à l`épreuve - Les Brigades du Tigre
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à l`épreuve - Les Brigades du Tigre
édito L’ASSEMBLÉE studio de création 14, avenue du bois 62820 LIBERCOURT 03 62 90 80 08 http://www.lassemblee.org [email protected] Une infinité de possibles... et pourtant rien ne se passe jamais comme prévu, le futur déraille sans cesse. L’Homme est-il à ce point pris par la peur qu’il se refuse à imaginer un avenir, sinon radieux, au moins meilleur ? SOMMAIRE encres INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... LE JDR EXPLIQUÉ À MA COPINE 2. les dés . . . . . . . . NOCTURNE à ne pas lire la nuit... . . . . . . . . . . . . . . KANE la trilogie de Karl Edward Wagner . . . . . . . . . . . . C.O.P.S. Crash sur South Central • tome 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... ÉDITIONS JOHN DOE pleins feux sur un éditeur pas comme les autres . BASIC ROLEPLAYING la 4ème édition . . . . . . . . . . . . PROJECT : PELICAN les évadés d’alcatraz . . . . . . . . . . . LE GRIMOIRE interview success story . . . . . . . . . . . . . . LOUP SOLITAIRE le jdr dont vous êtes le héros . . . . . . . . . MANGA BOYZ lâchez la bride ! . . . . . . . . . . . . . . . HOLLOW EARTH EXPEDITION preview . . . . . . . . . . . . DES JEUX POUR DEUX spécial saint-valentin . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 10 11 12 14 14 15 16 à l’épreuve 4 4 5 5 Si l’on en croit l’écrasante majorité des univers imaginés par nos pairs, l’humanité est promise à une fin marquée par la déchéance et l’imperfection. Même les rares utopies tournent mal, et font du meilleur des mondes un endroit où il ne fait pas vraiment bon vivre. Les futurs sont par essence innombrables, mais sont-ils inévitablement imparfaits ? C’est en tout cas la question que nous nous sommes posée. Entre invasions, régimes totalitaires, rébellions, désastres écologiques et utopies déviantes, le panorama n’est pas glorieux, mais, après tout, ces futurs fantasmés ne sont-ils pas des reflets de nos passés mal digérés ? Quoi qu’il en soit, c’est maintenant là que nous vous emmenons. Vers l’infini, et au-delà... Julien De Jaeger DOSSIER FUTURS IMPARFAITS encres INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... à l’épreuve PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... CYBERPUNK : EDGERUNNER punk’s not dead ! . . . . . . DARK HERESY futurs croisés . . . . . . . . . . . . . . . BLACK BOOK EDITIONS interview . . . . . . . . . . . POLARIS 20 000 parties sous les mers . . . . . . . . . . . MUTANT CHRONICLES portrait d’une gamme . . . . . . . . R.O.B.O:T. moutons électriques . . . . . . . . . . . . . . . FUTURE ARMADA pour un décollage immédiat . . . . . . . NEUROSHIMA HEX ! never trust the machine . . . . . . boussoles AIDES DE JEU & SCÉNARIOS ... RÈGLEMENTS DE COMPTES SUR TCE12008 scénario . . . . . . . . générique SYLLA imperium et grands travaux . . . . . . . . . . . . . . GHOST STORIES histoires de fantômes chinois . . . . . . . . . . PANDÉMIE danger zone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ILLUMINATI le nouvel ordre ludique . . . . . . . . . . . . . . . FAMILYS histoires de famille . . . . . . . . . . . . . . . . . . FAISEURS D’UNIVERS la saga des hommes-dieux . . . . . . . . . PAGAMAS ne passez pas par la planche ! . . . . . . . . . . . boussoles . . . . . . . . . . . . . . . . 20 26 28 30 31 32 37 41 42 44 46 48 50 51 51 . . 52 . . . . . . . . . . . . . . 56 57 57 58 58 59 59 AIDES DE JEU & SCÉNARIOS ... UN SOIR AU TANGERINE DREAM BAR aide de jeu Hellywood . . . 60 QUARANTINE scénario Hellywood . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62 LE JUGEMENT DE LAZARE scénario Khaos 1795 . . . . . . . . . . . 65 rédacteur en chef : Julien De Jaeger rédacteurs : Stéphane “Dedjet” De Geiter, Olivier “Dr_Zombie” Camus, Christophe “Erron Flyll” Girard, Olivier “Andy Taker” Cossart, Julien “The Ju™” De Jaeger, Vincent “Gino” Ziec, Matthieu “Celewyr” Carbon, Yann Lefebvre, Sheol, Philippe Verdin, Julien “Narbeuh” Clément, Coral Beach, Johnsnow, Christian Grussi couverture : « Teddy », Pascal Quidault illustrations : Julien De Jaeger, Kevin Richard maquette : Julien De Jaeger responsable relectures & corrections : Christophe Girard responsable publicité : Olivier Camus responsable d’édition : Stéphane De Geiter trésorier : Pascal Caillet février 2009 LA FÊTE DU COCHON une nouvelle de Jean-Pierre Andrevon . . . FUTURS IMPARFAITS initiation à la dystopie . . . . . . . . . . . . . . . BIG BROTHER VS. NOTRE FORD la dystopie dans 1984 et le meilleur des mondes . PHILIP K. DICK futurs antérieurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . PLANCHES IMPARFAITES le futur dans des cases . . . . . . . . . . . . . VISIONS DE FUTURS INCERTAINS filmologie sélective . . . . . . . . . . BATTLESTAR GALACTICA fuir pour survivre . . . . . . . . . . . . . . . . les carnets de l’assemblée numéro quatre nos annonceurs & partenaires : Les Écuries d’Augias, Jeu Livre du Rêve, Trolls & Légendes, Éditions Sans Détour, Les Éditions Icare, Les XII Singes, Black Book Editions, CDS Éditions, Éditions John Doe, Le Grimoire, Nocturne, Oriflam, Gigamic, Asyncron Games, Pygmoo Game autres remerciements : Filosofia Games, Rafaël Verbiese, Erwan Gautier (Asmodée), l’Étoile du Jeu, Jeux du Monde, le Temple du Jeu, l’Œuf Cube, Rocambole, Coralie Lourme L’éditeur et la rédaction ne sont pas responsables des articles,qui n’engagent que leur auteur. Toutes les illustrations contenues dans ce magazine sont la propriété pleine et entière de leurs auteurs et éditeurs respectifs. Tous droits réservés. Toute reproduction, même partielle, est interdite, sauf accord écrit de l’éditeur. Si vous êtes éditeur, auteur, distributeur, studio de création, et que vous voulez voir vos productions chroniquées dans nos pages, n’hésitez pas à nous faire parvenir vos réalisations (sous format physique ou électronique) à l’adresse de la rédaction, ou à prendre contact avec nous par e-mail à carnets@ lassemblee.org Les exemplaires promotionnels ainsi réceptionnés ne seront pas retournés 3 les carnets de l’assemblée # 4 encres INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... le jdr expliqué à ma copine [ AIDE TA MOITIÉ À COMPRENDRE TA PASSION... MAIS PAS TROP ! ] E 2. LES DÉS (ex. : « c’est combien, déjà, le malus aux dés pour la décapitation ? » n bon rôliste qui se respecte, vous avez mis la charrue avant les bœufs. Comment pourrait-elle comprendre le jeu de rôle si elle ne comprend rien aux dés ? - Pour jouer, en général, il faut des dés... - Ouais comme aux petits chevaux, quoi, z’êtes des grands gamins, c’est tout ! - Ah non, non, rien à voir ! Nous on a des d4, d6, d8, d10, etc... - Des dé-quoi ? - Arf... des dés à 4 faces, 6 faces, 8 faces, tout ça quoi ! Tiens, regarde, ça ressemble à ça... Tout fier, vous lui exposez vos dés fétiches, ceux-là même qui ont terrassé votre tout premier dragon, annihilé trois corpos et repoussé les Grands Anciens, ces dés dont les chiffres commencent à s’effacer avec le temps, aah, que de bons moments passés avec ces... et soudain, horreur ! Jérémie V., 2002 - Hé ! Mais qu’est-ce que tu fais ? - Ben quoi, je joue avec, c’est fait pour, non ? - Gargl ! Pas touche, tu vas briser mon fluide ! - Et ils pouvaient pas faire ça avec des dés classiques ? Z’êtes compliqués, quand même... Oui, comme tout rôliste, vous êtes persuadé que vous avez un fluide particulier, que vos dés sont enchantés, et que si quiconque les manipule, le charme sera rompu... Finalement, elle a raison, vous êtes un grand gamin... Logique féminine implacable... Et si elle avait raison ? Du coup, vous hésitez à évoquer tous les différents systèmes de jeu, avant d’embrayer sur le complot international du consortium des fabricants de dés qui cherchent à faire main basse sur le monde... - Tiens, joue avec ceux-là, plutôt... Vous lui donnez votre set de dés de rechange, tout en décidant de trouver une cache secrète pour vos dés fétiches, on ne plaisante pas avec ces choses là ! Après quelques secondes, elle prend un air dubitatif. - Ouais, c’est marrant... Mais pourquoi faire autant de dés différents ? - Ben, tu vois, ça dépend des jeux, et pis ça reflète les différents niveaux de compétences... MAG - Ben alors ? Tu dis plus rien ? Le temps s’est figé... Tel un sphinx avec le maquillage en plus, elle vous a vaincu avec ses énigmes... Vite, trouver quelque chose pour reprendre le dessus... - Ça te dirait une partie de petits chevaux ? par Julien De Jaeger NOCTURNE À NE PAS LIRE LA NUIT... Nocturne est un fanzine francophone et participatif qui permet à de jeunes (mais talentueux) auteurs de diffuser leurs textes. Un zine littéraire comme il en existe plein d’autres. Sauf que Nocturne ne s’adresse pas à Mme Sansonnet, votre vieille voisine archi-retraitée qui recueille les chats du quartier et ne sort que pour aller à son tournoi de bridge tous les jeudis de 14h00 à 15h30. Non, Nocturne est un fanzine qui voue un culte à l’horreur et à l’épouvante. Ce thème est décliné de façons diverses selon les artistes. En effet, certains choisiront de s’exprimer par le biais de la littérature (nouvelle, poésie), d’autres au moyen d’illustrations. Les textes proposés oscillent entre une littérature gothique traditionnelle (comme celle de Jules Barbey d’Aurevilly) et des écrits plus contemporains. L’horreur et l’épouvante sont donc subjectives ou au contraire très explicites, mais leur point commun est de situer l’intrigue dans une ambiance dérangeante et malsaine. En plus des réalisations artistiques, Nocturne propose des analyses critiques d’œuvres littéraires et cinématographiques. Initialement distribué au Canada, Nocturne est désormais disponible en France. Le fanzine est publié au rythme de quatre numéros par an. Il est d’ailleurs en plein développement et le numéro 10 (oui, déjà 10 !) offre de nouvelles surprises à ses lecteurs. Inspiré par une toile de Danielle Delgrange (qui représente une femme à tête de chien), Michaël Moslonka débute un feuilleton littéraire qui se dévoilera au fur et à mesure des numéros. Il reprend ainsi à son compte la tradition des romans littéraires du XIXe siècle, comme l’avait fait avant lui, le maître du genre Stephen King dans la Ligne Verte. Le feuilleton s’écrit progressivement, ce qui fait que lecteurs et auteur suivent le récit au même rythme. L’histoire se déroule en 2095, dans un futur gothicpunk. Signalons également une intéressante initiative de l’illustrateur belge Bruno Laurent : le puzzle humain. À partir du numéro 11, les lecteurs découvriront une partie de crâne dans le fanzine. À chaque numéro, ils récupéreront 4 les carnets de l’assemblée # 4 un nouveau morceau. Ainsi, les lecteurs “ apprentis Frankenstein ” pourront recomposer l’œuvre originale de Bruno Laurent. Nocturne est donc un fanzine plein d’initiatives intéressantes. À découvrir. par Andy Taker Pour découvrir Nocturne, rejoignez leur site : http://www.geocities.com/nocturnefanzine INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... ROMANS encres KANE LA TRILOGIE DE KARL EDWARD WAGNER romans de Karl Edward Wagner édité par Denoël • Lunes D’Encre www.denoel.fr note : Quand on a fouiné pendant des années chez les bouquinistes, et dégotté certains “ Pulps ” introuvables, puis ouvert ces livres rares narrant les aventures violentes et épiques de héros que nous aimerions être, on ne s’attend plus à ce que ce genre d’ouvrage se rappelle à vous. Puis un jour la réédition d’un auteur réputé introuvable fait vibrer en vous la joie des souvenirs des nuits passées à dévorer “ Conan ” ou “ John Carter ”, la fièvre de la recherche en moins. “ Kane ” c’est “ Caïn ”, celui qui se révolte contre son créateur en devenant le premier meurtrier de l’histoire de l’humanité et qui se trouve condamné de ce fait à l’immortalité, à expier dans le mal sa terrible faute. C’est là l’idée novatrice de Kane car il n’a pas ce code que l’on retrouve si facilement chez les auteurs imprégnés de manichéisme qui ont une définition du mal implicitement basée sur des jugements judéo-chrétiens ; Kane prend ses références dans des sources bien plus anciennes, comme la mythologie grecque. L’idée du destin, par exemple, est un des fils conducteurs, Kane est immortel, c’est un guerrier invincible, un érudit, amateur de sciences occultes, il possède une ambition dévorante et une expérience à laquelle nul mortel ne pourrait prétendre. Cependant, comme on le voit dans les trois romans (La pierre de sang, La croisade des ténèbres et Le château d’Outrenuit) Kane, bien qu’entraînant BD une suite de massacres et de destructions dignes d’un “armaguédon” se retrouve toujours à son point de départ ; seul et errant, poursuivi par la haine des hommes. Kane doit constamment s’inféoder pour un temps à des puissances qu’il croit pouvoir maîtriser, mais sur lesquelles il n’a en fait aucune prise véritable. Ses actes “maléfiques” ne sont que les fruits de la nécessité. Kane n’est pas un sage. Il est lui-même tenu de se plier, malgré son immortalité, aux lois qui régissent son univers, et il en paye toujours le prix. Tôt ou tard, Kane devra se révolter contre son maître, ou sa maîtresse… Evénement qu’il prévoyait de toute façon, car, comme tout personnage à l’ego démesuré, il n’aime pas partager le pouvoir. Son pacte le plus effroyable fut conclu avec Efrel, une reine sorcière au destin tragique, emportée sur des kilomètres par un taureau furieux. Efrel qui fut si belle eut le corps détruit. Elle survécut, mais en conserva de terribles stigmates tant physiques que psychologiques, et des désirs très humains. Kane, pour obtenir le pouvoir devra s’abaisser au rang de laquais et se livrer à de sordides querelles de palais. Dans les romans, Kane est certes le personnage principal, mais il semble difficile de s’identifier à lui, tant il est monolithique. Ce sont les personnages secondaires comme Térès ou Dribeck dans “Pierre de sang” ou encore les amants maudits du “Château d’Outrenuit” qui nous attachent vraiment au récit. Ils sont entraînés dans des événements sanglants dont ils sont les victimes. Même si pour un temps ils se retrouvent alliés à Kane, ils n’en sont en définitive que les malheureux jouets. Mais si on analyse l’ensemble des trois romans, Kane est lui-même manipulé et finit par tout perdre, c’est là où son immortalité perd tout son sens, il n’y gagne rien. Ses passions finissent par se flétrir, les femmes dont il pourrait s’éprendre meurent ou le trahissent, son pouvoir, bien que considérable, est limité à de mystérieux complots qui ne le grandissent pas. C’est dans les nouvelles que l’humanité de Kane nous apparaît vraiment, soit sous forme de contes très bien écrits, ou de nouvelles d’action très proches de ce que l’on pouvait trouver chez Howard ou Lovecraft, surtout dans la manière de construire un récit ; dans l’urgence. Ce qui donne des écrits très efficaces et marquants, mais qui sentent parfois l’inachevé comme dans “La muse obscure”, qui aurait pu être un chef-d’œuvre si l’auteur ne s’était pas arrêté en si bon chemin. Dommage. Les nouvelles sont assez courtes, comme des photographies prises à un moment donné de la vie de Kane, et sont associées à des événements mineurs, mais qui décrivent bien l’univers dans lequel il évolue. Il devient, grâce à son statut d’immortel, témoin et acteur des contes populaires de son monde. C’est ainsi que nous revenons au mythe de l’immortalité ; elle ne nous confère pas plus de pouvoir qu’aux simples mortels, mais nous laisse témoins désabusés de leurs vaines ambitions. Et de la triste répétition de nos propre erreurs… “ Tu n’as rien gagné Kane, tu as survécu, c’est tout. ” Je conseille donc la lecture des deux volumes déjà sortis aux amateurs des “anciens”, plusieurs scènes édifiantes et particulièrement cyniques raviront les plus blasés. Pour ce qui est du reste, nuits blanches assurées pour les lecteurs de vieux “Pulps”. par Philippe Verdin C.O.P.S. TOME 2 : CRASH SUR SOUTH CENTRAL scénario de Marc Sautriot dessins d’Antonio Sarchione édité par Delcourt - collection Neopolis http://cops.editions-delcourt.fr note : Suite et fin pour C.O.P.S. en BD et son Crash sur South Central ; neutralisé par Le Rasqual, le rookie Greg Colinas émerge seul, sans arme, au beau milieu de la zone de nondroit. La fille du millionnaire McAdam, dont il devait retrouver la trace, est sous le joug d’un proxénète qui a asservi celle-ci grâce aux drogues synthétiques. Au Central du COPS, les collègues s’activent pour engager la mission d’extraction de leur camarade... Les coulisses de cette affaire sont enfin dévoilées dans ce tome, avec une intrigue qui subodorait l’implication des hautes sphères californiennes dans le premier opus. semblant vouloir nous dire qu’il y a bien plus à développer. Espérons que Marc Sautriot n’en restera pas là et que les éditions Delcourt lui offriront l’opportunité d’une nouvelle saison en BD. On en redemande ! par Olivier Camus Ce final est résolument très adulte (enjeux manichéens et politiques, scènes de sexe, conflits de juridictions, ...) mais qui d’un autre côté éclipse un peu le développement cyberpunk de l’univers du jeu de rôle, que l’on ne présente plus, au détriment d’un scénario digne d’un très bon polar/actioner d’Hollywood. Un tome très dense et compact, 5 les carnets de l’assemblée # 4 à l’épreuve PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... EMMANUEL GHARBI éditions JOHN DOE Le jeu de rôles n’est pas si moribond, il avait simplement besoin d’une bonne tape au cul ! En France, c’est indéniablement le laboratoire des éditions John Doe qui aura permis d’insuffler un violent et efficace électrochoc à notre hobby préféré, que certains continuent tout de même de vouloir enterrer vif. Les effets bénéfiques de prescriptions telles qu’Hellywood, Patient 13, Mantel d’Acier ou encore la standardisation du générique dK System confirment cet éditeur sur sa lancée et lui offre l’opportunité d’une ordonnance chargée pour l’avenir, avec notamment l’imminent remake de Bloodlust. Consultation obligatoire auprès du Médecin-Chef Gharbi... Les éditions John Doe se caractérisent notamment par l’unicité des formats de ses manuels de jeu. Etes-vous arrivés à un format idéal ? Croyez-vous que les énormes pavés de règles peuvent encore intéresser les MJ actuels ? Emmanuel Gharbi : Dire que notre format est “ idéal ” serait sans doute un peu présomptueux. Pour tout dire, il a autant de supporters que de détracteurs. Ce qui est sûr, c’est qu’il correspond vraiment à nos envies : compact, facile à transporter, aisé à lire. Mais pour autant, il ne s’agit pas d’une prise de position militante : les pavés de règles ont leur public, nous ne les dénigrons pas et nous-mêmes, nous ne nous interdisons rien. Il se peut donc que le format John Doe évolue avec le temps ou que certains projets se voient dotés d’un format différent du reste de la gamme si cela s’avère nécessaire. D’ailleurs, il faut bien avouer que nous n’avons pas vraiment respecté notre position initiale de “ jeu court ” : on en met toujours un peu plus dedans ! Nous avons parfois du mal à restreindre le signage et tous nos bouquins jusqu’ici ont été remplis à ras-bord… De toute façon, il en faut pour tous les goûts et nous aimerions aussi bosser sur des gammes “ classiques ”, à livre de base conséquent et lignée de suppléments : Bloodlust va d’ailleurs dans ce sens. On sait que le sujet de la “ mort du JdR ” vous interpelle profondément. Il n’y a jamais eu autant de JdR, autant de créativité et autant d’éditeurs qu’à ce jour. Alors où se situe le problème ? [i n t e r v i e w ] Hellywood ••• dK2 ••• Pour Râler Moins et Jouer Plus ! Pour moi, il n’y a aucun problème ! Nos slogans sur le sujet, un peu agressifs, relèvent en fait de la boutade, en réaction à ce qui semble revenir régulièrement sur les forums de discussion et qui voudrait que nous vivions les derniers moments de notre loisir. Nous ne croyons pas du tout à la mort du JdR mais nous ne croyons pas non plus au mirage de la massification de ce loisir. Comme tous les loisirs à fort investissement de temps et d’argent, il restera un loisir de niche. Nous pensons aussi que le passé a souvent été idéalisé. On a toujours vu des boîtes se lancer avant d’arrêter le JdR ou de disparaître, ça n’a rien de nouveau. Ce qu’on voit aujourd’hui, en réalité, c’est un secteur de niche, c’est vrai, mais en pleine activité. De nouveaux éditeurs qui expérimentent, d’autres plus établis qui continuent à sortir des produits d’excellente qualité. On dispose d’une offre toujours renouvelée, qu’il s’agisse de création française ou de traduction. Chaque éditeur a sa personnalité mais alimente cette offre par sa sensibilité et les joueurs ont donc du choix. Je trouve que c’est plutôt pas mal pour un moribond. Est-ce que trop de jeux tueraient le jeu ? Je ne le pense pas, bien au contraire. Plus il y a de jeux, plus les étagères consacrées au JdR seront larges dans les boutiques. L’émulation est toujours bonne. Il y a tellement de manières différentes de jouer, de types d’univers à explorer, de parti-pris éditoriaux possibles. On n’est pas près d’en voir le bout ! Et même si le JdR mourrait commercialement, il serait toujours pratiqué sous une forme ou une autre. On assiste actuellement aux retours de locomotives telles que Dungeons & Dragons, L’Appel de Cthulhu ou encore Warhammer 40K. Croyez-vous que les éditeurs plus petits vont pouvoir profiter prochainement du 6 les carnets de l’assemblée # 4 interview ••• sillage laissé par le succès de ces machines de guerre ? Est-ce que grâce à elles le JdR va pouvoir trouver un nouvel élan ? Savoir si le succès de ces leaders rejaillira directement sur d’autres JdR, c’est difficile à dire. On sait très bien, par exemple, que certains jouent à D&D et à rien d’autre. Mais pour autant, certains joueurs seront peut-être aiguillonnés par la curiosité et chercheront à varier les expériences de jeu. Naturellement, il y a des locomotives inamovibles mais elles sont nécessaires, font du bien et donnent de la visibilité. Plus il y a de visibilité, mieux cela vaut. Pouvez-vous nous en dire plus sur la sortie tant espérée de Bloodlust Metal ? Vous avez choisi d’en faire plutôt un remake qu’une simple nouvelle édition ? Le parti-pris a été en effet de proposer une nouvelle vision du monde de Tanaephis. Le même univers vu par d’autres yeux et une sensibilité différente. C’est pourquoi les auteurs parlent plus volontiers de remake que de seconde édition. Les mêmes ingrédients de base mais sans doute un autre goût à l’arrivée. Forcément, si certains fans vont aimer cette nouvelle vision des choses, d’autres vont détester, c’est inévitable. Tous ceux qui ont aimé Bloodlust se sont sans doute construits mentalement “ leur ” nouvelle édition idéale et quoi que nous fassions, nous aurions tapé à côté. Plutôt que de chercher à coller à tout prix à ce que l’on pouvait imaginer des attentes des fans – ambition illusoire – les auteurs ont donc livré, en toute humilité, leur Bloodlust. Naturellement, cet univers est toujours sauvage, dantesque et dangereux ! À cela s’ajoute un système de jeu entièrement original, baptisé Metal, qui ne reprend rien du système d’origine. Nous avons passé énormément de temps à le calibrer. Enfin, tout cela est mis en images à l’épreuve PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... par Christophe Swal, avec qui nous sommes ravis de pouvoir travailler. Quelle sera votre ligne éditoriale concernant le jeu ? Dans un premier temps, allez-vous rééditer les suppléments ou proposerez-vous du contenu inédit ? Un écran sera proposé aux meneurs de jeu peu après la sortie du livre de base. Une grande campagne est aussi prévue dans la foulée et en réalité, elle est d’ores et déjà en cours de développement, en parallèle du livre de base. Ensuite, d’autres suppléments sont prévus mais il est un peu trop tôt pour les annoncer. Toutefois, tout le contenu que nous éditerons sera inédit. Il n’y aura aucune réédition des ouvrages originaux. C’est toujours tentant de prolonger l’existence d’un univers de jeu, mais les DOA ont vraiment été conçus pour être autosuffisants. Le principe d’avoir une campagne dans le bouquin – même s’il s‘agit d’une série de synopsis dont le MJ aura la charge de détailler et d’adapter à son groupe – rend à notre sens le produit vraiment utilisable seul. Bien sûr, on peut toujours étendre, ajouter du matériel, des aventures… Mais il faut être sûr que ce qu’on a à dire vaut le coup, se tient, et qu’il ne s’agit pas juste d’allonger la sauce. Nous préférons continuer à développer la gamme dans son ensemble et offrir aux meneurs de nouveaux univers à explorer. « Si l’on veut que le JdR soit considéré comme un média adulte, il faut aussi accepter des œuvres un peu plus dures, traitant de sujets plus dérangeants. » Comment réagissez-vous à la controverse autour du thème de Patient 13 ? Certains évoquent la mise en danger de notre hobby par l’image subversive portée par ce JdR… Oh, cette controverse est restée assez confidentielle, ça va. Mais c’est vrai que nous avons reçu quelques courriers un peu virulents, qui ont surtout bien fait rigoler l’auteur de Patient 13, Yno, au point qu’il en a gardé un comme signature de forum ! Franchement, rien de sérieux. Patient 13, en plus, n’est ni spécialement subversif, ni particulièrement insoutenable. Il est certain qu’il s’adresse à un public plutôt adulte mais cela est précisé. Soutenir que cela met en danger l’image du JdR, c’est à mon avis prendre les lecteurs pour des imbéciles. Il y a longtemps qu’on sait que le jeu de rôle ne transforme pas les adolescents en dépressifs suicidaires ! Et puis, si l’on veut que le JdR soit considéré comme un média adulte, il faut aussi accepter des œuvres un peu plus dures, traitant de sujets plus dérangeants. Est-ce que c’est la raison qui a provoqué ce grand silence suite à sa parution ? N’y aurat il donc aucun suivi de gamme pour cet univers ? Patient 13 fait partie de notre gamme DOA (Dead on Arrival), des jeux tout en un qui ne sont pas prévus pour avoir un suivi. Dès le départ, il n’a donc pas été question de publier des suppléments à un ouvrage qui se suffisait à lui-même. Les quelques réactions offensées n’ont été pour rien dans ce fait. D’ailleurs, nous espérons prochainement travailler à nouveau avec Yno ! Sinon, les forums autour de P13 ont été plutôt actifs : il y a eu beaucoup de créations personnelles, de nouveaux PNJ, d’aides de jeux ou de scénarios. Certains de vos jeux faisant partie de la gamme D.O.A ont eu un très bon retour des joueurs. Est-ce que ça ne vous incite pas à faire évoluer la gamme en sortant un supplément ? À propos du dK System, on a pu voir son utilisation faite notamment et officiellement sur Khaos 1795, un JdR d’un autre éditeur (les XII Singes) ; le tirage épuisé de sa première version confirme également son succès. Quel bilan tirez-vous de votre système maison ? Et êtes-vous d’accord pour dire qu’il est en passe de devenir un standard en France ? Difficile de dire s’il s’impose comme un standard. Je pense plutôt qu’il est maintenant reconnu et se pose en alternative, dès lors qu’on cherche un système rapide à mettre en place et orienté “ aventure ”. Nous l’avons toujours dit, le dK n’est pas adapté à toutes les ambiances. C’est aussi un système assez orienté “ bidouilleur ”, c’est cette modularité qui fait son charme mais qui du coup ne lui permettra sans doute pas de devenir un véritable standard. Quant à notre bilan, il est très positif. Tout d’abord, la première version a vu son tirage épuisé plus vite que nous ne le pensions. Ensuite, c’est surtout la communauté qui s’est rassemblée autour du système qui nous a bluffé et convaincu de publier une nouvelle édition plutôt que de faire un simple retirage. Le dK est en effet vivant, des tas d’options ont été proposées, le système est parti dans des directions inattendues et excitantes, et retirer le jeu à l’identique aurait été un non-sens. Bien sûr, voir le dK utilisé comme moteur du jeu d’un autre éditeur, comme Khaos 1795, c’est un peu la consécration. Ça prouve qu’il est comme ses papas l’ont voulu, pratique et modulaire. Votre prochain jeu au format D.O.A, Warsaw, est prévu pour avril 2009. Le jeu sera une uchronie où la première guerre mondiale ne s’est jamais arrêtée et dure depuis plus de 50 ans. Pouvez-vous nous présenter un peu plus ce projet ? mon sens, il a vraiment mis l’accent sur cet aspect. Ça se traduit bien sûr dans le système de jeu, signé Willy Favre, où il faudra doser ses prises de risques, tenir compte de sa fatigue, gérer le stress engendré par la violence, les privations, la tension permanente. Le personnage s’effondrera-t-il ou au contraire réussira-t-il à s’endurcir, au risque de perdre son humanité ? L’ambiance est donc assez étouffante, et mature une fois de plus. Un jeu très urbain, c’est aussi ce qui m’a séduit. Graphiquement, c’est l’équipe de Patient 13 qui a été réunie et l’écriture du jeu sera originale, déclinée comme un carnet de voyage dans cette ville martyrisée… Votre actualité ne s’arrête pas là, puisque vous avez annoncé également Tenga, un jeu de samouraï se déroulant dans le Japon du XVIème siècle. Là encore, que pouvez-vous nous dire sur ce projet très alléchant ? Nous avons été emballés par la note d’intention de Jérôme “ Brand ” Larré et les parties de test que nous avons faites nous ont conforté dans l’idée que Tenga sera vraiment un jeu à part, passionnant et déroutant. Tout ce qu’on aime ! Pour ma part, je ne me sens pas vraiment attiré par le “ Japon rôliste ”, comme il est très souvent mis en scène, avec ses castes caricaturales, ses classes de personnages restrictives, son code de l’honneur envahissant. Avec Tenga, j’ai découvert quelque chose de plus excitant : il y a un monde, une société dans toute sa complexité au delà des intrigues de cour parfois stéréotypées des samouraïs. Nous travaillons actuellement avec Brand pour affiner le format du livre et son contenu. Il y a encore du travail, le jeu n’est prévu que pour le dernier trimestre 2009. En plus de vos sorties régulières, vous proposez également à vos joueurs Body Bag. Un zine gratuit au format pdf qui enrichit l’univers de vos jeux au travers des aides de jeu et des scénarios. Après quelques numéros, quel bilan faites-vous sur cette initiative ? Que sortir un périodique, c’est épuisant, mais je ne vous apprends rien ! Sans surprise, rattrapés par les projets papier, nous n’avons pas pu tenir le rythme après 4 numéros quasi mensuels. Mais nous nous sommes fait plaisir, et apparemment aux lecteurs aussi vu les retours, c’est l’essentiel. C’est le côté positif du bilan, Body Bag a créé un lien et mine de rien, le prochain opus est réclamé. Body Bag reviendra, c’est sûr, dès que nous trouverons un peu de temps. propos recueillis par Olivier Camus & Vincent Ziec http://johndoe-rpg.org C’est un univers sombre, violent et désespéré de guérilla urbaine, où la survie est l’enjeu quotidien et la seule réelle préoccupation des personnages. L’auteur, Julien Heylbroeck, vous en parlerait bien mieux que moi mais à 7 les carnets de l’assemblée # 4 JDR à l’épreuve PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... HELLYWOOD L’ŒUVRE AU NOIR jeu de rôle d’Emmanuel Gharbi édité par les Éditions John Doe note : Jusqu’à présent, en dehors de quelques jeux anglo-saxons joués en France par 1D6-1 personnes (Noir RPG, Bloodshadows…), il n’existait pas de jeu de rôles permettant de s’immerger dans l’ambiance du genre Noir, celui des romans de Raymond Chandler (Le grand sommeil) ou de Dashiell Hammett (Le faucon maltais) ou encore celui des films avec l’inoubliable Humphrey Bogart. Dans ces histoires, en général, on suit des (anti-)héros qui ne comprennent rien à l’intrigue très complexe dans laquelle ils sont plongés en dehors du fait qu’ils vont devoir se ramasser un maximum de bourre-pifs que, du coup, ils s’empresseront de redistribuer avec les intérêts. Ah, vous aussi vous avez reconnu votre habituel groupe de joueurs ? Un jeu français de qualité était donc vivement attendu pour pouvoir exploiter cette troublante similitude. Grâce à Emmanuel Gharbi (Môôôsieur Exil) et au dynamique éditeur John Doe, c’est désormais chose faite et sans doute même au-delà de ce qu’on pouvait espérer. Le phénomène s’appelle donc Hellywood et se présente sous la forme d’un livre de 224 pages au format John Doe (un peu plus grand qu’un A5). Si la couverture ne brille pas par son originalité, la présentation du livre est sobre, très lisible et émaillée de dessins assez nombreux mais hélas, format oblige, trop petits. Comme il se doit chez cet éditeur, l’ouvrage est très complet et comporte absolument tout ce qu’il faut pour jouer sans tarder (d’où sans doute le célèbre slogan : Just Doe it…) : un système de jeu original et bien adapté au thème, une description minutieuse du genre Noir et de sa transposition en jeu de rôles, 2 scénarios et même, tenez-vous bien… une centaine de pages consacrées à la description de Heaven Harbor, la ville où se dérouleront les aventures de vos personnages. Le tout pour une trentaine d’euros, le rapport qualité/prix est exceptionnel. Stop, arrêtez tout de suite de pester contre Google Earth : non, vous ne pourrez pas y localiser Heaven Harbor. Cette dernière est une ville semi-imaginaire. C’était aussi ce biais qui était utilisé dans Noir RPG et cela semble très bien convenir au genre où tout se passe dans LA ville plutôt que dans UNE ville. À vrai dire, même si sa description est aussi l’occasion de faire la connaissance d’une centaine de PNJs importants, la ville est plus qu’un décor. C’est le personnage principal de l’univers de jeu et la place qui lui est consacrée (la moitié du livre) se justifie pleinement. Sa découverte se fait aisément car, bien loin de la description bâtiment par bâtiment (“ là, vous avez une crémerie ”), on arpente les rues de Heaven Harbor en suivant les pas d’un narrateur. Hellywood, un peu à la manière du livre de base de Crimes, prend donc l’allure d’un récit subjectif. On sait que cela ne donne pas les meilleurs résultats pour retrouver les infos dont vous aurez besoin en cours de jeu mais ici cela s’impose tant le genre exploré est littéraire. Pour vous en sortir, mémorisez d’abord très bien le «digest» de 10 pages sur la ville qui se trouve au début du manuel avant de vous lancer dans le reste. Une autre astuce : imprimez le tableau synthétique des PNJs dispo en PDF sur le site dédié au jeu*. Au détour du récit, tout à coup, un doute étreint le cœur du puriste… eh, c’est quoi ces trucs avec des cornes et des ailes ? Eh oui, Hellywood, comme son nom le laissait 8 les carnets de l’assemblée # 4 deviner, propose un genre Noir légèrement épicé d’un soupçon de fantastique. Tarte à la crème rôlistique ou vraie bonne idée ? Même si vous n’êtes pas totalement convaincu par l’utilité impérieuse de l’introduction du fantastique dans tout ce qui concerne les D20 et les pizzas froides, vous constaterez qu’ici, c’est franchement fait avec goût et intelligence (Monsieur Exil je vous dis...). OK, il y a des démons mais on ne les invoque pas en claquant des doigts. Oui, il y a aussi d’autres “ monstres ” mais ils sont en très petits nombres : golems, séraphins, succubes et basta. Et non, il n’y a pas de mafieux aux oreilles pointues ou de détectives privés à longue barbe préférant la bière au scotch. Ont été exploités seulement et uniquement les thèmes fantastiques qui recoupent les thèmes du genre Noir. Par exemple, celui du pacte démoniaque, de la corruption ou encore la figure des succubes plus ou moins assimilées aux Femmes Fatales. Au final, le fantastique enrichit l’univers de Hellywood sans dénaturer le genre Noir. Au pire, un puriste pourra sans peine supprimer les allusions fantastiques et conserver 90 % de l’intérêt du livre. Puristes et béotiens se retrouveront de toutes façons lorsque viendra le moment de découvrir le système de jeu. Léger et original, dans un style disons semi-narratif (qui prend systématiquement en compte les spécificités de l’univers mais pas prise de tête pour autant), il propose un excellent codage du genre Noir. La création de personnage autour de la notion de Nature (trait de caractère ou d’identité comme femme fatale, alcoolo, loser, révolté... il n’y en a pas moins de 35 ! ), la mise en avant de caractéristiques très typées (Trogne, Punch, Mojo, ...) ou encore des petits dispositifs comme les Fuckin’ Bastard Points (sorte de points d’antihéroïsme qui permettent de recevoir momentanément un coup de pouce du destin avant que celui-ci ne vous revienne en pleine gueule) ou encore la “ roulette russe ” (qui permet de tenter le tout pour le tout au péril de sa vie)… toutes ces briques forment un ensemble cohérent, complet et accessible. Sur ce dernier point, on regrettera à l’épreuve PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... simplement que le moteur de jeu repose sur les règles du craps, un jeu de dés de voyous américains (paraît-il…). Dans nos contrées de coincheurs et autres joueurs de belotes, personne ne le connaît, ce qui ajoute peu à l’ambiance. Il reste, du coup, un test de dés pour le moins peu intuitif : avec 2D6 ; sur un 7 ou 11, gagné, 2,3 ou 12, perdu… Il y a encore un peu de place dans ce petit livre bourré jusqu’à la gueule : la description d’une agence de détectives pouvant fournir du boulot à vos PJs, deux scénarios et, surtout, une bonne vingtaine de pages de conseils et de sources d’inspirations commentées pour vous aider à donner à vos parties un vrai parfum Noir. Un boulot de synthèse vraiment remarquable. L’aventure Hellywood ne s’arrête pas là puisque le jeu a le bon goût d’être le premier jeu estampillé JD à être doté d’une gamme de suppléments. Vous pouvez déjà vous jeter sur l’écran et son livret (14 euros). Bien sûr, format John Doe oblige, c’est un écran petit format mais il est solide, en 4 volets et le côté MJ (Voix Off en fait dans Hellywood…) fera parfaitement JDR son office. Il est accompagné d’un petit livret que les auteurs ont rempli de pleins de bonnes choses qui, sans doute, ne tenaient plus dans le livre de base : errata, séquelles, une quinzaine de contacts, des précisions indispensables sur les invocations et négociations avec les Démons et, surtout, deux nouveaux scénarios. Dans les premiers mois de 2009, on devrait aussi découvrir la campagne qui, sans doute, nous permettra de pleinement exploiter la richesse du background de Heaven Harbor. Vous n’aurez alors plus aucune excuse pour ne pas enfiler sur-le-champ un imper mastic, faire glisser sur votre front un chapeau mou, planquer un calibre dans votre holster d’épaule et aller affronter les mystères du monde de Hellywood. par Julien Clément *http://emmanuel.gharbi.free.fr/wordpress/ dK2 SYSTEM + LE BESTIAIRE MONSTRUEUX système de jeu de rôle générique de Eric Neudian et John Grümph édité par les Éditions John Doe note : La seconde édition du dK System ne s’est pas faite attendre, un an après la sortie de son édition originale désormais épuisée, les éditions John Doe nous livrent ici une version revue, corrigée et agrémentée des conseils avisés de sa communauté de joueurs. Eric Nieudan en est le papa, John Grümph, la baby-sitter qui continue d’assurer l’évolution de cette fabuleuse boîte à outils pour MJ en mal de moteur de règles. L’idée de génie : le dK ajoute une dimension ludique supplémentaire, qui n’entrave en rien le déroulement d’un scénario ou le rythme de l’action, avec les dKrâsses ; une réserve de d6 dont seuls les résultats 3 et 6 sont comptabilisés et ajoutés au jet traditionnel du d20. Cette réserve commune aux joueurs est alimentée par le MJ lorsque ce dernier décide d’en user ou par les PJ eux-mêmes avec un nombre initial octroyé à chaque début de séance. Le manuel se découpe en trois grandes parties : le dKool, les Atouts, le dKrunch. Le dKool, ou règles de bases, se pratique avec ou sans niveaux et XP. Il reprend les grandes lignes du d20 System (Dungeons & Dragons) et son jet de d20 + attribut ou compétence. Les Atouts sont ensuite l’autre mamelle du dK System avec tout un chapitre bien fourni, les classifiant par thème. Une véritable compilation d’expérience rôlistique au service du background des personnages. La partie dKrunch regroupe, quant à elle, les règles optionnelles et avancées dites “ à virgule flottante ”. L’écriture est ici détendue et agréable à suivre, contrant ainsi le côté encyclopédique et rébarbatif des corpus de règles traditionnels. Au rayon des nouveautés, on notera surtout la notion d’habillage (dépenser 1D6 PE pour aider votre jet de dé à l’aide d’une autre compétence. Par exemple : Utiliser psychologie pour habiller son jet de bluff face à un adversaire de Poker). Cette notion est énorme et offre plein de possibilités de jeux ! Et le DK2 est gavé de petites choses comme celle-ci. Sachez aussi que le DK2 est compatible à 90% avec le DKSystem (la gestion de la magie change par exemple). Seul petit point négatif, la maquette chaotique, ou plutôt trop ambitieuse pour ce petit format, où il est difficile de s’y retrouver rapidement. Le succès de la première édition, son application à divers univers officiels et son recyclage effectué par un autre éditeur pour Khaos 1795 (les XII Singes) confirme son statut de nouveau standard de règles francophone. Le Bestiaire Monstrueux & autres miscellanées cryptozoologiques, bien que petit (seulement 66 pages), est très très costaud. Les descriptions des bébêtes à tuer reprennent ici toute la substantifique moelle du dK : simples, originales et directes. Plutôt orienté med-fan, ce livret est l’idéal compagnon du corpus de règles. C’est tout de même pas moins de 82 sales