à l`épreuve - Les Brigades du Tigre

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à l`épreuve - Les Brigades du Tigre
édito
L’ASSEMBLÉE studio de création
14, avenue du bois
62820 LIBERCOURT
03 62 90 80 08
http://www.lassemblee.org
[email protected]
Une infinité de possibles...
et pourtant rien ne se passe jamais
comme prévu, le futur déraille sans
cesse. L’Homme est-il à ce point pris
par la peur qu’il se refuse à imaginer
un avenir, sinon radieux, au moins
meilleur ?
SOMMAIRE
encres
INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
LE JDR EXPLIQUÉ À MA COPINE 2. les dés . . . . . . . .
NOCTURNE à ne pas lire la nuit... . . . . . . . . . . . . . .
KANE la trilogie de Karl Edward Wagner . . . . . . . . . . . .
C.O.P.S. Crash sur South Central • tome 2 . . . . . . . . . . .
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PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
ÉDITIONS JOHN DOE pleins feux sur un éditeur pas comme les autres .
BASIC ROLEPLAYING la 4ème édition . . . . . . . . . . . .
PROJECT : PELICAN les évadés d’alcatraz . . . . . . . . . . .
LE GRIMOIRE interview success story . . . . . . . . . . . . . .
LOUP SOLITAIRE le jdr dont vous êtes le héros . . . . . . . . .
MANGA BOYZ lâchez la bride ! . . . . . . . . . . . . . . .
HOLLOW EARTH EXPEDITION preview . . . . . . . . . . . .
DES JEUX POUR DEUX spécial saint-valentin . . . . . . . . .
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à l’épreuve
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4
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Si l’on en croit l’écrasante
majorité des univers imaginés par
nos pairs, l’humanité est promise à
une fin marquée par la déchéance
et l’imperfection. Même les rares
utopies tournent mal, et font du
meilleur des mondes un endroit où il
ne fait pas vraiment bon vivre.
Les futurs sont par essence
innombrables, mais sont-ils inévitablement
imparfaits ? C’est en tout cas la question
que nous nous sommes posée. Entre
invasions, régimes totalitaires, rébellions,
désastres écologiques et utopies déviantes,
le panorama n’est pas glorieux, mais, après
tout, ces futurs fantasmés ne sont-ils pas des
reflets de nos passés mal digérés ?
Quoi qu’il en soit, c’est maintenant
là que nous vous emmenons. Vers l’infini, et
au-delà...
Julien De Jaeger
DOSSIER FUTURS IMPARFAITS
encres INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
à l’épreuve
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
CYBERPUNK : EDGERUNNER punk’s not dead ! . . . . . .
DARK HERESY futurs croisés . . . . . . . . . . . . . . .
BLACK BOOK EDITIONS interview
. . . . . . . . . . .
POLARIS 20 000 parties sous les mers . . . . . . . . . . .
MUTANT CHRONICLES portrait d’une gamme . . . . . . . .
R.O.B.O:T. moutons électriques . . . . . . . . . . . . . . .
FUTURE ARMADA pour un décollage immédiat . . . . . . .
NEUROSHIMA HEX ! never trust the machine . . . . . .
boussoles
AIDES DE JEU & SCÉNARIOS ...
RÈGLEMENTS DE COMPTES SUR TCE12008 scénario
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générique
SYLLA imperium et grands travaux . . . . . . . . . . . . . .
GHOST STORIES histoires de fantômes chinois . . . . . . . . . .
PANDÉMIE danger zone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
ILLUMINATI le nouvel ordre ludique . . . . . . . . . . . . . . .
FAMILYS histoires de famille . . . . . . . . . . . . . . . . . .
FAISEURS D’UNIVERS la saga des hommes-dieux . . . . . . . . .
PAGAMAS ne passez pas par la planche ! . . . . . . . . . . .
boussoles
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AIDES DE JEU & SCÉNARIOS ...
UN SOIR AU TANGERINE DREAM BAR aide de jeu Hellywood . . . 60
QUARANTINE scénario Hellywood . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
LE JUGEMENT DE LAZARE scénario Khaos 1795 . . . . . . . . . . . 65
rédacteur en chef : Julien De Jaeger
rédacteurs : Stéphane “Dedjet” De Geiter,
Olivier “Dr_Zombie” Camus, Christophe
“Erron Flyll” Girard, Olivier “Andy Taker”
Cossart, Julien “The Ju™” De Jaeger, Vincent
“Gino” Ziec, Matthieu “Celewyr” Carbon,
Yann Lefebvre, Sheol, Philippe Verdin, Julien
“Narbeuh” Clément, Coral Beach, Johnsnow,
Christian Grussi
couverture : « Teddy », Pascal Quidault
illustrations : Julien De Jaeger, Kevin Richard
maquette : Julien De Jaeger
responsable relectures & corrections :
Christophe Girard
responsable publicité : Olivier Camus
responsable d’édition : Stéphane De Geiter
trésorier : Pascal Caillet
février 2009
LA FÊTE DU COCHON une nouvelle de Jean-Pierre Andrevon . . .
FUTURS IMPARFAITS initiation à la dystopie . . . . . . . . . . . . . . .
BIG BROTHER VS. NOTRE FORD la dystopie dans 1984 et le meilleur des mondes .
PHILIP K. DICK futurs antérieurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
PLANCHES IMPARFAITES le futur dans des cases . . . . . . . . . . . . .
VISIONS DE FUTURS INCERTAINS filmologie sélective . . . . . . . . . .
BATTLESTAR GALACTICA fuir pour survivre . . . . . . . . . . . . . . . .
les carnets de l’assemblée
numéro quatre
nos annonceurs & partenaires : Les Écuries
d’Augias, Jeu Livre du Rêve, Trolls & Légendes,
Éditions Sans Détour, Les Éditions Icare, Les
XII Singes, Black Book Editions, CDS Éditions,
Éditions John Doe, Le Grimoire, Nocturne,
Oriflam, Gigamic, Asyncron Games, Pygmoo
Game
autres remerciements : Filosofia Games, Rafaël
Verbiese, Erwan Gautier (Asmodée), l’Étoile
du Jeu, Jeux du Monde, le Temple du Jeu,
l’Œuf Cube, Rocambole, Coralie Lourme
L’éditeur et la rédaction ne sont pas responsables
des articles,qui n’engagent que leur auteur. Toutes
les illustrations contenues dans ce magazine sont la
propriété pleine et entière de leurs auteurs et éditeurs
respectifs. Tous droits réservés. Toute reproduction,
même partielle, est interdite, sauf accord écrit de
l’éditeur.
Si vous êtes éditeur, auteur, distributeur, studio de
création, et que vous voulez voir vos productions
chroniquées dans nos pages, n’hésitez pas à nous
faire parvenir vos réalisations (sous format physique
ou électronique) à l’adresse de la rédaction, ou à
prendre contact avec nous par e-mail à carnets@
lassemblee.org
Les exemplaires promotionnels ainsi réceptionnés
ne seront pas retournés
3
les carnets de l’assemblée # 4
encres
INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
le jdr expliqué
à ma copine
[ AIDE TA MOITIÉ À COMPRENDRE TA PASSION... MAIS PAS TROP ! ]
E
2. LES DÉS (ex. : « c’est combien, déjà, le malus aux dés pour la décapitation ? »
n bon rôliste qui se
respecte, vous avez mis la
charrue avant les bœufs.
Comment
pourrait-elle
comprendre le jeu de rôle
si elle ne comprend rien aux dés ?
- Pour jouer, en général, il faut des dés...
- Ouais comme aux petits chevaux, quoi,
z’êtes des grands gamins, c’est tout !
- Ah non, non, rien à voir ! Nous on a des
d4, d6, d8, d10, etc...
- Des dé-quoi ?
- Arf... des dés à 4 faces, 6 faces, 8 faces,
tout ça quoi ! Tiens, regarde, ça ressemble
à ça...
Tout fier, vous lui exposez vos dés
fétiches, ceux-là même qui ont terrassé
votre tout premier dragon, annihilé trois
corpos et repoussé les Grands Anciens,
ces dés dont les chiffres commencent à
s’effacer avec le temps, aah, que de bons
moments passés avec ces... et soudain,
horreur !
Jérémie V., 2002
- Hé ! Mais qu’est-ce que tu fais ?
- Ben quoi, je joue avec, c’est fait pour, non ?
- Gargl ! Pas touche, tu vas briser mon fluide !
- Et ils pouvaient pas faire ça avec des dés
classiques ? Z’êtes compliqués, quand
même...
Oui, comme tout rôliste, vous
êtes persuadé que vous avez un fluide
particulier, que vos dés sont enchantés, et
que si quiconque les manipule, le charme
sera rompu... Finalement, elle a raison, vous
êtes un grand gamin...
Logique féminine implacable... Et
si elle avait raison ? Du coup, vous hésitez
à évoquer tous les différents systèmes
de jeu, avant d’embrayer sur le complot
international du consortium des fabricants
de dés qui cherchent à faire main basse sur
le monde...
- Tiens, joue avec ceux-là, plutôt...
Vous lui donnez votre set de dés
de rechange, tout en décidant de trouver
une cache secrète pour vos dés fétiches,
on ne plaisante pas avec ces choses là !
Après quelques secondes, elle
prend un air dubitatif.
- Ouais, c’est marrant... Mais pourquoi faire
autant de dés différents ?
- Ben, tu vois, ça dépend des jeux, et pis
ça reflète les différents niveaux de
compétences...
MAG
- Ben alors ? Tu dis plus rien ?
Le temps s’est figé... Tel un sphinx
avec le maquillage en plus, elle vous a
vaincu avec ses énigmes... Vite, trouver
quelque chose pour reprendre le dessus...
- Ça te dirait une partie de petits chevaux ?
par Julien De Jaeger
NOCTURNE
À NE PAS LIRE LA NUIT...
Nocturne
est
un
fanzine
francophone et participatif qui permet à de
jeunes (mais talentueux) auteurs de diffuser
leurs textes. Un zine littéraire comme il en
existe plein d’autres. Sauf que Nocturne
ne s’adresse pas à Mme Sansonnet, votre
vieille voisine archi-retraitée qui recueille les
chats du quartier et ne sort que pour aller
à son tournoi de bridge tous les jeudis de
14h00 à 15h30.
Non, Nocturne est un fanzine qui
voue un culte à l’horreur et à l’épouvante.
Ce thème est décliné de façons diverses
selon les artistes. En effet, certains choisiront
de s’exprimer par le biais de la littérature
(nouvelle, poésie), d’autres au moyen
d’illustrations.
Les textes proposés oscillent entre
une littérature gothique traditionnelle
(comme celle de Jules Barbey d’Aurevilly)
et des écrits plus contemporains. L’horreur
et l’épouvante sont donc subjectives ou
au contraire très explicites, mais leur point
commun est de situer l’intrigue dans une
ambiance dérangeante et malsaine. En
plus des réalisations artistiques, Nocturne
propose des analyses critiques d’œuvres
littéraires et cinématographiques.
Initialement distribué au Canada,
Nocturne est désormais disponible en
France. Le fanzine est publié au rythme de
quatre numéros par an. Il est d’ailleurs en
plein développement et le numéro 10 (oui,
déjà 10 !) offre de nouvelles surprises à ses
lecteurs. Inspiré par une toile de Danielle
Delgrange (qui représente une femme à
tête de chien), Michaël Moslonka débute
un feuilleton littéraire qui se dévoilera au fur
et à mesure des numéros. Il reprend ainsi
à son compte la tradition des romans
littéraires du XIXe siècle, comme l’avait
fait avant lui, le maître du genre
Stephen King dans la Ligne Verte. Le
feuilleton s’écrit progressivement, ce
qui fait que lecteurs et auteur suivent
le récit au même rythme. L’histoire se
déroule en 2095, dans un futur gothicpunk.
Signalons également une
intéressante initiative de l’illustrateur
belge Bruno Laurent : le puzzle
humain. À partir du numéro 11,
les lecteurs découvriront une
partie de crâne dans le fanzine. À
chaque numéro, ils récupéreront
4
les carnets de l’assemblée # 4
un nouveau morceau. Ainsi, les lecteurs
“ apprentis
Frankenstein ”
pourront
recomposer l’œuvre originale de Bruno
Laurent.
Nocturne est donc un fanzine plein
d’initiatives intéressantes. À découvrir.
par Andy Taker
Pour découvrir Nocturne, rejoignez leur site :
http://www.geocities.com/nocturnefanzine
INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
ROMANS
encres
KANE
LA TRILOGIE DE KARL EDWARD WAGNER
romans de Karl Edward Wagner
édité par Denoël • Lunes D’Encre
www.denoel.fr
note :
Quand on a fouiné pendant des
années chez les bouquinistes, et dégotté
certains “ Pulps ” introuvables, puis ouvert ces
livres rares narrant les aventures violentes et
épiques de héros que nous aimerions être, on
ne s’attend plus à ce que ce genre d’ouvrage
se rappelle à vous. Puis un jour la réédition d’un
auteur réputé introuvable fait vibrer en vous la
joie des souvenirs des nuits passées à dévorer
“ Conan ” ou “ John Carter ”, la fièvre de la
recherche en moins.
“ Kane ” c’est “ Caïn ”, celui qui se
révolte contre son créateur en devenant le
premier meurtrier de l’histoire de l’humanité
et qui se trouve condamné de ce fait à
l’immortalité, à expier dans le mal sa terrible
faute. C’est là l’idée novatrice de Kane car il
n’a pas ce code que l’on retrouve si facilement
chez les auteurs imprégnés de manichéisme
qui ont une définition du mal implicitement
basée sur des jugements judéo-chrétiens ;
Kane prend ses références dans des sources
bien plus anciennes, comme la mythologie
grecque. L’idée du destin, par exemple, est
un des fils conducteurs, Kane est immortel,
c’est un guerrier invincible, un érudit, amateur
de sciences occultes, il possède une ambition
dévorante et une expérience à laquelle nul
mortel ne pourrait prétendre. Cependant,
comme on le voit dans les trois romans (La
pierre de sang, La croisade des ténèbres et Le
château d’Outrenuit) Kane, bien qu’entraînant
BD
une suite de massacres et de destructions
dignes d’un “armaguédon” se retrouve
toujours à son point de départ ; seul et errant,
poursuivi par la haine des hommes. Kane doit
constamment s’inféoder pour un temps à des
puissances qu’il croit pouvoir maîtriser, mais sur
lesquelles il n’a en fait aucune prise véritable.
Ses actes “maléfiques” ne sont que les fruits de
la nécessité. Kane n’est pas un sage.
Il est lui-même tenu de se plier,
malgré son immortalité, aux lois qui régissent
son univers, et il en paye toujours le prix. Tôt ou
tard, Kane devra se révolter contre son maître,
ou sa maîtresse… Evénement qu’il prévoyait
de toute façon, car, comme tout personnage
à l’ego démesuré, il n’aime pas partager le
pouvoir. Son pacte le plus effroyable fut conclu
avec Efrel, une reine sorcière au destin tragique,
emportée sur des kilomètres par un taureau
furieux. Efrel qui fut si belle eut le corps détruit.
Elle survécut, mais en conserva de terribles
stigmates tant physiques que psychologiques,
et des désirs très humains. Kane, pour obtenir le
pouvoir devra s’abaisser au rang de laquais et
se livrer à de sordides querelles de palais.
Dans les romans, Kane est certes le
personnage principal, mais il semble difficile de
s’identifier à lui, tant il est monolithique. Ce sont
les personnages secondaires comme Térès ou
Dribeck dans “Pierre de sang” ou encore les
amants maudits du “Château d’Outrenuit”
qui nous attachent vraiment au récit. Ils sont
entraînés dans des événements sanglants
dont ils sont les victimes. Même si pour un
temps ils se retrouvent alliés à Kane, ils n’en sont
en définitive que les malheureux jouets. Mais si
on analyse l’ensemble des trois romans, Kane
est lui-même manipulé et finit par tout perdre,
c’est là où son immortalité perd tout son sens,
il n’y gagne rien. Ses passions finissent par se
flétrir, les femmes dont il pourrait s’éprendre
meurent ou le trahissent, son pouvoir, bien
que considérable, est limité à de mystérieux
complots qui ne le grandissent pas.
C’est dans les nouvelles que
l’humanité de Kane nous apparaît vraiment,
soit sous forme de contes très bien écrits, ou de
nouvelles d’action très proches de ce que l’on
pouvait trouver chez Howard ou Lovecraft,
surtout dans la manière de construire un récit ;
dans l’urgence. Ce qui donne des écrits très
efficaces et marquants, mais qui sentent
parfois l’inachevé comme dans “La muse
obscure”, qui aurait pu être un chef-d’œuvre
si l’auteur ne s’était pas arrêté en si bon
chemin. Dommage. Les nouvelles sont assez
courtes, comme des photographies prises à
un moment donné de la vie de Kane, et sont
associées à des événements mineurs, mais qui
décrivent bien l’univers dans lequel il évolue. Il
devient, grâce à son statut d’immortel, témoin
et acteur des contes populaires de son monde.
C’est ainsi que nous revenons au mythe de
l’immortalité ; elle ne nous confère pas plus de
pouvoir qu’aux simples mortels, mais nous laisse
témoins désabusés de leurs vaines ambitions.
Et de la triste répétition de nos propre erreurs…
“ Tu n’as rien gagné Kane, tu as survécu, c’est
tout. ”
Je conseille donc la lecture des deux
volumes déjà sortis aux amateurs des “anciens”,
plusieurs scènes édifiantes et particulièrement
cyniques raviront les plus blasés. Pour ce qui
est du reste, nuits blanches assurées pour les
lecteurs de vieux “Pulps”.
par Philippe Verdin
C.O.P.S.
TOME 2 : CRASH SUR SOUTH CENTRAL
scénario de Marc Sautriot
dessins d’Antonio Sarchione
édité par Delcourt - collection Neopolis
http://cops.editions-delcourt.fr
note :
Suite et fin pour C.O.P.S. en BD et
son Crash sur South Central ; neutralisé par Le
Rasqual, le rookie Greg Colinas émerge seul,
sans arme, au beau milieu de la zone de nondroit. La fille du millionnaire McAdam, dont il
devait retrouver la trace, est sous le joug d’un
proxénète qui a asservi celle-ci grâce aux
drogues synthétiques. Au Central du COPS, les
collègues s’activent pour engager la mission
d’extraction de leur camarade... Les coulisses
de cette affaire sont enfin dévoilées dans
ce tome, avec une intrigue qui subodorait
l’implication des hautes sphères californiennes
dans le premier opus.
semblant vouloir nous dire qu’il y a bien plus à
développer. Espérons que Marc Sautriot n’en
restera pas là et que les éditions Delcourt lui
offriront l’opportunité d’une nouvelle saison en
BD. On en redemande !
par Olivier Camus
Ce final est résolument très adulte
(enjeux manichéens et politiques, scènes de
sexe, conflits de juridictions, ...) mais qui d’un
autre côté éclipse un peu le développement
cyberpunk de l’univers du jeu de rôle, que
l’on ne présente plus, au détriment d’un
scénario digne d’un très bon polar/actioner
d’Hollywood. Un tome très dense et compact,
5
les carnets de l’assemblée # 4
à l’épreuve
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
EMMANUEL GHARBI
éditions
JOHN DOE
Le jeu de rôles n’est pas
si moribond, il avait simplement
besoin d’une bonne tape au cul !
En France, c’est indéniablement
le laboratoire des éditions John
Doe qui aura permis d’insuffler un
violent et efficace électrochoc à
notre hobby préféré, que certains
continuent tout de même de vouloir
enterrer vif. Les effets bénéfiques de
prescriptions telles qu’Hellywood,
Patient 13, Mantel d’Acier ou encore
la standardisation du générique dK
System confirment cet éditeur sur
sa lancée et lui offre l’opportunité
d’une
ordonnance
chargée
pour l’avenir, avec notamment
l’imminent remake de Bloodlust.
Consultation obligatoire auprès du
Médecin-Chef Gharbi...
Les éditions John Doe se caractérisent
notamment par l’unicité des formats de ses
manuels de jeu. Etes-vous arrivés à un format
idéal ? Croyez-vous que les énormes pavés
de règles peuvent encore intéresser les MJ
actuels ?
Emmanuel Gharbi : Dire que notre format
est “ idéal ” serait sans doute un peu
présomptueux. Pour tout dire, il a autant de
supporters que de détracteurs. Ce qui est
sûr, c’est qu’il correspond vraiment à nos
envies : compact, facile à transporter, aisé à
lire. Mais pour autant, il ne s’agit pas d’une
prise de position militante : les pavés de
règles ont leur public, nous ne les dénigrons
pas et nous-mêmes, nous ne nous interdisons
rien. Il se peut donc que le format John Doe
évolue avec le temps ou que certains projets
se voient dotés d’un format différent du reste
de la gamme si cela s’avère nécessaire.
D’ailleurs, il faut bien avouer que nous
n’avons pas vraiment respecté notre position
initiale de “ jeu court ” : on en met toujours un
peu plus dedans ! Nous avons parfois du mal
à restreindre le signage et tous nos bouquins
jusqu’ici ont été remplis à ras-bord… De
toute façon, il en faut pour tous les goûts et
nous aimerions aussi bosser sur des gammes
“ classiques ”, à livre de base conséquent
et lignée de suppléments : Bloodlust va
d’ailleurs dans ce sens.
On sait que le sujet de la “ mort du JdR ” vous
interpelle profondément. Il n’y a jamais eu
autant de JdR, autant de créativité et autant
d’éditeurs qu’à ce jour. Alors où se situe le
problème ?
[i n t e r v i e w ]
Hellywood •••
dK2 •••
Pour Râler Moins et Jouer Plus !
Pour moi, il n’y a aucun problème ! Nos
slogans sur le sujet, un peu agressifs, relèvent
en fait de la boutade, en réaction à ce qui
semble revenir régulièrement sur les forums
de discussion et qui voudrait que nous vivions
les derniers moments de notre loisir. Nous ne
croyons pas du tout à la mort du JdR mais
nous ne croyons pas non plus au mirage de
la massification de ce loisir. Comme tous
les loisirs à fort investissement de temps et
d’argent, il restera un loisir de niche. Nous
pensons aussi que le passé a souvent été
idéalisé. On a toujours vu des boîtes se lancer
avant d’arrêter le JdR ou de disparaître,
ça n’a rien de nouveau. Ce qu’on voit
aujourd’hui, en réalité, c’est un secteur de
niche, c’est vrai, mais en pleine activité.
De nouveaux éditeurs qui expérimentent,
d’autres plus établis qui continuent à sortir
des produits d’excellente qualité. On dispose
d’une offre toujours renouvelée, qu’il s’agisse
de création française ou de traduction.
Chaque éditeur a sa personnalité mais
alimente cette offre par sa sensibilité et les
joueurs ont donc du choix. Je trouve que
c’est plutôt pas mal pour un moribond.
Est-ce que trop de jeux tueraient le jeu ?
Je ne le pense pas, bien au contraire. Plus
il y a de jeux, plus les étagères consacrées
au JdR seront larges dans les boutiques.
L’émulation est toujours bonne. Il y a
tellement de manières différentes de jouer,
de types d’univers à explorer, de parti-pris
éditoriaux possibles. On n’est pas près d’en
voir le bout ! Et même si le JdR mourrait
commercialement, il serait toujours pratiqué
sous une forme ou une autre.
On assiste actuellement aux retours de
locomotives telles que Dungeons & Dragons,
L’Appel de Cthulhu ou encore Warhammer
40K. Croyez-vous que les éditeurs plus petits
vont pouvoir profiter prochainement du
6
les carnets de l’assemblée # 4
interview •••
sillage laissé par le succès de ces machines
de guerre ? Est-ce que grâce à elles le JdR
va pouvoir trouver un nouvel élan ?
Savoir si le succès de ces leaders rejaillira
directement sur d’autres JdR, c’est difficile
à dire. On sait très bien, par exemple, que
certains jouent à D&D et à rien d’autre. Mais
pour autant, certains joueurs seront peut-être
aiguillonnés par la curiosité et chercheront à
varier les expériences de jeu. Naturellement,
il y a des locomotives inamovibles mais elles
sont nécessaires, font du bien et donnent de
la visibilité. Plus il y a de visibilité, mieux cela
vaut.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la sortie
tant espérée de Bloodlust Metal ? Vous avez
choisi d’en faire plutôt un remake qu’une
simple nouvelle édition ?
Le parti-pris a été en effet de proposer une
nouvelle vision du monde de Tanaephis.
Le même univers vu par d’autres yeux et
une sensibilité différente. C’est pourquoi les
auteurs parlent plus volontiers de remake
que de seconde édition. Les mêmes
ingrédients de base mais sans doute un autre
goût à l’arrivée. Forcément, si certains fans
vont aimer cette nouvelle vision des choses,
d’autres vont détester, c’est inévitable. Tous
ceux qui ont aimé Bloodlust se sont sans doute
construits mentalement “ leur ” nouvelle
édition idéale et quoi que nous fassions, nous
aurions tapé à côté. Plutôt que de chercher
à coller à tout prix à ce que l’on pouvait
imaginer des attentes des fans – ambition
illusoire – les auteurs ont donc livré, en toute
humilité, leur Bloodlust. Naturellement, cet
univers est toujours sauvage, dantesque et
dangereux ! À cela s’ajoute un système de
jeu entièrement original, baptisé Metal, qui
ne reprend rien du système d’origine. Nous
avons passé énormément de temps à le
calibrer. Enfin, tout cela est mis en images
à l’épreuve
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
par Christophe Swal, avec qui nous sommes
ravis de pouvoir travailler.
Quelle sera votre ligne éditoriale concernant
le jeu ? Dans un premier temps, allez-vous
rééditer les suppléments ou proposerez-vous
du contenu inédit ?
Un écran sera proposé aux meneurs de jeu
peu après la sortie du livre de base. Une
grande campagne est aussi prévue dans la
foulée et en réalité, elle est d’ores et déjà en
cours de développement, en parallèle du
livre de base. Ensuite, d’autres suppléments
sont prévus mais il est un peu trop tôt pour
les annoncer. Toutefois, tout le contenu que
nous éditerons sera inédit. Il n’y aura aucune
réédition des ouvrages originaux.
C’est toujours tentant de prolonger
l’existence d’un univers de jeu, mais les DOA
ont vraiment été conçus pour être autosuffisants. Le principe d’avoir une campagne
dans le bouquin – même s’il s‘agit d’une série
de synopsis dont le MJ aura la charge de
détailler et d’adapter à son groupe – rend à
notre sens le produit vraiment utilisable seul.
Bien sûr, on peut toujours étendre, ajouter du
matériel, des aventures… Mais il faut être sûr
que ce qu’on a à dire vaut le coup, se tient,
et qu’il ne s’agit pas juste d’allonger la sauce.
Nous préférons continuer à développer la
gamme dans son ensemble et offrir aux
meneurs de nouveaux univers à explorer.
« Si l’on veut que le JdR soit considéré comme un
média adulte, il faut aussi accepter des œuvres un
peu plus dures, traitant de sujets plus dérangeants. »
Comment réagissez-vous à la controverse
autour du thème de Patient 13 ? Certains
évoquent la mise en danger de notre hobby
par l’image subversive portée par ce JdR…
Oh, cette controverse est restée assez
confidentielle, ça va. Mais c’est vrai que
nous avons reçu quelques courriers un peu
virulents, qui ont surtout bien fait rigoler
l’auteur de Patient 13, Yno, au point qu’il
en a gardé un comme signature de forum !
Franchement, rien de sérieux. Patient 13,
en plus, n’est ni spécialement subversif, ni
particulièrement insoutenable. Il est certain
qu’il s’adresse à un public plutôt adulte mais
cela est précisé. Soutenir que cela met en
danger l’image du JdR, c’est à mon avis
prendre les lecteurs pour des imbéciles. Il y a
longtemps qu’on sait que le jeu de rôle ne
transforme pas les adolescents en dépressifs
suicidaires ! Et puis, si l’on veut que le JdR
soit considéré comme un média adulte, il
faut aussi accepter des œuvres un peu plus
dures, traitant de sujets plus dérangeants.
Est-ce que c’est la raison qui a provoqué ce
grand silence suite à sa parution ? N’y aurat il donc aucun suivi de gamme pour cet
univers ?
Patient 13 fait partie de notre gamme DOA
(Dead on Arrival), des jeux tout en un qui
ne sont pas prévus pour avoir un suivi. Dès
le départ, il n’a donc pas été question de
publier des suppléments à un ouvrage qui se
suffisait à lui-même. Les quelques réactions
offensées n’ont été pour rien dans ce fait.
D’ailleurs, nous espérons prochainement
travailler à nouveau avec Yno ! Sinon, les
forums autour de P13 ont été plutôt actifs : il
y a eu beaucoup de créations personnelles,
de nouveaux PNJ, d’aides de jeux ou de
scénarios.
Certains de vos jeux faisant partie de la
gamme D.O.A ont eu un très bon retour
des joueurs. Est-ce que ça ne vous incite
pas à faire évoluer la gamme en sortant un
supplément ?
À propos du dK System, on a pu voir son
utilisation faite notamment et officiellement
sur Khaos 1795, un JdR d’un autre éditeur (les
XII Singes) ; le tirage épuisé de sa première
version confirme également son succès. Quel
bilan tirez-vous de votre système maison ?
Et êtes-vous d’accord pour dire qu’il est en
passe de devenir un standard en France ?
Difficile de dire s’il s’impose comme un
standard. Je pense plutôt qu’il est maintenant
reconnu et se pose en alternative, dès lors
qu’on cherche un système rapide à mettre
en place et orienté “ aventure ”. Nous l’avons
toujours dit, le dK n’est pas adapté à toutes
les ambiances. C’est aussi un système assez
orienté “ bidouilleur ”, c’est cette modularité
qui fait son charme mais qui du coup ne lui
permettra sans doute pas de devenir un
véritable standard. Quant à notre bilan, il
est très positif. Tout d’abord, la première
version a vu son tirage épuisé plus vite que
nous ne le pensions. Ensuite, c’est surtout la
communauté qui s’est rassemblée autour
du système qui nous a bluffé et convaincu
de publier une nouvelle édition plutôt que
de faire un simple retirage. Le dK est en effet
vivant, des tas d’options ont été proposées,
le système est parti dans des directions
inattendues et excitantes, et retirer le jeu à
l’identique aurait été un non-sens. Bien sûr,
voir le dK utilisé comme moteur du jeu d’un
autre éditeur, comme Khaos 1795, c’est un
peu la consécration. Ça prouve qu’il est
comme ses papas l’ont voulu, pratique et
modulaire.
Votre prochain jeu au format D.O.A, Warsaw,
est prévu pour avril 2009. Le jeu sera une
uchronie où la première guerre mondiale ne
s’est jamais arrêtée et dure depuis plus de 50
ans. Pouvez-vous nous présenter un peu plus
ce projet ?
mon sens, il a vraiment mis l’accent sur cet
aspect. Ça se traduit bien sûr dans le système
de jeu, signé Willy Favre, où il faudra doser ses
prises de risques, tenir compte de sa fatigue,
gérer le stress engendré par la violence,
les privations, la tension permanente. Le
personnage s’effondrera-t-il ou au contraire
réussira-t-il à s’endurcir, au risque de perdre
son humanité ? L’ambiance est donc assez
étouffante, et mature une fois de plus. Un
jeu très urbain, c’est aussi ce qui m’a séduit.
Graphiquement, c’est l’équipe de Patient
13 qui a été réunie et l’écriture du jeu sera
originale, déclinée comme un carnet de
voyage dans cette ville martyrisée…
Votre actualité ne s’arrête pas là, puisque
vous avez annoncé également Tenga, un jeu
de samouraï se déroulant dans le Japon du
XVIème siècle. Là encore, que pouvez-vous
nous dire sur ce projet très alléchant ?
Nous avons été emballés par la note
d’intention de Jérôme “ Brand ” Larré et
les parties de test que nous avons faites
nous ont conforté dans l’idée que Tenga
sera vraiment un jeu à part, passionnant et
déroutant. Tout ce qu’on aime ! Pour ma
part, je ne me sens pas vraiment attiré par
le “ Japon rôliste ”, comme il est très souvent
mis en scène, avec ses castes caricaturales,
ses classes de personnages restrictives,
son code de l’honneur envahissant. Avec
Tenga, j’ai découvert quelque chose de plus
excitant : il y a un monde, une société dans
toute sa complexité au delà des intrigues
de cour parfois stéréotypées des samouraïs.
Nous travaillons actuellement avec Brand
pour affiner le format du livre et son contenu.
Il y a encore du travail, le jeu n’est prévu que
pour le dernier trimestre 2009.
En plus de vos sorties régulières, vous proposez
également à vos joueurs Body Bag. Un zine
gratuit au format pdf qui enrichit l’univers de
vos jeux au travers des aides de jeu et des
scénarios. Après quelques numéros, quel
bilan faites-vous sur cette initiative ?
Que sortir un périodique, c’est épuisant,
mais je ne vous apprends rien ! Sans surprise,
rattrapés par les projets papier, nous n’avons
pas pu tenir le rythme après 4 numéros quasi
mensuels. Mais nous nous sommes fait plaisir,
et apparemment aux lecteurs aussi vu les
retours, c’est l’essentiel. C’est le côté positif
du bilan, Body Bag a créé un lien et mine de
rien, le prochain opus est réclamé. Body Bag
reviendra, c’est sûr, dès que nous trouverons
un peu de temps.
propos recueillis par Olivier Camus
& Vincent Ziec
http://johndoe-rpg.org
C’est un univers sombre, violent et désespéré
de guérilla urbaine, où la survie est l’enjeu
quotidien et la seule réelle préoccupation
des personnages. L’auteur, Julien Heylbroeck,
vous en parlerait bien mieux que moi mais à
7
les carnets de l’assemblée # 4
JDR
à l’épreuve
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
HELLYWOOD
L’ŒUVRE AU NOIR
jeu de rôle d’Emmanuel Gharbi
édité par les Éditions John Doe
note :
Jusqu’à présent, en dehors
de quelques jeux anglo-saxons joués en
France par 1D6-1 personnes (Noir RPG,
Bloodshadows…), il n’existait pas de jeu
de rôles permettant de s’immerger dans
l’ambiance du genre Noir, celui des romans
de Raymond Chandler (Le grand sommeil)
ou de Dashiell Hammett (Le faucon maltais)
ou encore celui des films avec l’inoubliable
Humphrey Bogart. Dans ces histoires, en
général, on suit des (anti-)héros qui ne
comprennent rien à l’intrigue très complexe
dans laquelle ils sont plongés en dehors
du fait qu’ils vont devoir se ramasser un
maximum de bourre-pifs que, du coup,
ils s’empresseront de redistribuer avec les
intérêts. Ah, vous aussi vous avez reconnu
votre habituel groupe de joueurs ? Un jeu
français de qualité était donc vivement
attendu pour pouvoir exploiter cette
troublante similitude.
Grâce à Emmanuel Gharbi (Môôôsieur Exil)
et au dynamique éditeur John Doe, c’est
désormais chose faite et sans doute même
au-delà de ce qu’on pouvait espérer. Le
phénomène s’appelle donc Hellywood et
se présente sous la forme d’un livre de 224
pages au format John Doe (un peu plus
grand qu’un A5). Si la couverture ne brille
pas par son originalité, la présentation du
livre est sobre, très lisible et émaillée de
dessins assez nombreux mais hélas, format
oblige, trop petits. Comme
il se doit chez cet éditeur,
l’ouvrage est très complet et comporte
absolument tout ce qu’il faut pour jouer
sans tarder (d’où sans doute le célèbre
slogan : Just Doe it…) : un système de jeu
original et bien adapté au thème, une
description minutieuse du genre Noir et de
sa transposition en jeu de rôles, 2 scénarios
et même, tenez-vous bien… une centaine
de pages consacrées à la description de
Heaven Harbor, la ville où se dérouleront les
aventures de vos personnages. Le tout pour
une trentaine d’euros, le rapport qualité/prix
est exceptionnel.
Stop, arrêtez tout de suite de pester contre
Google Earth : non, vous ne pourrez pas y
localiser Heaven Harbor. Cette dernière est
une ville semi-imaginaire. C’était aussi ce
biais qui était utilisé dans Noir RPG et cela
semble très bien convenir au genre où tout
se passe dans LA ville plutôt que dans UNE
ville. À vrai dire, même si sa description est
aussi l’occasion de faire la connaissance
d’une centaine de PNJs importants, la ville
est plus qu’un décor. C’est le personnage
principal de l’univers de jeu et la place qui
lui est consacrée (la moitié du livre) se justifie
pleinement. Sa découverte se fait aisément
car, bien loin de la description bâtiment par
bâtiment (“ là, vous avez une crémerie ”),
on arpente les rues de Heaven Harbor en
suivant les pas d’un narrateur. Hellywood, un
peu à la manière du livre de base de Crimes,
prend donc l’allure d’un récit subjectif. On
sait que cela ne donne pas les meilleurs
résultats pour retrouver les infos dont vous
aurez besoin en cours de jeu mais ici cela
s’impose tant le genre exploré est littéraire.
Pour vous en sortir, mémorisez d’abord très
bien le «digest» de 10 pages sur la ville qui
se trouve au début du manuel avant de
vous lancer dans le reste. Une autre astuce :
imprimez le tableau synthétique des PNJs
dispo en PDF sur le site dédié au jeu*.
Au détour du récit, tout à coup, un doute
étreint le cœur du puriste… eh, c’est quoi
ces trucs avec des cornes et des ailes ? Eh
oui, Hellywood, comme son nom le laissait
8
les carnets de l’assemblée # 4
deviner, propose un genre Noir légèrement
épicé d’un soupçon de fantastique. Tarte à
la crème rôlistique ou vraie bonne idée ?
Même si vous n’êtes pas totalement
convaincu par l’utilité impérieuse de
l’introduction du fantastique dans tout ce
qui concerne les D20 et les pizzas froides,
vous constaterez qu’ici, c’est franchement
fait avec goût et intelligence (Monsieur Exil
je vous dis...). OK, il y a des démons mais
on ne les invoque pas en claquant des
doigts. Oui, il y a aussi d’autres “ monstres ”
mais ils sont en très petits nombres : golems,
séraphins, succubes et basta. Et non, il n’y a
pas de mafieux aux oreilles pointues ou de
détectives privés à longue barbe préférant la
bière au scotch. Ont été exploités seulement
et uniquement les thèmes fantastiques qui
recoupent les thèmes du genre Noir. Par
exemple, celui du pacte démoniaque, de la
corruption ou encore la figure des succubes
plus ou moins assimilées aux Femmes Fatales.
Au final, le fantastique enrichit l’univers de
Hellywood sans dénaturer le genre Noir. Au
pire, un puriste pourra sans peine supprimer
les allusions fantastiques et conserver 90 %
de l’intérêt du livre.
Puristes et béotiens se retrouveront de
toutes façons lorsque viendra le moment
de découvrir le système de jeu. Léger et
original, dans un style disons semi-narratif
(qui prend systématiquement en compte
les spécificités de l’univers mais pas prise de
tête pour autant), il propose un excellent
codage du genre Noir. La création de
personnage autour de la notion de Nature
(trait de caractère ou d’identité comme
femme fatale, alcoolo, loser, révolté... il n’y
en a pas moins de 35 ! ), la mise en avant de
caractéristiques très typées (Trogne, Punch,
Mojo, ...) ou encore des petits dispositifs
comme les Fuckin’ Bastard Points (sorte
de points d’antihéroïsme qui permettent
de recevoir momentanément un coup
de pouce du destin avant que celui-ci ne
vous revienne en pleine gueule) ou encore
la “ roulette russe ” (qui permet de tenter
le tout pour le tout au péril de sa vie)…
toutes ces briques forment un ensemble
cohérent, complet et accessible. Sur ce
dernier point, on regrettera
à l’épreuve
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
simplement que le moteur de jeu repose sur
les règles du craps, un jeu de dés de voyous
américains (paraît-il…). Dans nos contrées
de coincheurs et autres joueurs de belotes,
personne ne le connaît, ce qui ajoute peu à
l’ambiance. Il reste, du coup, un test de dés
pour le moins peu intuitif : avec 2D6 ; sur un
7 ou 11, gagné, 2,3 ou 12, perdu…
Il y a encore un peu de place dans ce petit
livre bourré jusqu’à la gueule : la description
d’une agence de détectives pouvant
fournir du boulot à vos PJs, deux scénarios
et, surtout, une bonne vingtaine de pages
de conseils et de sources d’inspirations
commentées pour vous aider à donner à
vos parties un vrai parfum Noir. Un boulot de
synthèse vraiment remarquable.
L’aventure Hellywood ne s’arrête pas
là puisque le jeu a le bon goût d’être le
premier jeu estampillé JD à être doté d’une
gamme de suppléments. Vous pouvez
déjà vous jeter sur l’écran et son livret (14
euros). Bien sûr, format John Doe oblige,
c’est un écran petit format mais il est
solide, en 4 volets et le côté MJ (Voix Off en
fait dans Hellywood…) fera parfaitement
JDR
son office. Il est accompagné d’un petit
livret que les auteurs ont rempli de pleins
de bonnes choses qui, sans doute, ne
tenaient plus dans le livre de base : errata,
séquelles, une quinzaine de contacts, des
précisions indispensables sur les invocations
et négociations avec les Démons et, surtout,
deux nouveaux scénarios. Dans les premiers
mois de 2009, on devrait aussi découvrir la
campagne qui, sans doute, nous permettra
de pleinement exploiter la richesse du
background de Heaven Harbor. Vous
n’aurez alors plus aucune excuse pour ne
pas enfiler sur-le-champ un imper mastic,
faire glisser sur votre front un chapeau
mou, planquer un calibre dans votre holster
d’épaule et aller affronter les mystères du
monde de Hellywood.
par Julien Clément
*http://emmanuel.gharbi.free.fr/wordpress/
dK2 SYSTEM
+ LE BESTIAIRE MONSTRUEUX
système de jeu de rôle générique de Eric
Neudian et John Grümph
édité par les Éditions John Doe
note :
La seconde édition du dK System
ne s’est pas faite attendre, un an après la
sortie de son édition originale désormais
épuisée, les éditions John Doe nous livrent ici
une version revue, corrigée et agrémentée
des conseils avisés de sa communauté de
joueurs. Eric Nieudan en est le papa, John
Grümph, la baby-sitter qui continue d’assurer
l’évolution de cette fabuleuse boîte à outils
pour MJ en mal de moteur de règles.
L’idée de génie : le dK ajoute
une dimension ludique supplémentaire,
qui n’entrave en rien le déroulement d’un
scénario ou le rythme de l’action, avec les
dKrâsses ; une réserve de d6 dont seuls les
résultats 3 et 6 sont comptabilisés et ajoutés
au jet traditionnel du d20. Cette réserve
commune aux joueurs est alimentée par le
MJ lorsque ce dernier décide d’en user ou
par les PJ eux-mêmes avec un nombre initial
octroyé à chaque début de séance.
Le manuel se découpe en trois
grandes parties : le dKool, les Atouts, le
dKrunch. Le dKool, ou règles de bases,
se pratique avec ou sans niveaux et XP. Il
reprend les grandes lignes du d20 System
(Dungeons & Dragons) et son jet de d20 +
attribut ou compétence. Les Atouts sont
ensuite l’autre mamelle du dK System avec
tout un chapitre bien fourni, les classifiant
par thème. Une véritable compilation
d’expérience rôlistique au service du
background des personnages.
La partie dKrunch regroupe, quant à elle,
les règles optionnelles et avancées dites “ à
virgule flottante ”. L’écriture est ici détendue
et agréable à suivre, contrant ainsi le côté
encyclopédique et rébarbatif des corpus de
règles traditionnels. Au rayon des nouveautés,
on notera surtout la notion d’habillage
(dépenser 1D6 PE pour aider votre jet de
dé à l’aide d’une autre compétence. Par
exemple : Utiliser psychologie pour habiller
son jet de bluff face à un adversaire de
Poker). Cette notion est énorme et offre plein
de possibilités de jeux ! Et le DK2 est gavé de
petites choses comme celle-ci. Sachez aussi
que le DK2 est compatible à 90% avec le
DKSystem (la gestion de la magie change
par exemple).
Seul petit point négatif, la maquette
chaotique, ou plutôt trop ambitieuse pour ce
petit format, où il est difficile de s’y retrouver
rapidement. Le succès de la première édition,
son application à divers univers officiels et son
recyclage effectué
par un autre éditeur
pour Khaos 1795 (les
XII Singes) confirme
son statut de nouveau standard
de règles francophone.
Le Bestiaire Monstrueux & autres
miscellanées cryptozoologiques, bien que
petit (seulement 66 pages), est très très
costaud. Les descriptions des bébêtes à
tuer reprennent ici toute la substantifique
moelle du dK : simples, originales et directes.
Plutôt orienté med-fan, ce livret est l’idéal
compagnon du corpus de règles. C’est tout
de même pas moins de 82 sales trognes,
illustrées par Greg Lowfé, de toutes tailles,
de tous niveaux, mais surtout affublées de
détails croustillants qui donneront à tout MJ
en mal de barnum l’occasion de combler sa
ménagerie anti-PJ.
par Olivier Camus & Vincent Ziec
9
les carnets de l’assemblée # 4
à l’épreuve
JDR
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
BASIC
ROLEPLAYING
LA QUATRIÈME ÉDITION
système de jeu de rôle (en anglais) de
Greg Stafford, Lynn Willis, Sandy Petersen,
Steve Perrin, ...
édité par Chaosium
http://www.chaosium.com
note :
Quatrième et ultime édition du
système BaSIC créé par Chaosium (L’Appel
de Cthulhu, Elric, RuneQuest, Hawkmoon,
Nephilim, ...), le BRP fait peau neuve grâce
à la sortie de cet énorme pavé de 400
pages. On est donc bien loin du minuscule
fascicule de 20 pages publié en 2002,
qui n’était qu’une extraction des pages
à peine remaniées du système que l’on
trouvait inclus dans le manuel de base de
L’Appel de Cthulhu. Désormais, toutes les
règles sont ici compilées accompagnées
d’une liste exhaustive d’idée de settings
d’univers et d’un bestiaire de monstruosités
classiques.
L’ensemble des compétences
est enfin regroupé clairement, une
partie Powers synthétise les principaux
domaines de pouvoirs : magie, sorcellerie,
psioniques, super-pouvoirs, mutations, ...
Suivent une section Combat détaillée et
surtout un ensemble de règles optionnelles
regroupées au sein d’une rubrique dédiée.
Clarté et cohérence sont au
rendez-vous, indéniablement, mais la
qualité de la forme pèche malgré tout
par son passéisme très marqué “ années
80 ”. Nous sommes ici sur un gros pavé
noir et blanc aux illustrations très datées et
disparates. Malgré tout, cette édition se
révèle être définitive et tout à fait aboutie.
Et comme conseillé dans notre dossier
comparatif des systèmes génériques
(cf. Les Carnets de l’Assemblée n°3),
BaSIC reste notre système fétiche
pour de multiples raisons, dont celle
d’être facilement intuitif, accessible,
adaptable et maîtrisable. On vous le
recommande une nouvelle fois.
par Olivier Camus
10
les carnets de l’assemblée # 4
à l’épreuve
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
JDR
PROJECT :
PELICAN
LES ÉVADÉS D’ALCATRAZ
jeu de rôle de Fabien « Fablyrr » Fernandez
édité par CDS Éditions • collection
Hypericum
www.cds-editions.com
note :
Le réalisme du contexte et le traitement
mature du chapitre sur les drogues, les
modes de vie, la guerre nous plongent
dans l’atmosphère de l’époque, dont
l’historicité développe l’ambiance du jeu.
