanmoins dans la mesure du possible, il est préférable que ce basculement s'effectue le moins souvent possible. Lors du jeu, le pianiste doit garder la même architecture de main qu'il avait construite au préalable. Il est nécessaire qu'il veille à ce que sa main reste en obliquité par rapport au clavier et à ce que son avant bras avec sa main demeure en supination. Il n'y a pas d'autres moyens que d'exercer sa concentration. De plus, le pianiste doit être vigilant à la position plaquée des omoplates contre la colonne vertébrale et au poids de ses bras toujours porté. En résumé, il doit faire attention à son soutien scapulaire. Néanmoins, régulièrement travaillées, ces positions corporelles deviennent automatiques et le pianiste n'a plus à y penser à chaque fois qu'il joue. Elles ont l'air d'une grande rigidité. Elles ne le sont pas en réalité. Elles permettent au contraire une grande liberté musicale. Elles peuvent paraître difficiles à sentir pour des élèves non débutant n'ayant pas développé une certaine conscience corporelle. Mais ces attitudes corporelles ne paraissent pas étrangères ou rigides à mes élèves débutants. Ils se placent de manière naturelle dans cette position pendant leur jeu après trois ou quatre mois de formation. De plus, nos propres émotions peuvent perturber l'équilibre postural lorsque l'on joue. Nous ressentons tous différents sentiments quand nous interprétons une oeuvre. Néanmoins, il ne faut pas se laisser submerger par nos propres émotions. 35 Http://fr.wikipedia.org/wiki/Equilibre.
36 D. HOPPENOT affirme que "l'interprétation n'est pas un simple déballage subjectif des sentiments du musicien" 36 . Pour pallier à cela, le pianiste peut travailler de manière à filtrer le plus possible ses émotions pour ne laisser transparaître que l'expression musicale. Par exemple, il est nécessaire que le pianiste s'efforce d'arrêter de bouger intempestivement pendant qu'il joue. Bien sûr, je n'affirme pas non plus qu'il faille rester "droit comme un piquet" lors du jeu. Il y a un juste milieu à trouver. Il faut pouvoir se mouvoir un peu sans changer « sa position de base », son équilibre. Un pianiste qui joue tous les passages pianissimo de son oeuvre en ayant la tête qui est « plonge » en avant est un pianiste qui se met en déséquilibre et qui se place donc de manière à entendre moins bien ce qu'il joue. Centrer son corps c'est aussi centrer son écoute ! La musique est une succession de courbes engendrées par des tensions et des détentes. Elle forme ainsi un dessin mélodique. Pour rendre une oeuvre vivante et musicale, il est nécessaire que l'élève suive, avec son corps, la courbe musicale tout en gardant un bon équilibre. Le pianiste doit sculpter, par sa sonorité, un objet courbe. Pour cela, il doit la vivre physiquement et s'il n'est pas en équilibre des raideurs physiques viendront entraver la restitution de la courbe sonore. Pour restituer la tension/détente, j'apprends à mes élèves à prendre l'énergie par les jambes et à la restituer sur le clavier. Pour le suivi de la courbe, je leur demande de faire "entrer les sons les uns dans les autres" et de prendre appui sur une des deux jambes en fonction du trajet de la courbe. Un musicien jouant de manière courbe, renvoie au public sa propre courbe. L'équilibre corporel est donc nécessaire pour restituer cette courbe c'est à dire l'expression musicale. 36 HOPPENOT Dominique, Le violon intérieur , op. cit., p.191.