trognes, illustrées par Greg Lowfé, de toutes tailles, de tous niveaux, mais surtout affublées de détails croustillants qui donneront à tout MJ en mal de barnum l’occasion de combler sa ménagerie anti-PJ. par Olivier Camus & Vincent Ziec 9 les carnets de l’assemblée # 4 à l’épreuve JDR PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... BASIC ROLEPLAYING LA QUATRIÈME ÉDITION système de jeu de rôle (en anglais) de Greg Stafford, Lynn Willis, Sandy Petersen, Steve Perrin, ... édité par Chaosium http://www.chaosium.com note : Quatrième et ultime édition du système BaSIC créé par Chaosium (L’Appel de Cthulhu, Elric, RuneQuest, Hawkmoon, Nephilim, ...), le BRP fait peau neuve grâce à la sortie de cet énorme pavé de 400 pages. On est donc bien loin du minuscule fascicule de 20 pages publié en 2002, qui n’était qu’une extraction des pages à peine remaniées du système que l’on trouvait inclus dans le manuel de base de L’Appel de Cthulhu. Désormais, toutes les règles sont ici compilées accompagnées d’une liste exhaustive d’idée de settings d’univers et d’un bestiaire de monstruosités classiques. L’ensemble des compétences est enfin regroupé clairement, une partie Powers synthétise les principaux domaines de pouvoirs : magie, sorcellerie, psioniques, super-pouvoirs, mutations, ... Suivent une section Combat détaillée et surtout un ensemble de règles optionnelles regroupées au sein d’une rubrique dédiée. Clarté et cohérence sont au rendez-vous, indéniablement, mais la qualité de la forme pèche malgré tout par son passéisme très marqué “ années 80 ”. Nous sommes ici sur un gros pavé noir et blanc aux illustrations très datées et disparates. Malgré tout, cette édition se révèle être définitive et tout à fait aboutie. Et comme conseillé dans notre dossier comparatif des systèmes génériques (cf. Les Carnets de l’Assemblée n°3), BaSIC reste notre système fétiche pour de multiples raisons, dont celle d’être facilement intuitif, accessible, adaptable et maîtrisable. On vous le recommande une nouvelle fois. par Olivier Camus 10 les carnets de l’assemblée # 4 à l’épreuve PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... JDR PROJECT : PELICAN LES ÉVADÉS D’ALCATRAZ jeu de rôle de Fabien « Fablyrr » Fernandez édité par CDS Éditions • collection Hypericum www.cds-editions.com note : Le réalisme du contexte et le traitement mature du chapitre sur les drogues, les modes de vie, la guerre nous plongent dans l’atmosphère de l’époque, dont l’historicité développe l’ambiance du jeu. Ces sections sont essentielles afin de saisir la quintessence de cette époque aux USA, divisée par la guerre du Vietnam, les assassinats politiques, les conflits raciaux... « Ne te laisse pas distraire par le vacarme des hommes, par leur quête insatisfaite, désordonnée Ils sont comme l’animal emprisonné dans l’enclos, qui tourne sans comprendre et cherche une issue qui n’existe pas » - Sagesse Amérindienne « Choisis bien tes mots, car ce sont eux qui créent le monde qui t’entoure » - Pensée Navajo 1971. Pour le meilleur et le pire aux USA. À cette époque, les amérindiens tentent de faire valoir leurs droits auprès du gouvernement et dans la société. Focus de ce mouvement libertaire: l’île d’Alcatraz où s’est établie une communauté vivace qui mène cette bataille pacifique, et symbolise finalement la préservation de toute Dignité. Les joueurs incarnent des natifs amérindiens qui à un moment ont rejoint cette communauté afin de faire survivre leur différence, préserver leurs origines tribales, ou avoir enfin une place. Dans ce jeu, il est question de minorité face à la multitude, de singularité face à l’uniformisation du monde. D’une traque. Voici le point de départ du Project : Pelican dont l’ambiance entremêle spiritualité, complots et horreur sourde. Émaillées de citations de personnalités amérindiennes, d’écrivains, poètes, chanteurs, et politiciens de l’époque, la présentation du cadre, les thématiques, et les sections du contexte (époque, société, tribus) sont bien documentées et plaisantes. S’y reflètent les deux visages des 70’s, rythmées par une créativité artistique et musicale effrénée, mais également nourries par la substance des contradictions de l’époque, de ses colères, d’une Amérique difficilement progressiste et tolérante. L’âme du jeu, délicieusement musicale et éminemment narrative, encourage une interprétation introspective des personnages où libre arbitre et conscience font parties intégrantes de la dramaturgie du jeu. La conceptualisation des personnages pourra déconcerter les joueurs cherchant à créer un personnage appartenant à une faction précise comme dans d’autres JdR, car ici le choix n’est pas archétypal ou clivé mais tribal et social. Le moteur exclusif du jeu, le Systotem, évoquera en esprit aux aficionados du Monde des Ténèbres, le système White Wolf, privilégiant l’interprétation et la narration. Les 8 esprits-totems (coyote, aigle, ours...) regroupent une combinaison des caractéristiques des PJs. Le principe technique de base s’établit sur un jet de caractéristique+nombre de dés octroyés par la compétence+1dé, le total devant surpasser un seuil de difficulté. À cela, le système ajoute bien sûr diverses déclinaisons et variations. Ainsi, la règle d’encaissement des dommages est intéressante : même si les personnages absorbent les coups, leur corps se fatigue et il devient plus ardu de supporter les coups ou blessures suivantes. À noter qu’une série de synopsis élaborés succède au scénario d’introduction, les évadés d’Alcatraz. Sans déflorer les secrets, le jeu permet de jouer au moment précis où l’occulte peut faire basculer l’histoire en lumière, où l’uchronie est possible. Et si l’horreur c’est aussi la détresse de communautés, le racisme, l’exclusion d’un monde aux valeurs morales et humaines délétères, ce jeu traduit métaphoriquement que le germe de toute horreur est en l’homme. « Lorsque le dernier homme rouge aura péri, et que le souvenir de ma tribu sera devenu un mythe parmi les hommes blancs, ces rivages s’animeront des morts invisibles de ma tribu... Il n’y a pas de mort. Seulement un changement de monde.» Ancré dans un réel fort, pouvant mener les joueurs de la lisière du fantastique aux confins de l’horreur, Project : Pelican est intelligent et engagé. Engagement à velléité humanitaire puisque les droits d’auteur sont intégralement reversés à l’association Pine Ridge Enfance Solidarité (aide aux enfants Sioux Lakota). Pour une immersion plus vivace dans l’univers du jeu, le meneur pourra se documenter afin d’enrichir l’ambiance et la narration (par exemple pour les rites), de même que les joueurs désireux d’affiner leur interprétation (comme pour incarner avec l’implication nécessaire un hommemédecine, lien entre tradition, spiritualité ancestrale et contradictions de l’époque). Offrant une approche adulte et cultivée, l’initiative Project : Pelican pourra sembler confidentielle, voire – pour reprendre un terme récent à l’époque – underground dans le panorama rôlistique français. Cela n’enlève rien aux qualités et à la puissance résolument ethnographique de ce jeu. Si le Projet est bel et bien devenu réalité désormais, souhaitons aux Pélicans un envol aussi serein que majestueux. Par Erron Flyll Le blog du jeu: http://project-pelican.blogspot.com Association Pine Ridge Enfance Solidarité: www.pres-asso.org 11 les carnets de l’assemblée # 4 à l’épreuve PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... interview ••• SÉBASTIEN BOUDAUD LE GRIMOIRE Loup Solitaire ••• Manga BoyZ ••• [i n t e r v i e w ] success story D’abord connu comme un supplément périodique à destination des fans de Warhammer, le jeu de rôles, Le Grimoire est depuis peu revenu en tant qu’éditeur associatif et audacieux. Après la sortie remarquée de Loup Solitaire, c’est aujourd’hui le projet Manga BoyZ qui se concrétise sur les étals. Preuve flagrante que l’on peut avoir du succès tout en restant non-professionnel. Les Carnets se devaient de donner enfin la parole à Sébastien Boudaud, scribe suprême et responsable du Grimoire… Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, peux-tu nous présenter Le Grimoire et son parcours ? Sébastien Boudaud : Le Grimoire est une maison d’édition associative dont le but est la promotion de nouveaux artistes et de jeunes auteurs. Nous éditons des ouvrages et nous participons à des conventions et à des salons dans lesquels nous faisons la promotion de notre activité. Nous aidons donc nos auteurs et nos artistes à se faire connaître et ainsi “ à se faire la main ” pour passer pro. Le Grimoire existe maintenant depuis 16 ans ! Une quinzaine de nos membres ont ainsi pu signer leur premier contrat avec des éditeurs. Ils travaillent dans différents univers tels que la BD, la figurine, la presse, l’édition. Nous avons de quoi être fiers aujourd’hui de leurs parcours. Le plus important, c’est bien entendu que cela soit clair dès le début : nous ne pouvons ni rémunérer les auteurs, ni les membres de l’association, même si ces derniers travaillent très dur sur chacun de nos projets. Bref, les amateurs passionnés ont de beaux jours dans notre équipe et sont les bienvenus ! Vous avez commencé en publiant des suppléments pour Warhammer, ce qui n’est pas rien. Avec le recul, quels commentaires pouvez-vous faire sur cette aventure ? Nous avons édité 20 ouvrages pour le jeu de rôle Warhammer. Le déclic fut pour nous lors de la parution de notre sixième ouvrage pour lequel nous avons été rejoint par Pierre Noël, un talentueux artiste peintre. D’autres « La motivation et le désir de bien faire sont bien plus importants pour la réussite d’un projet. » Au vu de votre développement, est-ce que le cadre associatif répond encore à vos attentes ? Oui. Nous avons travaillé avec de nombreux fans et des amateurs motivés. Nous n’avons jamais été déçus. Par contre, il nous est arrivé d’être très désenchanté par le travail de certains professionnels avec lesquels toute maison d’édition est obligée d’œuvrer ; que ce soit les maquettistes ou les imprimeurs, etc… Bref, ce qui nous surprend toujours c’est combien malgré tout, la motivation et le désir de bien faire sont bien plus importants pour la réussite d’un projet que le fait ou non de faire appel à des professionnels qui seront rémunérés pour leurs travaux. artistes nous rejoindront tels que Christophe Madura (qui illustrera ensuite le jeu de plateau BattleLore). Je ne vais pas tous les nommer ici, mais vous l’avez compris, ils sont nombreux ceux qui participent à nos projets. Avec le Tome 20 consacré au Chaos et dernier ouvrage dans le monde de Warhammer, c’est Gary Chalk qui nous rejoint et qui apporte sa patte très british à nos publications. Pour ceux qui ne le savent pas, Gary Chalk a travaillé pour la première édition de Warhammer, il a illustré les pages intérieures des Livres Dont Vous êtes Le Héros de la série Loup Solitaire, et a illustré Cadwallon… Cette aventure nous a permis de franchir le pas, de rencontrer les bonnes personnes pour les nouveaux projets que nous avons mis en place. 12 les carnets de l’assemblée # 4 Quelle est l’implication du Grimoire dans la mythique série des romans-jeu Les Livres Dont Vous êtes Le Héros ? Comme la plupart des fans de jeu de rôle, nous avons tous débuté en lisant Les Livres Dont Vous Etes le Héros édités par Gallimard (collection Folio Junior). Rien qu’en France, ces livres ont ainsi été vendus à 10 millions d’exemplaires. Lorsque Gallimard a décidé de rééditer la Série Loup Solitaire, j’ai contacté Joe Dever et Mongoose Publishing pour leur proposer la traduction du jeu de rôles Loup Solitaire. Gary Chalk accepta de réaliser de nouvelles œuvres pour ce jeu de rôles, nous avions réuni toute une équipe de jeunes illustrateurs autour de lui pour ce projet dans lequel nous n’avons gardé aucune illustration de la version anglaise. à l’épreuve PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... J’ai rencontré la directrice générale de Gallimard et nous avons signé un protocole d’accord liant Le Grimoire avec Gallimard dans un projet de promotion et de communication. Cet accord nous autorisant entre autre à utiliser le logo bien connu des français sur les livres de poche (le loup qui hurle à la Lune). En moins d’un an, 200.000 exemplaires de Loup Solitaire ont été vendus par Gallimard et nous avons vendu de notre côté 1.500 exemplaires du jeu de rôle intitulé l’Encyclopédie du Monde. Le jeu de rôle Loup Solitaire est ainsi vendu dans les Espaces culturels Auchan, les librairies Cultura et bien entendu dans les Librairies Gallimard ! Vous avez donc élargi votre catalogue, avec la traduction française de Loup Solitaire, le jeu de rôles. Quel a été l’accueil de cet univers qui a bercé l’enfance de nombreux rôlistes ? L’Encyclopédie du Monde est maintenant épuisée et il nous reste encore quelques écrans du Meneur de Jeu. Mais nous ferons une réédition à la parution du premier gros supplément, Le Grimoire du Magnamund. Nous en ferons un format différent, ce qui nous permettra également de supprimer les quelques coquilles que renferme la première édition de l’ouvrage. Le gros travail de coordination et de gestion des 25 participants au projet a été assuré par Thomas Schneider. Votre suivi sur la gamme ne s’arrête pas à la traduction puisque vous allez également proposer du contenu inédit, différent de la gamme originale de Mongoose publishing. Pouvez-vous nous en dire plus ? Sous la coordination de Gabriel Féraud et d’Eric Dubourg, Le Grimoire édite un gros ouvrage en fin d’année qui regroupe 2 suppléments déjà édités en anglais par Mongoose Publishing et qui sont intitulés dans leur version originale Magic of Magnamund et Darklands. Une troisième partie sera inédite et de création 100% française ! L’ensemble de l’ouvrage sera illustré par des inédits de Gary Chalk, Brian Williams, Rich Longmore et des œuvres de Paul Bonner. De jeunes artistes dessinateurs français participent également au projet et parmi eux Denis Taverne et Eric Fessard. Cet ouvrage est intitulé Le Grimoire du Magnamund et est mis en page par un graphiste bien connu : Le Grümph. Depuis un an, nous mettons en ligne sur notre site internet de nombreux scénarios et des aides de jeu, tous disponibles en téléchargement gratuit. Votre dernier jeu, Manga BoyZ s’inspire des univers shonen propre au manga. Comment a été accueilli ce concept chez les joueurs ? Le jeu venant à peine de sortir, nous verrons sur le long terme. Nous avons beaucoup d’amis et de fans qui nous encouragent et nous soutiennent à travers toute la France et aussi à l’étranger. Je pense d’abord à Olivier Joiris en Belgique et à Vincent Mottier en Suisse qui tous deux font beaucoup pour faire connaître le jeu de rôle en organisant des conventions telles que Trolls et Légendes et Orc’idée. C’est grâce à des passionnés comme eux que nous parvenons à trouver la force de continuer. Autre originalité du produit, vous avez également proposé le jeu directement auprès des lecteurs de mangas afin de leur ouvrir une porte vers le JdR. Est-ce que le public visé a été sensible à cette démarche ? Manga BoyZ est avant tout un jeu d’initiation. Notre objectif est bien entendu de faire connaître le jeu de rôles aux fans de Manga. Mais Manga BoyZ est bel et bien un univers à part entière. C’est un jeu original et bien conçu, certains diront un petit bijou... Nous sommes d’ores et déjà obligés de réimprimer Manga BoyZ pour répondre aux demandes des libraires et des boutiques de jeu. Mais tout cela prend du temps. Nous pourrons faire un bilan en Mars 2009. Alors, nous pourrons dire si oui ou non le public a aimé. Quel sera le suivi de sa gamme ? Une éventuelle BD ? Nous connaissons assez bien le parcours de John Lang (Donjon de Naheulbeuk) que nous rencontrons sur la plupart des conventions auxquelles nous nous rendons. Décliner un univers sur différents supports est quelque chose qui marche. Mais nous voulons avant tout nous faire plaisir et nous avons décidé, en effet, d’éditer des mangas dans l’univers de Manga BoyZ début 2009. Quels sont les termes de votre contrat avec Makassar ? Est-ce que cela veut dire que l’on va pouvoir retrouver l’ensemble de votre catalogue en librairies grand public ? Nous avons choisi de travailler avec Makassar pour son expérience dans la diffusion et la distribution de mangas et de BD dans le réseau des libraires et les FNAC. Depuis le mois de septembre, Makassar diffuse Manga BoyZ mais aussi Loup Solitaire. Nous restons pourtant distribué dans le réseau des boutiques de jeu par Millennium avec à sa tête Gilles Garnier en qui nous avons entièrement confiance. BattleLore et Cadwallon sont mis en avant sur votre site. S’agit-il de nouveaux partenariats ? Et si oui, en quoi consistentils ? Nous avons créé des liens avec plusieurs éditeurs en commençant par Ubik/Edge qui est dorénavant une maison d’édition presque aussi importante qu’Asmodée. Nous sommes en bon terme avec Days of Wonder, Rackham et Games Workshop, et avec chacun d’entre eux nous avons mis en place la promotion de leurs jeux sur notre site. Nous ne sommes pas un éditeur comme les autres et nous avons un fort taux de sympathie auprès de la plupart des éditeurs professionnels car ils savent qu’ils peuvent dorénavant trouver parmi nos membres des auteurs ou des artistes confirmés. D’autres projets pour l’avenir ? Oui, bien sûr mais nous ne pouvons pas en parler maintenant. Nous travaillons beaucoup avec des partenaires installés en Asie. Le jeu vidéo Lone Wolf est ainsi actuellement développé à Singapour et notre imprimeur principal est à Shanghai. propos recueillis par Vincent Ziec & Olivier Camus www.legrimoire.net 13 les carnets de l’assemblée # 4 à l’épreuve JDR PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... LOUP SOLITAIRE LE JDR DONT VOUS ÊTES LE HÉROS jeu de rôle de Joe Dever édité par Mangoose Publishing, traduit par le Grimoire http://www.loup-solitaire.fr note : C’est avec un peu de nostalgie que l’on se souvient des longues heures passées à parcourir les pages des Livres dont vous êtes le Héros. Grâce à Mongoose Publishing et Le Grimoire pour la version française, le Loup sort de sa solitude avec un jeu de rôles créé par l’auteur même de l’univers de la série des livres-jeux à succès. Souvenez-vous : le Magnamund est un monde médiéval-fantastique où le bien et le mal se livrent une lutte acharnée. Le Monastère Kaï forme les seigneurs du même nom, spécialement entraînés aux arts de la guerre et à l’utilisation des pouvoirs mentaux, pour combattre les forces des Ténèbres. JDR MANGA BOYZ L’Encyclopedie du Monde est le premier ouvrage de la gamme traduit par Le Grimoire : 336 pages en noir et blanc ; une couverture souple en couleurs et de nombreuses illustrations de Gary Chalk, dont certaines inédites pour la version française. vous propose un choix entre sept classes originales, comme par exemple : Artilleur nain, Seigneur Kaï, Amazone,... Deux niveaux de règles sont proposés. Le système héroïque reprend les mécanismes des Livres dont vous êtes le Héros. Ces règles sont simplistes, mais conviendront aux jeunes joueurs ou aux novices du jeu de rôles. Elles permettent une prise en main rapide du jeu, mais nécessitent de posséder au moins un tome de la série de livres-jeux. Les règles de base utilisent, quant à elles, le système d20, adapté à l’univers. Les joueurs de Dungeons & Dragons ne devraient pas être trop dépaysés. Les principaux changements se situent au niveau des alignements qui ont été simplifiés et évidemment les classes de personnages ont été, elles aussi, adaptées. Loup Solitaire Le dernier tiers de l’ouvrage s’attache à décrire le Magnamund. Il place le contexte une cinquantaine d’années avant les livresjeux, à l’apogée du Monastère Kaï. Enfin, les 47 pages de bestiaire vous permettront de peupler vos scénarios de créatures typiques. Le Grimoire du Magnamund est le premier gros supplément pour Loup Solitaire. Il ne s’agit pas seulement de la traduction des suppléments anglais, car une partie totalement inédite est de création française. On y trouve, entre autres, la description du fameux Monastère Kaï. par Dedjet LÂCHEZ LA BRIDE ! jeu de rôle d’anticipation de Gabriel Féraud édité par le Grimoire http://www.mangaboyz.com note : À peine sorti, déjà réédité ! Victime de son succès, Manga BoyZ est ressorti en version 1.1, avec quelques petites corrections et une nouvelle couverture, toujours aussi sexy ! Manga BoyZ a l’ambition avouée d’attirer les otaku vers l’univers fantastique du JdR, avec un format qui se veut proche du manga. Vaste et honorable tâche, quand on connaît le succès des publications japonaises un peu partout à travers le monde. Si cet objectif reste probablement utopique, celui de faire passer un bon moment aux rôlistes est, lui, bien rempli ! La première chose qui frappe dans Manga BoyZ (hormis sa couverture ô combien vendeuse), c’est la vitesse à laquelle on le dévore. Même si le format reste assez court (moins de 100 pages), c’est surtout le ton décalé qui accroche immédiatement (ou pas...). Dans Manga BoyZ, on écrit comme on parle ! Suite à une invasion éclair (un 15 août, aucun respect, ces aliens...), l’humanité est sous le joug d’une race extra-terrestre, que certaines cellules de résistance tentent de repousser. Regroupées par zones géographiques, ces cellules regroupent ceux dont l’organisme réagit de façon anormale à la Drine, la drogue de domination des envahisseurs : chez les personnages, cet élément déclenche l’apparition d’aptitudes surnaturelles. Faites chauffer les super-pouvoirs, y’a de l’alien à bastonner ! À coup de missions casse-cou 14 les carnets de l’assemblée # 4 ou d’infiltration, le destin de l’humanité dépend - encore - de vous. Mais le rôliste est comme Bruce Willis, il a l’habitude de sauver le monde. Épaulé par un système clair et concis, qui fait la part belle à l’héroïsme (les points de Manga) et au fun, Manga BoyZ fonctionne à la perfection, peut-être parce que l’on ne l’attendait pas à pareille fête. Si vous cherchez un jeu enlevé, avec de l’action, et qui ne se prend pas forcément au sérieux, achetez Manga BoyZ. Ou mettez vous au sport, ces saletés d’aliens ne vont pas déguerpir sans un bon coup de pied. Fier d’être un Diable Rouge ! par Julien De Jaeger à l’épreuve PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... LA GAMME HOLLOW EARTH expedition Explorez l’un des plus dangereux secrets du monde : la Terre Creuse, une contrée sauvage peuplée de dinosaures, de civilisations perdues, et de féroces primitifs ! Les joueurs y incarnent des héros, des universitaires et des journalistes avides de découvrir les mystères de la Terre Creuse. Pendant ce temps, à la surface, les puissances mondiales et des sociétés secrètes s’affrontent pour obtenir le contrôle de la plus grande découverte de l’histoire de l’humanité ! Se déroulant dans les tumultueuses années trente, Hollow Earth Expedition s’inspire des géants de la littérature comme Edgar Rice Burroughs, Jules Verne, et Sir Arthur Conan Doyle. [ L’univers ] H.E.X. se déroule dans les années trente historiques de notre monde… Du moins en surface ! Car, la découverte des entrées de la Terre Creuse a ouvert les portes vers un univers fantastique peuplé de dinosaures, de créatures disparues, de cités perdues et de tribus féroces ! Des sociétés secrètes, comme la Terra Arcana, explorent ces contrées, tout en essayant de garder secrète l’existence de ce monde souterrain. Mais aussi la terrible société de Thulé du régime nazi, qui est persuadée de découvrir de puissantes armes et autres artefacts de pouvoir dans ces territoires. D’autres factions en présence sont développées dans les suppléments. Le livre de base décrit l’univers de la Terre Creuse, mais celui-ci est véritablement développé en détail dans le supplément “ Mysteries of the Hollow Earth ”. [ Les personnages ] Les personnages sont définis par 6 caractéristiques principales dans lesquelles sont répartis 15 points (Physique, Dextérité, Force, Charisme, Intelligence et Volonté). De celles-ci découlent 6 caractéristiques secondaires (Taille, Mouvement, Perception, Initiative, Défense et Résistance). Des compétences et des talents viennent compléter la définition du personnage. Les caractéristiques et les compétences se combinent à volonté selon les situations. Des points de style permettent d’améliorer leurs résultats. Grâce aux archétypes proposés, il est aisé de créer un personnage rapidement. [ Les règles ] Les règles de H.E.X. sont simples, utilisant le système de jeu Ubiquity. Le score de chaque abilité du personnage définit le nombre de dés à lancer. Celui-ci peut être modulé par des bonus ou des malus. L’une des particularités du système est qu’il est possible d’utiliser n’importe quel type de dés, car seuls comptent les résultats pairs et impairs. Les chiffres pairs sont des succès, et les impairs sont ignorés. [ Contenu du livre de base ] Déjà paru en anglais : • Livre de base • Écran de jeu • Secrets of the Surface World Supplément d’univers qui décrit les mystères de la surface, ses protagonistes (dangereux criminels, savants fous ou encore sorciers) et de règles (pouvoirs psychiques, magies, nouveaux véhicules et équipements divers, et avec toujours plus de détails sur les sociétés secrètes). À paraître en anglais • Mysteries of the Hollow Earth À l’instar de Secrets of the Surface World, vous trouverez dans ce supplément tout le nécessaire pour faire jouer dans la Terre Creuse : description de ses mystères et de ses dangers (dinosaures, créatures sauvages et civilisations perdues). Le livre se compose de règles sur l’alchimie et le chamanisme, d’un bestiaire (ainsi que les règles pour créer vos propres créatures). • Realms of Mars Nous n’avons pas plus d’information sur ce supplément à l’heure où nous écrivons ces lignes, mais vu le titre, ça promet d’être un beau programme ! Édition française • Livre de base et écran premier semestre 2009, par Sans Détour éditions. En plus de la création de personnages et des règles, le livre de base comporte une nouvelle d’introduction à l’univers, sous forme d’extraits d’un carnet d’une expédition polaire ayant accidentellement découvert une entrée vers la Terre Creuse. Une présentation de celle-ci, ainsi qu’un bestiaire complètent cette description. Les sociétés secrètes Terra Arcana et Thulé y sont décrites, et un scénario d’introduction permet de s’immerger immédiatement dans l’univers. Une importante bibliographie sur le sujet est également présente. par Christian Grussi RÉCOMPENSES Hollow Earth Expedition est un jeu publié originellement en 2006 par Exile Studios. Il a été plusieurs fois nominé et récompensé, notamment aux ENnies 2007 pour le meilleur jeu, la meilleure écriture, et comme produit de l’année. Médaille d’argent pour la meilleure couverture. Nominé aux Origins awards 2007 pour le jeu de l’année. Le supplément “ Les secrets de la Surface ” a obtenu la médaille d’argent aux ENnies 2008. 15 les carnets de l’assemblée # 4 spécial saint-valentin à l’épreuve madame débute Vous trouverez dans cette première partie une sélection de jeux grand public, qui se veulent rapides à expliquer, rapides à jouer tout en étant très divertissants. [ Kahuna ] Auteur : Günter Cornett Illustrateur : Claus Stephen Editeur : filosofia Joueurs : 2 Durée : 35 min. Premier de notre classement, Kahuna est un jeu de « conquête » dont le but est de construire des ponts pour, au final, détenir un maximum d’îles (sur les douze qui constituent le plateau de jeu). Pour ce faire, les joueurs disposent de cartes representant une île de l’archipel. Jouer une carte permet de poser un pont entre cette île et une autre adjacente. Jouer deux cartes ensemble permet de détruire un pont entre ces deux îles (si c’est deux fois la même carte, n’importe quel pont de cette île peut être détruit). Le joueur qui possède le plus de ponts autour d’une île donnée la possède. PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... Il vous est surement déjà arrivé, un soir, d’avoir eu l’idée folle de vouloir faire découvrir votre passion pour les jeux à votre compagne. Oui, mais quel jeu pourrait lui plaire ? De votre côté, le « je te tiens… » et le chi-fu-mi ne vous intéressent pas trop (et vous en avez un peu marre que madame vous batte au bras de fer). Alors en cette période de St Valentin, les Carnets de l’Assemblée vous proposent une petite sélection de jeux pour deux. 2 des jeux pour Le jeu se déroule en trois manches (une nouvelle manche débute dès que la pioche est épuisée) : 1ère manche : Le joueur qui possède le plus d’îles marque 1 point. 2ème manche : Les joueurs laissent le plateau en état, mélangent les cartes « îles » (sauf celles qu’ils ont en main) et recommencent à jouer. À la fin de cette manche, le joueur qui possède le plus d’îles marque 2 points. 3ème et dernière manche : Même scénario que la deuxième manche, sauf qu’à la fin les joueurs comptabilisent le nombre total d’île qu’ils possèdent. Au final, on additionne les points des trois manches, le joueur qui en a le plus gagne. Expliqué comme ça, le jeu peut sous-entendre qu’il laisse une part importante au hasard. Mais pas du tout ; trois cartes sont disposées face visible à côté de la pioche habituelle. Les joueurs peuvent donc choisir au début de leur tour, de piocher une carte dans la pioche ou parmi les cartes visibles (cette dernière sera alors remplacée par la première carte de la pioche), mais votre adversaire connaitra aussi ce que vous avez pris. Les mécanismes sont donc très simples, favorisent l’interaction entre les joueurs et transforment vite les parties en casse tête ludique (mais sans jamais devenir prise de tête). Kahuna est une valeur sûre pour jouer à deux. 16 les carnets de l’assemblée # 4 Note : Cet article n’est pas une liste exhaustive des jeux pour deux, mais plutôt une sélection de nos coups de cœur et qui seront des valeurs sûres pour débuter et pour vous amuser. [ Quoridor ] Auteur : Mirko Marchesi Editeur : Gigamic Joueurs : de 2 à 4 Durée : 15 min. Quoridor fait partie de ces jeux aux règles à la fois simples et prenantes. Ici, chaque joueur, représenté par un pion, devra amener ce dernier à l’extrémité opposée du plateau de jeu. Pour contrer son adversaire, vous devrez placer des barrières en bois afin de bloquer sa progression et ainsi, le forcer à prendre un chemin plus long. À votre tour de jeu, vous aurez donc le choix entre bouger votre pion d’une case ou poser une barrière (avec pour seule contrainte de laisser obligatoirement un passage sur la rangée). Rapide, simple et agréable à jouer grâce à son matériel de qualité, Quoridor est un classique du catalogue Gigamic (il y est présent depuis plus de dix ans). à l’épreuve PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... [ Blokus Duo ] dynamique et une bonne dose de tactique. Tortuga est donc un jeu frais, fun et agréable à jouer grâce à son matériel de qualité et son esthétique soignée. Tout aussi convaincant que sa version quatre joueurs (qui a obtenu 5 prix de 1999 à 2006, dont l’as d’or du jeu de l’année en 2001), Blokus Duo garde les mêmes mécanismes que son grand frère et y gagne en rapidité et en intensité de jeu. Chaque joueur dispose de 21 pièces, elles-mêmes constituées de carrés (similaires aux pièces du jeu vidéo Tetris). Le but du jeu est, pour chaque joueur, de placer la totalité de ses pièces ou un maximum d’entre elles sur le plateau de jeu avec la contrainte suivante : chaque nouvelle pièce posée doit toucher au moins une pièce de la même couleur, mais uniquement par les angles, jamais par les côtés.. Lorsque l’un des deux joueurs est bloqué et ne peut plus placer de pièce, c’est la fin de la partie. Débute alors le décompte des points ; on compte le nombre de carrés restants parmi les pièces qui n’ont pas pu être placées. Chaque carré non posé constitue un point négatif et un bonus de 15 points est accordé si les 21 pièces ont été posées. À part la qualité du matériel, nous n’avons pas grand-chose à reprocher au jeu. Très addictif, tactique et rapide, Blokus Duo est un très bon jeu avec une durée de vie impressionnante. madame aime déjà jouer Auteur : Bernard Tavitian Editeur : Sekkoïa Joueurs : 2 Durée : 15 minutes [ Tortuga ] Auteur : Vincent Everaert Editeur : Gigamic Joueurs : 2 Durée : 20 min. Terminons cette première partie avec le plus mignon des jeux abstraits : Tortuga. Ici, chaque joueur dirige une équipe de huit tortues, qu’il vous faudra amener à l’autre extrémité de l’île (la case opposée la plus éloignée du plateau de jeu). Au niveau des règles, nous pouvons présenter Tortuga comme un jeu de dames amélioré. Les tortues devront donc toujours avancer vers l’avant et, comme aux dames, si une tortue a la possibilité de sauter une tortue adverse, elle doit le faire. Une fois sautée, la tortue est retournée sur le dos (elle est dite neutralisée). Si vous sautez sur une tortue neutralisée, vous avez alors la possibilité de l’intégrer à votre équipe ou de la réhabiliter dans l’équipe adverse (c’est parfois avantageux). Ce point de règle astucieux offre au jeu une Moins « grand public » que la sélection ci-dessus, les jeux listés ici utilisent des mécanismes plus élaborés et des thèmes moins grand public. Mais l’immersion n’en est que meilleure… Twister est donc une valeur sûre pour initier votre conjointe aux jeux plus riches. Et si elle hésite encore, dites lui qu’elle peut aussi marquer des points de victoire en tuant vos héros. Règlements de comptes assurés ! [ Le Seigneur des Anneaux : La Confrontation ] Auteur : Reiner Knizia Illustrateur : John Howe Editeur : Kosmos / Tilsit Joueurs : 2 Durée : 30 min [ Dungeon Twister : La boîte de base ] Auteur : Christophe Boelinger Illustrateurs : Wayne Reynolds et Thierry Masson Editeur : Asmodée Joueurs : 2 Durée : 60 min. La réputation de Dungeon Twister (DT) n’est plus à faire. Le jeu est devenu, grâce à ses nombreuses extensions, un incontournable et les tournois s’enchainent de salon en salon. Mais sans forcément atteindre un tel niveau de jeu, la boite de base se suffit à elle-même pour se divertir et prendre du plaisir à jouer. Dans DT chaque joueur dirige une équipe de huit personnages; quatre sur la «zone de départ» et quatre autres répartis, selon votre choix, sur les huit salles qui constituent le plateau de jeu. L’objectif étant de faire sortir ses personnages du labyrinthe pour marquer des points de victoire. Chaque personnage rapporte un point de victoire (sauf le gobelin, plus faible, qui en rapporte deux). Le premier joueur arrivé à cinq points de victoire a gagné. Bien sûr, le but est aussi de bloquer la progression de l’adversaire et c’est là toute la saveur de DT. Les salles du plateau de jeu fonctionnent par paire et chacune d’entre elles possède un mécanisme qui leur permet de pivoter ou de faire pivoter la paire correspondante. Chaque joueur peut donc modifier la composition du labyrinthe. De plus les règles, simples, offrent une richesse de jeu énorme. Vous aurez ainsi la possibilité d’équiper vos héros de divers objets (une corde pour passer au dessus d’une fosse, un bâton magique lanceur de boules de feu que seul le magicien peut utiliser, etc...). Les parties laissent très peu de place au hasard et peuvent s’apparenter à une partie d’échec, dans le sens où il faut bien analyser le jeu, les différentes solutions possibles, etc... Dungeon Suite à l’adaptation cinématographique du Seigneur des Anneaux, bon nombre de jeux exploitèrent la licence pour nous offrir des jeux plus ou moins réussis. Parmi les très bons, on y trouve le Seigneur des Anneaux : La Confrontation, un jeu de bluff, de tactique et de...confrontation. Ici, chaque joueur contrôle l’une des deux forces qui constituent le jeu : la lumière ou le Mordor. Chacune de ces forces est composée de neuf personnages aux pouvoirs bien distincts. Le but, pour les forces de la lumière, est de conduire Frodon au Mordor. Tandis que pour le Mordor l’objectif est soit d’éliminer Frodon, soit d’amener trois figurines dans la Comté. Les mécanismes bien pensés, le plateau de jeu intelligemment construit (avec une progression qui s’élargit puis se rétrécit rendant le conflit plus tendu et les zones de montagnes, limitant le nombre de personnage, imposent réflexion), et les deux forces variées et bien équilibrées en font un excellent petit jeu qui vous plaira à coup sûr. D’autant plus que l’univers riche du Seigneur des Anneaux, valorisé par les illustrations de John Howe, fait du SdA : La Confrontation un jeu très agréable à jouer. [ Objectif Catane ] Auteur : Klaus Teuber Illustrateur : Franz Vohwinkel Editeur : Kosmos / Tilsit Joueurs : 2 Durée : 60-90 min Pour boucler cette deuxième partie, nous avons sélectionné un jeu différent et ce, afin de montrer à vous et à votre conjointe un autre style de jeu. Objectif Catane est donc différent en deux points. 17 les carnets de l’assemblée # 4 à l’épreuve Tout d’abord : le thème. Si l’héroic fantasy ne vous attire pas, c’est que la science fiction est pour vous. Ici, chaque joueur est en possession d’un vaisseau spatial perdu dans la galaxie. Vous devrez établir des contacts commerciaux, diplomatiques et scientifiques avec les peuples extra-terrestres que vous croiserez. L’objectif ? Être le premier joueur à cumuler dix points de victoire afin de pouvoir rejoindre Catane. La deuxième différence concerne la mécanique du jeu. Contrairement aux autres jeux de cet article qui possèdent une grande part d’interaction, les joueurs d’Objectif Catane ne se « rencontreront » jamais. Vous ne pourrez donc pas interagir (comprendre : mettre des bâtons dans les roues) avec votre adversaire, ce qui conviendrait peut être mieux à madame. Durant votre tour, vous devrez lancer un dé pour déterminer vos ressources et votre vitesse de vol. En fonction de cette dernière vous pourrez piocher des cartes qui correspondront à votre plan de vol. Vous découvrirez ainsi des planètes marchandes, à coloniser, ou encore des pirates à combattre si vous ne voulez pas négocier avec eux. La dernière phase de votre tour consistera à commercer (avec vos planètes) et à construire des vaisseaux, des centres techniques et/ou des améliorations pour votre cargo (propulseur, canon,...). De par ses mécanismes riches et variés, Objectif Catane offre un intérêt et une diversité toujours renouvelés. Donc, si vous cherchez un jeu de gestion et d’exploration au thème fort et bien exploité : Objectif Catane est fait pour vous. madame est très joueuse Il serait dommage de lister les jeux « pour deux » et de faire l’impasse sur les jeux pour adultes. Jeux dont on a très peu l’occasion de parler ou d’entendre parler. Heureusement, cette période de Saint Valentin est propice à l’occasion, alors....faites-vous plaisir. [ Romeo & Juliet ] Editeur : Gigamic Joueurs : 2 Romeo & Juliet peut s’apparenter à un jeu de l’oie coquin. La partie de jeu, ici appelée « préliminaire », consiste à lancer un dé pour faire avancer son pion sur le plateau de jeu. Si vous tombez sur un masque blanc, vous devrez répondre à une question lue dans le carnet rouge (« Que doit faire votre partenaire pour vous attirer au lit dans les cinq minutes ? ») ou, si vous tombez sur un masque noir, vous devrez accomplir une PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... mission, toujours à partir des propositions issues du livret rouge (« Exciter votre partenaire sans le/la toucher. Vous avez deux minutes »). Le but du jeu étant d’arriver le premier sur la dernière case afin d’infliger aléatoirement (en lançant un D20), l’une des vingt délicieuses missions et punitions issues du livret bleu. Le jeu est parfait pour les jeunes couples ou les amants cherchant à pimenter leur intimité tout en s’amusant. L’esthétique générale du jeu est très sobre, les illustrations sont, quant à elles, suggestives tout en restant softs. Romeo & Juliet est un jeu à la fois fun et excitant qui va très certainement vous faire passer d’agréables moments... que vous soyez le gagnant ou le perdant. [ Phantasms ] Editeur : Gigamic Joueurs : 2 Phantasms vous invite à explorer les diverses facettes, romantiques et aventureuses, de l’univers inépuisable des fantasmes amoureux. Le jeu se compose de six cubes de couleurs distinctes, chacune représentant une catégorie de fantasme (vert : aventure, rouge : romantisme, violet : la passion du plaisir, etc...) et de deux livrets de scénario (un « pour lui » et un « pour elle »). Le principe du jeu est très simple : un des deux amants choisit un dé de couleur et l’offre à son/sa partenaire. Ce dernier doit alors choisir dans son cahier de scénarios celui qu’il désire mettre en oeuvre. Il donne alors à son/sa partenaire un pion déterminant le numéro du dit scénario, pour que le partenaire puisse lire sa version dans son livret. S’ensuit alors un jeu de séduction et de complicité érotique qui pourra commencer immédiatement, ou au bout de quelques heures (voire une journée) en fonction de la durée des éventuels préparatifs. Phantasms est plus un concept, un mélange entre jeu de rôle et jeu de plateau. L’intérêt réside donc surtout dans l’implication et la complicité des deux amants. Cependant, Phantasms a le mérite d’être une mine d’idées (plus ou moins softs, plus ou moins réalisables en fonction de vos affinités avec votre conjointe) mais qui, à coup sûr, vous permettra de pimenter votre vie intime tout en vous amusant. 