Ces sections sont essentielles afin de saisir
la quintessence de cette époque aux
USA, divisée par la guerre du Vietnam, les
assassinats politiques, les conflits raciaux...
« Ne te laisse pas distraire par le
vacarme des hommes, par leur quête
insatisfaite, désordonnée
Ils sont comme l’animal emprisonné
dans l’enclos, qui tourne
sans comprendre
et cherche une issue
qui n’existe pas »
- Sagesse Amérindienne
« Choisis bien tes mots,
car ce sont eux qui créent
le monde qui t’entoure »
- Pensée Navajo
1971. Pour le meilleur
et le pire aux USA. À cette époque, les
amérindiens tentent de faire valoir leurs
droits auprès du gouvernement et dans
la société. Focus de ce mouvement
libertaire: l’île d’Alcatraz où s’est établie
une communauté vivace qui mène cette
bataille pacifique, et symbolise finalement
la préservation de toute Dignité.
Les joueurs incarnent des natifs
amérindiens qui à un moment ont rejoint
cette communauté afin de faire survivre
leur différence, préserver leurs origines
tribales, ou avoir enfin une place. Dans
ce jeu, il est question de minorité face
à la multitude, de singularité face à
l’uniformisation du monde. D’une traque.
Voici le point de départ du Project : Pelican
dont l’ambiance entremêle spiritualité,
complots et horreur sourde.
Émaillées de citations de personnalités
amérindiennes,
d’écrivains,
poètes,
chanteurs, et politiciens de l’époque, la
présentation du cadre, les thématiques, et
les sections du contexte (époque, société,
tribus) sont bien documentées et plaisantes.
S’y reflètent les deux visages des 70’s,
rythmées par une créativité artistique et
musicale effrénée, mais également nourries
par la substance des contradictions de
l’époque, de ses colères, d’une Amérique
difficilement progressiste et tolérante.
L’âme du jeu, délicieusement
musicale et éminemment narrative,
encourage une interprétation introspective
des personnages où libre arbitre et
conscience font parties intégrantes de la
dramaturgie du jeu. La conceptualisation
des personnages pourra déconcerter les
joueurs cherchant à créer un personnage
appartenant à une faction précise comme
dans d’autres JdR, car ici le choix n’est pas
archétypal ou clivé mais tribal et social.
Le moteur exclusif du jeu, le Systotem,
évoquera en esprit aux aficionados du
Monde des Ténèbres, le système White
Wolf, privilégiant l’interprétation et la
narration. Les 8 esprits-totems (coyote,
aigle, ours...) regroupent une combinaison
des caractéristiques des PJs. Le principe
technique de base s’établit sur un jet de
caractéristique+nombre de dés octroyés
par la compétence+1dé, le total devant
surpasser un seuil de difficulté. À cela, le
système ajoute bien sûr diverses déclinaisons
et variations. Ainsi, la règle d’encaissement
des dommages est intéressante : même si
les personnages absorbent les coups, leur
corps se fatigue et il devient plus ardu de
supporter les coups ou blessures suivantes.
À noter qu’une série de synopsis élaborés
succède au scénario d’introduction, les
évadés d’Alcatraz.
Sans déflorer les secrets, le jeu permet
de jouer au moment précis où l’occulte
peut faire basculer l’histoire en lumière,
où l’uchronie est possible. Et si l’horreur
c’est aussi la détresse de communautés,
le racisme, l’exclusion d’un monde aux
valeurs morales et humaines délétères,
ce jeu traduit métaphoriquement que le
germe de toute horreur est en l’homme.
« Lorsque le dernier homme rouge aura
péri, et que le souvenir de ma tribu
sera devenu un mythe
parmi les hommes blancs,
ces rivages s’animeront
des morts invisibles de ma tribu...
Il n’y a pas de mort.
Seulement un changement de monde.»
Ancré dans un réel fort, pouvant
mener les joueurs de la lisière du fantastique
aux confins de l’horreur, Project : Pelican
est intelligent et engagé. Engagement
à velléité humanitaire puisque les droits
d’auteur sont intégralement reversés à
l’association Pine Ridge Enfance Solidarité
(aide aux enfants Sioux Lakota).
Pour une immersion plus vivace dans
l’univers du jeu, le meneur pourra se
documenter afin d’enrichir l’ambiance et
la narration (par exemple pour les rites),
de même que les joueurs désireux d’affiner
leur interprétation (comme pour incarner
avec l’implication nécessaire un hommemédecine, lien entre tradition, spiritualité
ancestrale et contradictions de l’époque).
Offrant une approche adulte et cultivée,
l’initiative Project : Pelican pourra sembler
confidentielle, voire – pour reprendre un
terme récent à l’époque – underground
dans le panorama rôlistique français. Cela
n’enlève rien aux qualités et à la puissance
résolument ethnographique de ce jeu.
Si le Projet est bel et bien devenu réalité
désormais, souhaitons aux Pélicans un
envol aussi serein que majestueux.
Par Erron Flyll
Le blog du jeu:
http://project-pelican.blogspot.com
Association Pine Ridge Enfance Solidarité:
www.pres-asso.org
11
les carnets de l’assemblée # 4
à l’épreuve
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
interview •••
SÉBASTIEN BOUDAUD
LE GRIMOIRE
Loup Solitaire •••
Manga BoyZ •••
[i n t e r v i e w ]
success story
D’abord connu comme un supplément périodique à destination des
fans de Warhammer, le jeu de rôles, Le Grimoire est depuis peu revenu
en tant qu’éditeur associatif et audacieux. Après la sortie remarquée
de Loup Solitaire, c’est aujourd’hui le projet Manga BoyZ qui se
concrétise sur les étals. Preuve flagrante que l’on peut avoir du succès
tout en restant non-professionnel. Les Carnets se devaient de donner
enfin la parole à Sébastien Boudaud, scribe suprême et responsable
du Grimoire…
Pour ceux qui ne le connaîtraient pas,
peux-tu nous présenter Le Grimoire et son
parcours ?
Sébastien Boudaud : Le Grimoire est une
maison d’édition associative dont le but
est la promotion de nouveaux artistes et de
jeunes auteurs. Nous éditons des ouvrages
et nous participons à des conventions et
à des salons dans lesquels nous faisons la
promotion de notre activité. Nous aidons
donc nos auteurs et nos artistes à se faire
connaître et ainsi “ à se faire la main ” pour
passer pro. Le Grimoire existe maintenant
depuis 16 ans ! Une quinzaine de nos
membres ont ainsi pu signer leur premier
contrat avec des éditeurs. Ils travaillent dans
différents univers tels que la BD, la figurine,
la presse, l’édition. Nous avons de quoi être
fiers aujourd’hui de leurs parcours.
Le plus important, c’est bien entendu
que cela soit clair dès le début : nous ne
pouvons ni rémunérer les auteurs, ni les
membres de l’association, même si ces
derniers travaillent très dur sur chacun de
nos projets.
Bref, les amateurs passionnés ont de
beaux jours dans notre équipe et sont les
bienvenus !
Vous avez commencé en publiant des
suppléments pour Warhammer, ce qui n’est
pas rien. Avec le recul, quels commentaires
pouvez-vous faire sur cette aventure ?
Nous avons édité 20 ouvrages pour le jeu
de rôle Warhammer. Le déclic fut pour nous
lors de la parution de notre sixième ouvrage
pour lequel nous avons été rejoint par Pierre
Noël, un talentueux artiste peintre. D’autres
« La motivation et le désir de bien faire sont bien
plus importants pour la réussite d’un projet. »
Au vu de votre développement, est-ce que
le cadre associatif répond encore à vos
attentes ?
Oui. Nous avons travaillé avec de nombreux
fans et des amateurs motivés. Nous
n’avons jamais été déçus. Par contre, il
nous est arrivé d’être très désenchanté par
le travail de certains professionnels avec
lesquels toute maison d’édition est obligée
d’œuvrer ; que ce soit les maquettistes
ou les imprimeurs, etc… Bref, ce qui nous
surprend toujours c’est combien malgré
tout, la motivation et le désir de bien faire
sont bien plus importants pour la réussite
d’un projet que le fait ou non de faire appel
à des professionnels qui seront rémunérés
pour leurs travaux.
artistes nous rejoindront tels que Christophe
Madura (qui illustrera ensuite le jeu de
plateau BattleLore). Je ne vais pas tous
les nommer ici, mais vous l’avez compris,
ils sont nombreux ceux qui participent à
nos projets. Avec le Tome 20 consacré au
Chaos et dernier ouvrage dans le monde
de Warhammer, c’est Gary Chalk qui nous
rejoint et qui apporte sa patte très british à
nos publications. Pour ceux qui ne le savent
pas, Gary Chalk a travaillé pour la première
édition de Warhammer, il a illustré les pages
intérieures des Livres Dont Vous êtes Le
Héros de la série Loup Solitaire, et a illustré
Cadwallon…
Cette aventure nous a permis de franchir
le pas, de rencontrer les bonnes personnes
pour les nouveaux projets que nous avons
mis en place.
12
les carnets de l’assemblée # 4
Quelle est l’implication du Grimoire dans
la mythique série des romans-jeu Les Livres
Dont Vous êtes Le Héros ?
Comme la plupart des fans de jeu de rôle,
nous avons tous débuté en lisant Les Livres
Dont Vous Etes le Héros édités par Gallimard
(collection Folio Junior). Rien qu’en France,
ces livres ont ainsi été vendus à 10 millions
d’exemplaires. Lorsque Gallimard a
décidé de rééditer la Série Loup Solitaire,
j’ai contacté Joe Dever et Mongoose
Publishing pour leur proposer la traduction
du jeu de rôles Loup Solitaire. Gary Chalk
accepta de réaliser de nouvelles œuvres
pour ce jeu de rôles, nous avions réuni
toute une équipe de jeunes illustrateurs
autour de lui pour ce projet dans lequel
nous n’avons gardé aucune illustration de
la version anglaise.
à l’épreuve
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
J’ai rencontré la directrice générale
de Gallimard et nous avons signé un
protocole d’accord liant Le Grimoire avec
Gallimard dans un projet de promotion
et de communication. Cet accord nous
autorisant entre autre à utiliser le logo bien
connu des français sur les livres de poche
(le loup qui hurle à la Lune).
En moins d’un an, 200.000 exemplaires de
Loup Solitaire ont été vendus par Gallimard
et nous avons vendu de notre côté
1.500 exemplaires du jeu de rôle intitulé
l’Encyclopédie du Monde.
Le jeu de rôle Loup Solitaire est ainsi vendu
dans les Espaces culturels Auchan, les
librairies Cultura et bien entendu dans les
Librairies Gallimard !
Vous avez donc élargi votre catalogue,
avec la traduction française de Loup
Solitaire, le jeu de rôles. Quel a été l’accueil
de cet univers qui a bercé l’enfance de
nombreux rôlistes ?
L’Encyclopédie du Monde est maintenant
épuisée et il nous reste encore quelques
écrans du Meneur de Jeu. Mais nous ferons
une réédition à la parution du premier gros
supplément, Le Grimoire du Magnamund.
Nous en ferons un format différent, ce qui
nous permettra également de supprimer
les quelques coquilles que renferme la
première édition de l’ouvrage. Le gros
travail de coordination et de gestion des
25 participants au projet a été assuré par
Thomas Schneider.
Votre suivi sur la gamme ne s’arrête pas à
la traduction puisque vous allez également
proposer du contenu inédit, différent de la
gamme originale de Mongoose publishing.
Pouvez-vous nous en dire plus ?
Sous la coordination de Gabriel Féraud et
d’Eric Dubourg, Le Grimoire édite un gros
ouvrage en fin d’année qui regroupe 2
suppléments déjà édités en anglais par
Mongoose Publishing et qui sont intitulés
dans leur version originale Magic of
Magnamund et Darklands.
Une troisième partie sera
inédite et de création
100% française !
L’ensemble de l’ouvrage sera illustré par
des inédits de Gary Chalk, Brian Williams,
Rich Longmore et des œuvres de Paul
Bonner. De jeunes artistes dessinateurs
français participent également au projet
et parmi eux Denis Taverne et Eric Fessard.
Cet ouvrage est intitulé Le Grimoire du
Magnamund et est mis en page par un
graphiste bien connu : Le Grümph.
Depuis un an, nous mettons en ligne sur
notre site internet de nombreux scénarios
et des aides de jeu, tous disponibles en
téléchargement gratuit.
Votre dernier jeu, Manga BoyZ s’inspire
des univers shonen propre au manga.
Comment a été accueilli ce concept chez
les joueurs ?
Le jeu venant à peine de sortir, nous verrons
sur le long terme. Nous avons beaucoup
d’amis et de fans qui nous encouragent et
nous soutiennent à travers toute la France
et aussi à l’étranger. Je pense d’abord à
Olivier Joiris en Belgique et à Vincent Mottier
en Suisse qui tous deux font beaucoup pour
faire connaître le jeu de rôle en organisant
des conventions telles que Trolls et Légendes
et Orc’idée. C’est grâce à des passionnés
comme eux que nous parvenons à trouver
la force de continuer.
Autre originalité du produit, vous avez
également proposé le jeu directement
auprès des lecteurs de mangas afin de
leur ouvrir une porte vers le JdR. Est-ce
que le public visé a été sensible à cette
démarche ?
Manga BoyZ est avant tout un jeu
d’initiation. Notre objectif est bien entendu
de faire connaître le jeu de rôles aux fans
de Manga. Mais Manga BoyZ est bel et
bien un univers à part entière. C’est un jeu
original et bien conçu, certains diront un
petit bijou... Nous sommes d’ores et déjà
obligés de réimprimer Manga BoyZ pour
répondre aux demandes des libraires et
des boutiques de jeu. Mais tout cela prend
du temps. Nous pourrons faire un bilan en
Mars 2009. Alors, nous pourrons dire si oui ou
non le public a aimé.
Quel sera le suivi de sa gamme ? Une
éventuelle BD ?
Nous connaissons assez bien le
parcours de John Lang (Donjon de
Naheulbeuk) que nous rencontrons
sur la plupart des conventions
auxquelles nous nous rendons. Décliner
un univers sur différents supports est
quelque chose qui marche. Mais nous
voulons avant tout nous faire plaisir et
nous avons décidé, en effet, d’éditer des
mangas dans l’univers de Manga BoyZ
début 2009.
Quels sont les termes de votre contrat
avec Makassar ? Est-ce que cela veut dire
que l’on va pouvoir retrouver l’ensemble
de votre catalogue en librairies grand
public ?
Nous avons choisi de travailler avec
Makassar pour son expérience dans la
diffusion et la distribution de mangas et de
BD dans le réseau des libraires et les FNAC.
Depuis le mois de septembre, Makassar
diffuse Manga BoyZ mais aussi Loup
Solitaire. Nous restons pourtant distribué
dans le réseau des boutiques de jeu par
Millennium avec à sa tête Gilles Garnier en
qui nous avons entièrement confiance.
BattleLore et Cadwallon sont mis en
avant sur votre site. S’agit-il de nouveaux
partenariats ? Et si oui, en quoi consistentils ?
Nous avons créé des liens avec plusieurs
éditeurs en commençant par Ubik/Edge
qui est dorénavant une maison d’édition
presque aussi importante qu’Asmodée.
Nous sommes en bon terme avec Days of
Wonder, Rackham et Games Workshop,
et avec chacun d’entre eux nous avons
mis en place la promotion de leurs jeux sur
notre site. Nous ne sommes pas un éditeur
comme les autres et nous avons un fort
taux de sympathie auprès de la plupart
des éditeurs professionnels car ils savent
qu’ils peuvent dorénavant trouver parmi
nos membres des auteurs ou des artistes
confirmés.
D’autres projets pour l’avenir ?
Oui, bien sûr mais nous ne pouvons pas
en parler maintenant. Nous travaillons
beaucoup avec des partenaires installés
en Asie. Le jeu vidéo Lone Wolf est ainsi
actuellement développé à Singapour et
notre imprimeur principal est à Shanghai.
propos recueillis par Vincent Ziec
& Olivier Camus
www.legrimoire.net
13
les carnets de l’assemblée # 4
à l’épreuve
JDR
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
LOUP
SOLITAIRE
LE JDR DONT VOUS ÊTES LE HÉROS
jeu de rôle de Joe Dever
édité par Mangoose Publishing, traduit par
le Grimoire
http://www.loup-solitaire.fr
note :
C’est avec un peu de nostalgie
que l’on se souvient des longues heures
passées à parcourir les pages des Livres
dont vous êtes le Héros. Grâce à Mongoose
Publishing et Le Grimoire pour la version
française, le Loup sort de sa solitude avec
un jeu de rôles créé par l’auteur même de
l’univers de la série des livres-jeux à succès.
Souvenez-vous : le Magnamund est un
monde médiéval-fantastique où le bien
et le mal se livrent une lutte acharnée. Le
Monastère Kaï forme les seigneurs du même
nom, spécialement entraînés aux arts de la
guerre et à l’utilisation des pouvoirs mentaux,
pour combattre les forces des Ténèbres.
JDR
MANGA
BOYZ
L’Encyclopedie du Monde est le premier
ouvrage de la gamme traduit par Le
Grimoire : 336 pages en noir et blanc ;
une couverture souple en couleurs et de
nombreuses illustrations de Gary Chalk, dont
certaines inédites pour la version française.
vous propose un choix
entre sept
classes
originales,
comme
par exemple : Artilleur
nain, Seigneur Kaï,
Amazone,...
Deux niveaux de règles sont
proposés. Le système héroïque reprend
les mécanismes des Livres dont vous êtes
le Héros. Ces règles sont simplistes, mais
conviendront aux jeunes joueurs ou aux
novices du jeu de rôles. Elles permettent
une prise en main rapide du jeu, mais
nécessitent de posséder au moins un tome
de la série de livres-jeux.
Les règles de base utilisent, quant
à elles, le système d20, adapté à l’univers.
Les joueurs de Dungeons & Dragons ne
devraient pas être trop dépaysés. Les
principaux changements se situent au
niveau des alignements qui ont été simplifiés
et évidemment les classes de personnages
ont été, elles aussi, adaptées. Loup Solitaire
Le dernier
tiers
de
l’ouvrage s’attache
à
décrire
le
Magnamund. Il place le contexte une
cinquantaine d’années avant les livresjeux, à l’apogée du Monastère Kaï. Enfin,
les 47 pages de bestiaire vous permettront
de peupler vos scénarios de créatures
typiques.
Le Grimoire du Magnamund est le premier
gros supplément pour Loup Solitaire. Il
ne s’agit pas seulement de la traduction
des suppléments anglais, car une partie
totalement inédite est de création française.
On y trouve, entre autres, la description du
fameux Monastère Kaï.
par Dedjet
LÂCHEZ LA BRIDE !
jeu de rôle d’anticipation de Gabriel Féraud
édité par le Grimoire
http://www.mangaboyz.com
note :
À peine sorti, déjà réédité ! Victime
de son succès, Manga BoyZ est
ressorti en version 1.1, avec quelques
petites corrections et une nouvelle
couverture, toujours aussi sexy !
Manga BoyZ a l’ambition avouée d’attirer
les otaku vers l’univers fantastique du JdR,
avec un format qui se veut proche du
manga. Vaste et honorable tâche, quand
on connaît le succès des publications
japonaises un peu partout à travers le
monde. Si cet objectif reste probablement
utopique, celui de faire passer un bon
moment aux rôlistes est, lui, bien rempli !
La première chose qui frappe
dans Manga BoyZ (hormis sa couverture
ô combien vendeuse), c’est la vitesse à
laquelle on le dévore. Même si le format
reste assez court (moins de 100 pages),
c’est surtout le ton décalé qui accroche
immédiatement (ou pas...). Dans Manga
BoyZ, on écrit comme on parle !
Suite à une invasion éclair (un
15 août, aucun respect, ces aliens...),
l’humanité est sous le joug d’une race
extra-terrestre, que certaines cellules de
résistance tentent de repousser. Regroupées
par zones géographiques, ces cellules
regroupent ceux dont l’organisme réagit
de façon anormale à la Drine, la drogue
de domination des envahisseurs : chez
les personnages, cet élément déclenche
l’apparition d’aptitudes surnaturelles. Faites
chauffer les super-pouvoirs, y’a de l’alien à
bastonner ! À coup de missions casse-cou
14
les carnets de l’assemblée # 4
ou d’infiltration, le destin
de l’humanité dépend - encore
- de vous. Mais le rôliste est comme Bruce
Willis, il a l’habitude de sauver le monde.
Épaulé par un système clair et
concis, qui fait la part belle à l’héroïsme (les
points de Manga) et au fun, Manga BoyZ
fonctionne à la perfection, peut-être parce
que l’on ne l’attendait pas à pareille fête.
Si vous cherchez un jeu enlevé, avec de
l’action, et qui ne se prend pas forcément
au sérieux, achetez Manga BoyZ. Ou mettez
vous au sport, ces saletés d’aliens ne vont
pas déguerpir sans un bon coup de pied.
Fier d’être un Diable Rouge !
par Julien De Jaeger
à l’épreuve
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
LA GAMME
HOLLOW EARTH
expedition
Explorez l’un des plus dangereux
secrets du monde : la Terre Creuse, une
contrée sauvage peuplée de dinosaures,
de civilisations perdues, et de féroces
primitifs ! Les joueurs y incarnent des héros,
des universitaires et des journalistes avides
de découvrir les mystères de la Terre
Creuse. Pendant ce temps, à la surface,
les puissances mondiales et des sociétés
secrètes s’affrontent pour obtenir le
contrôle de la plus grande découverte de
l’histoire de l’humanité !
Se déroulant dans les tumultueuses
années trente, Hollow Earth Expedition
s’inspire des géants de la littérature comme
Edgar Rice Burroughs, Jules Verne, et Sir
Arthur Conan Doyle.
[ L’univers ]
H.E.X. se déroule dans les années
trente historiques de notre monde… Du
moins en surface ! Car, la découverte des
entrées de la Terre Creuse a ouvert les
portes vers un univers fantastique peuplé
de dinosaures, de créatures disparues, de
cités perdues et de tribus féroces ! Des
sociétés secrètes, comme la Terra Arcana,
explorent ces contrées, tout en essayant de
garder secrète l’existence de ce monde
souterrain. Mais aussi la terrible société de
Thulé du régime nazi, qui est persuadée
de découvrir de puissantes armes et autres
artefacts de pouvoir dans ces territoires.
D’autres factions en présence sont
développées dans les suppléments.
Le livre de base décrit l’univers
de la Terre Creuse, mais celui-ci est
véritablement développé en détail dans
le supplément “ Mysteries of the Hollow
Earth ”.
[ Les personnages ]
Les personnages sont définis
par 6 caractéristiques principales dans
lesquelles sont répartis 15 points (Physique,
Dextérité, Force, Charisme, Intelligence
et Volonté). De celles-ci découlent 6
caractéristiques
secondaires
(Taille,
Mouvement, Perception, Initiative, Défense
et Résistance). Des compétences et des
talents viennent compléter la définition
du personnage. Les caractéristiques et
les compétences se combinent à volonté
selon les situations. Des points de style
permettent d’améliorer leurs résultats.
Grâce aux archétypes proposés, il est aisé
de créer un personnage rapidement.
[ Les règles ]
Les règles de H.E.X. sont simples,
utilisant le système de jeu Ubiquity. Le score
de chaque abilité du personnage définit le
nombre de dés à lancer. Celui-ci peut être
modulé par des bonus ou des malus. L’une
des particularités du système est qu’il est
possible d’utiliser n’importe quel type de
dés, car seuls comptent les résultats pairs et
impairs. Les chiffres pairs sont des succès, et
les impairs sont ignorés.
[ Contenu du livre de base ]
Déjà paru en anglais :
• Livre de base
• Écran de jeu
• Secrets of the Surface World
Supplément d’univers qui décrit
les mystères de la surface, ses
protagonistes (dangereux criminels,
savants fous ou encore sorciers) et de
règles (pouvoirs psychiques, magies,
nouveaux véhicules et équipements
divers, et avec toujours plus de
détails sur les sociétés secrètes).
À paraître en anglais
• Mysteries of the Hollow Earth
À l’instar de Secrets of the Surface
World, vous trouverez dans ce
supplément tout le nécessaire pour
faire jouer dans la Terre Creuse :
description de ses mystères et de
ses dangers (dinosaures, créatures
sauvages et civilisations perdues).
Le livre se compose de règles sur
l’alchimie et le chamanisme, d’un
bestiaire (ainsi que les règles pour
créer vos propres créatures).
• Realms of Mars
Nous n’avons pas plus d’information
sur ce supplément à l’heure où
nous écrivons ces lignes, mais vu
le titre, ça promet d’être un beau
programme !
Édition française
• Livre de base et écran
premier semestre 2009, par Sans
Détour éditions.
En plus de la création de
personnages et des règles, le livre de base
comporte une nouvelle d’introduction
à l’univers, sous forme d’extraits d’un
carnet d’une expédition polaire ayant
accidentellement découvert une entrée
vers la Terre Creuse. Une présentation de
celle-ci, ainsi qu’un bestiaire complètent
cette description. Les sociétés secrètes
Terra Arcana et Thulé y sont décrites, et
un scénario d’introduction permet de
s’immerger immédiatement dans l’univers.
Une importante bibliographie sur le sujet est
également présente.
par Christian Grussi
RÉCOMPENSES
Hollow Earth Expedition est un
jeu publié originellement en 2006
par Exile Studios. Il a été plusieurs
fois nominé et récompensé,
notamment aux ENnies 2007 pour
le meilleur jeu, la meilleure écriture,
et comme produit de l’année.
Médaille d’argent pour la meilleure
couverture. Nominé aux Origins
awards 2007 pour le jeu de l’année.
Le supplément “ Les secrets de la
Surface ” a obtenu la médaille
d’argent aux ENnies 2008.
15
les carnets de l’assemblée # 4
spécial saint-valentin
à l’épreuve
madame débute
Vous trouverez dans cette première partie
une sélection de jeux grand public, qui se
veulent rapides à expliquer, rapides à jouer
tout en étant très divertissants.
[ Kahuna ]
Auteur : Günter Cornett
Illustrateur : Claus Stephen
Editeur : filosofia
Joueurs : 2
Durée : 35 min.
Premier de notre classement,
Kahuna est un jeu de « conquête » dont le
but est de construire des ponts pour, au final,
détenir un maximum d’îles (sur les douze qui
constituent le plateau de jeu). Pour ce faire,
les joueurs disposent de cartes representant
une île de l’archipel. Jouer une carte permet
de poser un pont entre cette île et une autre
adjacente. Jouer deux cartes ensemble
permet de détruire un pont entre ces deux îles
(si c’est deux fois la même carte, n’importe
quel pont de cette île peut être détruit). Le
joueur qui possède le plus de ponts autour
d’une île donnée la possède.
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
Il vous est surement déjà
arrivé, un soir, d’avoir eu l’idée
folle de vouloir faire découvrir
votre passion pour les jeux à votre
compagne. Oui, mais quel jeu
pourrait lui plaire ?
De votre côté, le « je te tiens… »
et le chi-fu-mi ne vous intéressent
pas trop (et vous en avez un peu
marre que madame vous batte au
bras de fer). Alors en cette période
de St Valentin, les Carnets
de l’Assemblée vous
proposent
une
petite sélection de
jeux pour deux.
2
des jeux
pour
Le jeu se déroule en trois manches
(une nouvelle manche débute dès que la
pioche est épuisée) :
1ère manche : Le joueur qui possède le plus
d’îles marque 1 point.
2ème manche : Les joueurs laissent le plateau
en état, mélangent les cartes « îles » (sauf
celles qu’ils ont en main) et recommencent
à jouer. À la fin de cette manche, le joueur
qui possède le plus d’îles marque 2 points.
3ème et dernière manche : Même scénario
que la deuxième manche, sauf qu’à la fin les
joueurs comptabilisent le nombre total d’île
qu’ils possèdent.
Au final, on additionne les points des trois
manches, le joueur qui en a le plus gagne.
Expliqué comme ça, le jeu peut
sous-entendre qu’il laisse une part importante
au hasard. Mais pas du tout ; trois cartes sont
disposées face visible à côté de la pioche
habituelle. Les joueurs peuvent donc choisir au
début de leur tour, de piocher une carte dans
la pioche ou parmi les cartes visibles (cette
dernière sera alors remplacée par la première
carte de la pioche), mais votre adversaire
connaitra aussi ce que vous avez pris.
Les mécanismes sont donc très
simples, favorisent l’interaction entre les
joueurs et transforment vite les parties en
casse tête ludique (mais sans jamais devenir
prise de tête). Kahuna est une valeur sûre
pour jouer à deux.
16
les carnets de l’assemblée # 4
Note : Cet article
n’est pas une liste
exhaustive des
jeux pour deux,
mais plutôt une
sélection de nos
coups de cœur
et qui seront des
valeurs sûres pour
débuter et pour vous
amuser.
[ Quoridor ]
Auteur : Mirko Marchesi
Editeur : Gigamic
Joueurs : de 2 à 4
Durée : 15 min.
Quoridor fait partie de ces jeux
aux règles à la fois simples et prenantes.
Ici, chaque joueur, représenté par un pion,
devra amener ce dernier à l’extrémité
opposée du plateau de jeu. Pour contrer son
adversaire, vous devrez placer des barrières
en bois afin de bloquer sa progression et
ainsi, le forcer à prendre un chemin plus long.
À votre tour de jeu, vous aurez donc le choix
entre bouger votre pion d’une case ou poser
une barrière (avec pour seule contrainte
de laisser obligatoirement un passage sur la
rangée). Rapide, simple et agréable à jouer
grâce à son matériel de qualité, Quoridor est
un classique du catalogue Gigamic (il y est
présent depuis plus de dix ans).
à l’épreuve
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
[ Blokus Duo ]
dynamique et une bonne dose de tactique.
Tortuga est donc un jeu frais, fun et agréable
à jouer grâce à son matériel de qualité et
son esthétique soignée.
Tout
aussi
convaincant que sa
version quatre joueurs
(qui a obtenu 5 prix de
1999 à 2006, dont l’as
d’or du jeu de l’année en
2001), Blokus Duo garde
les mêmes mécanismes
que son grand frère et y
gagne en rapidité et en
intensité de jeu. Chaque
joueur dispose de 21
pièces, elles-mêmes constituées de carrés
(similaires aux pièces du jeu vidéo Tetris). Le
but du jeu est, pour chaque joueur, de placer
la totalité de ses pièces ou un maximum
d’entre elles sur le plateau de jeu avec la
contrainte suivante : chaque nouvelle pièce
posée doit toucher au moins une pièce de
la même couleur, mais uniquement par les
angles, jamais par les côtés.. Lorsque l’un des
deux joueurs est bloqué et ne peut plus placer
de pièce, c’est la fin de la partie. Débute
alors le décompte des points ; on compte le
nombre de carrés restants parmi les pièces
qui n’ont pas pu être placées. Chaque
carré non posé constitue un point négatif
et un bonus de 15 points est accordé si les
21 pièces ont été posées. À part la qualité
du matériel, nous n’avons pas grand-chose
à reprocher au jeu. Très addictif, tactique et
rapide, Blokus Duo est un très bon jeu avec
une durée de vie impressionnante.
madame aime
déjà jouer
Auteur : Bernard Tavitian
Editeur : Sekkoïa
Joueurs : 2
Durée : 15 minutes
[ Tortuga ]
Auteur : Vincent Everaert
Editeur : Gigamic
Joueurs : 2
Durée : 20 min.
Terminons cette première partie
avec le plus mignon des jeux abstraits :
Tortuga. Ici, chaque joueur dirige une équipe
de huit tortues, qu’il vous faudra amener à
l’autre extrémité de l’île (la case opposée la
plus éloignée du plateau de jeu). Au niveau
des règles, nous pouvons présenter Tortuga
comme un jeu de dames amélioré. Les
tortues devront donc toujours avancer vers
l’avant et, comme aux dames, si une tortue
a la possibilité de sauter une tortue adverse,
elle doit le faire. Une fois sautée, la tortue est
retournée sur le dos (elle est dite neutralisée).
Si vous sautez sur une tortue neutralisée, vous
avez alors la possibilité de l’intégrer à votre
équipe ou de la réhabiliter dans l’équipe
adverse (c’est parfois avantageux). Ce
point de règle astucieux offre au jeu une
Moins « grand public » que la sélection
ci-dessus, les jeux listés ici utilisent des
mécanismes plus élaborés et des thèmes
moins grand public. Mais l’immersion n’en est
que meilleure…
Twister est donc une valeur sûre pour initier
votre conjointe aux jeux plus riches. Et si elle
hésite encore, dites lui qu’elle peut aussi
marquer des points de victoire en tuant vos
héros. Règlements de comptes assurés !
[ Le Seigneur des Anneaux :
La Confrontation ]
Auteur : Reiner Knizia
Illustrateur : John Howe
Editeur : Kosmos / Tilsit
Joueurs : 2
Durée : 30 min
[ Dungeon Twister :
La boîte de base ]
Auteur : Christophe Boelinger
Illustrateurs : Wayne Reynolds et Thierry
Masson
Editeur : Asmodée
Joueurs : 2
Durée : 60 min.
La réputation de Dungeon Twister (DT) n’est
plus à faire. Le jeu est devenu, grâce à ses
nombreuses extensions, un incontournable et
les tournois s’enchainent de salon en salon.
Mais sans forcément atteindre un tel niveau
de jeu, la boite de base se suffit à elle-même
pour se divertir et prendre du plaisir à jouer.
Dans DT chaque joueur dirige une équipe
de huit personnages; quatre sur la «zone de
départ» et quatre autres répartis, selon votre
choix, sur les huit salles qui constituent le
plateau de jeu. L’objectif étant de faire sortir
ses personnages du labyrinthe pour marquer
des points de victoire. Chaque personnage
rapporte un point de victoire (sauf le gobelin,
plus faible, qui en rapporte deux). Le premier
joueur arrivé à cinq points de victoire a
gagné. Bien sûr, le but est aussi de bloquer
la progression de l’adversaire et c’est là
toute la saveur de DT. Les salles du plateau
de jeu fonctionnent par paire et chacune
d’entre elles possède un mécanisme qui leur
permet de pivoter ou de faire pivoter la paire
correspondante. Chaque joueur peut donc
modifier la composition du labyrinthe. De
plus les règles, simples, offrent une richesse
de jeu énorme. Vous aurez ainsi la possibilité
d’équiper vos héros de divers objets (une
corde pour passer au dessus d’une fosse, un
bâton magique lanceur de boules de feu
que seul le magicien peut utiliser, etc...). Les
parties laissent très peu de place au hasard et
peuvent s’apparenter à une partie d’échec,
dans le sens où il faut bien analyser le jeu, les
différentes solutions possibles, etc... Dungeon
Suite à l’adaptation cinématographique
du Seigneur des Anneaux, bon nombre de
jeux exploitèrent la licence pour nous offrir
des jeux plus ou moins réussis. Parmi les très
bons, on y trouve le Seigneur des Anneaux :
La Confrontation, un jeu de bluff, de
tactique et de...confrontation. Ici, chaque
joueur contrôle l’une des deux forces qui
constituent le jeu : la lumière ou le Mordor.
Chacune de ces forces est composée de
neuf personnages aux pouvoirs bien distincts.
Le but, pour les forces de la lumière, est de
conduire Frodon au Mordor. Tandis que
pour le Mordor l’objectif est soit d’éliminer
Frodon, soit d’amener trois figurines dans
la Comté. Les mécanismes bien pensés,
le plateau de jeu intelligemment construit
(avec une progression qui s’élargit puis se
rétrécit rendant le conflit plus tendu et les
zones de montagnes, limitant le nombre de
personnage, imposent réflexion), et les deux
forces variées et bien équilibrées en font un
excellent petit jeu qui vous plaira à coup sûr.
D’autant plus que l’univers riche du Seigneur
des Anneaux, valorisé par les illustrations de
John Howe, fait du SdA : La Confrontation un
jeu très agréable à jouer.
[ Objectif Catane ]
Auteur : Klaus Teuber
Illustrateur : Franz Vohwinkel
Editeur : Kosmos / Tilsit
Joueurs : 2
Durée : 60-90 min
Pour
boucler
cette
deuxième partie, nous
avons sélectionné un
jeu différent et ce, afin
de montrer à vous et
à votre conjointe un
autre style de jeu. Objectif Catane est donc
différent en deux points.
17
les carnets de l’assemblée # 4
à l’épreuve
Tout d’abord : le thème. Si
l’héroic fantasy ne vous attire pas, c’est que la science
fiction est pour vous. Ici, chaque joueur est en possession
d’un vaisseau spatial perdu
dans la galaxie. Vous devrez
établir des contacts commerciaux, diplomatiques et
scientifiques avec les peuples extra-terrestres que vous
croiserez. L’objectif ? Être le
premier joueur à cumuler
dix points de victoire afin de
pouvoir rejoindre Catane.
La deuxième différence
concerne la mécanique
du
jeu.
Contrairement
aux autres jeux de cet
article qui possèdent une grande part
d’interaction, les joueurs d’Objectif Catane
ne se « rencontreront » jamais. Vous ne
pourrez donc pas interagir (comprendre :
mettre des bâtons dans les roues) avec votre
adversaire, ce qui conviendrait peut être
mieux à madame. Durant votre tour, vous
devrez lancer un dé pour déterminer vos
ressources et votre vitesse de vol. En fonction
de cette dernière vous pourrez piocher des
cartes qui correspondront à votre plan de
vol. Vous découvrirez ainsi des planètes
marchandes, à coloniser, ou encore des
pirates à combattre si vous ne voulez pas
négocier avec eux. La dernière phase de
votre tour consistera à commercer (avec vos
planètes) et à construire des vaisseaux, des
centres techniques et/ou des améliorations
pour votre cargo (propulseur, canon,...).
De par ses mécanismes riches et variés,
Objectif Catane offre un intérêt et une
diversité toujours renouvelés. Donc, si vous
cherchez un jeu de gestion et d’exploration
au thème fort et bien exploité : Objectif
Catane est fait pour vous.
madame est
très joueuse
Il serait dommage de lister les jeux « pour
deux » et de faire l’impasse sur les jeux pour
adultes. Jeux dont on a très peu l’occasion de
parler ou d’entendre parler. Heureusement,
cette période de Saint Valentin est propice à
l’occasion, alors....faites-vous plaisir.
[ Romeo & Juliet ]
Editeur : Gigamic
Joueurs : 2
Romeo & Juliet peut s’apparenter
à un jeu de l’oie coquin. La partie de jeu, ici
appelée « préliminaire », consiste à lancer un
dé pour faire avancer son pion sur le plateau
de jeu. Si vous tombez sur un masque blanc,
vous devrez répondre à une question lue
dans le carnet rouge (« Que doit faire votre
partenaire pour vous attirer au lit dans les
cinq minutes ? ») ou, si vous tombez sur un
masque noir, vous devrez accomplir une
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
mission, toujours à partir
des propositions issues
du livret rouge (« Exciter
votre partenaire sans le/la
toucher. Vous avez deux
minutes »). Le but du jeu
étant d’arriver le premier
sur la dernière case afin
d’infliger aléatoirement (en
lançant un D20), l’une des
vingt délicieuses missions
et punitions issues du livret
bleu. Le jeu est parfait
pour les jeunes couples ou
les amants cherchant à
pimenter leur intimité tout
en s’amusant. L’esthétique
générale du jeu est très
sobre, les illustrations sont,
quant à elles, suggestives tout en restant
softs. Romeo & Juliet est un jeu à la fois fun et
excitant qui va très certainement vous faire
passer d’agréables moments... que vous
soyez le gagnant ou le perdant.
[ Phantasms ]
Editeur : Gigamic
Joueurs : 2
Phantasms
vous invite à
explorer les diverses facettes,
romantiques et
aventureuses,
de
l’univers
inépuisable
des fantasmes
amoureux. Le
jeu se compose de six
cubes de couleurs
distinctes, chacune
représentant
une catégorie de fantasme (vert : aventure,
rouge : romantisme, violet : la passion du
plaisir, etc...) et de deux livrets de scénario
(un « pour lui » et un « pour elle »). Le principe
du jeu est très simple : un des deux amants
choisit un dé de couleur et l’offre à son/sa
partenaire. Ce dernier doit alors choisir dans
son cahier de scénarios celui qu’il désire mettre en oeuvre. Il donne alors à son/sa partenaire un pion déterminant le numéro du dit
scénario, pour que le partenaire puisse lire
sa version dans son livret. S’ensuit alors un
jeu de séduction et de complicité érotique
qui pourra commencer immédiatement, ou
au bout de quelques heures (voire une journée) en fonction de la durée des éventuels
préparatifs. Phantasms est plus un concept,
un mélange entre jeu de rôle et jeu de plateau. L’intérêt réside donc surtout dans l’implication et la complicité des deux amants.
Cependant, Phantasms a le mérite d’être
une mine d’idées (plus ou moins softs, plus ou
moins réalisables en fonction de vos affinités
avec votre conjointe) mais qui, à coup sûr,
vous permettra de pimenter votre vie intime
tout en vous amusant.
18
les carnets de l’assemblée # 4
Encore plus loin ?
Comme vous avez pu le constater,
les maitres-mots pour faire ce dossier étaient
interaction, convivialité et complicité. Or,
nous pouvons résumer ces valeurs en un nom,
celui d’un éditeur : Gigamic. Si vous souhaitez
aller plus loin et découvrir des jeux par vousmême, sachez que les jeux proposés par
cet éditeur auraient pu tous rentrer dans la
première catégorie de cet article. Gigamic
propose également un large catalogue de
jeux pour adultes, là encore je vous invite à
faire un tour sur leur site pour trouver le jeu qui
vous correspond le mieux.
Concernant les jeux sélectionnés
dans la deuxième partie, le choix est plus
délicat puisqu’il dépend beaucoup des
goûts de votre conjointe. Parce que pour
vous, je sais ce que vous aimez, mais je doute
que Blood Bowl, Space Hulk ou encore
La Guerre de l’Anneau aient leur place ici
(quoique...). Et après, rien ne vous empêche
d’aller encore plus loin et d’initier votre
conjointe aux jeux de rôle à deux (un MJ, un
joueur). Mais ça, ce serait l’objet d’un autre
dossier…
par Vincent Ziec
http://www.gigamic.com/
http://www.filosofiagames.com
http://www.tilsit.fr/
http://www.asmodee.com
Le choix
de la rédaction
KAHUNA
Si, parmi tous ces jeux, nous devions
vous en conseiller un seul, ce serait
Kahuna. Pour son intérêt ludique, ses
mécanismes simples et bien pensés
et son petit goût des îles.
encres
illustration : © Julien de Jaeger / Phosu
INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
Né en 1937, Jean-Pierre Andrevon est surtout connu du grand public pour avoir
été l’auteur de « Les Hommes Machines contre Gandahar » (adapté au cinéma
à la fin des années 80) et de « La Fée et le Géomètre », œuvres emplies de poésie,
d’écologie et d’humanisme. Mais il a également été un pilier de la presse « alternative » et
« de genre », avec des collaborations remarquées dans Charlie Hebdo, Toxic Magazine,
Fiction ou encore le vénérable Écran Fantastique. Aujourd’hui, il publie encore romans
et recueils de nouvelles, désormais plus rattachés au thriller et à la littérature pour la
jeunesse. Toujours vert !
le site de l’auteur : http://jp.andrevon.com
20
les carnets de l’assemblée # 4
encres
INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
1.
Aaon court. Autour de lui, la jungle
halète. Lui aussi halète. Il respire avec difficulté,
sa poitrine brûle en dedans, son cœur
bat, bat, tous les replis de sa chair chaude
exudent une eau graisseuse. Courir, il n’a pas
l’habitude. L’habitude, c’est rester assis sur
son gros derrière, dans la case familiale, en
attendant...
En attendant quoi ?
Aujourd’hui, il en eu assez d’attendre.
Alors il est parti. Cela n’a pas été si difficile. Et
même beaucoup plus facile qu’il aurait cru. Il
y avait cette planche moisie dans la clôture,
côté jungle, qu’il s’amusait à faire bouger
depuis des jours et des jours, sans avoir l’air
de rien, à vrai dire sans penser à rien, juste en
poussant avec le pouce, et en éprouvant un
petit plaisir en sentant la planche remuer, en
l’attendant craquer. Ce matin, il a dû pousser
un peu plus fort que d’habitude : la planche
s’est déclouée, a basculé, seulement retenue
par une pointe rouillée.
C’est ainsi que les idées viennent.
Une planche de l’enclos qui se décloue, et
celle du dessous qui n’a pas l’air bien solide
non plus. Alors on essaye avec celle du
dessous, qui cède à son tour. Dans la clôture,
se découpe maintenant un joli trou. Pas assez
grand pour y infiltrer son corps, bien sûr. Cent
quarante-trois kilos à la dernière pesée, ça
demande de la place...
Alors la place, il se l’est faite.
Personne ne regardait, sa mère Maroo était
dans la case, à s’occuper du repas de midi,
ses sœurs Tarna, Orna, Siloe et Maroe faisaient
la sieste au soleil, ses frères Maaron, Feron,
Volder, Sar, Bader et Ogran jouaient à un jeu
de balle idiot de l’autre côté de l’enclos. Son
père ? Il ne sait pas. À moins que Tobar ne fût
astreint à un travail quelconque, consécutif à
la préparation des Fêtes du Passage.
Deux autres planches ont suffi,
plus une traverse, pas bien solide non plus.
Pourquoi la clôture serait-elle solide ? Elle n’est
pas faite pour empêcher les humains de sortir,
elle est faite pour empêcher les bêtes du
dehors d’entrer. D’entrer, et de vous manger.
C’est ce que répètent les Shaahr. Dehors,
rôdent les bêtes, des bêtes dangereuses, lions,
tigres, panthères, ours, loups. Et ces bêtes, si
elles vous attrapent, vous mangent.
Vous ne voudriez pas être mangés,
n’est-ce pas ? Nous ne pouvons être là en
permanence pour vous protéger, vous le
comprenez bien. Alors soyez prudents. Restez
dans vos maisons, dans vos enclos. Restez au
village. N’allez surtout pas dehors !
Aaon y est, maintenant, dehors.
Et il court. Il ne sait pas où aller. Il a quatorze
ans, peut-être treize, ou encore quinze, il ne
sait pas au juste, et c’est la première fois qu’il
se hasarde à l’extérieur, tout seul. La jungle
ouvre ses faux tranchantes devant ses bras
maladroits, referme derrière lui ses portes
d’épines. Dans l’atmosphère moite, gorgée
des millions, des milliards de gouttelettes de
la dernière pluie, dans l’air épais qui fume
et fait fumer les larges aréoles des feuilles
grasses, Aaon court déjà moins vite. Sous
le matelassage de graisse de son buste en
tonneau, ses poumons s’essoufflent. À chaque
inspiration, il a l’impression que des épines, de
plus en plus aiguës, s’infiltrent dans ses narines
et vont se déposer dans les lobes de ces
mystérieux soufflets qui gonflent sa poitrine.
Pourquoi continuer à courir ?
Le village est loin, maintenant. Aaon se
détourne, pour ne voir à travers les gouttes de
sueur agglomérées entre ses paupières qu’un
lacis de branches qui tremblotent. Pourquoi
courir ? On ne court que lorsqu’on est poursuivi
par une de ces fameuses bêtes acharnées à
vous dévorer tout cru - ces lions ou ses ours,
ces “prédateurs” dont les Shaahr ne cessent
de vous rabattre les oreilles en vous flattant
l’échine à pattes de velours... Mais que lui,
Aaon, n’a jamais vues.