37 4.2. Les Apprentissages sans piano Il est important de travailler sur son corps sans instrument. Un professeur devrait toujours consacrer quelques minutes au début de son cours pour faire faire des exercices corporels à son élève. a) Différentes pratiques développant la conscience corporelle en vue d'un meilleur équilibre (corporel et mental) Bien des méthodes existent aujourd’hui permettant d’améliorer sa perception corporelle. Je me limiterai à évoquer trois pratiques. La méthode Feldenkrais, l’eutonie et le tai chi chuan sont des méthodes qui diffèrent d’un point de vue formel mais qui ont le même objectif : travailler sur la prise de conscience du corps. Ainsi chaque individu a le choix de s’engager dans la pratique qui lui correspond. Par exemple, la méthode Feldenkrais et le tai chi ne propose que des exercices dynamiques alors que l’eutonie offre le choix d’exercices statiques ou dynamiques. Un autre exemple : la relaxation est convoquée dans la pratique eutoniste et non au tai chi. Toutes ces méthodes sont intéressantes pour le musicien car elles permettent de travailler l’équilibre physique et la détente mentale. Voir annexes. b) Exercices pratiques Voir annexes. 4.3. Conséquence de cet équilibre sur la musicalité, sur l'être et son mental Le travail d'équilibre réalisé par le pianiste a des répercutions sur la musique mais aussi sur lui même (à tous les niveaux : corporel, émotionnel, affectif, mentale et intuitif). Trois conséquences principales peuvent être distinguées. Pour le pianiste, avoir un équilibre c'est pouvoir améliorer sa conduite musicale, son phrasé. Les tensions et les détentes de la phrase sont mieux
38 gérées et surtout, il ne confond pas ses tensions/détentes avec celles de l'oeuvre. Le pianiste peut rendre la courbe de la mélodie sans engendrer en lui­ même des tensions. B. BOUTHINON­DUMAS va dans ce sens lorsqu'elle affirme que "l'aisance résultant de la stabilité rend possible une lecture globale de la phrase". 37 Pour elle, l'équilibre facilite la conduite des courbes musicales. Être stable permet aussi au pianiste de pouvoir gérer l'énergie à mobiliser plus ou moins en fonction du caractère musical (selon les nuances, les durées, les carrures de l'oeuvre...). L'expression ne peut naître que de l'énergie plus ou moins engagée ! Travailler son équilibre permet également de développer la concentration du pianiste. En effet, rechercher la stabilité en soi, c'est trouver un axe intérieur (terme de B. BOUTHINON­DUMAS). C'est cet axe qui permet de créer le calme intérieur, l'immobilité et la stabilité. Par une position harmonieuse, le pianiste peut donc trouver un état de concentration plus rapidement et plus facilement. Il créée en lui une écoute intérieure, ainsi son esprit se détend autant que son corps. Selon D. HOPPENOT, la "concentration est la possibilité de lâcher prise, de faire confiance pour coïncider totalement avec l'action et vivre l'instant présent" 38 . Mais cet état ne peut être engendré qu'à partir d'une position harmonieuse. Un pianiste n'ayant pas travaillé sa stabilité ne parvient pas à « lâcher prise » c'est à dire admettre la fausse note par exemple. Il s'en trouve déstabilisé et les répercutions musicales sur la suite de l'oeuvre se font entendre. Ce travail permet d'accepter ce que nous rencontrons et de le laisser s'accomplir. 39 J'ai un jour assisté au cours d'un élève où le changement d'attitude corporelle eu une répercution immédiate sur la musique. Cet élève travaillait sur le passage d'une oeuvre avec son professeur. Elle avait une position du dos très avachie (attitude fermée). Son professeur lui demandait de reprendre pour 37 BOUTHINON­DUMAS Brigitte, Mémoire d'empreintes, op. cit., p.27. 38 HOPPENOT Dominique, Le violon intérieur , op.cit., p.177. 39 MEYSSAN Thierry, Être son corps, le geste juste, op. cit., p.102.