18 les carnets de l’assemblée # 4 Encore plus loin ? Comme vous avez pu le constater, les maitres-mots pour faire ce dossier étaient interaction, convivialité et complicité. Or, nous pouvons résumer ces valeurs en un nom, celui d’un éditeur : Gigamic. Si vous souhaitez aller plus loin et découvrir des jeux par vousmême, sachez que les jeux proposés par cet éditeur auraient pu tous rentrer dans la première catégorie de cet article. Gigamic propose également un large catalogue de jeux pour adultes, là encore je vous invite à faire un tour sur leur site pour trouver le jeu qui vous correspond le mieux. Concernant les jeux sélectionnés dans la deuxième partie, le choix est plus délicat puisqu’il dépend beaucoup des goûts de votre conjointe. Parce que pour vous, je sais ce que vous aimez, mais je doute que Blood Bowl, Space Hulk ou encore La Guerre de l’Anneau aient leur place ici (quoique...). Et après, rien ne vous empêche d’aller encore plus loin et d’initier votre conjointe aux jeux de rôle à deux (un MJ, un joueur). Mais ça, ce serait l’objet d’un autre dossier… par Vincent Ziec http://www.gigamic.com/ http://www.filosofiagames.com http://www.tilsit.fr/ http://www.asmodee.com Le choix de la rédaction KAHUNA Si, parmi tous ces jeux, nous devions vous en conseiller un seul, ce serait Kahuna. Pour son intérêt ludique, ses mécanismes simples et bien pensés et son petit goût des îles. encres illustration : © Julien de Jaeger / Phosu INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... Né en 1937, Jean-Pierre Andrevon est surtout connu du grand public pour avoir été l’auteur de « Les Hommes Machines contre Gandahar » (adapté au cinéma à la fin des années 80) et de « La Fée et le Géomètre », œuvres emplies de poésie, d’écologie et d’humanisme. Mais il a également été un pilier de la presse « alternative » et « de genre », avec des collaborations remarquées dans Charlie Hebdo, Toxic Magazine, Fiction ou encore le vénérable Écran Fantastique. Aujourd’hui, il publie encore romans et recueils de nouvelles, désormais plus rattachés au thriller et à la littérature pour la jeunesse. Toujours vert ! le site de l’auteur : http://jp.andrevon.com 20 les carnets de l’assemblée # 4 encres INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... 1. Aaon court. Autour de lui, la jungle halète. Lui aussi halète. Il respire avec difficulté, sa poitrine brûle en dedans, son cœur bat, bat, tous les replis de sa chair chaude exudent une eau graisseuse. Courir, il n’a pas l’habitude. L’habitude, c’est rester assis sur son gros derrière, dans la case familiale, en attendant... En attendant quoi ? Aujourd’hui, il en eu assez d’attendre. Alors il est parti. Cela n’a pas été si difficile. Et même beaucoup plus facile qu’il aurait cru. Il y avait cette planche moisie dans la clôture, côté jungle, qu’il s’amusait à faire bouger depuis des jours et des jours, sans avoir l’air de rien, à vrai dire sans penser à rien, juste en poussant avec le pouce, et en éprouvant un petit plaisir en sentant la planche remuer, en l’attendant craquer. Ce matin, il a dû pousser un peu plus fort que d’habitude : la planche s’est déclouée, a basculé, seulement retenue par une pointe rouillée. C’est ainsi que les idées viennent. Une planche de l’enclos qui se décloue, et celle du dessous qui n’a pas l’air bien solide non plus. Alors on essaye avec celle du dessous, qui cède à son tour. Dans la clôture, se découpe maintenant un joli trou. Pas assez grand pour y infiltrer son corps, bien sûr. Cent quarante-trois kilos à la dernière pesée, ça demande de la place... Alors la place, il se l’est faite. Personne ne regardait, sa mère Maroo était dans la case, à s’occuper du repas de midi, ses sœurs Tarna, Orna, Siloe et Maroe faisaient la sieste au soleil, ses frères Maaron, Feron, Volder, Sar, Bader et Ogran jouaient à un jeu de balle idiot de l’autre côté de l’enclos. Son père ? Il ne sait pas. À moins que Tobar ne fût astreint à un travail quelconque, consécutif à la préparation des Fêtes du Passage. Deux autres planches ont suffi, plus une traverse, pas bien solide non plus. Pourquoi la clôture serait-elle solide ? Elle n’est pas faite pour empêcher les humains de sortir, elle est faite pour empêcher les bêtes du dehors d’entrer. D’entrer, et de vous manger. C’est ce que répètent les Shaahr. Dehors, rôdent les bêtes, des bêtes dangereuses, lions, tigres, panthères, ours, loups. Et ces bêtes, si elles vous attrapent, vous mangent. Vous ne voudriez pas être mangés, n’est-ce pas ? Nous ne pouvons être là en permanence pour vous protéger, vous le comprenez bien. Alors soyez prudents. Restez dans vos maisons, dans vos enclos. Restez au village. N’allez surtout pas dehors ! Aaon y est, maintenant, dehors. Et il court. Il ne sait pas où aller. Il a quatorze ans, peut-être treize, ou encore quinze, il ne sait pas au juste, et c’est la première fois qu’il se hasarde à l’extérieur, tout seul. La jungle ouvre ses faux tranchantes devant ses bras maladroits, referme derrière lui ses portes d’épines. Dans l’atmosphère moite, gorgée des millions, des milliards de gouttelettes de la dernière pluie, dans l’air épais qui fume et fait fumer les larges aréoles des feuilles grasses, Aaon court déjà moins vite. Sous le matelassage de graisse de son buste en tonneau, ses poumons s’essoufflent. À chaque inspiration, il a l’impression que des épines, de plus en plus aiguës, s’infiltrent dans ses narines et vont se déposer dans les lobes de ces mystérieux soufflets qui gonflent sa poitrine. Pourquoi continuer à courir ? Le village est loin, maintenant. Aaon se détourne, pour ne voir à travers les gouttes de sueur agglomérées entre ses paupières qu’un lacis de branches qui tremblotent. Pourquoi courir ? On ne court que lorsqu’on est poursuivi par une de ces fameuses bêtes acharnées à vous dévorer tout cru - ces lions ou ses ours, ces “prédateurs” dont les Shaahr ne cessent de vous rabattre les oreilles en vous flattant l’échine à pattes de velours... Mais que lui, Aaon, n’a jamais vues. Pourquoi se hâter ? Il ne comprend même plus la raison exacte qui l’a poussé à quitter l’enclos. S’il l’a jamais compris. Ou alors la proximité des Fêtes du Passage. Encore du tracas, encore de l’agitation, des efforts à faire. Se laver, par exemple. Pour être présentable, sentir bon, avoir un peau bien rose. Pour faire preuve de correction, comme dirait sa mère. Envers les Shaahr. Parce qu’ils seront là, bien sûr. Toute une délégation, venue dans un de leurs Oorht. Aaon n’aime pas les Shaahr. Il ne pourrait dire exactement pourquoi, mais le fait est qu’il ne les aime pas. Peut-être à cause de leur... Aaon sursaute, un petit cri s’échappe de sa gorge. Devant lui les fourrés ont bruissé, comme si une main géante les avait froissés. Ou une patte griffue. Crouïïï ! Une forme ailée s’envole à deux pas d’Aaon, plumage jaune et bleu, cri perçant. Dans sa poitrine, assourdi par les étages de graisse, son cœur cogne et cogne. Ce n’était qu’un oiseau, une saloperie d’oiseau commun, un de ces grands perroquets criards qui passent leur temps tapis dans les branches, quand ils ne viennent pas jusque dans l’enclos, picorer les restes en jacassant, récurer les assiettes, voler la nourriture sous votre nez, comme les rats, les chacals, les pies, les corbeaux, les singes. Aaon a eu peur. La sueur ruisselle sur la totalité de son corps nu, s’exsudant de tous ses pores dilatés, dégageant une odeur âcre et piquante qui emplit ses narines. Il renifle, grimace, son petit nez en trognon de pomme se plisse, en même temps que les bourrelets de ses paupières. Maintenant il lui semble que, partout autour de lui, la jungle s’agite et bruit, prête à s’ouvrir à nouveau – mais sur une bête bien plus dangereuse qu’un perroquet bavard. Il n’est plus si sûr d’avoir pris la bonne décision. Etait-ce une vraie décision, d’ailleurs ? Seulement une pulsion irréfléchie et stupide, le hasard d’une planche déclouée. L’enclos, ce n’est pas si mal. C’est un abri sûr, on peut y dormir en paix dans des litières confortables, y manger à satiété quatre fois par jour, s’ébattre dans la bauge pour peu qu’on en ait envie. Et s’il rebroussait chemin, s’il rentrait, ni vu ni connu ? L’heure de la seconde soupe n’a pas encore dû sonner, il est encore temps de regagner l’enclos et de faire comme si de rien n’était... Aaon se gratte le flanc, le gras d’une fesse, un des replis de sa panse ballottante. Il soupire, tourne le dos à sa ligne de fuite, redémarre. Mais est-il bien reparti dans la bonne direction ? Au bout de quelques dizaines de pas hésitants, à subir la flagellation des branches basses et les égratignures des ronces sur sa tendre chair, voilà qu’il commence à douter. Sa foulée, au départ assurée, se fait plus hésitante, jusqu’à se morceler en fréquentes haltes. Au moins, elles lui permettent de reprendre son souffle. Et de faire semblant de réfléchir. Doit-il continuer tout droit, obliquer vers la gauche, se laisser déporter vers la droite ? Le soleil, rarement visible autrement que sous l’apparence d’un éclaboussement de bulles lumineuses à l’envers du dôme touffu des arbres, paraît avoir atteint la verticale du ciel. Il ne lui est donc d’aucune utilité pour se diriger. Il doit être midi. Midi... l’heure de la soupe préparée par maman Baroo, avec des carottes, des pommes de terre, des navets, des choux, dix autres délicieux légumes ! Aaon laisse s’échapper d’entre ses babines, que poudre un sel de salive séchée, un gémissement qui résonne de manière désagréable à ses oreilles. Lui répond un couinement prolongé montant de l’intérieur de son ventre. Il a faim. Pas de doute il a faim ! Son estomac l’a su avant lui, qui proteste. Si au moins il pouvait glaner quelques fruits, aux moins quelques baies, qui s’offriraient au milieu du fouillis végétal... Mais ses yeux larmoyants ne repèrent rien d’autre que des grappes de marrons aux piquants redoutables. Il doit rentrer. C’est la seule solution, il doit rentrer. Par là ? Par là — d’autant que dans cette direction, le terrain est en pente descendante légère, ce qui lui épargnera des efforts. Il ne se souvient pas particulièrement avoir gravi une côte pendant sa fuite, mais qu’importe. Le village n’est pas si loin. Aaon n’infléchit pas sa marche pesante alors même que la pente se révèle plus accentuée. Il continue d’avancer les yeux fixés sur l’extrémité noircie de ses pieds, ce qui ne l’empêche pas de déraper inopinément sur une surface boueuse masquée par des feuilles mortes. Il se sent partir en arrière, ses bras battent l’air, il pousse un glapissement de surprise et de douleur quand son arrièretrain prend un contact douloureux avec le sol. Toute sa graisse tremble, il sent l’onde de choc lui remonter le long de la colonne vertébrale, avec l’impression qu’un maniaque sadique s’acharne à frapper chacune de ses vertèbres avec un petit marteau de pierre. Il continue de glapir en roulant cul par dessus tête. L’univers est devenu un cylindre creux à l’intérieur duquel il tourne et vire. Diverses lames tranchantes lui lacèrent la couenne, diverses aiguilles aiguisées lui labourent les flancs et le reste. Il lui semble qu’il va débouler ainsi indéfiniment, il est certain qu’il va mourir. Et, lorsqu’une main gigantesque lui assène une gifle tout aussi gigantesque sur les flancs, stoppant instantanément sa chute tourbillonnante dans une seconde explosion de douleur bien plus intense que la première, Aaon est persuadé que cette fois ça y est, c’est arrivé, il est mort. 21 les carnets de l’assemblée # 4 encres 2. Mira, la Mère du village de Trocadro, est assise sur sa litière au milieu de ses sept conseillères. Les efforts conjugués de quatre verhommes ont été nécessaires pour la soulever de sa bauge et la porter sur un pavois jusqu’au centre de la salle du conseil. La Mère, à la dernière pesée, accusait trois cent trentesept kilos. C’est une femme magnifique, la quintessence de la beauté, dont la peau d’un délicat rosé est perpétuellement huilée par ses servantes pour lui conserver sa souplesse; ses hanches ont la solidité de deux souches, ses épaules roulent comme de la pâte à pain au moindre de ses mouvements, les deux poires juteuses de sa poitrine ont gardé la souple fermeté de l’adolescence. Pourtant la Mère est vieille, pas loin de trente ans ; mais, moins de trois mois plus tôt, en pleine fête des vendanges, elle a mis au monde deux jumelles, respectivement ses dix-huitième et dix-neuvième enfants, dont tous ont survécu. Et ses seins sont encore gonflés de lait. Pas de doute, même à côté d’Astolar, vingt-sept ans, seize enfants, ou d’Elantrop, vingt-cinq ans et treize rejetons (mais deux sont morts noyés), Mira est digne de présider au destin de Trocadro. Pour l’instant présent, ses cuisses larges ouvertes dévoilant, sous sa motte méticuleusement épilée, la fente cracheuse de vie aux lèvres violettes et dentelées, la Mère en impose. Elle ondule sur son bassin, son épiderme poudroie sous le soleil du milieu de journée qui, filtrant au travers des palmes du toit assemblées avec négligence, la crible d’un semis de larges taches de rousseur. La Mère se gratte la panse, renifle, sort une langue carmin qui ramasse, sur le rebondi de ses joues, un peu de la sueur que ne cesse de dégorger son épiderme luisant. Enfin elle parle. — Nous devons donner à la Fête du Passage un retentissement grandiose et une... une magni.. magnificence sans conteste. Dans la salle, les sept conseillères se sont figées pour qu’aucun froissement de chair moite ne vienne troubler le discours de la Mère. Et personne n’irait s’étonner qu’entre les coups de butoir de sa respiration poussive, la Première Magistrate de Trocadro ne trébuchât quelque peu sur des mots dont l’usage ne lui est pas habituel. Mais déjà la voilà qui reprend le fil. — Toutes, nous devons avoir présent à l’esprit le fait suivant : ce Passage n’est pas un Passage comme un autre. Nous sommes le 31 décembre 2999. Nous allons franchir un millénaire. Après toutes ces périodes troublées... où notre race a bien failli disparaître... sombrer corps et bien — nous devons... nous devons... À nouveau Mira s’interrompt ; cette fois, l’interruption est discrètement soulignée par la danse sur les litières de postérieurs que, sans doute, une démangeaison impromptue est venu picoter. La Mère, malgré le respect qu’on lui doit, s’égare, paraît réciter une leçon INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... convenue. Et c’est Matebar, pourtant la plus jeune des conseillères — dix-neuf ans, cinq petits — dont la tignasse noire, grasse, nattée, fait contraste avec la mode du crâne poncé qu’arborent ses consœurs, qui se permet de répliquer. — Nous devons nous amuser, Mère. Danser, faire de la musique, manger... C’est bien ce qui compte, non ? Le reste, toutes ces vieilles légendes... Est-on seulement certaines de leur véracité ? C’est si vieux, de toute façon ! La tirade déclenche une série de grognements, de grommellements et même, malaisément étouffés, quelques disgracieuses réclamations d’estomacs qui supportent difficilement le report de la seconde soupe, dont est cause la présente réunion. — Tu es jeune, Matebar ! fait la Mère d’un ton conciliant. Aussi puis-je comprendre que des évènements fort anciens ne soient pas à même de te préoccuper... Il est néanmoins patent et vérifié que notre vaste monde a traversé, de longs siècles durant, une phase difficile. La pollution, l’effet de serre, les grandes pluies, la montée des eaux, les changements de climat… et naturellement toutes ces guerres horribles qui ont bien failli mettre fin à notre race. Cela est véridique. Cela a existé. Les Shaahr nous l’ont enseigné. Et c’est grâce aux Shaahr qu’aujourd’hui nous vivons notre Renaissance. Que nous prospérons, que nous nous multiplions. Certes, nous allons danser, jouer, faire bombance. Néanmoins, et cela non plus nous ne devons pas l’oublier, la Fête du Passage doit être également une occasion d’honorer nos sauveurs. La Mère hoche la tête, ce qui a pour effet de faire ressortir les nombreux bourrelets de son menton. À nouveau sa langue lape la sueur qui perle autour de sa bouche. Elle n’ignore pas que le simple énoncé du terme générique désignant les hôtes de la Terre a provoqué, comme à chaque fois, ce genre de frémissement que même les membres du conseil, qui les côtoient couramment, ne peuvent jamais totalement contrôler. — Veux-tu dire que les Shaahr assisteront à notre Fête ? demande Roosolph, avec un petit filet de voix qui paraît avoir du mal à couler de sa large bouche vermeille. — Ce sera pour nous à la fois un honneur, une obligation et un plaisir... La voix, subtilement étrangère, a surgi du fond de la salle ovale, en direction de l’entrée. Plus encore que l’unique syllabe sifflante de leur nom, la présence physique des êtres qu’elle synthétise développe chez les assistantes une émotion palpable faite de bruits de gorge, de mouvements avortés, de bouffées corporelles qui gonflent d’un surcroît d’acidité l’odeur dense régnant dans la bâtisse... Car c’est bien un Shaahr qui a parlé, ce sont bien des Shaahr, au nombre de trois, qui viennent de pénétrer sans se faire annoncer dans la salle du Conseil. 22 les carnets de l’assemblée # 4 À pas ondulants, les trois Shaahr avancent vers le cercle des conseillères, se dirigeant droit vers la Mère. Celui qui marche en tête est l’ambassadeur, les deux autres sont ses assesseurs. Ou des gardes. Il est toujours difficile de définir le rang ou la fonction des Shaahr ; eux non plus ne portent ni habit ni signe distinctif ; on ne les rencontre que par petits groupes, qui ne semblent jamais régis par un ordre hiérarchique quelconque ; et ils ne portent pas de nom — en tout cas ils n’ont jamais pris la peine de se nommer individuellement. Lorsque les trois bipèdes coupent le cercle des conseillères de leur formation en triangle, les respirations se bloquent dans les vastes poitrines aux mamelles débordantes. Ils sont si grands, si sveltes, si souples. Si impressionnants, si... beaux. Sans doute sont-ils nus. Mais la fourrure qui gaine le corps élancé et nerveux des Shaahr les habille mieux que ne le ferait la plus belle des pelisses, la plus ajustée des tuniques. L’un des gardes est aussi noir qu’une bûche calcinée ; le pelage du second est d’un gris subtil, agrémenté de taches blanches sur les flancs et le haut du poitrail ; mais c’est la livrée de l’ambassadeur qui accroche le plus intensément le regard : d’un roux flamboyant, avec des zébrures plus sombres, modelant son échine jusqu’aux cuisses musculeuses et convergeant sur le front et les joues pour y dessiner un maquillage naturel soulignant la délicatesse du nez, la finesse des minces lèvres en triangle, la profondeur des grands yeux verts, qu’on dirait liquides... L’ambassadeur s’incline devant la Mère ; un crépitement de bois sec qui s’enflamme électrise les poils touffus de son échine ; ses oreilles pointues pivotent, s’orientant vers la masse adipeuse posée devant lui. — Il n’est nullement dans mes intentions de troubler cette réunion, susurre le Shaahr de cette voix haute et flûtée qui surprend toujours venant d’un être aussi puissant, aussi resplendissant ; je tenais seulement à m’assurer que la préparation de la Fête se déroule sous les meilleurs auspices. Et surtout que vous veillerez tout particulièrement à ce que la totalité du village y assiste... Même les isolés ou les égarés, que certains de nos guetteurs ont repérés divaguant dans la forêt. La Mère danse sur sa litière, pose une main sur sa vaste poitrine, tend l’autre vers le représentant de cette espèce venue de si loin, il y a si longtemps, pour la sauvegarde de la Terre. — Tout sera fait pour que le Passage soit célébré à la satisfaction mutuelle des humains comme des Shaahr ! glousse Mira, dans un tremblement tectonique de toute sa chair épanouie. L’ambassadeur aplatit ses oreilles, ses moustaches frémissent; sa longue queue lui bat les flancs en une cadence mécanique; il sourit, dévoilant les deux sabres recourbés de ses canines. Il allonge le bras, saisit dans sa patte de velours la main tendue de la Mère ; sous les coussinets, les griffes rétractiles affleurent. encres INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... 3. Aaon se redresse. Il a mal partout. Au moins, c’est le signe qu’il n’est pas mort. Il ne s’est pas même évanoui ; au pire est-il resté quelques minutes étalé sur la pente, le groin dans les feuilles gorgées d’humidité de la dernière pluie, les membres écartelés sur le sol. Avec des efforts qui se répercutent en tiraillements dans toute sa viande, il parvient à se redresser, prenant appui sur un arbuste qui penche. Il est encore tout étourdi. Sur combien de mètres a-t-il débaroulé ? Vers le haut, une sente irrégulière de broussailles écrasées dessine le trajet de sa chute. Dix mètres, peut-être vingt. Aaon grimace. Ses genoux sont écorchés en couronne, sa panse présente une incrustation brunâtre de feuilles moisies, de gravillon planté dans sa couenne, d’humus dans lequel de répugnants petits insectes fouisseurs se tortillent. Il arrache tant bien que mal toutes ces scories en se frottant avec la paume de ses mains. Débarrassée de son matelassage de terre et de végétaux, sa peau d’un tendre rose révèle d’innombrables lacérations, tandis qu’une sensation de cuisson à feu doux, au départ imperceptible, embrase sa poitrine et son abdomen. Aaon gémit ; pour un peu des larmes lui viendraient aux yeux. Il a mal, il a faim, de plus en plus faim ; et il est vraiment perdu. Remonter ? C’est hors de question, il y laisserait ses dernières forces et, sans aucun doute, quelques morceaux supplémentaires de son épiderme. Le mieux, c’est de continuer à descendre. D’ailleurs la pente semble se stabiliser. Aaon en a la certitude au bout d’un nombre incertain de pas hésitants, alors qu’autour de lui les arbres s’éclaircissent et que les buissons épineux cèdent la place à des bosquets de bambous et autres plantes filiformes, dont l’extrémité se noie dans le ciel blanc de chaleur. Ses talons s’enfoncent dans un sol désormais spongieux, une brume laiteuse se condense devant lui, qu’il brasse un certain temps de ses mains étendues, avant de déboucher sur une anse dégagée, à l’atmosphère plus limpide, au bord de laquelle clapote une eau gris-vert. Aaon pousse pour lui seul une exclamation assourdie. Devant lui, passé une barrière de mangrove, l’eau recule jusqu’aux limites brouillées du monde. Une nuée d’oiseaux blancs survole en piaillant l’étendue liquide ; parfois l’un d’eux pique une tête au long bec jaune dans le courant léthargique pour en ramener un poisson frétillant. Loin vers la droite, alignés sur une plage terreuse, une dizaine de faux troncs d’arbres paressent, leur museau écailleux au ras des flots. Des crocos, qui attendent avec patience qu’une proie vienne se placer entre leurs crocs. Et, barbotant entre les vagues argileuses qu’ils soulèvent, de grosses masses noires s’ébrouent au large, ouvrant d’effrayantes gueules roses plantées de dents longues comme le bras. Ce sont des hippos. Aaon est déjà venu là, une fois, beaucoup plus jeune, conduit par son père. Ce fleuve impassible, large de plusieurs kilomètres, est la Sène. Au cours des âges, gonflant sans cesse, il a recouvert presque entièrement la ville que jadis il ne faisait que traverser, Panis, ou Paris, dont le village de Trocadro occupe un point en surplomb, épargné. Quelques reliquats de la civilisation engloutie demeurent — ainsi, juste en face de lui, ce colossal pilier de ferraille rouillé, sectionné à mi-corps par une force inconnue, et qui émerge de la surface étale : la Tour des Fèles. La belle affaire ! Il paraît que, ce soir à minuit, l’humanité franchira la barre d’un nouveau millénaire. La belle affaire ! Qu’est-ce qui changera, au village, ou dans le monde entier, lorsqu’on abordera ce supposé an 3000 ? Rien de rien, assurément... « Qu’est-ce qui changera au village, ou dans le monde entier, lorsqu’on abordera ce supposé an 3000 ? Rien de rien, assurément... » Aaon, laisse bâiller sa bouche, ébloui par tant de beautés indicibles. Mais la fatigue a raison de son attention consciente, elle a même raison de sa faim dévorante. Poussé par la gravité alliée à son propre poids, il s’effondre tout doucement, jusqu’à ce que ses fesses se creusent une place dans le sol fangeux. Et il demeure là, les yeux fixés sur ce fleuve si grand qu’il pourrait aussi bien être un lac, ou la mer, dont on dit que, désormais, elle couvre les neuf dixièmes du globe. La chaleur poisseuse de cet après-midi ordinaire d’un mois de décembre terminale pèse sur sa nuque, l’assommant en sourdine. Ses paupières tombent. Très vite, Aaon dort tout assis, le souffle sonore de sa respiration troublant devant sa bouche le vol des éphémères, des moustiques, des moucherons, de dix autres insectes ailés attirés par sa forte odeur. 4. Sur la place principale du village, ça s’active. Tobar, le père d’Aaon, a participé à la construction de l’estrade réservée à la Mère, ses conseillères, et les représentants des Shaahr. La Mère est déjà là, transbahutée par ses quatre porteurs qui l’ont posée au centre des gradins, sur une confortable épaisseur de paille fraîche. Elle bavarde avec ses adjointes, elle paraît excitée, elle fait de grands gestes, son épiderme récemment huilé brille de bonne santé sous les rayons oranges du gros soleil mou qui se délite déjà dans les brumes de l’ouest. Seuls les Shaahr sont encore invisibles. Sans savoir pourquoi, Tobar en est soulagé. Sans savoir pourquoi, il ne les aime pas. Ce n’est pas qu’il ait quoi que ce fût à leur reprocher, mais ce sont quand même... des étrangers. Bien sûr Tobar a toujours vu les Shaahr. Ils sont là depuis... il n’en sait à vrai dire rien, et personne à sa connaissance ne pourrait le préciser. Au moins un siècle, peutêtre deux, ou plus. Mais qu’est-ce que ça peut faire ? Ils sont là. Ils sont là, et la présence des Shaahr apporte inévitablement du trouble à une existence qui pourrait se dérouler de manière la plus paisible possible, à manger, à dormir, à se faire dorer au soleil, à se reproduire, à manger, à manger. Cette Fête du Passage, par exemple... C’est une idée des Shaahr. Un verhomme bouscule Tobar, portant une panière remplie à déborder de melons d’eau. La simple vision de ces fruits oblongs, à la peau d’un beau vert luisant, ocellée d’un vert-jaune plus tendre, met l’eau à la bouche de Tobar. Son ventre gargouille, il se passe machinalement la main sur les lèvres. Au moins, et ce sera toujours ça de gagné, la célébration des Fêtes donnera lieu, en plus du quatrième repas, qui ne devrait pas tarder, à un exceptionnel cinquième souper, qui clôturera fastueusement le Passage. Mais que de remue-ménage pour en arriver là ! Hier, une bonne partie des habitants du village a dû participer à la cueillette et à l’arrachage ; heureusement, grâce au climat chaud et humide qui baigne le pays, il n’y a qu’à se baisser pour ramasser ce qui pousse à profusion dans les jardins; et lever le bras pour récolter les fruits sous le poids desquels, en toute saison, ploient les branches des vergers. Aujourd’hui, depuis l’aube, les femmes, au nombre desquelles Maroo, sa première épouse, Nartha, la seconde, et Siflin, la toute dernière, s’échinent à la préparation des mets — purées de châtaigne ou de gland, compotes de figues et de bananes, coulis de tomates, de topinambours, de raves, raclettes de noisettes, d’amandes, de noix de coco liés au miel et à la farine de poisson... Encore une fois l’estomac de Tobar fait entendre un clapotis d’impatience ; encore une fois sa langue va chercher, dans les interstices de ses molaires, s’il ne reste pas un tesson oublié datant du précédent repas, le goûter de quatre heures. La sonnerie de trompe du début des festivités ne va-t-elle pas se décider à sonner ? Là-bas, du côté de l’estrade, il semble bien que quelque chose se prépare. Tobar plisse les paupières. Oui, les gradins se sont meublés d’une demi-douzaine de silhouettes supplémentaires, élancées, colorées, pleines de poils : ces satanés Shaahr. Et voilà que la Mère se redresse — ou plutôt que ses porteurs, arc-boutés dans son dos, la hissent en position verticale. Debout la Mère lève les bras et dit... Tobar a beau tendre l’oreille, il ne parvient pas à saisir un seul mot au milieu du brouhaha. C’est qu’il y a tant de monde sur la place, entre les hautes clôtures épointées de l’enceinte... Tant de monde, tout le village, des centaines et des centaines de personnes, des milliers et des milliers. Et ces enfants ! Tous ces enfants joyeux, ces enfants dodus qui se glissent entre les jambes en couinant de bonheur, des centaines, des milliers 23 les carnets de l’assemblée # 4 encres d’hommelets, la vie en marche, incontrôlable, irrésistible... Mais foin d’émotion. La trompe fait enfin entendre son barrissement, ce qui donne le signal de la ruée vers le périmètre des mangeoires. Ce n’est pas trop tôt. Plus tard, les danses, la musique, les chants, plus tard. Tobar, au milieu de la bousculade générale, ébranle ses deux cent soixante dix-neuf kilos de viande qui réclament. Où sont passées ses filles, dans ce tohu-bohu ? Tarna, Orna, Siloe et les autres ? Il n’en sait rien, il ne les voit pas. Et ses fils — Maaron, Feron, Volder, les autres ? Invisibles. Et Aaon, cet incapable qu’il n’a pas aperçu depuis le matin ? Disparu. Mais il finira bien par les retrouver. Dans la marée violette du soir qui s’étend telle une coulée de sirop de mûres échappée d’un chaudron, Tobar a atteint, en même temps que des centaines d’autres qui jouent des coudes, le périmètre des cuves derrière lesquelles officient les femmes. Il a l’occasion de faire un signe à sa seconde épouse, Nartha, déjà toute barbouillée de l’épaisse soupe qu’elle sert à la louche dans les écuelles tendues. Tobar réussit à saisir une assiette creuse dans une pile, l’avance vers la serveuse qui s’affaire en face de lui, une jeune truissone avenante qui ne doit pas avoir plus de dix ans mais accuse sans problème au moins cent vingt kilos de chair ferme et rose. Il sourit alors que son auge se remplit d’un bon litre de soupe de maïs où nagent des losanges de betterave et de papate. Au moment où il va plonger directement son groin dans le récipient — il n’a pu mettre la main sur une cuillère — son attention est attirée par un mouvement vif à son côté. Il relève la tête. C’est un Shaahr un gros Shaahr tigré, avec qui il échange un regard dénué de véritable signification, avant que les yeux cristallins, aux reflets d’absinthe, ne se détournent avec nonchalance. Que fait-il ici, celui-là ? Que fait un Shaahr en plein milieu des humains, en plein cœur de la fête ? Alors qu’il aspire une première gorgée de bouillon, Tobar s’aperçoit que l’estrade s’est meublée d’ un contingent supplémentaire de Shaahr, qui sont maintenant au moins douze, peutêtre quinze, à circuler sans gêne aucune sur les travées. Que se passe-t-il ? Un vif débat semble s’être engagé avec les conseillères, et même avec la Mère, que ses porteurs ont une nouvelle fois relevée. Ne dirait-on pas qu’on la pousse, qu’on la traîne hors de l’estrade ? Oui, entourée d’une haie de Shaahr, voilà qu’elle disparaît en direction de l’enceinte. Les gradins sont maintenant vides. La Fête est pourtant à peine commencée... Que se passe-t-il ? Tobar en oublie de laper sa bouillie. Autour de lui, il voit des mines perplexes, il remarque les mâchoires qui pendent d’étonnement sur des triples mentons où s’écoule en rigoles le jus qui dégorge. À quelques pas de lui, hautain et brutal, un Shaahr écarte d’un coup de patte un tout jeune hommelet qui s’est jeté dans ses jambes. Ce n’est pas le tigré de tout à l’heure, c’en est un autre, tout noir, avec une tache blanche en forme d’étoile sur le haut du poitrail. Que INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... se passe-t-il ? De la foule montent maintenant des exclamations qui ne ressemblent plus du tout aux cris de joie de tout à l’heure. Tobar se détourne, il y a un autreShaahr derrière lui. Et un autre un peu plus loin, et un autre, et un autre... Que font tous ces étrangers au milieu de la Fête ? Ils semblent maintenant être des dizaines et des dizaines, des centaines. — Qu’est-ce qui se passe ? se décide à déglutir Tobar. Personne ne lui répond, personne ne fait attention à lui, le tumulte est trop puissant. L’assemblée dans son ensemble a été saisie d’un mouvement circulaire, un brassage en coquille d’escargot qui dévide la foule et paraît entraîner les participants vers le portail principal largement ouvert derrière lequel, dans le crépuscule qui s’épaissit, joue une fulgurante lumière blanche. Tobar cligne des paupières, il entend des voix sifflantes qui crient : avant ! — En avant... plus vite ! Plus vite... en Lui-même est pris par le flux, par toutes ces panses qui se pressent autour de lui ; il se sent poussé en avant, il veut résister, une douleur cinglante lui déchire le milieu des reins, scindée en quatre brûlures bien distinctes. Il se détourne, la silhouette altière d’un Shaahr le surplombe, immense, féroce, le corps couvert d’un pelage orange strié de rayures noires. Les crocs étincellent dans la lumière blanche, une patte impérieuse, aux griffes dégainées, lui désigne le porche. — En avant ! Plus vite ! Que pourrait dire Tobar ? Que pourrait-il faire ? Rien, rien. Alors il obéit, alors il avance, plus vite, plus vite. 5. C’est la sensation d’un contact rude sur la peau, à divers endroits de son corps, qui réveille Aaon. Encore englué dans les brumes du sommeil, il éprouve l’impression d’être une mouche piégée par les fils de l’araignée, ou encore un poisson pris dans un filet. Il se secoue, ouvre des yeux éberlués. S’il en croit leur témoignage, sa situation est bien celle du poisson sur qui s’est refermé la nasse posée par des pêcheurs : un réseau de grosses cordes lui immobilise les bras le long du buste, un nœud coulant, assez lâche heureusement, encercle son cou. Avec une stupéfaction si intense qu’elle coupe dans sa gorge les mots de protestation qui s’apprêtaient à y germer, il prend conscience que ceux qui se sont livrés sur lui à cette stupide plaisanterie, cette familiarité insensée, sont deux Shaahr. L’un est très grand, très mince, au poil ras, blanc avec quelques taches beiges ; 24 les carnets de l’assemblée # 4 l’autre est plus ramassé, plus touffu, avec une fourrure brun-orangé. Leurs yeux, pareillement d’un jaune soufré, poinçonnés d’une large pupille noire, sont fixés sur lui. Les lèvres triangulaires du plus grand sont entrouvertes, laissant affleurer la pointe des canines. C’est lui qui siffle l’ordre. — Debout, homme ! De concert, les deux Shaahr tirent sur les cordes qu’ils agrippent de leurs pattes antérieures aux griffes sorties. À moitié étranglé, Aaon réussit à se redresser. Autour de lui, tout tourne. Il ne comprend toujours pas. — Que... qu’est-ce qui se passe ? parvient-il à balbutier. — Tu t’es enfui, homme. Tu t’es perdu. Tu ne te souviens pas que, ce soir, c’est la Fête du Passage ? Que la présence de tous les tiens y est exigée ? Tu n’as pas envie de participer au grand banquet qui sera l’apothéose de la Fête ? L’estomac d’Aaon se tord et gémit. Banquet. À cause de sa fugue irraisonnée, à cause de cet accès subit de sommeil, il a sauté au moins deux repas. Il meurt de faim. Il voudrait exprimer une quelconque reconnaissance à ces Shaahr dont la conduite est si étrange mais, à nouveau, les mots ne peuvent sortir de sa gorge. Les deux félins l’observent avec attention, oreilles dressées, moustaches rigides. Ils ne sourient pas, leur morphologie faciale le leur interdit; pourtant, d’une manière inexplicable, leur mufle impassible exprime un sourire féroce, un ricanement silencieux qui glace le sang d’Aaon sans qu’il puisse en préciser la raison. Cette glaciation soudaine achève de lui faire perdre ses faibles moyens et, lorsque le grand Shaahr blanc imprime une brève secousse à la corde, il ne peut que démarrer pesamment, les bras collés au corps, et avancer avec docilité derrière les étrangers qui l’ont capturé, comme un rat familier traîné au bout d’une laisse par deux hommelets farceurs. Le trio gagne le bord de la Sène, d’où s’élève le brouillard graisseux des fins de journées. Des hérons, des flamands et autres échassiers à grand bec bavardent interminablement, les pieds dans l’eau, sans souci des crocos plus que jamais gagnés par une immobilité de bois mort. Au large, les entretoises les plus hautes de la Tour des Fèles accrochent une dernière étincelle rousse. Le ciel tourne à la boue, il ne va pas tarder à faire nuit. — En avant ! Plus vite ! Aaon trébuche; tout à sa contemplation du décor il a dû ralentir le pas. Les cordes autour de son cou et de son buste se resserrent. Après avoir longé la grève pendant quelques centaines de pas, les deux Shaahr et leur prisonnier obliquent vers la gauche. Trocadro n’est plus très loin, en haut de ces éboulis rocheux où se devine encore la structure rectiligne de bassins et d’escaliers qui ont échappé à mille ans de barbarie. La nuit maintenant est bien là, qui s’appesantit depuis les hauts-fonds croupis du ciel, où encres INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... se dessine le croissant mouillé d’une lune trempée dans du lait. Un murmure monte, enfle, fait des mille et mille voix du village en liesse. Un léger baume se dépose sur le cœur aux battements anarchiques d’Aaon; le Shaahr n’a pas menti, on l’a bien ramené à son point de départ. La bourrasque des voix sans nombre envahit la nuit. Mais... ces voix ne sont-elles pas porteuses de plaintes et de gémissements, plutôt que de joie ? Au détour d’une falaise, le spectacle qui s’offre aux yeux d’Aaon est si incroyable qu’il ne peut empêcher ses jambes de se figer. Sur le replat s’étendant depuis la frange ouest de Trocadro, il voit des centaines, des centaines et des milliers d’humains, tout le village certainement, qui avancent en rangs serrés. Cette foule compacte est éclairée de front par une nappe de lumière blanche rasante qui sculpte les têtes en autant de boules noires et blanches au roulement pesant. Des Shaahr, des dizaines, des centaines de Shaahr sont là. Certains font claquer un fouet, certains tiennent une corde à l’extrémité de laquelle est attaché un récalcitrant. Des ordres fusent, toujours les mêmes. — En, avant ! Plus vite... plus vite ! La laisse qui encorde Aaon se tend. Il doit reprendre sa marche, précipité au milieu de la foule, pressé entre les ballottantes panses en sueur. — En avant ! Plus vite ! — Que se passe-t-il ? Où nous emmène-t-on ? — Plus vite ! Avancez ! À travers le bruit mat des pieds foulant le sol boueux, un son nouveau vient de se manifester, qui gagne en intensité à chaque battement de cœur, à chaque mètre gagné, un martèlement sonore, scandé, lancinant qui, Aaon le comprend en un éclair, est celui des pas ébranlant la passerelle de fer de l’Oorht. Mais cette révélation n’augmente pas son désarroi. Aaon a atteint le fond de la terreur et, lorsque ce sont ses propres pas qui viennent frapper le pan incliné de métal noir, son esprit n’est déjà plus qu’un fétu flottant dans l’infini. — Plus vite ! Plus vite ! Les voix sifflantes des félins se perdent en échos sonores qui rebondissent dans le ventre de la caverne d’acier ; les captifs foulent maintenant un treillis coupant dont les lames meurtrissent la chair des pieds nus. Il sont enfournés dans des cages — il y en a des dizaines et des dizaines étagées dans les flancs du vaisseau — entassés à cent ou plus derrière les grilles qui se referment sur un dernier ébranlement cinglant. Ensuite, les prisonniers n’ont plus qu’à se laisser écraser par la force de gravité tandis que l’Oorht, soulevé par une intense colonne de flammes blanches, s’arrache à la terre et s’enfonce dans les cieux. 6. Au sommet du vaisseau, assis sur un des coussins moelleux qui meublent le sol du poste de navigation, l’ambassadeur Pfifiltigriss se passe une patte nonchalante derrière l’oreille gauche. — Voici une opération parfaitement réussie, miaule-t-il. De quoi célébrer dignement la Fête du Passage de cette ennuyeuse petite planète. Un peu trop d’eau, n’est-ce pas ? Mais l’essentiel est le banquet qui nous attend sur Ulquaarht. Riche en protéines de la meilleure qualité ! Allongée devant ses écrans de contrôle sur un amoncellement de coussins garance, la coordinatrice de vol Sasharassahr tourne vers l’ambassadeur ses fameux yeux turquoises qui font un effet tellement irrésistible avec sa livrée blanche. — Certes. Mais ce genre de prélèvement n’est-il pas exagéré ? Trois-mille six cent vingt-neuf têtes ! Ne risquons-nous pas un jour prochain de manquer de matière première ? Pfifiltigriss écarte les lèvres. Sa langue rose apparaît entre ses canines, un frisson électrique hérisse le poil roux de son échine. — Aucun risque, voyons... Ces humains se reproduisent comme des lapins. illustration : © Julien De Jaeger Les mots ont eu du mal à s’extirper de sa gorge sèche, que le collier de chanvre noue ; mais personne ne lui répond, personne n’a fait attention à lui, il n’est qu’une particule au milieu d’un courant infini. Alors il n’a plus qu’à marcher, qu’à piétiner dans le flot. La lumière blanche creuse des tunnels de feu dans ses pupilles quand il relève les yeux mais il finit par distinguer, à l’arrière-plan, une ombre colossale bien plus noire que la nuit, tour ténébreuse posée sur la plaine et se dressant vers le ciel. C’est un Oorht, un de ces vaisseaux cylindriques hauts comme trois fois la Tour des Fèles, qui ont amené les Shaahr depuis l’autre bout de la galaxie, l’autre extrémité de l’univers. C’est là qu’ils sont conduits, alors ? Pour terminer la Fête ? Pour l’apothéose ? Le banquet ? Cette pensée n’est aucunement réconfortante; et les lèvres d’Aaon, bien malgré lui, laissent échapper une plainte qui ne fait qu’une avec les milliers de plaintes que dégurgitent mécaniquement des milliers de gorge serrées par l’angoisse. La lumière se fait plus forte, Aaon tente de repérer, entre toutes les têtes qui s’échelonnent devant lui en ombre chinoise, celle de Maroo, sa mère, ou celle de Tobar, son père, celle d’un de ses frères et sœurs, Volder, Bader, Siloe, Maroe, n’importe qui dont la présence pourrait lui apporter un peu de réconfort. Mais il ne reconnaît personne. Il y a tant de monde, tant de monde ! 