Pourquoi se hâter ? Il ne comprend
même plus la raison exacte qui l’a poussé à
quitter l’enclos. S’il l’a jamais compris. Ou alors
la proximité des Fêtes du Passage. Encore du
tracas, encore de l’agitation, des efforts à faire.
Se laver, par exemple. Pour être présentable,
sentir bon, avoir un peau bien rose. Pour faire
preuve de correction, comme dirait sa mère.
Envers les Shaahr. Parce qu’ils seront là, bien
sûr. Toute une délégation, venue dans un de
leurs Oorht. Aaon n’aime pas les Shaahr. Il ne
pourrait dire exactement pourquoi, mais le
fait est qu’il ne les aime pas. Peut-être à cause
de leur...
Aaon sursaute, un petit cri
s’échappe de sa gorge. Devant lui les fourrés
ont bruissé, comme si une main géante les
avait froissés. Ou une patte griffue. Crouïïï !
Une forme ailée s’envole à deux pas d’Aaon,
plumage jaune et bleu, cri perçant. Dans sa
poitrine, assourdi par les étages de graisse,
son cœur cogne et cogne. Ce n’était qu’un
oiseau, une saloperie d’oiseau commun, un
de ces grands perroquets criards qui passent
leur temps tapis dans les branches, quand ils
ne viennent pas jusque dans l’enclos, picorer
les restes en jacassant, récurer les assiettes,
voler la nourriture sous votre nez, comme les
rats, les chacals, les pies, les corbeaux, les
singes.
Aaon a eu peur. La sueur ruisselle
sur la totalité de son corps nu, s’exsudant de
tous ses pores dilatés, dégageant une odeur
âcre et piquante qui emplit ses narines. Il
renifle, grimace, son petit nez en trognon de
pomme se plisse, en même temps que les
bourrelets de ses paupières. Maintenant il lui
semble que, partout autour de lui, la jungle
s’agite et bruit, prête à s’ouvrir à nouveau –
mais sur une bête bien plus dangereuse qu’un
perroquet bavard. Il n’est plus si sûr d’avoir pris
la bonne décision. Etait-ce une vraie décision,
d’ailleurs ? Seulement une pulsion irréfléchie et
stupide, le hasard d’une planche déclouée.
L’enclos, ce n’est pas si mal. C’est un abri
sûr, on peut y dormir en paix dans des litières
confortables, y manger à satiété quatre fois
par jour, s’ébattre dans la bauge pour peu
qu’on en ait envie.
Et s’il rebroussait chemin, s’il rentrait,
ni vu ni connu ? L’heure de la seconde soupe
n’a pas encore dû sonner, il est encore temps
de regagner l’enclos et de faire comme si de
rien n’était...
Aaon se gratte le flanc, le gras
d’une fesse, un des replis de sa panse
ballottante. Il soupire, tourne le dos à sa
ligne de fuite, redémarre. Mais est-il bien
reparti dans la bonne direction ? Au bout de
quelques dizaines de pas hésitants, à subir
la flagellation des branches basses et les
égratignures des ronces sur sa tendre chair,
voilà qu’il commence à douter. Sa foulée, au
départ assurée, se fait plus hésitante, jusqu’à
se morceler en fréquentes haltes. Au moins,
elles lui permettent de reprendre son souffle.
Et de faire semblant de réfléchir.
Doit-il continuer tout droit, obliquer
vers la gauche, se laisser déporter vers la
droite ? Le soleil, rarement visible autrement
que sous l’apparence d’un éclaboussement
de bulles lumineuses à l’envers du dôme touffu
des arbres, paraît avoir atteint la verticale du
ciel. Il ne lui est donc d’aucune utilité pour se
diriger. Il doit être midi. Midi... l’heure de la
soupe préparée par maman Baroo, avec des
carottes, des pommes de terre, des navets,
des choux, dix autres délicieux légumes !
Aaon laisse s’échapper d’entre ses
babines, que poudre un sel de salive séchée,
un gémissement qui résonne de manière
désagréable à ses oreilles. Lui répond un
couinement prolongé montant de l’intérieur
de son ventre. Il a faim. Pas de doute il a faim !
Son estomac l’a su avant lui, qui proteste. Si
au moins il pouvait glaner quelques fruits, aux
moins quelques baies, qui s’offriraient au milieu
du fouillis végétal... Mais ses yeux larmoyants
ne repèrent rien d’autre que des grappes de
marrons aux piquants redoutables.
Il doit rentrer. C’est la seule solution,
il doit rentrer. Par là ? Par là — d’autant que
dans cette direction, le terrain est en pente
descendante légère, ce qui lui épargnera des
efforts. Il ne se souvient pas particulièrement
avoir gravi une côte pendant sa fuite, mais
qu’importe. Le village n’est pas si loin.
Aaon n’infléchit pas sa marche
pesante alors même que la pente se révèle
plus accentuée. Il continue d’avancer les yeux
fixés sur l’extrémité noircie de ses pieds, ce qui
ne l’empêche pas de déraper inopinément
sur une surface boueuse masquée par des
feuilles mortes. Il se sent partir en arrière, ses
bras battent l’air, il pousse un glapissement
de surprise et de douleur quand son arrièretrain prend un contact douloureux avec le
sol. Toute sa graisse tremble, il sent l’onde
de choc lui remonter le long de la colonne
vertébrale, avec l’impression qu’un maniaque
sadique s’acharne à frapper chacune de ses
vertèbres avec un petit marteau de pierre.
Il continue de glapir en roulant
cul par dessus tête. L’univers est devenu un
cylindre creux à l’intérieur duquel il tourne et
vire. Diverses lames tranchantes lui lacèrent
la couenne, diverses aiguilles aiguisées lui
labourent les flancs et le reste. Il lui semble qu’il
va débouler ainsi indéfiniment, il est certain qu’il
va mourir. Et, lorsqu’une main gigantesque lui
assène une gifle tout aussi gigantesque sur
les flancs, stoppant instantanément sa chute
tourbillonnante dans une seconde explosion
de douleur bien plus intense que la première,
Aaon est persuadé que cette fois ça y est,
c’est arrivé, il est mort.
21
les carnets de l’assemblée # 4
encres
2.
Mira, la Mère du village de Trocadro,
est assise sur sa litière au milieu de ses sept
conseillères. Les efforts conjugués de quatre
verhommes ont été nécessaires pour la
soulever de sa bauge et la porter sur un pavois
jusqu’au centre de la salle du conseil. La Mère,
à la dernière pesée, accusait trois cent trentesept kilos. C’est une femme magnifique, la
quintessence de la beauté, dont la peau d’un
délicat rosé est perpétuellement huilée par
ses servantes pour lui conserver sa souplesse;
ses hanches ont la solidité de deux souches,
ses épaules roulent comme de la pâte à pain
au moindre de ses mouvements, les deux
poires juteuses de sa poitrine ont gardé la
souple fermeté de l’adolescence. Pourtant la
Mère est vieille, pas loin de trente ans ; mais,
moins de trois mois plus tôt, en pleine fête
des vendanges, elle a mis au monde deux
jumelles, respectivement ses dix-huitième et
dix-neuvième enfants, dont tous ont survécu.
Et ses seins sont encore gonflés de lait.
Pas de doute, même à côté
d’Astolar, vingt-sept ans, seize enfants, ou
d’Elantrop, vingt-cinq ans et treize rejetons
(mais deux sont morts noyés), Mira est digne
de présider au destin de Trocadro. Pour
l’instant présent, ses cuisses larges ouvertes
dévoilant, sous sa motte méticuleusement
épilée, la fente cracheuse de vie aux lèvres
violettes et dentelées, la Mère en impose. Elle
ondule sur son bassin, son épiderme poudroie
sous le soleil du milieu de journée qui, filtrant
au travers des palmes du toit assemblées
avec négligence, la crible d’un semis de
larges taches de rousseur. La Mère se gratte
la panse, renifle, sort une langue carmin qui
ramasse, sur le rebondi de ses joues, un peu
de la sueur que ne cesse de dégorger son
épiderme luisant. Enfin elle parle.
— Nous devons donner à la Fête du
Passage un retentissement grandiose et une...
une magni.. magnificence sans conteste. Dans la salle, les sept conseillères
se sont figées pour qu’aucun froissement de
chair moite ne vienne troubler le discours
de la Mère. Et personne n’irait s’étonner
qu’entre les coups de butoir de sa respiration
poussive, la Première Magistrate de Trocadro
ne trébuchât quelque peu sur des mots dont
l’usage ne lui est pas habituel. Mais déjà la
voilà qui reprend le fil.
— Toutes, nous devons avoir
présent à l’esprit le fait suivant : ce Passage
n’est pas un Passage comme un autre.
Nous sommes le 31 décembre 2999. Nous
allons franchir un millénaire. Après toutes ces
périodes troublées... où notre race a bien failli
disparaître... sombrer corps et bien — nous
devons... nous devons...
À nouveau Mira s’interrompt ; cette
fois, l’interruption est discrètement soulignée
par la danse sur les litières de postérieurs que,
sans doute, une démangeaison impromptue
est venu picoter. La Mère, malgré le respect
qu’on lui doit, s’égare, paraît réciter une leçon
INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
convenue. Et c’est Matebar, pourtant la plus
jeune des conseillères — dix-neuf ans, cinq
petits — dont la tignasse noire, grasse, nattée,
fait contraste avec la mode du crâne poncé
qu’arborent ses consœurs, qui se permet de
répliquer.
— Nous devons nous amuser, Mère.
Danser, faire de la musique, manger... C’est
bien ce qui compte, non ? Le reste, toutes ces
vieilles légendes... Est-on seulement certaines
de leur véracité ? C’est si vieux, de toute
façon !
La tirade déclenche une série de
grognements, de grommellements et même,
malaisément étouffés, quelques disgracieuses
réclamations d’estomacs qui supportent
difficilement le report de la seconde soupe,
dont est cause la présente réunion.
— Tu es jeune, Matebar ! fait la Mère
d’un ton conciliant. Aussi puis-je comprendre
que des évènements fort anciens ne soient pas
à même de te préoccuper... Il est néanmoins
patent et vérifié que notre vaste monde a
traversé, de longs siècles durant, une phase
difficile. La pollution, l’effet de serre, les grandes
pluies, la montée des eaux, les changements
de climat… et naturellement toutes ces
guerres horribles qui ont bien failli mettre fin à
notre race. Cela est véridique. Cela a existé.
Les Shaahr nous l’ont enseigné. Et c’est grâce
aux Shaahr qu’aujourd’hui nous vivons notre
Renaissance. Que nous prospérons, que nous
nous multiplions. Certes, nous allons danser,
jouer, faire bombance. Néanmoins, et cela
non plus nous ne devons pas l’oublier, la Fête
du Passage doit être également une occasion
d’honorer nos sauveurs.
La Mère hoche la tête, ce qui a pour
effet de faire ressortir les nombreux bourrelets
de son menton. À nouveau sa langue lape
la sueur qui perle autour de sa bouche. Elle
n’ignore pas que le simple énoncé du terme
générique désignant les hôtes de la Terre a
provoqué, comme à chaque fois, ce genre
de frémissement que même les membres
du conseil, qui les côtoient couramment, ne
peuvent jamais totalement contrôler.
— Veux-tu dire que les Shaahr
assisteront à notre Fête ? demande Roosolph,
avec un petit filet de voix qui paraît avoir du
mal à couler de sa large bouche vermeille.
— Ce sera pour nous à la fois un
honneur, une obligation et un plaisir...
La voix, subtilement étrangère, a
surgi du fond de la salle ovale, en direction
de l’entrée. Plus encore que l’unique syllabe
sifflante de leur nom, la présence physique
des êtres qu’elle synthétise développe chez
les assistantes une émotion palpable faite
de bruits de gorge, de mouvements avortés,
de bouffées corporelles qui gonflent d’un
surcroît d’acidité l’odeur dense régnant dans
la bâtisse... Car c’est bien un Shaahr qui a
parlé, ce sont bien des Shaahr, au nombre
de trois, qui viennent de pénétrer sans se faire
annoncer dans la salle du Conseil.
22
les carnets de l’assemblée # 4
À pas ondulants, les trois Shaahr
avancent vers le cercle des conseillères, se
dirigeant droit vers la Mère. Celui qui marche
en tête est l’ambassadeur, les deux autres sont
ses assesseurs. Ou des gardes. Il est toujours
difficile de définir le rang ou la fonction des
Shaahr ; eux non plus ne portent ni habit ni
signe distinctif ; on ne les rencontre que par
petits groupes, qui ne semblent jamais régis
par un ordre hiérarchique quelconque ;
et ils ne portent pas de nom — en tout cas
ils n’ont jamais pris la peine de se nommer
individuellement.
Lorsque les trois bipèdes coupent le
cercle des conseillères de leur formation en
triangle, les respirations se bloquent dans les
vastes poitrines aux mamelles débordantes.
Ils sont si grands, si sveltes, si souples. Si
impressionnants, si... beaux. Sans doute sont-ils
nus. Mais la fourrure qui gaine le corps élancé
et nerveux des Shaahr les habille mieux que
ne le ferait la plus belle des pelisses, la plus
ajustée des tuniques.
L’un des gardes est aussi noir qu’une
bûche calcinée ; le pelage du second est d’un
gris subtil, agrémenté de taches blanches sur
les flancs et le haut du poitrail ; mais c’est la
livrée de l’ambassadeur qui accroche le plus
intensément le regard : d’un roux flamboyant,
avec des zébrures plus sombres, modelant
son échine jusqu’aux cuisses musculeuses
et convergeant sur le front et les joues pour
y dessiner un maquillage naturel soulignant
la délicatesse du nez, la finesse des minces
lèvres en triangle, la profondeur des grands
yeux verts, qu’on dirait liquides...
L’ambassadeur s’incline devant
la Mère ; un crépitement de bois sec qui
s’enflamme électrise les poils touffus de
son échine ; ses oreilles pointues pivotent,
s’orientant vers la masse adipeuse posée
devant lui.
— Il n’est nullement dans mes
intentions de troubler cette réunion, susurre
le Shaahr de cette voix haute et flûtée qui
surprend toujours venant d’un être aussi
puissant, aussi resplendissant ; je tenais
seulement à m’assurer que la préparation de
la Fête se déroule sous les meilleurs auspices. Et
surtout que vous veillerez tout particulièrement
à ce que la totalité du village y assiste... Même
les isolés ou les égarés, que certains de nos
guetteurs ont repérés divaguant dans la forêt.
La Mère danse sur sa litière, pose
une main sur sa vaste poitrine, tend l’autre vers
le représentant de cette espèce venue de si
loin, il y a si longtemps, pour la sauvegarde de
la Terre.
— Tout sera fait pour que le Passage
soit célébré à la satisfaction mutuelle des
humains comme des Shaahr ! glousse Mira,
dans un tremblement tectonique de toute sa
chair épanouie.
L’ambassadeur aplatit ses oreilles,
ses moustaches frémissent; sa longue queue
lui bat les flancs en une cadence mécanique;
il sourit, dévoilant les deux sabres recourbés
de ses canines. Il allonge le bras, saisit dans
sa patte de velours la main tendue de la
Mère ; sous les coussinets, les griffes rétractiles
affleurent.
encres
INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
3.
Aaon se redresse. Il a mal partout.
Au moins, c’est le signe qu’il n’est pas mort.
Il ne s’est pas même évanoui ; au pire est-il
resté quelques minutes étalé sur la pente, le
groin dans les feuilles gorgées d’humidité de
la dernière pluie, les membres écartelés sur le
sol.
Avec des efforts qui se répercutent
en tiraillements dans toute sa viande, il
parvient à se redresser, prenant appui sur un
arbuste qui penche. Il est encore tout étourdi.
Sur combien de mètres a-t-il débaroulé ? Vers
le haut, une sente irrégulière de broussailles
écrasées dessine le trajet de sa chute. Dix
mètres, peut-être vingt. Aaon grimace. Ses
genoux sont écorchés en couronne, sa panse
présente une incrustation brunâtre de feuilles
moisies, de gravillon planté dans sa couenne,
d’humus dans lequel de répugnants petits
insectes fouisseurs se tortillent. Il arrache tant
bien que mal toutes ces scories en se frottant
avec la paume de ses mains. Débarrassée de
son matelassage de terre et de végétaux, sa
peau d’un tendre rose révèle d’innombrables
lacérations, tandis qu’une sensation de
cuisson à feu doux, au départ imperceptible,
embrase sa poitrine et son abdomen.
Aaon gémit ; pour un peu des
larmes lui viendraient aux yeux. Il a mal, il a
faim, de plus en plus faim ; et il est vraiment
perdu.
Remonter ? C’est hors de question,
il y laisserait ses dernières forces et, sans aucun
doute, quelques morceaux supplémentaires
de son épiderme. Le mieux, c’est de continuer
à descendre. D’ailleurs la pente semble se
stabiliser. Aaon en a la certitude au bout
d’un nombre incertain de pas hésitants, alors
qu’autour de lui les arbres s’éclaircissent et
que les buissons épineux cèdent la place à
des bosquets de bambous et autres plantes
filiformes, dont l’extrémité se noie dans le ciel
blanc de chaleur. Ses talons s’enfoncent
dans un sol désormais spongieux, une brume
laiteuse se condense devant lui, qu’il brasse
un certain temps de ses mains étendues,
avant de déboucher sur une anse dégagée,
à l’atmosphère plus limpide, au bord de
laquelle clapote une eau gris-vert.
Aaon pousse pour lui seul une
exclamation assourdie. Devant lui, passé une
barrière de mangrove, l’eau recule jusqu’aux
limites brouillées du monde. Une nuée
d’oiseaux blancs survole en piaillant l’étendue
liquide ; parfois l’un d’eux pique une tête au
long bec jaune dans le courant léthargique
pour en ramener un poisson frétillant. Loin vers
la droite, alignés sur une plage terreuse, une
dizaine de faux troncs d’arbres paressent,
leur museau écailleux au ras des flots. Des
crocos, qui attendent avec patience qu’une
proie vienne se placer entre leurs crocs. Et,
barbotant entre les vagues argileuses qu’ils
soulèvent, de grosses masses noires s’ébrouent
au large, ouvrant d’effrayantes gueules roses
plantées de dents longues comme le bras. Ce
sont des hippos.
Aaon est déjà venu là, une fois,
beaucoup plus jeune, conduit par son père.
Ce fleuve impassible, large de plusieurs
kilomètres, est la Sène. Au cours des âges,
gonflant sans cesse, il a recouvert presque
entièrement la ville que jadis il ne faisait que
traverser, Panis, ou Paris, dont le village de
Trocadro occupe un point en surplomb,
épargné. Quelques reliquats de la civilisation
engloutie demeurent — ainsi, juste en face
de lui, ce colossal pilier de ferraille rouillé,
sectionné à mi-corps par une force inconnue,
et qui émerge de la surface étale : la Tour des
Fèles.
La belle affaire ! Il paraît que, ce soir à minuit,
l’humanité franchira la barre d’un nouveau
millénaire. La belle affaire ! Qu’est-ce qui
changera, au village, ou dans le monde
entier, lorsqu’on abordera ce supposé an
3000 ? Rien de rien, assurément...
« Qu’est-ce qui changera au village, ou dans le monde
entier, lorsqu’on abordera ce supposé an 3000 ?
Rien de rien, assurément... »
Aaon, laisse bâiller sa bouche,
ébloui par tant de beautés indicibles. Mais la
fatigue a raison de son attention consciente,
elle a même raison de sa faim dévorante.
Poussé par la gravité alliée à son propre
poids, il s’effondre tout doucement, jusqu’à
ce que ses fesses se creusent une place
dans le sol fangeux. Et il demeure là, les yeux
fixés sur ce fleuve si grand qu’il pourrait aussi
bien être un lac, ou la mer, dont on dit que,
désormais, elle couvre les neuf dixièmes du
globe. La chaleur poisseuse de cet après-midi
ordinaire d’un mois de décembre terminale
pèse sur sa nuque, l’assommant en sourdine.
Ses paupières tombent. Très vite, Aaon dort
tout assis, le souffle sonore de sa respiration
troublant devant sa bouche le vol des
éphémères, des moustiques, des moucherons,
de dix autres insectes ailés attirés par sa forte
odeur.
4.
Sur la place principale du village, ça
s’active. Tobar, le père d’Aaon, a participé
à la construction de l’estrade réservée à la
Mère, ses conseillères, et les représentants des
Shaahr. La Mère est déjà là, transbahutée par
ses quatre porteurs qui l’ont posée au centre
des gradins, sur une confortable épaisseur de
paille fraîche. Elle bavarde avec ses adjointes,
elle paraît excitée, elle fait de grands gestes,
son épiderme récemment huilé brille de
bonne santé sous les rayons oranges du gros
soleil mou qui se délite déjà dans les brumes
de l’ouest.
Seuls les Shaahr sont encore
invisibles. Sans savoir pourquoi, Tobar en est
soulagé. Sans savoir pourquoi, il ne les aime
pas. Ce n’est pas qu’il ait quoi que ce fût à
leur reprocher, mais ce sont quand même...
des étrangers. Bien sûr Tobar a toujours vu les
Shaahr. Ils sont là depuis... il n’en sait à vrai
dire rien, et personne à sa connaissance ne
pourrait le préciser. Au moins un siècle, peutêtre deux, ou plus. Mais qu’est-ce que ça
peut faire ? Ils sont là.
Ils sont là, et la présence des Shaahr
apporte inévitablement du trouble à une
existence qui pourrait se dérouler de manière
la plus paisible possible, à manger, à dormir,
à se faire dorer au soleil, à se reproduire, à
manger, à manger. Cette Fête du Passage,
par exemple... C’est une idée des Shaahr.
Un verhomme bouscule Tobar,
portant une panière remplie à déborder de
melons d’eau. La simple vision de ces fruits
oblongs, à la peau d’un beau vert luisant,
ocellée d’un vert-jaune plus tendre, met l’eau
à la bouche de Tobar. Son ventre gargouille, il
se passe machinalement la main sur les lèvres.
Au moins, et ce sera toujours ça de gagné,
la célébration des Fêtes donnera lieu, en
plus du quatrième repas, qui ne devrait pas
tarder, à un exceptionnel cinquième souper,
qui clôturera fastueusement le Passage. Mais
que de remue-ménage pour en arriver là !
Hier, une bonne partie des habitants
du village a dû participer à la cueillette et à
l’arrachage ; heureusement, grâce au climat
chaud et humide qui baigne le pays, il n’y a
qu’à se baisser pour ramasser ce qui pousse à
profusion dans les jardins; et lever le bras pour
récolter les fruits sous le poids desquels, en
toute saison, ploient les branches des vergers.
Aujourd’hui, depuis l’aube, les femmes, au
nombre desquelles Maroo, sa première
épouse, Nartha, la seconde, et Siflin, la toute
dernière, s’échinent à la préparation des
mets — purées de châtaigne ou de gland,
compotes de figues et de bananes, coulis de
tomates, de topinambours, de raves, raclettes
de noisettes, d’amandes, de noix de coco liés
au miel et à la farine de poisson...
Encore une fois l’estomac de Tobar
fait entendre un clapotis d’impatience ;
encore une fois sa langue va chercher, dans
les interstices de ses molaires, s’il ne reste pas
un tesson oublié datant du précédent repas,
le goûter de quatre heures. La sonnerie de
trompe du début des festivités ne va-t-elle
pas se décider à sonner ? Là-bas, du côté de
l’estrade, il semble bien que quelque chose
se prépare. Tobar plisse les paupières. Oui, les
gradins se sont meublés d’une demi-douzaine
de silhouettes supplémentaires, élancées,
colorées, pleines de poils : ces satanés Shaahr.
Et voilà que la Mère se redresse — ou plutôt
que ses porteurs, arc-boutés dans son dos, la
hissent en position verticale. Debout la Mère
lève les bras et dit...
Tobar a beau tendre l’oreille, il ne
parvient pas à saisir un seul mot au milieu du
brouhaha. C’est qu’il y a tant de monde sur
la place, entre les hautes clôtures épointées
de l’enceinte... Tant de monde, tout le village,
des centaines et des centaines de personnes,
des milliers et des milliers. Et ces enfants !
Tous ces enfants joyeux, ces enfants dodus
qui se glissent entre les jambes en couinant
de bonheur, des centaines, des milliers
23
les carnets de l’assemblée # 4
encres
d’hommelets, la vie en marche, incontrôlable,
irrésistible...
Mais foin d’émotion. La trompe
fait enfin entendre son barrissement, ce qui
donne le signal de la ruée vers le périmètre des
mangeoires. Ce n’est pas trop tôt. Plus tard,
les danses, la musique, les chants, plus tard.
Tobar, au milieu de la bousculade générale,
ébranle ses deux cent soixante dix-neuf kilos
de viande qui réclament. Où sont passées ses
filles, dans ce tohu-bohu ? Tarna, Orna, Siloe
et les autres ? Il n’en sait rien, il ne les voit pas.
Et ses fils — Maaron, Feron, Volder, les autres ?
Invisibles. Et Aaon, cet incapable qu’il n’a pas
aperçu depuis le matin ? Disparu.
Mais il finira bien par les retrouver.
Dans la marée violette du soir qui s’étend
telle une coulée de sirop de mûres échappée
d’un chaudron, Tobar a atteint, en même
temps que des centaines d’autres qui jouent
des coudes, le périmètre des cuves derrière
lesquelles officient les femmes. Il a l’occasion
de faire un signe à sa seconde épouse,
Nartha, déjà toute barbouillée de l’épaisse
soupe qu’elle sert à la louche dans les écuelles
tendues.
Tobar réussit à saisir une assiette
creuse dans une pile, l’avance vers la serveuse
qui s’affaire en face de lui, une jeune truissone
avenante qui ne doit pas avoir plus de dix
ans mais accuse sans problème au moins
cent vingt kilos de chair ferme et rose. Il sourit
alors que son auge se remplit d’un bon litre
de soupe de maïs où nagent des losanges
de betterave et de papate. Au moment où
il va plonger directement son groin dans le
récipient — il n’a pu mettre la main sur une
cuillère — son attention est attirée par un
mouvement vif à son côté. Il relève la tête.
C’est un Shaahr un gros Shaahr tigré, avec
qui il échange un regard dénué de véritable
signification, avant que les yeux cristallins, aux
reflets d’absinthe, ne se détournent avec
nonchalance.
Que fait-il ici, celui-là ? Que fait
un Shaahr en plein milieu des humains, en
plein cœur de la fête ? Alors qu’il aspire
une première gorgée de bouillon, Tobar
s’aperçoit que l’estrade s’est meublée d’
un contingent supplémentaire de Shaahr,
qui sont maintenant au moins douze, peutêtre quinze, à circuler sans gêne aucune sur
les travées. Que se passe-t-il ? Un vif débat
semble s’être engagé avec les conseillères, et
même avec la Mère, que ses porteurs ont une
nouvelle fois relevée. Ne dirait-on pas qu’on
la pousse, qu’on la traîne hors de l’estrade ?
Oui, entourée d’une haie de Shaahr, voilà
qu’elle disparaît en direction de l’enceinte.
Les gradins sont maintenant vides. La Fête
est pourtant à peine commencée... Que se
passe-t-il ?
Tobar en oublie de laper sa bouillie.
Autour de lui, il voit des mines perplexes,
il remarque les mâchoires qui pendent
d’étonnement sur des triples mentons où
s’écoule en rigoles le jus qui dégorge. À
quelques pas de lui, hautain et brutal, un
Shaahr écarte d’un coup de patte un tout
jeune hommelet qui s’est jeté dans ses jambes.
Ce n’est pas le tigré de tout à l’heure, c’en est
un autre, tout noir, avec une tache blanche
en forme d’étoile sur le haut du poitrail. Que
INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
se passe-t-il ? De la foule montent maintenant
des exclamations qui ne ressemblent plus du
tout aux cris de joie de tout à l’heure. Tobar
se détourne, il y a un autreShaahr derrière lui.
Et un autre un peu plus loin, et un autre, et un
autre...
Que font tous ces étrangers au
milieu de la Fête ? Ils semblent maintenant être
des dizaines et des dizaines, des centaines.
— Qu’est-ce qui se passe ? se décide à déglutir Tobar.
Personne ne lui répond, personne
ne fait attention à lui, le tumulte est trop
puissant. L’assemblée dans son ensemble
a été saisie d’un mouvement circulaire, un
brassage en coquille d’escargot qui dévide
la foule et paraît entraîner les participants vers
le portail principal largement ouvert derrière
lequel, dans le crépuscule qui s’épaissit, joue
une fulgurante lumière blanche.
Tobar cligne des paupières, il entend
des voix sifflantes qui crient :
avant !
— En avant... plus vite ! Plus vite... en
Lui-même est pris par le flux, par
toutes ces panses qui se pressent autour de
lui ; il se sent poussé en avant, il veut résister,
une douleur cinglante lui déchire le milieu
des reins, scindée en quatre brûlures bien
distinctes. Il se détourne, la silhouette altière
d’un Shaahr le surplombe, immense, féroce,
le corps couvert d’un pelage orange strié de
rayures noires. Les crocs étincellent dans la
lumière blanche, une patte impérieuse, aux
griffes dégainées, lui désigne le porche.
— En avant ! Plus vite !
Que pourrait dire Tobar ? Que
pourrait-il faire ? Rien, rien. Alors il obéit, alors il
avance, plus vite, plus vite.
5.
C’est la sensation d’un contact rude
sur la peau, à divers endroits de son corps, qui
réveille Aaon. Encore englué dans les brumes
du sommeil, il éprouve l’impression d’être une
mouche piégée par les fils de l’araignée,
ou encore un poisson pris dans un filet. Il se
secoue, ouvre des yeux éberlués. S’il en croit
leur témoignage, sa situation est bien celle du
poisson sur qui s’est refermé la nasse posée
par des pêcheurs : un réseau de grosses
cordes lui immobilise les bras le long du buste,
un nœud coulant, assez lâche heureusement,
encercle son cou. Avec une stupéfaction si
intense qu’elle coupe dans sa gorge les mots
de protestation qui s’apprêtaient à y germer,
il prend conscience que ceux qui se sont
livrés sur lui à cette stupide plaisanterie, cette
familiarité insensée, sont deux Shaahr.
L’un est très grand, très mince, au
poil ras, blanc avec quelques taches beiges ;
24
les carnets de l’assemblée # 4
l’autre est plus ramassé, plus touffu, avec une
fourrure brun-orangé. Leurs yeux, pareillement
d’un jaune soufré, poinçonnés d’une large
pupille noire, sont fixés sur lui. Les lèvres
triangulaires du plus grand sont entrouvertes,
laissant affleurer la pointe des canines. C’est
lui qui siffle l’ordre.
— Debout, homme !
De concert, les deux Shaahr tirent
sur les cordes qu’ils agrippent de leurs pattes
antérieures aux griffes sorties. À moitié étranglé,
Aaon réussit à se redresser. Autour de lui, tout
tourne. Il ne comprend toujours pas.
— Que... qu’est-ce qui se passe ?
parvient-il à balbutier.
— Tu t’es enfui, homme. Tu t’es
perdu. Tu ne te souviens pas que, ce soir, c’est
la Fête du Passage ? Que la présence de
tous les tiens y est exigée ? Tu n’as pas envie
de participer au grand banquet qui sera
l’apothéose de la Fête ?
L’estomac d’Aaon se tord et gémit.
Banquet. À cause de sa fugue irraisonnée,
à cause de cet accès subit de sommeil, il
a sauté au moins deux repas. Il meurt de
faim. Il voudrait exprimer une quelconque
reconnaissance à ces Shaahr dont la
conduite est si étrange mais, à nouveau,
les mots ne peuvent sortir de sa gorge. Les
deux félins l’observent avec attention, oreilles
dressées, moustaches rigides. Ils ne sourient
pas, leur morphologie faciale le leur interdit;
pourtant, d’une manière inexplicable, leur
mufle impassible exprime un sourire féroce,
un ricanement silencieux qui glace le sang
d’Aaon sans qu’il puisse en préciser la raison.
Cette glaciation soudaine achève de lui faire
perdre ses faibles moyens et, lorsque le grand
Shaahr blanc imprime une brève secousse à
la corde, il ne peut que démarrer pesamment,
les bras collés au corps, et avancer avec
docilité derrière les étrangers qui l’ont capturé,
comme un rat familier traîné au bout d’une
laisse par deux hommelets farceurs.
Le trio gagne le bord de la Sène, d’où
s’élève le brouillard graisseux des fins de journées.
Des hérons, des flamands et autres échassiers à
grand bec bavardent interminablement, les
pieds dans l’eau, sans souci des crocos plus que
jamais gagnés par une immobilité de bois mort.
Au large, les entretoises les plus hautes de la Tour
des Fèles accrochent une dernière étincelle
rousse. Le ciel tourne à la boue, il ne va pas
tarder à faire nuit.
— En avant ! Plus vite !
Aaon trébuche; tout à sa
contemplation du décor il a dû ralentir le
pas. Les cordes autour de son cou et de son
buste se resserrent. Après avoir longé la grève
pendant quelques centaines de pas, les deux
Shaahr et leur prisonnier obliquent vers la
gauche. Trocadro n’est plus très loin, en haut
de ces éboulis rocheux où se devine encore
la structure rectiligne de bassins et d’escaliers
qui ont échappé à mille ans de barbarie. La
nuit maintenant est bien là, qui s’appesantit
depuis les hauts-fonds croupis du ciel, où
encres
INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
se dessine le croissant mouillé d’une lune
trempée dans du lait. Un murmure monte,
enfle, fait des mille et mille voix du village en
liesse. Un léger baume se dépose sur le cœur
aux battements anarchiques d’Aaon; le
Shaahr n’a pas menti, on l’a bien ramené à
son point de départ. La bourrasque des voix
sans nombre envahit la nuit. Mais... ces voix
ne sont-elles pas porteuses de plaintes et de
gémissements, plutôt que de joie ?
Au détour d’une falaise, le spectacle
qui s’offre aux yeux d’Aaon est si incroyable
qu’il ne peut empêcher ses jambes de se
figer. Sur le replat s’étendant depuis la frange
ouest de Trocadro, il voit des centaines, des
centaines et des milliers d’humains, tout le
village certainement, qui avancent en rangs
serrés. Cette foule compacte est éclairée
de front par une nappe de lumière blanche
rasante qui sculpte les têtes en autant de
boules noires et blanches au roulement pesant.
Des Shaahr, des dizaines, des centaines de
Shaahr sont là. Certains font claquer un fouet,
certains tiennent une corde à l’extrémité
de laquelle est attaché un récalcitrant. Des
ordres fusent, toujours les mêmes.
— En, avant ! Plus vite... plus vite !
La laisse qui encorde Aaon se tend.
Il doit reprendre sa marche, précipité au
milieu de la foule, pressé entre les ballottantes
panses en sueur.
— En avant ! Plus vite !
— Que se passe-t-il ? Où nous emmène-t-on ?
— Plus vite ! Avancez !
À travers le bruit mat des pieds
foulant le sol boueux, un son nouveau vient
de se manifester, qui gagne en intensité à
chaque battement de cœur, à chaque mètre
gagné, un martèlement sonore, scandé,
lancinant qui, Aaon le comprend en un éclair,
est celui des pas ébranlant la passerelle de fer
de l’Oorht. Mais cette révélation n’augmente
pas son désarroi. Aaon a atteint le fond de la
terreur et, lorsque ce sont ses propres pas qui
viennent frapper le pan incliné de métal noir,
son esprit n’est déjà plus qu’un fétu flottant
dans l’infini.
— Plus vite ! Plus vite !
Les voix sifflantes des félins se
perdent en échos sonores qui rebondissent
dans le ventre de la caverne d’acier ; les
captifs foulent maintenant un treillis coupant
dont les lames meurtrissent la chair des pieds
nus. Il sont enfournés dans des cages — il y en
a des dizaines et des dizaines étagées dans
les flancs du vaisseau — entassés à cent ou
plus derrière les grilles qui se referment sur un
dernier ébranlement cinglant.
Ensuite, les prisonniers n’ont plus
qu’à se laisser écraser par la force de gravité
tandis que l’Oorht, soulevé par une intense
colonne de flammes blanches, s’arrache à la
terre et s’enfonce dans les cieux.
6.
Au sommet du vaisseau, assis sur un
des coussins moelleux qui meublent le sol du
poste de navigation, l’ambassadeur Pfifiltigriss
se passe une patte nonchalante derrière
l’oreille gauche.
— Voici une opération parfaitement
réussie, miaule-t-il. De quoi célébrer dignement
la Fête du Passage de cette ennuyeuse
petite planète. Un peu trop d’eau, n’est-ce
pas ? Mais l’essentiel est le banquet qui nous
attend sur Ulquaarht. Riche en protéines de la
meilleure qualité !
Allongée devant ses écrans de
contrôle sur un amoncellement de coussins
garance, la coordinatrice de vol Sasharassahr
tourne vers l’ambassadeur ses fameux yeux
turquoises qui font un effet tellement irrésistible
avec sa livrée blanche.
— Certes. Mais ce genre de
prélèvement n’est-il pas exagéré ? Trois-mille
six cent vingt-neuf têtes ! Ne risquons-nous
pas un jour prochain de manquer de matière
première ?
Pfifiltigriss écarte les lèvres. Sa langue
rose apparaît entre ses canines, un frisson
électrique hérisse le poil roux de son échine.
— Aucun risque, voyons... Ces
humains se reproduisent comme des lapins.
illustration : © Julien De Jaeger
Les mots ont eu du mal à s’extirper
de sa gorge sèche, que le collier de chanvre
noue ; mais personne ne lui répond, personne
n’a fait attention à lui, il n’est qu’une particule
au milieu d’un courant infini. Alors il n’a plus
qu’à marcher, qu’à piétiner dans le flot. La
lumière blanche creuse des tunnels de feu
dans ses pupilles quand il relève les yeux mais il
finit par distinguer, à l’arrière-plan, une ombre
colossale bien plus noire que la nuit, tour
ténébreuse posée sur la plaine et se dressant
vers le ciel. C’est un Oorht, un de ces vaisseaux
cylindriques hauts comme trois fois la Tour
des Fèles, qui ont amené les Shaahr depuis
l’autre bout de la galaxie, l’autre extrémité de
l’univers.
C’est là qu’ils sont conduits, alors ?
Pour terminer la Fête ? Pour l’apothéose ? Le
banquet ?
Cette pensée n’est aucunement
réconfortante; et les lèvres d’Aaon, bien
malgré lui, laissent échapper une plainte qui
ne fait qu’une avec les milliers de plaintes que
dégurgitent mécaniquement des milliers de
gorge serrées par l’angoisse. La lumière se
fait plus forte, Aaon tente de repérer, entre
toutes les têtes qui s’échelonnent devant lui
en ombre chinoise, celle de Maroo, sa mère,
ou celle de Tobar, son père, celle d’un de ses
frères et sœurs, Volder, Bader, Siloe, Maroe,
n’importe qui dont la présence pourrait lui
apporter un peu de réconfort. Mais il ne
reconnaît personne. Il y a tant de monde, tant
de monde !
25
les carnets de l’assemblée # 4
encres
illustration : © Kevin Richard
INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
Rêver les futurs possibles, qu’ils
soient proches ou éloignés, est
une des activités humaines les
plus libres qui soient. On se prête
à divaguer vers des lendemains
plus chantants, ou vers des
perspectives plus sombres en
extrapolant nos travers du
quotidien. Si notre nature nous
porte à penser que c’est dans
l’avenir que les germes de notre
bonheur fleuriront, il est rare
que les fresques dépeintes par
les auteurs soient exemptes de
mauvaises herbes.
Pourquoi
rêver
–
ou
cauchemarder – à un futur
nécessairement imparfait ?
En l’absence de règles rigides qui nous
encadrent quand on parle d’histoire et
de passé, nous pourrions partir dans toutes
les directions. Néanmoins, certains genres
se sont imposés et nous allons déblayer le
chemin qui nous emmène plus loin, dans
notre futur, avec des essais de définition.
Nous parlerons ensuite des codes
et des poncifs qui président à ces genres:
quelles sont les constantes que l’on retrouve
dans ces futurs imparfaits ?
Pour prolonger ce second point,
nous aborderons enfin quelques procédés
qui déterminent les changements de cap,
les demi-tours et les fractures irrémédiables
qui ont fait de ce futur une projection fidèle
de notre présent.
Définitions de
ce qui n’existe pas encore
L’uchronie : c’est un récit qui
reconstruit l’histoire à partir d’un événement
tronqué. Une guerre où le camp défait
connaît finalement la victoire, où un homme
politique déterminant est mort en bas âge,
où une invention a soit été oubliée, soit a
été inventée plus tôt. À partir de ce point de
divergence, on tente d’imaginer comment
serait fait le monde, et l’on se projette dans
un nouveau présent, et souvent dans un
nouvel avenir. La reconstruction de l’avenir
prend souvent des accents fantaisistes, ce
qui l’éloigne du modèle suivant.
La science fiction, ou fiction
spéculative (en traduisant littéralement
les termes anglais) : en se basant sur le
monde présent et réel, elle consiste en
l’extrapolation de faits sociaux, scientifiques
pour arriver à une vision prophétique de
l’avenir “ plausible ”. Quand des faits
scientifiques futuristes mais crédibles sont
omniprésents dans le contexte, on parle
de Hard Science. Une vague d’œuvres
transpose ces fictions spéculatives dans
un avenir construit à partir de la Révolution
Industrielle, rejoignant les visions de Jules
26
les carnets de l’assemblée # 4
Vernes ou de Robida. C’est la naissance du
courant steampunk, imbriquant la gaslight
romance quand on évolue dans un cadre
victorien sombre et romantique.
D’une manière générale, ces
projections dans l’avenir se nomment
anticipation. Celles que nous avons décrites
procèdent d’une évolution logique et
graduelle. Parfois, un cataclysme décide
de ce futur, et nous entrons dans un monde
post-apocalyptique, souvent ravagé.
Les
mondes
futurs
sont
nécessairement imparfaits car nul ne
peut prédire cet avenir ; le comble de
cette imperfection pourrait se trouver
dans les dystopies, dont le nom rappelle
curieusement les utopies. Le préfixe grec
“ dys ” évoque le mal, un non-lieu, on
pourrait parler d’anticipation négative,
d’“ utopie de l’enfer ”. John Stuart Mill
utilisait le mot “ cackatopia ”. Dans ces
œuvres, l’avenir est forcément péjoratif
puisqu’il s’est bâti sur les tares de la
civilisation actuelle, même si parfois,
des rebondissements ont contribué à
son basculement (guerre nucléaire ou
bactériologique, chaos écologique, vague
totalitaire ou génocidaire). Si la science
encres
INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
qu’on lui substitue un monde nouveau, au
prix d’une rébellion (V pour Vendetta, le
comic book d’Alan Moore).
Quand cette rébellion n’est pas possible, le
recours aux drogues et autres psychotropes
est nécessaire. L’usage de telles substances,
encouragé parfois par les autorités, permet
de survivre au mieux dans ces sociétés
sans idéal ou refusant tout espoir d’un futur
meilleur.
D’autant plus qu’un monde à
la dérive se coupe de ses racines et que
l’équilibre écologique est mis en péril, ou
a été complètement bouleversé (Soleil
Vert, roman de Harry Harrisson). La nature
physiologique de l’homme en a peut-être
fait les frais et a muté.
Dans l’écriture de mondes
imparfaits, il faudrait toujours avoir en tête le
schéma des avantages et des contreparties.
Si une avancée technologique ou sociale
autorise certains progrès, quelles peuvent
en être les conséquences négatives ?
Comment l’humanité s’adapte à cette
évolution ?
Des constantes dans des
univers changeants
Des sociétés totalitaires. Même
quand le futur est un retour en arrière
(vers un système féodal voire tribal), on en
revient à un contrôle très étroit de l’individu
par la société qui le régit. Le XXème siècle
y a laissé ses traces, ou les dérives de la
monarchie absolue pour les dystopies les
plus anciennes. Les libertés individuelles
sont supprimées et la société se replie sur
elle-même, méfiante de l’étranger, où les
inégalités se creusent (cf. 1984 de George
Orwell). Le pouvoir en place ne remplit
guère sa mission et résiste par la force.
C’est un poncif des œuvres cyberpunk : le
hacker contre la multinationale, les héros
désabusés contre les complots (Gravé sur
chrome, William Gibson, 1986). Des groupes
parallèles et illégaux se mettent en place
pour jouer au chat et à la souris.
Parallèlement à cette dérive se
retrouve la propagande, notamment avec
l’emprise tentaculaire des moyens de
communication. Un discours des autorités
qui annonce un avenir plus radieux mais
souvent, il n’y a aucune étincelle d’espoir.
Si cet espoir existe cependant (par le biais
d’une prophétie sur un libérateur ou autre
avènement), il est vivement combattu
par les tenants du pouvoir en place.
Les personnages d’une anticipation se
projettent eux-mêmes dans un avenir,
même s’il se résume à une survie de
quelques jours supplémentaires dans un
monde post-apocalyptique.
Le héros de telles œuvres se
trouve rapidement en porte-à-faux avec les
autorités. Contrairement à une utopie qui
se suffit à elle-même et qui n’a plus besoin
d’évoluer, le monde dystopique a besoin
qu’on lui secoue sévèrement les puces,
Quelques procédés pour
aboutir à un avenir imparfait
Le point de non retour, ou le
divorce irrémédiable du présent et du
futur. Ce dernier dépend au final de deux
partis pris : soit une évolution aussi logique
soit-elle de notre situation actuelle, soit
une fracture, une cassure qui oblige
l’humanité à s’adapter radicalement au
changement de fortune. Les deux peuvent
être imbriquées pour faciliter la cohérence
de cet avenir : le tremblement de terre
historique que représente la Révolution
Française puise ses racines dans des
tendances lourdes structurelles (rivalités
d’ordres, mauvaise gestion financière,
absolutisme vacillant) plus encore que dans
des concours de circonstances ponctuels.
De même, si on projette une apocalypse
nucléaire, c’est en pensant aux dérives
atomiques de certains pays, ou à quelques
incidents du nucléaire civil.
Penser l’avenir, c’est réfléchir sur
les déterminants de l’espèce humaine, c’est
à dire les éléments qui ont une influence sur
elle : aléas climatiques, moyens modernes
de mener des conflits, progrès scientifiques
et technologiques, conquête spatiale ;
en bref, tout ce qui modifie la façon de
vivre, de penser, la culture et les rapports
sociaux.
Cependant, pour que le futur soit
réellement imparfait, il faut introduire un
grain de sable dans la mécanique bien
huilée de notre raisonnement prospectif.
Un hiatus dans notre logique, pour que ce
à quoi nous nous attendions ne soit pas
si... logique et prévisible que cela. C’est
pourquoi le mécanisme de l’uchronie
est intéressant : l’auteur s’intéresse à un
point de divergence, se focalise dessus et
imagine quelles répercussions majeures il
pourrait entraîner.
Le
point
de
divergence
n’est pas forcément un progrès, un
événement politique. Il peut se résumer
à un changement d’axiome, de vision
des choses. Le roman Opération Chaos
(Poul Anderson, 1971) se pose la question
uchronique de savoir comment le monde
aurait évolué si la sorcellerie avait été
le mode de raisonnement dominant au
détriment des mathématiques euclidiennes.
Qu’aurions-nous alors développé ?