39 corriger quelques erreurs. Parvenu à la cinquième reprise, cet élève jouait toujours ce passage de la même manière, distancié du son qu'il produisait. Un manque de vivacité, de réactivité par rapport aux commentaires du professeur et une absence d'écoute musicale paraissaient flagrants. Il ne parvenait pas à se concentrer. Lorsque son professeur lui demanda de se redresser et de jouer à nouveau, le son produit était transformé et l'élève aussi. J'ai ressenti à ce moment une meilleure écoute et une concentration plus importante que précédemment. Cet exemple peut paraître être un « cliché » pourtant il n'est pas fictif. L'attitude corporelle d'équilibre a un effet immédiat sur la musicalité car elle agit directement sur l'écoute du musicien. Enfin, l'équilibre améliore la respiration du pianiste et donc le processus d'optimisation du fonctionnement musculaire qui permet un geste contrôlé aboutissant à l'expression musicale. B. BOUTHINON­DUMAS soutient d'ailleurs que "la stabilité inclut d'elle même la détente et par conséquent, la possibilité de respiration". 40 De même, le pianiste ayant une position harmonieuse fait respirer l'oeuvre. L'équilibre permet de mieux ressentir le flux musical et de le suivre tout en restant distant et sans que des tensions viennent parasiter le jeu. Les conséquences de la stabilité sur la sonorité et sur l'être peuvent se schématiser. On constate qu'elles interagissent entre elles: Équilibre Conséquences sur Conséquences musicales l'individu ­qualité de présence ­"libération" de l'être ­sonorité produite conforme à notre intention ­harmonisation corps/mental ­confiance en soi ­"libération" du jeu et de l'expression musicale ­maîtrise du mouvement ­développement de sa singularité musicale ­concentration ­suivi de la courbe musicale 40 BOUTHINON­DUMAS Brigitte, Mémoire d'empreintes, op. cit., p.93.
40 CONCLUSION Il m'a fallu un long cheminement pour aboutir à la finalisation de cette réflexion sur l'équilibre. Depuis plusieurs mois, longues recherches et questionnements se sont succédés. J'ai fait de nombreuses découvertes m'ouvrant à une somme de connaissances incroyables. Ce mémoire m'a permis, par exemple, de clarifier certaines idées qui m'ont été transmises oralement. Le travail d'écriture implique cette démarche d'approfondissement et de clarification de son propos. Je me suis aperçue de mes lacunes, par exemple, au niveau du vocabulaire anatomique. De même, j'ai beaucoup appris pédagogiquement en recherchant notamment des exercices pour faire travailler l'équilibre aux élèves et la manière de les leur enseigner. J'ai pris également conscience de l'importance du mental par rapport à cette stabilité. Au commencement de ce mémoire, je mesurais la nécessité d'effectuer un travail sur l'équilibre corporel mais ne réalisais pas l'importance de faire de même pour l'équilibre mental. Durant cette réflexion, j'ai pris conscience que travailler son instrument équivaut à développer son équilibre personnel car la musique concerne tous les plans d'intégrations de l'Homme. Je me suis aperçue que cette notion concerne un domaine très vaste. Il y aurait bien d'autres « pistes à explorer ». Je ne me suis pas étendue, par exemple, sur le travail d'équilibre mental. Comment développer son mental ? Comment prendre conscience de son mode de penser, de sa façon de se percevoir pendant le jeu ? Je n'ai pas évoqué le travail émotionnel et intuitif visant à l'équilibre global de l'individu qui pourrait être mené. Qu'est ce que l'intuition ? Comment développer ce sens en musique ? Quelle influence peut on avoir sur ses émotions ? Une recherche pourrait aussi être menée sur l'équilibre dans la musique elle­même ? Comment gérer les tensions et les détentes musicales ? Comment restituer la courbe musicale ? Ce mémoire témoigne de la nécessité de l'équilibre pour toute personne cherchant à s'exprimer artistiquement.