25 les carnets de l’assemblée # 4 encres illustration : © Kevin Richard INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... Rêver les futurs possibles, qu’ils soient proches ou éloignés, est une des activités humaines les plus libres qui soient. On se prête à divaguer vers des lendemains plus chantants, ou vers des perspectives plus sombres en extrapolant nos travers du quotidien. Si notre nature nous porte à penser que c’est dans l’avenir que les germes de notre bonheur fleuriront, il est rare que les fresques dépeintes par les auteurs soient exemptes de mauvaises herbes. Pourquoi rêver – ou cauchemarder – à un futur nécessairement imparfait ? En l’absence de règles rigides qui nous encadrent quand on parle d’histoire et de passé, nous pourrions partir dans toutes les directions. Néanmoins, certains genres se sont imposés et nous allons déblayer le chemin qui nous emmène plus loin, dans notre futur, avec des essais de définition. Nous parlerons ensuite des codes et des poncifs qui président à ces genres: quelles sont les constantes que l’on retrouve dans ces futurs imparfaits ? Pour prolonger ce second point, nous aborderons enfin quelques procédés qui déterminent les changements de cap, les demi-tours et les fractures irrémédiables qui ont fait de ce futur une projection fidèle de notre présent. Définitions de ce qui n’existe pas encore L’uchronie : c’est un récit qui reconstruit l’histoire à partir d’un événement tronqué. Une guerre où le camp défait connaît finalement la victoire, où un homme politique déterminant est mort en bas âge, où une invention a soit été oubliée, soit a été inventée plus tôt. À partir de ce point de divergence, on tente d’imaginer comment serait fait le monde, et l’on se projette dans un nouveau présent, et souvent dans un nouvel avenir. La reconstruction de l’avenir prend souvent des accents fantaisistes, ce qui l’éloigne du modèle suivant. La science fiction, ou fiction spéculative (en traduisant littéralement les termes anglais) : en se basant sur le monde présent et réel, elle consiste en l’extrapolation de faits sociaux, scientifiques pour arriver à une vision prophétique de l’avenir “ plausible ”. Quand des faits scientifiques futuristes mais crédibles sont omniprésents dans le contexte, on parle de Hard Science. Une vague d’œuvres transpose ces fictions spéculatives dans un avenir construit à partir de la Révolution Industrielle, rejoignant les visions de Jules 26 les carnets de l’assemblée # 4 Vernes ou de Robida. C’est la naissance du courant steampunk, imbriquant la gaslight romance quand on évolue dans un cadre victorien sombre et romantique. D’une manière générale, ces projections dans l’avenir se nomment anticipation. Celles que nous avons décrites procèdent d’une évolution logique et graduelle. Parfois, un cataclysme décide de ce futur, et nous entrons dans un monde post-apocalyptique, souvent ravagé. Les mondes futurs sont nécessairement imparfaits car nul ne peut prédire cet avenir ; le comble de cette imperfection pourrait se trouver dans les dystopies, dont le nom rappelle curieusement les utopies. Le préfixe grec “ dys ” évoque le mal, un non-lieu, on pourrait parler d’anticipation négative, d’“ utopie de l’enfer ”. John Stuart Mill utilisait le mot “ cackatopia ”. Dans ces œuvres, l’avenir est forcément péjoratif puisqu’il s’est bâti sur les tares de la civilisation actuelle, même si parfois, des rebondissements ont contribué à son basculement (guerre nucléaire ou bactériologique, chaos écologique, vague totalitaire ou génocidaire). Si la science encres INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... qu’on lui substitue un monde nouveau, au prix d’une rébellion (V pour Vendetta, le comic book d’Alan Moore). Quand cette rébellion n’est pas possible, le recours aux drogues et autres psychotropes est nécessaire. L’usage de telles substances, encouragé parfois par les autorités, permet de survivre au mieux dans ces sociétés sans idéal ou refusant tout espoir d’un futur meilleur. D’autant plus qu’un monde à la dérive se coupe de ses racines et que l’équilibre écologique est mis en péril, ou a été complètement bouleversé (Soleil Vert, roman de Harry Harrisson). La nature physiologique de l’homme en a peut-être fait les frais et a muté. Dans l’écriture de mondes imparfaits, il faudrait toujours avoir en tête le schéma des avantages et des contreparties. Si une avancée technologique ou sociale autorise certains progrès, quelles peuvent en être les conséquences négatives ? Comment l’humanité s’adapte à cette évolution ? Des constantes dans des univers changeants Des sociétés totalitaires. Même quand le futur est un retour en arrière (vers un système féodal voire tribal), on en revient à un contrôle très étroit de l’individu par la société qui le régit. Le XXème siècle y a laissé ses traces, ou les dérives de la monarchie absolue pour les dystopies les plus anciennes. Les libertés individuelles sont supprimées et la société se replie sur elle-même, méfiante de l’étranger, où les inégalités se creusent (cf. 1984 de George Orwell). Le pouvoir en place ne remplit guère sa mission et résiste par la force. C’est un poncif des œuvres cyberpunk : le hacker contre la multinationale, les héros désabusés contre les complots (Gravé sur chrome, William Gibson, 1986). Des groupes parallèles et illégaux se mettent en place pour jouer au chat et à la souris. Parallèlement à cette dérive se retrouve la propagande, notamment avec l’emprise tentaculaire des moyens de communication. Un discours des autorités qui annonce un avenir plus radieux mais souvent, il n’y a aucune étincelle d’espoir. Si cet espoir existe cependant (par le biais d’une prophétie sur un libérateur ou autre avènement), il est vivement combattu par les tenants du pouvoir en place. Les personnages d’une anticipation se projettent eux-mêmes dans un avenir, même s’il se résume à une survie de quelques jours supplémentaires dans un monde post-apocalyptique. Le héros de telles œuvres se trouve rapidement en porte-à-faux avec les autorités. Contrairement à une utopie qui se suffit à elle-même et qui n’a plus besoin d’évoluer, le monde dystopique a besoin qu’on lui secoue sévèrement les puces, Quelques procédés pour aboutir à un avenir imparfait Le point de non retour, ou le divorce irrémédiable du présent et du futur. Ce dernier dépend au final de deux partis pris : soit une évolution aussi logique soit-elle de notre situation actuelle, soit une fracture, une cassure qui oblige l’humanité à s’adapter radicalement au changement de fortune. Les deux peuvent être imbriquées pour faciliter la cohérence de cet avenir : le tremblement de terre historique que représente la Révolution Française puise ses racines dans des tendances lourdes structurelles (rivalités d’ordres, mauvaise gestion financière, absolutisme vacillant) plus encore que dans des concours de circonstances ponctuels. De même, si on projette une apocalypse nucléaire, c’est en pensant aux dérives atomiques de certains pays, ou à quelques incidents du nucléaire civil. Penser l’avenir, c’est réfléchir sur les déterminants de l’espèce humaine, c’est à dire les éléments qui ont une influence sur elle : aléas climatiques, moyens modernes de mener des conflits, progrès scientifiques et technologiques, conquête spatiale ; en bref, tout ce qui modifie la façon de vivre, de penser, la culture et les rapports sociaux. Cependant, pour que le futur soit réellement imparfait, il faut introduire un grain de sable dans la mécanique bien huilée de notre raisonnement prospectif. Un hiatus dans notre logique, pour que ce à quoi nous nous attendions ne soit pas si... logique et prévisible que cela. C’est pourquoi le mécanisme de l’uchronie est intéressant : l’auteur s’intéresse à un point de divergence, se focalise dessus et imagine quelles répercussions majeures il pourrait entraîner. Le point de divergence n’est pas forcément un progrès, un événement politique. Il peut se résumer à un changement d’axiome, de vision des choses. Le roman Opération Chaos (Poul Anderson, 1971) se pose la question uchronique de savoir comment le monde aurait évolué si la sorcellerie avait été le mode de raisonnement dominant au détriment des mathématiques euclidiennes. Qu’aurions-nous alors développé ? Le dernier procédé consiste en des clins d’œil faits par l’auteur à l’intérieur même de son œuvre. Ainsi, Winston Churchill avait bâti une uchronie selon laquelle les sudistes avaient gagné la guerre de Sécession, et qu’un auteur sudiste tentait d’imaginer le monde en cas de victoire nordiste (Et si Lee avait gagné la bataille de Gettysburg…). Dans Wang (roman de Pierre Bordage), un monde dystopique organise des Jeux Uchroniques, sorte de combats de gladiateurs qui remettent en scène de grandes batailles du passé. Des mises en abyme intéressantes qui renforcent le réalisme de ces œuvres d’anticipation. On s’interroge enfin sur la coloration que l’on souhaite apporter au futur ainsi créé, un optatif désespéré, une satire ou un pamphlet social, un monde idéal en cours de dévoiement… Le futur imparfait répond toujours au besoin de délivrer un message, et donc pose la question de la façon de présenter les problèmes, et de quelles façons ils pourraient se résoudre. Parfois, il n’y a aucune solution, comme dans le Fœtus-Party de Pierre Pelot où le remède unique devient le suicide. illustration : © Julien De Jaeger fiction insiste sur les évolutions scientifiques et technologiques, la dystopie leur préfère les évolutions politiques, les progrès sont généralement mineurs et servent à des fins de contrôle (les systèmes de surveillance, le contrôle de la population par diverses drogues comme celle qui annihile les émotions des protagonistes du film Equilibrium). Nous pourrions la décrire comme l’inverse d’une utopie, mais en fait, la dystopie des uns est parfois l’utopie des autres : les bénéficiaires de l’Ordre futur ne s’en plaignent guère. La plupart des utopies tournent mal dès qu’on tente de les appliquer dans la réalité : le communisme stalinien serait un parfait exemple de dystopie, si nous l’avions imaginé dans les années 1920. D’ailleurs, certaines dystopies ont les mêmes environnements que les utopies : des sociétés égalitaristes, sans idéal ou volonté d’évoluer, mornes et statiques... Sans partir dans le dévoiement d’un idéal, il suffit simplement de prendre les inquiétudes du présent et de les porter à leur paroxysme : le Metropolis de Fritz Lang est une dénonciation radicale de ce que pressentait son auteur au sujet de l’Allemagne nazie. In fine Nos futurs imparfaits sont avant tout des jeux de construction intellectuelle intéressants, mettant en jeu notre esprit de logique, mais aussi nos craintes et nos espoirs, dans une espèce de laboratoire de sciences sociales. On y invente des situations inédites, parfois déconnectées de toute logique, où l’homme doit clarifier sa nature, ses intentions, son éthique pour devenir l’homme nouveau, différent d’aujourd’hui et d’hier, dans une version nécessairement non aboutie de son évolution. par Yann Lefebvre 27 les carnets de l’assemblée # 4 encres INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... BIG BROTHER En 1932, tandis que le monde vit une crise économique majeure et le développement du totalitarisme, Aldous, Huxley publie le Meilleur des Mondes (Brave New World) un roman d’anticipation qui présente une société dans laquelle le Fordisme (Théorie économique qui prône la standardisation des produits et la division du travail) est devenu un fondement social au nom du droit au bonheur. Quelques années plus tard, en 1948, dans une période transitoire entre la fin de la Seconde Guerre Mondiale et le début de la Guerre Froide, paraît 1984 (Nineteen Eighty Four) de George Orwell, personnalité hors-normes, qui a été policier aux Indes, clochard à Paris, combattant en Espagne, speaker à la BBC. Dans 1984, Orwell peint une société totalitaire et belliciste, dirigée par le mystérieux mais omniprésent Big Brother et par le Parti. Vivre dans le meilleur des mondes… Le Meilleur des Mondes plonge le lecteur dans une société où le bonheur est la valeur universelle. La société est hiérarchisée en différentes castes d’individus, qui portent chacune le nom d’une lettre grecque : la caste Alpha correspond à l’élite de la société tant au point de vue physique qu’intellectuel tandis que les semi-avortons Epsilon occupent les fonctions subalternes. La distinction est obtenue grâce à la sélection et à la manipulation des embryons. À priori, cette société inégalitaire n’est pas propice au bonheur général. Mais dans ce Meilleur des Mondes, nul ne songe à contester ce système. En effet, la population est conditionnée dès la naissance à accepter sa situation au moyen de procédés hypnopédiques (hypnose et suggestion durant le sommeil). Pourtant, certains individus échappent à cette socialisation à outrance. Par exemple, Bernard Marx. C’est un alpha plus mais des rumeurs évoquent qu’il a été victime d’une erreur de manipulation au stade embryonnaire. De fait, Marx (les personnages portent des noms connus de scientifiques ou de politiciens) est petit pour un Alpha plus, ce qui le complexe. Il adopte alors un comportement asocial, choisissant délibérément de renforcer sa différence vis-à-vis de son entourage. Mais Marx ne souhaite qu’une chose : être reconnu. Afin de séduire la « pneumatique» Lénina Crowne, il programme un voyage dans une réserve. Il y découvre John, fils « naturel » et abandonné de parents issus de la civilisation. John a reçu une éducation traditionnelle auprès des « sauvages ». Mais il a également bénéficié de la lecture des œuvres intégrales de Shakespeare qu’il connaît par cœur. John rejoint Londres, désireux de s’émanciper des règles sociales contraignantes de son peuple adoptif. La rencontre entre John et la civilisation forme la dernière partie de l’œuvre qui n’est pas sans évoquer les « Mythes du Bon Sauvage» de la littérature (Montaigne au XVIe siècle Voltaire, Montesquieu et Rousseau au XVIIIe siècle). L’attitude de John provoque une confrontation intellectuelle avec l’un des Dix Administrateurs Mondiaux. John et le lecteur obtiennent ainsi les clés pour juger ce Meilleur des Mondes. 1984 : Big Brother is watching you En 1984, le monde est divisé en trois grandes entités-nations : l’Océania (Angleterre, Continent Américain et Australie), l’Eurasia (Europe et Russie dans sa totalité) et Estasia (Chine et Inde). Le reste du monde est un champ de bataille dans lequel s’affrontent les puissances. L’Océania est alliée avec l’Eurasia contre l’Estasia, à moins que ce ne soit l’inverse. En effet, il est difficile de connaître la vérité dans le monde imaginé par Orwell. Toutes les informations sont contrôlées et 28 les carnets de l’assemblée # 4 méticuleusement censurées et modifiées. D’ailleurs tout est sous contrôle dans ce monde : Big Brother, le Guide Suprême de son peuple veille. Pour l’aider, le Parti encadre la société et la police de la Pensée veille à l’orthodoxie de la population. La langue elle-même est redéfinie par le Parti. La délation, même fausse, est encouragée : les enfants, embrigadés dès leur plus jeune âge, surveillent leurs parents et n’hésitent pas à les dénoncer, pour le plus grand bien de Big Brother. Au sein du Parti, Winston Smith a en charge la réécriture des Archives afin que les anciens écrits correspondent toujours à la vérité officielle. Même si les membres du parti savent que les informations sont falsifiées, ils les acceptent sans réserve et oublient même qu’elles ont été falsifiées. Cette forme de conditionnement se nomme la Doublepensée (mot de la nouvelle langue, ou novlangue). Pourtant, Winston Smith se souvient. Il prend conscience des manipulations du régime. La rencontre avec Julia l’amène à accomplir les premiers actes de désobéissance aux lois. De fil en aiguille, Smith se décide à rejoindre la Fraternité de Goldstein, un mouvement de résistance et d’opposition au régime de Big Brother. O’Brien, un dignitaire du Parti les introduit dans le mouvement avant de se retourner contre eux. V VS encres INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... NOTRE FORD Enfermé au Ministère de l’Amour, Winston connaît le même sort que les articles qu’il réécrivait. Il ne doit plus rien rester de ses idées opposées au régime. Winston doit aimer Big Brother. Ensuite, il mourra. La torture physique et psychologique est utilisée à l’extrême. Winston finit par admettre que 2+2 font 5 mais conserve son humanité et donc sa conscience, jusqu’à l’épreuve de la salle 101. Qu’est ce qui se trouve dans la salle 101 ? « Tout le monde le sait », dit son bourreau. Deux mondes, deux visions ? À première vue, les futurs imaginés par Huxley et Orwell semblent très différents. Le premier a créé une civilisation dans laquelle la population ne connaît pas la souffrance tandis que le second a imaginé une société qui vivrait sous le régime de la peur. Mais les deux œuvres ont en commun la négation totale de l’individu. En effet, que ce soit dans le Londres du Meilleur des Mondes ou dans celui de 1984, tout est fait pour contrôler l’individu. Le progrès technologique est d’ailleurs utilisé dans ce sens : dans 1984, le télécran (écran de communication qui permet de transmettre des images de propagande mais aussi d’espionner) est omniprésent. Dans le Meilleur des Mondes, la science génétique et l’étude des drogues ont été privilégiées. L’éducation est bien entendu au cœur des deux systèmes. Mais elle a pour vocation de détruire l’esprit critique et conscient pour le remplacer par une cervelle éponge qui enregistrerait passivement les informations sans moyen de les contredire. Les liens autres que ceux de la société dans son ensemble sont voués à disparaître. La famille n’existe plus dans l’œuvre d’Huxley et le terme de « parent » est devenu un tabou, une grossièreté. Dans le Londres de 1984, la famille est à l’image de la société: nul ne peut lui faire confiance. Les deux sociétés se montrent méfiantes vis-à-vis de l’amour et de la sexualité car ils déchaînent les passions et les sentiments particuliers. Dans le Meilleur des Mondes, la sexualité (car l’amour n’existe plus) exclusive entre deux personnes est considérée comme immorale et répréhensible. Sous le régime de Big Brother, le rapport sexuel est à vocation démographique. Dans les deux cas, l’amour est une chimère pour la plupart des hommes. Les deux œuvres se ressemblent également dans le traitement des personnages. Le personnage principal n’est pas un héros flamboyant, mais un être souvent renfermé, introspectif, qui ne se sent pas à sa place et qui, par conséquent, cherche à savoir qui il est dans ces mondes où rien ne vient de l’individu. Dans cette quête de l’individualité, ces personnages rencontrent leur muse (Lénina Crowne et Julia), sorte d’Eve tentatrice qui apporte le fruit défendu de la connaissance et leur mentor, qui leur révèle les secrets qui se cachent derrière les institutions et les sociétés. À côté de ces personnages principaux, on trouve des seconds couteaux plus taillés pour illustrer le monde que pour donner la réplique. Les deux romans ont également en commun l’existence d’une population marginale : les Sauvages dans le Meilleur des Mondes et les Prolétaires de 1984. Ces populations font office de comparatifs par rapport aux univers dans lesquels évoluent les personnages principaux. En quelque sorte, il s’agit des flacons témoins de ces expériences littéraires, car Huxley et Orwell avaient évidemment un but philosophique lorsqu’ils ont rédigé leurs œuvres. En effet, si écrire une utopie a pour but d’inciter les hommes à produire un monde parfait, la dystopie cherche à les alerter afin qu’ils évitent le pire. Les dangers évoqués sont par ailleurs identifiés grâce aux guides et meneurs spirituels, politiques et philosophiques des deux mondes respectifs : derrière le portrait du moustachu Big Brother, le lecteur peut voir Staline, symbole du totalitarisme soviétique (Goldstein représentant alors Trotski) tandis que le fondateur officiel de la civilisation du Meilleur des Mondes, est Henri Ford, l’instaurateur du travail à la chaîne et de la standardisation des produits. Finalement, un monde qui reprendrait des caractéristiques des deux dystopies est-il envisageable ? Imaginons un peu. Imaginons une société qui comme dans celle du Meilleur des Mondes utiliserait des produits audiovisuels sans vocation culturelle mais à des fins économiques. Ou bien, une société dans laquelle diverses drogues et médicaments auraient pour objectif de faire oublier les angoisses de la population. Imaginons une société dans laquelle, comme dans 1984, tout serait sous surveillance, avec des médias qui… Arrêtez ! N’imaginez plus ! Ce monde, vous le connaissez… peut-être… par Andy Taker Pour compléter : J. J. Chaquelin et M. De Pracontal, « Big Brother 2012 », in le Nouvel Observateur : un article qui envisage le futur proche et la vie sous contrôle au moyen des nouvelles technologies. M. Radford, 1984, film sorti en … 1984 qui reprend fidèlement le roman. Avec John Hurt dans le rôle de Smith et Richard Burton dans celui de O’Brien. Ridley Scott est en train d’adapter le Meilleur des Mondes pour le cinéma, avec Léonardo Di Caprio dans le rôle de Bernard Marx Côté Jeu de Rôle : Le monde de Paranoïa, sa société hiérarchisée et ses clones n’est pas sans rappeler le monde d’Huxley. 29 les carnets de l’assemblée # 4 encres INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... PHILIP K. DICK [ les futurs antérieurs ] Il ne fallait pas moins qu’un cas limite de schizophrénie pour imaginer tant d’univers originaux et cohérents ; bienvenue chez Philip K.Dick. Futurs à l’imparfait Une des caractéristiques de cet auteur dans ses œuvres d’anticipation puisque c’est le sujet qui nous intéresse – est une technologie extrapolée à partir de celles que connaissait Philip K.Dick. Ainsi, point de hard-science dans ses mondes, mais plutôt un foisonnement de voitures volantes, de fusées et d’automates humanoïdes aux voix enregistrées sur bandes magnétiques. Ses livres deviennent ainsi le miroir des années 50 à 70 déformées à travers le prisme de la science-fiction et par le regard acerbe de l’auteur. On retrouve les thèmes majeurs de la société de l’époque et de la vie de Dick dans des univers toujours différents. Philip K.Dick RPG ? En plus de sa vision critique du monde, chaque livre offre un lourd potentiel ludique. Dans le fameux Le Maître du haut château, on découvre une terre où les alliés ont perdu la Deuxième Guerre Mondiale, dans Glissement de temps sur Mars c’est une colonisation plus que laborieuse qui sert d’écrin au roman et dans À rebrousse temps, l’effet Hobart a inversé l’écoulement du temps. Et le mieux dans tout ça, c’est qu’à chaque fois, Philip K.Dick réussit le pari de nous plonger dans sa psyché dérangée et ce, sans nous imposer de longs exposés des distorsions qu’il inflige au monde. Quand on ajoute à cela que sa patte est entrée dans l’inconscient collectif par le biais de nombreuses adaptations cinématographiques (Blade Runner, Minority Report et Paycheck, pour ne citer que ceuxlà) ; il ne faut guère plus d’arguments pour vouloir transposer ses œuvres en jdr. Hélas, la qualité principale du style « Dickien » c’est qu’il ne décrit jamais ses mondes en entier, il ne lève le voile que sur ce qui touche à l’intrigue de ses histoires. Que les éléments manquants aient disparus avec la mort du maître où qu’ils n’aient tout simplement jamais existés, toujours est-il que restituer la totalité d’un univers schizophrène de Dick reviendrait à écrire une campagne en 20 scénarios à partir d’une photo. À quoi ça nous sert alors ? Question qui ne manque pas de piquant à laquelle on pourra déjà répondre que le simple plaisir de la lecture justifie que l’on parle de cet auteur, et concernant notre hobby en particulier, Philip K Dick offre une véritable leçon aux MJ et tout particulièrement pour les jeux de SF et d’uchronie. L’univers n’est qu’une toile de fond À la lecture d’un Philip K.Dick, force est de constater que l’intrigue ne réside pas dans l’univers qu’il développe mais dans les agissements des protagonistes. Cela peut paraître étrange au vu du caractère dépaysant et de la complexité de ces mondes parallèles mais c’est ce qui leur donne tout leur intérêt. En effet, lorsque l’interaction entre les personnages est dense et que l’intrigue devient captivante, les éléments de cette toile de fond n’en deviennent que plus concrets, plus palpables. Ces moments de réalité qui donnent vie à ses univers, Dick va les chercher dans les codes sociaux (voire les descriptions richissimes des codes nippons dans Le maître du haut château) ou dans les relations de couple (dans Les clans de la lune Alphane, où l’on comprend pourquoi Dick s’est si souvent marié et divorcé). Bref, il faut puiser dans la réalité des relations humaines pour la transférer à nos univers d’anticipation. Ce qui va de soit ne va pas mieux en le disant Un autre des secrets de Dick, pour donner corps à ses univers, est de ne rien expliquer. Au lieu de cela, il confronte ses personnages à ses mondes dans lesquels ils vivent sans même comprendre le pourquoi (Pas besoin de savoir pourquoi l’eau mouille pour aller se mettre à l’abri pendant une averse). Ainsi dans À rebrousse temps, les personnages ont largement apprivoisé les conséquences de l’inversion du temps et pourtant ils savent peu de chose sur la cause qui a induit cette inversion. L’invention est une critique de la convention En dehors de leur aspect dépaysant, les univers « Dickiens » portent dans leurs gènes une critique de la société ; le cheval de bataille de la SF. Bien sûr un jdr est avant tout fait pour s’amuser, mais faire réfléchir ses joueurs est aussi un moyen de leur faire passer un bon moment. 30 les carnets de l’assemblée # 4 Dans Radio libre Albemuth, on découvre une version cauchemardesque et paranoïde de l’Amérique sous l’administration de Nixon, et Les Androïdes rêvent-ils de Moutons électriques ? offre une réflexion sur ce qui fait l’être humain. Nos univers aux futurs imparfaits sont l’outil idéal pour mettre en éclairage des positions originales aux questionnements existentiels, sociaux ou politiques. Il offre en plus l’avantage de ne pas être une prise de position frontale mais juste un questionnement. Par exemple, très souvent dans l’œuvre de Philip K.Dick, des handicapés (phocomèles, autistes et arriérés mentaux) développent des pouvoirs ou une simple innocence inversant la valeur qui leur est traditionnellement attribuée ; il en va de même pour les minorités ethniques. Ce changement de perspective nous amène à nous poser des questions sans en donner les réponses. Et maintenant qu’est-ce qu’on fait ? Et bien jetez-vous sur ces magnifiques romans qui, en plus de vous faire passer un moment agréable, vous seront très utiles pour inspirer vos parties dans des futurs imparfaits, bien plus que l’aperçu dispensé dans ces quelques lignes. Je ne conseillerai qu’avec modération les adaptations cinématographiques qui vont du médiocre au plutôt bon mais sont incomparables aux livres. par Sheol Petite liste de courses : « Dr Bloody Money » pour les univers post apocalyptiques, « Le Maître du Haut Château », pour les uchronies, «Les Androïdes rêvent-ils de Moutons électriques ? (alias Blade Runner) » pour son approche de l’androïde, « Les Clans de la Lune Alphane » pour le traitement de la psychologie, « Radio Libre Albemuth » et « la loterie solaire » pour les complots politiques, « À Rebrousse Temps » pour les distorsions temporelles et « Glissement de Temps sur Mars » pour son réalisme dépressif. encres INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... IMPARFAITES [ LE FUTUR DANS DES CASES ] La Bande Dessinée d’anticipation est un art auquel de nombreux auteurs se sont adonnés. Pour leur grande majorité, d’ailleurs, le Futur tel qu’il est représenté dérive des erreurs et négligences humaines d’aujourd’hui. Ainsi le sujet récurrent du devenir et de la survie de la civilisation postapocalyptique, foisonne d’exemples. Qu’ils soient optimistes, ou plus généralement qu’ils mettent en lumière la répétition des erreurs passées et l’impossibilité pour la condition humaine de s’extirper de l’impasse à laquelle elle est prédestinée, les scénarios tendent à montrer quant à notre évolution un penchant pour la binarisation des relations entre nos arrières-arrièrespetits-enfants. Le monde futur imparfait n’est plus jalonné, comme aujourd’hui d’une multitude de pays, de pensées, de comportements, d’identités. Cette pluralité qui fit la richesse culturelle et d’échanges de l’avant futurisme, est aussi celle qui dans l’histoire est responsable du choc majeur (climatique, nucléaire, spatial…), année ZERO de l’ère futuriste, pour laquelle si vous suivez toujours cher lecteur, Internet et notre siècle sont datés d’un - , et dont les bribes de souvenirs s’apparentent à l’Ancien Testament pour nous. La leçon du choc ZERO bien apprise, la civilisation du monde futur s’attèle à ne pas reproduire les causes du désastre et organise l’unité mondiale autour d’une ligne de conduite éthique, morale, politique, religieuse, bref elle se pourvoit d’un souffle et d’un élan nécessaire au renouveau de l’humanité. C’était sans compter son imperfection. Chaos lorsqu’aucune instance chargée de faire respecter la toute fraîchement née ligne directrice n’a été crée, abus de pouvoir et dérives lorsque la toute puissante instance de contrôle existe. L’enfer, c’est l’homme qui est un loup pour lui-même en quelque sorte, si bien qu’au final les mêmes travers des épisodes passés, réapparaissent, mais sur le schéma d’une dualité planétaire (voire interplanétaire parfois). Le thème des BD futuristes s’épand en rivalité d’une civilisation opprimée par un pouvoir plénipotentiaire, en résistance des libertaires dont on voudrait imposer une pensée universelle, en dissidents d’un gouvernement injuste, en réel contre virtuel, en bien contre le mal, ou l’inverse. Le manichéisme d’après les auteurs de Bandes Dessinées, sera le moteur des civilisations futures, et pour finir sur une note d’espoir ; il plantera le décor de l’avènement du ou des héros qui seuls seront susceptibles de rendre la liberté au pluralisme et changer le cours de l’Histoire. Alejandro Jodorowsky (scénario) et Moebius à nouveau s’inspirent dans l’incontournable L’Incal (Humanoïdes Associés) dès 1981, et des univers qui en découlent, notamment des Méta-Barons (Jodorowsky / Juan Gimenez aux Humanoïdes Associés) et plus récemment Megalex (Jodorowsky / Fred Betran aux Humanoïdes Associés). Enki Bilal occupe une importante place avec sa Tétralogie du Monstre débutant par Le Sommeil du Monstre (Ed. Casterman), de même que Denis Bajram et la série Universal War 1 (Ed. Soleil). Une vision plus optimiste nous est donnée par Jean-David Morvan et Philippe Buchet pour Sillage (Ed. Delcourt), ainsi que par Daniel Pecqueur et Nicolas Malfin pour Golden City (Ed. Delcourt). À noter récemment toujours aux Ed. Delcourt l’excellent Régulateur par Eric Corbeyran et Marc Moreno. par Johnsnow The Long Tomorrow par Dan O’Bannon (scénario) et Moebius (dessin) publié dès 1976 dans le magazine Métal Hurlant en est un exemple culte, dont 31 les carnets de l’assemblée # 4 encres INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... visions de FUTURS INCERTAINS [ filmologie ] Constat de la crise humaine. Projections angoissées dans l’avenir. Fragments d’un monde lui-même en déliquescence. Dans les dystopies, un individu tentera toujours de s’affranchir du carcan de cette société pour découvrir une perturbante vérité qui dès lors n’aura de cesse de nourrir de légitimes doutes... Utopia Rasa La faillite de l’homme constitue le fondement déterminant des utopies bafouées. Mais les éléments concernant le biologique ou le démographique peuvent induire des facteurs limitants à la bonne marche de la société, à l’établissement d’un futur idéal, voire à la pérennité humaine. Si Soleil Vert (Soylent Green/Richard Fleischer – 1973) traduit l’angoisse de la surpopulation; les problèmes énergétiques et le climat caniculaire découlent d’une mauvaise gestion des potentialités mises à la disposition de l’humanité. La première séquence résume bien ce postulat par la succession d’images d’un urbanisme effréné et de la pollution générée, ainsi que l’accélération exponentielle du progrès et du grouillement des activités humaines. En 2022, New York compte 40 millions d’habitants dont la moitié au chômage. Ici la majeure partie de l’espace est occupée oisivement par une minorité aisée concentrant le confort et les richesses. Homme riche est désormais une profession. Pour le reste de la population les besoins primaires ne peuvent plus être satisfaits. L’eau est rationnée, le papier et l’énergie font cruellement défaut, la pénurie de logements fait que des gens meurent dans les rues, et dans cette ambiance mortifère, les indigents et malades sont recueillis dans des églises surchargées. Néanmoins, pour tous, l’alimentation est devenue sans odeur et sans goût, et un simple quartier de bœuf est une denrée exceptionnelle même pour les favorisés. Solution miracle pour éviter la révolte de la masse: la société Soylent produit un aliment au concentré de planctons, le soleil vert, distribué gratuitement afin de nourrir les affamés. 32 les carnets de l’assemblée # 4 Le futur de 2027 dans les Fils de l’Homme (Children of Men/Alfonso Cuaron – 2006) rabache – jusque sur les spots des écrans dans les transports en commun – que le monde s’est effrondré et que seule la Grande-Bretagne résiste. Les quelques images de capitales en flammes justifient alors le repli d’Albion sur elle-même. La cause de ce désordre: une humanité devenue stérile il y a 18 ans. La race des hommes se meurt, et aux infos, le jeune cadet de l’humanité, âgé de 18 ans, vient de mourir accidentellement suite à une bagarre avec un fan. La déliquescence du moral dans le pays a même entraîné la vente de kit de suicide Quietus pour un départ paisible. Pour le reste, les individus, pour se rassurer avant l’inéluctable, s’abreuvent de la propagande gouvernementale, se réfugient dans l’intégrisme religieux, voire dans la spiritualité décalée. Un consensus se crée cependant pour empêcher l’immigration de clandestins affluant des pays ravagés, tandis qu’on subodore l’existence de Renouveau Planétaire, une organisation occulte œuvrant pour rétablir le cercle vertueux de l’humanité située sur un île déserte telle une néo-atlantide. Parfois, le dysfonctionnement résulte moins du facteur limitant que de l’idéologie. Dans Fahrenheit 451 (François Truffaut – 1966), la légende dit qu’avant les pompiers éteignaient les feux au lieu de brûler les livres au lance-flammes comme si il s’agissait de charognes ou d’un virus à détruire pour éviter la contamination des citoyens. Cet état des choses fait dire à un enfant qui voit le camion quitter la caserne: « Oh les pompiers, il va y avoir un feu! ». Un autodafé systématique est jugé nécessaire afin que certains ne se croient pas plus malins, plus cultivés que les autres, pour que tous soient semblables et puissent être heureux. Cet habitus a pour corollaire l’obstruction de la réflexion, et cette société voilée en permanence, où les gens ne vivent pas mais tuent le temps, fait dire aux femmes dont les époux sont à la guerre, qu’ils ne craignent rien et que ce sont les maris des autres qui meurent. Mais dans un monde où la population a tout ce qu’elle désire – la pauvreté ayant disparu – et où états et conflits sont abolis au profit de consortiums corporatistes se livrant des guerres larvées, la société de loisirs propose un divertissement mondial réputé et sanglant, véritable messejeu, le Rollerball (Norman Jewison – 1975) qui voit deux équipes s’affronter sur la piste d’une arène afin de marquer avec une sphère d’acier. Le contrepoint du tout loisir est que les entités corporatistes prescrivent aux gens ce qu’ils doivent faire, et contrôlent économie des marchés, capitaux et technologies via des super-ordinateurs qui consignent les données de siècles entiers, préfigurant l’ère d’un réseau total. Ailleurs, c’est le progrès technologique et scientifique qui plonge les hommes dans un monde déshumanisé, comme dans Gattaca (Andrew Niccol – 1998) qui anticipe la dictature de l’eugénisme dans un avenir pas si lointain dans lequel une génétique discriminatoire décide de tout. L’étrange aventure de Lemmy Caution dans Alphaville (Jean-Luc Godard – 1965) est censée se dérouler fort symboliquement en 1984. Cette capitale d’une galaxie est gérée par Alpha60, un ordinateur élaboré par un conglomérat d’entreprises d’autrefois, qui sous la houlette de l’ingénieur-dictateur Léonard Nosferatu Von Braun, calcule et prévoit les conséquences auxquelles la société obéira par la suite. Dans ce monde de machines et de logique pure et froide, les gens sont devenus les esclaves des probabilités. Puisqu’il n’est pas logique qu’un être supérieur n’envahisse pas la galaxie, Alpha60 projette donc de faire la guerre aux Pays Extérieurs comme Tokyoama ou Nueva York. Lemmy (Eddie Constantine), sous l’identité de Mr. Johnson, journaliste à Figaro-Pravda, méne l’enquête pour les Pays Extérieurs. Les tonalités monocordes de Constantine en voixoff à la manière des films noirs participent à cette étrange narration, et les accents des principaux acteurs (Anna Karina, Howard Vernon) confèrent une étrangeté sonore aux dialogues. Le premier plan du Los Angeles en 2019 de Blade Runner (Ridley Scott – 1982) révèle une gigantesque mégalopole où d’énormes cheminées, dragons crachant leur souffle enflammé, sont les totems terribles de l’industrialisation. La cité cosmopolite abritant une forte densité de population multi-ethnique a conditionné une vie en strates verticales: en bas le commun cantonné à l’obscurité et vers les sommets lumineux, les puissants, insouciants de la faune qui se débat au dessous d’eux. Le climat semble déréglé, et pluie et fumée accompagnent le quotidien de l’homme de la rue. La terre désormais surpeuplée a entraîné l’établissement de colonies sur d’autres planètes grâce au travail d’androïdes intelligents et puissants crées par la Tyrell Corp: les réplicants. Copies conformes des humains sauf pour l’affectivité, ils sont devenus illégaux sur terre depuis la révolte de 6 d’entre eux. Les exécuteurs Blade Runner comme Deckard sont alors chargés de les « retirer ». Fascinant et énigmatique, ce métrage est nimbé d’une ambiance de film noir des années 40-50, où Deckard est l’équivalent d’un Sam Spade, et Rachel, la femme fatale en tailleur-cigarette. Rachel, réplicante à son insu, valide la devise Tyrell plus humain que l’humain, et son apparition coïncide avec celle du soleil, bientôt nouvel astre dans l’univers glacé de Deckard. Froideur et Splendeur de la Cité L’homme en son environnement permet nécessairement d’intégrer le futur incertain de ces films, et même si les éléments technologiques et futuristes de certains métrages semblent démodés aujourd’hui, il n’en reste pas moins que la plupart sont dérangeants au vue de leur plausibilité et restent donc efficaces grâce au postulat développé malgré l’économie d’effets déployés. Ainsi, Soleil Vert n’usite pas d’effets spéciaux, la technologie et l’architecture n’ayant pas connu d’évolution, mais la population grouillante qui s’entasse dans les immeubles, les rues donne à la cité une allure de bidonville cyclopéen, d’égout à ciel ouvert. Le look 70’s du New York 2022 révèle bien que l’évolution est juste économique et sociologique, comme l’esthétique intérieure kitsch de Rollerball censée faire futuriste (le côté désuet des murs d’écrans). Le style du film à la fois daté et décalé de Fahrenheit 451 où le suranné se mêle à une futile modernité (murécran, téléphone dans chaque pièce, judas de porte automatique) établit une société où l’absolument inutile s’avère résolument indispensable. Si toutefois le décorum y est familier, l’idéologie de ce futur trop proche est inquiétante. Tout comme la sciencefiction d’Alphaville, basée sur le discursif, la réalisation et l’éclairage plus que sur des effets ou décors sophistiqués. Pour preuve, un projecteur clignotant devient un ordinateur tout-puissant. toutes photos : © encres INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... Tourné à Paris, la surréalité de cette société futuriste naît de l’utilisation concentrée de la lumière, de la bande son et de la photo contrastée. Les alphabètes vivent dans un environnement binaire à l’obscure urbanité et aux intérieurs austères dont la lumière écrasante, permanente agit comme un dissipateur de créativité et de singularité. Les effets d’ombres et de lumières évoquent les polars de série B des années 40-50 et la rémanence des éclairages et clignotements impriment sur les rétines des spectateurs des réminiscences de glorieux photogrammes de films hollywoodiens. (Lemmy allumant la cigarette d’Anna Karina, égerie de Godard, rappellent les fumeurs cinégéniques Bogart et Bacall). Les plans courts sur les extérieurs, comme celui de la façade de bureaux éclairés démontrent l’uniformisation. Des escaliers en colimacon sont autant de méandres d’une décérébration généralisée. Là bas un taxi peut emprunter le quartier nord enneigé de la ville ou le sud ensoleillé, bien que cela n’ai pas d’importance pour Lemmy: il voyage jusqu’au bout de la nuit. Sans omettre l’importance de l’écrit, du pictural et du référentiel littéraire s’afffichant via des néons, des panneaux. Bientôt dire c’est montrer et montrer c’est dire, comme lorsque le plan court d’un néon e=mc² apparaît pour montrer que Lemmy a compris le sens d’Alpha60. Moins une histoire narrée inventive, Godard en techniciste, compose un cinéma sur le cinéma, et œuvrant comme un écrivain devant une page blanche offre un film multiple tout à la fois roman, cinéma et BD (la scène de combat en images fixes). L’architecture épurée, nette comme lissée, et les vastes intérieurs dépouillés baignés par une lumière aseptisée constitue l’environnement des êtres parfaits de Gattaca, celui d’un futur proche à l’esthétique sobre et neutre. L’épure culmine dans l’univers de Thx1138 (George Lucas – 1971) dès le générique défilant tel un listing de données informatiques, dans la narration dénuée de fioritures, à la lisière de l’expérimental, et 33 les carnets de l’assemblée # 4 encres jusque dans la musique sorte de complainte aux résonances éthérées, lointain et faiblard appel au secours. Le cloisonnement et l’angoisse s’affichent ici dans les courbes sinusoïdales, les visages froidis sur écrans bleus, dans les escalators, souterrains, les intérieurs austères, les individus-matricules évoluant dans des couloirs sombres ou dans de vastes pièces blanches sans aucun horizon, ni perspective. Dans ce monde-clinique d’une blancheur aseptisée, à la verticalité d’ascenseurs vertigineux et à l’horizontalité de mornes déplacements humains, cette société apparaît désincarnée, protocolaire et désaffectée d’émotions. Bien loin de l’œuvre naïve Star Wars, Lucas, façonneur d’univers, propose une peinture aux couleurs froides de cette société sclérosée et autocratique d’une efficace sobriété. La Metropolis (Fritz Lang -1927) est gérée au 21ème siècle par un magnat qui exploite le peuple relégué sous terre alors que les privilégiés vivent dans les hauteurs de la ville, manifestation de l’ascension sociale via la hiérarchie physique des buildings. Cette fresque ambigüe, cérémonie des masses, dénonce l’exploitation de l’homme par l’homme dans un maelstrom d’expressionnisme baroque, de réalisme et de SF. Reste la splendeur visuelle de Blade Runner, remake esthétique de Métropolis, réhaussée de la partition planante et spatiale de Vangelis. L’architecture rétro-futuriste de ce cloaque pluvieux y est crédible puisque composite d’éléments familiers, brassant ancien et technologique. En dehors de l’intrigue conventionnelle, la mégapole est bien le personnage principal du film. Cela est manifeste dans l’alternance des plans quotidiens face à la démesure de l’environnement, ou encore par le contraste entre les personnages arpentant une cité aux dimensions gigantesques et l’intimité sombre des logements dont le côté tout artificiel est renforcée par le fait que leur luminosité provienne de l’extérieur. Le consumérisme d’une société matraquant pubs sur écrans, zeppelins, néons, réfute ironiquement le fait que les gens n’ont plus un niveau de vie qualitatif correct assuré dûe à l’investissement de l’industrie et de la technologie délaissant la terre au profit de la colonisation de planètes. INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... Et le nouveau Dieu est désormais le savant, à en croire la ziggourat de la Tyrell Corp. La démocratie en ? Si les avenirs sont nébuleux, c’est sans nul doute la faute au vacillement de la démocratie. Ainsi l’énoncé dogmatique de la voix étouffée et haletante d’Alpha60 « personne n’a vécu dans le passé, personne ne vivra dans le futur, le présent est la forme de toute vie » renvoie explicitement au 1984 de Orwell. Un monde où le ministère de la dissuasion traque les non-assimilables à la société, ceux ayant agi de façon illogique (comme le mari qui pleure à la mort de sa femme). Ils seront assis dans des salles puis électrocutés collectivement sur leurs sièges avant que les corps soient basculés dans des containers, ou exécutés en spectacle dans des piscines par un commando de nageuses synchronisées munies de poignards. Les rares pouvant être traités sont admis au HLM, hôpital de longue maladie afin de subir un traitement d’opérations de mécanique et de propagande. Dans les Fils de l’Homme, le postulat hautement probable de l’infertilité des femmes dûe à un monde trop pollué, trop génétique, trop nucléaire, débouche sur un non-futur de l’espèce humaine en perdition, dans tous les termes possibles, où la propagande et les forces policières renforcées luttent contre l’immigration. Le gouvernement autocratique et ultraprotectionniste doit éradiquer le terrorisme d’activistes en guerre pour l’égalité des droits des immigrés, tout en parquant dans des camps les infortunés réfugiés, parfois dévêtus et humiliés avant d’être abattus: processus sordide qui évoque les camps nazis. La valeur travail et la religion sont questionnées dans le futur de Thx1138. Tenues blanches et crânes rasés uniformisent cette société du travail dans laquelle l’ouvrier type est l’alliance de l’homme avec la machine, certains épiant – casques vissés et regards rivés sur écrans – ceux qui travaillent, non sans évoquer les belles heures de la Stasi. L’ersatz de religion au visuel iconique du divin est un véritable écho propagandiste du système. La confession dans un réduit face à une imagerie religieuse ne propose aucune aide spirituelle mais déclenche en feed-back les injonctions d’un discours programmé et dissocié des besoins émotionnels et empathiques: « bénédiction des masses/soyons reconnaissant d’avoir une tâche à accomplir/travaillons dur/ augmentons la production/soyons heureux/ tu es un sujet du divin achète plus et sois heureux »... 