Le dernier procédé consiste en
des clins d’œil faits par l’auteur à l’intérieur
même de son œuvre. Ainsi, Winston Churchill
avait bâti une uchronie selon laquelle
les sudistes avaient gagné la guerre de
Sécession, et qu’un auteur sudiste tentait
d’imaginer le monde en cas de victoire
nordiste (Et si Lee avait gagné la bataille de
Gettysburg…). Dans Wang (roman de Pierre
Bordage), un monde dystopique organise
des Jeux Uchroniques, sorte de combats
de gladiateurs qui remettent en scène
de grandes batailles du passé. Des mises
en abyme intéressantes qui renforcent le
réalisme de ces œuvres d’anticipation.
On s’interroge enfin sur la coloration que l’on souhaite apporter au futur
ainsi créé, un optatif désespéré, une satire
ou un pamphlet social, un monde idéal en
cours de dévoiement… Le futur imparfait
répond toujours au besoin de délivrer un
message, et donc pose la question de la
façon de présenter les problèmes, et de
quelles façons ils pourraient se résoudre.
Parfois, il n’y a aucune solution, comme
dans le Fœtus-Party de Pierre Pelot où le
remède unique devient le suicide.
illustration : © Julien De Jaeger
fiction insiste sur les évolutions scientifiques
et technologiques, la dystopie leur préfère
les évolutions politiques, les progrès
sont généralement mineurs et servent
à des fins de contrôle (les systèmes de
surveillance, le contrôle de la population
par diverses drogues comme celle qui
annihile les émotions des protagonistes du
film Equilibrium). Nous pourrions la décrire
comme l’inverse d’une utopie, mais en fait,
la dystopie des uns est parfois l’utopie des
autres : les bénéficiaires de l’Ordre futur
ne s’en plaignent guère. La plupart des
utopies tournent mal dès qu’on tente de les
appliquer dans la réalité : le communisme
stalinien serait un parfait exemple de
dystopie, si nous l’avions imaginé dans les
années 1920. D’ailleurs, certaines dystopies
ont les mêmes environnements que les
utopies : des sociétés égalitaristes, sans
idéal ou volonté d’évoluer, mornes et
statiques... Sans partir dans le dévoiement
d’un idéal, il suffit simplement de prendre
les inquiétudes du présent et de les porter
à leur paroxysme : le Metropolis de Fritz
Lang est une dénonciation radicale de
ce que pressentait son auteur au sujet de
l’Allemagne nazie.
In fine
Nos futurs imparfaits sont avant
tout des jeux de construction intellectuelle
intéressants, mettant en jeu notre esprit
de logique, mais aussi nos craintes et nos
espoirs, dans une espèce de laboratoire de
sciences sociales. On y invente des situations
inédites, parfois déconnectées de toute
logique, où l’homme doit clarifier sa nature,
ses intentions, son éthique pour devenir
l’homme nouveau, différent d’aujourd’hui
et d’hier, dans une version nécessairement
non aboutie de son évolution.
par Yann Lefebvre
27
les carnets de l’assemblée # 4
encres
INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
BIG BROTHER
En 1932, tandis que le monde
vit une crise économique majeure et le
développement du totalitarisme, Aldous,
Huxley publie le Meilleur des Mondes
(Brave New World) un roman d’anticipation
qui présente une société dans laquelle le
Fordisme (Théorie économique qui prône
la standardisation des produits et la division
du travail) est devenu un fondement social
au nom du droit au bonheur. Quelques
années plus tard, en 1948, dans une période
transitoire entre la fin de la Seconde Guerre
Mondiale et le début de la Guerre Froide,
paraît 1984 (Nineteen Eighty Four) de
George Orwell, personnalité hors-normes,
qui a été policier aux Indes, clochard à
Paris, combattant en Espagne, speaker
à la BBC. Dans 1984, Orwell peint une
société totalitaire et belliciste, dirigée par
le mystérieux mais omniprésent Big Brother
et par le Parti.
Vivre dans le meilleur
des mondes…
Le Meilleur des Mondes plonge
le lecteur dans une société où le bonheur
est la valeur universelle. La société
est hiérarchisée en différentes castes
d’individus, qui portent chacune le nom
d’une lettre grecque : la caste Alpha
correspond à l’élite de la société tant au
point de vue physique qu’intellectuel tandis
que les semi-avortons Epsilon occupent
les fonctions subalternes. La distinction
est obtenue grâce à la sélection et à la
manipulation des embryons. À priori, cette
société inégalitaire n’est pas propice au
bonheur général. Mais dans ce Meilleur
des Mondes, nul ne songe à contester
ce système. En effet, la population est
conditionnée dès la naissance à accepter
sa situation au moyen de procédés
hypnopédiques (hypnose et suggestion
durant le sommeil).
Pourtant,
certains
individus
échappent à cette socialisation à outrance.
Par exemple, Bernard Marx. C’est un alpha
plus mais des rumeurs évoquent qu’il a
été victime d’une erreur de manipulation
au stade embryonnaire. De fait, Marx (les
personnages portent des noms connus
de scientifiques ou de politiciens) est petit
pour un Alpha plus, ce qui le complexe. Il
adopte alors un comportement asocial,
choisissant délibérément de renforcer
sa différence vis-à-vis de son entourage.
Mais Marx ne souhaite qu’une chose : être
reconnu. Afin de séduire la « pneumatique»
Lénina Crowne, il programme un voyage
dans une réserve. Il y découvre John, fils
« naturel » et abandonné de parents issus de
la civilisation. John a reçu une éducation
traditionnelle auprès des « sauvages ». Mais
il a également bénéficié de la lecture des
œuvres intégrales de Shakespeare qu’il
connaît par cœur.
John rejoint Londres, désireux
de s’émanciper des règles sociales
contraignantes de son peuple adoptif. La
rencontre entre John et la civilisation forme
la dernière partie de l’œuvre qui n’est pas
sans évoquer les « Mythes du Bon Sauvage»
de la littérature (Montaigne au XVIe siècle
Voltaire, Montesquieu et Rousseau au XVIIIe
siècle). L’attitude de John provoque une
confrontation intellectuelle avec l’un des
Dix Administrateurs Mondiaux. John et le
lecteur obtiennent ainsi les clés pour juger
ce Meilleur des Mondes.
1984 : Big Brother
is watching you
En 1984, le monde est divisé en
trois grandes entités-nations : l’Océania
(Angleterre, Continent Américain et
Australie), l’Eurasia (Europe et Russie dans
sa totalité) et Estasia (Chine et Inde). Le
reste du monde est un champ de bataille
dans lequel s’affrontent les puissances.
L’Océania est alliée avec l’Eurasia contre
l’Estasia, à moins que ce ne soit l’inverse.
En effet, il est difficile de connaître la
vérité dans le monde imaginé par Orwell.
Toutes les informations sont contrôlées et
28
les carnets de l’assemblée # 4
méticuleusement censurées et modifiées.
D’ailleurs tout est sous contrôle dans ce
monde : Big Brother, le Guide Suprême
de son peuple veille. Pour l’aider, le Parti
encadre la société et la police de la Pensée
veille à l’orthodoxie de la population. La
langue elle-même est redéfinie par le Parti.
La délation, même fausse, est encouragée :
les enfants, embrigadés dès leur plus jeune
âge, surveillent leurs parents et n’hésitent
pas à les dénoncer, pour le plus grand bien
de Big Brother.
Au sein du Parti, Winston Smith a en
charge la réécriture des Archives afin que
les anciens écrits correspondent toujours
à la vérité officielle. Même si les membres
du parti savent que les informations sont
falsifiées, ils les acceptent sans réserve et
oublient même qu’elles ont été falsifiées.
Cette forme de conditionnement se
nomme la Doublepensée (mot de la
nouvelle langue, ou novlangue).
Pourtant,
Winston
Smith
se
souvient.
Il prend conscience des
manipulations du régime. La rencontre
avec Julia l’amène à accomplir les premiers
actes de désobéissance aux lois. De fil
en aiguille, Smith se décide à rejoindre la
Fraternité de Goldstein, un mouvement de
résistance et d’opposition au régime de
Big Brother. O’Brien, un dignitaire du Parti
les introduit dans le mouvement avant de
se retourner contre eux.
V
VS
encres
INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
NOTRE FORD
Enfermé au Ministère de l’Amour,
Winston connaît le même sort que les articles
qu’il réécrivait. Il ne doit plus rien rester de
ses idées opposées au régime. Winston
doit aimer Big Brother. Ensuite, il mourra.
La torture physique et psychologique
est utilisée à l’extrême. Winston finit par
admettre que 2+2 font 5 mais conserve son
humanité et donc sa conscience, jusqu’à
l’épreuve de la salle 101. Qu’est ce qui se
trouve dans la salle 101 ? « Tout le monde le
sait », dit son bourreau.
Deux mondes,
deux visions ?
À première vue, les futurs imaginés
par Huxley et Orwell semblent très différents.
Le premier a créé une civilisation dans
laquelle la population ne connaît pas la
souffrance tandis que le second a imaginé
une société qui vivrait sous le régime de la
peur. Mais les deux œuvres ont en commun
la négation totale de l’individu.
En effet, que ce soit dans le
Londres du Meilleur des Mondes ou dans
celui de 1984, tout est fait pour contrôler
l’individu. Le progrès technologique est
d’ailleurs utilisé dans ce sens : dans 1984,
le télécran (écran de communication qui
permet de transmettre des images de
propagande mais aussi d’espionner) est
omniprésent. Dans le Meilleur des Mondes,
la science génétique et l’étude des
drogues ont été privilégiées. L’éducation
est bien entendu au cœur des deux
systèmes. Mais elle a pour vocation de
détruire l’esprit critique et conscient pour
le remplacer par une cervelle éponge qui
enregistrerait passivement les informations
sans moyen de les contredire. Les liens
autres que ceux de la société dans son
ensemble sont voués à disparaître. La
famille n’existe plus dans l’œuvre d’Huxley
et le terme de « parent » est devenu un
tabou, une grossièreté. Dans le Londres de
1984, la famille est à l’image de la société:
nul ne peut lui faire confiance. Les deux
sociétés se montrent méfiantes vis-à-vis de
l’amour et de la sexualité car ils déchaînent
les passions et les sentiments particuliers.
Dans le Meilleur des Mondes, la sexualité
(car l’amour n’existe plus) exclusive entre
deux personnes est considérée comme
immorale et répréhensible. Sous le régime
de Big Brother, le rapport sexuel est à
vocation démographique. Dans les deux
cas, l’amour est une chimère pour la
plupart des hommes.
Les deux œuvres se ressemblent
également dans le traitement des
personnages. Le personnage principal
n’est pas un héros flamboyant, mais un être
souvent renfermé, introspectif, qui ne se
sent pas à sa place et qui, par conséquent,
cherche à savoir qui il est dans ces mondes
où rien ne vient de l’individu. Dans cette
quête de l’individualité, ces personnages
rencontrent leur muse (Lénina Crowne et
Julia), sorte d’Eve tentatrice qui apporte
le fruit défendu de la connaissance et
leur mentor, qui leur révèle les secrets
qui se cachent derrière les institutions et
les sociétés. À côté de ces personnages
principaux, on trouve des seconds
couteaux plus taillés pour illustrer le monde
que pour donner la réplique.
Les deux romans ont également
en commun l’existence d’une population
marginale : les Sauvages dans le Meilleur
des Mondes et les Prolétaires de 1984. Ces
populations font office de comparatifs
par rapport aux univers dans lesquels
évoluent les personnages principaux. En
quelque sorte, il s’agit des flacons témoins
de ces expériences littéraires, car Huxley
et Orwell avaient évidemment un but
philosophique lorsqu’ils ont rédigé leurs
œuvres. En effet, si écrire une utopie a
pour but d’inciter les hommes à produire
un monde parfait, la dystopie cherche
à les alerter afin qu’ils évitent le pire. Les
dangers évoqués sont par ailleurs identifiés
grâce aux guides et meneurs spirituels,
politiques et philosophiques des deux
mondes respectifs : derrière le portrait du
moustachu Big Brother, le lecteur peut voir
Staline, symbole du totalitarisme soviétique
(Goldstein représentant alors Trotski) tandis
que le fondateur officiel de la civilisation
du Meilleur des Mondes, est Henri Ford,
l’instaurateur du travail à la chaîne et de la
standardisation des produits.
Finalement, un monde qui
reprendrait des caractéristiques des deux
dystopies est-il envisageable ? Imaginons
un peu. Imaginons une société qui comme
dans celle du Meilleur des Mondes utiliserait
des produits audiovisuels sans vocation
culturelle mais à des fins économiques. Ou
bien, une société dans laquelle diverses
drogues et médicaments auraient pour
objectif de faire oublier les angoisses de
la population. Imaginons une société dans
laquelle, comme dans 1984, tout serait
sous surveillance, avec des médias qui…
Arrêtez ! N’imaginez plus ! Ce monde, vous
le connaissez… peut-être…
par Andy Taker
Pour compléter :
J. J. Chaquelin et M. De Pracontal,
« Big Brother 2012 », in le Nouvel
Observateur : un article qui envisage le
futur proche et la vie sous contrôle au
moyen des nouvelles technologies.
M. Radford, 1984, film sorti en … 1984
qui reprend fidèlement le roman. Avec
John Hurt dans le rôle de Smith et
Richard Burton dans celui de O’Brien.
Ridley Scott est en train d’adapter le
Meilleur des Mondes pour le cinéma,
avec Léonardo Di Caprio dans le rôle
de Bernard Marx
Côté Jeu de Rôle :
Le monde de Paranoïa, sa société
hiérarchisée et ses clones n’est pas sans
rappeler le monde d’Huxley.
29
les carnets de l’assemblée # 4
encres
INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
PHILIP K. DICK
[ les futurs antérieurs ]
Il ne fallait pas moins qu’un cas limite de schizophrénie pour imaginer
tant d’univers originaux et cohérents ; bienvenue chez Philip K.Dick.
Futurs à l’imparfait
Une des caractéristiques de cet
auteur dans ses œuvres d’anticipation puisque c’est le sujet qui nous intéresse – est
une technologie extrapolée à partir de celles
que connaissait Philip K.Dick. Ainsi, point de
hard-science dans ses mondes, mais plutôt
un foisonnement de voitures volantes, de
fusées et d’automates humanoïdes aux voix
enregistrées sur bandes magnétiques. Ses
livres deviennent ainsi le miroir des années
50 à 70 déformées à travers le prisme de la
science-fiction et par le regard acerbe de
l’auteur. On retrouve les thèmes majeurs de
la société de l’époque et de la vie de Dick
dans des univers toujours différents.
Philip K.Dick RPG ?
En plus de sa vision critique du monde,
chaque livre offre un lourd potentiel ludique.
Dans le fameux Le Maître du haut château, on
découvre une terre où les alliés ont perdu la
Deuxième Guerre Mondiale, dans Glissement
de temps sur Mars c’est une colonisation plus
que laborieuse qui sert d’écrin au roman
et dans À rebrousse temps, l’effet Hobart a
inversé l’écoulement du temps.
Et le mieux dans tout ça, c’est qu’à chaque
fois, Philip K.Dick réussit le pari de nous plonger
dans sa psyché dérangée et ce, sans nous
imposer de longs exposés des distorsions qu’il
inflige au monde.
Quand on ajoute à cela que sa patte
est entrée dans l’inconscient collectif
par le biais de nombreuses adaptations
cinématographiques (Blade Runner, Minority
Report et Paycheck, pour ne citer que ceuxlà) ; il ne faut guère plus d’arguments pour
vouloir transposer ses œuvres en jdr.
Hélas, la qualité principale du style « Dickien »
c’est qu’il ne décrit jamais ses mondes en
entier, il ne lève le voile que sur ce qui touche
à l’intrigue de ses histoires. Que les éléments
manquants aient disparus avec la mort
du maître où qu’ils n’aient tout simplement
jamais existés, toujours est-il que restituer la
totalité d’un univers schizophrène de Dick
reviendrait à écrire une campagne en 20
scénarios à partir d’une photo.
À quoi ça nous sert alors ?
Question qui ne manque pas de piquant
à laquelle on pourra déjà répondre que le
simple plaisir de la lecture justifie que l’on parle
de cet auteur, et concernant notre hobby
en particulier, Philip K Dick offre une véritable
leçon aux MJ et tout particulièrement pour
les jeux de SF et d’uchronie.
L’univers n’est qu’une
toile de fond
À la lecture d’un Philip K.Dick, force est
de constater que l’intrigue ne réside pas
dans l’univers qu’il développe mais dans
les agissements des protagonistes. Cela
peut paraître étrange au vu du caractère
dépaysant et de la complexité de ces mondes
parallèles mais c’est ce qui leur donne tout
leur intérêt. En effet, lorsque l’interaction
entre les personnages est dense et que
l’intrigue devient captivante, les éléments
de cette toile de fond n’en deviennent que
plus concrets, plus palpables. Ces moments
de réalité qui donnent vie à ses univers, Dick
va les chercher dans les codes sociaux (voire
les descriptions richissimes des codes nippons
dans Le maître du haut château) ou dans
les relations de couple (dans Les clans de la
lune Alphane, où l’on comprend pourquoi
Dick s’est si souvent marié et divorcé). Bref,
il faut puiser dans la réalité des relations
humaines pour la transférer à nos univers
d’anticipation.
Ce qui va de soit
ne va pas mieux en le disant
Un autre des secrets de Dick, pour donner
corps à ses univers, est de ne rien expliquer.
Au lieu de cela, il confronte ses personnages
à ses mondes dans lesquels ils vivent sans
même comprendre le pourquoi (Pas besoin
de savoir pourquoi l’eau mouille pour aller
se mettre à l’abri pendant une averse). Ainsi
dans À rebrousse temps, les personnages
ont largement apprivoisé les conséquences
de l’inversion du temps et pourtant ils savent
peu de chose sur la cause qui a induit cette
inversion.
L’invention est une critique
de la convention
En dehors de leur aspect dépaysant, les
univers « Dickiens » portent dans leurs gènes
une critique de la société ; le cheval de
bataille de la SF. Bien sûr un jdr est avant
tout fait pour s’amuser, mais faire réfléchir
ses joueurs est aussi un moyen de leur faire
passer un bon moment.
30
les carnets de l’assemblée # 4
Dans Radio libre Albemuth, on découvre une
version cauchemardesque et paranoïde de
l’Amérique sous l’administration de Nixon,
et Les Androïdes rêvent-ils de Moutons
électriques ? offre une réflexion sur ce qui fait
l’être humain.
Nos univers aux futurs imparfaits sont
l’outil idéal pour mettre en éclairage des
positions originales aux questionnements
existentiels, sociaux ou politiques. Il offre
en plus l’avantage de ne pas être une
prise de position frontale mais juste un
questionnement.
Par exemple, très souvent dans l’œuvre de
Philip K.Dick, des handicapés (phocomèles,
autistes et arriérés mentaux) développent des
pouvoirs ou une simple innocence inversant
la valeur qui leur est traditionnellement
attribuée ; il en va de même pour les minorités
ethniques. Ce changement de perspective
nous amène à nous poser des questions sans
en donner les réponses.
Et maintenant
qu’est-ce qu’on fait ?
Et bien jetez-vous sur ces magnifiques romans
qui, en plus de vous faire passer un moment
agréable, vous seront très utiles pour inspirer
vos parties dans des futurs imparfaits, bien plus
que l’aperçu dispensé dans ces quelques
lignes. Je ne conseillerai qu’avec modération
les adaptations cinématographiques qui
vont du médiocre au plutôt bon mais sont
incomparables aux livres.
par Sheol
Petite liste de courses :
« Dr Bloody Money » pour les univers
post apocalyptiques,
« Le Maître du Haut Château », pour
les uchronies,
«Les Androïdes rêvent-ils de Moutons
électriques ? (alias Blade Runner) »
pour son approche de l’androïde,
« Les Clans de la Lune Alphane » pour
le traitement de la psychologie,
« Radio Libre Albemuth » et « la loterie
solaire » pour les complots politiques,
« À Rebrousse Temps » pour les
distorsions temporelles et « Glissement
de Temps sur Mars » pour son réalisme
dépressif.
encres
INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
IMPARFAITES
[ LE FUTUR DANS DES CASES ]
La Bande Dessinée d’anticipation
est un art auquel de nombreux auteurs se
sont adonnés. Pour leur grande majorité,
d’ailleurs, le Futur tel qu’il est représenté
dérive des erreurs et négligences humaines
d’aujourd’hui. Ainsi le sujet récurrent du
devenir et de la survie de la civilisation postapocalyptique, foisonne d’exemples. Qu’ils
soient optimistes, ou plus généralement
qu’ils mettent en lumière la répétition
des erreurs passées et l’impossibilité pour
la condition humaine de s’extirper de
l’impasse à laquelle elle est prédestinée, les
scénarios tendent à montrer quant à notre
évolution un penchant pour la binarisation
des relations entre nos arrières-arrièrespetits-enfants.
Le monde futur imparfait n’est
plus jalonné, comme aujourd’hui d’une
multitude de pays, de pensées, de
comportements, d’identités. Cette pluralité
qui fit la richesse culturelle et d’échanges
de l’avant futurisme, est aussi celle qui
dans l’histoire est responsable du choc
majeur (climatique, nucléaire, spatial…),
année ZERO de l’ère futuriste, pour laquelle
si vous suivez toujours cher lecteur, Internet
et notre siècle sont datés d’un - , et dont
les bribes de souvenirs s’apparentent à
l’Ancien Testament pour nous.
La leçon du choc ZERO bien
apprise, la civilisation du monde futur
s’attèle à ne pas reproduire les causes
du désastre et organise l’unité mondiale
autour d’une ligne de conduite éthique,
morale, politique, religieuse, bref elle
se pourvoit d’un souffle et d’un élan
nécessaire au renouveau de l’humanité.
C’était sans compter son imperfection.
Chaos lorsqu’aucune instance chargée
de faire respecter la toute fraîchement
née ligne directrice n’a été crée, abus
de pouvoir et dérives lorsque la toute
puissante instance de contrôle existe.
L’enfer, c’est l’homme qui est un loup pour
lui-même en quelque sorte, si bien qu’au
final les mêmes travers des épisodes passés,
réapparaissent, mais sur le schéma d’une
dualité planétaire (voire interplanétaire
parfois). Le thème des BD futuristes s’épand
en rivalité d’une civilisation opprimée par
un pouvoir plénipotentiaire, en résistance
des libertaires dont on voudrait imposer
une pensée universelle, en dissidents d’un
gouvernement injuste, en réel contre
virtuel, en bien contre le mal, ou l’inverse.
Le manichéisme d’après les auteurs de
Bandes Dessinées, sera le moteur des
civilisations futures, et pour finir sur une
note d’espoir ; il plantera le décor de
l’avènement du ou des héros qui seuls
seront susceptibles de rendre la liberté au
pluralisme et changer le cours de l’Histoire.
Alejandro Jodorowsky (scénario) et Moebius
à nouveau s’inspirent dans l’incontournable
L’Incal (Humanoïdes Associés) dès 1981, et
des univers qui en découlent, notamment
des Méta-Barons (Jodorowsky / Juan
Gimenez aux Humanoïdes Associés) et plus
récemment Megalex (Jodorowsky / Fred
Betran aux Humanoïdes Associés).
Enki Bilal occupe une importante
place avec sa Tétralogie du Monstre
débutant par Le Sommeil du Monstre (Ed.
Casterman), de même que Denis Bajram et
la série Universal War 1 (Ed. Soleil).
Une vision plus optimiste nous est
donnée par Jean-David Morvan et Philippe
Buchet pour Sillage (Ed. Delcourt), ainsi que
par Daniel Pecqueur et Nicolas Malfin pour
Golden City (Ed. Delcourt).
À noter récemment toujours aux
Ed. Delcourt l’excellent Régulateur par Eric
Corbeyran et Marc Moreno.
par Johnsnow
The Long Tomorrow par Dan
O’Bannon (scénario) et Moebius (dessin)
publié dès 1976 dans le magazine Métal
Hurlant en est un exemple culte, dont
31
les carnets de l’assemblée # 4
encres
INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
visions de
FUTURS
INCERTAINS
[ filmologie ]
Constat de la crise humaine.
Projections angoissées dans l’avenir.
Fragments d’un monde lui-même en
déliquescence.
Dans les dystopies, un individu tentera
toujours de s’affranchir du carcan
de cette société pour découvrir une
perturbante vérité qui dès lors n’aura de
cesse de nourrir de légitimes doutes...
Utopia Rasa
La faillite de l’homme constitue
le fondement déterminant des utopies
bafouées. Mais les éléments concernant le
biologique ou le démographique peuvent
induire des facteurs limitants à la bonne
marche de la société, à l’établissement d’un
futur idéal, voire à la pérennité humaine.
Si Soleil Vert (Soylent Green/Richard
Fleischer – 1973) traduit l’angoisse de la
surpopulation; les problèmes énergétiques
et le climat caniculaire découlent d’une
mauvaise gestion des potentialités mises
à la disposition de l’humanité. La première
séquence résume bien ce postulat par
la succession d’images d’un urbanisme
effréné et de la pollution générée, ainsi que
l’accélération exponentielle du progrès et
du grouillement des activités humaines.
En 2022, New York compte 40
millions d’habitants dont la moitié au
chômage. Ici la majeure partie de l’espace
est occupée oisivement par une minorité
aisée concentrant le confort et les richesses.
Homme riche est désormais une profession.
Pour le reste de la population les besoins
primaires ne peuvent plus être satisfaits.
L’eau est rationnée, le papier et l’énergie
font cruellement défaut, la pénurie de
logements fait que des gens meurent dans
les rues, et dans cette ambiance mortifère,
les indigents et malades sont recueillis dans
des églises surchargées.
Néanmoins,
pour
tous,
l’alimentation est devenue sans odeur et
sans goût, et un simple quartier de bœuf
est une denrée exceptionnelle même
pour les favorisés. Solution miracle pour
éviter la révolte de la masse: la société
Soylent produit un aliment au concentré
de planctons, le soleil vert, distribué
gratuitement afin de nourrir les affamés.
32
les carnets de l’assemblée # 4
Le futur de 2027 dans les Fils de
l’Homme (Children of Men/Alfonso Cuaron
– 2006) rabache – jusque sur les spots des
écrans dans les transports en commun
– que le monde s’est effrondré et que seule
la Grande-Bretagne résiste. Les quelques
images de capitales en flammes justifient
alors le repli d’Albion sur elle-même. La cause
de ce désordre: une humanité devenue
stérile il y a 18 ans. La race des hommes
se meurt, et aux infos, le jeune cadet de
l’humanité, âgé de 18 ans, vient de mourir
accidentellement suite à une bagarre
avec un fan. La déliquescence du moral
dans le pays a même entraîné la vente
de kit de suicide Quietus pour un départ
paisible. Pour le reste, les individus, pour se
rassurer avant l’inéluctable, s’abreuvent
de la propagande gouvernementale, se
réfugient dans l’intégrisme religieux, voire
dans la spiritualité décalée. Un consensus
se crée cependant pour empêcher
l’immigration de clandestins affluant des
pays ravagés, tandis qu’on subodore
l’existence de Renouveau Planétaire, une
organisation occulte œuvrant pour rétablir
le cercle vertueux de l’humanité située sur
un île déserte telle une néo-atlantide.
Parfois, le dysfonctionnement
résulte moins du facteur limitant que de
l’idéologie. Dans Fahrenheit 451 (François
Truffaut – 1966), la légende dit qu’avant
les pompiers éteignaient les feux au lieu de
brûler les livres au lance-flammes comme
si il s’agissait de charognes ou d’un virus à
détruire pour éviter la contamination des
citoyens. Cet état des choses fait dire à un
enfant qui voit le camion quitter la caserne:
« Oh les pompiers, il va y avoir un feu! ».
Un autodafé systématique
est jugé nécessaire afin que
certains ne se croient pas plus
malins, plus cultivés que les
autres, pour que tous soient
semblables et puissent être
heureux. Cet habitus a pour
corollaire l’obstruction de
la réflexion, et cette société
voilée en permanence, où les gens ne vivent
pas mais tuent le temps, fait dire aux femmes
dont les époux sont à la guerre, qu’ils ne
craignent rien et que ce sont les maris des
autres qui meurent.
Mais dans un monde où la
population a tout ce qu’elle désire – la
pauvreté ayant disparu – et où états et
conflits sont abolis au profit de consortiums
corporatistes se livrant des guerres larvées, la
société de loisirs propose un divertissement
mondial réputé et sanglant, véritable messejeu, le Rollerball (Norman Jewison – 1975) qui
voit deux équipes s’affronter sur la piste d’une
arène afin de marquer avec une sphère
d’acier. Le contrepoint du tout loisir est que les
entités corporatistes prescrivent aux gens ce
qu’ils doivent faire, et contrôlent économie
des marchés, capitaux et technologies via
des super-ordinateurs qui consignent les
données de siècles entiers, préfigurant l’ère
d’un réseau total.
Ailleurs,
c’est
le
progrès
technologique et scientifique qui plonge
les hommes dans un monde déshumanisé,
comme dans Gattaca (Andrew Niccol –
1998) qui anticipe la dictature de l’eugénisme
dans un avenir pas si lointain dans lequel une
génétique discriminatoire décide de tout.
L’étrange aventure de Lemmy
Caution
dans
Alphaville
(Jean-Luc
Godard – 1965) est censée se dérouler fort
symboliquement en 1984. Cette capitale
d’une galaxie est gérée par Alpha60, un
ordinateur élaboré par un conglomérat
d’entreprises d’autrefois, qui sous la
houlette de l’ingénieur-dictateur Léonard
Nosferatu Von Braun, calcule et prévoit les
conséquences auxquelles la société obéira
par la suite. Dans ce monde de machines
et de logique pure et froide, les gens sont
devenus les esclaves des probabilités.
Puisqu’il n’est pas logique qu’un être supérieur
n’envahisse pas la galaxie, Alpha60 projette
donc de faire la guerre aux Pays Extérieurs
comme Tokyoama ou Nueva York. Lemmy
(Eddie Constantine), sous l’identité de Mr.
Johnson, journaliste à Figaro-Pravda, méne
l’enquête pour les Pays
Extérieurs. Les tonalités
monocordes
de
Constantine en voixoff à la manière des
films noirs participent
à
cette
étrange
narration, et les accents
des principaux acteurs
(Anna Karina, Howard
Vernon) confèrent une
étrangeté sonore aux
dialogues.
Le premier plan du Los
Angeles en 2019 de Blade
Runner (Ridley Scott – 1982)
révèle une gigantesque
mégalopole où d’énormes
cheminées,
dragons
crachant
leur
souffle
enflammé, sont les totems
terribles de l’industrialisation.
La cité cosmopolite abritant une forte densité
de population multi-ethnique a conditionné
une vie en strates verticales: en bas le
commun cantonné à l’obscurité et vers les
sommets lumineux, les puissants, insouciants
de la faune qui se débat au dessous d’eux.
Le climat semble déréglé, et pluie et fumée
accompagnent le quotidien de l’homme
de la rue. La terre désormais surpeuplée
a entraîné l’établissement de colonies
sur d’autres planètes grâce au travail
d’androïdes intelligents et puissants crées par
la Tyrell Corp: les réplicants. Copies conformes
des humains sauf pour l’affectivité, ils sont
devenus illégaux sur terre depuis la révolte de
6 d’entre eux. Les exécuteurs Blade Runner
comme Deckard sont alors chargés de les
« retirer ».
Fascinant et énigmatique, ce métrage est
nimbé d’une ambiance de film noir des
années 40-50, où Deckard est l’équivalent
d’un Sam Spade, et Rachel, la femme fatale
en tailleur-cigarette. Rachel, réplicante à son
insu, valide la devise Tyrell plus humain que
l’humain, et son apparition coïncide avec
celle du soleil, bientôt nouvel astre dans
l’univers glacé de Deckard.
Froideur et Splendeur
de la Cité
L’homme en son environnement
permet nécessairement d’intégrer le futur
incertain de ces films, et même si les éléments
technologiques et futuristes de certains
métrages semblent démodés aujourd’hui,
il n’en reste pas moins que la plupart sont
dérangeants au vue de leur plausibilité et
restent donc efficaces grâce au postulat
développé malgré l’économie d’effets
déployés.
Ainsi, Soleil Vert n’usite pas d’effets
spéciaux, la technologie et l’architecture
n’ayant pas connu d’évolution, mais la
population grouillante qui s’entasse dans les
immeubles, les rues donne à la cité une allure
de bidonville cyclopéen, d’égout à ciel
ouvert. Le look 70’s du New York 2022 révèle
bien que l’évolution est juste économique et
sociologique, comme
l’esthétique intérieure
kitsch de Rollerball
censée faire futuriste
(le côté désuet des
murs d’écrans).
Le style du film à la
fois daté et décalé de
Fahrenheit 451 où le
suranné se mêle à une
futile modernité (murécran, téléphone dans
chaque pièce, judas
de porte automatique) établit une société
où l’absolument inutile s’avère résolument
indispensable. Si toutefois le décorum y est
familier, l’idéologie de ce futur trop proche
est inquiétante. Tout comme la sciencefiction d’Alphaville, basée sur le discursif,
la réalisation et l’éclairage plus que sur des
effets ou décors sophistiqués. Pour preuve, un
projecteur clignotant devient un ordinateur
tout-puissant.
toutes photos : ©
encres
INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
Tourné à Paris, la surréalité de
cette société futuriste naît de l’utilisation
concentrée de la lumière, de la bande son
et de la photo contrastée. Les alphabètes
vivent dans un environnement binaire à
l’obscure urbanité et aux intérieurs austères
dont la lumière écrasante, permanente agit
comme un dissipateur de créativité et de
singularité.
Les effets d’ombres et de lumières
évoquent les polars de série B des années
40-50 et la rémanence des éclairages et
clignotements impriment sur les rétines des
spectateurs des réminiscences de glorieux
photogrammes de
films hollywoodiens.
(Lemmy allumant la cigarette d’Anna Karina,
égerie de Godard, rappellent les fumeurs
cinégéniques Bogart et Bacall).
Les plans courts sur les extérieurs, comme
celui de la façade de bureaux éclairés
démontrent l’uniformisation. Des escaliers en
colimacon sont autant de méandres d’une
décérébration généralisée. Là bas un taxi
peut emprunter le quartier nord enneigé de
la ville ou le sud ensoleillé, bien que cela n’ai
pas d’importance pour Lemmy: il voyage
jusqu’au bout de la nuit.
Sans omettre l’importance de
l’écrit, du pictural et du référentiel littéraire
s’afffichant via des néons, des panneaux.
Bientôt dire c’est montrer et montrer c’est
dire, comme lorsque le plan court d’un néon
e=mc² apparaît pour montrer que Lemmy a
compris le sens d’Alpha60.
Moins une histoire narrée inventive, Godard
en techniciste, compose un cinéma sur le
cinéma, et œuvrant comme un écrivain
devant une page blanche offre un film
multiple tout à la fois roman, cinéma et BD
(la scène de combat en images fixes).
L’architecture
épurée,
nette
comme lissée, et les vastes intérieurs
dépouillés baignés par une lumière aseptisée
constitue l’environnement des êtres parfaits
de Gattaca, celui d’un futur proche à
l’esthétique sobre et neutre.
L’épure
culmine
dans
l’univers
de
Thx1138 (George Lucas – 1971) dès le
générique défilant tel un listing de données
informatiques, dans la narration dénuée de
fioritures, à la lisière de l’expérimental, et
33
les carnets de l’assemblée # 4
encres
jusque dans la musique sorte de complainte
aux résonances éthérées, lointain et faiblard
appel au secours. Le cloisonnement et
l’angoisse s’affichent ici dans les courbes
sinusoïdales, les visages froidis sur écrans
bleus, dans les escalators, souterrains, les
intérieurs austères, les individus-matricules
évoluant dans des couloirs sombres ou
dans de vastes pièces blanches sans aucun
horizon, ni perspective.
Dans ce monde-clinique d’une
blancheur aseptisée, à la verticalité
d’ascenseurs vertigineux et à l’horizontalité
de mornes déplacements humains, cette
société apparaît désincarnée, protocolaire
et désaffectée d’émotions. Bien loin de
l’œuvre naïve Star Wars, Lucas, façonneur
d’univers, propose une peinture aux
couleurs froides de cette société sclérosée
et autocratique d’une efficace sobriété.
La Metropolis (Fritz Lang -1927) est
gérée au 21ème siècle par un magnat qui
exploite le peuple relégué sous terre alors
que les privilégiés vivent dans les hauteurs de
la ville, manifestation de l’ascension sociale
via la hiérarchie physique des buildings.
Cette
fresque
ambigüe,
cérémonie
des masses, dénonce l’exploitation de
l’homme par l’homme dans un maelstrom
d’expressionnisme baroque, de réalisme et
de SF.
Reste la splendeur visuelle de Blade
Runner, remake esthétique de Métropolis,
réhaussée de la partition planante et spatiale
de Vangelis. L’architecture rétro-futuriste de
ce cloaque pluvieux y est crédible puisque
composite d’éléments familiers, brassant
ancien et technologique.
En
dehors
de
l’intrigue
conventionnelle, la mégapole est bien
le personnage principal du film. Cela
est manifeste dans l’alternance des
plans quotidiens face à la démesure de
l’environnement, ou encore par le contraste
entre les personnages arpentant une cité
aux dimensions gigantesques et l’intimité
sombre des logements dont le côté tout
artificiel est renforcée par le fait que leur
luminosité provienne de l’extérieur.
Le consumérisme d’une société
matraquant pubs sur écrans, zeppelins,
néons, réfute ironiquement le fait que les
gens n’ont plus un niveau de vie qualitatif
correct assuré dûe à l’investissement de
l’industrie et de la technologie délaissant la
terre au profit de la colonisation de planètes.
INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
Et le nouveau Dieu est désormais le savant, à
en croire la ziggourat de la Tyrell Corp.
La démocratie en ?
Si les avenirs sont nébuleux, c’est
sans nul doute la faute au vacillement de la
démocratie.
Ainsi l’énoncé dogmatique de
la voix étouffée et haletante d’Alpha60
« personne n’a vécu dans le passé, personne
ne vivra dans le futur, le présent est la forme
de toute vie » renvoie explicitement au 1984
de Orwell. Un monde où le ministère de la
dissuasion traque les non-assimilables à la
société, ceux ayant agi de façon illogique
(comme le mari qui pleure à la mort de sa
femme). Ils seront assis dans des salles puis
électrocutés collectivement sur leurs sièges
avant que les corps soient basculés dans des
containers, ou exécutés en spectacle dans
des piscines par un commando de nageuses
synchronisées munies de poignards. Les
rares pouvant être traités sont admis au HLM,
hôpital de longue maladie afin de subir un
traitement d’opérations de mécanique et
de propagande.
Dans les Fils de l’Homme, le
postulat hautement probable de l’infertilité
des femmes dûe à un monde trop pollué,
trop génétique, trop nucléaire, débouche
sur un non-futur de l’espèce humaine en
perdition, dans tous les termes possibles,
où la propagande et les forces policières
renforcées luttent contre l’immigration.
Le gouvernement autocratique et ultraprotectionniste doit éradiquer le terrorisme
d’activistes en guerre pour l’égalité des droits
des immigrés, tout en parquant dans des
camps les infortunés réfugiés, parfois dévêtus
et humiliés avant d’être abattus: processus
sordide qui évoque les camps nazis.
La valeur travail et la religion sont
questionnées dans le futur de Thx1138. Tenues
blanches et crânes rasés uniformisent cette
société du travail dans laquelle l’ouvrier type
est l’alliance de l’homme avec la machine,
certains épiant – casques vissés et regards
rivés sur écrans – ceux qui travaillent, non
sans évoquer les belles heures de la Stasi.
L’ersatz de religion au visuel
iconique du divin est un véritable écho
propagandiste du système. La confession
dans un réduit face à une imagerie religieuse
ne propose aucune aide spirituelle mais
déclenche en feed-back les injonctions d’un
discours programmé et dissocié des besoins
émotionnels et empathiques: « bénédiction
des masses/soyons reconnaissant d’avoir
une tâche à accomplir/travaillons dur/
augmentons la production/soyons heureux/
tu es un sujet du divin achète plus et sois
heureux »...
34
les carnets de l’assemblée # 4
Dans ces avenirs
glacés, la coercition est
exercée par des agents au
masque chromé – négation
de leur humanité – androïdes
aux voix calmes contrastant
avec
leurs
méthodes
(Thx1138), ou les pompiers
qui fouillent dans les affaires
personnelles des gens pour dénicher les
livres, sans oublier la brigade des cheveux
(Fahrenheit 451), chargée de couper les
cheveux des garçons beatnik.
Si ici la pure perversité, ce sont les
livres qui doivent être exterminés pour éviter
de troubler les gens, les rendre antisociaux
et malheureux, dans Alphaville, l’expression
et la communication sont eux-mêmes
menacés: des mots disparaissent parce qu’ils
sont oubliés et des nouveaux apparaissent
pour correspondre aux idées nouvelles, le
dictionnaire remplacant la Bible dans les
tiroirs. Il ne faut pas dire pourquoi mais parce
que.
Cette forme de pensée unique
prend également racine dans Fahrenheit
451 avec la suppression des livres, et donc
des débats, des opinions différentes.
Par ailleurs, Godard critique
l’histoire contemporaine qui a généré ce
futur totalitaire, ainsi le nom du dictateur
Von Braun fait référence au constructeur
allemand des V2 réfugié aux Usa après la
guerre, ou encore avec le numéro tatoué
sur la nuque des gens.
La
délation
est
souvent
encouragée comme avec les boîtes
aux lettres devant la caserne pour les
« informateurs »
qui
dénoncent
une
connaissance possédant des livres dans
Fahrenheit 451 ou les réceptacles disposés
dans la structure de Thx1138, où peuvent
être rapportées les anomalies de procédure
ou de comportement. Ces sociétés
cadenassées intégrent la participation de
tous ses citoyens pour maintenir leur joug.
Ne pas vouloir suivre ce modus operandi
relèverait du suspicieux...
La manipulation des médias est
en outre un instrument féroce pour aliéner
la démocratie, endoctriner et avilir la masse.
Fahrenheit 451 critique l’uniformisation de
la société par les médias, dans laquelle
ceux n’ayant pas d’antennes tv sur le toit
sont différents des autres. À l’époque du
film, la question de la dangerosité de la
télé semblait ici de mise, et, moins que
d’illustrer exagérément le combat entre le
littéraire et le télévisuel, l’idée sous-jacente
est que chaque évolution a sa contrepartie
néfaste.
Si la patte sensible de Truffaut n’est
pas clairement apposée dans ce film froid
et distancié, cela sert cette évocation d’un
monde intellectuellement apathique qui
extermine ses livres.
Le paroxysme de la dictature
est celui de la société non pas idéale,
mais parfaite comme dans Gattaca. À
encres
INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
la croisée du meilleur des
mondes et du système
orwellien, les individus y sont
identifiés, scanérisés, afin
d’authentifier l’exceptionnel
génotype. Ces diktats de
la génétique potentialisent
l’individu afin qu’il occupe
dans le système la meilleure
place qui lui convienne. L’appartenance à
une sous-classe ne dépend plus du milieu
social ou de la couleur de peau lorsque la
discrimination est élevée au rang d’une
science. Imparable?
Déshumanisation et Survie
Quelle va être la survie ou la nonvie offerte aux individus? Pour l’homme
commun dans Soleil Vert, le système D est de
rigueur. Ainsi le détective Thorn profite des
commodités, de l’eau fraîche sur les lieux de
son enquête, et récupère des vivres et objets
pour améliorer le quotidien. La rareté des
objets les plus usuels étant illustrée lorsque le
commissaire pour signifier à Thorn son retard
lui demande l’heure: ce dernier lui propose
de lui dire puisque c’est son supérieur qui a
une montre, et l’autre dépité ne pourra pas
car...elle ne fonctionne plus.
Si la tolérance est bannie (les Fils
de l’Homme), la radicalisation religieuse
et le refuge dans l’intégrisme font éclater
la société en castes qui s’accusent
mutuellement de tous les maux. Une religiosité
du Jugement Dernier est alors inévitable: les
fanatiques repentants considérent que nos
péchés ont déclenché la colère de dieu, les
renoncants se flagellent pour la rédemption
de nos fautes, les musulmans sont accusés
de terrorisme.
La dévoration galopante de
la société culmine avec le cannibalisme
littéral des hommes entre eux lorsque Thorn
découvrira l’indicible vérité sur l’usine qui
conditionne les morts en tablettes de soleil
vert.
naturelle de mettre les enfants au monde
dans Gattaca. Cela offre le choix des
préférences physiques, l’éradication de
tares comme la myopie, la violence,
l’alcoolisme. Avec l’optimisation des êtres
en vue d’accomplir certaines potentialités
(le récital de piano où l’artiste a 6 doigts aux
mains), le CV est inscrit dans les gènes et les
entretiens sont justes des prélévements. Ainsi
l’abondance d’individus adéquatement
formatés permet d’imposer de nouveaux
critères, où corps et intellects doivent être
exemplaires. Les réplicants de Blade Runner
eux, reviennent sur terre pour effectuer une
véritable quête d’identité. Aussi égarés
dans la signification que les hommes, ils n’en
apparaissent que plus humains, et pour leur
leader Roy Batty, plus charismatique que le
froid et antipathique Deckard. Ce dernier
révèlera à Rachel sa nature de réplicante
abruptement et sans tact, croyant qu’elle
ne sera pas affectée. En vérité, elle sera
bouleversée, tout comme Batty éprouvera
du chagrin à la mort de Pris.
Quand les gens ne sont pas tristes
et apathiques (Alphaville), ou renvoient aux
faciès fermés des regards éteints (Gattaca),
ils prennent des pilules de toutes les couleurs
supposées stimulantes, anxiolytiques ou
antidépressives
(Rollerball,
Fahrenheit
451), voire des médicaments inhibiteurs de
comportements pour maintenir placides,
dociles et « heureux » les travailleurs de
Thx1138.
L’autoérotisme
des
femmes,
probablement dû aux pilules, sert le
système dans Fahrenheit 451, où tenues
dépendantes, elles distrayent les hommes
avec les plaisirs qu’elles peuvent prodiguer.
Les filles d’Alphaville sont lascives et
disponibles à l’instar de l’hôtesse – séductrice
de catégorie 3 – qui accueille Lemmy à son
arrivée, objet tout à la fois sexuel et décoratif.
Comme dans Soleil Vert, où la femme est
louée comme compagnie et mobilier en
même temps que le logement.
Mais le divertissement peut aussi
participer à la déshumanisation comme
dans Rollerball où ce sport sert d’exutoire
aux foules venues se gargariser de violence.
Dans cette société où les gens sont comme
désaffectés, le rollerball fait vibrer, procure
des sensations, ravive la tribalité et suscite le
fantasme (idôlatrie des joueurs).
À l’opposé, les écrans dans
Thx1138 sont approvisionnés de programmes
holographiques pseudo-comique (mais ne
devant pas faire rire), informatifs/infirmatifs,
d’érotisme froid ou encore expurgés
d’émotion et d’empathie comme celui
d’un homme matraqué par un agent sur un
rythme régulier durant de longues minutes.
Le dessein d’un média muant en véritable
entité collective est alarmant, et les
spectateurs de la « famille » médiatique
(Fahrenheit 451) sont des cousins et cousines
dans cet étrange et hypnotique programme
de jeu télévisé interactif qui congratule et
rassure le citoyen. Heureusement, tout ceci
n’existe pas dans notre vrai présent...