41 ANNEXES 1) La méthode Feldenkrais La méthode Feldenkrais se propose d'étudier avec la personne la manière d'être (en relation ou non avec son instrument). Elle s'applique donc aux musiciens et aux non musiciens. Pour cela, elle fait appel à une forme intensive de proprioception corporelle. Cette méthode développe une prise de conscience de nos gestes, de nos attitudes propres. Elle nous fait prendre conscience de notre schéma corporel en majeure partie inconscient et du maintien corporel. Ainsi, elle fait reculer les limites dues à nos habitudes de fonctionnement, nos façons habituelles de ressentir. Cette méthode est enrichissante pour les musiciens car elle leur permet de percevoir les contractions musculaires inutiles. Par conséquent, suite à cette constatation le musicien peut mieux contrôler les tensions musculaires parasites pendant le jeu instrumental. Pour cela, la méthode Feldenkrais propose de travailler sur l'acture (selon les termes de Moshe Feldenkrais) qui est la façon d'agir en comparaison avec la posture (façon de se porter). Ce sont donc des exercices dynamiques qui sont proposés par l'exploration du mouvement, la recherche de nouvelles sensations. Ce n'est pas un travail sur la posture statique. Par cette méthode, l'individu apprend aussi à fournir moins d'efforts physiques pour réaliser ses mouvements. Le but est de trouver les formes de mouvements les plus simples à accomplir sans tensions musculaires excessives et de façon la plus efficace possible. Elles s'appuient pour cela sur une meilleure coordination des mouvements. La méthode Feldenkrais est donc conseillée pour les musiciens car elle affine et développe le jeu musical à travers la recherche d'un plus grand
42 registre gestuel et d'une perception de ces gestes plus fines. Le musicien va développer ses capacités à moduler ses gestes en fonction du résultat sonore qu'il souhaite obtenir. L'amélioration de la mobilité et de la liberté d'action par les exercices de Feldenkrais est un atout supplémentaire pour le musicien. Cette méthode permet à l'instrumentiste d'être à l'écoute de lui­même, de son instrument et plus attentif aux autres instrumentistes. Feldenkrais propose cette méthode d'apprentissage :
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observer : observer sans jugement sa propre façon d'agir
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découvrir des alternatives de sa façon d'agir
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laisser le choix au musicien de l'attitude appropriée par rapport à son jeu actuel Pour l'exécution des exercices, Feldenkrais conseille de s'allonger par terre pour deux raisons essentielles. Cette position libère en partie de la pesanteur et du travail musculaire lors de la station debout. Elle facilite aussi l'apport d'un nouveau mouvement car l'action ne va pas se dérouler dans le contexte habituel pour l'exécutant. L'individu aura donc plus de mal à se raccrocher à ses anciens schémas kinésiques. Feldenkrais parle de schéma kinésique familier et intentionnel. Le schéma kinésique familier est subjectivement ressenti comme le meilleur parce qu'il nous est le plus commun. La méthode Feldenkrais vise à développer le schéma kinésique intentionnel (conscience des gestes, des mouvements...). Cette pratique fait aussi travailler la posture. Feldenkrais distingue deux parties très importantes pour la posture dans le corps humain: le bassin et la tête. Le bassin est pour lui le centre de l'énergie et du mouvement du corps. La tête, munie de récepteurs sensoriels, se charge de l'orientation du corps et de la direction du mouvement. La liberté d'action du bassin et de la tête (aucune contraction musculaire inutile) est l’élément principal d'une bonne posture et d'un maintien droit selon
43 Feldenkrais. Par ce travail sur le corps, la méthode Feldenkrais agit également sur l'esprit du pratiquant. En effet, pratiquer les exercices de Feldenkrais permet au musicien de limiter les troubles nerveux comme le trac. Ainsi, la méthode Feldenkrais vise à développer un équilibre total : physique, mental et nerveux. Ces exercices sur le corps faits de manière consciente améliorent la posture, les gestes et les mouvements; ils les rendent plus efficaces et évincent toutes contractions musculaires inutiles. Le pratiquant devient « acteur » de son corps et ressent un bien­ être physique. Cette sensation physique positive va se répercuter au niveau mental et nerveux. Ainsi, pratiquer Feldenkrais assure un meilleur équilibre (physique et mental) pour le musicien ou le non musicien. 2) L'eutonie Ø Qu'est­ce­que l'eutonie ? En grec, « eu » signifie bon, harmonieux et le « tonus » (latin) signifie « tension ». Par conséquent, « eutonie » veut dire « tension équilibrée » ou « juste tonus ». Elle renvoie à l'idée d'un état harmonieux en tension juste adapté à la situation à vivre. Cette discipline d'origine occidentale a été créée par Gerda Alexander (élève de J. Dalcroze) dans les années 1920. Ø Quel est son but, son utilité, son intérêt ? L'eutonie développe la qualité de conscience corporelle qui permet d'avoir un contact authentique avec soi et avec les paramètres concrets de son corps. L'eutonie permet de retrouver le lien avec soi­ même dans une grande liberté intérieure tout en favorisant un ancrage très concret. Elle développe plus « finement »la conscience de soi et l'état de présence.