34 les carnets de l’assemblée # 4 Dans ces avenirs glacés, la coercition est exercée par des agents au masque chromé – négation de leur humanité – androïdes aux voix calmes contrastant avec leurs méthodes (Thx1138), ou les pompiers qui fouillent dans les affaires personnelles des gens pour dénicher les livres, sans oublier la brigade des cheveux (Fahrenheit 451), chargée de couper les cheveux des garçons beatnik. Si ici la pure perversité, ce sont les livres qui doivent être exterminés pour éviter de troubler les gens, les rendre antisociaux et malheureux, dans Alphaville, l’expression et la communication sont eux-mêmes menacés: des mots disparaissent parce qu’ils sont oubliés et des nouveaux apparaissent pour correspondre aux idées nouvelles, le dictionnaire remplacant la Bible dans les tiroirs. Il ne faut pas dire pourquoi mais parce que. Cette forme de pensée unique prend également racine dans Fahrenheit 451 avec la suppression des livres, et donc des débats, des opinions différentes. Par ailleurs, Godard critique l’histoire contemporaine qui a généré ce futur totalitaire, ainsi le nom du dictateur Von Braun fait référence au constructeur allemand des V2 réfugié aux Usa après la guerre, ou encore avec le numéro tatoué sur la nuque des gens. La délation est souvent encouragée comme avec les boîtes aux lettres devant la caserne pour les « informateurs » qui dénoncent une connaissance possédant des livres dans Fahrenheit 451 ou les réceptacles disposés dans la structure de Thx1138, où peuvent être rapportées les anomalies de procédure ou de comportement. Ces sociétés cadenassées intégrent la participation de tous ses citoyens pour maintenir leur joug. Ne pas vouloir suivre ce modus operandi relèverait du suspicieux... La manipulation des médias est en outre un instrument féroce pour aliéner la démocratie, endoctriner et avilir la masse. Fahrenheit 451 critique l’uniformisation de la société par les médias, dans laquelle ceux n’ayant pas d’antennes tv sur le toit sont différents des autres. À l’époque du film, la question de la dangerosité de la télé semblait ici de mise, et, moins que d’illustrer exagérément le combat entre le littéraire et le télévisuel, l’idée sous-jacente est que chaque évolution a sa contrepartie néfaste. Si la patte sensible de Truffaut n’est pas clairement apposée dans ce film froid et distancié, cela sert cette évocation d’un monde intellectuellement apathique qui extermine ses livres. Le paroxysme de la dictature est celui de la société non pas idéale, mais parfaite comme dans Gattaca. À encres INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... la croisée du meilleur des mondes et du système orwellien, les individus y sont identifiés, scanérisés, afin d’authentifier l’exceptionnel génotype. Ces diktats de la génétique potentialisent l’individu afin qu’il occupe dans le système la meilleure place qui lui convienne. L’appartenance à une sous-classe ne dépend plus du milieu social ou de la couleur de peau lorsque la discrimination est élevée au rang d’une science. Imparable? Déshumanisation et Survie Quelle va être la survie ou la nonvie offerte aux individus? Pour l’homme commun dans Soleil Vert, le système D est de rigueur. Ainsi le détective Thorn profite des commodités, de l’eau fraîche sur les lieux de son enquête, et récupère des vivres et objets pour améliorer le quotidien. La rareté des objets les plus usuels étant illustrée lorsque le commissaire pour signifier à Thorn son retard lui demande l’heure: ce dernier lui propose de lui dire puisque c’est son supérieur qui a une montre, et l’autre dépité ne pourra pas car...elle ne fonctionne plus. Si la tolérance est bannie (les Fils de l’Homme), la radicalisation religieuse et le refuge dans l’intégrisme font éclater la société en castes qui s’accusent mutuellement de tous les maux. Une religiosité du Jugement Dernier est alors inévitable: les fanatiques repentants considérent que nos péchés ont déclenché la colère de dieu, les renoncants se flagellent pour la rédemption de nos fautes, les musulmans sont accusés de terrorisme. La dévoration galopante de la société culmine avec le cannibalisme littéral des hommes entre eux lorsque Thorn découvrira l’indicible vérité sur l’usine qui conditionne les morts en tablettes de soleil vert. naturelle de mettre les enfants au monde dans Gattaca. Cela offre le choix des préférences physiques, l’éradication de tares comme la myopie, la violence, l’alcoolisme. Avec l’optimisation des êtres en vue d’accomplir certaines potentialités (le récital de piano où l’artiste a 6 doigts aux mains), le CV est inscrit dans les gènes et les entretiens sont justes des prélévements. Ainsi l’abondance d’individus adéquatement formatés permet d’imposer de nouveaux critères, où corps et intellects doivent être exemplaires. Les réplicants de Blade Runner eux, reviennent sur terre pour effectuer une véritable quête d’identité. Aussi égarés dans la signification que les hommes, ils n’en apparaissent que plus humains, et pour leur leader Roy Batty, plus charismatique que le froid et antipathique Deckard. Ce dernier révèlera à Rachel sa nature de réplicante abruptement et sans tact, croyant qu’elle ne sera pas affectée. En vérité, elle sera bouleversée, tout comme Batty éprouvera du chagrin à la mort de Pris. Quand les gens ne sont pas tristes et apathiques (Alphaville), ou renvoient aux faciès fermés des regards éteints (Gattaca), ils prennent des pilules de toutes les couleurs supposées stimulantes, anxiolytiques ou antidépressives (Rollerball, Fahrenheit 451), voire des médicaments inhibiteurs de comportements pour maintenir placides, dociles et « heureux » les travailleurs de Thx1138. L’autoérotisme des femmes, probablement dû aux pilules, sert le système dans Fahrenheit 451, où tenues dépendantes, elles distrayent les hommes avec les plaisirs qu’elles peuvent prodiguer. Les filles d’Alphaville sont lascives et disponibles à l’instar de l’hôtesse – séductrice de catégorie 3 – qui accueille Lemmy à son arrivée, objet tout à la fois sexuel et décoratif. Comme dans Soleil Vert, où la femme est louée comme compagnie et mobilier en même temps que le logement. Mais le divertissement peut aussi participer à la déshumanisation comme dans Rollerball où ce sport sert d’exutoire aux foules venues se gargariser de violence. Dans cette société où les gens sont comme désaffectés, le rollerball fait vibrer, procure des sensations, ravive la tribalité et suscite le fantasme (idôlatrie des joueurs). À l’opposé, les écrans dans Thx1138 sont approvisionnés de programmes holographiques pseudo-comique (mais ne devant pas faire rire), informatifs/infirmatifs, d’érotisme froid ou encore expurgés d’émotion et d’empathie comme celui d’un homme matraqué par un agent sur un rythme régulier durant de longues minutes. Le dessein d’un média muant en véritable entité collective est alarmant, et les spectateurs de la « famille » médiatique (Fahrenheit 451) sont des cousins et cousines dans cet étrange et hypnotique programme de jeu télévisé interactif qui congratule et rassure le citoyen. Heureusement, tout ceci n’existe pas dans notre vrai présent... La société en mal de sensation de Rollerball s’adonne à des loisirs destructeurs comme l’incendie des arbres. Les problèmes matériels étant résolus, les hommes, pour meubler leur existence et contrer l’ennui, s’extasient avec nostalgie devant la barbarie des gladiateurs d’autrefois. Lors de la finale du championnat, la bagarre brutale va crescendo jusqu’à la tuerie crasse : la sphère est une arme, mais à l’issue, le joueur vedette se souvenant qu’il pratique un jeu ira simplement marquer le point, toujours sous les acclamations de la foule...seul survivant de la partie. L’amour dans tout cela est souvent interdit ou fui, lorsqu’il n’est pas qu’un phénomène inconnu ou une simple information. Dans Thx1138, la peur de l’attraction peut-elle endiguer les aspirations de 2 êtres voulant ressentir la chaleur et le contact de l’autre dans cet univers froid? Le bladerunner Deckard demande à Rachel de lui dire de l’embrasser ou qu’elle le désire, car la relation amoureuse n’est pas prévue dans sa conception de réplicante, et la fille de Von Braun, n’intégre même pas ce qu’est le mot amoureux, laissant dubitatif notre Lemmy dans Alphaville. De plus à Gattaca, les enfants du hasard nés de l’amour, sont considérés comme des dégénérés. Quand l’humain n’est pas une marchandise, il est un cobaye lorsque sa machinerie mentale s’enraye dans Thx1138, traité à grands renforts d’instruments hétéroclites et de piqûres et subissant des processus de tests comme si il n’était qu’un simple transistor. Il faut que ce soit le réplicant Roy Batty de Blade Runner qui, s’appropriant l’humanité, dira ne pas être un ordinateur mais bien vivant. Les êtres valides, les vitro sont issus de la génétique, seule façon officiellement 35 les carnets de l’assemblée # 4 encres Mais faire l’amour est un crime, et Thx1138 sera arrêté entre autres pour perversion sexuelle et transgression et, échappant à la destruction comme un objet désuet, sera déclaré incurable et condamné en détention. Ailleurs, Lemmy apprend par Henry Dickson, un autre agent infiltré dans Alphaville que sont exécutés pour défiance illogique, ceux qui ne s’adaptent pas comme les romanciers, peintres, musiciens. Désormais une épave balbutiante et alcoolique, Dickson ajoutera que les anciens agents Dick Tracy et Guy l’Éclair sont déjà morts, entérinant la disparition des héros romanesques de papier (Dickson faisant lui-même référence au personnage littéraire de Jean Ray). Si les nombreux plans courts de Thx1138 provoquent la vision d’un monde destructuré socialement et émotionnellement, la communication difficile est également mise en relief dans Alphaville où le champ-contre champ bouleversé lorsque 2 personnages se parlent confère une sensation de décalage. Poussant plus loin, certains dialogues sont décalés au point qu’un personnage peut répondre à une question alors qu’elle n’a pas été posé, ou lorsque des politesses sont exprimées sans raison, comme pour dire l’artificialité des échanges humains. Autre symptôme, la décorrélation du corps et de l’esprit, du geste et de la parole: dire oui en signifiant non de la tête. Autre corollaire, celle de la solitude urbaine. Les individus sont seuls, d’autant plus seuls qu’ils sont perdus au milieu des autres. Le concepteur Sebastian (Blade Runner) a réalisé des automates pour sa compagnie: ce sont sa famille, ses amis. Et la solitude combinée à la nostalgie engendre la création d’animaux synthétiques, les vrais animaux ayant disparu. Alors l’élaboration des réplicants ne nourrirait-elle pas le rêve fou de recréer des Hommes... Mélancolie du passé, Désespoir du présent, Hypothétiques meilleurs Les anciens dans Soleil Vert sont les témoins et gardiens du passé. Le vieux Sol est le lien entre notre époque et un futur galopant, survivant d’un temps où tout était plus vrai, et même si les gens ont toujours été moches, le monde était beau. Pour Alpha60, ce sont les actes des hommes à travers les siècles passés qui peu à peu vont les détruire logiquement, lui n’étant que le moyen logique de destruction. INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... La plupart des individus ne semblent pas animés de contestation, mais parfois se réveille un individu qui brûle soudain d’un feu rebelle. L’exaspération et une soif de liberté nouvelle croissent chez le pompier Montag, décidé à combattre le système avec ses propres armes en cachant un livre chez chaque collègue pour le dénoncer dans Fahrenheit 451. Et si tout d’abord, il lit péniblement à voix haute de manière enfantine en suivant avec son doigt, rapidement il part à la recherche du temps perdu, tel un explorateur défricheur de contrées jadis oubliées, bien décidé à formuler sa réponse à la première phrase du Dickens de sa première lecture: « deviendrai-je le héros de ma propre vie ou ce rôle sera t’il endossé par quelqu’un d’autre? » Dans Alphaville où les gens ne pensent plus par eux mêmes, Caution, survivant du passé va être le grain de sable qui enraye la machine, comme Thx1138, qui d’un pas décidé, avance en trottinant pour s’affirmer corps et âme, jusqu’à se débattre à contre-courant dans la multitude du flot humain. Enfin, il sort à l’air libre, silhouette minuscule se détachant à l’extérieur, pouvant envisager l’horizon devant un soleil couchant; toutefois cette découverte d’un monde en surface n’est pas forcément rassurante, sans aucune indication sur l’état de ce monde... Théo, lui s’affirmera en protecteur d’une Marie noire, temple de la maternité, et un ange-gardien pour le futur fils des Hommes d’une Humanité nouvelle. Le passage de l’enfant lors de la traversée d’un immeuble de réfugiés évoque un nouveau messie, résonance presque biblique de la nativité. Une fois las, les vieillards dans Soleil Vert se rendent au foyer, accueillis au son d’une doucereuse musique pour une euthanasie délibérée traitée comme un business. Un écran panoramique géant diffuse pour le client des images paradisiaques d’une Terre d’un passé oublié: de grands espaces libres et vierges de la colonisation des hommes et d’une urbanité surpeuplée, reliques de l’équilibre de la nature d’une terre d’avant plus pure. À l’écart d’une ville à la fade modernité, dans des endroits abandonnés à la campagne vivent des reclus, des clochards à l’extérieur mais bibliothèques à l’intérieur, hommes-livres garants du savoir humain. Livres vivants ayant appris par cœur un ouvrage, l’idée que le livre est un leg précieux pour l’humanité est symbolisé par un vieux se récitant à son neveu pour perpétrer son œuvre avant de mourir. La lecture sera l’arme pour se reconnecter avec son intériorité, ses émotions, pour faire oublier cette société froide et désaffectée par des émotions qui sont aussi mises en exergue par le livre 36 les carnets de l’assemblée # 4 – mélancolie, compassion, humour – afin de redevenir vivant dans Fahrenheit 451, et si le bâteau du « Renouveau planétaire » porte le nom de Tomorrow, sur le générique de fin résonnent des rires d’enfants débutant un cycle qui amorce le retour de l’espoir... Le réalisme saississant, quasireportage dans les Fils de l’Homme lorgne presque sur une caméra-vérité et l’évocation puissante de ce métrage résonne vivement par sa contemporanéité et les craintes légitimes qu’il met en perspective, plaçant en lumière ces inquiétudes d’ordinaire en sommeil dans notre conscience. L’évocation du cinéma d’un Godard moins diseur d’histoires que créateur d’images, révèle dans Alphaville un humanisme matinée d’anarchie pour la défense de l’individu face au totalitarisme. Et si, la fille de Von Braun peut désormais articuler je vous aime, Batty serait-il plus humain que ceux qui le traquent, dans la filiation du thème de l’homme meilleur, du mythe de frankenstein où la créature surpasse le créateur? Néanmoins, pour hommes et réplicants, seuls perdus dans la masse, la lutte pour une vie meilleure et la longévité est similaire. Batty vivant ses derniers instants sauvera Deckard de la mort. S’éteignant, ses souvenirs, ses instants vécus seront perdus dans le temps, et la poésie de l’envol d’une colombe accompagne cette métaphore de la libération de l’âme... Malgré les dérives de la science, il n’y a cependant pas de gène pour le destin, et Gattaca offre un vibrant c’est possible, hymne au triomphe de la volonté. Ultime injonction d’espoir: le refus des discriminations et totalitarismes. Car en y réfléchissant, le futur c’est déjà aujourd’hui... Si la plupart des futurs cinématographiques sont imparfaits, il ne s’agit nullement d’un substrat sur lequel doit croître une résignation devant l’inéluctable. Ces œuvres visionnaires sont autant de mise en garde prophétiques, à la fois bijoux d’anticipation et manifestes pour une meilleure anticipation. par Erron Flyll encres INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... Voilà plus de 30 ans que l’univers de Battlestar Galactica a vu le jour sur le petit écran, une longévité qui méritait bien un coup de projecteur dans les colonnes de ce dossier, avec en sus, une actualité ludique surprenante et pas des moindres ! [ LA MYTHOLOGIE ] Kobol, monde originel de la race humaine, berceau mythique des dieux, un sanctuaire devenu légendaire pour ceux qui s’en sont exilés. Les douze tribus humaines, en désaccord avec les dieux de Kobol, s’embarquèrent sur le Galion pour s’exiler vers d’autres mondes : les Douze Colonies. Douze mondes habitables qui accueillirent alors chacun une des tribus. Sans compter une hypothétique et treizième colonie, partie en direction opposée de l’univers, pour fonder une nouvelle communauté, celle connue sous le nom de Terre... Mais seules les écritures, unique héritage des dieux de Kobol, gardent trace de l’existence de cette colonie. Au fil des générations (2000 ans), les douze tribus perdirent le souvenir de l’existence réelle de Kobol, faisant de ce monde une légende, voire une fable. Chaque communauté œuvrant pour concurrencer ses sœurs, aucune ne vit l’émergence d’un nouvel ennemi commun, lié au progrès technologique galopant : l’intelligence artificielle donnée aux robots, qui bientôt allaient se rebeller contre leurs maîtres sous le nom de Cylons. Ainsi débuta la Première Guerre Cylon contre l’humanité. [ LE PITCH ] Alors que la flotte entière des Douze Colonies fait route pour renouveler l’Armistice avec l’ancien ennemi Cylon (suite à la Première Guerre Cylon terminée depuis plus de 30 ans), ces derniers tendent alors une embuscade aux humains et attaquent par surprise les planètes des colonies, anéantissant toutes vies en surface, et réduisant ainsi la race humaine à une poignée de vaisseaux survivants [FUIR POUR SURVIVRE] dans l’espace. Pour les rassembler, le Commandeur Adama et la base stellaire (BattleStar) “Galactica” vont alors tout mettre en œuvre pour échapper aux Cylons et permettre la survie de la dernière communauté humaine. S’ensuit une fuite implacable vers une destination hypothétique : la Terre, treizième colonie. Mais, c’est sans compter la traîtrise d’un des douze chefs des colonies, le très controversé Gaïus Baltar, collaborant avec l’Empire Cylon à la perte de ses congénères. [ GALACTICA 1978 ] C’est au travers de 24 épisodes (les 3 premiers étant regroupés pour former le téléfilm “La Bataille de l’Espace”) que le créateur de séries TV américaines Glen A.Larson (Buck Rogers, Magnum, K2000) avec l’aide du producteur John Dykstra (StarWars) nous offrent un successeur à Star Trek et autres Cosmos 1999. Dans les rôles titres, on retrouve Richard Hatch (Capt. Apollo), Dirk Benedict (Starbuck) le Futé de l’Agence-TousRisques, et Lorne Greene (Adama). Plus qu’une énième saga de S-F, basée sur l’antagonisme Homme vs. Machines (Asimov, Herbert), Larson a su nous livrer une uchronie intéressante. Les dieux de Kobol ne sont autres que les dieux de notre Antiquité (Zeus, Athéna, Aphrodite, ...), les douze tribus tirent leurs noms des signes zodiacaux (Caprica, Géménon, Sagittarion, ...), les villes et les noms des personnages sont de consonances grecques, et la Terre serait belle et bien la notre, mais sans aucune indication sur son niveau technologique. L’autre grand aspect qui différentie Galactica de ses pairs est l’atmosphère oppressante de survie et de résistance désespérée que nous renvoie la fuite incessante des rescapés humains. Atmosphère que l’on pourra retrouver quelques années plus tard, toujours sur le petit écran avec V, Les Visiteurs. 37 les carnets de l’assemblée # 4 encres [ GALACTICA 1980 ] Dix autres épisodes donnent une suite à la saison de 1978. Le Galactica a enfin rallié la Terre. Mais, la déception est grande pour le Commandeur Adama : cette treizième colonie n’est pas assez avancée technologiquement pour l’aider à éradiquer des Cylons plus menaçants que jamais. Adama et son équipage ont mis la planète bleue à la merci de leurs ennemis jurés. Le côté cheap et délirant des coloniaux enfin arrivés sur la Terre de 1980, et même dans d’autres époques (le plus mauvais aspect de Star Trek repris ici), laisse un goût de raté, voire même de sabotage de la série en un nanar pas très glorieux. À noter que l’intégrale DVD de ces deux saisons vient d’être rééditée à l’occasion des dernières fêtes de fin d’année. [ BATTLESTAR GALACTICA ] mini-séries, 2003 En 2003, c’est NBC/ Universal et la chaîne câblée Sci-Fi qui ont la bonne idée de recycler l’œuvre de Glen A. Larson en un remake. Le nouveau pilote reprend les grandes lignes de l’original de 1978 mais fait entrer un nouvel aspect qui va faire toute la différence et l’engouement des fans à venir : les nouveaux modèles de Cylons. Les Centurions, miandroïdes, mi-boîtes de conserve, sont toujours d’actualité, relookés version Terminator, ils sont néanmoins dépassés par les Cylons de modèle “humains” qui copient l’apparence, l’organisme et les attitudes de leurs ennemis. L’infiltration des Colonies par ces nouveaux Cylons devient donc la base de ce remake haut en couleur qui change la donne sur l’origine de la chute des Colonies et le rôle de Gaius Baltar (James Callis), ici un scientifique reconnu, sorte de Prix Nobel de la Science, séduit bien malgré lui par une étrange créature de rêve (Tricia Helfer). Le Galactica subit lui aussi un petit lifting et justifie sa présence en tant que plus vieux BattleStar de la flotte sur le point d’être démantelé, car réduit à l’état de musée, le jour de l’Armistice. Son équipement obsolète (et c’est ce qui le sauve) nous renvoie, tel un clin d’œil, aux années 80 et aux Vipers (chasseurs) de Richard Hatch et Dirk Benedict. C’est le très imposant Edward James Olmos (Blade Runner) qui prend les commandes de la flotte sous les traits de William Adama, Apollo est interprété par Jamie Bamber et Starbuck devient un personnage féminin avec la très racée Katee Sackhoff. INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... [ BATTLESTAR GALACTICA ] saison 1, 2004/2005 13 épisodes [ BATTLESTAR GALACTICA ] saison 2, 2005/2006 20 épisodes C’est Laura Roslin, dernière survivante du gouvernement colonial et ministre de l’éducation, qui devient par défaut la Présidente des Douze Colonies. La rumeur que des Cylons auraient apparence humaine coure et vient ajouter un stress supplémentaires à d’incessants sauts dans l’hyperespace (FTL) pour échapper aux raids Cylons sur la flotte. Baltar est alors dépêché pour mettre sur pied une procédure permettant de détecter ces nouveaux Cylons. Le Quorum des Douze se reforme et les premiers Cylons infiltrés sont démasqués. Cette première saison, qui se solde par la découverte de Kobol et l’existence de la Terre, reprend tous les éléments de la série originelle mais avec bien plus de tensions et de diversité, et bien sûr, tous les effets spéciaux contemporains bien plus à la hauteur du sujet. Le début de cette saison s’enlise un peu dans les tensions créées entre militaires et civils de la flotte, mais très vite deux rebondissements de taille permettent de relancer BSG. Le premier, la rencontre avec le “ Pegasus ”, un autre BattleStar échappé des Colonies, tenu d’une main de fer par l’Amiral Cain (Michelle Forbes) ; et le second, avec la découverte de la quasi immortalité des nouveaux Cylons, clonés grâce à leurs vaisseaux de Résurrection. Une suite palpitante qui confirme le génie des auteurs de ce remake qui ont su garder toute l’essence initiale en y ajoutant des éléments très cliffhangers dans l’esprit. jeu de rôle de J.Chambers, J.Davenport, S.Everette, P.Kapera, N.Rockwood, F.C.Wesel Edité par Magaret Weis productions 2007 www.margaretweis.com note : La licence BSG (Universal studios) s’est donc déclinée en jeu de rôles grâce à Magaret Weis (DragonLance, Serenity) avec un premier Quick Start Guide en 2007, très vite suivi par son CoreBook. Magnifique manuel de 232 pages en couleur, préfacé par Richard Hatch himself, dans lequel on découvre l’ensemble de l’univers de la première saison de la série remake. Les personnages bénéficient de trois niveaux possibles de maîtrise (recrue, vétéran, vétéran confirmé) et sont définis par des attributs, des compétences et des avantages/inconvénients. Que du classique pour ce Cortex System orienté action et ambiance cinématographique... si ce n’est les niveaux exprimés ici en terme de types de dés, ce qui n’est pas sans rappeler le système Savage Worlds. Il manque néanmoins une galerie d’archétypes pour guider les joueurs néophytes ou ceux qui ne connaîtraient pas vraiment la série TV dans le choix de leur personnage (civil, pilote, soldat, politicien, ...). Passer ce travail d’immersion pour les joueurs, les Douze Colonies, l’équipement, les vaisseaux, les Cylons, les PNJ notables, tout y est décrit en détails pour pouvoir débuter sans aucun soucis dans l’univers de la série. Au final, l’ensemble laisse deviner une gamme de suppléments très étendue, les nombreux rebondissements de la série étant là pour alimenter de nombreuses campagnes. Justement, le chapitre destiné au MJ est assez conséquent pour être mis en avant, avec de nombreuses idées pour orienter une première campagne (la recherche de la Terre, Flotte de survivants alternative (ex : Pegasus), les vaisseaux abandonnés près de Caprica, les Colonies occupées, ...). Par contre, l’absence de scénario d’intro sera cruelle pour ceux qui n’auront pas acquis en PDF le Quick Start. Un manuel de base qui rappelle les très bons débuts de StarWars RPG lorsqu’il n’existait qu’une trilogie et que l’on en découvrait bien plus sur l’univers que ce que le simple cadre de l’écran ne nous en offrait. Depuis sa parution, l’écran du MJ accompagné de la carte du Galactica sont parus ; un recueil de scénarios devait suivre, mais plus aucun signal sur le scope dradis... Le succès n’aurait-il pas été au rendez-vous auprès des rôlistes ? 38 les carnets de l’assemblée # 4 encres INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... [ BATTLESTAR GALACTICA ] saison 3, 2006/2007 20 épisodes jeu de plateau de Corey Konieczka Edité par Fantasy Flight Games / Edge 3 à 6 joueurs à partir de 12 ans durée : 3h minimum www.fantasyflightgames.com/bsg note : Politique, trahison et survie. Un beau programme annoncé sur la boîte de ce nouveau jeu de plateau édité par Fantasy Flight outre-Atlantique, firme dont on ne présente plus le catalogue aux références désormais très éprouvées par les joueurs passionnés. Le plateau de jeu : le BattleStar Galactica et l’espace environnant. Les joueurs : ils incarnent chacun un des héros de la série dont un devra obligatoirement endosser le titre de Président des Colonies (possédant l’influence politique du Quorum) et un autre celui d’Amiral (décidant du plan de route de la flotte et de la force nucléaire). Divisés en trois corps : Commandement (William Adama, Agathon, Saul Tigh, Tyrol), Civil (Laura Roslin, Tom Zarek, Gaius Baltar), et Pilotes (Starbuck, Apollo, Boomer) ; chaque partie impose la présence d’un représentant de chaque classe. L’idéal est alors de jouer à un maximum de joueurs (jusqu’à 6). Le but : la flotte doit rallier la planète sanctuaire de Kobol en ayant parcouru une distance équivalente à 8 points de destinations. Une carte destination est tirée uniquement lorsque la flotte réussit à effectuer un saut FTL, c’est alors que le joueur Amiral choisi parmi les deux premières cartes de la pioche Destination, celle qui lui permettra d’aller au plus vite. Chaque joueur effectue une séquence complète de phases comme suit : il tire des cartes compétences liées aux domaines de maîtrises de son personnage, effectue un mouvement (à bord du Galactica, ou s’il est pilote, dans un Viper propulsé dans l’espace), déclare une action (de très nombreuses possibilités liées aux cartes, capacités des personnages ou aux lieux), puis tire une carte “Crise” avant d’en résoudre collectivement les effets. Une fois cette Crise révélée, le jeu devient collaboratif pour résoudre soit un challenge de compétence (les personnages misent des cartes faces cachées pour contrer un coup dur, un événement au sein de la flotte), soit subir un assaut physique des Cylons (avec une mini-phase de wargame hors du vaisseau). Cette dernière met en scène l’arrivée de la flotte Cylons (vaisseauxmères, raiders, et transports de troupes) qui ont pour priorité la destruction des ressources de la flotte (représentées dans l’espace par les navires civils). La flotte humaine perd lorsqu’une de ses quatre ressources primordiales est réduite à zéro : morale, population, nourriture, carburant. Ensuite, on avance ou pas l’indicateur de Jump, symbolisant l’activation de la procédure de fuite en FTL. Mais le jeu ne s’arrête pas là, car BSG : the board game est un jeu à félon! Comprendre qu’il introduit, tout comme les classiques Les Chevaliers de la Table Ronde ou London 1888, la notion de camp parmi les joueurs. Ainsi, et selon le nombre de participants initial, il y aura un, voire plusieurs joueurs Cylons infiltrés parmi les survivants dès le départ. Leur mission : empêcher la flotte humaine d’atteindre Kobol par différents moyens (dont celui de détruire également le Galactica ou de l’investir par des Centurions). Charge au traître de se démasquer lui-même lorsqu’il le souhaite, aux autres joueurs de faire tomber son masque, ou lorsqu’on atteint 4 points de destination, de procéder à la phase d’Agent Dormant pouvant introduire la notion de Sympathisant Cylon, ce dernier devant alors retourner sa veste en faveur des humains. L’urgentisme de la fuite, le survival effréné, et la suspicion continuelle sont ici les ingrédients trépidants de la réussite de ce jeu. Réussite qui convainc même sans peine les joueurs n’ayant jamais vu la série. Rarement un jeu à licence aura su si bien retranscrire l’ambiance de son œuvre de référence, principalement ici, la saison 1 et 2 de la série. Peut-être y-at’il matière à extensions ? En tout cas, la boîte se suffit à elle seule pour engager de très nombreuses parties, grâce à sa pléthore de situations de crises et l’éventail de personnages disponibles. À l’heure où vous lirez ces lignes, Edge (exUbik) s’apprête à lancer la parution en français de ce jeu. Cette saison démarre dans un nouveau décor, celui de New Caprica, une planète habitable. La flotte ayant échappée aux Cylons décide de s’installer sous les ordres du nouveau Président : Gaïus Baltar. Mais les robots ne tardent guère à réapparaître et prennent par surprise les humains qui n’ont pas le temps de s’échapper de New Caprica. S’installe alors l’occupation Cylon. La résistance humaine s’organise... Et on apprend plus tard que les nouveaux Cylons comptent douze modèles différents. Sept ont déjà été démasqués, qui sont les cinq autres ? Sans conteste, la moins attrayante des saisons, qui se veut la plus psychologique mais au détriment de l’intrigue initiale. Malgré cela, la série marque un changement de ton très significatif : les humains oppressés deviennent des machines violentes et amorales, alors que les Cylons monothéistes se remettent en cause idéologiquement et même religieusement... Baltar en serait-il le nouveau messie ? Une nouvelle symétrie qui confirme une fois de plus l’audace de BSG. [ BATTLESTAR GALACTICA ] 7 webisodes, 2007 Le site internet Sci-Fi nous livre, fin 2007, sept mini épisodes de 2 minutes chacun. Une séquence complète qui nous dévoile, en guise de préquelle (durant la Première Guerre Cylon), une découverte étrange faite par le jeune William “ Husker ” Adama, alors pilote de Viper. [ BSG : RAZOR ] téléfilm, 2008 Sorti en 2008 en DVD, BSG Razor est un téléfilm mettant en scène l’aventure du BattleStar Pegasus avant et durant sa rencontre avec le Galactica, ainsi que la fin tragique de l’Amiral Cain. Il reprend la scène révélée par les webisodes et en donne ici une justification : l’existence des hybrides Cylons ; chaînon manquant entre les Centurions et les modèles humains. [ BATTLESTAR GALACTICA ] saison 4.1, 2008 10 épisodes Starbuck affirme détenir les clefs pour trouver le chemin de la Terre. Quatre nouveaux Cylons infiltrés sont révélés. Mais ces derniers, du fait de leur présence sur le Galactica, empêchent les chasseurs Cylons de passer à l’assaut final. Une alliance contre-nature voit alors le jour entre les colons et certains Cylons rebelles favorables à la survie des humains et à la quête de réponses mystiques communes. Un retour 39 les carnets de l’assemblée # 4 encres INSPIRATIONS, LITTÉRATURE ... aux sources et aux rebondissements pour cette demi-saison à couper le souffle ! Les téléfilms ainsi que toutes les saisons citées jusqu’ici existent en DVD zone-2 (Universal studios). Jeu de cartes à collectionner (en anglais) une seule extension parue : Betrayal édité par Wizkids Games 2005-2006 www.wizkidsgames.com/battlestar [ BATTLESTAR GALACTICA ] saison 4.2, 2009 10 épisodes note : Suite et fin de la saison 4 et, à priori, fin définitive de la série. Actuellement diffusée aux USA sur la chaîne Sci-Fi depuis le 16 janvier 2009. Dans ce luxueux (cartes octogonales) et éphémère jeu de cartes à collectionner, Wizkids nous offrait l’occasion d’interpréter un Commandant de vaisseau de la flotte BSG, chaque joueur utilisant les effets d’une base (vaisseau de la flotte) comme épine dorsale de son deck. [ BSG : THE PLAN ] téléfilm, juin 2009 En préparation, un nouveau téléfilm réalisé par Edward James Olmos (William Adama) qui donnera une vision des Cylons à la recherche de survivants humains parmi la flotte ravagée et sur les planètes dévastées. pour aller plus loin : www.scifi.com/battlestar site officiel Sci-Fi [ CAPRICA ] spin-off, 2010 Cette nouvelle série dérivée mettra en scène la famille Adama confronté à la famille Graystone, 50 ans avant les événements de BSG. Elle traite de l’émergence de l’intelligence artificielle et du développement de la robotique à l’origine de la création et du soulèvement des Cylons. Une préquelle dans laquelle tout se passe sur Caprica, la planète capitale des Douze Colonies. www.scifitv.fr hébergeant le mini-site français officiel www.battlestargalactica-online.com fansite francophone www.battlestar-galactica.fr/bsg autre fansite en français www.galactica.tv fansite en anglais par Olivier Camus visuels : Battlestar Galactica © USA Cable Entertainment LLC. Licensed by Universal Studios Licensing LLLP. All Rights Reserved 40 les carnets de l’assemblée # 4 La gestion des cartes se fait sur 3 niveaux : Ressources (nécessaires pour produire les unités), Réserve (les unités prêtes au combat), Alerte (les unités activées et déjà au combat). Le but : accumuler 20 points d’influence glanés en résolvant des missions, en lançant des challenges à ses rivaux ou en repoussant les assauts Cylons sur la flotte ; ces derniers survenant lorsque le niveau de Menace Cylon dépasse le niveau de défense total des unités humaines présentent sur la table. Missions, événements, personnages, vaisseaux, ... tout est luxueusement illustré de photographies extraites du show télévisé. Le système, le déroulement des phases et la philosophie globale de ce JCC se rapprochent beaucoup du jeu de plateau. à l’épreuve PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... EDGERUNNER PUNK’S NOT DEAD ! LE GIRI supplément pour Cyberpunk 203x de Ken Mac Kriell & Mike Pondsmith édité par Oriflam note : Derrière cette couverture sobre et efficace, vous trouverez une culture bien particulière. Celle d’une communauté riche, organisée et engagée aux racines anarchistes et collectivistes. Cette culture, ou plutôt cette alterculure, c’est celle des Edgerunners : les cyberpunks des années 203x. À l’instar du livre de base, ce supplément de règles et de contexte est une boite à outils pour le MJ. Mais il n’y a rien de péjoratif dans ce terme, bien au contraire ; le style narratif employé impliquant réellement le lecteur dans la description de cette culture. Et la sauce prend ! Dans la