La société en mal de sensation de
Rollerball s’adonne à des loisirs destructeurs
comme l’incendie des arbres. Les problèmes
matériels étant résolus, les hommes, pour
meubler leur existence et contrer l’ennui,
s’extasient avec nostalgie devant la
barbarie des gladiateurs d’autrefois. Lors de
la finale du championnat, la bagarre brutale
va crescendo jusqu’à la tuerie crasse : la
sphère est une arme, mais à l’issue, le joueur
vedette se souvenant qu’il pratique un jeu
ira simplement marquer le point, toujours
sous les acclamations de la foule...seul
survivant de la partie.
L’amour dans tout cela est
souvent interdit ou fui, lorsqu’il n’est pas
qu’un phénomène inconnu ou une simple
information. Dans Thx1138, la peur de
l’attraction peut-elle endiguer les aspirations
de 2 êtres voulant ressentir la chaleur et le
contact de l’autre dans cet univers froid?
Le bladerunner Deckard demande
à Rachel de lui dire de l’embrasser ou qu’elle
le désire, car la relation amoureuse n’est pas
prévue dans sa conception de réplicante,
et la fille de Von Braun, n’intégre même
pas ce qu’est le mot amoureux, laissant
dubitatif notre Lemmy dans Alphaville. De
plus à Gattaca, les enfants du hasard nés
de l’amour, sont considérés comme des
dégénérés.
Quand l’humain n’est pas une
marchandise, il est un cobaye lorsque sa
machinerie mentale s’enraye dans Thx1138,
traité à grands renforts d’instruments
hétéroclites et de piqûres et subissant des
processus de tests comme si il n’était qu’un
simple transistor. Il faut que ce soit le réplicant
Roy Batty de Blade Runner qui, s’appropriant
l’humanité, dira ne pas être un ordinateur
mais bien vivant.
Les êtres valides, les vitro sont issus
de la génétique, seule façon officiellement
35
les carnets de l’assemblée # 4
encres
Mais faire l’amour est un crime, et Thx1138 sera
arrêté entre autres pour perversion sexuelle et
transgression et, échappant à la destruction
comme un objet désuet, sera déclaré
incurable et condamné en détention. Ailleurs,
Lemmy apprend par Henry Dickson, un
autre agent infiltré dans Alphaville que sont
exécutés pour défiance illogique, ceux qui
ne s’adaptent pas comme les romanciers,
peintres, musiciens. Désormais une épave
balbutiante et alcoolique, Dickson ajoutera
que les anciens agents Dick Tracy et Guy
l’Éclair sont déjà morts, entérinant la disparition
des héros romanesques de papier (Dickson
faisant lui-même référence au personnage
littéraire de Jean Ray).
Si les nombreux plans courts
de Thx1138 provoquent la vision d’un
monde
destructuré
socialement
et
émotionnellement, la communication difficile
est également mise en relief dans Alphaville
où le champ-contre champ bouleversé
lorsque 2 personnages se parlent confère
une sensation de décalage. Poussant plus
loin, certains dialogues sont décalés au
point qu’un personnage peut répondre à
une question alors qu’elle n’a pas été posé,
ou lorsque des politesses sont exprimées
sans raison, comme pour dire l’artificialité
des échanges humains. Autre symptôme,
la décorrélation du corps et de l’esprit, du
geste et de la parole: dire oui en signifiant
non de la tête.
Autre corollaire, celle de la solitude urbaine.
Les individus sont seuls, d’autant plus seuls
qu’ils sont perdus au milieu des autres. Le
concepteur Sebastian (Blade Runner) a
réalisé des automates pour sa compagnie:
ce sont sa famille, ses amis. Et la solitude
combinée à la nostalgie engendre la
création d’animaux synthétiques, les vrais
animaux ayant disparu. Alors l’élaboration
des réplicants ne nourrirait-elle pas le rêve
fou de recréer des Hommes...
Mélancolie du passé,
Désespoir du présent,
Hypothétiques meilleurs
Les anciens dans Soleil Vert sont
les témoins et gardiens du passé. Le vieux
Sol est le lien entre notre époque et un futur
galopant, survivant d’un temps où tout était
plus vrai, et même si les gens ont toujours été
moches, le monde était beau. Pour Alpha60,
ce sont les actes des hommes à travers les
siècles passés qui peu à peu vont les détruire
logiquement, lui n’étant que le moyen
logique de destruction.
INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
La plupart des individus ne semblent
pas animés de contestation, mais parfois se
réveille un individu qui brûle soudain d’un feu
rebelle. L’exaspération et une soif de liberté
nouvelle croissent chez le pompier Montag,
décidé à combattre le système avec ses
propres armes en cachant un livre chez
chaque collègue pour le dénoncer dans
Fahrenheit 451.
Et si tout d’abord, il lit péniblement
à voix haute de manière enfantine en suivant
avec son doigt, rapidement il part à la
recherche du temps perdu, tel un explorateur
défricheur de contrées jadis oubliées, bien
décidé à formuler sa réponse à la première
phrase du Dickens de sa première lecture:
« deviendrai-je le héros de ma propre vie
ou ce rôle sera t’il endossé par quelqu’un
d’autre? »
Dans Alphaville où les gens ne
pensent plus par eux mêmes, Caution,
survivant du passé va être le grain de sable
qui enraye la machine, comme Thx1138, qui
d’un pas décidé, avance en trottinant pour
s’affirmer corps et âme, jusqu’à se débattre à
contre-courant dans la multitude
du flot humain. Enfin, il sort à l’air
libre, silhouette minuscule se
détachant à l’extérieur, pouvant
envisager l’horizon devant un
soleil couchant; toutefois cette
découverte d’un monde en
surface n’est pas forcément
rassurante, sans aucune indication
sur l’état de ce monde...
Théo, lui s’affirmera en
protecteur d’une Marie noire,
temple de la maternité, et un
ange-gardien pour le futur fils
des Hommes d’une Humanité
nouvelle. Le passage de l’enfant
lors de la traversée d’un immeuble
de réfugiés évoque un nouveau messie,
résonance presque biblique de la nativité.
Une fois las, les vieillards dans
Soleil Vert se rendent au foyer, accueillis
au son d’une doucereuse musique pour
une euthanasie délibérée traitée comme
un business. Un écran panoramique
géant diffuse pour le client des images
paradisiaques d’une Terre d’un passé oublié:
de grands espaces libres et vierges de la
colonisation des hommes et d’une urbanité
surpeuplée, reliques de l’équilibre de la
nature d’une terre d’avant plus pure.
À l’écart d’une ville à la fade
modernité, dans des endroits abandonnés
à la campagne vivent des reclus, des
clochards à l’extérieur mais bibliothèques à
l’intérieur, hommes-livres garants du savoir
humain. Livres vivants ayant appris par
cœur un ouvrage, l’idée que le livre est un
leg précieux pour l’humanité est symbolisé
par un vieux se récitant à son neveu pour
perpétrer son œuvre avant de mourir.
La lecture sera l’arme pour
se reconnecter avec son intériorité, ses
émotions, pour faire oublier cette société
froide et désaffectée par des émotions
qui sont aussi mises en exergue par le livre
36
les carnets de l’assemblée # 4
– mélancolie, compassion, humour – afin de
redevenir vivant dans Fahrenheit 451, et si le
bâteau du « Renouveau planétaire » porte
le nom de Tomorrow, sur le générique de fin
résonnent des rires d’enfants débutant un
cycle qui amorce le retour de l’espoir...
Le réalisme saississant, quasireportage dans les Fils de l’Homme lorgne
presque sur une caméra-vérité et l’évocation
puissante de ce métrage résonne vivement
par sa contemporanéité et les craintes
légitimes qu’il met en perspective, plaçant
en lumière ces inquiétudes d’ordinaire en
sommeil dans notre conscience.
L’évocation du cinéma d’un
Godard moins diseur d’histoires que
créateur d’images, révèle dans Alphaville
un humanisme matinée d’anarchie pour la
défense de l’individu face au totalitarisme.
Et si, la fille de Von Braun peut désormais
articuler je vous aime, Batty serait-il plus
humain que ceux qui le traquent, dans la
filiation du thème de l’homme meilleur,
du mythe de frankenstein où la créature
surpasse le créateur?
Néanmoins, pour hommes et
réplicants, seuls perdus dans la masse, la
lutte pour une vie meilleure et la longévité
est similaire. Batty vivant ses derniers instants
sauvera Deckard de la mort. S’éteignant, ses
souvenirs, ses instants vécus seront perdus
dans le temps, et la poésie de l’envol d’une
colombe accompagne cette métaphore
de la libération de l’âme...
Malgré les dérives de la science, il
n’y a cependant pas de gène pour le destin,
et Gattaca offre un vibrant c’est possible,
hymne au triomphe de la volonté.
Ultime injonction d’espoir: le refus
des discriminations et totalitarismes. Car en y
réfléchissant, le futur c’est déjà aujourd’hui...
Si
la
plupart
des
futurs
cinématographiques sont imparfaits, il ne
s’agit nullement d’un substrat sur lequel doit
croître une résignation devant l’inéluctable.
Ces œuvres visionnaires sont
autant de mise en garde prophétiques, à la
fois bijoux d’anticipation et manifestes pour
une meilleure anticipation.
par Erron Flyll
encres
INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
Voilà plus de 30 ans que l’univers
de Battlestar Galactica a vu le jour
sur le petit écran, une longévité
qui méritait bien un coup de
projecteur dans les colonnes
de ce dossier, avec en sus, une
actualité ludique surprenante et
pas des moindres !
[ LA MYTHOLOGIE ]
Kobol, monde originel de la race
humaine, berceau mythique des dieux,
un sanctuaire devenu légendaire pour
ceux qui s’en sont exilés. Les douze tribus
humaines, en désaccord avec les dieux de
Kobol, s’embarquèrent sur le Galion pour
s’exiler vers d’autres mondes : les Douze
Colonies. Douze mondes habitables qui
accueillirent alors chacun une des tribus.
Sans compter une hypothétique et treizième
colonie, partie en direction opposée
de l’univers, pour fonder une nouvelle
communauté, celle connue sous le nom
de Terre... Mais seules les écritures, unique
héritage des dieux de Kobol, gardent
trace de l’existence de cette colonie. Au
fil des générations (2000 ans), les douze
tribus perdirent le souvenir de l’existence
réelle de Kobol, faisant de ce monde
une légende, voire une fable. Chaque
communauté œuvrant pour concurrencer
ses sœurs, aucune ne vit l’émergence d’un
nouvel ennemi commun, lié au progrès
technologique galopant : l’intelligence
artificielle donnée aux robots, qui bientôt
allaient se rebeller contre leurs maîtres sous
le nom de Cylons. Ainsi débuta la Première
Guerre Cylon contre l’humanité.
[ LE PITCH ]
Alors que la flotte entière des
Douze Colonies fait route pour renouveler
l’Armistice avec l’ancien ennemi Cylon
(suite à la Première Guerre Cylon terminée
depuis plus de 30 ans), ces derniers tendent
alors une embuscade aux humains et
attaquent par surprise les planètes des
colonies, anéantissant toutes vies en
surface, et réduisant ainsi la race humaine
à une poignée de vaisseaux survivants
[FUIR POUR SURVIVRE]
dans l’espace. Pour les rassembler, le
Commandeur Adama et la base stellaire
(BattleStar) “Galactica” vont alors tout
mettre en œuvre pour échapper aux
Cylons et permettre la survie de la dernière
communauté humaine. S’ensuit une
fuite implacable vers une destination
hypothétique : la Terre, treizième colonie.
Mais, c’est sans compter la traîtrise d’un des
douze chefs des colonies, le très controversé
Gaïus Baltar, collaborant avec l’Empire
Cylon à la perte de ses congénères.
[ GALACTICA 1978 ]
C’est au travers de 24 épisodes
(les 3 premiers étant regroupés pour
former le téléfilm “La Bataille de l’Espace”)
que le créateur de séries TV américaines
Glen A.Larson (Buck
Rogers,
Magnum,
K2000) avec l’aide
du producteur John
Dykstra
(StarWars)
nous
offrent
un
successeur à Star
Trek et autres Cosmos
1999. Dans les rôles
titres, on retrouve
Richard Hatch (Capt.
Apollo), Dirk Benedict
(Starbuck) le Futé
de
l’Agence-TousRisques,
et
Lorne
Greene (Adama). Plus
qu’une énième saga
de S-F, basée sur l’antagonisme Homme
vs. Machines (Asimov, Herbert), Larson a
su nous livrer une uchronie intéressante.
Les dieux de Kobol ne sont autres que les
dieux de notre Antiquité (Zeus, Athéna,
Aphrodite, ...), les douze tribus tirent leurs
noms des signes zodiacaux (Caprica,
Géménon, Sagittarion, ...), les villes et les
noms des personnages sont de consonances
grecques, et la Terre serait belle et bien
la notre, mais sans aucune indication sur
son niveau technologique. L’autre grand
aspect qui différentie Galactica de ses pairs
est l’atmosphère oppressante de survie et
de résistance désespérée que nous renvoie
la fuite incessante des rescapés humains.
Atmosphère que l’on pourra retrouver
quelques années plus tard, toujours sur le
petit écran avec V, Les Visiteurs.
37
les carnets de l’assemblée # 4
encres
[ GALACTICA 1980 ]
Dix autres épisodes donnent une
suite à la saison de 1978. Le Galactica a
enfin rallié la Terre. Mais, la déception est
grande pour le Commandeur Adama :
cette treizième colonie n’est pas assez
avancée technologiquement pour l’aider
à éradiquer des Cylons plus menaçants
que jamais. Adama et son équipage ont
mis la planète bleue à la merci de leurs
ennemis jurés. Le côté cheap et délirant
des coloniaux enfin arrivés sur la Terre de
1980, et même dans d’autres époques
(le plus mauvais aspect de Star Trek repris
ici), laisse un goût de raté, voire même de
sabotage de la série en un nanar pas très
glorieux.
À noter que l’intégrale DVD de ces deux
saisons vient d’être rééditée à l’occasion
des dernières fêtes de fin d’année.
[ BATTLESTAR GALACTICA ]
mini-séries, 2003
En 2003, c’est NBC/
Universal et la chaîne
câblée Sci-Fi qui ont la
bonne idée de recycler
l’œuvre de Glen A.
Larson en un remake. Le
nouveau pilote reprend
les grandes lignes de
l’original de 1978 mais
fait entrer un nouvel
aspect qui va faire
toute la différence et
l’engouement des fans
à venir : les nouveaux
modèles
de
Cylons.
Les
Centurions,
miandroïdes, mi-boîtes de
conserve, sont toujours
d’actualité,
relookés
version Terminator, ils sont
néanmoins dépassés par
les Cylons de modèle “humains” qui copient
l’apparence, l’organisme et les attitudes
de leurs ennemis. L’infiltration des Colonies
par ces nouveaux Cylons devient donc la
base de ce remake haut en couleur qui
change la donne sur l’origine de la chute
des Colonies et le rôle de Gaius Baltar
(James Callis), ici un scientifique reconnu,
sorte de Prix Nobel de la Science, séduit
bien malgré lui par une étrange créature
de rêve (Tricia Helfer). Le Galactica subit lui
aussi un petit lifting et justifie sa présence
en tant que plus vieux BattleStar de la flotte
sur le point d’être démantelé, car réduit à
l’état de musée, le jour de l’Armistice. Son
équipement obsolète (et c’est ce qui le
sauve) nous renvoie, tel un clin d’œil, aux
années 80 et aux Vipers (chasseurs) de
Richard Hatch et Dirk Benedict. C’est le
très imposant Edward James Olmos (Blade
Runner) qui prend les commandes de la
flotte sous les traits de William Adama,
Apollo est interprété par Jamie Bamber et
Starbuck devient un personnage féminin
avec la très racée Katee Sackhoff.
INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
[ BATTLESTAR GALACTICA ]
saison 1, 2004/2005
13 épisodes
[ BATTLESTAR GALACTICA ]
saison 2, 2005/2006
20 épisodes
C’est Laura Roslin, dernière
survivante du gouvernement colonial et
ministre de l’éducation, qui devient par
défaut la Présidente des Douze Colonies. La
rumeur que des Cylons auraient apparence
humaine coure et vient ajouter un stress
supplémentaires à d’incessants sauts
dans l’hyperespace (FTL) pour échapper
aux raids Cylons sur la flotte. Baltar est
alors dépêché pour mettre sur pied une
procédure permettant de détecter ces
nouveaux Cylons. Le Quorum des Douze
se reforme et les premiers Cylons infiltrés
sont démasqués. Cette première saison,
qui se solde par la découverte de Kobol
et l’existence de la Terre, reprend tous les
éléments de la série originelle mais avec
bien plus de tensions et de diversité, et bien
sûr, tous les effets spéciaux contemporains
bien plus à la hauteur du sujet.
Le début de cette saison s’enlise
un peu dans les tensions créées entre
militaires et civils de la flotte, mais très vite
deux rebondissements de taille permettent
de relancer BSG. Le premier, la rencontre
avec le “ Pegasus ”, un autre BattleStar
échappé des Colonies, tenu d’une main de
fer par l’Amiral Cain (Michelle Forbes) ; et
le second, avec la découverte de la quasi
immortalité des nouveaux Cylons, clonés
grâce à leurs vaisseaux de Résurrection.
Une suite palpitante qui confirme le génie
des auteurs de ce remake qui ont su garder
toute l’essence initiale en y ajoutant des
éléments très cliffhangers dans l’esprit.
jeu de rôle de J.Chambers, J.Davenport,
S.Everette,
P.Kapera,
N.Rockwood,
F.C.Wesel
Edité par Magaret Weis productions
2007
www.margaretweis.com
note :
La licence BSG (Universal studios) s’est donc déclinée en jeu de rôles
grâce à Magaret Weis (DragonLance, Serenity) avec un premier Quick Start Guide
en 2007, très vite suivi par son CoreBook. Magnifique manuel de 232 pages en
couleur, préfacé par Richard Hatch himself, dans lequel on découvre l’ensemble
de l’univers de la première saison de la série remake. Les personnages bénéficient
de trois niveaux possibles de maîtrise (recrue, vétéran, vétéran confirmé) et sont
définis par des attributs, des compétences et des avantages/inconvénients. Que du
classique pour ce Cortex System orienté action et ambiance cinématographique...
si ce n’est les niveaux exprimés ici en terme de types de dés, ce qui n’est pas sans
rappeler le système Savage Worlds. Il manque néanmoins une galerie d’archétypes
pour guider les joueurs néophytes ou ceux qui ne connaîtraient pas vraiment la série
TV dans le choix de leur personnage (civil, pilote, soldat, politicien, ...). Passer ce
travail d’immersion pour les joueurs, les Douze Colonies, l’équipement, les vaisseaux,
les Cylons, les PNJ notables, tout y est décrit en détails pour pouvoir débuter sans
aucun soucis dans l’univers de la série. Au final, l’ensemble laisse deviner une
gamme de suppléments très étendue, les nombreux rebondissements de la série
étant là pour alimenter de nombreuses campagnes. Justement, le chapitre destiné
au MJ est assez conséquent pour être mis en avant, avec de nombreuses idées pour
orienter une première campagne (la recherche de la Terre,
Flotte de survivants alternative (ex : Pegasus), les vaisseaux
abandonnés près de Caprica, les Colonies occupées,
...). Par contre, l’absence de scénario d’intro sera cruelle
pour ceux qui n’auront pas acquis en PDF le Quick Start.
Un manuel de base qui rappelle les très bons débuts de
StarWars RPG lorsqu’il n’existait qu’une trilogie et que l’on
en découvrait bien plus sur l’univers que ce que le simple
cadre de l’écran ne nous en offrait. Depuis sa parution,
l’écran du MJ accompagné de la carte du Galactica
sont parus ; un recueil de scénarios devait suivre, mais plus
aucun signal sur le scope dradis... Le succès n’aurait-il pas
été au rendez-vous auprès des rôlistes ?
38
les carnets de l’assemblée # 4
encres
INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
[ BATTLESTAR GALACTICA ]
saison 3, 2006/2007
20 épisodes
jeu de plateau de Corey Konieczka
Edité par Fantasy Flight Games / Edge
3 à 6 joueurs
à partir de 12 ans
durée : 3h minimum
www.fantasyflightgames.com/bsg
note :
Politique, trahison et survie. Un
beau programme annoncé sur la boîte
de ce nouveau jeu de plateau édité
par Fantasy Flight outre-Atlantique, firme
dont on ne présente plus le catalogue
aux références désormais très éprouvées
par les joueurs passionnés. Le plateau de
jeu : le BattleStar Galactica et l’espace
environnant.
Les joueurs : ils incarnent chacun un
des héros de la série dont un devra
obligatoirement endosser le titre de
Président des Colonies (possédant
l’influence politique du Quorum) et un
autre celui d’Amiral (décidant du plan de
route de la flotte et de la force nucléaire).
Divisés en trois corps : Commandement
(William Adama, Agathon, Saul Tigh, Tyrol),
Civil (Laura Roslin, Tom Zarek, Gaius Baltar),
et Pilotes (Starbuck, Apollo, Boomer) ;
chaque partie impose la présence d’un
représentant de chaque classe. L’idéal
est alors de jouer à un maximum de
joueurs (jusqu’à 6).
Le but : la flotte doit rallier la planète
sanctuaire de Kobol en ayant parcouru
une distance équivalente à 8 points de
destinations. Une carte destination est
tirée uniquement lorsque la flotte réussit
à effectuer un saut FTL, c’est alors que
le joueur Amiral choisi parmi les deux
premières cartes de la pioche Destination,
celle qui lui permettra d’aller au plus vite.
Chaque joueur effectue une séquence
complète de phases comme suit : il tire des
cartes compétences liées aux domaines
de maîtrises de son personnage, effectue
un mouvement (à bord du Galactica,
ou s’il est pilote, dans un Viper propulsé
dans l’espace), déclare une action (de
très nombreuses possibilités liées aux
cartes, capacités des personnages ou
aux lieux), puis tire une carte “Crise”
avant d’en résoudre collectivement les
effets. Une fois cette Crise révélée, le
jeu devient collaboratif pour résoudre
soit un challenge de compétence (les
personnages misent des cartes faces
cachées pour contrer un coup dur, un
événement au sein de la flotte), soit subir
un assaut physique des Cylons (avec
une mini-phase de wargame hors du
vaisseau). Cette dernière met en scène
l’arrivée de la flotte Cylons (vaisseauxmères, raiders, et transports de troupes)
qui ont pour priorité la destruction des
ressources de la flotte (représentées dans
l’espace par les navires civils). La flotte
humaine perd lorsqu’une de ses quatre
ressources primordiales est réduite à zéro :
morale, population, nourriture, carburant.
Ensuite, on avance ou pas l’indicateur
de Jump, symbolisant l’activation de la
procédure de fuite en FTL.
Mais le jeu ne s’arrête pas là, car
BSG : the board game est un jeu à félon!
Comprendre qu’il introduit, tout comme
les classiques Les Chevaliers de la Table
Ronde ou London 1888, la notion de
camp parmi les joueurs. Ainsi, et selon le
nombre de participants initial, il y aura un,
voire plusieurs joueurs Cylons infiltrés parmi
les survivants dès le départ. Leur mission :
empêcher la flotte humaine d’atteindre
Kobol par différents moyens (dont celui
de détruire également le Galactica ou de
l’investir par des Centurions). Charge au
traître de se démasquer lui-même lorsqu’il
le souhaite, aux autres joueurs de faire
tomber son masque, ou lorsqu’on atteint
4 points de destination, de procéder
à la phase d’Agent Dormant pouvant
introduire la notion de Sympathisant
Cylon, ce dernier devant alors retourner
sa veste en faveur des humains.
L’urgentisme de la fuite, le
survival effréné, et la suspicion continuelle
sont ici les ingrédients trépidants de la
réussite de ce jeu. Réussite qui convainc
même sans peine les joueurs n’ayant
jamais vu la série.
Rarement un jeu à licence aura
su si bien retranscrire l’ambiance de son
œuvre de référence, principalement ici,
la saison 1 et 2 de la série. Peut-être y-at’il matière à extensions ? En tout cas, la
boîte se suffit à elle seule pour engager
de très nombreuses parties, grâce à
sa pléthore de situations de crises et
l’éventail de personnages disponibles. À
l’heure où vous lirez ces lignes, Edge (exUbik) s’apprête à lancer la parution en
français de ce jeu.
Cette saison démarre dans un
nouveau décor, celui de New Caprica,
une planète habitable. La flotte ayant
échappée aux Cylons décide de s’installer
sous les ordres du nouveau Président :
Gaïus Baltar. Mais les robots ne tardent
guère à réapparaître et prennent par
surprise les humains qui n’ont pas le temps
de s’échapper de New Caprica. S’installe
alors l’occupation Cylon. La résistance
humaine s’organise... Et on apprend plus
tard que les nouveaux Cylons comptent
douze modèles différents. Sept ont déjà été
démasqués, qui sont les cinq autres ? Sans
conteste, la moins attrayante des saisons,
qui se veut la plus psychologique mais
au détriment de l’intrigue initiale. Malgré
cela, la série marque un changement de
ton très significatif : les humains oppressés
deviennent des machines violentes et
amorales, alors que les Cylons monothéistes
se remettent en cause idéologiquement et
même religieusement... Baltar en serait-il le
nouveau messie ? Une nouvelle symétrie
qui confirme une fois de plus l’audace de
BSG.
[ BATTLESTAR GALACTICA ]
7 webisodes, 2007
Le site internet Sci-Fi nous livre,
fin 2007, sept mini épisodes de 2 minutes
chacun. Une séquence complète qui nous
dévoile, en guise de préquelle (durant la
Première Guerre Cylon), une découverte
étrange faite par le jeune William “ Husker ”
Adama, alors pilote de Viper.
[ BSG : RAZOR ]
téléfilm, 2008
Sorti en 2008 en DVD, BSG Razor
est un téléfilm mettant en scène l’aventure
du BattleStar Pegasus avant et durant sa
rencontre avec le Galactica, ainsi que
la fin tragique de l’Amiral Cain. Il reprend
la scène révélée par les webisodes et en
donne ici une justification : l’existence des
hybrides Cylons ; chaînon manquant entre
les Centurions et les modèles humains.
[ BATTLESTAR GALACTICA ]
saison 4.1, 2008
10 épisodes
Starbuck affirme détenir les clefs
pour trouver le chemin de la Terre. Quatre
nouveaux Cylons infiltrés sont révélés. Mais
ces derniers, du fait de leur présence sur le
Galactica, empêchent les chasseurs Cylons
de passer à l’assaut final. Une alliance
contre-nature voit alors le jour entre les
colons et certains Cylons rebelles favorables
à la survie des humains et à la quête de
réponses mystiques communes. Un retour
39
les carnets de l’assemblée # 4
encres
INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ...
aux sources et aux rebondissements pour
cette demi-saison à couper le souffle !
Les téléfilms ainsi que toutes les saisons
citées jusqu’ici existent en DVD zone-2
(Universal studios).
Jeu de cartes à collectionner (en
anglais)
une seule extension parue : Betrayal
édité par Wizkids Games
2005-2006
www.wizkidsgames.com/battlestar
[ BATTLESTAR GALACTICA ]
saison 4.2, 2009
10 épisodes
note :
Suite et fin de la saison 4 et, à
priori, fin définitive de la série. Actuellement
diffusée aux USA sur la chaîne Sci-Fi depuis
le 16 janvier 2009.
Dans
ce
luxueux
(cartes
octogonales) et éphémère jeu de cartes
à collectionner, Wizkids nous offrait
l’occasion d’interpréter un Commandant
de vaisseau de la flotte BSG, chaque
joueur utilisant les effets d’une base
(vaisseau de la flotte) comme épine
dorsale de son deck.
[ BSG : THE PLAN ]
téléfilm, juin 2009
En préparation, un nouveau
téléfilm réalisé par Edward James Olmos
(William Adama) qui donnera une vision
des Cylons à la recherche de survivants
humains parmi la flotte ravagée et sur les
planètes dévastées.
pour aller plus loin :
www.scifi.com/battlestar
site officiel Sci-Fi
[ CAPRICA ]
spin-off, 2010
Cette nouvelle série dérivée
mettra en scène la famille Adama
confronté à la famille Graystone, 50 ans
avant les événements de BSG. Elle traite
de l’émergence de l’intelligence artificielle
et du développement de la robotique à
l’origine de la création et du soulèvement
des Cylons. Une préquelle dans laquelle
tout se passe sur Caprica, la planète
capitale des Douze Colonies.
www.scifitv.fr
hébergeant le mini-site français officiel
www.battlestargalactica-online.com
fansite francophone
www.battlestar-galactica.fr/bsg
autre fansite en français
www.galactica.tv
fansite en anglais
par Olivier Camus
visuels : Battlestar Galactica © USA Cable
Entertainment LLC.
Licensed by Universal Studios Licensing LLLP. All
Rights Reserved
40
les carnets de l’assemblée # 4
La gestion des cartes se fait sur
3 niveaux : Ressources (nécessaires pour
produire les unités), Réserve (les unités
prêtes au combat), Alerte (les unités
activées et déjà au combat).
Le but : accumuler 20 points
d’influence glanés en résolvant des
missions, en lançant des challenges à
ses rivaux ou en repoussant les assauts
Cylons sur la flotte ; ces derniers survenant
lorsque le niveau de Menace Cylon
dépasse le niveau de défense total des
unités humaines présentent sur la table.
Missions, événements, personnages, vaisseaux, ... tout est luxueusement illustré de photographies extraites
du show télévisé. Le système, le déroulement des phases et la philosophie globale de ce JCC se rapprochent beaucoup
du jeu de plateau.
à l’épreuve
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
EDGERUNNER
PUNK’S NOT DEAD !
LE GIRI
supplément pour Cyberpunk 203x de Ken
Mac Kriell & Mike Pondsmith
édité par Oriflam
note :
Derrière cette couverture sobre
et efficace, vous trouverez une culture bien
particulière. Celle d’une communauté
riche, organisée et engagée aux racines
anarchistes et collectivistes. Cette culture,
ou plutôt cette alterculure, c’est celle des
Edgerunners : les cyberpunks des années 203x.
À l’instar du livre de base, ce supplément de
règles et de contexte est une boite à outils
pour le MJ. Mais il n’y a rien de péjoratif dans
ce terme, bien au contraire ; le style narratif
employé impliquant réellement le lecteur
dans la description de cette culture. Et la
sauce prend !
Dans la première partie, on
s’imprègne de l’univers. Elle nous raconte
l’ascension des Edgerunners : leur histoire,
ses leaders et ses acteurs, leurs amis, leurs
ennemis et surtout, son code d’honneur (le
Giri – cf. encadré). Tandis qu’avec la seconde
partie, on s’approprie l’univers. Ici, vous
trouverez tout le nécessaire pour fabriquer
votre propre cyberéquipement. Grâce à
la NéoCyb conçue pour être modulaire et
amovible, vous pourrez brancher sur votre
réseau neural des connecteurs sensoriels
(olfactif, auditif, etc...) ou encore un bracelet
couplé à un mod (cyber-outil, armements,
etc...), le tout amélioré grâce à des puces
de compétence. Pour ce faire, vos joueurs
devront suivre un apprentissage qui consiste
à passer du stade de compagnon à celui de
techno-maître. Vous trouverez également huit
nouveaux archétypes Edgerunner : tacticien,
cybersoldat, négociateur, yojimbo (« garde
du corps »), ferrailleur, armurier, wheelman
et détective ; présentés sur une page
chacun avec caractéristiques techniques,
atouts, compétences, équipements, un petit
paragraphe descriptif et une magnifique
illustration. Vous aurez ensuite une description
détaillée, sur vingt cinq pages, des territoires
importants de l’Amérique Edgerunner. On
vous présentera les principales enclaves,
leurs dirigeants, les relations inter-enclaves,
etc…
Toute la culture Edgerunner
tourne autour du Giri. Issue de
la culture japonaise, ce terme
désigne la notion de devoir et
d’obligation morale envers les
autres. Dans l’univers de cyberpunk
203x, chaque action que vous faite
pour votre communauté, chaque
promesse que vous tenez, etc…
vous octroie des points de Giri.
Augmentant ainsi votre charisme,
la confiance que vous inspirez
ou encore l’intérêt des gens à
votre égard. Toutes ces notions
« du regard de l’autre » se traduit
en ce concept simple : le Giri. En
plus d’améliorer vos relations avec
vos divers contacts, vous pouvez
également dépenser ces points
pour vous équiper en NéoCyb ou
pour parfaire votre apprentissage
de techno-maître.
Le livre se termine par l’essence
même du cyberpunk : le chrome. Ces jouets
cybernétiques qui font que le style passe
avant la matière. Vingt pages de catalogue
où vous trouverez des vêtements, du matériel
d’infiltration et d’effraction, des armures
corporelles, des drogues et médicaments, de
nouveaux véhicules (dont une très belle moto
Torpedo Kittyhawk) et, bien évidemment,
des armes.
Au final, on se retrouve avec un
supplément de 112 pages bien remplies et
surtout : utiles. De plus, Oriflam a fourni un
excellent travail sur la mise en page et sur
les illustrations, ce qui rend la lecture de ce
supplément très agréable.
par Vincent Ziec
41
les carnets de l’assemblée # 4
à l’épreuve
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
Des années de recherche et d’efforts
dans plusieurs systèmes et enfin il est
à moi ! Beaucoup d’êtres ont péri
pour qu’il entre en ma possession
mais qu’importe ! Je sens déjà son
pouvoir, sans même l’avoir ouvert !
Magnifique… Mais ne nous laissons
pas emporter par l’euphorie de la
victoire. En premier lieu, je dois me
débarrasser de mon serviteur : il en
sait beaucoup trop. Puis, je dois
trouver un lieu reculé, éloigné de tous.
Pourquoi pas la bordure du secteur
Calixis ? Le Segmentum Obscurus me
paraît judicieux pour apprendre en
toute quiétude les secrets les plus noirs
de l’Imperium et de sa redoutable
Inquisition… Des bruits de pas ? Filons
vite d’ici !
- Extrait vox du patient B-24896-EY09,
pénitencier inquisitorial de Scintilla
– Secteur Calixis
Pour tous ceux qui auraient
passé les trois dernières années dans
un caisson cryogénique, rappelons
ici que Dark Heresy est le premier
des trois jeux consacrés au monde
de Warhammer 40.000, le monde
futuriste développé par Games
Workshop (le second devrait être
consacré aux explorateurs, et
le dernier aux fameux Space
Marines). Dans ce premier opus,
vous incarnez un acolyte de la
Sainte Inquisition de Terra. Sous
les ordres d’un inquisiteur, les
PJ seront donc missionnés aux
quatre coins du secteur pour
éradiquer/annihiler/pulvériser
(rayez la mention inutile) les
ennemis
de
l’Imperium :
hérétiques et déviants, démons
ou même xénos, ces extra-terrestres hostiles
qui osent défier la volonté de l’EmpereurDieu.
jeu de rôle gothique futuriste de Kate
Flack, Andrew Kenrick, Chris Pramas,
Owen Barnes, Mike Mason, Dan Abnett,
Gary Astleford, Alan Bligh, Ben Counter,
John French, Guy Haley, Andy Hall, Tim
Huckelberry, Mark Latham, TS Luikart & Rick
Priestley
édité par Bibliothèque Interdite
www.dark-heresy.fr
note :
La voilà enfin ! La traduction française
de Dark Heresy, le jeu de rôle dans le
monde futuriste et cauchemardesque
de Warhammer 40.000 ! Réalisée par
Bibliothèque Interdite, le livre est de toute
beauté. Pour 55 euros, nous avons droit à
un magnifique grimoire de 400 pages, en
quadrichromie, à couverture cartonnée. On
retrouve ici la qualité de la gamme du grand
frère Warhammer et c’est tant mieux.
Après l’habituel sommaire et la
non-moins habituelle introduction au jeu
de rôle, jetons nous dans le vif du sujet
avec le premier chapitre : la création de
personnage. Après avoir choisi un monde
natal, vous lancez quelques dés (ajustés
selon les modificateurs de votre monde natal,
justement) pour obtenir vos caractéristiques
principales. On retrouve ici le système rôdé
de Warhammer, avec la Capacité de
Combat (CC), la Capacité de Tir (CT), etc.
Une fois vos caractéristiques définies, voici le
moment tant attendu : la classe de perso !
euh… non, le “ plan de carrière ”. Huit choix
s’offrent à votre personnage : Adepte
(érudit), Arbitrator (super-flic), Assassin,
Ecclésiaste, Garde Impérial, Psyker (capable
de manipuler l’énergie psychique), Racaille
(pas génial comme terme pour désigner les
hors-la-loi, contrebandiers, voleurs et autres)
et enfin Technoprêtre (gardien de “ l’Esprit
de la Machine ”). Quelques points à répartir,
un peu de matériel et l’affaire est dans le
sac. Enfin presque… Reste à définir le passé
de votre personnage flambant neuf. Et si
l’imagination vient à manquer, des tables
viennent à votre rescousse : un jet de dés et
42
les carnets de l’assemblée # 4
voilà que votre monde natal est gouverné
par le Clergé de l’Empereur, faisant de vous
(sûrement…) un loyal dévot au service de
l’Imperium. Petite touche finale amusante :
un jet sur la table des divinations impériales
vous indique ce que les augures réservent à
votre personnage.
Le chapitre suivant traite des plans
de carrière et de l’avancement de votre
personnage. Autant vous le dire tout de suite,
ce chapitre est très ennuyeux car presque
exclusivement technique. Empli de tables,
de chiffres et de symboles, il ne reste que
très peu de place au background. Il aurait
été de bon ton de faire de la progression
autre chose qu’une affaire technique de
points et d’achat de compétences, surtout
dans une organisation comme l’Inquisition.
Quelques paragraphes sur l’avancement,
les nouvelles possibilités et les responsabilités
qui en découlent auraient renforcé le
background du personnage… Puis, sur près
de 80 pages, sont traitées les Compétences,
les Talents, l’Equipement et les Pouvoirs Psy.
Rien de très novateur, à part quelques
objets ou compétences typiquement
warhammeriens (les implants cybernétiques
de l’Adeptus Mechanicus, par exemple).
Terminons avec les Règles du Jeu et les
conseils au Meneur de Jeu, où l’on retrouve
les règles de Warhammer : rien que du
à l’épreuve
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
très bon et de l’efficace. Pour faire court :
1d100, quelques modificateurs et les tables
de critiques qui font rire tout bon rôliste (un
exemple : “ La poitrine de la cible explose,
vomissant un flot d’organes partiellement
cuits, ce qui la tue instantanément. ”). Au
final, on a un jeu bien huilé, qui tourne très
bien, et assez souple pour en faire ce qu’on
veut.
Passons maintenant au plus
intéressant : le monde de Warhammer
40.000 proprement dit. Une centaine
de pages est consacrée à la vie dans
l’Imperium, à la Sainte Inquisition et à la
description d’un secteur entier : le secteur
Calixis. Mis à part ce dernier chapitre, qui
décrit avec suffisamment de détails ce
secteur pour en faire un excellent terrain de
jeu pour les acolytes, j’ai trouvé cette partie
très lacunaire. Evidemment, ce n’est pas en
cent pages qu’on peut résumer un historique
comme celui de WH40K riche de plus de 20
ans de batailles et d’innombrables romans.
Mais quand même ! Pas un mot sur l’Hérésie
d’Horus, un pauvre petit paragraphe sur
l’Adaptus Astartes et à peine quelques
indices sur l’histoire de l’Inquisition, qui
est tout de même au coeur de ce jeu.
Heureusement pour vous, chers lecteurs
passionnés des Carnets de l’Assemblée
(comment ça, je fais de la pub ?), nous
avons pensé à vous et vous trouverez dans
l’encart ci-contre quelques sources “ on ze
ouaib ” qui pallieront à ce défaut de taille.
Pour terminer sur une note positive
(car oui, je suis très critique, mais c’est
souvent le cas quand on est un aficionado !),
mention spéciale à la description du secteur
Calixis et au scénario, parfaits pour une
immersion en douceur (bon, ok, ce n’est pas
très crédible la douceur dans cet univers…).
Des textes bien écrits, utiles et quelques
surprises de bon aloi. Et quand viendra votre
tour d’écrire des scénarios pour vos acolytes
en manque, vous n’aurez que l’embarras du
choix tant l’univers est immense : des grosses
bastons à coups de bolters aux intrigues sans
fins d’une organisation inquisitoriale plusieurs
fois millénaires, les options sont nombreuses :
ce sera à vous de choisir en fonction de vos
envies et de celles de vos joueurs. Et c’est
ce qui fait, à mon sens, la plus grande force
de ce jeu.
LES ROMANS
À NE PAS RATER ...
(publiés chez Bibliothèque Interdite)
La série de l’ “ Hérésie d’Horus ” (7
volumes actuellement). LA série à
lire absolument, tant l’univers de
Warhammer 40.000 a été influencé
par cet événement majeur. De plus,
c’est sans doute la série la mieux
écrite : les tomes se dévorent les
uns après les autres. Un must, tout
simplement.
La trilogie “ Eisenhorn ”, par Dan
Abnett (3volumes, parus). Si vous
voulez voir le travail quotidien d’un
inquisiteur et de ses acolytes, voici la
série parfaite. Il est même à mon avis
préférable de lire cette série avant
d’attaquer Dark Heresy. L’écriture
est très correcte, malgré quelques
longueurs parfois.
La trilogie “ Ravenor ” , par Dan Abnett
(1 volume paru). La suite logique de
la trilogie Eisenhorn puisque Ravenor
faisait partie de l’équipe de ce dernier
avant d’accéder lui-même au titre
d’inquisiteur. Le premier volume est
très plaisant à lire et le personnage
de Ravenor très attachant. À suivre.
“ Les Chevaliers Gris ”, par Ben
Counter. Ce livre permet de
comprendre un peu mieux les
rouages de ce chapitre de Space
Marines entièrement dévoué à la
destruction du Chaos, et rattaché
à l’Ordo Malleus de l’Inquisition.
Intéressant pour pouvoir décrire au
mieux ces formidables combattants
que les joueurs pourront être amenés
à côtoyer.
SITES UTILES
SUR LA TOILE
http://dark-heresy.fr/
le site officiel, avec
personnage, previews
d’écrans
feuille de
et fonds
http://new.fantasyflightgames.com/
le site de l’éditeur américain
http://fr.games-workshop.com/40k/
ben oui, quand même !
http://secteur-calixis.fr/
une vraie bible à utiliser sans
modération. Un grand coup de
chapeau !
Un index, la fameuse feuille de
personnage, et voilà, c’est déjà fini. Et
oui, car malgré ses défauts (vite comblés
grâce aux ressources disponibles sur internet
et dans les romans), on en redemande.
Et côté planning sont prévus : le “ Kit du
meneur de jeu ” (comprenant l’écran)
pour janvier 2009, “ Purifiez par le Feu ”
(un recueil de scénarios) pour février, le
“ Traité de l’inquisitorial ” (supplément de
background…ouf !) pour mars et enfin “ Les
Disciples des Dieux Sombres ” pour juin. Les
dates sont celles données par le site officiel,
donc méfiance. Tzeentch, l’Architecte du
Changement (de planning) peut encore
changer la donne.
http://ad-gloriam-imperator.tharaud.net/
site d’un fanzine gratuit pour Dark
Heresy.
http://fr.lexicanum.com/
encyclopédie sur les mondes de
Warhammer et WH40K.
http://pagesperso-orange.fr/Taran/
pour ceux qui aiment le “ fluff ”
par Matthieu Carbon
43
les carnets de l’assemblée # 4
à l’épreuve
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
DAVID BURCKLE
[ interview ]
Il faut bien admettre qu’il aurait été impensable de faire un
dossier futurs imparfaits sans parler de l’éditeur Black Book Editions.
Détenteur de deux piliers du genre, la locomotive Shadowrun et
la récente renaissance de Polaris, l’éditeur fait ici le point sur son
actualité et sur ses projets à venir. Nous laissons la parole à David
Burckle, responsable éditorial et gérant de Black Book Editions.
Commençons par un classique du JDR:
Shadowrun. Le jeu en est maintenant
à sa quatrième édition (qui a d’ailleurs
reçu deux récompenses aux Gold Ennie
Awards de la GenCon d’Indianapolis :
Meilleur produit et Meilleur système de
règles de l’année - en 2006). C’est un peu
la fierté de tout éditeur d’avoir un tel jeu
dans son catalogue. Vous le vivez bien ?
On est très heureux d’avoir repris SR4,
alors que son avenir en France semblait
compromis. Nous sommes des fans de
la première heure ! On lisait à peine
l’anglais quand on essayait de décoder
la première édition. On a vraiment
sauté sur l’occasion, sans se soucier des
ventes ou du suivi : on voulait faire du
Shadowrun, point. Un rêve de gosse en
quelque sorte.
Du fait de cette réputation chaque
sortie de supplément Shadowrun est très
attendue. Pouvez-vous nous mettre un
peu l’eau à la bouche en nous annonçant
le programme de 2009 ?
Notre planning de sorties pour SR4 en
2008 a été pas mal chamboulé avec les
changements de licences américaines.
Mais d’ici février tout devrait rentrer
dans l’ordre. Trois suppléments sont
déjà traduits depuis assez longtemps :
Emergence, Augmentations et Arsenal, et
ils sortiront en février/mars/avril. Le reste
de la gamme américaine suivra avec un
rythme de parution soutenu.
Vous avez marqué des points, auprès des
joueurs, en complétant le supplément
« Capitales des ombres » avec la
description de la ville de Marseille.
D’autres surprises du même acabit sontelles prévues ?
Et bien ce n’est pas vraiment une surprise
mais les fans devraient apprécier un
des prochains suppléments, fruit d’une
collaboration franco-germanique (on ne
perd pas de si vieilles habitudes).
SOX est un cadre de jeu
livré avec une
campagne
de
création
f r a n ç a i s e
(merci à OP,
nos traducteurs/
relecteurs/
a u t e u r s /
maquettistes)
qui se rapproche
beaucoup
de
l’ambiance
de
Stalker et Fallout (les
jeux vidéo). En gros
une zone où il fait bon
vivre.
44
les
L’accueil à la sortie de Polaris fut très bon.
L’édition collector, par exemple, s’est
épuisée assez rapidement et le livre de
base a bénéficié d’un très bon retour de
la part des joueurs. Quel est votre ressenti
en tant qu’éditeur ?
Nous sommes évidemment ravi de cet
accueil. Nous avions pas mal communiqué pour présenter le jeu avant sa sortie, et
expliqué surtout en quoi il était différent
des éditions précédentes, qui avaient pu
rebuter certains rôlistes. Il y aura bientôt
une réimpression du livre de base et du
« guide du joueur », un petit livret qui sert
de feuille de personnage et qui présente
l’univers.
En dehors du traditionnel écran, pouvezvous nous annoncer les suppléments
prévus pour cette année 2009 ?
Deux volumes clôtureront la réédition
des anciens textes de la gamme, un
pour
le
background
(hégémonie,
pirates, ligue rouge, surface) et un pour
tous les scénarios et campagnes. Après
nous éditerons les suppléments de
contexte originaux en commençant très
certainement par la République du corail
puis l’alliance polaire.
Une campagne originale est-elle prévue ?
Si oui, quels en seront les enjeux (en tant
que joueurs) ?
Oui il y en aura une avant la fin de
l’année. Mais il est beaucoup trop tôt
pour en parler…
Philippe Tessier reste-t-il très présent sur
la gamme Polaris et les suppléments
prochainement prévus ?
Philippe reste seul maître à bord de son
croiseur lourd.