44 Lors des exercices eutoniques, l'individu va rechercher la qualité du mouvement. Il devra pour cela utiliser son corps de manière juste, en respectant les lois anatomiques et physiologiques. Cette méthode l'amène ainsi à percevoir son unité corporelle. L'objectif pour G. Alexander est de rendre l'individu capable de s'adapter à la réalité du moment. Enfin, l'eutonie ne se fixe pas un but à atteindre car ce mécanisme mental pourrait engendrer des tensions physiques et mentales. Ø explication de la technique eutoniste L'eutonie propose au pratiquant l'exécution de mouvements techniques qui mettent en évidence les différentes parties du corps et qui renforcent la perception de l'axe du corps. Ces mouvements visent aussi à rechercher une « bonne » posture, un équilibre grâce notamment à la compréhension et au vécu de l'anatomie osseuse. L'individu perçoit lors des exercices la forme extérieure de son corps. Il est en contact avec l'environnement. Il prend conscience par la pensée de sa respiration, de sa circulation, de ses tissus cellulaires et de son espace intérieur contenant les organes et l'ossature. L'eutonie permet donc à l'individu de le rendre conscient de ses blocages et l'aide ainsi à retrouver la maîtrise de l'adaptation de son être entier. La technique eutoniste est composée de différents exercices. Il s'agit, par exemple, d'exécuter des mouvements en se servant du tonus le plus adapté par rapport à une action donnée. Pour cela, la technique ne prône pas les exercices par imitation. Selon G. Alexander, le « mouvement eutonique n'est jamais fondé sur l'imitation ». Chaque élève doit, au contraire, découvrir ses possibilités et ses limites corporelles. Il est nécessaire qu'il trouve sa propre expression à son rythme personnel. Différents moyens (paramètres) sont présents dans la technique
45 eutoniste. Les pratiquants font l'expérience du sol soutien par exemple. Ils travaillent aussi sur les jeux de poids, d'équilibre ou de repoussés (action contre le sol, le mur, un partenaire et la « réponse » reçue dans son corps). G. Alexander parlait souvent de « transport » de la force déclenchée dans les pieds par notre propre poids. Pour elle, cette force remonte à travers l'ossature et les tissus depuis les jambes vers la ceinture pelvienne jusqu'à la partie supérieure du sacrum puis se propagent dans chaque vertèbre et remonte vers les côtes. D'autres exercices sont proposés comme les étirements. Ils sont toujours réalisés dans un mouvement spontané et naturel en cherchant l'agréable et le bénéfique pour l'organisme. L'étirement aide à la présence du corps. L'eutonie est une approche corporelle qui tend à développer l'équilibre en chacun de nous par la conscientisation du corps de manière extérieure et intérieure ! Ainsi, chaque pratiquant ressent mieux son corps mais sait aussi mieux s'adapter à son environnement. L'eutonie est donc une très bonne méthode à pratiquer par les musiciens car elle développe un équilibre corporel et mental mais elle permet aussi de limiter les déséquilibres causés par des évènements extérieurs (changement de salle de concert, changement de piano, présence d'un public...) 3) Le tai chi chuan Pratiquer un art martial pour un musicien est un moyen supplémentaire d’enrichir son jeu musical. En effet, les arts martiaux développent l’équilibre physique et mental nécessaire à l’expression du musicien. Le tai­chi­chuan est une pratique complète en ce sens qu’elle permet de créer un équilibre extérieur du corps.