première partie, on s’imprègne de l’univers. Elle nous raconte l’ascension des Edgerunners : leur histoire, ses leaders et ses acteurs, leurs amis, leurs ennemis et surtout, son code d’honneur (le Giri – cf. encadré). Tandis qu’avec la seconde partie, on s’approprie l’univers. Ici, vous trouverez tout le nécessaire pour fabriquer votre propre cyberéquipement. Grâce à la NéoCyb conçue pour être modulaire et amovible, vous pourrez brancher sur votre réseau neural des connecteurs sensoriels (olfactif, auditif, etc...) ou encore un bracelet couplé à un mod (cyber-outil, armements, etc...), le tout amélioré grâce à des puces de compétence. Pour ce faire, vos joueurs devront suivre un apprentissage qui consiste à passer du stade de compagnon à celui de techno-maître. Vous trouverez également huit nouveaux archétypes Edgerunner : tacticien, cybersoldat, négociateur, yojimbo (« garde du corps »), ferrailleur, armurier, wheelman et détective ; présentés sur une page chacun avec caractéristiques techniques, atouts, compétences, équipements, un petit paragraphe descriptif et une magnifique illustration. Vous aurez ensuite une description détaillée, sur vingt cinq pages, des territoires importants de l’Amérique Edgerunner. On vous présentera les principales enclaves, leurs dirigeants, les relations inter-enclaves, etc… Toute la culture Edgerunner tourne autour du Giri. Issue de la culture japonaise, ce terme désigne la notion de devoir et d’obligation morale envers les autres. Dans l’univers de cyberpunk 203x, chaque action que vous faite pour votre communauté, chaque promesse que vous tenez, etc… vous octroie des points de Giri. Augmentant ainsi votre charisme, la confiance que vous inspirez ou encore l’intérêt des gens à votre égard. Toutes ces notions « du regard de l’autre » se traduit en ce concept simple : le Giri. En plus d’améliorer vos relations avec vos divers contacts, vous pouvez également dépenser ces points pour vous équiper en NéoCyb ou pour parfaire votre apprentissage de techno-maître. Le livre se termine par l’essence même du cyberpunk : le chrome. Ces jouets cybernétiques qui font que le style passe avant la matière. Vingt pages de catalogue où vous trouverez des vêtements, du matériel d’infiltration et d’effraction, des armures corporelles, des drogues et médicaments, de nouveaux véhicules (dont une très belle moto Torpedo Kittyhawk) et, bien évidemment, des armes. Au final, on se retrouve avec un supplément de 112 pages bien remplies et surtout : utiles. De plus, Oriflam a fourni un excellent travail sur la mise en page et sur les illustrations, ce qui rend la lecture de ce supplément très agréable. par Vincent Ziec 41 les carnets de l’assemblée # 4 à l’épreuve PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... Des années de recherche et d’efforts dans plusieurs systèmes et enfin il est à moi ! Beaucoup d’êtres ont péri pour qu’il entre en ma possession mais qu’importe ! Je sens déjà son pouvoir, sans même l’avoir ouvert ! Magnifique… Mais ne nous laissons pas emporter par l’euphorie de la victoire. En premier lieu, je dois me débarrasser de mon serviteur : il en sait beaucoup trop. Puis, je dois trouver un lieu reculé, éloigné de tous. Pourquoi pas la bordure du secteur Calixis ? Le Segmentum Obscurus me paraît judicieux pour apprendre en toute quiétude les secrets les plus noirs de l’Imperium et de sa redoutable Inquisition… Des bruits de pas ? Filons vite d’ici ! - Extrait vox du patient B-24896-EY09, pénitencier inquisitorial de Scintilla – Secteur Calixis Pour tous ceux qui auraient passé les trois dernières années dans un caisson cryogénique, rappelons ici que Dark Heresy est le premier des trois jeux consacrés au monde de Warhammer 40.000, le monde futuriste développé par Games Workshop (le second devrait être consacré aux explorateurs, et le dernier aux fameux Space Marines). Dans ce premier opus, vous incarnez un acolyte de la Sainte Inquisition de Terra. Sous les ordres d’un inquisiteur, les PJ seront donc missionnés aux quatre coins du secteur pour éradiquer/annihiler/pulvériser (rayez la mention inutile) les ennemis de l’Imperium : hérétiques et déviants, démons ou même xénos, ces extra-terrestres hostiles qui osent défier la volonté de l’EmpereurDieu. jeu de rôle gothique futuriste de Kate Flack, Andrew Kenrick, Chris Pramas, Owen Barnes, Mike Mason, Dan Abnett, Gary Astleford, Alan Bligh, Ben Counter, John French, Guy Haley, Andy Hall, Tim Huckelberry, Mark Latham, TS Luikart & Rick Priestley édité par Bibliothèque Interdite www.dark-heresy.fr note : La voilà enfin ! La traduction française de Dark Heresy, le jeu de rôle dans le monde futuriste et cauchemardesque de Warhammer 40.000 ! Réalisée par Bibliothèque Interdite, le livre est de toute beauté. Pour 55 euros, nous avons droit à un magnifique grimoire de 400 pages, en quadrichromie, à couverture cartonnée. On retrouve ici la qualité de la gamme du grand frère Warhammer et c’est tant mieux. Après l’habituel sommaire et la non-moins habituelle introduction au jeu de rôle, jetons nous dans le vif du sujet avec le premier chapitre : la création de personnage. Après avoir choisi un monde natal, vous lancez quelques dés (ajustés selon les modificateurs de votre monde natal, justement) pour obtenir vos caractéristiques principales. On retrouve ici le système rôdé de Warhammer, avec la Capacité de Combat (CC), la Capacité de Tir (CT), etc. Une fois vos caractéristiques définies, voici le moment tant attendu : la classe de perso ! euh… non, le “ plan de carrière ”. Huit choix s’offrent à votre personnage : Adepte (érudit), Arbitrator (super-flic), Assassin, Ecclésiaste, Garde Impérial, Psyker (capable de manipuler l’énergie psychique), Racaille (pas génial comme terme pour désigner les hors-la-loi, contrebandiers, voleurs et autres) et enfin Technoprêtre (gardien de “ l’Esprit de la Machine ”). Quelques points à répartir, un peu de matériel et l’affaire est dans le sac. Enfin presque… Reste à définir le passé de votre personnage flambant neuf. Et si l’imagination vient à manquer, des tables viennent à votre rescousse : un jet de dés et 42 les carnets de l’assemblée # 4 voilà que votre monde natal est gouverné par le Clergé de l’Empereur, faisant de vous (sûrement…) un loyal dévot au service de l’Imperium. Petite touche finale amusante : un jet sur la table des divinations impériales vous indique ce que les augures réservent à votre personnage. Le chapitre suivant traite des plans de carrière et de l’avancement de votre personnage. Autant vous le dire tout de suite, ce chapitre est très ennuyeux car presque exclusivement technique. Empli de tables, de chiffres et de symboles, il ne reste que très peu de place au background. Il aurait été de bon ton de faire de la progression autre chose qu’une affaire technique de points et d’achat de compétences, surtout dans une organisation comme l’Inquisition. Quelques paragraphes sur l’avancement, les nouvelles possibilités et les responsabilités qui en découlent auraient renforcé le background du personnage… Puis, sur près de 80 pages, sont traitées les Compétences, les Talents, l’Equipement et les Pouvoirs Psy. Rien de très novateur, à part quelques objets ou compétences typiquement warhammeriens (les implants cybernétiques de l’Adeptus Mechanicus, par exemple). Terminons avec les Règles du Jeu et les conseils au Meneur de Jeu, où l’on retrouve les règles de Warhammer : rien que du à l’épreuve PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... très bon et de l’efficace. Pour faire court : 1d100, quelques modificateurs et les tables de critiques qui font rire tout bon rôliste (un exemple : “ La poitrine de la cible explose, vomissant un flot d’organes partiellement cuits, ce qui la tue instantanément. ”). Au final, on a un jeu bien huilé, qui tourne très bien, et assez souple pour en faire ce qu’on veut. Passons maintenant au plus intéressant : le monde de Warhammer 40.000 proprement dit. Une centaine de pages est consacrée à la vie dans l’Imperium, à la Sainte Inquisition et à la description d’un secteur entier : le secteur Calixis. Mis à part ce dernier chapitre, qui décrit avec suffisamment de détails ce secteur pour en faire un excellent terrain de jeu pour les acolytes, j’ai trouvé cette partie très lacunaire. Evidemment, ce n’est pas en cent pages qu’on peut résumer un historique comme celui de WH40K riche de plus de 20 ans de batailles et d’innombrables romans. Mais quand même ! Pas un mot sur l’Hérésie d’Horus, un pauvre petit paragraphe sur l’Adaptus Astartes et à peine quelques indices sur l’histoire de l’Inquisition, qui est tout de même au coeur de ce jeu. Heureusement pour vous, chers lecteurs passionnés des Carnets de l’Assemblée (comment ça, je fais de la pub ?), nous avons pensé à vous et vous trouverez dans l’encart ci-contre quelques sources “ on ze ouaib ” qui pallieront à ce défaut de taille. Pour terminer sur une note positive (car oui, je suis très critique, mais c’est souvent le cas quand on est un aficionado !), mention spéciale à la description du secteur Calixis et au scénario, parfaits pour une immersion en douceur (bon, ok, ce n’est pas très crédible la douceur dans cet univers…). Des textes bien écrits, utiles et quelques surprises de bon aloi. Et quand viendra votre tour d’écrire des scénarios pour vos acolytes en manque, vous n’aurez que l’embarras du choix tant l’univers est immense : des grosses bastons à coups de bolters aux intrigues sans fins d’une organisation inquisitoriale plusieurs fois millénaires, les options sont nombreuses : ce sera à vous de choisir en fonction de vos envies et de celles de vos joueurs. Et c’est ce qui fait, à mon sens, la plus grande force de ce jeu. LES ROMANS À NE PAS RATER ... (publiés chez Bibliothèque Interdite) La série de l’ “ Hérésie d’Horus ” (7 volumes actuellement). LA série à lire absolument, tant l’univers de Warhammer 40.000 a été influencé par cet événement majeur. De plus, c’est sans doute la série la mieux écrite : les tomes se dévorent les uns après les autres. Un must, tout simplement. La trilogie “ Eisenhorn ”, par Dan Abnett (3volumes, parus). Si vous voulez voir le travail quotidien d’un inquisiteur et de ses acolytes, voici la série parfaite. Il est même à mon avis préférable de lire cette série avant d’attaquer Dark Heresy. L’écriture est très correcte, malgré quelques longueurs parfois. La trilogie “ Ravenor ” , par Dan Abnett (1 volume paru). La suite logique de la trilogie Eisenhorn puisque Ravenor faisait partie de l’équipe de ce dernier avant d’accéder lui-même au titre d’inquisiteur. Le premier volume est très plaisant à lire et le personnage de Ravenor très attachant. À suivre. “ Les Chevaliers Gris ”, par Ben Counter. Ce livre permet de comprendre un peu mieux les rouages de ce chapitre de Space Marines entièrement dévoué à la destruction du Chaos, et rattaché à l’Ordo Malleus de l’Inquisition. Intéressant pour pouvoir décrire au mieux ces formidables combattants que les joueurs pourront être amenés à côtoyer. SITES UTILES SUR LA TOILE http://dark-heresy.fr/ le site officiel, avec personnage, previews d’écrans feuille de et fonds http://new.fantasyflightgames.com/ le site de l’éditeur américain http://fr.games-workshop.com/40k/ ben oui, quand même ! http://secteur-calixis.fr/ une vraie bible à utiliser sans modération. Un grand coup de chapeau ! Un index, la fameuse feuille de personnage, et voilà, c’est déjà fini. Et oui, car malgré ses défauts (vite comblés grâce aux ressources disponibles sur internet et dans les romans), on en redemande. Et côté planning sont prévus : le “ Kit du meneur de jeu ” (comprenant l’écran) pour janvier 2009, “ Purifiez par le Feu ” (un recueil de scénarios) pour février, le “ Traité de l’inquisitorial ” (supplément de background…ouf !) pour mars et enfin “ Les Disciples des Dieux Sombres ” pour juin. Les dates sont celles données par le site officiel, donc méfiance. Tzeentch, l’Architecte du Changement (de planning) peut encore changer la donne. http://ad-gloriam-imperator.tharaud.net/ site d’un fanzine gratuit pour Dark Heresy. http://fr.lexicanum.com/ encyclopédie sur les mondes de Warhammer et WH40K. http://pagesperso-orange.fr/Taran/ pour ceux qui aiment le “ fluff ” par Matthieu Carbon 43 les carnets de l’assemblée # 4 à l’épreuve PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... DAVID BURCKLE [ interview ] Il faut bien admettre qu’il aurait été impensable de faire un dossier futurs imparfaits sans parler de l’éditeur Black Book Editions. Détenteur de deux piliers du genre, la locomotive Shadowrun et la récente renaissance de Polaris, l’éditeur fait ici le point sur son actualité et sur ses projets à venir. Nous laissons la parole à David Burckle, responsable éditorial et gérant de Black Book Editions. Commençons par un classique du JDR: Shadowrun. Le jeu en est maintenant à sa quatrième édition (qui a d’ailleurs reçu deux récompenses aux Gold Ennie Awards de la GenCon d’Indianapolis : Meilleur produit et Meilleur système de règles de l’année - en 2006). C’est un peu la fierté de tout éditeur d’avoir un tel jeu dans son catalogue. Vous le vivez bien ? On est très heureux d’avoir repris SR4, alors que son avenir en France semblait compromis. Nous sommes des fans de la première heure ! On lisait à peine l’anglais quand on essayait de décoder la première édition. On a vraiment sauté sur l’occasion, sans se soucier des ventes ou du suivi : on voulait faire du Shadowrun, point. Un rêve de gosse en quelque sorte. Du fait de cette réputation chaque sortie de supplément Shadowrun est très attendue. Pouvez-vous nous mettre un peu l’eau à la bouche en nous annonçant le programme de 2009 ? Notre planning de sorties pour SR4 en 2008 a été pas mal chamboulé avec les changements de licences américaines. Mais d’ici février tout devrait rentrer dans l’ordre. Trois suppléments sont déjà traduits depuis assez longtemps : Emergence, Augmentations et Arsenal, et ils sortiront en février/mars/avril. Le reste de la gamme américaine suivra avec un rythme de parution soutenu. Vous avez marqué des points, auprès des joueurs, en complétant le supplément « Capitales des ombres » avec la description de la ville de Marseille. D’autres surprises du même acabit sontelles prévues ? Et bien ce n’est pas vraiment une surprise mais les fans devraient apprécier un des prochains suppléments, fruit d’une collaboration franco-germanique (on ne perd pas de si vieilles habitudes). SOX est un cadre de jeu livré avec une campagne de création f r a n ç a i s e (merci à OP, nos traducteurs/ relecteurs/ a u t e u r s / maquettistes) qui se rapproche beaucoup de l’ambiance de Stalker et Fallout (les jeux vidéo). En gros une zone où il fait bon vivre. 44 les L’accueil à la sortie de Polaris fut très bon. L’édition collector, par exemple, s’est épuisée assez rapidement et le livre de base a bénéficié d’un très bon retour de la part des joueurs. Quel est votre ressenti en tant qu’éditeur ? Nous sommes évidemment ravi de cet accueil. Nous avions pas mal communiqué pour présenter le jeu avant sa sortie, et expliqué surtout en quoi il était différent des éditions précédentes, qui avaient pu rebuter certains rôlistes. Il y aura bientôt une réimpression du livre de base et du « guide du joueur », un petit livret qui sert de feuille de personnage et qui présente l’univers. En dehors du traditionnel écran, pouvezvous nous annoncer les suppléments prévus pour cette année 2009 ? Deux volumes clôtureront la réédition des anciens textes de la gamme, un pour le background (hégémonie, pirates, ligue rouge, surface) et un pour tous les scénarios et campagnes. Après nous éditerons les suppléments de contexte originaux en commençant très certainement par la République du corail puis l’alliance polaire. Une campagne originale est-elle prévue ? Si oui, quels en seront les enjeux (en tant que joueurs) ? Oui il y en aura une avant la fin de l’année. Mais il est beaucoup trop tôt pour en parler… Philippe Tessier reste-t-il très présent sur la gamme Polaris et les suppléments prochainement prévus ? Philippe reste seul maître à bord de son croiseur lourd. à l’épreuve PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... illustrations : © Geoffroy Thoorens Cette nouvelle édition, lui offre la possibilité, avec le recul, de revoir l’univers de Polaris. A-t-il saisit cette opportunité ou Polaris avait-il déjà atteint sa maturité ? Il y a eu quelques modifications sur le livre d’Univers, sur la surface principalement, mais Philippe profitera sûrement des prochaines créations, du jeu ou des romans, pour faire évoluer le background qui est déjà bien complet. Vous élargissez votre catalogue et l’univers de vos jeux avec l’édition de romans. Vous êtes en train de rééditer la trilogie des foudres de l’abime, de Philippe Tessier. D’autres livres, inspiré de l’univers de Polaris sont-ils prévus ? D’autres romans sans aucun doute, et peut-être même d’autres supports permettront d’enrichir l’univers dans les années à venir. Aux Etats-Unis, In MediaRes Production a signé un partenariat de deux ans avec Catalyst Game Lab (L’éditeur US de Shadowrun) pour sortir des nouveaux romans sous licence Shadowrun. Estil envisageable que vous repreniez la traduction française de ces romans ? Oui nous souhaitons reprendre les romans Shadowrun, puisque nous allons aussi faire les romans Earthdawn. Ce serait dommage que le public n’est pas accès aux deux univers. Vos diverses licences vous donnent-telles la liberté d’éditer des romans de créations françaises ? En d’autres termes, aurons-nous un jour le plaisir de lire des romans Pavillon noir, Earthdawn ou Midnigth d’auteurs français ? Pavillon noir est un jeu français donc nous pourrions le faire mais la littérature ne manque pas d’œuvres sur le sujet. Pour les licences étrangères tout est envisageable mais ce n’est pas du tout notre priorité. Vous êtes régulièrement sollicité, sur les forums, pour la sortie de tel jeu ou de tel supplément. Ça doit vous faire plaisir d’avoir une telle demande de la part des joueurs. C’est un peu la rançon du succès ? Tous les JDR que nous avons sortis ont été de véritables succès (sauf Dawnforge, mais c’est un cas un peu à part, vu que c’est une édition « one-shot ») mais je ne donne pas de chiffres car on va sûrement nous traiter de menteurs (je fais ici référence à une certaine interview publié sur le site de jdr magazine). Du coup, c’est vrai qu’il y a beaucoup d’attente de la part des joueurs, et beaucoup de frustration et de remarques quand il y a du retard sur la sortie des produits. Comment se porte la rédaction de Black Box aujourd’hui ? Est-ce que vous êtes désormais sur les rails pour paraître régulièrement ? Black Box, un sujet épineux… le n°4 est/ sera en kiosques suivant la parution de votre magazine. Pour ce qui est d’une sortie régulière on ne peut rien promettre. On aimerait tous chez BBE que Black Box devienne un véritable bimestriel mais le travail est colossal. On ne l’écrit pas sur nos heures de travail « habituelles ». Nous donnerons plus d’infos à partir du n°5 sur la périodicité. La dernière question sera celle de votre choix. Sortons de la thématique Futur imparfait pour parler des autres jeux que vous éditez. Black book éditions, vous avez carte blanche : Et bien on va rester dans le coup de cœur dans ce cas, comme Shadowrun. Son petit frère Earthdawn va bientôt voir le jour en France dans sa troisième édition, celle de Redbrick. Deux volumes de 500 pages (pour commencer) pour ce qui est sans doute avec Planescape et Dark Sun, un des meilleurs univers médiéval fantastique jamais créé. Et avec le 20ème anniversaire de Shadowrun, l’année 2009 réserve pas mal de surprises pour les joueurs… Bon jeu à tous. propos recueillis par Vincent Ziec 45 les carnets de l’assemblée # 4 à l’épreuve PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... Les fans les plus fous n’osaient l’espérer, et pourtant, Black Book éditions l’a fait ! Polaris, le jeu de rôle des profondeurs de Philippe Tessier s’offre une troisième édition au système de jeu entièrement repensé (par Raphael Bombayl) mais dont l’univers lui reste inchangé. POLARIS 20 000 parties sous les mers jeu de rôle de Philippe Tessier et Raphael Bombayl Edité par Black Book Editions note : Pour les joueurs ne connaissant pas les premières éditions, Polaris est un jeu de SF où l’humanité a été contrainte de se réfugier dans des stations sous-marines suite à un cataclysme (pour le moment inexpliqué). La surface est devenue inhabitable, l’air irrespirable et la faune, hostile, a subi de grandes mutations. Le jeu prend place six siècles après ces événements. De grandes cités sous-marines se sont créées ainsi que de grandes nations, amenant leur lot de conflits politiques et militaires. Parmi ces nations, on trouve le Culte du Trident, sorte de confrérie pacifiste qui étudie l’effet Polaris. Un pouvoir, apparemment très puissant, mais qui, pour le moment, n’est pas encore totalement maîtrisé. À la lecture du livre de base, on peut facilement rapprocher Polaris d’un univers space-opera où les planètes seraient ici des stations. De plus, le jeu est occasionnellement comparé à Star Wars. Mais même si certains aspects du monde s’en rapprochent, le jeu de Philippe Tessier possède un univers et une ambiance qui lui sont propres. Cependant, une comparaison à un univers tel que Star Wars est un compliment qui démontre au MJ la diversité et la richesse des scénarios qu’il est possible de créer et de faire jouer. Fermons la parenthèse et revenons au jeu, et plus précisément à son système. Concernant ce dernier ; le premier mot qui nous vient à l’esprit est “ complet ! ”. Le MJ pourra, à sa convenance, utiliser les règles de base, avancées, ou utiliser un système intermédiaire grâce aux règles optionnelles. Polaris utilise un système à base de d20. Pour réussir votre action, vous devrez obtenir un résultat inférieur ou égal à un seuil de difficulté (qui correspond à votre compétence plus ou moins un modificateur de difficulté). Par 46 les carnets de l’assemblée # 4 contre, votre seuil de réussite dépendra de votre résultat au dé. Donc plus votre jet est grand plus votre action est réussie (comme dans Pendragon). Vous trouverez ensuite, en partant de ce système simple, tous les points de règles nécessaires pour résoudre les combats (chapitre très détaillé qui prend en compte tous types de combats : en armure mécanisée, en vaisseau, combat sous-marin, etc., le tout servi avec beaucoup d’exemples). Complet sans forcément être complexe, le système de règles vous permettra de gérer la majorité des cas de figure que vous serez susceptible de rencontrer. Et c’est là la grande nouveauté de cette édition : un système de jeu fluide qui vous permettra de profiter au mieux à l’épreuve PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... de l’univers riche de Polaris. Et quand je dis “ riche ”, je pèse mes mots, puisque le monde est décrit sur plus de 200 pages. Pour les connaisseurs, le jeu reprend littéralement le background de la 2ème édition (à tel point que l’on constate quelques copier/coller malheureux entre la deuxième et la troisième version) sans faire avancer la timeline. Vous trouverez une présentation des nations des abysses, une description de l’univers sous-marin sur vingt pages (le coût de la vie, les communications, le problème de stérilité, la monnaie, le troc, modes et loisirs, etc.), un bestiaire d’une quinzaine de pages, mais surtout la description complète de la station Equinoxe, plaque tournante de la majorité des intrigues du monde de Polaris. En effet, BBE a eu la très bonne idée d’inclure le supplément Equinoxe au livre de base, ce qui offre au MJ un cadre de départ pour faire jouer plusieurs scénarios (il y a d’ailleurs un scénario d’introduction dans le jeu : une petite enquête sur Equinoxe), voire de débuter une campagne. LES LIENS utiles http://www.polaris-site.com/ forum/ site officiel http://www.black-book-editions. fr/forums forum de l’éditeur (où l’on trouve un condensé des errata du livre de base, et plusieurs annonces) www.polaris.me très bon blog, riche en illustrations et contenus téléchargeables (dont le supplément Volcania III, initialement prévu pour la V2) L’univers du jeu est tellement riche qu’un simple article ne suffit pas pour le décrire entièrement et vous suggérer toutes les idées de scénarios qui nous viennent à l’esprit à la lecture du jeu. Pour finir, on soulignera aussi le très bon travail de BBE sur la maquette. Malgré le contenu très dense de cette troisième édition, la mise en page reste claire, agréable à lire, et on y retrouve facilement l’information recherchée (vous trouverez également tous les tableaux utiles regroupés à la fin du livre en annexe). Néanmoins, il y a quelques incohérences, voire une certaine irrégularité au niveau des illustrations avec le mélange de nouvelles illustrations et d’anciennes datant de la seconde édition. Malgré ces quelques petits défauts, Polaris n’en reste pas moins un excellent jeu ! D’autant plus que cette troisième édition, grâce à son système entièrement revu, permet à Polaris de devenir un jeu accessible pour tous. par Vincent Ziec QUAND C’EST BIEN il faut le dire ! Sobrement intitulé : le dossier de personnage, ce “ supplément ” de 2€ comprend tout le nécessaire pour vos joueurs. Le livret débute par une présentation de l’univers complétée d’une chronologie des dates importantes ; suivi d’une présentation des factions et des nations qui régissent le monde. De plus, cette partie distille quelques rumeurs et autres questions sans réponse, qui ne manquera pas de susciter de l’intérêt chez vos joueurs et, côté MJ, d’ouvrir la voie pour de nombreuses intrigues. La partie qui suit est plus technique puisqu’elle résume les étapes pour la création de personnages, les tables de combat et reprend la feuille de personnage en huit pages. Et cerise sur le gâteau, vous trouverez une carte couleur des fonds marins en deuxième de couverture. Quand on vous disait que c’était bien... 47 les carnets de l’assemblée # 4 à l’épreuve PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES MUTANT CHRONICLES [ PORTRAIT D’UNE GAMME ] Mutant Chronicles, lors de sa sortie au début des années 90, fut assimilé, en grande partie à cause de son packaging coloré et de son arsenal affiché, comme une licence mettant en scène principalement des combattants tout droit sortis de films comme Aliens ou du jeu vidéo Doom. Mais cette première impression ne peut résumer à elle seule la richesse de cet univers. En effet, l’intérêt principal de la licence ne repose pas tant sur ces zones de guerres dispersées à travers tout le système solaire que sur les manigances des mégacorporations et les personnages bigarrés parcourant les rues crasseuses de leurs mégavilles. Cet univers propose, dans son background, davantage de pistes d’aventures pour une campagne urbaine - avec tout de même quelques grosses fusillades - que comme un simple prétexte à des opérations militaires impliquant des personnages au quotient intellectuel fort bas. Mutant Chronicles sait mélanger adroitement les thématiques du genre cyberpunk (background urbain et corporatiste) avec celles de la Dark Fantasy (que ce soit dans un style gothique ou épique). [ L’UNIVERS ] L’action de Mutant Chronicles se déroule aux environs de l’année 3545 après J.C. dans un système solaire partiellement colonisé. Mercure, Vénus, Luna et Mars ont été terraformées alors que la frontière de la civilisation humaine s’arrête à l’orbite de Jupiter. D’autres colonies existent jusqu’à des planètes extérieures comme Pluton mais elles sont sous la menace directe des Légions Obscures. Dans cet univers, la Terre a été abandonnée depuis plus d’un millénaire à cause de son niveau de pollution et du fait que les mégacorporations l’ont pressée jusqu’à ses dernières ressources pour payer la colonisation des différents mondes. L’univers de Mutant Chronicles ne brille pas par sa technologie avancée. Depuis l’irruption des Légions Obscures et de la Symétrie Obscure, une force malfaisante affectant les composants électroniques de manière pernicieuse, l’humanité ne peut plus faire confiance aux machines pensantes ou autres réseaux informatiques sans encourir des risques. Le niveau technologique de l’univers est assimilable à celui des années 80 avant que la micro-électronique et les réseaux informatiques n’envahissent chaque foyer. Cela n’empêche pas les mégacorporations d’user des armements sophistiqués comme des missiles ou les télévangélistes de la Confrérie d’utiliser quotidiennement les canaux de télévision pour répandre la bonne parole du Cardinal. La société de Mutant Chronicles est divisée entre cinq mégacorporations, des complexes militaro-industriels disposant de leurs propres territoires et personnels se chiffrant en plusieurs centaines de millions d’employés avec leur propre machine médiatique et militaire pour résister à la concurrence. La première, Capitol, est la mégacorporation se rapprochant d’une caricature des États-Unis en ce qui concerne sa démocratie détenue par des actionnaires. La seconde, Mishima, est la mégacorporation qui n’est pas sans rappeler les tigres économiques du sud-est asiatique (Japon, Corée et Chine) avec une lutte fratricide entre héritiers dynastiques 48 les carnets de l’assemblée # 4 et une armée fortement influencée par la doctrine des samouraïs. La troisième, Bauhaus, est la mégacorporation qui représenterait une Europe fortement dominée par l’Allemagne et une Russie pré-soviétique en ce qui concerne son industrie lourde, sa noblesse et une dictature militaire qui ne dit pas son nom. La quatrième, Imperial, est assimilable à une Europe du temps des empires coloniaux avec des conflits territoriaux incessants, des luttes politiques intestines entre ses clans et des colonies éparpillées dans tout le système solaire. La dernière, Cybertronic, est la mégacorporation la plus atypique car très jeune, fondée sur une supériorité technologique et un service de renseignement efficace et subissant un ostracisme quelquefois irrationnel de la part d’Imperial et de la Confrérie. Enfin, deux autres organisations complètent le tableau, La Confrérie située sur un plan spirituel (une sorte d’Église catholique romaine) et le Cartel opérant sur un plan politique (une sorte d’ONU ayant très mal viré). à l’épreuve PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES La thématique fantastique de la licence est incarnée par les Légions Obscures, une sorte d’armée de démons qui pourraient être issus de l’imagination de Clive Barker (Hellraiser). Ces Légions sont divisées entre cinq Apôtres, cinq entités maléfiques ayant adopté une méthodologie propre pour détruire l’humanité. Chacun de ces Apôtres est servi par une multitude de créatures cauchemardesques et d’Hérétiques, des humains corrompus par l’enseignement et les puissances de l’Obscurité. Algeroth est l’Apôtre de la Guerre et de la Technologie noire qui retourne les armes de l’humanité contre elle, Demnogonis est l’Apôtre de la Contagion et de monstres biotechnologiques, Muawijhe est l’Apôtre de la Folie et peut intervenir dans les rêves des hommes, Semaï est l’Apôtre du Mensonge et de la Corruption et il n’hésite pas à utiliser les vices des hommes pour détruire les fondations des sociétés humaines, enfin Ilian est l’Apôtre du Vide et de la Symétrie Obscure, une énergie capable de créer des portails dimensionnels vers des dimensions impies ou d’invoquer de nouvelles créatures infernales. Les Légions Obscures ont leur quartier général sur Néron, la dixième planète, mais elles disposent de Citadelles, avant-postes fortifiées à travers tout le système solaire pour mener leur guerre contre les forces de l’humanité. [ GAMME CLASSIQUE ] La gamme de produits Mutant Chronicles crée dans les années 90 partage le même background, mécanique de jeu et identité graphique quoique certains jeux de plateaux et de figurines se soient intéressés uniquement à la thématique militaire de cet univers. Nous n’allons pas décliner ici le catalogue entier mais sachez que la gamme classique comprend : 3 jeux de plateau, 1 jeu de rôle avec une dizaine de suppléments, un jeu de cartes avec une demi-douzaine d’extensions, 1 jeu de figurines ayant connu trois éditions, 1 trilogie de romans, 1 tétralogie de comics, 1 jeu vidéo et un projet d’adaptation au cinéma qui ne passa pas l’étape de la préproduction. Cette gamme classique, du moins en ce qui concerne les jeux de plateaux, était destinée à l’origine à concurrencer les jeux de plateaux de Games Workshop sur le marché américain (plus précisément les jeux tirés de la licence Warhammer 40.000 comme Space Hulk et Space Crusade). C’est pour cette raison que Mutant Chronicles partage une forte parenté avec l’univers de sciencefiction de Games Workshop. Mais la ressemblance s’arrête là puisque Mutant Chronicles a depuis su développer un background civil intéressant là où Warhammer 40.000 s’est cantonné au background purement militaire. [ EN PRÉPARATION ] Depuis 2005, trois nouveaux projets concernant Mutant Chronicles sont en développement. Le premier est une adaptation au cinéma qui est sortie finalement en DVD sur le marché nord-américain cet automne (cette adaptation n’en est pas vraiment une puisque n’exploitant pas vraiment le background de la licence et avec des moyens limités). Le second est une nouvelle édition du jeu de rôle qui est en cours de finalisation (cette nouvelle édition proposera une refonte complète du background, système de règles et identité graphique du jeu original - à voir si les fans s’y retrouveront). Enfin le dernier est un jeu de figurines, édité par Fantasy Flight Games et distribué en France par Edge Entertainment depuis le mois de septembre, qui reprend les unités militaires du jeu Warzone mais avec un système de jeu entièrement original. par Coral Beach LIENS UTILES Article Wikipedia (VF) : http://fr.wikipedia.org/wiki/ Mutant_Chronicles Archives francophones (VF) : http://perso.wanadoo.fr/ coral.beach.center Mutant Chronicles figurines (VF) : www.edgeent.com le jeu de Mutant Chronicles le jeu de rôle (VO) : www.coggames.com/ mutantchronicles Mutant Chronicles le film (VO) : www.mutantchroniclesthemovie.com 49 les carnets de l’assemblée # 4 PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES à l’épreuve R.O.B.O:T. MOUTONS ÉLECTRIQUES jeu de rôle de Quentin Forestier édité par les Éditions Icare www.robot-jdr.com note : Le concept de R.O.B.O:T. peut paraître simple : prenez Cyberpunk, et faites tout le contraire. Ici, la révolte des machines a eu lieu sur terre et, à l’approche du XXVIème siècle, l’humain a été éradiqué de la surface de la planète, ainsi que toutes les formes de vie biologiques naturelles. Mais, sans explication, certains robots se mettent à «s’humaniser», et se retrouvent traqués. C’est donc sur ce postulat que repose R.O.B.O:T., et c’est dans un univers 100% synthétique que vous allez évoluer. On peut au premier abord reprocher au jeu sa chronologie un peu naïve et très ancrée dans le présent ; il y a en effet beaucoup de références aux technologies actuelles et à la recherche spatiale telle qu’on la conçoit aujourd’hui et on est en droit de penser que les choses risquent d’évoluer bien plus vite que ce qui est décrit ici. Le deuxième secteur, consacré aux règles, souffre lui d’un manque d’organisation. Entre des références à des points de règles qui n’ont pas encore été abordés sans renvoi à la page et plusieurs couches de règles parfois très (trop ?)simulationnistes et fastidieuses, le bilan à la fin des deux premières parties de R.O.B.O:T. n’est pas très glorieux. Mais c’est avec la création de personnage que les choses commencent à sourire. Si l’on peut douter de l’utilité sociale de certaines classes de robots (les artistes, les sexués), et de certaines corporations, elles semblent avoir pour principal but de démontrer que, in fine, les robots ne font que reproduire ce qu’a fait l’homme. Constat d’échec ou symptôme de l’évolution ? À vous de juger. Toujours estil que les fans de mechas (ou de tuning...) seront au paradis lors de cette création de perso : puces, améliorations en tous genres, la customisation est bel et bien le maître mot. Ce n’est qu’avec le secteur suivant que R.O.B.O:T. prend son véritable envol ; la section destinée au MJ. Les conseils sont utiles, et les pistes pour rédiger soi-même de nouvelles aventures ont le mérite d’être variées et de présenter rapidement ce à quoi pourront s’attendre les joueurs dans cet univers, d’autant qu’elles sont accompagnées de descriptions succinctes mais indispensables des différents environnements (usines, blocs d’habitation, etc). Si les archétypes de personnages laissent une grande liberté, on ressent à travers les missions que c’est l’action qui prime avant tout, et il faudra prendre garde à ne pas laisser les parties devenir d’interminables combats par tirs interposés. La longue liste des effets des F.N.I. (à mi-chemin entre entités pensantes et virus informatiques) permet de nuancer les situations, et pousse un peu plus les personnages vers l’introspection. Côté scénario, après un début assez commun et directif, la mini-campagne proposée permet de varier les plaisirs, entre action, négociation et réflexion, au beau milieu d’un conflit d’intérêt entre deux corporations. À noter également, « les Journées Rouges », un autre scénario, disponible sur le site du jeu. Il est difficile de cerner clairement un jeu comme R.O.B.O:T. ; austère et simulationniste, 50 les carnets de l’assemblée # 4 il devient par moments potache et enlevé. Destiné avant tout à un public de rôlistes plutôt débutant, il reviendra donc au MJ expérimenté de faire le tri dans ce qui l’intéresse ou non dans cet univers au concept intéressant, mais où l’on aurait - peut-être - préféré un peu plus de noirceur et de profondeur. Question de goût, sûrement... par Julien De Jaeger UN PEU SÉVÈRE ? R.O.B.O:T. aurait peut-être mérité une note plus généreuse, mais le moteur du jeu le tire vers le bas ; il va falloir rôder tout ça un bon nombre de parties avant de ne plus perdre de longues minutes en calculs en tous genres à la moindre action. À moins de mettre les mains dans le cambouis et d’updater vers R.O.B.O:T. 2.0, en aménageant votre propre système... à l’épreuve PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES FUTURE ARMADA POUR UN DÉCOLLAGE IMMÉDIAT ! aides de jeu Space Opera générique / Future d20 / Serenity RPG de Ryan Wolfe édité par Ki-Ryn Studios http://ki-ryn.com/Future_Armada Ryan Wolfe est un artiste américain ayant participé à la conception graphique de BattleStar Galactica RPG, Serenity RPG ou encore Metamorphosis Alpha. Reconnu grâce à sa grande maîtrise de la cartographie numérique et du graphisme 3D, il signe le design des plans de la plupart de ces univers de jeux de rôles ainsi que son propre projet d’aides de jeu S-F : Future Armada. Proposant toute une flotte de vaisseaux spatiaux originaux, FA est présenté sous forme de PDF unitaires, chacun donnant les données techniques de l’engin, vues extérieures, description de chacune des pièces, maps à l’échelle figurine de chacun de ses ponts, machines embarquées (capsules de sauvetage, véhicules d’exploration,...) ; avec pour base le système Future d20 (d20 system). L’imagination alliée à un graphisme tout à fait détonnant donne au final un catalogue de vaisseaux tout à fait intégrable à des jeux tels que BSG, Star Trek, ou encore StarWars et ce qui pourrait paraître comme un travail amateur surpasse de loin certains matériels officiels. Votre idée de scénario space-op se concrétise, il ne vous manque que le décor ?... Vous avez besoin d’une station spatiale, d’un cargo, ou encore d’une base de chasseurs stellaires ? Ni une, ni deux, vous trouverez votre bonheur dans la gamme Future Armada. Toutes les infos : sur le site Ki-Ryn Studios. par Olivier Camus NEUROSHIMA HEX ! NEVER TRUST THE MACHINE jeu de plateau de Michal Oracz illustré par Jakub Jablonski édité par Portal distribué par Iello 2 à 4 joueurs durée : 30-45 minutes www.neuroshima.fr note : Neuroshima Hex ! (NH) est un jeu d’affrontement tactique tiré du jeu de rôles Neuroshima RPG. Dans ce monde hostile, votre objectif sera de détruire ou d’endommager le plus possible le QG de votre/vos adversaire(s). Pour ce faire, vous aurez le choix entre quatre armées aux compétences très distinctes et merveilleusement bien équilibrées. Le système de jeu, quant à lui, sert parfaitement l’univers meurtrier du jeu : à votre tour, vous devrez piocher aléatoirement trois tuiles de votre pioche, en choisir deux et défausser la dernière. À partir de cette main, vous pourrez jouer des pions unités, des modules ou des actions (combat, mouvement, frappe aérienne,...). Vos unités sont décrites par une initiative, une capacité de combat (corpsà-corps, à distance,...) définie sur certains côtés de l’hexagone. Les unités occupent donc petit à petit le plateau de jeu, jusqu’à ce qu’une tuile “ combat ” soit jouée. L’affrontement, immédiatement violent, commence : les combats se résolvent par valeur d’initiative, ensuite chaque joueur vérifie les effets de chaque tuile présente sur le champ de bataille. Vient s’ajouter à cela la notion de “ modules ”, tuiles qui peuvent booster ou modifier les compétences de vos unités. Autant dire qu’après chaque action combat, le plateau de jeu se retrouve vite “ nettoyé ” de toutes unités ! Vous l’avez compris, NH est donc un jeu très meurtrier, servi par un mécanisme fluide et bien pensé. Cependant, il vous faudra une ou deux parties afin de bien connaître et utiliser les caractéristiques d’unités (blindage, filet neutralisant une unité adjacente,...). Mais après cette légère phase d’apprentissage, le jeu se révèle être terriblement intense, bourrin, réfléchi, tactique... Bref, terriblement addictif. Il est à noter que la version française bénéficie, en bonus, de quatre tuiles mercenaires et d’un plateau de jeu plus grand (offrant ainsi la possibilité de jouer des scénarios). Les suppléments La première extension, Babel 13, est sortie en novembre 2008. Cette dernière ajoute deux nouvelles armées (Les Forces de New York, lourdement blindées, et le Néojungle et ses bêtes sanguinaires), ainsi que des tuiles terrains qui modifient et agrandissent le plateau de jeu. Cette extension renouvelle grandement le plaisir de jeu et devient par conséquent un achat indispensable pour tout ceux qui ont aimé le jeu de base. Vous pouvez également trouver sur le site Hex-Nihilo quelques tuiles bonus, ainsi que l’armée des Doomsday Machines: extension officielle de NH créée par Portal en 2007 et distribuée lors du salon de Essen 2008. par Vincent Ziec http://hexnihilo.unblog.fr pour récupérer l’armée distribuée à Essen http://online.neuroshima.org pour jouer en ligne 51 les carnets de l’assemblée # 4 illustrations : © Julien De Jaeger boussoles Deux clans stellaires se font la guerre depuis plusieurs siècles. L’heure de la confrontation finale approche et l’arène a été choisie. Ce sera TCE12008. Vos personnages se trouvent alors au coeur de la tourmente et doivent choisir leur camp. Ce scénario conviendra à un groupe de 3 à 6 personnages, de toutes origines, ne se connaissant pas forcément au début de la partie. L’aventure prend pour décor la station spatiale décrite dans le numéro un des Carnets de l’Assemblée et peut facilement être adaptée à tout jeu de SF. Bien que linéaire, l’intrigue laisse une grande liberté d’action aux joueurs. Le MJ pourra, s’il le souhaite, baliser le sentier en donnant une mission aux personnages, ou au contraire les laisser librement évoluer dans ce panier de crabes. Rencontre au sommet Xilhiam, patriarche du clan Astragardh, se lassant de la guerre qui oppose les siens au clan des Begadiran, réunit son état-major pour trouver une issue au conflit. Conseillé par son entourage, il convoque Ylkif, le chef du clan adverse, pour une table ronde, afin de conclure une trève. Évidemment, Xihiam n’est pas dupe et il sait très bien que les assassins d’Ylkif ne manqueront pas, une fois de plus, l’occasion de supprimer leur némésis. Il prévoit donc de monter un guet-apens et propose à son homologue de le laisser choisir un endroit neutre, pour endormir sa méfiance. Les conseillers d’Ylkif proposent TCE12008, une station spatiale perdue dans le «trou du cul de l’espace». Là, ils pourront s’entre-tuer joyeusement, sans risquer de voir débarquer les autorités. une question d’ambiance Pour recréer l’ambiance exotique de ce scénario qui s’inspire aussi bien des grands classiques de la SF que de western spaghetti et autres polars noirs, nous ne saurions que trop vous conseiller de visionner ou revisionner certains films cultes comme Règlements de comptes à O.K. Corral et Pour une poignée de dollars. Des séries comme Babylon 5 et Star Trek : Deep Space 9 peuvent vous donner quelques points de repères de la vie sur une station spatiale. Enfin, la série animée Cowboy Bebop est une excellente source d’inspiration pour son mélange des codes du western et de la SF. AIDES DE JEU & SCÉNARIOS RÈGLEMENTS de comptes SUR TCE12008 [scénario générique] Faites vos jeux... La rencontre aura lieu au Trou Noir le plus luxueux hôtel-restaurant de la station qui appartient d’ailleurs au clan Begadiran. Avant leur arrivée, les deux dirigeants chargent leurs émissaires respectifs de préparer le terrain en phagocytant les différents services de TCE12008. Depuis longtemps, Ylkif contrôle la sécurité de la station. Il sait qu’ils ne feront rien pour se mêler de ses affaires et n’interviendront pas durant la réunion. Il pourra même compter sur leur aide en cas de coup dur. Les Astragardh ont eux aussi quelques intérêts sur la station. Le syndicat des dockers touche son financement occulte directement de la main de Xilhiam. Il leur est facile de paralyser TCE12008 par un mouvement de grêve surprise ou d’introduire des marchandises non autorisées sur la station. Rapidement, la rumeur de la confrontation imminente va se répandre. Même si cela incite quelques résidents inquiets à quitter temporairement les lieux, la vie poursuit son cours malgré la tension qui commence à monter. L’idée de Xilhiam : laisser à son adversaire le choix du lieu de la rencontre, n’a pour but que de mettre en confiance ce dernier. Le Leader Astragardh sait qu’il doit craindre pour sa vie s’il pose pied sur un fief Begadiran, et il choisit donc d’envoyer un clone à la réunion. Pendant ce temps, à la tête de sa flotte, il franchira le portail et encerclera TCE12008 pour prendre au piège son ennemi. Pour éviter toute tentative de fuite, il compte sur le syndicat des dockers. 