à l’épreuve
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
illustrations : © Geoffroy Thoorens
Cette nouvelle édition, lui offre la
possibilité, avec le recul, de revoir
l’univers de Polaris. A-t-il saisit cette
opportunité ou Polaris avait-il déjà atteint
sa maturité ?
Il y a eu quelques modifications sur le livre
d’Univers, sur la surface principalement,
mais Philippe profitera sûrement des
prochaines créations, du jeu ou des
romans, pour faire évoluer le background
qui est déjà bien complet.
Vous élargissez votre catalogue et
l’univers de vos jeux avec l’édition de
romans. Vous êtes en train de rééditer
la trilogie des foudres de l’abime, de
Philippe Tessier. D’autres livres, inspiré de
l’univers de Polaris sont-ils prévus ?
D’autres romans sans aucun doute,
et peut-être même d’autres supports
permettront d’enrichir l’univers dans les
années à venir.
Aux Etats-Unis, In MediaRes Production
a signé un partenariat de deux ans
avec Catalyst Game Lab (L’éditeur US
de Shadowrun) pour sortir des nouveaux
romans sous licence Shadowrun. Estil envisageable que vous repreniez la
traduction française de ces romans ?
Oui nous souhaitons reprendre les romans
Shadowrun, puisque nous allons aussi
faire les romans Earthdawn. Ce serait
dommage que le public n’est pas accès
aux deux univers.
Vos diverses licences vous donnent-telles la liberté d’éditer des romans de
créations françaises ? En d’autres termes,
aurons-nous un jour le plaisir de lire
des romans Pavillon noir, Earthdawn ou
Midnigth d’auteurs français ?
Pavillon noir est un jeu français donc nous
pourrions le faire mais la littérature ne
manque pas d’œuvres sur le sujet. Pour les
licences étrangères tout est envisageable
mais ce n’est pas du tout notre priorité.
Vous êtes régulièrement sollicité, sur les
forums, pour la sortie de tel jeu ou de
tel supplément. Ça doit vous faire plaisir
d’avoir une telle demande de la part
des joueurs. C’est un peu la rançon du
succès ?
Tous les JDR que nous avons sortis ont été
de véritables succès (sauf Dawnforge,
mais c’est un cas un peu à part, vu que
c’est une édition « one-shot ») mais je ne
donne pas de chiffres car on va sûrement
nous traiter de menteurs (je fais ici
référence à une certaine interview publié
sur le site de jdr magazine). Du coup,
c’est vrai qu’il y a beaucoup d’attente
de la part des joueurs, et beaucoup de
frustration et de remarques quand il y a
du retard sur la sortie des produits.
Comment se porte la rédaction de
Black Box aujourd’hui ? Est-ce que vous
êtes désormais sur les rails pour paraître
régulièrement ?
Black Box, un sujet épineux… le n°4 est/
sera en kiosques suivant la parution de
votre magazine. Pour ce qui est d’une
sortie régulière on ne peut rien promettre.
On aimerait tous chez BBE que Black Box
devienne un véritable bimestriel mais le
travail est colossal. On ne l’écrit pas sur
nos heures de travail « habituelles ». Nous
donnerons plus d’infos à partir du n°5 sur
la périodicité. La dernière question sera celle de votre
choix. Sortons de la thématique Futur
imparfait pour parler des autres jeux que
vous éditez. Black book éditions, vous
avez carte blanche :
Et bien on va rester dans le coup de cœur
dans ce cas, comme Shadowrun. Son
petit frère Earthdawn va bientôt voir le
jour en France dans sa troisième édition,
celle de Redbrick. Deux volumes de 500
pages (pour commencer) pour ce qui
est sans doute avec Planescape et Dark
Sun, un des meilleurs univers médiéval
fantastique jamais créé. Et avec le 20ème
anniversaire de Shadowrun, l’année 2009
réserve pas mal de surprises pour les
joueurs…
Bon jeu à tous.
propos recueillis par Vincent Ziec
45
les carnets de l’assemblée # 4
à l’épreuve
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
Les fans les plus fous
n’osaient l’espérer, et
pourtant, Black Book
éditions l’a fait ! Polaris, le jeu
de rôle des profondeurs de Philippe
Tessier s’offre une troisième
édition au système de jeu
entièrement repensé
(par Raphael Bombayl)
mais dont l’univers lui reste
inchangé.
POLARIS
20 000 parties sous les mers
jeu de rôle de Philippe Tessier et Raphael
Bombayl
Edité par Black Book Editions
note :
Pour les joueurs ne connaissant
pas les premières éditions, Polaris est un jeu
de SF où l’humanité a été contrainte de
se réfugier dans des stations sous-marines
suite à un cataclysme (pour le moment
inexpliqué). La surface est devenue
inhabitable, l’air irrespirable et la faune,
hostile, a subi de grandes mutations.
Le jeu prend place six siècles
après ces événements. De grandes cités
sous-marines se sont créées ainsi que de
grandes nations, amenant leur lot de
conflits politiques et militaires. Parmi ces
nations, on trouve le Culte du Trident,
sorte de confrérie pacifiste qui étudie
l’effet Polaris. Un pouvoir, apparemment
très puissant, mais qui, pour le moment,
n’est pas encore totalement maîtrisé.
À la lecture du livre de base,
on peut facilement rapprocher Polaris
d’un univers space-opera où les planètes
seraient ici des stations. De plus, le jeu est
occasionnellement comparé à Star Wars.
Mais même si certains aspects du monde
s’en rapprochent, le jeu de Philippe Tessier
possède un univers et une ambiance
qui lui sont propres. Cependant, une
comparaison à un univers tel que Star
Wars est un compliment qui démontre au
MJ la diversité et la richesse des scénarios
qu’il est possible de créer et de faire
jouer.
Fermons
la
parenthèse
et
revenons au jeu, et plus précisément à
son système. Concernant ce dernier ;
le premier mot qui nous vient à l’esprit
est “ complet ! ”. Le MJ pourra, à sa
convenance, utiliser les règles de
base, avancées, ou utiliser un système
intermédiaire
grâce
aux
règles
optionnelles. Polaris utilise un système à
base de d20. Pour réussir votre action,
vous devrez obtenir un résultat inférieur
ou égal à un seuil de difficulté (qui
correspond à votre compétence plus ou
moins un modificateur de difficulté). Par
46
les carnets de l’assemblée # 4
contre, votre seuil de réussite dépendra
de votre résultat au dé. Donc plus votre
jet est grand plus votre action est réussie
(comme dans Pendragon).
Vous trouverez ensuite, en
partant de ce système simple, tous
les points de règles nécessaires pour
résoudre les combats (chapitre très
détaillé qui prend en compte tous types
de combats : en armure mécanisée, en
vaisseau, combat sous-marin, etc., le tout
servi avec beaucoup d’exemples).
Complet sans forcément être
complexe, le système de règles vous
permettra de gérer la majorité des cas
de figure que vous serez susceptible de
rencontrer. Et c’est là la grande nouveauté
de cette édition : un système de jeu fluide
qui vous permettra de profiter au mieux à l’épreuve
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
de l’univers riche de Polaris. Et quand je
dis “ riche ”, je pèse mes mots, puisque le
monde est décrit sur plus de 200 pages.
Pour les connaisseurs, le jeu
reprend littéralement le background de la
2ème édition (à tel point que l’on constate
quelques copier/coller malheureux entre
la deuxième et la troisième version) sans
faire avancer la timeline. Vous trouverez
une présentation des nations des abysses,
une description de l’univers sous-marin
sur vingt pages (le coût de la vie, les
communications, le problème de stérilité,
la monnaie, le troc, modes et loisirs, etc.),
un bestiaire d’une quinzaine de pages,
mais surtout la description complète de
la station Equinoxe, plaque tournante de
la majorité des intrigues du monde de
Polaris. En effet, BBE a eu la très bonne
idée d’inclure le supplément Equinoxe
au livre de base, ce qui offre au MJ un
cadre de départ pour faire jouer plusieurs
scénarios (il y a d’ailleurs un scénario
d’introduction dans le jeu : une petite
enquête sur Equinoxe), voire de débuter
une campagne.
LES LIENS
utiles
http://www.polaris-site.com/
forum/
site officiel
http://www.black-book-editions.
fr/forums
forum de l’éditeur (où l’on trouve
un condensé des errata du livre de
base, et plusieurs annonces)
www.polaris.me
très bon blog, riche en illustrations
et
contenus
téléchargeables
(dont le supplément Volcania III,
initialement prévu pour la V2)
L’univers du jeu est tellement
riche qu’un simple article ne suffit pas
pour le décrire entièrement et vous
suggérer toutes les idées de scénarios qui
nous viennent à l’esprit à la lecture du
jeu.
Pour finir, on soulignera aussi le
très bon travail de BBE sur la maquette.
Malgré le contenu très dense de cette
troisième édition, la mise en page reste
claire, agréable à lire, et on y retrouve
facilement l’information recherchée (vous
trouverez également tous les tableaux
utiles regroupés à la fin du livre en annexe).
Néanmoins, il y a quelques incohérences,
voire une certaine irrégularité au niveau
des illustrations avec le mélange de
nouvelles illustrations et d’anciennes
datant de la seconde édition.
Malgré ces quelques petits
défauts, Polaris n’en reste pas moins un
excellent jeu ! D’autant plus que cette
troisième édition, grâce à son système
entièrement revu, permet à Polaris de
devenir un jeu accessible pour tous.
par Vincent Ziec
QUAND C’EST BIEN
il faut le dire !
Sobrement intitulé : le dossier de
personnage, ce “ supplément ”
de 2€ comprend tout le nécessaire
pour vos joueurs. Le livret débute
par une présentation de l’univers
complétée d’une chronologie
des dates importantes ; suivi d’une
présentation des factions et des
nations qui régissent le monde. De
plus, cette partie distille quelques
rumeurs et autres questions sans
réponse, qui ne manquera pas
de susciter de l’intérêt chez vos
joueurs et, côté MJ, d’ouvrir la voie
pour de nombreuses intrigues. La
partie qui suit est plus technique
puisqu’elle résume les étapes
pour la création de personnages,
les tables de combat et reprend
la feuille de personnage en huit
pages. Et cerise sur le gâteau,
vous trouverez une carte couleur
des fonds marins en deuxième de
couverture. Quand on vous disait
que c’était bien...
47
les carnets de l’assemblée # 4
à l’épreuve
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES
MUTANT
CHRONICLES
[ PORTRAIT D’UNE GAMME ]
Mutant Chronicles, lors de sa sortie au début
des années 90, fut assimilé, en grande partie à
cause de son packaging coloré et de son arsenal
affiché, comme une licence mettant en scène
principalement des combattants tout droit sortis
de films comme Aliens ou du jeu vidéo Doom.
Mais cette première impression ne peut résumer
à elle seule la richesse de cet univers. En effet,
l’intérêt principal de la licence ne repose pas
tant sur ces zones de guerres dispersées à travers
tout le système solaire que sur les manigances
des mégacorporations et les personnages
bigarrés parcourant les rues crasseuses de
leurs mégavilles. Cet univers propose, dans son
background, davantage de pistes d’aventures
pour une campagne urbaine - avec tout de même
quelques grosses fusillades - que comme un simple
prétexte à des opérations militaires impliquant
des personnages au quotient intellectuel fort bas.
Mutant Chronicles sait mélanger adroitement les
thématiques du genre cyberpunk (background
urbain et corporatiste) avec celles de la Dark
Fantasy (que ce soit dans un style gothique ou
épique).
[ L’UNIVERS ]
L’action de Mutant Chronicles se
déroule aux environs de l’année 3545 après
J.C. dans un système solaire partiellement
colonisé. Mercure, Vénus, Luna et Mars ont
été terraformées alors que la frontière de
la civilisation humaine s’arrête à l’orbite de
Jupiter. D’autres colonies existent jusqu’à
des planètes extérieures comme Pluton
mais elles sont sous la menace directe des
Légions Obscures. Dans cet univers, la Terre a
été abandonnée depuis plus d’un millénaire
à cause de son niveau de pollution et du
fait que les mégacorporations l’ont pressée
jusqu’à ses dernières ressources pour payer
la colonisation des différents mondes.
L’univers de Mutant Chronicles
ne brille pas par sa technologie avancée.
Depuis l’irruption des Légions Obscures
et de la Symétrie Obscure, une force
malfaisante affectant les composants
électroniques de manière pernicieuse,
l’humanité ne peut plus faire confiance
aux machines pensantes ou autres réseaux
informatiques sans encourir des risques.
Le niveau technologique de l’univers est
assimilable à celui des années 80 avant
que la micro-électronique et les réseaux
informatiques n’envahissent chaque foyer.
Cela n’empêche pas les mégacorporations
d’user des armements sophistiqués comme
des missiles ou les télévangélistes de la
Confrérie d’utiliser quotidiennement les
canaux de télévision pour répandre la
bonne parole du Cardinal. La société de Mutant Chronicles
est divisée entre cinq mégacorporations,
des complexes militaro-industriels disposant de leurs propres territoires et personnels se chiffrant en plusieurs centaines de
millions d’employés avec leur propre machine médiatique et militaire pour résister
à la concurrence. La première, Capitol,
est la mégacorporation se rapprochant
d’une caricature des États-Unis en ce qui
concerne sa démocratie détenue par des
actionnaires. La seconde, Mishima, est la
mégacorporation qui n’est pas sans rappeler les tigres économiques du sud-est asiatique (Japon, Corée et Chine) avec une
lutte fratricide entre héritiers dynastiques
48
les carnets de l’assemblée # 4
et une armée fortement influencée par la
doctrine des samouraïs. La troisième, Bauhaus, est la mégacorporation qui représenterait une Europe fortement dominée par
l’Allemagne et une Russie pré-soviétique
en ce qui concerne son industrie lourde,
sa noblesse et une dictature militaire qui
ne dit pas son nom. La quatrième, Imperial, est assimilable à une Europe du temps
des empires coloniaux avec des conflits
territoriaux incessants, des luttes politiques
intestines entre ses clans et des colonies
éparpillées dans tout le système solaire. La
dernière, Cybertronic, est la mégacorporation la plus atypique car très jeune, fondée
sur une supériorité technologique et un service de renseignement efficace et subissant un ostracisme quelquefois irrationnel
de la part d’Imperial et de la Confrérie.
Enfin, deux autres organisations complètent le tableau, La Confrérie située sur un
plan spirituel (une sorte d’Église catholique
romaine) et le Cartel opérant sur un plan
politique (une sorte d’ONU ayant très mal
viré).
à l’épreuve
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES
La thématique fantastique de
la licence est incarnée par les Légions
Obscures, une sorte d’armée de démons
qui pourraient être issus de l’imagination
de Clive Barker (Hellraiser). Ces Légions
sont divisées entre cinq Apôtres, cinq
entités maléfiques ayant adopté une
méthodologie
propre
pour
détruire
l’humanité. Chacun de ces Apôtres est
servi par une multitude de créatures
cauchemardesques et d’Hérétiques, des
humains corrompus par l’enseignement
et les puissances de l’Obscurité. Algeroth
est l’Apôtre de la Guerre et de la
Technologie noire qui retourne les armes
de l’humanité contre elle, Demnogonis est
l’Apôtre de la Contagion et de monstres
biotechnologiques, Muawijhe est l’Apôtre
de la Folie et peut intervenir dans les
rêves des hommes, Semaï est l’Apôtre
du Mensonge et de la Corruption et il
n’hésite pas à utiliser les vices des hommes
pour détruire les fondations des sociétés
humaines, enfin Ilian est l’Apôtre du Vide
et de la Symétrie Obscure, une énergie
capable de créer des portails dimensionnels
vers des dimensions impies ou d’invoquer
de nouvelles créatures infernales. Les
Légions Obscures ont leur quartier général
sur Néron, la dixième planète, mais elles
disposent de Citadelles, avant-postes
fortifiées à travers tout le système solaire
pour mener leur guerre contre les forces de
l’humanité.
[ GAMME CLASSIQUE ]
La gamme de produits Mutant
Chronicles crée dans les années 90 partage
le même background, mécanique de jeu
et identité graphique quoique certains
jeux de plateaux et de figurines se soient
intéressés uniquement à la thématique
militaire de cet univers. Nous n’allons pas
décliner ici le catalogue entier mais sachez
que la gamme classique comprend : 3
jeux de plateau, 1 jeu de rôle avec une
dizaine de suppléments, un jeu de cartes
avec une demi-douzaine d’extensions, 1
jeu de figurines ayant connu trois éditions, 1
trilogie de romans, 1 tétralogie de comics,
1 jeu vidéo et un projet d’adaptation au
cinéma qui ne passa pas l’étape de la
préproduction.
Cette gamme
classique,
du
moins en ce qui
concerne les jeux
de plateaux, était
destinée à l’origine à
concurrencer les jeux
de plateaux de Games
Workshop sur le marché
américain (plus précisément
les jeux tirés de la licence
Warhammer 40.000 comme
Space Hulk et Space Crusade).
C’est pour cette raison que
Mutant Chronicles partage une forte
parenté avec l’univers de sciencefiction de Games Workshop. Mais la
ressemblance s’arrête là puisque Mutant
Chronicles a depuis su développer
un background civil intéressant là où
Warhammer 40.000 s’est cantonné au
background purement militaire. [ EN PRÉPARATION ]
Depuis 2005, trois nouveaux
projets concernant Mutant Chronicles
sont en développement. Le premier
est une adaptation au cinéma qui est
sortie finalement en DVD sur le marché
nord-américain cet automne (cette
adaptation n’en est pas vraiment
une puisque n’exploitant pas
vraiment le background de la licence
et avec des moyens limités). Le second
est une nouvelle édition du jeu de rôle
qui est en cours de finalisation (cette
nouvelle édition proposera une refonte
complète du background, système de
règles et identité graphique du jeu original
- à voir si les fans s’y retrouveront). Enfin le
dernier est un jeu de figurines, édité par
Fantasy Flight Games et distribué en France
par Edge Entertainment depuis le mois de
septembre, qui reprend les unités militaires
du jeu Warzone mais avec un système de
jeu entièrement original.
par Coral Beach
LIENS UTILES
Article Wikipedia (VF) :
http://fr.wikipedia.org/wiki/
Mutant_Chronicles
Archives francophones (VF) :
http://perso.wanadoo.fr/
coral.beach.center
Mutant Chronicles
figurines (VF) :
www.edgeent.com
le
jeu
de
Mutant Chronicles le jeu de rôle (VO) :
www.coggames.com/
mutantchronicles
Mutant Chronicles le film (VO) :
www.mutantchroniclesthemovie.com
49
les carnets de l’assemblée # 4
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES
à l’épreuve
R.O.B.O:T.
MOUTONS ÉLECTRIQUES
jeu de rôle de Quentin Forestier
édité par les Éditions Icare
www.robot-jdr.com
note :
Le concept de R.O.B.O:T. peut
paraître simple : prenez Cyberpunk, et faites
tout le contraire. Ici, la révolte des machines a
eu lieu sur terre et, à l’approche du XXVIème
siècle, l’humain a été éradiqué de la surface
de la planète, ainsi que toutes les formes de vie
biologiques naturelles. Mais, sans explication,
certains robots se mettent à «s’humaniser», et
se retrouvent traqués.
C’est donc sur ce postulat que repose
R.O.B.O:T., et c’est dans un univers 100%
synthétique que vous allez évoluer.
On peut au premier abord reprocher au jeu
sa chronologie un peu naïve et très ancrée
dans le présent ; il y a en effet beaucoup de
références aux technologies actuelles et à
la recherche spatiale telle qu’on la conçoit
aujourd’hui et on est en droit de penser que
les choses risquent d’évoluer bien plus vite
que ce qui est décrit ici.
Le deuxième secteur, consacré aux règles,
souffre lui d’un manque d’organisation. Entre
des références à des points de règles qui
n’ont pas encore été abordés sans renvoi à
la page et plusieurs couches de règles parfois
très (trop ?)simulationnistes et fastidieuses, le
bilan à la fin des deux premières parties de
R.O.B.O:T. n’est pas très glorieux.
Mais c’est avec la création de personnage
que les choses commencent à sourire. Si l’on
peut douter de l’utilité sociale de certaines
classes de robots (les artistes, les sexués), et de
certaines corporations, elles semblent avoir
pour principal but de démontrer que, in fine,
les robots ne font que reproduire ce qu’a fait
l’homme. Constat d’échec ou symptôme
de l’évolution ? À vous de juger. Toujours estil que les fans de mechas (ou de tuning...)
seront au paradis lors de cette création de
perso : puces, améliorations en tous genres, la
customisation est bel et bien le maître mot.
Ce n’est qu’avec le secteur suivant que
R.O.B.O:T. prend son véritable envol ; la section
destinée au MJ. Les conseils sont utiles, et les
pistes pour rédiger soi-même de nouvelles
aventures ont le mérite d’être variées et de
présenter rapidement ce à quoi pourront
s’attendre les joueurs dans cet univers,
d’autant qu’elles sont accompagnées de
descriptions succinctes mais indispensables
des différents environnements (usines, blocs
d’habitation, etc).
Si les archétypes de personnages laissent une
grande liberté, on ressent à travers les missions
que c’est l’action qui prime avant tout, et
il faudra prendre garde à ne pas laisser les
parties devenir d’interminables combats par
tirs interposés. La longue liste des effets des
F.N.I. (à mi-chemin entre entités pensantes
et virus informatiques) permet de nuancer
les situations, et pousse un peu plus les
personnages vers l’introspection.
Côté scénario, après un début assez commun
et directif, la mini-campagne proposée
permet de varier les plaisirs, entre action,
négociation et réflexion, au beau milieu d’un
conflit d’intérêt entre deux corporations. À
noter également, « les Journées Rouges », un
autre scénario, disponible sur le site du jeu.
Il est difficile de cerner clairement un jeu
comme R.O.B.O:T. ; austère et simulationniste,
50
les carnets de l’assemblée # 4
il devient par moments potache et enlevé.
Destiné avant tout à un public de rôlistes plutôt
débutant, il reviendra donc au MJ expérimenté
de faire le tri dans ce qui l’intéresse ou non
dans cet univers au concept intéressant, mais
où l’on aurait - peut-être - préféré un peu plus
de noirceur et de profondeur. Question de
goût, sûrement...
par Julien De Jaeger
UN PEU SÉVÈRE ?
R.O.B.O:T. aurait peut-être mérité
une note plus généreuse, mais le
moteur du jeu le tire vers le bas ;
il va falloir rôder tout ça un bon
nombre de parties avant de ne
plus perdre de longues minutes en
calculs en tous genres à la moindre
action. À moins de mettre les mains
dans le cambouis et d’updater vers
R.O.B.O:T. 2.0, en aménageant
votre propre système...
à l’épreuve
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES
FUTURE ARMADA
POUR UN DÉCOLLAGE IMMÉDIAT !
aides de jeu Space Opera générique /
Future d20 / Serenity RPG de Ryan Wolfe
édité par Ki-Ryn Studios
http://ki-ryn.com/Future_Armada
Ryan Wolfe est un artiste américain
ayant participé à la conception graphique
de BattleStar Galactica RPG, Serenity RPG
ou encore Metamorphosis Alpha. Reconnu
grâce à sa grande maîtrise de la cartographie
numérique et du graphisme 3D, il signe le
design des plans de la plupart de ces univers
de jeux de rôles ainsi que son propre projet
d’aides de jeu S-F : Future Armada.
Proposant toute une flotte de
vaisseaux spatiaux originaux, FA est présenté
sous forme de PDF unitaires, chacun donnant
les données techniques de l’engin, vues
extérieures, description de chacune des
pièces, maps à l’échelle figurine de chacun
de ses ponts, machines embarquées
(capsules
de
sauvetage,
véhicules
d’exploration,...) ; avec pour base le système
Future d20 (d20 system).
L’imagination alliée à un graphisme
tout à fait détonnant donne au final un
catalogue de vaisseaux tout à fait intégrable
à des jeux tels que BSG, Star Trek, ou encore
StarWars et ce qui pourrait paraître comme
un travail amateur surpasse de loin certains
matériels officiels. Votre idée de scénario
space-op se concrétise, il ne vous manque
que le décor ?... Vous avez besoin d’une
station spatiale, d’un cargo, ou encore
d’une base de chasseurs stellaires ? Ni une,
ni deux, vous trouverez votre bonheur dans la
gamme Future Armada. Toutes les infos : sur
le site Ki-Ryn Studios.
par Olivier Camus
NEUROSHIMA HEX !
NEVER TRUST THE MACHINE
jeu de plateau de Michal Oracz
illustré par Jakub Jablonski
édité par Portal
distribué par Iello
2 à 4 joueurs
durée : 30-45 minutes
www.neuroshima.fr
note :
Neuroshima Hex ! (NH) est un
jeu d’affrontement tactique tiré du jeu de
rôles Neuroshima RPG. Dans ce monde
hostile, votre objectif sera de détruire
ou d’endommager le plus possible le
QG de votre/vos adversaire(s). Pour ce
faire, vous aurez le choix entre quatre
armées aux compétences très distinctes
et merveilleusement bien équilibrées. Le
système de jeu, quant à lui, sert parfaitement
l’univers meurtrier du jeu : à votre tour, vous
devrez piocher aléatoirement trois tuiles de
votre pioche, en choisir deux et défausser la
dernière. À partir de cette main, vous pourrez
jouer des pions unités, des modules ou des
actions (combat, mouvement, frappe
aérienne,...). Vos unités sont décrites par une
initiative, une capacité de combat (corpsà-corps, à distance,...) définie sur certains
côtés de l’hexagone. Les unités occupent
donc petit à petit le plateau de jeu, jusqu’à
ce qu’une tuile “ combat ” soit jouée.
L’affrontement, immédiatement violent,
commence : les combats se résolvent par
valeur d’initiative, ensuite chaque joueur
vérifie les effets de chaque tuile présente sur
le champ de bataille. Vient s’ajouter à cela
la notion de “ modules ”, tuiles qui peuvent
booster ou modifier les compétences de vos
unités. Autant dire qu’après chaque action
combat, le plateau de jeu se retrouve vite
“ nettoyé ” de toutes unités !
Vous l’avez compris, NH est donc
un jeu très meurtrier, servi par un mécanisme
fluide et bien pensé. Cependant, il vous
faudra une ou deux parties afin de bien
connaître et utiliser les caractéristiques
d’unités (blindage, filet neutralisant une
unité adjacente,...). Mais après cette légère
phase d’apprentissage, le jeu se révèle
être terriblement intense, bourrin, réfléchi,
tactique... Bref, terriblement addictif.
Il est à noter que la version
française bénéficie, en bonus, de quatre
tuiles mercenaires et d’un plateau de jeu
plus grand (offrant ainsi la possibilité de jouer
des scénarios).
Les suppléments
La première extension, Babel 13,
est sortie en novembre 2008. Cette dernière
ajoute deux nouvelles armées (Les Forces
de New York, lourdement blindées, et le
Néojungle et ses bêtes sanguinaires),
ainsi que des tuiles terrains qui modifient
et agrandissent le plateau de jeu. Cette
extension renouvelle grandement le plaisir
de jeu et devient par conséquent un achat
indispensable pour tout ceux qui ont aimé le
jeu de base.
Vous pouvez également trouver
sur le site Hex-Nihilo quelques tuiles bonus,
ainsi que l’armée des Doomsday Machines:
extension officielle de NH créée par Portal
en 2007 et distribuée lors du salon de Essen
2008.
par Vincent Ziec
http://hexnihilo.unblog.fr
pour récupérer l’armée distribuée à Essen
http://online.neuroshima.org
pour jouer en ligne
51
les carnets de l’assemblée # 4
illustrations : © Julien De Jaeger
boussoles
Deux clans stellaires se font la guerre
depuis plusieurs siècles. L’heure de la
confrontation finale approche et l’arène
a été choisie. Ce sera TCE12008. Vos
personnages se trouvent alors au coeur
de la tourmente et doivent choisir leur
camp.
Ce scénario conviendra à un groupe de
3 à 6 personnages, de toutes origines, ne
se connaissant pas forcément au début
de la partie. L’aventure prend pour
décor la station spatiale décrite dans le
numéro un des Carnets de l’Assemblée
et peut facilement être adaptée à tout
jeu de SF.
Bien que linéaire, l’intrigue laisse une
grande liberté d’action aux joueurs.
Le MJ pourra, s’il le souhaite, baliser le
sentier en donnant une mission aux
personnages, ou au contraire les laisser
librement évoluer dans ce panier de
crabes.
Rencontre au sommet
Xilhiam, patriarche du clan Astragardh, se
lassant de la guerre qui oppose les siens au
clan des Begadiran, réunit son état-major
pour trouver une issue au conflit. Conseillé
par son entourage, il convoque Ylkif, le chef
du clan adverse, pour une table ronde,
afin de conclure une trève. Évidemment,
Xihiam n’est pas dupe et il sait très bien que
les assassins d’Ylkif ne manqueront pas,
une fois de plus, l’occasion de supprimer
leur némésis. Il prévoit donc de monter un
guet-apens et propose à son homologue
de le laisser choisir un endroit neutre, pour
endormir sa méfiance. Les conseillers d’Ylkif
proposent TCE12008, une station spatiale
perdue dans le «trou du cul de l’espace».
Là, ils pourront s’entre-tuer joyeusement,
sans risquer de voir débarquer les autorités.
une question d’ambiance
Pour recréer l’ambiance exotique
de ce
scénario
qui s’inspire aussi
bien des grands classiques de la
SF que de western spaghetti et autres
polars noirs, nous ne saurions que
trop vous conseiller de visionner ou
revisionner certains films cultes comme
Règlements de comptes à O.K. Corral
et Pour une poignée de dollars. Des
séries comme Babylon 5 et Star Trek :
Deep Space 9 peuvent vous donner
quelques points de repères de la
vie sur une station spatiale. Enfin, la
série animée Cowboy Bebop est une
excellente source d’inspiration pour
son mélange des codes du western et
de la SF.
AIDES DE JEU & SCÉNARIOS
RÈGLEMENTS
de
comptes
SUR TCE12008
[scénario générique]
Faites vos jeux...
La rencontre aura lieu au Trou Noir le plus
luxueux hôtel-restaurant de la station qui
appartient d’ailleurs au clan Begadiran.
Avant leur arrivée, les deux dirigeants
chargent leurs émissaires respectifs de
préparer le terrain en phagocytant les
différents services de TCE12008.
Depuis longtemps, Ylkif contrôle
la sécurité de la station. Il sait qu’ils ne
feront rien pour se mêler de ses affaires et
n’interviendront pas durant la réunion. Il
pourra même compter sur leur aide en cas
de coup dur.
Les Astragardh ont eux aussi
quelques intérêts sur la station. Le syndicat
des dockers touche son financement
occulte directement de la main de Xilhiam.
Il leur est facile de paralyser TCE12008
par un mouvement de grêve surprise
ou d’introduire des marchandises non
autorisées sur la station. Rapidement, la rumeur de la
confrontation imminente va se répandre.
Même si cela incite quelques résidents
inquiets à quitter temporairement les lieux,
la vie poursuit son cours malgré la tension
qui commence à monter.
L’idée de Xilhiam : laisser à son adversaire
le choix du lieu de la rencontre, n’a pour
but que de mettre en confiance ce
dernier. Le Leader Astragardh sait qu’il doit
craindre pour sa vie s’il pose pied sur un
fief Begadiran, et il choisit donc d’envoyer
un clone à la réunion. Pendant ce temps,
à la tête de sa flotte, il franchira le portail
et encerclera TCE12008 pour prendre
au piège son ennemi. Pour éviter toute
tentative de fuite, il compte sur le syndicat
des dockers.
52
les carnets de l’assemblée # 4
Ylkif se doute que le chef du clan adverse
prépare un sale coup. Il choisit TCE12008
car il connaît bien l’endroit et pense pouvoir
utiliser le « terrain » à son avantage. Dans un
premier temps, il va tenter de faire assassiner
Xilhiam. Dans un second temps, il va se servir
impliquer les personnages
Vous avez donc plusieurs
manières
d’impliquer
vos
personnages :
• Ils peuvent être recrutés par
un clan (voire les deux) comme
hommes de main pour assurer
la sécurité de leur dirigeant. En
réalité, ils serviront de cible pour
les éventuels tueurs du clan adverse.
• Si vos personnages occupent des postes
importants sur la station, ils peuvent être
corrompus pour fermer les yeux, voire
pour rendre quelques services à l’un ou
l’autre des clans.
• Enfin, la sécurité de la station,
habituellement laxiste, va pourtant
réagir de façon étonnante en recrutant
un ou plusieurs mercenaires pour gérer
le problème. Ils cherchent, en fait, des
boucs émissaires dans le cas où la
confrontation tournerait mal.
Veillez tout de même à ce
que vos personnages soient tous dans le
même camp pour éviter qu’ils ne s’entretuent.
Durant l’aventure, quelque soit
le camp choisi par les personnages, ils vont
être sollicités par la concurrence, pour
rejoindre l’autre camp. Grosses sommes
d’argent, intimidation, chantage,... tous
les moyens sont bons pour retourner les
pions de l’adversaire contre lui.
boussoles
AIDES DE JEU & SCÉNARIOS
d’un phénomène spatial qu’il connaît bien:
il sait qu’une flotte stationnée entre le trou
noir et la station est quasiment indétectable
du
fait
des forces
gravitationnelles
engendrées. Il y place donc ses vaisseaux,
qui ne mettront que quelques heures pour
rejoindre TCE12008 et prendre au piège
l’escorte de son ennemi.
Rien ne va plus !
Ylkif et ses lieutenants arrivent les
premiers sur la station. Ils s’installent dans
les suites du Trou Noir, laissées libres
pour l’occasion. Le leader Astragardh
arrive quelques heures plus tard. Il prend
possession des quartiers privés, qu’il a fait
réserver anonymement, entouré de son
escorte rapprochée.
C’est le moment où chaque clan
place ses pions :
Ylkif sait que les Astragardh
sont joueurs, Il a donc fait placer une
table de Balgo (voir encart) et engage le
meilleur croupier de la station pour distraire
ses ennemis. Pendant ce temps, les assassins
du clan Begadiran se mêlent aux quelques
clients du Trou Noir.
Invitez vos joueurs à décrire leurs
intentions et là où ils se trouveront durant la
réunion.
Une fois les deux chefs de clan
installés, les débats commencent dans
le calme même si la tension autour de la
table est palpable. La confrontation se fait sur
deux fronts : tandis que chacun des
deux leaders argumente pour obtenir
de l’autre des concessions sur un bout
de territoire, un monopole commercial,
etc., leurs lieutenants respectifs tentent
de retourner le personnel de l’adversaire
à leur cause. C’est à ce moment que les
personnages devraient être approchés et
se voir proposer de changer de camp.
Quel que soit le résultat de ces tentatives
de cooptation, le ton monte autour de
la table des négociations. Xihiam et Ylkif
finissent par s’insulter copieusement après
seulement quelques minutes de réunion.
Personne n’ose intervenir pour les calmer.
Alors que la tension est à son
comble et que les deux ennemis héréditaires
vont certainement en venir aux mains,
un individu que personne n’avait encore
remarqué, s’approche de Xihiam. À moins
que les personnages n’interviennent,
l’inconnu tire une arme de sous sa veste
et fait feu sur le leader Astragardh qui
s’écroule mortellement blessé.
Quelle que soit la réaction de
vos joueurs, les Astragardh, d’abord
stupéfaits, commencent à tirer dans le tas.
Les Begadiran ripostent immédiatement
et Ylkif est évacué par son escorte par
une porte dérobée. Il est impossible de le
suivre ou de l’intercepter.
Mais que fait la police ?
Dans l’hôtel, la situation dégénère.
C’est une véritable bataille rangée.
Chacun s’abrite comme il peut derrière le
bar, les fauteuils ou des tables renversées,
et «canarde à l’aveugle». Le clone de
Xihiam est mort, étendu au milieu de la
pièce. Si ce n’est pas l’assassin Begadiran
qui l’a tué, c’est un dommage collatéral
qui aura eu raison de la doublure du leader
Astragardh. Décrivez à vos joueurs une
scène chaotique : les bruits assourdissants
de la fusillade à peine couverts par les
alarmes incendie; les éclairs de lumière et
le clignotement des néons; les débris en
tous genres et les cadavres qui jonchent le
sol, l’odeur de sang et de fumée...
Bien que prévenue, la sécurité de
la station n’intervient pas immédiatement
pour stopper la fusillade. Tout au plus, elle
fait évacuer les occupants du Trou Noir.
Les autorités préfèrent envoyer un groupe
de mercenaires, spécialement engagé
en prévision des troubles que causerait
immanquablement la présence des deux
clans sur la station. Ces mercenaires ont
pour simple mission d’éliminer les fauteurs
de trouble. Inutile de dire que dès leur
arrivée, ils tirent sur tout ce qui bouge
encore dans l’hôtel.
Les personnages pris dans la
tourmente n’ont pas beaucoup d’options.
Soit ils participent à la fusillade et défendent
chèrement leur peau, soit ils fuient le conflit
et tomberont immanquablement sur un
groupe d’agents de sécurité.
Qui trahit, gagne !
Pendant ce temps, le vrai Xihiam
attend avec une dizaine de vaisseaux de
combat dans un système voisin. Il choisit
de traverser le portail sub-spatial alors que
sur la station, le calme commence à
peine à revenir. Le leader Astragardh ne
sait pas encore que la réunion a tourné
au pugilat et dans la station, personne ne
remarque les vaisseaux de guerre en train
de l’encercler.
Une fois en place, la flotte
Astragardh ouvre le feu pour détruire les
navires Begadiran amarrés à la station. Cette
manoeuvre n’est pas sans conséquence :
à l’intérieur de TCE12008 plusieurs bruits
sourds et des secousses balayent les
coursives et font vibrer le dôme de cristal
de la promenade. Par les hublots ou à
travers le dôme, les résidents de la station
peuvent apercevoir les menaçants navires
de combat. La panique s’empare alors de
la population et nombreux sont ceux qui
tentent de quitter la station.
Vos
personnages
auront
certainement l’idée de rejoindre un
vaisseau pour prendre la fuite. Mais le
spatio-port est bloqué par le syndicat des
dockers qui ont reçu l’ordre de ne laisser
sortir personne de la station. Il faudra faire
le Balgo
L’origine de ce jeu n’est
pas vraiment connue. Il a été importé,
sur TCE12008, par des aliens du fin fond
de la galaxie, il y a quelques années de
ça. Adopté par de nombreux joueurs sur
la station, il fait maintenant le bonheur
des gérants de casinos. Le Balgo est un
compromis entre les jeux de stratégie
abstraits comme les dames ou les
échecs et les jeux de pur hasard comme
la roulette. Très addictif, il peut accepter
une dizaine de joueurs à sa table, pour les
parties les plus acharnées. Il est de
tradition qu’un gagnant s’écrie « Balgo !
» quand il obtient le score maximum, ce
qui attire généralement encore plus de
public.
53
les carnets de l’assemblée # 4
boussoles
preuve de ruse ou jouer de ses relations
pour rejoindre un navire amarré à TCE12008
et espérer décoller. Mais même là, rien
est gagné, car les vaisseaux Astragardh
arraisonneront, dans le meilleur des cas,
tout fuyard.
Le plan de Xihiam a fonctionné à
merveille et Ylkif est pris au piège. Il suffirait
aux Astragardh de détruire la station pour
se débarrasser de leur ennemi héréditaire.
Mais le patriarche veut son adversaire
vivant et lance un ultimatum : si on ne lui
livre pas le Chef du Clan Begadiran, il réduit
TCE12008 en cendres.
La charge de la cavalerie
Laissez vos joueurs échafauder des
plans pour sortir leurs personnages vivants
de ce traquenard. Mais avant qu’ils ne
les mettent à exécution, les détecteurs
de la station et des vaisseaux Astragardh
se mettent à crépiter : une flotte de
navires Begadiran, jusque là indétectable,
s’approche à grande vitesse et ouvrent le
feu sur le clan adverse. Les Astragardh se
dispersent, dans la plus grande confusion.
L’effet de surprise passé, ils se réorganisent
pour supporter l’assaut.
Ylkif va profiter de cette
distraction pour gagner le statio-dock sous
bonne escorte, s’emparer par la force d’un
navire marchand et tenter de rejoindre son
vaisseau amiral.
Les personnages vont avoir à loisir
la possibilité d’empêcher ou de faciliter la
manoeuvre du leader Begadiran, selon le
camp qu’ils auront choisi à ce moment là.
Les difficultés vont être de forcer le barrage
des dockers qui continuent leur blocus, de
prendre en otage l’équipage du cargo, et
enfin de se frayer un passage à travers les
combats. AIDES DE JEU & SCÉNARIOS
À moi, la légion !
TCE12008 aurait dû être l’endroit
rêvé pour s’entre-tuer tranquillement, sans
que les autorités ne mettent leur grain
de sel. Mais, c’était sans compter sur la
présence incognito et par le plus grand
des hasard, d’un agent du gouvernement,
sur la station. Ce dernier, ayant eu vent de
la rumeur sur la rencontre, a prévenu ses
supérieurs. Le gouvernement, craignant,
à raison, de graves troubles, décide
d’envoyer l’armée.
Au plus fort de la bataille entre
les deux clans stellaires, un vortex se forme
à proximité de TCE 12008. Des dizaines
de vaisseaux de guerre de l’armée
régulière, en émergeant et sans la moindre
sommation, engagent immédiatement le
combat avec les plus proches belligérants,
quel que soit leur camp. Leur but est de
mettre un maximum de navires hors de
combat. Ils feront les présentations plus
tard. Les militaires visent, essentiellement,
les systèmes d’armes et de propulsion
de l’adversaire en essayant d’éviter
d’endommager les systèmes de survie.
Armageddon
À l’extérieur de TCE12008, la
bataille fait rage. Mais, ce n’est pas
pour autant que la situation va mieux
à l’intérieur. Les tirs d’armes lourdes, les
explosions et autres collisions ont déjà
fortement compromis l’intégrité structurelle
de la station. Un tir direct pourrait, à tout
moment, faire voler en éclats le dôme de
cristal, ce qui coûterait la vie à des dizaines
de milliers de personnes. Conscients de
cette possibilité, les résidents se ruent
dans les nacelles de survie et les dockers
abandonnent leurs positions. La sécurité,
incapable de juguler les mouvements de
foule, baisse les bras et laisse faire.
Le moment est venu pour vos personnages
de prendre une ultime décision.
Ils
peuvent
prendre part
à
la bataille : pour défendre un clan,
pour protéger les résidents de la station
qui fuient le combat ou défendre la station
elle-même. Dans ce cas c’est le moment
de sortir vos règles de combats spatiaux
et de donner à vos joueurs un final en
apothéose. Les deux clans vont un temps
résister aux forces gouvernementales,
puis, devant la supériorité numérique de
l’adversaire, Xihiam et Ylkif préféreront la
fuite. Leurs vaisseaux amiraux sont équipés
de leur propre générateur de vortex. Vos personnages peuvent eux
aussi choisir la fuite. Pendant toute la durée
de l’opération de l’armée, le portail subspatial sera verrouillé et il sera impossible de
s’échapper de cette façon. Les fuyards qui
ne possèdent pas leur propre propulsion
supra luminique seront poursuivis par les
forces gouvernementales, à moins qu’ils
ne tentent la périlleuse manoeuvre de se
laisser aspirer dans le sillage d’un vaisseau
créant son propre vortex.
Épilogue
Contre toute attente, TCE12008 a
résisté à la bataille. Les survivants, dispersés
tous azimuts, regagneront la station par
leurs propres moyens et entameront les
réparations. L’armée poursuivra les fuyards
pendant quelques temps, puis jugeant sa
mission terminée, elle se rassemblera avant
de franchir un vortex à destination de son
prochain objectif, sans plus de cérémonie.
Sur TCE12008, la vie reprendra bientôt son
cours normal. Après tout, ce n’était qu’un
épisode comme il y en a tant, dans le trou
du cul de l’espace...
par Dedjet
vous pouvez retrouver
sur notre site les PnJs
de ce scénario, avec leurs
données techniques (BaSIC
System).
www.lassemblee.org
54
les carnets de l’assemblée # 4
boussoles
AIDES DE JEU & SCÉNARIOS
51
les carnets de l’assemblée # 4
à l’épreuve
JDP
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
SYLLA
IMPERIUM & GRANDS TRAVAUX
jeu de plateau de Dominique Ehrhard
édité par Ystari Games
3 à 4 joueurs (+ variante à 2 joueurs)
à partir de 12 ans
durée : 1 à 2 heures
http://www.ystari.com
note :
Le buzz
Voici ce qui était le plus attendu des jeux
de plateau de cet hiver 2008, aperçu à la
GenCon 2008, et sorti en avant-première pour
Essen. Sylla, c’est le nouveau titre de l’éditeur
français Ystari Games (Yspahan, Caylus,
...) signé par le génie ludique Dominique
Ehrhard, auteur couvert de lauriers grâce à
son jeu devenu un blockbuster : Marrakech
(Gigamic). C’est dans le sillage de ce succès
mérité que l’auteur était attendu avec Sylla ;
un hommage revendiqué au vénérable
aïeul du plateau, Res Publica Romana (1990Descartes).
Le thème
79 avant J.C, Sylla, tyran incontesté de
Rome, s’apprête à abdiquer. Sous son
règne, le sénat a néanmoins retrouvé sa
splendeur et nombreux sont les prétendants
à l’Imperium, le pouvoir suprême. Mais Rome
est une maîtresse capricieuse, le peuple
réclame du pain et des jeux. Seul le plus
habile des politiciens pourrait tirer parti de
cette situation… Les joueurs incarnent ces
sénateurs avides de prestige. Ils utilisent leur
fortune et leurs relations pour entreprendre
de grands travaux et contrer les problèmes
politiques et économiques qui accablent la
populace. En fin de partie, le joueur ayant le
prestige le plus élevé est désigné vainqueur
et prend le contrôle de Rome.
La mécanique
Chaque partie se déroule en 5 tours, découpés
en 7 phases très distinctes car faisant appel
à différents aspects des personnages ou
des ressources des joueurs ; phases tantôt
coopératives, tantôt individuelles, ce qui fait
là tout le piquant du jeu.
Collectivement, les joueurs doivent faire
progresser sur une échelle les 3 niveaux Res
Publica : Loisirs, Civisme, Santé ; et éviter à la
Famine de trop augmenter. Individuellement,
ils doivent atteindre le plus haut score de
Prestige, gagné en cours de partie, ou en
convertissant leurs pions Res Publica à la fin.
Déroulement
À la phase I, on élit le Premier
Consul, qui obtiendra des privilèges dans la
plupart des phases, comme celui de parler
le premier ou de départager les ex æquo.
Le niveau de Famine est déterminé selon les
événements calamiteux tirés au sort.
En phase II, c’est le marché aux
personnages : chacun, en commençant par
le Premier Consul, sélectionne un nouveau
personnage, parmi 6 tirés au sort, qu’il ajoute
à sa collection. Chaque type de personnage
(esclave, marchand, légionnaire, vestale,
sénateur) ne peut être activé qu’une seule
fois par tour. Il faut parfois être économe et
épargner ses Sénateurs (par exemple) pour
la phase VI, alors qu’ils sont aussi très utiles en
phase I.
La phase III est une mise aux
enchères de bâtiments permettant à
chacun d’influencer les paramètres de la
partie (Prestige, échelle, Famine, …) ou de
remporter des ressources (Res Publica ou
deniers).
À la phase IV, les joueurs collectent
l’ensemble de leurs revenus : deniers de
base, plus les éventuels taxes perçues des
Echoppes et des Marchands. Les deniers
servant à acheter des voix aux suffrages des
phases I et VI.