46 Ø Définition Le tai chi chuan est un "enchaînement de mouvements très lents, harmonieux, silencieux et continus (...)" 41 . Le corps du pratiquant évolue dans toutes les directions. Il prend conscience progressivement son propre centre de gravité (ou Hara). Les gestes sont exécutés de manière continue et la respiration est au centre de l’exercice. Le tai chi, en tant qu’art martial dit interne, insiste sur le développement d’une force souple et dynamique par opposition à la force physique pure. La première règle est la décontraction. Lors des coups frappés, l’énergie concentrée dans le Hara est libérée et accompagnée d’une onde de choc. Il en va de même pour la musique. La force rayonne à partir du Hara et se libère jusque dans les doigts. Si le musicien ne suit pas cette voie, il fait usage d’une énergie de volonté qui est fatigante et ne se transmet pas au public. De plus, la pratique de cet art est intéressante pour le pianiste car elle porte une attention particulière sur l’enracinement. L’énergie doit partir des « racines » des pieds comme lors du jeu pianistique. Ø Position La position de base du tai chi chuan est la station debout, les épaules et les genoux relâchés, le sommet du crâne étiré vers le haut. Pour provoquer cet étirement et cet alignement, le pratiquant peut poser un livre sur sa tête par exemple. Le bassin, quant à lui, est relâché et plutôt en rétroversion. Les jambes et les pieds doivent être bien ancrés dans le sol et le haut du corps doit être relâché. Cette position est la même pour le pianiste qui joue mise à part le fait qu’il soit assis. Ø Rôle Le tai chi chuan a pour rôle de maintenir la souplesse du corps et des articulations d’activer le souffle et la circulation du sang. Cette pratique 41 RICQUIER Michel, L'utilisation de vos ressources intérieures, op. cit., p.28.
47 douce détend et tranquillise l’esprit. Elle invite à une meilleure connaissance de soi et aide à renforcer l’unité corps/mental. D. HOPPENOT définit d’ailleurs ces pratiques martiales comme "une détente physique et spirituelle qui atténue les effets néfastes des bruits ou excitations parasitaires et dévitalisantes". Les enchaînements de mouvements développent la souplesse, le dynamisme et la coordination. Le tai chi chuan accorde une grande importance au souffle. Les mouvements sont réalisés en coordination avec l’inspiration et l’expiration. Cette "technique respiratoire" permet d’obtenir une relaxation profonde. Elle invite aussi l’exécutant à investir son mouvement par la conscience. En effet, le tai chi chuan améliore la concentration. Lors des exercices, il faut être présent, apprendre à exercer sa vigilance grâce aux mouvements réalisés. Il ne s’agit pas d’une volonté de concentration mais simplement de porter attention à ce que l’on fait, sans jugement, être dans "l’ici et maintenant". Cet état doit être retrouvé à chaque fois que le pianiste joue ou travaille. Le pratiquant du tai chi développe sa concentration et sa conscience corporelle en dehors du piano. Je suis moi­même depuis quelques années des cours de tai chi chuan. Mon évolution technique et musicale est sans conteste. J’arrive maintenant à me concentrer immédiatement dès lors que je m’assoie au piano. Je ne perds pas le contrôle de ma respiration lors du jeu, au contraire, j’apprends à l’utiliser au service de la musique. Je parviens à avoir une concentration très rapidement et sur une durée plus longue. Je prends conscience beaucoup plus vite et ressent facilement d’infimes blocages physiques qui apparaissent. J’arrive à me détendre presque immédiatement. Enfin, je suis présente quand je joue c'est­à­dire que je m’écoute. Or, il y a quelques années, je m’entendais jouer sans m’écouter réellement. Il me tient donc à cœur de faire partager cette expérience à mes futurs