52 les carnets de l’assemblée # 4 Ylkif se doute que le chef du clan adverse prépare un sale coup. Il choisit TCE12008 car il connaît bien l’endroit et pense pouvoir utiliser le « terrain » à son avantage. Dans un premier temps, il va tenter de faire assassiner Xilhiam. Dans un second temps, il va se servir impliquer les personnages Vous avez donc plusieurs manières d’impliquer vos personnages : • Ils peuvent être recrutés par un clan (voire les deux) comme hommes de main pour assurer la sécurité de leur dirigeant. En réalité, ils serviront de cible pour les éventuels tueurs du clan adverse. • Si vos personnages occupent des postes importants sur la station, ils peuvent être corrompus pour fermer les yeux, voire pour rendre quelques services à l’un ou l’autre des clans. • Enfin, la sécurité de la station, habituellement laxiste, va pourtant réagir de façon étonnante en recrutant un ou plusieurs mercenaires pour gérer le problème. Ils cherchent, en fait, des boucs émissaires dans le cas où la confrontation tournerait mal. Veillez tout de même à ce que vos personnages soient tous dans le même camp pour éviter qu’ils ne s’entretuent. Durant l’aventure, quelque soit le camp choisi par les personnages, ils vont être sollicités par la concurrence, pour rejoindre l’autre camp. Grosses sommes d’argent, intimidation, chantage,... tous les moyens sont bons pour retourner les pions de l’adversaire contre lui. boussoles AIDES DE JEU & SCÉNARIOS d’un phénomène spatial qu’il connaît bien: il sait qu’une flotte stationnée entre le trou noir et la station est quasiment indétectable du fait des forces gravitationnelles engendrées. Il y place donc ses vaisseaux, qui ne mettront que quelques heures pour rejoindre TCE12008 et prendre au piège l’escorte de son ennemi. Rien ne va plus ! Ylkif et ses lieutenants arrivent les premiers sur la station. Ils s’installent dans les suites du Trou Noir, laissées libres pour l’occasion. Le leader Astragardh arrive quelques heures plus tard. Il prend possession des quartiers privés, qu’il a fait réserver anonymement, entouré de son escorte rapprochée. C’est le moment où chaque clan place ses pions : Ylkif sait que les Astragardh sont joueurs, Il a donc fait placer une table de Balgo (voir encart) et engage le meilleur croupier de la station pour distraire ses ennemis. Pendant ce temps, les assassins du clan Begadiran se mêlent aux quelques clients du Trou Noir. Invitez vos joueurs à décrire leurs intentions et là où ils se trouveront durant la réunion. Une fois les deux chefs de clan installés, les débats commencent dans le calme même si la tension autour de la table est palpable. La confrontation se fait sur deux fronts : tandis que chacun des deux leaders argumente pour obtenir de l’autre des concessions sur un bout de territoire, un monopole commercial, etc., leurs lieutenants respectifs tentent de retourner le personnel de l’adversaire à leur cause. C’est à ce moment que les personnages devraient être approchés et se voir proposer de changer de camp. Quel que soit le résultat de ces tentatives de cooptation, le ton monte autour de la table des négociations. Xihiam et Ylkif finissent par s’insulter copieusement après seulement quelques minutes de réunion. Personne n’ose intervenir pour les calmer. Alors que la tension est à son comble et que les deux ennemis héréditaires vont certainement en venir aux mains, un individu que personne n’avait encore remarqué, s’approche de Xihiam. À moins que les personnages n’interviennent, l’inconnu tire une arme de sous sa veste et fait feu sur le leader Astragardh qui s’écroule mortellement blessé. Quelle que soit la réaction de vos joueurs, les Astragardh, d’abord stupéfaits, commencent à tirer dans le tas. Les Begadiran ripostent immédiatement et Ylkif est évacué par son escorte par une porte dérobée. Il est impossible de le suivre ou de l’intercepter. Mais que fait la police ? Dans l’hôtel, la situation dégénère. C’est une véritable bataille rangée. Chacun s’abrite comme il peut derrière le bar, les fauteuils ou des tables renversées, et «canarde à l’aveugle». Le clone de Xihiam est mort, étendu au milieu de la pièce. Si ce n’est pas l’assassin Begadiran qui l’a tué, c’est un dommage collatéral qui aura eu raison de la doublure du leader Astragardh. Décrivez à vos joueurs une scène chaotique : les bruits assourdissants de la fusillade à peine couverts par les alarmes incendie; les éclairs de lumière et le clignotement des néons; les débris en tous genres et les cadavres qui jonchent le sol, l’odeur de sang et de fumée... Bien que prévenue, la sécurité de la station n’intervient pas immédiatement pour stopper la fusillade. Tout au plus, elle fait évacuer les occupants du Trou Noir. Les autorités préfèrent envoyer un groupe de mercenaires, spécialement engagé en prévision des troubles que causerait immanquablement la présence des deux clans sur la station. Ces mercenaires ont pour simple mission d’éliminer les fauteurs de trouble. Inutile de dire que dès leur arrivée, ils tirent sur tout ce qui bouge encore dans l’hôtel. Les personnages pris dans la tourmente n’ont pas beaucoup d’options. Soit ils participent à la fusillade et défendent chèrement leur peau, soit ils fuient le conflit et tomberont immanquablement sur un groupe d’agents de sécurité. Qui trahit, gagne ! Pendant ce temps, le vrai Xihiam attend avec une dizaine de vaisseaux de combat dans un système voisin. Il choisit de traverser le portail sub-spatial alors que sur la station, le calme commence à peine à revenir. Le leader Astragardh ne sait pas encore que la réunion a tourné au pugilat et dans la station, personne ne remarque les vaisseaux de guerre en train de l’encercler. Une fois en place, la flotte Astragardh ouvre le feu pour détruire les navires Begadiran amarrés à la station. Cette manoeuvre n’est pas sans conséquence : à l’intérieur de TCE12008 plusieurs bruits sourds et des secousses balayent les coursives et font vibrer le dôme de cristal de la promenade. Par les hublots ou à travers le dôme, les résidents de la station peuvent apercevoir les menaçants navires de combat. La panique s’empare alors de la population et nombreux sont ceux qui tentent de quitter la station. Vos personnages auront certainement l’idée de rejoindre un vaisseau pour prendre la fuite. Mais le spatio-port est bloqué par le syndicat des dockers qui ont reçu l’ordre de ne laisser sortir personne de la station. Il faudra faire le Balgo L’origine de ce jeu n’est pas vraiment connue. Il a été importé, sur TCE12008, par des aliens du fin fond de la galaxie, il y a quelques années de ça. Adopté par de nombreux joueurs sur la station, il fait maintenant le bonheur des gérants de casinos. Le Balgo est un compromis entre les jeux de stratégie abstraits comme les dames ou les échecs et les jeux de pur hasard comme la roulette. Très addictif, il peut accepter une dizaine de joueurs à sa table, pour les parties les plus acharnées. Il est de tradition qu’un gagnant s’écrie « Balgo ! » quand il obtient le score maximum, ce qui attire généralement encore plus de public. 53 les carnets de l’assemblée # 4 boussoles preuve de ruse ou jouer de ses relations pour rejoindre un navire amarré à TCE12008 et espérer décoller. Mais même là, rien est gagné, car les vaisseaux Astragardh arraisonneront, dans le meilleur des cas, tout fuyard. Le plan de Xihiam a fonctionné à merveille et Ylkif est pris au piège. Il suffirait aux Astragardh de détruire la station pour se débarrasser de leur ennemi héréditaire. Mais le patriarche veut son adversaire vivant et lance un ultimatum : si on ne lui livre pas le Chef du Clan Begadiran, il réduit TCE12008 en cendres. La charge de la cavalerie Laissez vos joueurs échafauder des plans pour sortir leurs personnages vivants de ce traquenard. Mais avant qu’ils ne les mettent à exécution, les détecteurs de la station et des vaisseaux Astragardh se mettent à crépiter : une flotte de navires Begadiran, jusque là indétectable, s’approche à grande vitesse et ouvrent le feu sur le clan adverse. Les Astragardh se dispersent, dans la plus grande confusion. L’effet de surprise passé, ils se réorganisent pour supporter l’assaut. Ylkif va profiter de cette distraction pour gagner le statio-dock sous bonne escorte, s’emparer par la force d’un navire marchand et tenter de rejoindre son vaisseau amiral. Les personnages vont avoir à loisir la possibilité d’empêcher ou de faciliter la manoeuvre du leader Begadiran, selon le camp qu’ils auront choisi à ce moment là. Les difficultés vont être de forcer le barrage des dockers qui continuent leur blocus, de prendre en otage l’équipage du cargo, et enfin de se frayer un passage à travers les combats. AIDES DE JEU & SCÉNARIOS À moi, la légion ! TCE12008 aurait dû être l’endroit rêvé pour s’entre-tuer tranquillement, sans que les autorités ne mettent leur grain de sel. Mais, c’était sans compter sur la présence incognito et par le plus grand des hasard, d’un agent du gouvernement, sur la station. Ce dernier, ayant eu vent de la rumeur sur la rencontre, a prévenu ses supérieurs. Le gouvernement, craignant, à raison, de graves troubles, décide d’envoyer l’armée. Au plus fort de la bataille entre les deux clans stellaires, un vortex se forme à proximité de TCE 12008. Des dizaines de vaisseaux de guerre de l’armée régulière, en émergeant et sans la moindre sommation, engagent immédiatement le combat avec les plus proches belligérants, quel que soit leur camp. Leur but est de mettre un maximum de navires hors de combat. Ils feront les présentations plus tard. Les militaires visent, essentiellement, les systèmes d’armes et de propulsion de l’adversaire en essayant d’éviter d’endommager les systèmes de survie. Armageddon À l’extérieur de TCE12008, la bataille fait rage. Mais, ce n’est pas pour autant que la situation va mieux à l’intérieur. Les tirs d’armes lourdes, les explosions et autres collisions ont déjà fortement compromis l’intégrité structurelle de la station. Un tir direct pourrait, à tout moment, faire voler en éclats le dôme de cristal, ce qui coûterait la vie à des dizaines de milliers de personnes. Conscients de cette possibilité, les résidents se ruent dans les nacelles de survie et les dockers abandonnent leurs positions. La sécurité, incapable de juguler les mouvements de foule, baisse les bras et laisse faire. Le moment est venu pour vos personnages de prendre une ultime décision. Ils peuvent prendre part à la bataille : pour défendre un clan, pour protéger les résidents de la station qui fuient le combat ou défendre la station elle-même. Dans ce cas c’est le moment de sortir vos règles de combats spatiaux et de donner à vos joueurs un final en apothéose. Les deux clans vont un temps résister aux forces gouvernementales, puis, devant la supériorité numérique de l’adversaire, Xihiam et Ylkif préféreront la fuite. Leurs vaisseaux amiraux sont équipés de leur propre générateur de vortex. Vos personnages peuvent eux aussi choisir la fuite. Pendant toute la durée de l’opération de l’armée, le portail subspatial sera verrouillé et il sera impossible de s’échapper de cette façon. Les fuyards qui ne possèdent pas leur propre propulsion supra luminique seront poursuivis par les forces gouvernementales, à moins qu’ils ne tentent la périlleuse manoeuvre de se laisser aspirer dans le sillage d’un vaisseau créant son propre vortex. Épilogue Contre toute attente, TCE12008 a résisté à la bataille. Les survivants, dispersés tous azimuts, regagneront la station par leurs propres moyens et entameront les réparations. L’armée poursuivra les fuyards pendant quelques temps, puis jugeant sa mission terminée, elle se rassemblera avant de franchir un vortex à destination de son prochain objectif, sans plus de cérémonie. Sur TCE12008, la vie reprendra bientôt son cours normal. Après tout, ce n’était qu’un épisode comme il y en a tant, dans le trou du cul de l’espace... par Dedjet vous pouvez retrouver sur notre site les PnJs de ce scénario, avec leurs données techniques (BaSIC System). www.lassemblee.org 54 les carnets de l’assemblée # 4 boussoles AIDES DE JEU & SCÉNARIOS 51 les carnets de l’assemblée # 4 à l’épreuve JDP PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... SYLLA IMPERIUM & GRANDS TRAVAUX jeu de plateau de Dominique Ehrhard édité par Ystari Games 3 à 4 joueurs (+ variante à 2 joueurs) à partir de 12 ans durée : 1 à 2 heures http://www.ystari.com note : Le buzz Voici ce qui était le plus attendu des jeux de plateau de cet hiver 2008, aperçu à la GenCon 2008, et sorti en avant-première pour Essen. Sylla, c’est le nouveau titre de l’éditeur français Ystari Games (Yspahan, Caylus, ...) signé par le génie ludique Dominique Ehrhard, auteur couvert de lauriers grâce à son jeu devenu un blockbuster : Marrakech (Gigamic). C’est dans le sillage de ce succès mérité que l’auteur était attendu avec Sylla ; un hommage revendiqué au vénérable aïeul du plateau, Res Publica Romana (1990Descartes). Le thème 79 avant J.C, Sylla, tyran incontesté de Rome, s’apprête à abdiquer. Sous son règne, le sénat a néanmoins retrouvé sa splendeur et nombreux sont les prétendants à l’Imperium, le pouvoir suprême. Mais Rome est une maîtresse capricieuse, le peuple réclame du pain et des jeux. Seul le plus habile des politiciens pourrait tirer parti de cette situation… Les joueurs incarnent ces sénateurs avides de prestige. Ils utilisent leur fortune et leurs relations pour entreprendre de grands travaux et contrer les problèmes politiques et économiques qui accablent la populace. En fin de partie, le joueur ayant le prestige le plus élevé est désigné vainqueur et prend le contrôle de Rome. La mécanique Chaque partie se déroule en 5 tours, découpés en 7 phases très distinctes car faisant appel à différents aspects des personnages ou des ressources des joueurs ; phases tantôt coopératives, tantôt individuelles, ce qui fait là tout le piquant du jeu. Collectivement, les joueurs doivent faire progresser sur une échelle les 3 niveaux Res Publica : Loisirs, Civisme, Santé ; et éviter à la Famine de trop augmenter. Individuellement, ils doivent atteindre le plus haut score de Prestige, gagné en cours de partie, ou en convertissant leurs pions Res Publica à la fin. Déroulement À la phase I, on élit le Premier Consul, qui obtiendra des privilèges dans la plupart des phases, comme celui de parler le premier ou de départager les ex æquo. Le niveau de Famine est déterminé selon les événements calamiteux tirés au sort. En phase II, c’est le marché aux personnages : chacun, en commençant par le Premier Consul, sélectionne un nouveau personnage, parmi 6 tirés au sort, qu’il ajoute à sa collection. Chaque type de personnage (esclave, marchand, légionnaire, vestale, sénateur) ne peut être activé qu’une seule fois par tour. Il faut parfois être économe et épargner ses Sénateurs (par exemple) pour la phase VI, alors qu’ils sont aussi très utiles en phase I. La phase III est une mise aux enchères de bâtiments permettant à chacun d’influencer les paramètres de la partie (Prestige, échelle, Famine, …) ou de remporter des ressources (Res Publica ou deniers). À la phase IV, les joueurs collectent l’ensemble de leurs revenus : deniers de base, plus les éventuels taxes perçues des Echoppes et des Marchands. Les deniers servant à acheter des voix aux suffrages des phases I et VI. La phase V est celle qui introduit l’aspect coopératif et oblige l’ensemble des joueurs ayant des personnages Vestales et/ou Légionnaires à contrer deux des quatre événements calamiteux (Inondation, Epidémie, Révolte des Esclaves, …). Chaque personnage représente une voix pour son joueur dans le choix de la neutralisation. Les deux événements possédant le plus de voix sont ainsi annulés, ensuite parmi ces deux là, un seul est écarté. En phase VI, les joueurs participent à l’édification d’un Grand Projet (Panthéon, Grenier à grains, Thermes, …). Les deniers et les voix des Sénateurs permettant de départager le joueur ayant le plus investi ici (pouce levé), ou de briguer la maigre, mais toujours accessible, estime de la Plèbe (pouce baissé). La phase VII permet d’appliquer deux malus : le niveau de Famine se transforme en perte sèche de Prestige pour tous ; et une Crise majeure peut également survenir si au moins un des compteurs Res Publica se trouve au plus bas de l’échelle. Au sortir des 5 tours, les joueurs comptabilisent les différentes couleurs des pions Res Publica (Loisirs, Civisme, Santé) qu’ils ont secrètement amassés, pour les multiplier par le niveau final obtenu pour chaque sur l’échelle. Deux autres événements finaux permettent de grappiller des points : l’Affranchissement des esclaves et l’Avènement du Christianisme. Le premier permet d’acheter des points contre la liberté des Esclaves grâce aux éventuels deniers encore épargnés ; le second permet d’obtenir des points pour chaque personnage chrétien rescapé. Un autre visage Sylla marque également un tournant dans le catalogue Ystari avec un net bond en avant graphique, même si l’on regrette la froideur des cubes et des pions de bois. L’indispensable plateau de jeu, servant d’indicateur général à tous les paramètres, se révèle d’une efficacité redoutable lorsqu’on sait que Sylla était prévu, dans sa version prototype, pour n’être qu’un jeu à base de cartes. Une originalité réside dans le fait que chaque participant dissimule derrière un mini paravent ses accumulations de pions et deniers. Ainsi, on ne peut évaluer directement qui est réellement en tête ou qui est le plus riche sans avoir épié les agissements de ses adversaires. Alea Jacta Est Aucun jet de dés, très peu de hasard, des parties sans cesse renouvelées, des enchères rapides, des forces toujours équilibrées, Sylla s’adresse sans aucun doute aux gamers passionnés de gestion de ressources et de stratégies à long terme. Les méninges sont mises à rude épreuve dans des choix toujours cornéliens et décisifs. Une bonne dose de résistance à la pression vous sera nécessaire. Ceux qui s’attendraient à un jeu de plateau facile à aborder ou privilégiant le fun peuvent passer leur chemin. Le succès confirmé du jeu permet à Ystari de produire une première extension qui contiendra de nouveaux personnages (le Mirmillon et le Philosophe) et événements à contrecarrer (La Défaite Militaire, ...). par Olivier Camus 56 les carnets de l’assemblée # 4 à l’épreuve PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... JDP GHOST STORIES HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS jeu de plateau coopératif d’Antoine Bauza édité par Repos Production / Asmodée 1 à 4 joueurs à partir de 12 ans durée : 60 minutes http://www.rprod.com note : Tout le monde connaît Repos Production. Mais si, dans les salons de jeux, les tables où les gens crient “ Cojones ! ” ou courent autour des tables. C’est eux ! Et quand l’éditeur belge au sombrero se lance dans les jeux dits coopératifs, ça fait aussi pas mal de bruit chez les joueurs et dans le petit monde ludique. Dans Ghost Stories, Antoine Bauza (Nains & Jardins, Hurry’Cup !) nous immerge dans l’univers des films de la série des Histoires de Fantômes Chinois (Tsui Hark) et Mr.Vampire (Ricky Lau). Les joueurs incarnent des moines taoïstes réincarnés qui auront pour mission de JDP vaincre à nouveau Wu-Feng, le seigneur des Neufs Enfers, qui a localisé l’urne funéraire qui contient ses propres cendres. Il envoie dès lors ses hordes de spectres attaquer le village. De ce postulat simple, les joueurs devront s’organiser pour défendre le village jusqu’à l’arrivée du grand Wu-Feng, qu’ils devront exorciser. Le plateau de jeu représente le village à défendre et est constitué de neuf tuiles amovibles disposées aléatoirement. Chaque emplacement est habité par un villageois qui pourra venir en aide aux joueurs (ressusciter un moine taoïste, récupérer des jetons Tao, etc…). Pendant sa phase de jeu, le joueur commence par piocher une carte fantôme (magnifiquement illustrée) qu’il devra placer sur une des cases libres symbolisant les environs du village. Ensuite le joueur peut se déplacer d’une case pour activer le pouvoir de la tuile sur laquelle il se trouve, ou combattre le ou les fantômes adjacents à la tuile. Les combats sont simples et rapides. Chaque monstre est défini par un nombre de points de vie de couleur. Pour combattre, il vous suffit de lancer trois dés, dont chaque face représente un point d’une couleur (le blanc étant un joker remplaçant n’importe quelle couleur). Pour augmenter vos chances de réussite, vous pouvez utiliser des Taos qui viendront s’ajouter à votre jet de dés. La partie est perdue dès que trois tuiles du village sont hantées, si vous n’arrivez pas à vaincre Wu-Feng avant la fin de la pile “ fantômes ” ou, tout simplement, lorsque que les joueurs sont tous retournés dans les limbes. Concrètement, Ghost Stories peut se résumer à piocher une carte fantôme, la mettre en jeu et ensuite, aux joueurs de se coordonner et de s’organiser en équipe pour stopper cette menace. L’intérêt du jeu réside dans ses mécanismes variés favorables aux combinaisons en tous genres. Par contre, le principe de “ meuler ” la pile avant d’arriver au boss final a le mérite d’être fun (normal, c’est Repos Prod’) mais ne renouvelle pas forcément l’intérêt du jeu. Au final, même si on aura du mal à enchaîner les parties, Ghost Stories reste un très bon jeu occasionnel à l’espérance de vie assez longue. par Vincent Ziec PANDÉMIE DANGER ZONE jeu de plateau collaboratif de Leacock édité par Filosofia / Asmodée 2 à 4 joueurs à partir de 10 ans durée : 45 minutes http://www.filosofiagames.com Matt note : L’humanité est en péril ! Plusieurs virus de toutes sortes envahissent le monde à une vitesse fulgurante. Le but sera donc pour vous de trouver le remède pour chacun des quatre virus. Et croyez-moi, ce ne sera pas simple. Pandémie fait partie des jeux dits coopératifs. Au début de la partie, chaque participant se verra attribuer un rôle (au hasard) qui lui donnera une capacité spéciale (l’expert des opérations pourra construire un centre de recherche pour une action, la scientifique découvrira un remède pour un coût de quatre cartes au lieu de cinq, etc.). Ensuite, le tour de jeu se déroule comme suit : le joueur actif dispose de quatre points d’action qu’il pourra dépenser pour se déplacer, construire une station de recherche, découvrir un remède, traiter une maladie (retirer un pion d’infection sur une ville) ou partager une connaissance (échanger une carte avec le joueur qui se trouve sur la même ville que vous). Une fois vos actions dépensées, vous devrez piocher deux cartes dans la pile “ joueur ”. Ces cartes peuvent être des cartes villes qui serviront à se déplacer directement dans un lieu ou à trouver un remède en défaussant cinq de la même couleur, des cartes “ événement spécial ” à l’avantage des joueurs (ex : positionner les six premières cartes “ infections ” dans l’ordre de son choix) ou des cartes Épidémies. Ces cartes propagent le virus sur trois villes. Si la ville concernée possède déjà trois pions virus, il se produit alors une éclosion. C’est-à-dire que ce sont toutes les villes qui sont en liaison avec la première qui reçoivent un pion virus. De plus, un marqueur éclosion est avancé sur une échelle allant de un à huit (une fois arrivé à huit, les joueurs ont perdu !). Vous l’aurez compris, ces cartes “ maudites ” peuvent, si la pioche est malheureuse, anéantir tous les efforts des joueurs et faire basculer le jeu en leur défaveur... Il existe également deux autres manières de perdre : soit il n’y a plus de cartes dans la pioche joueur, soit il n’y a plus de pions virus disponible pour une couleur donnée. Comment gagner ? C’est très “ facile ” : la partie se termine dès que vous avez trouvé le quatrième et dernier remède. Pandémie bénéficie d’un mécanisme simple et d’une thématique prenante. Malheureusement, la réalisation graphique ne suit pas. Malgré la magnifique illustration sur la boite (qui évoque une ambiance “ guerre froide ”), l’esthétique des cartes et des personnages reste très sommaire et gâche l’immersion du joueur dans l’ambiance. En dépit de cela, Pandémie reste un bon jeu. Les parties courtes, l’intérêt donné par le thème et ses mécanismes simples permettent d’enchaîner facilement deux, voire trois parties sans se lasser. Et il vous faudra au moins ça pour réussir à vaincre cette pandémie ! par Vincent Ziec 57 les carnets de l’assemblée # 4 à l’épreuve JDP/JCC ILLUMINATI LE NOUVEL ORDRE LUDIQUE jeu de plateau et de cartes de Steve Jackson édité par Edge Entertainment 2 à 8 joueurs (recommandé de 4 à 6) à partir de 12 ans durée : 2 heures et plus http://www.edgeent.com note : On attendait de pied ferme, cette nouvelle édition du légendaire jeu de cartes pondu en 1982 par le cerveau paranoïaque de Steve Jackson, un classique des classiques de la génération geek goinfrée aux théories des complots. Edge vient combler un manque avec cette version inédite, réservée au marché français et espagnol. Graphiquement au-delà des précédentes éditions, Illuminati s’offre un lifting en photomontages sophistiqués, donnant un nouveau visage aux Illuminati et groupes conspirationnistes. Du côté des règles, Illuminati 2008 marque un net aboutissement : bien plus fonctionnelles que la 1ère édition, moins fouillies que la seconde ; de l’avis des fans, c’est la version définitive et ultime à posséder. JCC Comment devenir le Maître du Monde ? Très simple : chaque joueur incarne un des huit Illuminati, société secrète conspiratrice (La Secte des Assassins, Le Triangle des Bermudes, Les Ovnis, ...), représentée par une carte. Celle-ci est le point central d’une Structure de Pouvoir pyramidale à laquelle on vient coller divers groupes d’influences tous aussi déjantés que redoutables (Génies du Mal pour un Futur Radieux, Fisc, Trekkies, Men in Black, Associations de Parents d’Elèves, Pornocrates,...). Chacun de ces groupes arrive en jeu incontrôlé, accessible à tous. Le joueur attaque le groupe qu’il veut inclure dans sa Structure suite au choix fait sur le Pouvoir (score d’attaque), la Résistance (défense) et le Revenu (salaire généré) que cette carte va lui ramener. Mais attention, tout le monde ne fricote pas avec tout le monde : l’Orientation de chaque groupe apporte bonus ou malus selon les mariages qu’on essaie de leur imposer. Ainsi, on apprend que le Fisc est Gouvernemental et Criminel ; que les Aquariophiles sont Pacifiques mais aussi Fanatiques, etc. L’attaque se résout grâce au hasard (jet de 2d6), un hasard qui subit avant tout les pressions de la réalité économique et du lobbying des joueurs, comprendre que la difficulté du jet est abaissée par l’argent investi dans l’opération. Ensuite, l’Illuminati peut tenter FAMILYS HISTOIRES DE FAMILLE jeu de cartes de Franck Saverys & Sabine Hamays édité par Asyncron Games 2 à 6 joueurs durée : 30 minutes http://www.familys.fr note : Tout le monde a déjà joué au moins une fois au jeu des sept familles. Non ! Mais de quelle planète venez-vous ? Heureusement, Franck Saverys et Sabine Hamays ont dépoussiéré ce grand classique pour réconcilier à la même table les joueurs de 6 à 126 ans. Le but du jeu n’a pas changé : vous devez constituer une famille qui s’est un peu agrandie depuis la version originale du jeu. Cette famille sera constituée de 3 enfants, 2 parents et 4 grands-parents. L’originalité du jeu réside dans la méthode pour se débarrasser des cartes inutiles afin d’en piocher d’autres. Les plus jeunes se contenteront de constituer des séries de symboles (cercle, coeur, etc.) ou de chiffres identiques. Les plus grands pourront, quant à eux, former des combinaisons plus complexes, des mots ou des prénoms avec les lettres présentes sur chacune des cartes. Chaque carte ainsi posée rapporte des points avec un bonus pour les plus longues combinaisons. À la fin du dixième tour, ou avant si un joueur a fini de constituer sa famille, le jeu s’arrête et on compte les points. Des cartes spéciales vont permettre aux joueurs de créer des rebondissements dans le jeu. Avec la carte « Union », vous jouez les entremetteurs pour former des couples. La 58 les carnets de l’assemblée # 4 PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... de détruire ou voler les branches des Structures voisines, freinant ainsi l’expansion de ses concurrents. Mais il ne faut pas oublier de nourrir ses propres branches, les groupes contrôlés devant subvenir à leur défense, ainsi les MégaBucks (“gros biftons”) s’imposent comme l’ultime nerf de la guerre. Chaque Illuminati peut remporter la victoire de deux manières : soit il édifie le premier une structure comportant un nombre conséquent de groupes (déterminé selon le nombre de joueurs), soit en accomplissant son objectif secret (un grand Plan variant selon l’Illuminati). Ne commettez pas l’erreur d’y voir un jeu apéro, Illuminati est, tout comme son sujet, gigantesque et captivant. Prévoyez une séance de jeu entière pour vous y impliquer réellement. Reste à voir si le succès des ventes amènera pléthore d’extensions qu’on avait connues par le passé. Illuminati, on adore aveuglément ou on déteste répulsivement. Pas de juste milieu possible. Nous, on a choisi d’être (à nouveau) mordus. Testez-le... et laissez votre envie de domination mondiale s’exprimer enfin! par Olivier Camus carte « Voisin » permet de «kidnapper» un membre de la famille d’un autre joueur. Enfin la carte «Vision» dévoile le jeu d’un adversaire et permet de lui piquer une carte au passage. Les règles sont simples et accessibles aux plus jeunes. Certes, les joueurs expérimentés ne seront pas sensibles à ce petit jeu sans grande prétention, mais Familys est clairement un jeu destiné à un public familial. Enfin, les petits plus de ce jeu : la facture robuste des cartes et le sabot bien pratique pour la pioche et la défausse. À noter que la première version du jeu, autoéditée par ses auteurs, est épuisée et qu’il jouit, depuis la fin de l’année dernière, d’une nouvelle édition chez Asyncron Games. par Dedjet à l’épreuve PREVIEWS, TESTS & DÉCOUVERTES ... JCC FAISEURS D’UNIVERS LA SAGA DES HOMMES-DIEUX jeu de cartes de Nicolas Maillet édité par Pygmoo Games 3 à 5 joueurs durée : 60 minutes http://www.les faiseursdunivers.com note : Dieu a créé le monde en six jours. Dans les Faiseurs d’Univers vous n’aurez qu’une heure... Chacun des joueurs incarne un «Tellins» avide de pouvoir et capable de façonner un monde à l’aide de machines gigantesques. Le premier qui terminera la construction de son monde, gagnera sa place au sein du Conseil Suprême. Inspiré de la Saga des HommesDieux, la série de romans SF de Philip José Farmer, les 110 cartes du jeu ont été illustrées par David Revoy pour coller au plus près de l’oeuvre originale. C’est une réussite. JCC On commence la partie en attribuant un personnage, parmi les dix disponibles, à chaque joueur. Chacun d’entre eux possède un pouvoir unique et très puissant permettant d’influencer le déroulement du jeu et sur lequel il est possible de bâtir une stratégie. Puis, la partie s’égraine au rythme des phases d’achats de machines et des phases d’actions. Durant les phases d’achats, les joueurs se livrent à des enchères pour acquérir les machines permettant de développer leur monde. Ils misent « à poing fermé » des Unités d’Energie (UE) représentées par des jetons. Mais attention, les UE servent aussi à déclencher certains pouvoirs. De plus, il vous faudra ouvrir de une à trois portes, menant à votre monde, pour rapatrier votre machine. Ces portes seront autant d’accès pour permettre à vos adversaires de vous attaquer. Lors des phases d’actions, chacun des joueurs va à son tour réaliser autant d’actions qu’il le souhaite. Il peut jouer des créatures pour défendre son monde ou attaquer ses adversaires, piéger ses portes pour en limiter l’accès, poser une évolution pour façonner son monde, ouvrir une ou plusieurs de ses portes ou se défausser de cartes inutiles pour en piocher d’autres. De plus, à n’importe quel moment, il est possible de jouer des cartes «Actions» pour pourrir la vie de ses adversaires. Les évolutions et certaines machines rapportent des points de créations à leur propriétaire. Le jeu s’arrête si, à la fin d’un tour, un ou plusieurs joueurs ont atteint ou dépassé le nombre de points requis. Celui qui a le plus de points est déclaré vainqueur. Les Faiseurs d’Univers est un jeu agréable alternant des phases d’enchères et d’affrontements. Il fait la part belle au bluff et à l’intimidation. La stratégie n’est pas à négliger malgré l’aspect très aléatoire permettant au jeu de se renouveler à chaque partie. Il faut en permanence rechercher l’équilibre entre achat, développement et défense de son monde. Enfin, les alliances, les trahisons et les coups tordus sont légions. Les parties sont assez longues pour un jeu de ce format, mais on ne s’y ennuie jamais. par Dedjet PAGAMÁS NE PASSEZ PAS PAR LA PLANCHE ! jeu de cartes apéritif de David Fauthoux, Stan Lemniai & Mathurin Malbreil édité par les Ludopathes Zéditeurs 3 à 6 joueurs à partir de 10 ans durée : 45 minutes http://www.pagamas.fr note : Les Ludopathes nous prodiguent, avec Pagamás un nouveau jeu apéritif du tonnerre! Un jeu de cartes pas à collectionner qui nous embarque dans le monde de la piraterie et des faux-frères de la côte. Un des joueurs interprète à ses risques et périls le rôle du Capitaine et (re)distribue, à chaque tour, les rôles subalternes aux autres joueurs (Second, Cambuse, Bosco, Aumônier, Vigie) ainsi que les pièces du trésor. Bien sûr, les parts de ce butin ne sont jamais équitables et c’est là que la loyauté des matelots chavire... Ça sent alors la mutinerie tout autant que la poudre! C’est alors que le Capitaine peut passer par la planche, si ses partisans n’ont pas assez de poids pour sauver sa tête. Assimilé très vite au mythique Junta, dont il fait figure de digne successeur, le plateau de jeu en moins, Pagamás revisite ce classique des jeux, un modèle du genre “ tous contre le chef, pour que je lui pique sa place ! ”. Plutôt destiné à jouer idéalement à 5 ou 6 (plus on est de fous, plus on trahit), le jeu demande à chacun d’aller enterrer sa part du butin en évitant de se faire interpeller dans un éventuel traquenard tendu par ses “ frères ”. Les différentes phases sont intelligemment agencées, et la tension augmente de tour en tour, chacun devant épier les mouvements et les prises de position des autres. Par contre, certaines situations, pourtant fréquentes, ne trouvent aucune réponse dans le maigre livret de règles. Espérons que l’éditeur saura rectifier le tir via le site et la communauté web créée autour du jeu. Les Ludopathes cautionnent, au travers de la vente de ce jeu, un aspect écologie et développement durable avec une totale absence de matière plastique, mais l’on regrettera néanmoins le choix du format des cartes à l’européenne en lieu et place du format poker américain, traditionnel pour ce genre de jeu. Ne restez pas à quai et embarquez sans hésiter, car Pagamás est rafraîchissant et remplit haut-la-main son contrat de divertissement ludique, accessible et rapide. par Olivier Camus 59 les carnets de l’assemblée # 4 boussoles AIDES DE JEU & SCÉNARIOS [ AIDE DE JEU & SCÉNARIO HELLYWOOD ] illustrations : © Julien De Jaeger un soir au Tangerine Dream BAR Mirage du soir, espoir ? À première vue, le Tangerine Dream Bar est un rade. Et pas le plus reluisant de Heaven Harbor, d’ailleurs. Un carrelage noir et blanc un peu hypnotique, un pianiste pas toujours inspiré, des fauteuils sans âge en guise de lounge… un endroit acceptable pour prendre un verre et discuter d’affaires sérieuses à l’abri des oreilles indiscrètes mais pas plus. Pourtant, il y a des habitués du Tangerine Dream. Des habitués à vrai dire, bien méritants. En effet, ce bar emblématique de Forbidden City possède une fameuse particularité qu’aucun autre bar, soucieux de sa clientèle, ne se permettrait : le Tangerine Dream bouge. OK, il bouge plus particulièrement pour les clients qui ont abusé du scotch mais il bouge même pour les plus sobres des buveurs de soda. Le Tangerine Dream se trouve rarement au même endroit, dans la même rue, à la même adresse. Pire même, le bar peut changer de localisation en un instant. Entré dans le bar que vous avez découvert dans une impasse brumeuse, vous risquez, juste après vous être désaltéré, de vous retrouver en sortant sur le trottoir d’une artère bruyante. Si vous vous en étonnez auprès du voisinage, vous n’obtiendrez que de l’incompréhension : non, ce bar a toujours été là, aussi loin qu’on puisse s’en souvenir ; non, personne n’a vu qui que ce soit déménager un piano et un comptoir dans les environs. D’ailleurs, c’est bien