La phase V est celle qui introduit
l’aspect coopératif et oblige l’ensemble
des joueurs ayant des personnages Vestales
et/ou Légionnaires à contrer deux des
quatre événements calamiteux (Inondation,
Epidémie, Révolte des Esclaves, …). Chaque
personnage représente une voix pour son
joueur dans le choix de la neutralisation. Les
deux événements possédant le plus de voix
sont ainsi annulés, ensuite parmi ces deux là,
un seul est écarté.
En phase VI, les joueurs participent
à l’édification d’un Grand Projet (Panthéon,
Grenier à grains, Thermes, …). Les deniers
et les voix des Sénateurs permettant de
départager le joueur ayant le plus investi
ici (pouce levé), ou de briguer la maigre,
mais toujours accessible, estime de la Plèbe
(pouce baissé).
La phase VII permet d’appliquer
deux malus : le niveau de Famine se
transforme en perte sèche de Prestige pour
tous ; et une Crise majeure peut également
survenir si au moins un des compteurs Res
Publica se trouve au plus bas de l’échelle.
Au sortir des 5 tours, les joueurs comptabilisent
les différentes couleurs des pions Res Publica
(Loisirs, Civisme, Santé) qu’ils ont secrètement
amassés, pour les multiplier par le niveau final
obtenu pour chaque sur l’échelle. Deux
autres événements finaux permettent de
grappiller des points : l’Affranchissement des
esclaves et l’Avènement du Christianisme. Le
premier permet d’acheter des points contre
la liberté des Esclaves grâce aux éventuels
deniers encore épargnés ; le second
permet d’obtenir des points pour chaque
personnage chrétien rescapé.
Un autre visage
Sylla marque également un tournant dans
le catalogue Ystari avec un net bond en
avant graphique, même si l’on regrette
la froideur des cubes et des pions de bois.
L’indispensable plateau de jeu, servant
d’indicateur général à tous les paramètres, se
révèle d’une efficacité redoutable lorsqu’on
sait que Sylla était prévu, dans sa version
prototype, pour n’être qu’un jeu à base de
cartes. Une originalité réside dans le fait que
chaque participant dissimule derrière un
mini paravent ses accumulations de pions et
deniers. Ainsi, on ne peut évaluer directement
qui est réellement en tête ou qui est le plus
riche sans avoir épié les agissements de ses
adversaires.
Alea Jacta Est
Aucun jet de dés, très peu de hasard, des
parties sans cesse renouvelées, des enchères
rapides, des forces toujours équilibrées, Sylla
s’adresse sans aucun doute aux gamers
passionnés de gestion de ressources et
de stratégies à long terme. Les méninges
sont mises à rude épreuve dans des choix
toujours cornéliens et décisifs. Une bonne
dose de résistance à la pression vous sera
nécessaire. Ceux qui s’attendraient à un jeu
de plateau facile à aborder ou privilégiant
le fun peuvent passer leur chemin. Le succès
confirmé du jeu permet à Ystari de produire
une première extension qui contiendra de
nouveaux personnages (le Mirmillon et le
Philosophe) et événements à contrecarrer
(La Défaite Militaire, ...).
par Olivier Camus
56
les carnets de l’assemblée # 4
à l’épreuve
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
JDP
GHOST
STORIES
HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS
jeu de plateau coopératif d’Antoine Bauza
édité par Repos Production / Asmodée
1 à 4 joueurs
à partir de 12 ans
durée : 60 minutes
http://www.rprod.com
note :
Tout le monde connaît Repos Production.
Mais si, dans les salons de jeux, les tables où les
gens crient “ Cojones ! ” ou courent autour
des tables. C’est eux ! Et quand l’éditeur
belge au sombrero se lance dans les jeux dits
coopératifs, ça fait aussi pas mal de bruit chez
les joueurs et dans le petit monde ludique.
Dans Ghost Stories, Antoine Bauza (Nains
& Jardins, Hurry’Cup !) nous immerge dans
l’univers des films de la série des Histoires de
Fantômes Chinois (Tsui Hark) et Mr.Vampire
(Ricky Lau). Les joueurs incarnent des moines
taoïstes réincarnés qui auront pour mission de
JDP
vaincre à nouveau Wu-Feng,
le seigneur des Neufs Enfers,
qui a localisé l’urne funéraire qui contient ses
propres cendres. Il envoie dès lors ses hordes
de spectres attaquer le village. De ce postulat
simple, les joueurs devront s’organiser pour
défendre le village jusqu’à l’arrivée du grand
Wu-Feng, qu’ils devront exorciser.
Le plateau de jeu représente le village à
défendre et est constitué de neuf tuiles
amovibles disposées aléatoirement. Chaque
emplacement est habité par un villageois qui
pourra venir en aide aux joueurs (ressusciter
un moine taoïste, récupérer des jetons Tao,
etc…).
Pendant sa phase de jeu, le joueur
commence par piocher une carte fantôme
(magnifiquement illustrée) qu’il devra placer
sur une des cases libres symbolisant les environs
du village. Ensuite le joueur peut se déplacer
d’une case pour activer le pouvoir de la tuile
sur laquelle il se trouve, ou combattre le ou les
fantômes adjacents à la tuile.
Les combats sont simples et rapides.
Chaque monstre est défini par un nombre
de points de vie de couleur. Pour combattre,
il vous suffit de lancer
trois dés, dont chaque
face représente un point
d’une couleur (le blanc
étant un joker remplaçant
n’importe quelle couleur).
Pour
augmenter
vos
chances de réussite, vous
pouvez utiliser des Taos
qui viendront s’ajouter à votre jet de dés. La
partie est perdue dès que trois tuiles du village
sont hantées, si vous n’arrivez pas à vaincre
Wu-Feng avant la fin de la pile “ fantômes ”
ou, tout simplement, lorsque que les joueurs
sont tous retournés dans les limbes.
Concrètement, Ghost Stories peut se résumer
à piocher une carte fantôme, la mettre en
jeu et ensuite, aux joueurs de se coordonner
et de s’organiser en équipe pour stopper
cette menace. L’intérêt du jeu réside dans
ses mécanismes variés favorables aux
combinaisons en tous genres. Par contre, le
principe de “ meuler ” la pile avant d’arriver
au boss final a le mérite d’être fun (normal,
c’est Repos Prod’) mais ne renouvelle pas
forcément l’intérêt du jeu. Au final, même si
on aura du mal à enchaîner les parties, Ghost
Stories reste un très bon jeu occasionnel à
l’espérance de vie assez longue.
par Vincent Ziec
PANDÉMIE
DANGER ZONE
jeu de plateau collaboratif de
Leacock
édité par Filosofia / Asmodée
2 à 4 joueurs
à partir de 10 ans
durée : 45 minutes
http://www.filosofiagames.com
Matt
note :
L’humanité est en péril ! Plusieurs virus de
toutes sortes envahissent le monde à une
vitesse fulgurante. Le but sera donc pour vous
de trouver le remède pour chacun des quatre
virus. Et croyez-moi, ce ne sera pas simple.
Pandémie fait partie des jeux dits coopératifs.
Au début de la partie, chaque participant
se verra attribuer un rôle (au hasard) qui lui
donnera une capacité spéciale (l’expert des
opérations pourra construire un centre de
recherche pour une action, la scientifique
découvrira un remède pour un coût de
quatre cartes au lieu de cinq, etc.).
Ensuite, le tour de jeu se déroule
comme suit : le joueur actif dispose de quatre
points d’action qu’il pourra dépenser pour se
déplacer, construire une station de recherche,
découvrir un remède, traiter une maladie
(retirer un pion d’infection sur une ville) ou
partager une connaissance (échanger une
carte avec le joueur qui se trouve sur la même
ville que vous).
Une fois vos actions dépensées,
vous devrez piocher deux cartes dans la
pile “ joueur ”. Ces cartes peuvent être
des cartes villes qui serviront à se déplacer
directement dans un lieu ou à trouver un
remède en défaussant cinq de la même
couleur, des cartes “ événement spécial ”
à l’avantage des joueurs (ex : positionner les
six premières cartes “ infections ” dans l’ordre
de son choix) ou des cartes Épidémies. Ces
cartes propagent le virus sur trois villes. Si la
ville concernée possède déjà trois pions virus,
il se produit alors une éclosion. C’est-à-dire
que ce sont toutes les villes qui sont en liaison
avec la première qui reçoivent un pion virus.
De plus, un marqueur éclosion est avancé sur
une échelle allant de un à huit (une fois arrivé
à huit, les joueurs ont perdu !). Vous l’aurez
compris, ces cartes “ maudites ” peuvent, si
la pioche est malheureuse, anéantir tous les
efforts des joueurs et faire basculer le jeu en
leur défaveur...
Il existe également deux autres
manières de perdre : soit il n’y a plus de cartes
dans la pioche joueur, soit il n’y a plus de pions
virus disponible pour une couleur donnée.
Comment gagner ? C’est très “ facile ” : la
partie se termine dès que vous avez trouvé le
quatrième et dernier remède.
Pandémie bénéficie d’un mécanisme
simple et d’une thématique prenante.
Malheureusement, la réalisation graphique
ne suit pas. Malgré la magnifique illustration sur
la boite (qui évoque une ambiance “ guerre
froide ”), l’esthétique des cartes et des
personnages reste très sommaire et gâche
l’immersion du joueur dans l’ambiance. En
dépit de cela, Pandémie reste un bon jeu.
Les parties courtes, l’intérêt donné par le
thème et ses mécanismes simples permettent
d’enchaîner facilement deux, voire trois
parties sans se lasser. Et il vous faudra au moins
ça pour réussir à vaincre cette pandémie !
par Vincent Ziec
57
les carnets de l’assemblée # 4
à l’épreuve
JDP/JCC
ILLUMINATI
LE NOUVEL ORDRE LUDIQUE
jeu de plateau et de cartes de Steve Jackson
édité par Edge Entertainment
2 à 8 joueurs (recommandé de 4 à 6)
à partir de 12 ans
durée : 2 heures et plus
http://www.edgeent.com
note :
On attendait de pied ferme, cette
nouvelle édition du légendaire jeu de cartes
pondu en 1982 par le cerveau paranoïaque
de Steve Jackson, un classique des classiques
de la génération geek goinfrée aux théories
des complots. Edge vient combler un manque
avec cette version inédite, réservée au
marché français et espagnol. Graphiquement
au-delà des précédentes éditions, Illuminati
s’offre un lifting en photomontages
sophistiqués, donnant un nouveau visage aux
Illuminati et groupes conspirationnistes. Du
côté des règles, Illuminati 2008 marque un net
aboutissement : bien plus fonctionnelles que
la 1ère édition, moins fouillies que la seconde ;
de l’avis des fans, c’est la version définitive et
ultime à posséder.
JCC
Comment devenir le Maître
du Monde ? Très simple : chaque joueur
incarne un des huit Illuminati, société secrète
conspiratrice (La Secte des Assassins, Le Triangle
des Bermudes, Les Ovnis, ...), représentée par
une carte. Celle-ci est le point central d’une
Structure de Pouvoir pyramidale à laquelle on
vient coller divers groupes d’influences tous
aussi déjantés que redoutables (Génies du
Mal pour un Futur Radieux, Fisc, Trekkies, Men
in Black, Associations de Parents d’Elèves,
Pornocrates,...). Chacun de ces groupes arrive
en jeu incontrôlé, accessible à tous. Le joueur
attaque le groupe qu’il veut inclure dans
sa Structure suite au choix fait sur le Pouvoir
(score d’attaque), la Résistance (défense) et
le Revenu (salaire généré) que cette carte va
lui ramener.
Mais attention, tout le monde ne
fricote pas avec tout le monde : l’Orientation
de chaque groupe apporte bonus ou
malus selon les mariages qu’on essaie de
leur imposer. Ainsi, on apprend que le Fisc
est Gouvernemental et Criminel ; que les
Aquariophiles sont Pacifiques mais aussi
Fanatiques, etc. L’attaque se résout grâce au
hasard (jet de 2d6), un hasard qui subit avant
tout les pressions de la réalité économique et
du lobbying des joueurs, comprendre que la
difficulté du jet est abaissée par l’argent investi
dans l’opération. Ensuite, l’Illuminati peut tenter
FAMILYS
HISTOIRES DE FAMILLE
jeu de cartes de Franck Saverys & Sabine Hamays
édité par Asyncron Games
2 à 6 joueurs
durée : 30 minutes
http://www.familys.fr
note :
Tout le monde a déjà joué au moins
une fois au jeu des sept familles. Non ! Mais de
quelle planète venez-vous ?
Heureusement, Franck Saverys
et Sabine Hamays ont dépoussiéré ce grand
classique pour réconcilier à la même table les
joueurs de 6 à 126 ans. Le but du jeu n’a pas
changé : vous devez constituer une famille
qui s’est un peu agrandie depuis la version
originale du jeu. Cette famille sera constituée
de 3 enfants, 2 parents et 4 grands-parents.
L’originalité du jeu réside dans la méthode
pour se débarrasser des cartes inutiles afin
d’en piocher d’autres. Les plus jeunes se
contenteront de constituer des séries de
symboles (cercle, coeur, etc.) ou de chiffres
identiques. Les plus grands pourront, quant à
eux, former des combinaisons plus complexes,
des mots ou des prénoms avec les lettres
présentes sur chacune des cartes. Chaque
carte ainsi posée rapporte des points avec un
bonus pour les plus longues combinaisons. À
la fin du dixième tour, ou avant si un joueur a
fini de constituer sa famille, le jeu s’arrête et on
compte les points.
Des cartes spéciales vont permettre
aux joueurs de créer des rebondissements
dans le jeu. Avec la carte « Union », vous jouez
les entremetteurs pour former des couples. La
58
les carnets de l’assemblée # 4
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
de détruire ou voler les
branches des Structures
voisines,
freinant
ainsi
l’expansion
de ses concurrents.
Mais il ne faut pas
oublier de nourrir ses
propres branches, les
groupes
contrôlés
devant subvenir à
leur défense, ainsi les
MégaBucks
(“gros
biftons”) s’imposent
comme l’ultime nerf
de la guerre.
Chaque
Illuminati
peut remporter la
victoire de deux manières : soit il
édifie le premier une structure comportant un
nombre conséquent de groupes (déterminé
selon le nombre de joueurs), soit en
accomplissant son objectif secret (un grand
Plan variant selon l’Illuminati).
Ne commettez pas l’erreur d’y voir
un jeu apéro, Illuminati est, tout comme son
sujet, gigantesque et captivant. Prévoyez une
séance de jeu entière pour vous y impliquer
réellement. Reste à voir si le succès des ventes
amènera pléthore d’extensions qu’on avait
connues par le passé. Illuminati, on adore
aveuglément ou on déteste répulsivement.
Pas de juste milieu possible. Nous, on a choisi
d’être (à nouveau) mordus. Testez-le... et
laissez votre envie de domination mondiale
s’exprimer enfin!
par Olivier Camus
carte « Voisin » permet
de
«kidnapper»
un membre de la
famille d’un autre
joueur. Enfin la carte
«Vision» dévoile le
jeu d’un adversaire
et permet de lui
piquer une carte au
passage.
Les règles
sont
simples
et
accessibles aux plus
jeunes. Certes, les
joueurs expérimentés
ne seront pas sensibles à ce petit jeu sans
grande prétention, mais Familys est clairement
un jeu destiné à un public familial.
Enfin, les petits plus de ce jeu : la
facture robuste des cartes et le sabot bien
pratique pour la pioche et la défausse.
À noter que la première version du jeu, autoéditée par ses auteurs, est épuisée et qu’il
jouit, depuis la fin de l’année dernière, d’une
nouvelle édition chez Asyncron Games.
par Dedjet
à l’épreuve
PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ...
JCC
FAISEURS
D’UNIVERS
LA SAGA DES HOMMES-DIEUX
jeu de cartes de Nicolas Maillet
édité par Pygmoo Games
3 à 5 joueurs
durée : 60 minutes
http://www.les faiseursdunivers.com
note :
Dieu a créé le monde en six jours. Dans
les Faiseurs d’Univers vous n’aurez qu’une
heure...
Chacun des joueurs incarne
un «Tellins» avide de pouvoir et capable
de façonner un monde à l’aide de machines
gigantesques. Le premier qui terminera la
construction de son monde, gagnera sa
place au sein du Conseil Suprême.
Inspiré de la Saga des HommesDieux, la série de romans SF de Philip José
Farmer, les 110 cartes du jeu ont été illustrées
par David Revoy pour coller au plus près de
l’oeuvre originale. C’est une réussite.
JCC
On commence la partie
en attribuant un personnage,
parmi les dix disponibles, à chaque
joueur. Chacun d’entre eux possède
un pouvoir unique et très puissant
permettant d’influencer le déroulement du
jeu et sur lequel il est possible de bâtir une
stratégie. Puis, la partie s’égraine au rythme
des phases d’achats de machines et des
phases d’actions.
Durant les phases d’achats, les
joueurs se livrent à des enchères pour acquérir
les machines permettant de développer
leur monde. Ils misent « à poing fermé » des
Unités d’Energie (UE) représentées par des
jetons. Mais attention, les UE servent aussi
à déclencher certains pouvoirs. De plus,
il vous faudra ouvrir de une à trois portes,
menant à votre monde, pour rapatrier votre
machine. Ces portes seront autant d’accès
pour permettre à vos adversaires de vous
attaquer.
Lors des phases d’actions, chacun
des joueurs va à son tour réaliser autant
d’actions qu’il le souhaite. Il peut jouer des
créatures pour défendre son monde ou
attaquer ses adversaires, piéger ses portes
pour en limiter l’accès,
poser une évolution
pour façonner son
monde, ouvrir une
ou plusieurs de ses
portes ou se défausser
de cartes inutiles pour en
piocher d’autres.
De plus, à n’importe quel moment, il
est possible de jouer des cartes «Actions»
pour pourrir la vie de ses adversaires.
Les
évolutions
et
certaines
machines rapportent des points de créations
à leur propriétaire. Le jeu s’arrête si, à la fin
d’un tour, un ou plusieurs joueurs ont atteint
ou dépassé le nombre de points requis. Celui
qui a le plus de points est déclaré vainqueur.
Les Faiseurs d’Univers est un jeu agréable
alternant des phases d’enchères et
d’affrontements. Il fait la part belle au bluff
et à l’intimidation. La stratégie n’est pas à
négliger malgré l’aspect très aléatoire
permettant au jeu de se renouveler à chaque
partie. Il faut en permanence rechercher
l’équilibre entre achat, développement et
défense de son monde. Enfin, les alliances, les
trahisons et les coups tordus sont légions. Les
parties sont assez longues pour un jeu de ce
format, mais on ne s’y ennuie jamais.
par Dedjet
PAGAMÁS
NE PASSEZ PAS PAR LA PLANCHE !
jeu de cartes apéritif de David Fauthoux,
Stan Lemniai & Mathurin Malbreil
édité par les Ludopathes Zéditeurs
3 à 6 joueurs
à partir de 10 ans
durée : 45 minutes
http://www.pagamas.fr
note :
Les Ludopathes nous prodiguent,
avec Pagamás un nouveau jeu apéritif du
tonnerre! Un jeu de cartes pas à collectionner
qui nous embarque dans le monde de la
piraterie et des faux-frères de la côte. Un
des joueurs interprète à ses risques et périls le
rôle du Capitaine et (re)distribue, à chaque
tour, les rôles subalternes aux autres joueurs
(Second, Cambuse, Bosco, Aumônier, Vigie)
ainsi que les pièces du trésor. Bien sûr, les parts
de ce butin ne sont jamais équitables et c’est
là que la loyauté des matelots chavire...
Ça sent alors la mutinerie tout autant que
la poudre! C’est alors que le Capitaine
peut passer par la planche, si ses partisans
n’ont pas assez de poids pour sauver sa tête.
Assimilé très vite au mythique Junta, dont il fait
figure de digne successeur, le plateau de jeu
en moins, Pagamás revisite ce classique des
jeux, un modèle du genre “ tous contre le
chef, pour que je lui pique sa place ! ”. Plutôt
destiné à jouer idéalement à 5 ou 6 (plus on
est de fous, plus on trahit), le jeu demande à
chacun d’aller enterrer sa part du butin en
évitant de se faire interpeller dans un éventuel
traquenard tendu par ses “ frères ”.
Les différentes phases sont intelligemment
agencées, et la tension augmente de tour en
tour, chacun devant épier les mouvements
et les prises de position des autres. Par contre,
certaines situations, pourtant fréquentes, ne
trouvent aucune réponse dans le maigre livret
de règles. Espérons que l’éditeur saura rectifier
le tir via le site et la communauté web créée
autour du jeu.
Les Ludopathes cautionnent, au travers de
la vente de ce jeu, un aspect écologie et
développement durable avec une totale
absence de matière plastique, mais l’on
regrettera néanmoins le choix du format
des cartes à l’européenne en lieu et place
du format poker américain, traditionnel
pour ce genre de jeu. Ne restez pas à quai
et embarquez sans hésiter, car Pagamás
est rafraîchissant et remplit haut-la-main son
contrat de divertissement ludique, accessible
et rapide.
par Olivier Camus
59
les carnets de l’assemblée # 4
boussoles
AIDES DE JEU & SCÉNARIOS
[ AIDE DE JEU & SCÉNARIO HELLYWOOD ]
illustrations : © Julien De Jaeger
un soir au
Tangerine Dream
BAR
Mirage du soir, espoir ?
À première vue, le Tangerine Dream Bar est
un rade. Et pas le plus reluisant de Heaven
Harbor, d’ailleurs. Un carrelage noir et blanc
un peu hypnotique, un pianiste pas toujours
inspiré, des fauteuils sans âge en guise de
lounge… un endroit acceptable pour prendre
un verre et discuter d’affaires sérieuses à l’abri
des oreilles indiscrètes mais pas plus. Pourtant,
il y a des habitués du Tangerine Dream. Des
habitués à vrai dire, bien méritants.
En effet, ce bar emblématique de Forbidden
City possède une fameuse particularité
qu’aucun autre bar, soucieux de sa clientèle,
ne se permettrait : le Tangerine Dream bouge.
OK, il bouge plus particulièrement pour les
clients qui ont abusé du scotch mais il bouge
même pour les plus sobres des buveurs de
soda. Le Tangerine Dream se trouve rarement
au même endroit, dans la même rue, à
la même adresse. Pire même, le bar peut
changer de localisation en un instant. Entré
dans le bar que vous avez découvert dans
une impasse brumeuse, vous risquez, juste
après vous être désaltéré, de vous retrouver
en sortant sur le trottoir d’une artère bruyante.
Si vous vous en étonnez auprès du voisinage,
vous n’obtiendrez que de l’incompréhension :
non, ce bar a toujours été là, aussi loin qu’on
puisse s’en souvenir ; non, personne n’a vu
qui que ce soit déménager un piano et un
comptoir dans les environs. D’ailleurs, c’est
bien simple : ce bar est si insignifiant qu’aucun
passant n’y avait vraiment prêté attention
auparavant. En général, ce genre d’histoires
sur le Tangerine passent pour des racontars
de quidams déjà effrayés d’avoir même osé
poser le pied à Forbidden City ou pour des
excuses peu crédibles inventées par un père
de famille honteux de s’être encanaillé dans
le secteur.
Pourtant, tout cela est bel et bien exact. Le
patron, Nathaniel Meredith, est un Possédé et
ne s’en cache pas (d’ailleurs, sa trogne parle
pour lui…). Il est en revanche moins disert sur
son bar et son étrange faculté mais il est clair
que c’est lui-même qui a fondé le bar et lui
a donné son étrange destin. Sans doute la
vérité est-elle à chercher du côté du passé de
Meredith.
Pour dégoter ce bar fantôme, il existe
plusieurs possibilités :
• être un Cornu ; sans doute est-ce lié à
sa nature mais il est un fait que les Cornus
possèdent une sorte de 6ème sens pour
trouver le Tangerine. Ce n’est pas un radar
60
les carnets de l’assemblée # 4
mais si le Cornu se trouve dans le secteur, il
choisira toujours la bonne ruelle, le bon culde-sac pour se retrouver devant la vitrine
poisseuse du bar.
• être déjà un habitué qui connaît bien des
habitués qui eux mêmes… Bref, il y a une
sorte de solidarité informelle des accros au
Tangerine qui se refilent fiévreusement la
dernière adresse connue du bar en espérant
que quand ils y arriveront il ne sera pas déjà
trop tard.
• vraiment bien le chercher ; en effet, si un
habitué peut le trouver par le téléphone
arabe, un privé madré doit pouvoir faire de
même. Il y a au moins quelques trucs à savoir
avant de se lancer dans pareille enquête : la
bar se localise toujours à l’extrême périphérie
de Forbidden City, il affectionne les coins les
plus improbables (crèmerie abandonnée,
cantine d’une usine désaffectée, ancien
blockhaus de la Navy…), il ne répugne pas
du tout à se relocaliser plusieurs fois au même
endroit mais cela se fait sans aucune logique
ou ordre apparent.
Bon, supposons que vous ayez fini par y
échouer. Le décor du Tangerine Dream
peut varier subtilement : sa vitrine sera plus
ou moins crasseuse, sa salle plus ou moins
grande, son zinc plus ou moins long… Mais
boussoles
AIDES DE JEU & SCÉNARIOS
le Tangerine restera toujours le Tangerine.
Outre son personnel, on y retrouvera de
façon intangible les éléments suivants : un
piano, le carrelage blanc et noir, des fauteuils
en cuir défoncés (et non des chaises ou des
banquettes), une vitrine donnant sur la rue, un
grand porte-manteau à l’entrée, un zinc avec
des tabourets hauts… En dehors de la salle
principale, le Tangerine est toujours composé
d’une minuscule arrière-cuisine où Lili exerce
son absence de talents culinaires sur de
malheureux hot-dogs, une remise aveugle où
Spencer gère le stock de bière et un toilette
double où on trouve un téléphone public près
des lavabos.
Ce qui ne change pas non plus, c’est la
certitude qu’il se passera un truc intéressant,
une personne utile à rencontrer ou une info
brûlante à collecter. Surtout si c’est une affaire
concernant de près ou de loin des Démons ou
leurs maîtres qui vous y amène. Du coup, vous
pouvez aussi espérer y dégoter de fameuses
emmerdes…
Le personnel du
Tangerine Dream Bar
Attention ! Le Tangerine est un bar un peu
spécial, c’est entendu. Un bar fantôme, avec
un patron Cornu et, sans doute, des appuis de
“ l’autre côté ”. Mais ce n’est pas la cantina
d’une lointaine, très lointaine galaxie, OK ?
Meredith est le seul Cornu bossant au bar.
Bon, il est vrai qu’il y a bien dans le personnel
quelques types louches qui ont eu jadis maille
à partir avec des évènements les dépassant
mais cela est aussi dû, comme on le verra,
au fait que le Tangerine est une sorte de terre
d’asile, lieu d’échouage d’un certain nombre
d’éclopés de la vie.
[ Nathaniel Meredith ]
Le patron est donc un Possédé d’environ 45
ans. Son enveloppe corporelle ne paye pas
de mine : un peu ventripotent, les traits épais,
le crâne dégarni. Le type était d’ailleurs déjà
tenancier de bistrot avant la possession et
il tapait un peu trop dans son propre stock
liquide. Meredith fut toutefois plus qu’heureux
de pouvoir trouver refuge dans cette triste
épave (qui était alors à demi-mort, en plein
coma éthylique profond) et ainsi profiter du Jour
des Cendres pour s’échapper définitivement
de sa maîtresse, Ashes, et de l’impasse dans
laquelle il se trouvait. En effet, pour des raisons
qui échappent à l’entendement humain et
qui remontent à des temps immémoriaux,
Meredith, sous sa forme démoniaque,
était pris dans une vendetta séculaire qui
ne lui laissait pas vraiment de perspectives
d’une vie paisible. Ni d’une vie tout court,
d’ailleurs… Bien après sa fuite, il fut pourtant à
nouveau repéré par ses implacables ennemis
démoniaques et, se sentant perdu, joua sa
dernière carte en entrant en contact avec
l’Asservi Mr. Clay. Crânement, il présenta son
idée de deal : faire de son troquet un lieu
de neutralité démoniaque en échange de
sa tranquillité. Contre toute attente, Clay fut
séduit et après de courtes négociations avec
Ashes le Tangerine Dream Bar fut déclaré
lieu d’où tous les conflits et a fortiori toutes les
violences entre Démons devaient être bannis
à tout jamais. Echaudée, Ashes fit ajouter une
clause au pacte : désormais, aucun Démon
fugitif (c’est-à-dire passé de l’autre côté
bien après le Jour des Cendres et sans raison
valable dûment accordée par un Asservi) ne
devrait pouvoir trouver refuge au Tangerine
sans que les Asservis ne soient aussitôt avertis.
Tant que Meredith saurait maintenir ces
clauses, lui-même serait à l’abri et son bar
possèderait ses étranges facultés pour lui
permettre d’échapper sans peine aux tracas
que pourraient lui faire les simples mortels. Il en
est ainsi depuis.
Bon, ça, ce n’est qu’une partie du deal, en fait.
Conscient de la part importante de Mr. Clay
dans l’accord, Meredith lui réserve, à demimots, une définition bien à lui de la neutralité.
Ayant fait sa pub sur cette image, le bar reçoit
pas mal de visites de Démons en goguette en
quête d’un refuge temporaire ou d’une info.
Bref, Meredith finit toujours par savoir ce que
font les Démons et même de nombreux simples
Cornus ou de mortels liés aux Démons dans le
secteur. Et, bien entendu, si cela lui semble
important, il n’oublie pas d’en glisser un mot à
Clay. Cela permet de préciser que Nathaniel
n’a pas la vocation d’un casque bleu : il ne
tient ce rade que pour sauver sa peau qui, il
faut bien le dire, était déjà presque vendue.
C’est la même chose pour son recrutement.
S’il n’a choisi que des gens ayant eu maille à
partir avec des Démons ou des Cornus, c’est
qu’il sait bien que sa nature et celle de pas
mal de ses clients lui donnent un ascendant
psychologique sur ces traumatisés de la vie.
Présentations…
Nathaniel Meredith, patron de bar hanté :
++ / 60, 150, 120 / 30
[ “ Already ” ]
Les plus anciens habitués du Tangerine disent
avoir vu un jour le pianiste attitré du bar avec
un panneau dans le dos : “ Ne tirez pas sur le
pianiste, il est déjà mort ”. C’est sans doute
une blague de pochetrons mais en tous cas,
le seul nom que l’on connaisse au musicien
émacié est bien “ Already ”. Quoi qu’il en
soit, les esprits peu amènes ajouteront : “ c’est
bien possible, car c’est vrai qu’il a une sacrée
gueule de déterré ”. En fait, la vérité n’est
pas si éloignée de la légende. “ Already ”,
un jour, las de ne se trouver ni talent, ni avenir
artistique, tenta de se suicider en se jetant
d’un pont. Normalement, tout devait bien (ou
mal, question de point de vue) se passer ; son
corps flottait entre deux eaux, déjà engourdi
par les eaux glacées. C’est le moment que
choisit un Démon pour partir à la recherche
d’un corps disponible pour s’incarner de
ce côté-ci de la vie. “ Already ”, animé par
le Démon, sortit donc de l’eau avec une
vigueur nouvelle, se chauffa avec un bon feu
et de solides lampées de scotch. Le Démon fit
ce qu’il avait à faire puis retourna d’où il vint,
laissant le presque-suicidé dans le complet
désarroi. “ Already ” n’est pas sûr de ce qui
lui est arrivé mais il en a tiré la conclusion que
la Mort ne voulait pas non plus de lui et il se
remit au piano, égrenant, toujours sans talent,
quelques rengaines populaires et standards
de jazz. Il fut le premier engagé dans l’équipe
réunie par Meredith.
“ Already ”, pianiste sans talent :
+ / 30, 60, 80 / 10
[ Spencer Smith ]
S’il y a bien un défaut qu’on ne peut pas
imputer à Meredith et à ses clients, c’est
d’être racistes. Le Tangerine et sa clientèle
improbable, c’est sûrement le lieu le plus
mélangé de tout Heaven Harbor. Coller
un grand noir très élégant d’une trentaine
d’années derrière le comptoir n’a donc jamais
soulevé le moindre problème. Au pire, les plus
gênés s’en vont. Le sourire enjôleur, Spencer
n’est pourtant pas du genre dragueur. Souvent
triste, peu bavard, il se montre très froid avec
les femmes et n’a guère de penchants
invertis. En fait, Spencer a une sorte d’ange
gardien. Hélas pour lui, cet ange a les ailes
noires. Il l’appelle “ Helein ” et est bien réel.
C’est sans nul doute une Succube. Spencer
n’a dû la rencontrer que 4 ou 5 fois dans son
existence. À chaque fois pour des épisodes
brefs et torrides d’une vie ravagée. Dès que
Spencer tente de se reconstruire (entamer
une relation sérieuse, trouver un bon job, avoir
un enfant – Michael – avec une femme qu’il
aime…), “ Helein ” reparaît et offre à Spencer
un chemin de vices auxquels le jeune homme
n’a jamais pu résister. Très vite, elle disparaît
sans laisser d’adresse, laissant Spencer au
bord du chemin, totalement paumé. Que
veut “ Helein ” ? Il ne sait pas. Un peu de bien
et beaucoup de mal, sans doute. Depuis le
dernier passage de la Succube, Spencer
bosse au Tangerine, apprenant le métier de
barman. Il évite les rencontres et les projets. Il
attend “ Helein ”.
Spencer Smith, barman peu liant :
++ / 80, 40, 40 / 10
[ Suzanne “ Lili ” Law ]
C’est vrai que “ Lili ” a toujours plus ou moins
aimé s’habiller comme une pute. Y a-t-il des
lois contre cela dans ce foutu pays ? Sans
être un premier prix de vertu, Suzanne a
toujours été une fille bien. Elle a collectionné
les petits amis, peut-être un peu plus que de
raison depuis ses 14 ans, mais elle ne boit
pas, ne se drogue pas, ne fait rien d’illégal.
Elle a fait quelques études plutôt ratées puis
a trouvé un job de vendeuse dans un patelin
paumé. Tranquille. C’est là où des gens
ont commencé à parler. Une fille jolie, bien
roulée, seule et volontiers aguicheuse ? Dans
le coin, bien qu’on n’en ait jamais vu une, on
appelle ça une “ succube ”. Et ces filles là ne
demandent que ça, pas vrai ? C’est en tout
cas ce qu’ont décrété une demi-douzaine
de jeunes abrutis désoeuvrés. Et c’est plus
ou moins l’idée qu’ont ensuite défendue
le sheriff et le juge du secteur. Humiliée et
désenchantée, Suzanne s’est laissée séduire
par l’anonymat que pouvait lui offrir Heaven
Harbor. Elle s’y fait appeler “ Lili ”, travaille
61
les carnets de l’assemblée # 4
boussoles
AIDES DE JEU & SCÉNARIOS
comme serveuse depuis quelques mois au
Tangerine et apprécie que les clients n’aient
jamais songé à lui coller la main aux fesses.
“ Lili ”, serveuse peu conciliante :
+ / 30, 50, 80 / 10
Quarantine est vraiment un scénario
d’introduction : les personnages ne doivent
pas déjà se connaître ni connaître le Tangerine
Dream Bar et son personnel. Ce court scénario
vous donne l’opportunité de constituer le
groupe des PJ et, par la même occasion, de
leur faire découvrir quelques particularités de
l’univers d’Hellywood.
Un peu en amont, la Voix Off devra avoir
sélectionné pour chaque PJ une bonne
raison de mettre les pieds pour la première fois
dans ce bar si étrange. Cette raison doit être
bien adaptée aux spécificités du personnage
et ne pas être trop superficielle (“ Pris d’une
soif intense, tu entres dans le 1er bar que tu
croises… ”) car le joueur doit savoir quoi faire
faire à son personnage dans les premiers
instants du scénario (avant que ne débute,
en fait, la véritable intrigue). Pour toutes ces
raisons, nous n’avons pas ici la place de vous
donner toutes les justifications possibles. Voici
simplement quelques pistes dont la Voix Off
pourra s’inspirer :
[ Robinson Milano ]
Dans une autre vie “ Robi ” se souvient avoir
été un jeune flic de terrain enthousiaste et
passablement naïf. Cette vie s’est arrêtée une
nuit où, après avoir vidé en vain le chargeur
de son arme de service sur une grosse brute
de Golem inféodé à un parrain local, il se
retrouva au contact avec le colosse qui lui
expédia son poing dans l’abdomen. Le coup
était d’une force tellement stupéfiante que
le poing traversa son corps de part en part.
Le plus incroyable fut encore que, lorsque le
Golem retira son bras, Robinson ne ressentit
aucune douleur, ne saigna pas une seule
goutte. Il se sentit juste vidé. Il lâcha son
arme, ne dit rien et ne fut retrouvé que 3 jours
plus tard, errant près des docks. La police
le déclara inapte et lui légua une pension
ridiculement réduite comme seul souvenir de
ses années de service. Pour survivre, “ Robi ”
enchaîna les petits boulots ingrats et finit par
échouer au Tangerine où il est à la fois videur
occasionnel, homme de charge quand il faut
rentrer des caisses de bière et où, chaque soir,
il lave le sol. Un boulot de merde mais l’ex-flic
n’en a cure. Le seul truc qui l’obsède, c’est
ce trou béant dans son abdomen qui ne
s’est jamais refermé et qui ne lui a jamais fait
mal. Le pire, c’est que depuis quelques mois,
d’étranges tâches rougeâtres s’étendent sur
son abdomen, tout autour du trou. On dirait
à s’y méprendre les tatouages d’un Golem.
Il craint d’être en train de se transformer en
Cornu. Tout le monde lui dit que ce n’est pas
possible, qu’on n’a jamais vu ça. Lui doute.
D’ailleurs, n’a-t-il pas déjà pris un job de
Golem ?
• un détective privé (ou un journaliste
d’ailleurs) pourra être arrivé jusqu’au bar en
prenant en filature l’un des PNJ ; par défaut,
cela pourrait être Weathertop. Si vous voulez
utiliser plusieurs fois cette intrigue, inventez
un PNJ supplémentaire ou utilisez un des
membres du personnel.
• un mafieux ou autre délinquant pourra
avoir été rencardé par Pieroni (voir cidessous) ; ce dernier lui a fait parvenir des
infos fraîches pour localiser le bar mais ils ne se
connaissent pas et le premier contact risque
d’être délicat. D’autant plus que, selon les
62
les carnets de l’assemblée # 4
renseignements pris dans le Milieu par le
PJ, ce bar est totalement inconnu… Un
traquenard ?
• un policier pourra avoir été contacté
par un de ses indics les plus fiables : un bar
louche semble s’être ouvert à l’improviste et
il paraît qu’il s’y passe de drôles de choses.
Renseignements pris, le bar en question
n’apparaît dans aucun registre : officiellement,
il n’existe pas. Il serait intéressant d’aller voir sur
place.
• un personnage un peu “ marqué ” (Nature
“ Croyant ” ou “ Hanté ” ou encore grand
habitué des virées nocturnes dans Forbidden
City) pourra avoir un sentiment de “ déjà vu ”
en passant devant le bar : il est absolument
persuadé d’avoir vu il y a 2 jours ce même bar
avec ce même nom… mais de l’autre côté
du quartier !
• un Cornu sera tout simplement attiré par les
lieux ; alors qu’il faisait tout autre chose dans le
secteur, il a été irrésistiblement conduit devant
la devanture du bar et peut légitimement se
demander pourquoi.
La Voix Off fournira les indications
correspondantes à chaque joueur, soit sous la
forme d’un texte à lire ou d’un court aparté.
Une fois les informations transmises à chacun,
la partie peut vraiment commencer alors
que tous les PJ sont désormais à l’intérieur
du Tangerine Dream Bar à la poursuite de
leurs propres objectifs. La Voix Off doit laisser
un moment pour que les personnages
se présentent, se parlent, découvrent
également les membres du personnel et les
clients présents.
boussoles
AIDES DE JEU & SCÉNARIOS
L’intrigue de ce scénario ne commence
vraiment qu’au moment où un nouveau
client fait irruption dans le bar. Ce gars est
bizarre. Sa silhouette, son visage, ses yeux
surtout le désignent très rapidement comme
un Séraphin. Il porte un élégant costume
sombre et une mallette en cuir. Comme en
témoignent l’arrêt des conversations et les
regards inquisiteurs, ce n’est pas un habitué.
Le Cornu fait quelques pas, jauge la clientèle
d’un sourire énigmatique puis se dirige droit
vers le zinc derrière lequel se tient Meredith. Les
deux hommes entament une conversation à
voix basse mais qui, très vite, devient tendue.
Le ton monte et il devient possible de saisir des
bribes de la discussion : cela reste confus mais
il est question de “ clauses non respectées ”,
de “ graves entorses au règlement ” et surtout
de “ mise en quarantaine ”. Une bordée
d’insultes tombées de la bouche de Meredith
met fin à la discussion. Le Séraphin s’éloigne,
ouvre la porte, toise à nouveau la clientèle
de son sourire agaçant et la salue d’un “ Très
bonne soirée. J’ai peur que vous la trouviez
longue. Très, très longue… ”. Il sort, déplie ses
ailes et s’envole majestueusement avec une
grande facilité. C’est étonnant : un Séraphin
peut planer, s’élever légèrement au-dessus du
sol mais n’est pas normalement un putain de
piaf ! Tout se passe comme si l’environnement
du bar avait subitement changé de nature.
Les menaces du Séraphin ne sont en effet
pas vaines. Même si les PJ ne le savent pas
encore, le Tangerine Dream Bar a bel et
bien été placé en quarantaine. D’après les
informations aux mains des Asservis (auxquels
le Séraphin sert de messager), le pacte originel
n’a pas été respecté et tant que les conditions
du pacte n’auront pas été rétablies, plus
personne ne pourra plus entrer ou sortir de
ce bar ! Un PJ finira forcément par tenter de
sortir. Il découvrira alors que les abords du bar
ont changé. Pour un habitué du Tangerine,
ce n’est guère une information mais le PJ vit
cette expérience pour la 1ère fois. Qui plus est,
cette fois-ci, le bar, placé en quarantaine, est
environné d’une ambiance étrange : nuit noire
(même s’il faisait jour quand les PJ sont entrés),
réverbère clignotant, brume malsaine, pas un
chat… Si un PJ courageux s’aventure malgré
tout dans l’inconnu, il est très rapidement
rappelé à l’ordre : un tireur isolé le prend pour
cible, ou bien une voiture de grosse cylindrée
surgit de nulle part et manque de l’écraser,
ou encore une bande de voyous sans visage
lui coupe la route… Bref, il ne s’agit pas de
tuer le PJ mais de bien lui faire comprendre
que la route n’est pas praticable. Si un PJ
insiste et a de la chance, la Voix Off pourra
lui décrire un véritable labyrinthe de ruelles
ou de couloirs, voire lui faire rencontrer un
certain John Doe (voir p.105 du livre de base)
dont les avertissements finiront par lui faire
comprendre qu’il est en train de pénétrer
dans le Dédale. Toutes les autres tentatives
pour joindre l’extérieur échouent également :
le téléphone du Tangerine sonne occupé, les
voisins ne sont pas là…
Une fois l’impossibilité de s’échapper
constatée, la suite du scénario devient un huis
clos : on ne peut pas sortir, on ne peut pas
appeler à l’aide, le bar ne peut pas fournir plus
de 1 ou 2 hot-dogs par personne présente en
vidant son stock de nourriture, il fait de plus en
plus chaud et ça pue la sueur… Et encore, qui
sait ce qui pourrait surgir de la brume et entrer
dans le Tangerine d’un moment à l’autre ?
Chaque PJ a donc tout intérêt à chercher à
comprendre ce qu’il se passe. Par habitude,
recherche d’infos ou simple suspicion, les
joueurs devraient donc faire se rapprocher
fatalement leurs personnages.
Si, au début, Meredith ne veut rien dire, la
découverte de la nature du bar et de sa mise
en “ quarantaine ” devraient en énerver plus
d’un. On finira par en venir aux mots, voire
aux mains et, dans un souci d’apaisement,
Meredith expliquera l’origine du bar et le
pacte qui le lie aux Asservis. Il dévoile aussi le
reste du dialogue avec le Séraphin : Ashes
est persuadée qu’un de ses Démons, fugitif
depuis quelques mois, fréquente le Tangerine
(ou y travaille). Le fait que Meredith n’en ait
rien dit est pour elle la preuve de sa duplicité.
Elle exige que ce Démon fugitif lui soit remis
pour que le bar quitte la quarantaine et le
pacte soit réactivé. Mr. Clay semble d’accord
(le Séraphin travaille pour lui).
bas étage ! Vous croyez qu’il n’y a vraiment
que les Démons qui peuvent changer la
nature humaine ou quoi ? La réalité est
tellement plus simple. Colin s’est juste assis sur
le trottoir et il a regardé derrière lui sa putain
de vie en train de se tirer : une femme plutôt
mégère qu’il ne supporte plus, deux enfants
ingrats, un boulot qui ne lui fait pas oublier qu’il
a raté sa carrière artistique… Il est subitement
devenu plus aigri, agressif et dangereusement
porté sur la boisson et les virées à Forbidden
City pour chercher de nouveaux horizons qu’il
croit avoir entraperçu au Tangerine. Aucun
Démon là-dessous.
Reste à savoir qui est le Démon de Ashes et
à le persuader de sortir pour s’enfoncer tête
la première dans le Dédale. À cela s’ajoute
le fait que, tant que le “ coupable ” n’est
pas identifié, aucun PJ ne peut être sûr qu’il
s’agisse vraiment d’un PNJ et non d’un autre
PJ. Ambiance…
Le reste du scénario est totalement nonlinéaire. La Voix Off animera Nathaniel
Meredith, les membres du personnel et les
habitués du bar en fonction des indications
données et de son inspiration. L’avancée de
l’intrigue repose essentiellement sur le jeu et
les initiatives des PJ.
Voici la description des habitués nécessaires
au déroulement de l’intrigue (dont le
“ coupable ”). Si la Voix Off veut étoffer
le scénario, libre à elle d’ajouter des PNJ
puisés dans Hellywood ou dans sa propre
imagination.
[ Colin Weathertop ]
Colin, la cinquantaine gominée et les dents
blanchies, a, il faut l’avouer, une bonne tête
de suspect. Présentateur de show et chauffeur
de salle émérite dans plusieurs salles de Lucky
Island, Colin n’est pourtant pas un inconnu. Il
a lui-même poussé la chansonnette avant la
guerre et quelques journaux locaux parlent
encore de lui à l’occasion. Il y a 6 mois
environ, ces torchons ont peut-être même
relaté le net changement de comportement
de la pseudo-vedette. Disputes violentes
avec son épouse, absentéisme certains
soirs de représentation, cuites un peu trop
fréquentes… Et si un Démon avait possédé ce
brave Weathertop depuis cette date ?
Eh, voilà bien une vision étriquée de bigot de
Colin Weathertop, présentateur
passablement dépressif :
++ / 80, 60, 120 / 5
[ Alessandro “ Sandy ” Pieroni ]
“ Sandy ” est une caricature de mafioso
italien. Le pire, c’est que c’en est un. Un vrai
dingue. Il ferait tout pour s’enrichir et griller
un à un les membres de sa “ famille ” qu’au
fond de lui-même il hait plus que tout. Toujours
armé d’au moins deux calibres, il a aussi bien
plus qu’il ne lui faut dans les boyaux et, parfois,
le nez. Il fréquente depuis plusieurs semaines le
Tangerine dans l’espoir de trouver un moyen
pour accéder à Johnson (ou un autre Asservi
d’ailleurs, il s’en fout) et solliciter un pacte
fructueux. Un dingue, je vous dis.