48 élèves car on ne peut en tirer que des bénéfices pour l’expression musicale. 4) Autres exercices pratiques : Voici quelques exercices simples qui peuvent faire partie d’un travail préparatoire à un cours de piano. On peut l’envisager comme un échauffement corporel visant à développer une prise de conscience plus fine du corps. Au professeur de juger s’il est bon de pratiquer quelques uns de ces exercices en cours ou simplement de les proposer à l’élève. Chaque enfant est différent et chacun possède une conscience de son corps différente. Il faut être vigilant et savoir repérer quel élève en a le plus besoin pour qu'il réussisse à s’épanouir musicalement sans « être bloqué » par son corps. Les exercices proposés ci­dessous sont courts. Il est mieux qu’ils soient pratiqués régulièrement et fréquemment afin que les effets se poursuivent en dessous du seuil de conscience. Il est important aussi de s’engager profondément dans l’exercice sans se « diviser intérieurement » (pensées extérieures parasites). N°1 Trouver un axe d’équilibre, un alignement vertical en soi ­se placer debout, genoux libres, bras tombants ­décoller les talons en montant très légèrement sur la pointe des pieds puis redescendre ­poursuivre ce mouvement sans interruption Cet exercice aide à sentir où se place le poids par rapport à la plante des pieds. ­se placer debout, genoux libres, bras tombant ­fléchir les genoux en gardant les deux pieds en contact avec le sol ­descendre un peu et remonter en gardant un alignement vertical La respiration reste libre Cet exercice permet de sentir un profond « enracinement » des jambes et
49 des pieds dans le sol. Attention ! Ces exercices ne sollicitent pas un effort physique. Ils ne doivent pas être réalisés en tension (musculaire), en bloquant les articulations. L'exécutant doit juste avoir un bon aplomb et une détente de toutes ses articulations. Ces deux exercices sont utiles à réaliser avec les élèves qui ont peu conscience de leur corps ou qui sont assez raides corporellement de nature. En effet, la position debout par rapport à la position assise, permet de trouver plus facilement la sensation d'enracinement qui accompagne un axe juste. N°2 Garder cet axe intérieur dans la marche en avant Marcher normalement dans une pièce en cherchant la vitesse dans laquelle vous vous sentez le mieux. Essayer de retrouver la sensation d'aplomb dans chaque jambe et pied et dans chaque pas que vous faites comme lors de l'exercice précédent. Le souffle reste libre sans se bloquer. Détendre les hanches L'équilibre du thorax et du cou libère les épaules: les bras oscillent. N°3 Garder cet axe intérieur dans la marche arrière La marche arrière ne permet pas de focaliser le regard sur un but et permet donc d'utiliser au maximum la vision périphérique pour voir aussi largement que possible. Les pas peuvent être plus petits. Sur chaque pas, « s'abandonner » dans son bassin. On gagne ainsi une conscience beaucoup plus fine des différentes parties du corps mise en jeu dans la marche. N°4 Activer les réflexes posturaux par l'exercice du fouet Partir de la station debout, genoux libres, pieds écartés de la largeur des hanches. Après avoir trouvé l'axe vertical, tourner de gauche à droite puis de droite
50 à gauche en laissant les bras suivre le mouvement. Il engage tout le corps. Attention, les pieds restent bien posés au sol. Quand ce mouvement libre et unifié prend de l'assurance, il va gagner en ampleur. Dans un abandon détendu, les bras vont s'enrouler autour du tronc dans chaque rotation. Pour tous ces exercices, il s'agit de sentir en agissant et agir en restant à l'écoute.
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