Terrorisé d’avoir à révéler ses desseins au
début du huis clos, il va d’abord se faire
discret puis va en fait très vite péter un plomb
(sa spécialité) et menacer de descendre les
personnes présentes les unes après les autres
jusqu’à ce que le Démon se dénonce. Aux
grands maux, les grands remèdes.
Alessandro “ Sandy ” Pieroni, mafioso cramé :
++ / 140, 60, 60 / 5
[ Elizabeth “ Beth ” MacConnaly ]
Beth est maintenant une pute d’un certain
âge mais la sympathie naturelle qu’elle inspire
compense les ravages du temps aux yeux
de ses trop rares clients. Elle ne fréquente le
63
les carnets de l’assemblée # 4
boussoles
Tangerine que depuis quelques semaines,
après l’avoir découvert fortuitement alors
qu’elle tapinait dans le coin. C’est devenu son
lieu de pause, son havre de paix. Clairement,
l’équation prostituée + trop sympa + nouvelle
dans le coin = une bien belle tête de fausse
piste ! De fait, elle n’a rien à voir avec tout
ça mais elle n’est pas conne et comprend
vite que son métier la rend suspecte auprès
d’enquêteurs mal dégrossis. Elle est OK
pour aider à découvrir la vérité mais, lors
du dénouement, son bon fond risque de
reprendre le dessus et elle prendra toujours le
parti du plus faible, en l’occurrence le Démon
traqué.
Elizabeth “ Beth ” MacConnaly,
pute trop sympa :
++ / 80, 80, 150 / 5
[ Andrew Mailer ]
Andrew a longtemps été un gay heureux.
Travaillant dans le milieu local du showbiz, il y
a toujours rencontré tolérance et opportunités
amoureuses. Il n’a jamais dû jouer la partition
hypocrite de la double vie. Hélas, sa vie a
basculé le jour où il a croisé le sourire de braise
de Jason, un bisexuel sulfureux fréquentant
les milieux les moins recommandables de
tout Heaven Harbor. Andrew a eu le malheur
de tomber aussitôt amoureux et de très vite
accepter de filer de la thune à un amant
de 15 ans son cadet pour l’aider à financer
ses multiples vices. C’est le genre d’histoire
d’amour qui, fatalement, finit mal. Une nuit,
Jason, complètement grillé par un produit
malsain, a demandé toujours plus et Andrew a
refusé, entraînant la furie de son jeune amant
qui le poignarda à plusieurs reprises dans le
dos, le laissant pour mort dans l’arrière-cour
d’un club de Forbidden.
Le hasard voulut qu’un Démon de Ashes
cherchait alors à proximité un corps dans
lequel s’incarner et ainsi pouvoir se faire la
malle. “ Andrew ” se releva donc de sa flaque
AIDES DE JEU & SCÉNARIOS
de sang et entama une nouvelle vie. Ce
nouveau Andrew fait tout ce qu’il peut pour
donner une image la plus éloignée possible
de ce que les humains relient habituellement
à Ashes. Encore peu familier des sentiments
humains, il improvise une histoire cousue de
fil blanc d’un agent d’assurances modèle
et 100% hétéro venant de perdre femme et
enfants dans un dramatique accident de
voiture et cherchant le réconfort dans la dive
bouteille et les nuits blanches à Forbidden City.
Un peu gros… Outre son affligeante banalité,
cette vie rêvée n’explique pas pourquoi il a
dressé depuis plusieurs semaines son camp
de base nocturne au Tangerine précisément
(pas le plus accessible des troquets quand
même…). En fait, il a entendu parler du
parcours de Meredith et espère secrètement
que son glorieux prédécesseur se montrera
solidaire et l’aidera à échapper à la colère
des Asservis. Compte là-dessus…
Andrew Mailer, Démon de Ashes renégat sous
forme humaine :
Physique 50 / Mojo 150 / Humanité 40
Bien qu’elles soient loin d’être exhaustives,
voici quelques pistes pouvant conduire les PJ
sur la vérité :
• il est facile de savoir que Ashes est très liée
au sexe et qu’un Démon de Ashes doit l’être
aussi d’une certaine façon ; brancher la
conversation sur le sujet peut donc aider à
percevoir dans les paroles et les attitudes des
indications. Toutefois, après plusieurs heures
de huis clos tendu et surchauffé, se lancer sur
le sujet peut sembler assez… déplacé. Il serait
encore plus efficace de se livrer à l’acte sexuel
dans le bar (ou dans ses toilettes), le Démon
aurait du mal à garder son self control. Pour
un PJ féminin, a fortiori une Succube, cela doit
être faisable. Pour un homme, on peut oublier
Lili. C’est plus facile avec Beth… Dans tous les
cas, Mailer se sentira très, très mal à l’aise.
• fouiller discrètement les effets personnels
laissés sur le porte-manteau ne peut pas faire
de mal ; on peut notamment être attiré par la
veste légèrement satinée et à doublure jaune
appartenant à Mailer. Cela correspond mal à
l’image du petit agent d’assurances dépressif
qu’il tente maladroitement de se composer.
Si, en plus, on la fouille minutieusement, on
trouve dans la doublure une photo (elle y a
glissé par une déchirure) d’un beau jeune
homme torse nu (Jason).
• obliger tout le monde à se désaper pour
chercher la marque démoniaque de la
possession ; c’est une idée radicale : Mailer
porte en haut du dos, au niveau des blessures
occasionnées par Jason, une peau écaillée
et rougeâtre assez répugnante. Ceci dit,
personne ne se désapera de bon cœur et
Meredith et surtout Robinson Milano ne seront
pas du tout d’accord.
64
les carnets de l’assemblée # 4
• entamer une conversation poussée dans
laquelle chacun sera obligé de livrer des
souvenirs, des impressions… Bref, de l’humain.
Mailer sera vite limité par sa faible Humanité
et ses souvenirs en carton-pâte. Mais le
Tangerine en quarantaine est-il vraiment le
lieu idéal pour une conversation de salon ?
• obtenir les confessions de Weathertop : le
présentateur, s’il est mis en confiance, révèle
qu’il croit connaître de vue Mailer, qu’il aurait
rencontré dans le milieu du showbiz local.
Pour lui, c’était un homo notoire et il pense
qu’il raconte des salades.
Le dénouement semble tracé d’avance.
Après de longues heures de tension extrême,
les efforts conjoints des PJ et, peut-être, d’autres
PNJ (à la discrétion de la Voix Off) devraient
aboutir à démasquer le “ coupable ”. Seul
contre tous, il devrait être aisé de le chasser
du bar et le renvoyer au Dédale. Toutefois,
quelques complications pourraient survenir :
• Mailer ne va pas hésiter à jouer sur la corde
sensible ; il est sincèrement terrorisé d’être
rendu à l’antique esclavage et, en sus, à
endurer les châtiments de Ashes. Les PJ n’ontils pas un peu de pitié ? Cela a surtout une
chance de fonctionner s’il y a parmi eux des
Cornus.
• Meredith, lui, est assez sensible par nature
à ce genre d’arguments. Mais, comme il est
encore plus sensible à ses propres intérêts, il
sera sans pitié vis à vis du Démon. Toutefois, son
attitude future vis à vis des PJ sera largement
déterminée par leur attitude : s’ils se montrent
intraitables et brutaux, ils ne deviendront
jamais des habitués du Tangerine. S’ils font
preuve de compréhension et tentent de
raisonner le démon fugitif, ils auront quasiment
leur rond de serviette derrière le zinc.
• Mailer connaît le pacte du Tangerine et fera
judicieusement remarquer que toute violence
à son encontre serait une nouvelle et grave
entorse au pacte. Mmmmh, un peu jésuitique
mais pas faux. OK, posez ce calibre, il va falloir
lui faire comprendre autrement que sa place
n’est pas ici…
Si, finalement, Andrew Mailer admet qu’il
n’y a pas d’autre issue, il se lève, prend
sa veste satinée et son chapeau, salue
tristement et sort du rade. Peu de temps
après avoir disparu dans la brume, la rue
s’emplit à nouveau du bruit de la circulation,
le téléphone sonne… Le Tangerine a repris
son errance. Toutefois, si, pour une raison ou
une autre (“ coupable ” non démasqué,
violence envers un Démon…), le pacte a été
violé, les PJ (ni personne d’autre d’ailleurs) ne
pourront jamais retrouver le Tangerine. Dans
le cas contraire, et à condition d’être resté
dans les bonnes grâces de Meredith, ils ont un
nouveau point de chute où se rencarder.
par Julien Clément
boussoles
AIDES DE JEU & SCÉNARIOS
illustrations : © Julien De Jaeger
le
Lazare
JUGEMENTde
[ SCÉNARIO KHAOS 1795 ]
À propos de ce scénario
Ce scénario est prévu pour s’intercaler, à
la guise du meneur, dans la campagne
L’Heptalogie Gutemberg. Toutefois, il est
préférable que les Pjs aient déjà développé
quelques contacts.
Le thème de ce scénario propose
d’exploiter les dissensions politiques et
divergences d’objectifs au sein des forces
du Tribunal, voire certaines ambiguïtés
des factions (notamment le Cabinet des
Ombres). L’ambiance oscillera entre
enquête, traque, folie et horreur.
Ce scénario exploite les déconvenues de
l’architecte Descarres (cf p.55 Livre des
Règles – p.23 Secrets) suite à l’édification
khaotique de la Nouvelle-Bastille. Parmi
les prisonniers qui y sont enfermés, Lazare
Granger, ancien médecin affilié au Jeu de
Paume et condamné sous la magistrature
d’Armand Herman va réussir à s’extirper du
dédale fantasmagorique de cette prison
de la rive Nord.
Baignés des influences Khaos, ses vêtements
lui octroient désormais la capacité de
passer au travers des murs. Néanmoins, les
tourments consécutifs à son enfermement
et les errances dans un dédale où les
perceptions humaines, sensorielles et
temporelles ne sont plus de mise, ont
altéré sa psyché : son âme est déchirée
entre le Khaos et son propre corps. Il est
ainsi devenu une sorte de catalyseur pour
le Khaos qui utilise sa souffrance comme
point d’ancrage et l’imprégnation de ses
vêtements génère une « bulle K » autour de
lui.
Guidé par une soif de souffrance due à
son enfermement et aux injustices subies,
Granger se voit contraint par le Khaos de
livrer des âmes torturées, ce qu’il réalise par
le biais de crimes anthropophages avec
la dévoration du coeur de ses victimes
à l’agonie. Cependant, des bribes de
conscience structurent encore sa folie
meurtrière. Aussi, son désir de vengeance
l’oriente sur la piste la plus courte qui
mène à ses persécuteurs (juge, geôliers,
délateur...) pour les offrir à sa justice avant
que sa dernière parcelle d’humanité ne
s’effondre...
Incapable de communiquer normalement,
il écrira avec le sang de ses victimes, un
mot qui traduit à chaque meurtre l’émotion
qui l’anime et luttant presque contre sa
déchéance, signe ainsi un itinéraire destiné
à ses poursuivants afin qu’il puisse être
repéré et arrêté...
Ces crimes sauvages vont entraîner la
réaction du Tribunal. En premier lieu,
Descarres, responsable de la NouvelleBastille va chercher à étouffer l’affaire de
ce tueur évadé afin de ne pas s’attirer l’ire
des hautes autorités. Il s’adjoint l’aide d’un
prêtre du Culte, Dominique Théophile des
Essarts, qui a pour objectif de s’emparer de
l’homme en toute confidentialité afin de
l’étudier...
Parallèlement, François Pinel, Magistrat
de la rive Sud, alerté par les meurtres
singuliers perpétrés dans sa Cour et leur
ressemblance, mais également mandaté
par Saint Just, va s’intéresser à l’affaire.
De leur côté, les Pjs seront introduits dans
cette intrigue de manière détournée. Le
Cabinet des Ombres fera appel à eux
car il a besoin de leurs compétences
diversifiées pour une mission sensible
et urgente : retrouver un traître qui a
subtilisé des correspondances essentielles
et compromettantes pour le réseau des
Ombres, et par extension, pour la Cause.
Ainsi durant l’accomplissement de leur
plan, les Pjs vont se retrouver sur la trace de
Lazare Granger...
Prologue
Les Pjs seront contactés par leurs cercles
respectifs à la demande du Cabinet des
Ombres afin d’entreprendre dans l’urgence
une mission délicate.
Ils doivent retrouver le contact du Cabinet,
une certaine Lady Anne, dans une maison
vétuste inhabitée proche du Grenier dans
la proximité des berges de la Seine.
65
les carnets de l’assemblée # 4
boussoles
Scène 1
Le crépuscule des Ombres
Les Pjs se retrouvent un peu plus tard dans
la journée dans la pièce principale de cette
maison à l’ameublement spartiate mais
fonctionnel (2 couchettes, chaises en osier,
table, petite armoire). Dénote simplement
la présence de 2 malles et de Lady Anne,
une femme entre deux âges dont la
toilette sobre – robe, tablier, coiffe blanche
populaire pour maintenir ses cheveux – lui
confère une allure discrète.
Après les présentations d’usage, elle dira
qu’un certain Marc-Virgile Pontivy, oeuvrant
pour le Cabinet des Ombres, a dérobé ce
jour un paquet de leurs correspondances.
Le gaillard a rejoint le réseau il y a quelques
temps déjà, et les motivations qui l’ont
poussé à cette soudaine traîtrise sont
obscures.
En tout cas, le cabinet n’a pas mis
longtemps avant de repérer sa récente
félonie, et cela coïncide avec le fait
qu’une « représentation artistique » va
être donnée ce soir au Théâtre Français
en l’honneur de l’avènement de l’Être
Suprême. Lady Anne précisera qu’elle sait
que Saint Just lui même sera présent à ce
spectacle, et comme il est difficilement
approchable, c’est l’occasion pour Pontivy
de transmettre son butin et de trouver un
puissant protecteur.
Pour convaincre les Pjs, elle pourra laisser
entendre que ces documents pourraient
compromettre le réseau, précisant que
bien que les papiers sont cachetés et
cryptés, Pontivy connaît certaines clefs pour
les décoder. Elle a besoin de l’aide des Pjs,
dépêchés en urgence par leurs cercles pour
LADY ANNE
Tiers-état / Cabinet des Ombres / Chevalier
et spécialiste du renseignement
FOR 2, DEX 3, CON 2, INT 3, SAG 2, CHA 3
PV 10, PE 3, AC° 2, DEP 3, DGT mêlée +2,
DGT tir +3
Compétences :
Bluff (3) 9, Déguisement (3) 9, Fouille (2)
7, Influence (Cabinet des Ombres) (3)
8, Influence (Citoyens-Corsaires) (2) 7,
Influence (Jeu de Paume) (2) 7, Influence
(Tiers-Etat) (2) 7, Langue (Maternelle) (1) 6,
Lire et écrire (2) 7, Muscles (1) 4, Perception
(2) 7, Renseignements (4) 9, Résistance (1)
5 Technique (couture) (1) 7,
Atouts :
Apprentissage, Cercle Révolutionnaire
(Citoyens
Corsaires),
Cercle
Révolutionnaire (Jeu de Paume),
Compétence
de
Tiers-Etat
(Renseignement),
Compétence
(Lire Ecrire), Fausse Identité, Informé,
Inaperçu, Maîtrise du Khaos,
Equipement :
Carnets de notes
AIDES DE JEU & SCÉNARIOS
leurs champs de compétences diversifiés
et donc leur adaptabilité. De plus, Pontivy
étant habile à l’art du déguisement, cela
ajoute à la difficulté de savoir à quoi il
pourra ressembler...
La représentation se déroulant ce soir après
le couvre-feu pour des notables accrédités
pour assister à la pièce L’Ascension de
l’Être Suprême, Lady Anne propose des
costumes dans les malles pour les Pjs :
tenue de notables, bourgeois et une livrée
de serviteur (collants, culottes de soie,
redingote queue de pie et perruque). Elle
fournira également pour les notables des
invitations soigneusement falsifiées afin
d’accéder au Théâtre, un laissez-passer
pour le serviteur et une bourse contenant
10 livres.
La présence de Saint Just entraînera sans
nul doute une importante sécurité, voire
des fouilles et les Pjs feraient mieux de ne
pas venir armés.
L’essentiel sera d’agir avec discrétion et de
récupérer les documents, peu importe le
sort de Pontivy.
Cette planque à proximité du théâtre
est sûre et les Pjs pourront y revenir pour
passer la fin de la nuit. Lady Anne viendra
le lendemain matin y récupérer le précieux
courrier.
Les Pjs sont libres de gérer les derniers
détails logistiques, leurs costumes et
leur organisation et plan d’action pour
la soirée... réalisant que bien qu’ayant
l’occasion d’être proches de Saint Just, ils
ne sont pas là pour lui...
Scène 2
Représentation et
Grand Guignol
Lors de l’ouverture des portes, à l’heure
de la représentation ce soir là, l’extérieur
grouille de gardes de l’UA. Invités, serviteurs
et donc Pjs seront fouillés scrupuleusement
à l’entrée du bâtiment.
L’intérieur se compose de la vaste scène
avec les coulisses, le parterre et les différents
étages: la corbeille, le 1er et 2ème balcon
et en haut le poulailler. (Voir le Théâtre
Français cf p.63 Livre des Règles.)
Les Pjs seront libres de leur placement.
Cependant, les 2ème et 3ème balcons
sont vides par sureté et leurs accès seront
gardés par des soldats de l’US. Saint Just
sera placé dans la loge côté cour au
niveau du 3ème balcon. Le grand prêtre
est éminemment protégé par des soldats
d’élite de l’US bloquant son accès : toute
tentative folle des Pjs pour attaquer Saint
Just se solderait par une mort sans gloire.
D’ailleurs, si Saint Just sera bien visible
quelques secondes avant le début de
la représentation, au cours de la pièce
un rideau de velours partiellement tiré,
masquera sa présence potentielle.
Si un Pj est en livrée de serviteur, il a la
possibilité d’accéder aux 2ème et 3ème
balcons pour son service car apparemment,
66
les carnets de l’assemblée # 4
seuls les serviteurs semblent libres de circuler
dans les couloirs y attenants.
Marc-Virgile Pontivy ne se méprend pas
sur l’efficacité du Cabinet suite à son vol.
Le coquin a donc prévu son plan: pour
se fondre dans la masse, il s’est travesti
en servante et à l’entracte, compte
approcher St Just pour pouvoir lui remettre
les correspondances. Si un Pj est suffisamment perspicace et
alerte, le Mj peut lui laisser entrevoir une
servante singulière pouvant mener jusqu’à
une filature dans la salle et les couloirs, mais
quoiqu’il advienne, Pontivy sait se faufiler
comme une anguille et échapper aux
joueurs. (Il ne sera arrêté uniquement que
lors de la rafle des soldats de l’UA).
Bientôt les trois coups résonnent, le rideau
s’ouvre et la pièce débute, mais finalement
peu de temps après le début du premier
acte, la représentation sera interrompue...
En effet, au moment où « l’Oeil » s’élève sur
la scène, des soldats de l’UA investissent
le théâtre par les entrées, se répandant
très vite dans la salle pour canaliser tout le
rez-de-chaussée, jusqu’aux coulisses et le
devant de la scène. Le Pj grimé en serviteur
pourra voir Saint-Just et sa clique évacués
par les couloirs, et peu de temps après, les
invités le verront quitter le Théâtre escorté
par ses US.
L’Ascension de l’Être Suprême
À l’instar des mystères religieux du
moyen-âge,
la
pièce
symbolise
l’ascension de l’Être Suprême qui conduit
à l’anéantissement du mal.
Durant l’Acte I, le vilain roi et les
révolutionnaires
sont
représentés
grossièrement. Le premier tient son
peuple affamé en esclavage de manière
grotesque, les seconds saccagent
tout et des sans-culottes aux bonnets
phrygiens crient qu’il n’y a pas de Dieu.
Alors des prêtres du Culte apparaissent
dans le vacarme et le désordre et,
accomplissant des actes de vénération,
font lever lentement grâce à des effets
de machinerie, un œil symbolisant l’Œil
de l’Être Suprême...
MARC-VIRGILE PONTIVY
Cour des Miracles / Cabinet des
Ombres - Traître et accessoirement As
du déguisement
Le véritable divertissement de la soirée :
En réalité, Lazare Granger continue de
délivrer sa justice sauvage, guidé par le
Khaos. Il a poignardé un des UA du cordon
ceinturant le bâtiment à l’extérieur, s’y est
introduit en passe-muraille et s’est dirigé
vers la 2ème loge du flanc gauche de
la scène. Il y égorge la compagne du
boussoles
AIDES DE JEU & SCÉNARIOS
lieutenant Médon, poignardant ce dernier
et l’éventre pour lui extirper le coeur durant
son agonie. Le meurtre du garde dehors est
rapidement découvert et des soldats de
l’UA investissent alors le théâtre, craignant
un attentat des cercles contre Saint Just.
Il est probable également que le Grand
Prêtre décèle la manifestation du Khaos
catalysé par le tueur.
Granger vient ainsi d’exécuter l’officier
chargé de son arrestation (les deux soldats
l’accompagnant à ce moment là ayant
été tués plus tôt dans la journée). Il veut
écrire avec son sang le mot Justice mais
l’entrée tonitruante des UA, l’interrompt à
« Just ». Il saisit alors le corps, lui arrache le
coeur pour l’emporter et s’en repaître et
laisse le cadavre basculer vers le parterre.
Quelques instants plus tard, (mais qui
semblent de longues minutes à des Pjs en
proie aux doutes sur la motivation de cette
descente de soldats) des hurlements de
personnes du public accompagnent la
chute du corps du balcon de la loge côté
jardin de la scène.
Tumulte et confusion s’installent, alors
qu’une partie des UA essayent de maintenir
l’ordre parmi l’assistance tandis qu’un
groupe cavale dans les étages vers la loge
où vient de se produire le crime.
Si un des Pjs arrive à proximité de l’endroit
où a chuté le corps, il verra un homme
d’une quarantaine d’années en tenue
d’officier de l’UA maculée de sang avec
apparemment une plaie béante au
ventre.
Les gardes feront évacuer les invités
par petits groupes, pour éviter tout
débordement, en ménageant des pauses
dans le flot des invités, ce qui peut bien
entendu mettre les nerfs des Pjs à rude
épreuve...
Néanmoins, si les Pjs ne cèdent pas à
la panique, ils seront évacués hors du
bâtiment.
Si techniquement, ils échouent dans leur
mission, Pontivy également, bien que
les Pjs n’auront pas connaissance de ce
qui lui arrive. Surpris par les événements
inopinés au théâtre et par cette descente,
il précipite son plan pour joindre Saint Just,
arguant qu’il a des documents importants à
lui remettre, mais sera bloqué et finalement,
la supercherie de son déguisement
découverte, arrêté et emmené par des
soldats de l’UA. C’est ainsi que Pontivy doit
quitter la scène de ce scénario.
Scène 3
La Planque
Bredouilles, les Pjs pourront retourner à la
planque vétuste. Pontivy leur a échappé,
et il y a de grandes chances pour qu’il
ne l’ait même pas aperçu. Durant
leurs délibérations et questionnements
nocturnes, ils pourront même imaginer que
c’est Pontivy qui a été assassiné...
Au petit matin, Lady Anne, fatiguée revient
à la planque. Elle écoutera les Pjs et leur dira
ce qu’elle a pu apprendre des évènements
de la soirée : il y a eu 3 victimes: un garde,
un officier de l’UA, Médon, éventré et sa
compagne égorgée.
L’air sombre, elle demande aux Pjs de
retourner au Théâtre dans la journée. Elle
leur remet un papier qui leur servira de saufconduit pour pouvoir mener une enquête
approfondie...
Au pire, pour convaincre les Pjs elle pourra
signifier qu’ils doivent y rencontrer un
membre du réseau infiltré dans le Tribunal.
Elle ment, et ne dira rien sur le fait que c’est
un prêtre du Culte qui les attend...
En réalité, ce sauf-conduit est signé par
Dominique Théophile des Essarts, le prêtre
collaborant avec Descarres pour s’occuper
en toute discrétion de l’affaire du fugitif.
Il est sur sa trace depuis le massacre des
deux gardes de la Nouvelle-Bastille, où le
tueur a laissé sur un mur le mot Délivrance
en lettres de sang. Rapidement au fait des
évènements du Théâtre et usant de son
statut, il a manœuvré pour récupérer les
correspondances cryptées détenues par
Pontivy et obtenu rapidement de ce dernier
quelques noms et adresses bien senties:
il a fait parvenir des messagers avec ses
doléances et le sauf-conduit, laissant bien
entendre qu’il détient les correspondances
mais qu’il souhaite négocier. Le Cabinet
des Ombres se trouve alors en porte à faux,
et son ambiguïté se manifeste à travers la
demi-vérité que propose Lady Anne pour
persuader les Pjs d’être le jouet de cette
négociation.
de poignard sur les deux victimes)
• ces fauteuils semblent étrangement
dégradés, comme prématurément pourris,
les rideaux apparaissent ternis et élimés (à
cause de la détérioration par la bulle K de
Granger)
• les lettres Just tracées en sang sur un
mur... (qui peuvent laisser croire un rapport
à Saint Just)
Des Essarts fournira des informations
complémentaires :
• l’officier Médon a eu le coeur arraché
• Son coeur n’a pas été retrouvé
• Deux autres soldats ont été tués de
manière similaire dans la journée d’hier
(il se gardera bien de parler des premiers
gardes tués à la Nouvelle-Bastille pour
éviter de trop faire remonter la piste)
Rapidement, il leur propose un marché: il
souhaite les utiliser pour ramener le fugitif.
• il a en sa possession les lettres cachetées
du réseau des Ombres (il pourra les
présenter pour étayer ses dires, et dire qu’il
a sa merci quelqu’un pour les décrypter)
• Bien évidemment, les Cercles portent la
responsabilité des meurtres, même si il sait
que celui qui a fait cela court toujours. (il
pourra ajouter que des responsables ont
déjà été « désignés », et que s’ils ne veulent
pas que la liste des coupables s’allonge, les
Pjs doivent lui donner satisfaction).
Scène 4
Pièce en vase-clos
Plus tard dans la journée, les Pjs se rendent
au Théâtre gardé par de nombreux UA de
Kléber. Sur la présentation du sauf-conduit
qui ne leur sera pas rendu, des gardes les
fouillent pour les désarmer si nécessaire
(simple précaution due aux attentats de
la veille) puis les escortent à l’intérieur vers
la loge où s’est déroulé le crime. Si les Pjs
s’étonnent de la bonne composition des
gardes et pose des questions, ces derniers
rétorqueront qu’ils procèdent selon les
désirs de la personne qui souhaite les
rencontrer. (les UA ignorent toutefois que
les Pjs sont des membres des Cercles et il
serait plus heureux qu’il en reste ainsi...)
Dans le couloir à l’approche de la loge,
ils verront d’épaisses gouttes de sang qui
parsèment le sol. Sous bonne garde par
des US, ils rencontrent alors un prêtre du
Culte qui leur tourne le dos, assis dans un
fauteuil de la loge, en les attendant. Sa
tenue d’apparat parle pour lui et il ne sera
nul besoin qu’il donne son nom aux Pjs. Il
veut savoir ce qu’ils savent des incidents
de la veille.
Les Pjs pourront constater dans le loge
que:
• une épaisse trace de sang à proximité du
balcon (éventration de Médon)
• du sang sur deux des fauteuils (les coups
67
les carnets de l’assemblée # 4
boussoles
DOMINIQUE THEOPHILE
DES ESSARTS
Description :
Un homme imposant, qui approche
doucement de la cinquantaine. Ses yeux
semblent toujours à moitié clos. Il porte
la tenue habituelle des Prêtres de l’Etre
Suprême. Il ne fait aucun mouvement
inutile, sa voix est forte, un peu rugueuse
mais captivante.
Histoire :
Cadet d’une famille de petite noblesse,
Dominique Théophile des Essarts a,
comme le voulait la tradition, embrassé
la carrière d’ecclésiastique en rejoignant
la collégiale des Chanoines de Cambrai.
Au sein du chapitre cathédral, Des
Essarts commença à donner la pleine
mesure de son talent politique, nouant
et dénouant les subtiles alliances entre
les prélats. Il obtint ainsi le surnom
d’Eminence, en raison de ses qualités
qui rappelaient celle du cardinal de
Richelieu. La révolution ne le surprit
pas, pas plus que la Constitution Civile
du Clergé et l’arrivée de la Terreur :
Son Eminence avait toujours un coup
d’avance. Il monta à Paris, désireux
de jouer dans la cour des grands de
ce monde et prédit Thermidor. Il se
rapprocha donc de Fouquet-Tinville. La
seule chose qui surprit des Essarts fût
l’ascension de l’Etre Suprême. Mais il
lui fallût peu de temps pour percevoir
toutes les opportunités que ce nouveau
pouvoir pouvait lui apporter.
Ambitions :
Accroitre son influence. Devenir le
marionnettiste derrière le pouvoir.
Faiblesse :
Sous-estime ses semblables
Clergé / Clergé de l’Etre Suprême /
Prêtre, Manipulateur et Stratège
FOR 2, DEX 2, CON 3, INT 5, SAG 5,
CHA 5
PV 12, PE 5, AC° 1, DEP 2, DGT mêlée +2,
DGT tir +2
Compétences :
Bluff (3) 13, Connaissance (Khaos)
(5) 15, Connaissance (Religion) (1)
11, Diplomatie 4 (14), Idée (4) 14,
Influence (Clergé de l’Etre Suprême)
(5) 15, Intimidation (3) 13, Langue
(Latin) (1) 12, Langue (Maternelle) (1)
12, Lire et écrire (2) 12, Psychologie (6)
16, Renseignements (3) 13, Tir (3) 10,
Volonté (4) 14
Atouts :
Apprentissage
x3,
Artisanat
K,
Aura
Maudite,
Caractéristique
(FOR, CON, INT, SAG x2, CHA x2),
Compétences
(Connaissance
du
Khaos), Compétences (Psychologie),
Compétences
(Tir),
Dressage
K,
Eloquence x3, Maîtrise du Khaos x3, Œil
du Khaos, Ombre du Khaos x2
Equipement :
Carnets de rituels, cheval K, pistolet.
AIDES DE JEU & SCÉNARIOS
Il ordonne aux Pjs de retrouver ce tueur
pour lui livrer, sur ordre de Saint Just (il ment
sur ce point)
• En échange, il consent à leur céder les
courriers, le sceau non brisé attestera de
leur non falsification ou copie; Précisant
que même si leur importance est capitale
pour le Tribunal, cet individu reste une
cible prioritaire, telle est la volonté de Saint
Just...
• Il leur dira de se rendre sur le parvis de
l’église St Vincent dans la rive Nord dès que
le travail sera accompli
Scène 5
Investigations en réseaux
Perplexes face à l’étrangeté de cette
proposition, les Pjs vont devoir mener leur
enquête (jet compétences/influence/
réseau et contacts) et pourront obtenir les
infos suivantes :
• Meurtre du soldat Millet, la veille dans la
journée, son corps a été retrouvé éventré
dans la chambre décrépite d’une auberge
dans la rive Nord. La catin à ses côtés a été
poignardée.
• Meurtre du soldat Labeau, la veille dans
la journée, absent à son service et retrouvé
le poitrail ouvert chez lui dans la rive Sud.
Ses vêtements sont élimés et le mobilier
semble être dégradé...
• Ces soldats tués jettent l’opprobre
auprès de la populace sur les Cercles : dès
aujourd’hui, des tracts et affiches accusant
les cercles sont placardés telles que :
« Violentes attaques contre les soldats du
Tribunal. La nécessité fait Loi et le couvrefeu permet de protéger les bonnes gens
des criminels rôdant la nuit » ou encore
« Attentats contre autorités du Tribunal =
des Hérétiques coupables ».
• Avec d’autres recoupements ou en se
rendant sur place, ils peuvent découvrir les
mots inscrits au sang sur les lieux des crimes :
Colère et Haine.
• Ils peuvent apprendre l’exécution
publique de 4 membres des Cercles,
reconnus coupables de l’attentat du
Théâtre sur la place de Grève. (En vérité,
les 4 infortunés ne sont ni membres des
Cercles, ni coupables, mais le Tribunal rend
toujours justice officiellement...).
• Des informations sur deux meurtres s’étant
déroulés récemment dans la journée: le
premier dans la rive nord à une adresse
précise dans la rive Nord (chez un dénommé
Granger), le second, près de la Prison dans
la rive Sud au coin de la rue des bouchers.
• En outre, certains informateurs peuvent
prendre du temps pour se renseigner. Ce
sera le cas d’un contact qui leur donnera
rendez-vous quelques heures plus tard ou le
lendemain pour leur fournir une indication
capitale pour la suite du scénario: l’adresse
de l’hospice d’Esquirol.
Si par ailleurs, vous voulez compliquer
l’enquête de vos Pjs : le passage des berges
n’est pas forcément chose aisée si l’on
considère que certains ponts sont gardés.
Et face aux événements qui préoccupent
68
les carnets de l’assemblée # 4
les magistrats – les meurtres ayant lieu à
la fois dans la rive Nord et Sud – la garde
sera possiblement renforcée. Les Pjs auront
besoin d’une bonne dose de ruse ou il leur
faudra emprunter des accès plus éloignés.
Scène 6
Crimes en série,
crimes en parallèle
A : Chez Granger, le corps du locataire
Paul-Émile Rempetit
Les Pjs auront l’occasion de se rendre sur un
meurtre frais dans la rive Nord.
Il aura quelques badauds à proximité, mais
personne n’ose vraiment s’aventurer dans
la pièce de la scène macabre. Au pire,
les Pjs peuvent les écarter s’ils prétendent
enquêter officiellement.
Les enquêteurs du Magistrat Herman ne
s’y seront pas encore rendus étant donné
que Descarres et Des Essarts ont fait de la
rétention d’information. Herman accuse
donc un certain retard dans le suivi de
cette affaire.
Au rez-de-chaussée, il y a peu de choses
à trouver, excepté dans une pièce
apparemment faisant office de cabinet:
l’endroit est sans dessus dessous (elle a subi
une fouille du Tribunal après l’arrestation de
Granger). Les Pjs devraient être intrigués par
ce cabinet en désordre et le nom de ce
médecin absent. Ils doivent se demander
quel est le lien entre les victimes, il y a de
grandes chances pour en savoir plus qu’ils
se rendent sur la scène de crime factice...
Le corps de Rempetit, un artisan d’une
quarantaine d’années gît comme brisé
au milieu d’une mare de sang au premier
étage d’une modeste maison. Un examen
approfondi du cadavre révèle qu’il a
été éventré et que son coeur a disparu.
Sur un mur des lettres de sang compose
un Vengeance
dégoulinant. Chose
curieuse les murs dans la proximité du
cadavre semblent lézardés voire soumis à
d’étonnantes contraintes architecturales
(par exemple, ils ne sont plus droits mais
courbés au plafond, comme si la maison
avait voulu se ratatiner...) le sol est fissuré
par endroit, et le mobilier vermoulu pourra
s’effriter. D’ailleurs un petit placard se sera
en partie désagrégé, répandant ustensiles
et papiers sur le sol.
Les papiers pourront révéler l’identité de
la victime, et ils trouveront également
une exemption d’impôts pour services
obligatoires rendus au Tribunal. Sur ce
papier, il est précisé que Rempetit était
locataire du premier étage d’un dénommé
Lazare Granger, médecin de son état.
Une enquête auprès du voisinage permettra
également de connaître l’identité de la
victime et de son propriétaire ainsi que
l’arrestation de ce dernier.
boussoles
AIDES DE JEU & SCÉNARIOS
Ici, Granger poursuit son oeuvre. Rempetit,
le locataire ayant eu des suspicions sur le
médecin l’a dénoncé comme tout bon
citoyen dévoué/craintif envers le Tribunal,
mais aussi intéressé. Lazare s’est donc
vengé de son délateur, catalysant un
Khaos destructeur autour de lui.
B : Adresse du crime factice, Angle de la
rue des Bouchers
L’affaire du Théâtre a rendu furieux Saint Just.
L’outrage du meurtre et la représentation
sabordée sont vécus par le prêtre comme
une défiance. Il ordonne à François Pinel,
le Magistrat de la rive Sud de confondre les
Cercles et de punir les coupables. Pinel se
montre en un sens assez efficace : les faux
coupables et les tracts sont ses mesures
directes. Néanmoins Pinel est intrigué par
ce meurtre sauvage qu’il connecte avec
celui du soldat Labeau. L’aliéniste juge
donc avoir affaire à l’oeuvre d’un fou et se
doit de l’interner à la Salpêtrière. Il fait donc
quadriller le secteur pour le trouver mais en
vain. Alors il orchestre une mise en scène
toute à sa démesure: il fait tuer un innocent
pour reconstituer un lieu de crime similaire,
et le fait surveiller par des corbeaux K (pour
ce faire, Pinel s’est alloué les services d’un
Prêtre).
Les Pjs n’auront donc pas trop de mal à
accéder à la scène du crime qui semble
intacte. La victime, un vieil homme est
lacéré et éventré et son coeur arraché se
trouve proche de son cadavre. Les lettres
sanguinolentes « Just » sont lisibles sur un
mur.
Toutefois ici après investigations des Pjs,
pas de traces de décrépitude ou d’érosion
comme pour les autres crimes (pas de
traces d’effets Khaos car Granger n’a pas
perpétré ce crime).
les propos d’un garde récemment interné.
Il y a 2 jours, dans la soirée, ce garde a
été témoin d’une scène qui a fini de lui
troubler l’esprit. Le garde a confié que
l’atmosphère du bâtiment lui a toujours
semblé malsaine. En poste aux abords du
chantier et attiré par des gémissements à
proximité, il s’est dirigé dans leur direction
pour apercevoir une étrange silhouette en
habits élimés, au pied du corps de deux
gardes, s’acharnant sur un des cadavres
et le lacérant avec sauvagerie. Il a vu le
charognard extirper quelque chose du
cadavre avant de le porter à sa bouche
goulument. Terrorisé, il a laissé s’éloigner la
silhouette avant de s’approcher du bain
de sang: le mot Délivrance figurait inscrit
en lettres de sang sur un mur de l’édifice, et
un des infortunés soldats avait été éventré
comme un vulgaire cochon...
Si Esquirol est interrogé sur le médecin
dénommé Lazare Granger, il dira que c’était
une de ses anciennes connaissances, et
plus d’être un membre du Jeu de Paume.
Pour lui, Granger est mort car il aurait été
dénoncé puis arrêté par le Tribunal avant
d’être jugé « administrativement » par le
Bureau Rectitude et Loyauté.
Les Pjs pourront effectuer des recoupements
et déduiront que le protagoniste de l’affaire
Granger apparemment encore en vie
serait le juge du BRL lié à sa condamnation.
Néanmoins, se renseigner via la juridiction
sur l’identité du juge ne sera d’aucune
utilité, la juridiction étant ce qu’elle est...
Dans l’idée, Esquirol peut apporter son
aide pour retrouver ce juge. En tant que
logisticien du Jeu de Paume et ancien
« confrère » de Lazare, il demandera aux
Pjs de patienter le temps qu’il retrouve le
nom du juge.
Si les Pjs se sont rendus sur la scène de crime
factice, des soldats UA haranguant « Par
ordre du Magistrat Pinel... » investiront le
dispensaire grâce au pistage du corbeau
K. Le havre d’Esquirol est découvert, mais
ce dernier a le temps de leur remettre le
nom du juge, Martial Dambert, et son
adresse rive Nord près du Palais Royal. Un
affrontement pour s’assurer la fuite peut
s’ensuivre au milieu des cris et jappements
des malades dérangés de l’hospice...
Esquirol : cf. page 23 du livre des Secrets,
paragraphe « La Nouvelle Bastille »
Scène 8
Jugement dernier
Le quartier semble tranquille et il n’y a
aucun signe de trouble devant la maison
de Dambert. Personne ne viendra leur
ouvrir cependant. Si les Pjs arrivent à entrer
dans la maison, ils trouveront dans un petit
salon style fumoir en désordre, Granger,
aux vêtements en haillons, maculé de sang
en train de se nourrir du coeur du juge
ventripotent, étendu sur un billard.
Lazare usera de son talent de passemuraille pour quitter le lieu, le mur semblant
se déchirer au passage de Lazare. Il pourra
être poursuivi jusqu’au parc du Palais
Royal.
Quoiqu’ils déduisent de cette scène, à
leur sortie du bâtiment, des corbeaux K en
attente, prendront les Pjs en filature et à
leur halte prochaine chez Esquirol, un des
volatiles retournera auprès du prêtre qui les
contrôle pour révéler la position des curieux
via l’Oeil du Khaos...
Scène 7
le Havre de Esquirol
Un contact des Pjs (cf. Scène 5) qui prendra
donc plus de temps pour se renseigner
pourra leur transmettre l’info suivante: un
soldat aurait été témoin d’un meurtre.
Il a tenu des propos incohérents et a été
embarqué vers l’hospice d’Esquirol (et non
pas normalement vers la Salpêtrière dirigée
par Pinel).
Si les Pjs savent qu’Esquirol est affilié au
Jeu de Paume ou qu’ils prouvent leur
appartenance aux Cercles, le médecin
les recevra convenablement dans son
hospice. Il leur expliquera qu’il se passe des
choses curieuses aux abords de la NouvelleBastille et s’arrange pour leur transmettre
69
les carnets de l’assemblée # 4
boussoles
AIDES DE JEU & SCÉNARIOS
Scène 9
la Nature du Chaos
LAZARE GRANGER*
Tiers-état / Ancien Jeu de Paume /
Ancien Médecin, âme tourmentée,
catalyseur K et nécessairement tueur
cannibale
Granger, peut-être blessé par les Pjs, ira se
terrer dans son refuge : le parc du Palais
Royal (cf. page 56 du Livre des Règles,
paragraphe « Le Palais-Royal»)
Au sein de cette nature torturée muée en
décor de cauchemar, il est quasiment
impossible de localiser le fuyard. Jusqu’au
moment où des hurlements déchirent le
pesant silence du parc. Les Pjs trouvent
Granger, hurlant à genoux et presque
convulsif, les dernières parcelles de sa
conscience s’effondrant après l’ultime
meurtre de son parcours vengeur. Ses
derniers jours, ne se nourrissant plus que de
coeur humain, Granger a consumé sa vie
dans sa vengeance. Bête malade désormais
mourante, incapable de communiquer, il
tracera le mot Libre (stipulant la fin de son
calvaire).
Le Khaos qu’il catalyse croît alors en
intensité, déformant les végétaux dans
son alentour proche, exhumant du sol vers
et scolopendres, et façonnant insectes K.
Confrontés à cette fresque de nature morte
à présent animée, les Pjs pourront entendre
des gens s’approchant en courant.
FOR 2, DEX 2, CON 2, INT 2, SAG 1, CHA 1
PV 10, PE 1, AC° 1, DEP 2, DGT mêlée +2,
DGT tir +2
Compétences :
Discrétion (1) 5, Intimidation (2) 4, Mêlée
(1) 4, Perception (2) 5, Résistance (2) 5,
Survie (3) 6
Atouts :
Bulle K**, Cauchemar x5, Ombre du
Khaos x10, Récupération
Equipement :
Un poignard, Vêtements K ***
* Les caractéristiques de Lazare Granger
sont bien entendu tronquées. En effet, il
est ressorti affaibli de la Nouvelle Bastille
et une partie de ses compétences ont
été oubliée.
** Bulle K : du fait de sa connexion
spéciale avec le Khaos, Lazare est
entouré d’un champ Khaotique qui
influence son environnement.
*** Vêtements K : les loques que porte
Lazare lui confèrent la faculté de passer
à travers les murs (passe-muraille).
En effet, si les corbeaux K du prêtre
collaborant avec Pinel ont pisté les Pjs
jusqu’ici, le prêtre, sous bonne garde
dans son carrosse et à quelque distance,
dépêchera ses UA en direction du chaos
dont sont témoins les Pjs. L’arrivée des soldats
UA de Pinel peut précipiter les choses.
Granger succombe peu à peu, mais durant
son agonie, il s’opposera au mieux de ses
capacités à toutes tentatives pour le saisir.
Quoiqu’il advienne, affaibli, il finira par
succomber.
Les Pjs pourront alors s’emparer de son corps
qui ne possède plus de caractéristiques
particulières, ce qui n’est pas le cas des
vêtements... les Pjs doivent maintenant
décider du devenir de leurs découvertes.
Au final, si les Pjs décident de remplir leur
part du contrat auprès de Des Essarts, ils se
rendront sur le parvis de l’église St Vincent
en rive Nord.
Scène 10
la manoeuvre
de L’Éminence
Cette scène évoque la stratégie élaborée
par Des Essarts qui a pour objectif de
récupérer le corps, garder les lettres et
exécuter les Pjs. À charge aux Pjs de déjouer
ce plan.
Sur le parvis de l’église, un carrosse les
attend pour les conduire ailleurs jusque
dans la cour d’un hôtel particulier. Une
herse fermera alors l’accès canalisant la
scène des négociations. Un diacre (disciple
de Des Essarts et muni des lettres cachetées
authentiques) et 2 UA sortiront de l’hôtel. Le
diacre remettra les lettres et fera conduire le
corps à l’intérieur de l’édifice pour soi-disant
confirmation.
Si les Pjs les attaquent, 2 soldats en retrait dans
l’entrée anticiperont le lacher de 2 molosses
K. De toute façon, une fois à l’intérieur, le
diacre lâchera les 2 bêtes. Deux des gardes
seront chargés de récupérer les lettres et
éventuellement d’épauler les molosses.
Pour évacuer le corps, le diacre gagnera
dans le fond de la maison une porte
communicante qui donne sur un immeuble
accolé où un carrosse les attend.
Épilogue
L’issue de ce scénario implique divers degrés
de réussite, des conséquences variées et
importantes et plusieurs fins sont possibles...
notamment celle des Pjs...
• Les Pjs ont-ils récupéré les lettres?
• Qu’en est-il du corps? Des vêtements?
• Les relations futures entre le Cabinet des
Ombres et les Pjs vont-elles se détériorer?
• Le havre d’Esquirol a-t-il été découvert?
• Que va faire le Tribunal avec Pontivy?
Retrouvez les plans du Théâtre et du piège de
Des Essarts dans la section Téléchargements
sur www.lassemblee.org
Par Andy Taker et Erron Flyll
sur une idée de Vincent Ziec
LE CHEMIN DE CROIX DE LAZARE...
temporalité
victime
mot de Lazare
lieu
autres victimes
la veille au soir
un soldat
(geôlier)
Délivrance
près de la Nouvelle
Bastille (rive Nord)
un autre soldat
premier jour
(journée)
Millet
(soldat venu l’arrêter)
Colère
Auberge
(rive Nord)
une prostituée
premier jour
(journée)
Labeau
(soldat venu l’arrêter)
Haine
son domicile
(rive Sud)
--
premier jour
(soirée)
Médon (officier responsable de son arrestation)
Just (pour Justice)
Théâtre
un soldat de l’UA
sa compagne
deuxième jour
(matin)
Rempetit
(délateur)
Vengeance
à son domicile,
chez Lazare
--
deuxième jour
(après-midi)
Dambert
(juge)
Libre (écrit dans le parc)
au domicile du juge
--
70
les carnets de l’assemblée # 4
5
les carnets de l’assemblée
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