simple : ce bar est si insignifiant qu’aucun passant n’y avait vraiment prêté attention auparavant. En général, ce genre d’histoires sur le Tangerine passent pour des racontars de quidams déjà effrayés d’avoir même osé poser le pied à Forbidden City ou pour des excuses peu crédibles inventées par un père de famille honteux de s’être encanaillé dans le secteur. Pourtant, tout cela est bel et bien exact. Le patron, Nathaniel Meredith, est un Possédé et ne s’en cache pas (d’ailleurs, sa trogne parle pour lui…). Il est en revanche moins disert sur son bar et son étrange faculté mais il est clair que c’est lui-même qui a fondé le bar et lui a donné son étrange destin. Sans doute la vérité est-elle à chercher du côté du passé de Meredith. Pour dégoter ce bar fantôme, il existe plusieurs possibilités : • être un Cornu ; sans doute est-ce lié à sa nature mais il est un fait que les Cornus possèdent une sorte de 6ème sens pour trouver le Tangerine. Ce n’est pas un radar 60 les carnets de l’assemblée # 4 mais si le Cornu se trouve dans le secteur, il choisira toujours la bonne ruelle, le bon culde-sac pour se retrouver devant la vitrine poisseuse du bar. • être déjà un habitué qui connaît bien des habitués qui eux mêmes… Bref, il y a une sorte de solidarité informelle des accros au Tangerine qui se refilent fiévreusement la dernière adresse connue du bar en espérant que quand ils y arriveront il ne sera pas déjà trop tard. • vraiment bien le chercher ; en effet, si un habitué peut le trouver par le téléphone arabe, un privé madré doit pouvoir faire de même. Il y a au moins quelques trucs à savoir avant de se lancer dans pareille enquête : la bar se localise toujours à l’extrême périphérie de Forbidden City, il affectionne les coins les plus improbables (crèmerie abandonnée, cantine d’une usine désaffectée, ancien blockhaus de la Navy…), il ne répugne pas du tout à se relocaliser plusieurs fois au même endroit mais cela se fait sans aucune logique ou ordre apparent. Bon, supposons que vous ayez fini par y échouer. Le décor du Tangerine Dream peut varier subtilement : sa vitrine sera plus ou moins crasseuse, sa salle plus ou moins grande, son zinc plus ou moins long… Mais boussoles AIDES DE JEU & SCÉNARIOS le Tangerine restera toujours le Tangerine. Outre son personnel, on y retrouvera de façon intangible les éléments suivants : un piano, le carrelage blanc et noir, des fauteuils en cuir défoncés (et non des chaises ou des banquettes), une vitrine donnant sur la rue, un grand porte-manteau à l’entrée, un zinc avec des tabourets hauts… En dehors de la salle principale, le Tangerine est toujours composé d’une minuscule arrière-cuisine où Lili exerce son absence de talents culinaires sur de malheureux hot-dogs, une remise aveugle où Spencer gère le stock de bière et un toilette double où on trouve un téléphone public près des lavabos. Ce qui ne change pas non plus, c’est la certitude qu’il se passera un truc intéressant, une personne utile à rencontrer ou une info brûlante à collecter. Surtout si c’est une affaire concernant de près ou de loin des Démons ou leurs maîtres qui vous y amène. Du coup, vous pouvez aussi espérer y dégoter de fameuses emmerdes… Le personnel du Tangerine Dream Bar Attention ! Le Tangerine est un bar un peu spécial, c’est entendu. Un bar fantôme, avec un patron Cornu et, sans doute, des appuis de “ l’autre côté ”. Mais ce n’est pas la cantina d’une lointaine, très lointaine galaxie, OK ? Meredith est le seul Cornu bossant au bar. Bon, il est vrai qu’il y a bien dans le personnel quelques types louches qui ont eu jadis maille à partir avec des évènements les dépassant mais cela est aussi dû, comme on le verra, au fait que le Tangerine est une sorte de terre d’asile, lieu d’échouage d’un certain nombre d’éclopés de la vie. [ Nathaniel Meredith ] Le patron est donc un Possédé d’environ 45 ans. Son enveloppe corporelle ne paye pas de mine : un peu ventripotent, les traits épais, le crâne dégarni. Le type était d’ailleurs déjà tenancier de bistrot avant la possession et il tapait un peu trop dans son propre stock liquide. Meredith fut toutefois plus qu’heureux de pouvoir trouver refuge dans cette triste épave (qui était alors à demi-mort, en plein coma éthylique profond) et ainsi profiter du Jour des Cendres pour s’échapper définitivement de sa maîtresse, Ashes, et de l’impasse dans laquelle il se trouvait. En effet, pour des raisons qui échappent à l’entendement humain et qui remontent à des temps immémoriaux, Meredith, sous sa forme démoniaque, était pris dans une vendetta séculaire qui ne lui laissait pas vraiment de perspectives d’une vie paisible. Ni d’une vie tout court, d’ailleurs… Bien après sa fuite, il fut pourtant à nouveau repéré par ses implacables ennemis démoniaques et, se sentant perdu, joua sa dernière carte en entrant en contact avec l’Asservi Mr. Clay. Crânement, il présenta son idée de deal : faire de son troquet un lieu de neutralité démoniaque en échange de sa tranquillité. Contre toute attente, Clay fut séduit et après de courtes négociations avec Ashes le Tangerine Dream Bar fut déclaré lieu d’où tous les conflits et a fortiori toutes les violences entre Démons devaient être bannis à tout jamais. Echaudée, Ashes fit ajouter une clause au pacte : désormais, aucun Démon fugitif (c’est-à-dire passé de l’autre côté bien après le Jour des Cendres et sans raison valable dûment accordée par un Asservi) ne devrait pouvoir trouver refuge au Tangerine sans que les Asservis ne soient aussitôt avertis. Tant que Meredith saurait maintenir ces clauses, lui-même serait à l’abri et son bar possèderait ses étranges facultés pour lui permettre d’échapper sans peine aux tracas que pourraient lui faire les simples mortels. Il en est ainsi depuis. Bon, ça, ce n’est qu’une partie du deal, en fait. Conscient de la part importante de Mr. Clay dans l’accord, Meredith lui réserve, à demimots, une définition bien à lui de la neutralité. Ayant fait sa pub sur cette image, le bar reçoit pas mal de visites de Démons en goguette en quête d’un refuge temporaire ou d’une info. Bref, Meredith finit toujours par savoir ce que font les Démons et même de nombreux simples Cornus ou de mortels liés aux Démons dans le secteur. Et, bien entendu, si cela lui semble important, il n’oublie pas d’en glisser un mot à Clay. Cela permet de préciser que Nathaniel n’a pas la vocation d’un casque bleu : il ne tient ce rade que pour sauver sa peau qui, il faut bien le dire, était déjà presque vendue. C’est la même chose pour son recrutement. S’il n’a choisi que des gens ayant eu maille à partir avec des Démons ou des Cornus, c’est qu’il sait bien que sa nature et celle de pas mal de ses clients lui donnent un ascendant psychologique sur ces traumatisés de la vie. Présentations… Nathaniel Meredith, patron de bar hanté : ++ / 60, 150, 120 / 30 [ “ Already ” ] Les plus anciens habitués du Tangerine disent avoir vu un jour le pianiste attitré du bar avec un panneau dans le dos : “ Ne tirez pas sur le pianiste, il est déjà mort ”. C’est sans doute une blague de pochetrons mais en tous cas, le seul nom que l’on connaisse au musicien émacié est bien “ Already ”. Quoi qu’il en soit, les esprits peu amènes ajouteront : “ c’est bien possible, car c’est vrai qu’il a une sacrée gueule de déterré ”. En fait, la vérité n’est pas si éloignée de la légende. “ Already ”, un jour, las de ne se trouver ni talent, ni avenir artistique, tenta de se suicider en se jetant d’un pont. Normalement, tout devait bien (ou mal, question de point de vue) se passer ; son corps flottait entre deux eaux, déjà engourdi par les eaux glacées. C’est le moment que choisit un Démon pour partir à la recherche d’un corps disponible pour s’incarner de ce côté-ci de la vie. “ Already ”, animé par le Démon, sortit donc de l’eau avec une vigueur nouvelle, se chauffa avec un bon feu et de solides lampées de scotch. Le Démon fit ce qu’il avait à faire puis retourna d’où il vint, laissant le presque-suicidé dans le complet désarroi. “ Already ” n’est pas sûr de ce qui lui est arrivé mais il en a tiré la conclusion que la Mort ne voulait pas non plus de lui et il se remit au piano, égrenant, toujours sans talent, quelques rengaines populaires et standards de jazz. Il fut le premier engagé dans l’équipe réunie par Meredith. “ Already ”, pianiste sans talent : + / 30, 60, 80 / 10 [ Spencer Smith ] S’il y a bien un défaut qu’on ne peut pas imputer à Meredith et à ses clients, c’est d’être racistes. Le Tangerine et sa clientèle improbable, c’est sûrement le lieu le plus mélangé de tout Heaven Harbor. Coller un grand noir très élégant d’une trentaine d’années derrière le comptoir n’a donc jamais soulevé le moindre problème. Au pire, les plus gênés s’en vont. Le sourire enjôleur, Spencer n’est pourtant pas du genre dragueur. Souvent triste, peu bavard, il se montre très froid avec les femmes et n’a guère de penchants invertis. En fait, Spencer a une sorte d’ange gardien. Hélas pour lui, cet ange a les ailes noires. Il l’appelle “ Helein ” et est bien réel. C’est sans nul doute une Succube. Spencer n’a dû la rencontrer que 4 ou 5 fois dans son existence. À chaque fois pour des épisodes brefs et torrides d’une vie ravagée. Dès que Spencer tente de se reconstruire (entamer une relation sérieuse, trouver un bon job, avoir un enfant – Michael – avec une femme qu’il aime…), “ Helein ” reparaît et offre à Spencer un chemin de vices auxquels le jeune homme n’a jamais pu résister. Très vite, elle disparaît sans laisser d’adresse, laissant Spencer au bord du chemin, totalement paumé. Que veut “ Helein ” ? Il ne sait pas. Un peu de bien et beaucoup de mal, sans doute. Depuis le dernier passage de la Succube, Spencer bosse au Tangerine, apprenant le métier de barman. Il évite les rencontres et les projets. Il attend “ Helein ”. Spencer Smith, barman peu liant : ++ / 80, 40, 40 / 10 [ Suzanne “ Lili ” Law ] C’est vrai que “ Lili ” a toujours plus ou moins aimé s’habiller comme une pute. Y a-t-il des lois contre cela dans ce foutu pays ? Sans être un premier prix de vertu, Suzanne a toujours été une fille bien. Elle a collectionné les petits amis, peut-être un peu plus que de raison depuis ses 14 ans, mais elle ne boit pas, ne se drogue pas, ne fait rien d’illégal. Elle a fait quelques études plutôt ratées puis a trouvé un job de vendeuse dans un patelin paumé. Tranquille. C’est là où des gens ont commencé à parler. Une fille jolie, bien roulée, seule et volontiers aguicheuse ? Dans le coin, bien qu’on n’en ait jamais vu une, on appelle ça une “ succube ”. Et ces filles là ne demandent que ça, pas vrai ? C’est en tout cas ce qu’ont décrété une demi-douzaine de jeunes abrutis désoeuvrés. Et c’est plus ou moins l’idée qu’ont ensuite défendue le sheriff et le juge du secteur. Humiliée et désenchantée, Suzanne s’est laissée séduire par l’anonymat que pouvait lui offrir Heaven Harbor. Elle s’y fait appeler “ Lili ”, travaille 61 les carnets de l’assemblée # 4 boussoles AIDES DE JEU & SCÉNARIOS comme serveuse depuis quelques mois au Tangerine et apprécie que les clients n’aient jamais songé à lui coller la main aux fesses. “ Lili ”, serveuse peu conciliante : + / 30, 50, 80 / 10 Quarantine est vraiment un scénario d’introduction : les personnages ne doivent pas déjà se connaître ni connaître le Tangerine Dream Bar et son personnel. Ce court scénario vous donne l’opportunité de constituer le groupe des PJ et, par la même occasion, de leur faire découvrir quelques particularités de l’univers d’Hellywood. Un peu en amont, la Voix Off devra avoir sélectionné pour chaque PJ une bonne raison de mettre les pieds pour la première fois dans ce bar si étrange. Cette raison doit être bien adaptée aux spécificités du personnage et ne pas être trop superficielle (“ Pris d’une soif intense, tu entres dans le 1er bar que tu croises… ”) car le joueur doit savoir quoi faire faire à son personnage dans les premiers instants du scénario (avant que ne débute, en fait, la véritable intrigue). Pour toutes ces raisons, nous n’avons pas ici la place de vous donner toutes les justifications possibles. Voici simplement quelques pistes dont la Voix Off pourra s’inspirer : [ Robinson Milano ] Dans une autre vie “ Robi ” se souvient avoir été un jeune flic de terrain enthousiaste et passablement naïf. Cette vie s’est arrêtée une nuit où, après avoir vidé en vain le chargeur de son arme de service sur une grosse brute de Golem inféodé à un parrain local, il se retrouva au contact avec le colosse qui lui expédia son poing dans l’abdomen. Le coup était d’une force tellement stupéfiante que le poing traversa son corps de part en part. Le plus incroyable fut encore que, lorsque le Golem retira son bras, Robinson ne ressentit aucune douleur, ne saigna pas une seule goutte. Il se sentit juste vidé. Il lâcha son arme, ne dit rien et ne fut retrouvé que 3 jours plus tard, errant près des docks. La police le déclara inapte et lui légua une pension ridiculement réduite comme seul souvenir de ses années de service. Pour survivre, “ Robi ” enchaîna les petits boulots ingrats et finit par échouer au Tangerine où il est à la fois videur occasionnel, homme de charge quand il faut rentrer des caisses de bière et où, chaque soir, il lave le sol. Un boulot de merde mais l’ex-flic n’en a cure. Le seul truc qui l’obsède, c’est ce trou béant dans son abdomen qui ne s’est jamais refermé et qui ne lui a jamais fait mal. Le pire, c’est que depuis quelques mois, d’étranges tâches rougeâtres s’étendent sur son abdomen, tout autour du trou. On dirait à s’y méprendre les tatouages d’un Golem. Il craint d’être en train de se transformer en Cornu. Tout le monde lui dit que ce n’est pas possible, qu’on n’a jamais vu ça. Lui doute. D’ailleurs, n’a-t-il pas déjà pris un job de Golem ? • un détective privé (ou un journaliste d’ailleurs) pourra être arrivé jusqu’au bar en prenant en filature l’un des PNJ ; par défaut, cela pourrait être Weathertop. Si vous voulez utiliser plusieurs fois cette intrigue, inventez un PNJ supplémentaire ou utilisez un des membres du personnel. • un mafieux ou autre délinquant pourra avoir été rencardé par Pieroni (voir cidessous) ; ce dernier lui a fait parvenir des infos fraîches pour localiser le bar mais ils ne se connaissent pas et le premier contact risque d’être délicat. D’autant plus que, selon les 62 les carnets de l’assemblée # 4 renseignements pris dans le Milieu par le PJ, ce bar est totalement inconnu… Un traquenard ? • un policier pourra avoir été contacté par un de ses indics les plus fiables : un bar louche semble s’être ouvert à l’improviste et il paraît qu’il s’y passe de drôles de choses. Renseignements pris, le bar en question n’apparaît dans aucun registre : officiellement, il n’existe pas. Il serait intéressant d’aller voir sur place. • un personnage un peu “ marqué ” (Nature “ Croyant ” ou “ Hanté ” ou encore grand habitué des virées nocturnes dans Forbidden City) pourra avoir un sentiment de “ déjà vu ” en passant devant le bar : il est absolument persuadé d’avoir vu il y a 2 jours ce même bar avec ce même nom… mais de l’autre côté du quartier ! • un Cornu sera tout simplement attiré par les lieux ; alors qu’il faisait tout autre chose dans le secteur, il a été irrésistiblement conduit devant la devanture du bar et peut légitimement se demander pourquoi. La Voix Off fournira les indications correspondantes à chaque joueur, soit sous la forme d’un texte à lire ou d’un court aparté. Une fois les informations transmises à chacun, la partie peut vraiment commencer alors que tous les PJ sont désormais à l’intérieur du Tangerine Dream Bar à la poursuite de leurs propres objectifs. La Voix Off doit laisser un moment pour que les personnages se présentent, se parlent, découvrent également les membres du personnel et les clients présents. boussoles AIDES DE JEU & SCÉNARIOS L’intrigue de ce scénario ne commence vraiment qu’au moment où un nouveau client fait irruption dans le bar. Ce gars est bizarre. Sa silhouette, son visage, ses yeux surtout le désignent très rapidement comme un Séraphin. Il porte un élégant costume sombre et une mallette en cuir. Comme en témoignent l’arrêt des conversations et les regards inquisiteurs, ce n’est pas un habitué. Le Cornu fait quelques pas, jauge la clientèle d’un sourire énigmatique puis se dirige droit vers le zinc derrière lequel se tient Meredith. Les deux hommes entament une conversation à voix basse mais qui, très vite, devient tendue. Le ton monte et il devient possible de saisir des bribes de la discussion : cela reste confus mais il est question de “ clauses non respectées ”, de “ graves entorses au règlement ” et surtout de “ mise en quarantaine ”. Une bordée d’insultes tombées de la bouche de Meredith met fin à la discussion. Le Séraphin s’éloigne, ouvre la porte, toise à nouveau la clientèle de son sourire agaçant et la salue d’un “ Très bonne soirée. J’ai peur que vous la trouviez longue. Très, très longue… ”. Il sort, déplie ses ailes et s’envole majestueusement avec une grande facilité. C’est étonnant : un Séraphin peut planer, s’élever légèrement au-dessus du sol mais n’est pas normalement un putain de piaf ! Tout se passe comme si l’environnement du bar avait subitement changé de nature. Les menaces du Séraphin ne sont en effet pas vaines. Même si les PJ ne le savent pas encore, le Tangerine Dream Bar a bel et bien été placé en quarantaine. D’après les informations aux mains des Asservis (auxquels le Séraphin sert de messager), le pacte originel n’a pas été respecté et tant que les conditions du pacte n’auront pas été rétablies, plus personne ne pourra plus entrer ou sortir de ce bar ! Un PJ finira forcément par tenter de sortir. Il découvrira alors que les abords du bar ont changé. Pour un habitué du Tangerine, ce n’est guère une information mais le PJ vit cette expérience pour la 1ère fois. Qui plus est, cette fois-ci, le bar, placé en quarantaine, est environné d’une ambiance étrange : nuit noire (même s’il faisait jour quand les PJ sont entrés), réverbère clignotant, brume malsaine, pas un chat… Si un PJ courageux s’aventure malgré tout dans l’inconnu, il est très rapidement rappelé à l’ordre : un tireur isolé le prend pour cible, ou bien une voiture de grosse cylindrée surgit de nulle part et manque de l’écraser, ou encore une bande de voyous sans visage lui coupe la route… Bref, il ne s’agit pas de tuer le PJ mais de bien lui faire comprendre que la route n’est pas praticable. Si un PJ insiste et a de la chance, la Voix Off pourra lui décrire un véritable labyrinthe de ruelles ou de couloirs, voire lui faire rencontrer un certain John Doe (voir p.105 du livre de base) dont les avertissements finiront par lui faire comprendre qu’il est en train de pénétrer dans le Dédale. Toutes les autres tentatives pour joindre l’extérieur échouent également : le téléphone du Tangerine sonne occupé, les voisins ne sont pas là… Une fois l’impossibilité de s’échapper constatée, la suite du scénario devient un huis clos : on ne peut pas sortir, on ne peut pas appeler à l’aide, le bar ne peut pas fournir plus de 1 ou 2 hot-dogs par personne présente en vidant son stock de nourriture, il fait de plus en plus chaud et ça pue la sueur… Et encore, qui sait ce qui pourrait surgir de la brume et entrer dans le Tangerine d’un moment à l’autre ? Chaque PJ a donc tout intérêt à chercher à comprendre ce qu’il se passe. Par habitude, recherche d’infos ou simple suspicion, les joueurs devraient donc faire se rapprocher fatalement leurs personnages. Si, au début, Meredith ne veut rien dire, la découverte de la nature du bar et de sa mise en “ quarantaine ” devraient en énerver plus d’un. On finira par en venir aux mots, voire aux mains et, dans un souci d’apaisement, Meredith expliquera l’origine du bar et le pacte qui le lie aux Asservis. Il dévoile aussi le reste du dialogue avec le Séraphin : Ashes est persuadée qu’un de ses Démons, fugitif depuis quelques mois, fréquente le Tangerine (ou y travaille). Le fait que Meredith n’en ait rien dit est pour elle la preuve de sa duplicité. Elle exige que ce Démon fugitif lui soit remis pour que le bar quitte la quarantaine et le pacte soit réactivé. Mr. Clay semble d’accord (le Séraphin travaille pour lui). bas étage ! Vous croyez qu’il n’y a vraiment que les Démons qui peuvent changer la nature humaine ou quoi ? La réalité est tellement plus simple. Colin s’est juste assis sur le trottoir et il a regardé derrière lui sa putain de vie en train de se tirer : une femme plutôt mégère qu’il ne supporte plus, deux enfants ingrats, un boulot qui ne lui fait pas oublier qu’il a raté sa carrière artistique… Il est subitement devenu plus aigri, agressif et dangereusement porté sur la boisson et les virées à Forbidden City pour chercher de nouveaux horizons qu’il croit avoir entraperçu au Tangerine. Aucun Démon là-dessous. Reste à savoir qui est le Démon de Ashes et à le persuader de sortir pour s’enfoncer tête la première dans le Dédale. À cela s’ajoute le fait que, tant que le “ coupable ” n’est pas identifié, aucun PJ ne peut être sûr qu’il s’agisse vraiment d’un PNJ et non d’un autre PJ. Ambiance… Le reste du scénario est totalement nonlinéaire. La Voix Off animera Nathaniel Meredith, les membres du personnel et les habitués du bar en fonction des indications données et de son inspiration. L’avancée de l’intrigue repose essentiellement sur le jeu et les initiatives des PJ. Voici la description des habitués nécessaires au déroulement de l’intrigue (dont le “ coupable ”). Si la Voix Off veut étoffer le scénario, libre à elle d’ajouter des PNJ puisés dans Hellywood ou dans sa propre imagination. [ Colin Weathertop ] Colin, la cinquantaine gominée et les dents blanchies, a, il faut l’avouer, une bonne tête de suspect. Présentateur de show et chauffeur de salle émérite dans plusieurs salles de Lucky Island, Colin n’est pourtant pas un inconnu. Il a lui-même poussé la chansonnette avant la guerre et quelques journaux locaux parlent encore de lui à l’occasion. Il y a 6 mois environ, ces torchons ont peut-être même relaté le net changement de comportement de la pseudo-vedette. Disputes violentes avec son épouse, absentéisme certains soirs de représentation, cuites un peu trop fréquentes… Et si un Démon avait possédé ce brave Weathertop depuis cette date ? Eh, voilà bien une vision étriquée de bigot de Colin Weathertop, présentateur passablement dépressif : ++ / 80, 60, 120 / 5 [ Alessandro “ Sandy ” Pieroni ] “ Sandy ” est une caricature de mafioso italien. Le pire, c’est que c’en est un. Un vrai dingue. Il ferait tout pour s’enrichir et griller un à un les membres de sa “ famille ” qu’au fond de lui-même il hait plus que tout. Toujours armé d’au moins deux calibres, il a aussi bien plus qu’il ne lui faut dans les boyaux et, parfois, le nez. Il fréquente depuis plusieurs semaines le Tangerine dans l’espoir de trouver un moyen pour accéder à Johnson (ou un autre Asservi d’ailleurs, il s’en fout) et solliciter un pacte fructueux. Un dingue, je vous dis. Terrorisé d’avoir à révéler ses desseins au début du huis clos, il va d’abord se faire discret puis va en fait très vite péter un plomb (sa spécialité) et menacer de descendre les personnes présentes les unes après les autres jusqu’à ce que le Démon se dénonce. Aux grands maux, les grands remèdes. Alessandro “ Sandy ” Pieroni, mafioso cramé : ++ / 140, 60, 60 / 5 [ Elizabeth “ Beth ” MacConnaly ] Beth est maintenant une pute d’un certain âge mais la sympathie naturelle qu’elle inspire compense les ravages du temps aux yeux de ses trop rares clients. Elle ne fréquente le 63 les carnets de l’assemblée # 4 boussoles Tangerine que depuis quelques semaines, après l’avoir découvert fortuitement alors qu’elle tapinait dans le coin. C’est devenu son lieu de pause, son havre de paix. Clairement, l’équation prostituée + trop sympa + nouvelle dans le coin = une bien belle tête de fausse piste ! De fait, elle n’a rien à voir avec tout ça mais elle n’est pas conne et comprend vite que son métier la rend suspecte auprès d’enquêteurs mal dégrossis. Elle est OK pour aider à découvrir la vérité mais, lors du dénouement, son bon fond risque de reprendre le dessus et elle prendra toujours le parti du plus faible, en l’occurrence le Démon traqué. Elizabeth “ Beth ” MacConnaly, pute trop sympa : ++ / 80, 80, 150 / 5 [ Andrew Mailer ] Andrew a longtemps été un gay heureux. Travaillant dans le milieu local du showbiz, il y a toujours rencontré tolérance et opportunités amoureuses. Il n’a jamais dû jouer la partition hypocrite de la double vie. Hélas, sa vie a basculé le jour où il a croisé le sourire de braise de Jason, un bisexuel sulfureux fréquentant les milieux les moins recommandables de tout Heaven Harbor. Andrew a eu le malheur de tomber aussitôt amoureux et de très vite accepter de filer de la thune à un amant de 15 ans son cadet pour l’aider à financer ses multiples vices. C’est le genre d’histoire d’amour qui, fatalement, finit mal. Une nuit, Jason, complètement grillé par un produit malsain, a demandé toujours plus et Andrew a refusé, entraînant la furie de son jeune amant qui le poignarda à plusieurs reprises dans le dos, le laissant pour mort dans l’arrière-cour d’un club de Forbidden. Le hasard voulut qu’un Démon de Ashes cherchait alors à proximité un corps dans lequel s’incarner et ainsi pouvoir se faire la malle. “ Andrew ” se releva donc de sa flaque AIDES DE JEU & SCÉNARIOS de sang et entama une nouvelle vie. Ce nouveau Andrew fait tout ce qu’il peut pour donner une image la plus éloignée possible de ce que les humains relient habituellement à Ashes. Encore peu familier des sentiments humains, il improvise une histoire cousue de fil blanc d’un agent d’assurances modèle et 100% hétéro venant de perdre femme et enfants dans un dramatique accident de voiture et cherchant le réconfort dans la dive bouteille et les nuits blanches à Forbidden City. Un peu gros… Outre son affligeante banalité, cette vie rêvée n’explique pas pourquoi il a dressé depuis plusieurs semaines son camp de base nocturne au Tangerine précisément (pas le plus accessible des troquets quand même…). En fait, il a entendu parler du parcours de Meredith et espère secrètement que son glorieux prédécesseur se montrera solidaire et l’aidera à échapper à la colère des Asservis. Compte là-dessus… Andrew Mailer, Démon de Ashes renégat sous forme humaine : Physique 50 / Mojo 150 / Humanité 40 Bien qu’elles soient loin d’être exhaustives, voici quelques pistes pouvant conduire les PJ sur la vérité : • il est facile de savoir que Ashes est très liée au sexe et qu’un Démon de Ashes doit l’être aussi d’une certaine façon ; brancher la conversation sur le sujet peut donc aider à percevoir dans les paroles et les attitudes des indications. Toutefois, après plusieurs heures de huis clos tendu et surchauffé, se lancer sur le sujet peut sembler assez… déplacé. Il serait encore plus efficace de se livrer à l’acte sexuel dans le bar (ou dans ses toilettes), le Démon aurait du mal à garder son self control. Pour un PJ féminin, a fortiori une Succube, cela doit être faisable. Pour un homme, on peut oublier Lili. C’est plus facile avec Beth… Dans tous les cas, Mailer se sentira très, très mal à l’aise. • fouiller discrètement les effets personnels laissés sur le porte-manteau ne peut pas faire de mal ; on peut notamment être attiré par la veste légèrement satinée et à doublure jaune appartenant à Mailer. Cela correspond mal à l’image du petit agent d’assurances dépressif qu’il tente maladroitement de se composer. Si, en plus, on la fouille minutieusement, on trouve dans la doublure une photo (elle y a glissé par une déchirure) d’un beau jeune homme torse nu (Jason). • obliger tout le monde à se désaper pour chercher la marque démoniaque de la possession ; c’est une idée radicale : Mailer porte en haut du dos, au niveau des blessures occasionnées par Jason, une peau écaillée et rougeâtre assez répugnante. Ceci dit, personne ne se désapera de bon cœur et Meredith et surtout Robinson Milano ne seront pas du tout d’accord. 64 les carnets de l’assemblée # 4 • entamer une conversation poussée dans laquelle chacun sera obligé de livrer des souvenirs, des impressions… Bref, de l’humain. Mailer sera vite limité par sa faible Humanité et ses souvenirs en carton-pâte. Mais le Tangerine en quarantaine est-il vraiment le lieu idéal pour une conversation de salon ? • obtenir les confessions de Weathertop : le présentateur, s’il est mis en confiance, révèle qu’il croit connaître de vue Mailer, qu’il aurait rencontré dans le milieu du showbiz local. Pour lui, c’était un homo notoire et il pense qu’il raconte des salades. Le dénouement semble tracé d’avance. Après de longues heures de tension extrême, les efforts conjoints des PJ et, peut-être, d’autres PNJ (à la discrétion de la Voix Off) devraient aboutir à démasquer le “ coupable ”. Seul contre tous, il devrait être aisé de le chasser du bar et le renvoyer au Dédale. Toutefois, quelques complications pourraient survenir : • Mailer ne va pas hésiter à jouer sur la corde sensible ; il est sincèrement terrorisé d’être rendu à l’antique esclavage et, en sus, à endurer les châtiments de Ashes. Les PJ n’ontils pas un peu de pitié ? Cela a surtout une chance de fonctionner s’il y a parmi eux des Cornus. • Meredith, lui, est assez sensible par nature à ce genre d’arguments. Mais, comme il est encore plus sensible à ses propres intérêts, il sera sans pitié vis à vis du Démon. Toutefois, son attitude future vis à vis des PJ sera largement déterminée par leur attitude : s’ils se montrent intraitables et brutaux, ils ne deviendront jamais des habitués du Tangerine. S’ils font preuve de compréhension et tentent de raisonner le démon fugitif, ils auront quasiment leur rond de serviette derrière le zinc. • Mailer connaît le pacte du Tangerine et fera judicieusement remarquer que toute violence à son encontre serait une nouvelle et grave entorse au pacte. Mmmmh, un peu jésuitique mais pas faux. OK, posez ce calibre, il va falloir lui faire comprendre autrement que sa place n’est pas ici… Si, finalement, Andrew Mailer admet qu’il n’y a pas d’autre issue, il se lève, prend sa veste satinée et son chapeau, salue tristement et sort du rade. Peu de temps après avoir disparu dans la brume, la rue s’emplit à nouveau du bruit de la circulation, le téléphone sonne… Le Tangerine a repris son errance. Toutefois, si, pour une raison ou une autre (“ coupable ” non démasqué, violence envers un Démon…), le pacte a été violé, les PJ (ni personne d’autre d’ailleurs) ne pourront jamais retrouver le Tangerine. Dans le cas contraire, et à condition d’être resté dans les bonnes grâces de Meredith, ils ont un nouveau point de chute où se rencarder. par Julien Clément boussoles AIDES DE JEU & SCÉNARIOS illustrations : © Julien De Jaeger le Lazare JUGEMENTde [ SCÉNARIO KHAOS 1795 ] À propos de ce scénario Ce scénario est prévu pour s’intercaler, à la guise du meneur, dans la campagne L’Heptalogie Gutemberg. Toutefois, il est préférable que les Pjs aient déjà développé quelques contacts. Le thème de ce scénario propose d’exploiter les dissensions politiques et divergences d’objectifs au sein des forces du Tribunal, voire certaines ambiguïtés des factions (notamment le Cabinet des Ombres). L’ambiance oscillera entre enquête, traque, folie et horreur. Ce scénario exploite les déconvenues de l’architecte Descarres (cf p.55 Livre des Règles – p.23 Secrets) suite à l’édification khaotique de la Nouvelle-Bastille. Parmi les prisonniers qui y sont enfermés, Lazare Granger, ancien médecin affilié au Jeu de Paume et condamné sous la magistrature d’Armand Herman va réussir à s’extirper du dédale fantasmagorique de cette prison de la rive Nord. Baignés des influences Khaos, ses vêtements lui octroient désormais la capacité de passer au travers des murs. Néanmoins, les tourments consécutifs à son enfermement et les errances dans un dédale où les perceptions humaines, sensorielles et temporelles ne sont plus de mise, ont altéré sa psyché : son âme est déchirée entre le Khaos et son propre corps. Il est ainsi devenu une sorte de catalyseur pour le Khaos qui utilise sa souffrance comme point d’ancrage et l’imprégnation de ses vêtements génère une « bulle K » autour de lui. Guidé par une soif de souffrance due à son enfermement et aux injustices subies, Granger se voit contraint par le Khaos de livrer des âmes torturées, ce qu’il réalise par le biais de crimes anthropophages avec la dévoration du coeur de ses victimes à l’agonie. Cependant, des bribes de conscience structurent encore sa folie meurtrière. Aussi, son désir de vengeance l’oriente sur la piste la plus courte qui mène à ses persécuteurs (juge, geôliers, délateur...) pour les offrir à sa justice avant que sa dernière parcelle d’humanité ne s’effondre... Incapable de communiquer normalement, il écrira avec le sang de ses victimes, un mot qui traduit à chaque meurtre l’émotion qui l’anime et luttant presque contre sa déchéance, signe ainsi un itinéraire destiné à ses poursuivants afin qu’il puisse être repéré et arrêté... Ces crimes sauvages vont entraîner la réaction du Tribunal. En premier lieu, Descarres, responsable de la NouvelleBastille va chercher à étouffer l’affaire de ce tueur évadé afin de ne pas s’attirer l’ire des hautes autorités. Il s’adjoint l’aide d’un prêtre du Culte, Dominique Théophile des Essarts, qui a pour objectif de s’emparer de l’homme en toute confidentialité afin de l’étudier... Parallèlement, François Pinel, Magistrat de la rive Sud, alerté par les meurtres singuliers perpétrés dans sa Cour et leur ressemblance, mais également mandaté par Saint Just, va s’intéresser à l’affaire. De leur côté, les Pjs seront introduits dans cette intrigue de manière détournée. Le Cabinet des Ombres fera appel à eux car il a besoin de leurs compétences diversifiées pour une mission sensible et urgente : retrouver un traître qui a subtilisé des correspondances essentielles et compromettantes pour le réseau des Ombres, et par extension, pour la Cause. Ainsi durant l’accomplissement de leur plan, les Pjs vont se retrouver sur la trace de Lazare Granger... Prologue Les Pjs seront contactés par leurs cercles respectifs à la demande du Cabinet des Ombres afin d’entreprendre dans l’urgence une mission délicate. Ils doivent retrouver le contact du Cabinet, une certaine Lady Anne, dans une maison vétuste inhabitée proche du Grenier dans la proximité des berges de la Seine. 65 les carnets de l’assemblée # 4 boussoles Scène 1 Le crépuscule des Ombres Les Pjs se retrouvent un peu plus tard dans la journée dans la pièce principale de cette maison à l’ameublement spartiate mais fonctionnel (2 couchettes, chaises en osier, table, petite armoire). Dénote simplement la présence de 2 malles et de Lady Anne, une femme entre deux âges dont la toilette sobre – robe, tablier, coiffe blanche populaire pour maintenir ses cheveux – lui confère une allure discrète. Après les présentations d’usage, elle dira qu’un certain Marc-Virgile Pontivy, oeuvrant pour le Cabinet des Ombres, a dérobé ce jour un paquet de leurs correspondances. Le gaillard a rejoint le réseau il y a quelques temps déjà, et les motivations qui l’ont poussé à cette soudaine traîtrise sont obscures. En tout cas, le cabinet n’a pas mis longtemps avant de repérer sa récente félonie, et cela coïncide avec le fait qu’une « représentation artistique » va être donnée ce soir au Théâtre Français en l’honneur de l’avènement de l’Être Suprême. Lady Anne précisera qu’elle sait que Saint Just lui même sera présent à ce spectacle, et comme il est difficilement approchable, c’est l’occasion pour Pontivy de transmettre son butin et de trouver un puissant protecteur. Pour convaincre les Pjs, elle pourra laisser entendre que ces documents pourraient compromettre le réseau, précisant que bien que les papiers sont cachetés et cryptés, Pontivy connaît certaines clefs pour les décoder. Elle a besoin de l’aide des Pjs, dépêchés en urgence par leurs cercles pour LADY ANNE Tiers-état / Cabinet des Ombres / Chevalier et spécialiste du renseignement FOR 2, DEX 3, CON 2, INT 3, SAG 2, CHA 3 PV 10, PE 3, AC° 2, DEP 3, DGT mêlée +2, DGT tir +3 Compétences : Bluff (3) 9, Déguisement (3) 9, Fouille (2) 7, Influence (Cabinet des Ombres) (3) 8, Influence (Citoyens-Corsaires) (2) 7, Influence (Jeu de Paume) (2) 7, Influence (Tiers-Etat) (2) 7, Langue (Maternelle) (1) 6, Lire et écrire (2) 7, Muscles (1) 4, Perception (2) 7, Renseignements (4) 9, Résistance (1) 5 Technique (couture) (1) 7, Atouts : Apprentissage, Cercle Révolutionnaire (Citoyens Corsaires), Cercle Révolutionnaire (Jeu de Paume), Compétence de Tiers-Etat (Renseignement), Compétence (Lire Ecrire), Fausse Identité, Informé, Inaperçu, Maîtrise du Khaos, Equipement : Carnets de notes AIDES DE JEU & SCÉNARIOS leurs champs de compétences diversifiés et donc leur adaptabilité. De plus, Pontivy étant habile à l’art du déguisement, cela ajoute à la difficulté de savoir à quoi il pourra ressembler... La représentation se déroulant ce soir après le couvre-feu pour des notables accrédités pour assister à la pièce L’Ascension de l’Être Suprême, Lady Anne propose des costumes dans les malles pour les Pjs : tenue de notables, bourgeois et une livrée de serviteur (collants, culottes de soie, redingote queue de pie et perruque). Elle fournira également pour les notables des invitations soigneusement falsifiées afin d’accéder au Théâtre, un laissez-passer pour le serviteur et une bourse contenant 10 livres. La présence de Saint Just entraînera sans nul doute une importante sécurité, voire des fouilles et les Pjs feraient mieux de ne pas venir armés. L’essentiel sera d’agir avec discrétion et de récupérer les documents, peu importe le sort de Pontivy. Cette planque à proximité du théâtre est sûre et les Pjs pourront y revenir pour passer la fin de la nuit. Lady Anne viendra le lendemain matin y récupérer le précieux courrier. Les Pjs sont libres de gérer les derniers détails logistiques, leurs costumes et leur organisation et plan d’action pour la soirée... réalisant que bien qu’ayant l’occasion d’être proches de Saint Just, ils ne sont pas là pour lui... Scène 2 Représentation et Grand Guignol Lors de l’ouverture des portes, à l’heure de la représentation ce soir là, l’extérieur grouille de gardes de l’UA. Invités, serviteurs et donc Pjs seront fouillés scrupuleusement à l’entrée du bâtiment. L’intérieur se compose de la vaste scène avec les coulisses, le parterre et les différents étages: la corbeille, le 1er et 2ème balcon et en haut le poulailler. (Voir le Théâtre Français cf p.63 Livre des Règles.) Les Pjs seront libres de leur placement. Cependant, les 2ème et 3ème balcons sont vides par sureté et leurs accès seront gardés par des soldats de l’US. Saint Just sera placé dans la loge côté cour au niveau du 3ème balcon. Le grand prêtre est éminemment protégé par des soldats d’élite de l’US bloquant son accès : toute tentative folle des Pjs pour attaquer Saint Just se solderait par une mort sans gloire. D’ailleurs, si Saint Just sera bien visible quelques secondes avant le début de la représentation, au cours de la pièce un rideau de velours partiellement tiré, masquera sa présence potentielle. Si un Pj est en livrée de serviteur, il a la possibilité d’accéder aux 2ème et 3ème balcons pour son service car apparemment, 66 les carnets de l’assemblée # 4 seuls les serviteurs semblent libres de circuler dans les couloirs y attenants. Marc-Virgile Pontivy ne se méprend pas sur l’efficacité du Cabinet suite à son vol. Le coquin a donc prévu son plan: pour se fondre dans la masse, il s’est travesti en servante et à l’entracte, compte approcher St Just pour pouvoir lui remettre les correspondances. Si un Pj est suffisamment perspicace et alerte, le Mj peut lui laisser entrevoir une servante singulière pouvant mener jusqu’à une filature dans la salle et les couloirs, mais quoiqu’il advienne, Pontivy sait se faufiler comme une anguille et échapper aux joueurs. (Il ne sera arrêté uniquement que lors de la rafle des soldats de l’UA). Bientôt les trois coups résonnent, le rideau s’ouvre et la pièce débute, mais finalement peu de temps après le début du premier acte, la représentation sera interrompue... En effet, au moment où « l’Oeil » s’élève sur la scène, des soldats de l’UA investissent le théâtre par les entrées, se répandant très vite dans la salle pour canaliser tout le rez-de-chaussée, jusqu’aux coulisses et le devant de la scène. Le Pj grimé en serviteur pourra voir Saint-Just et sa clique évacués par les couloirs, et peu de temps après, les invités le verront quitter le Théâtre escorté par ses US. L’Ascension de l’Être Suprême À l’instar des mystères religieux du moyen-âge, la pièce symbolise l’ascension de l’Être Suprême qui conduit à l’anéantissement du mal. Durant l’Acte I, le vilain roi et les révolutionnaires sont représentés grossièrement. Le premier tient son peuple affamé en esclavage de manière grotesque, les seconds saccagent tout et des sans-culottes aux bonnets phrygiens crient qu’il n’y a pas de Dieu. Alors des prêtres du Culte apparaissent dans le vacarme et le désordre et, accomplissant des actes de vénération, font lever lentement grâce à des effets de machinerie, un œil symbolisant l’Œil de l’Être Suprême... MARC-VIRGILE PONTIVY Cour des Miracles / Cabinet des Ombres - Traître et accessoirement As du déguisement Le véritable divertissement de la soirée : En réalité, Lazare Granger continue de délivrer sa justice sauvage, guidé par le Khaos. Il a poignardé un des UA du cordon ceinturant le bâtiment à l’extérieur, s’y est introduit en passe-muraille et s’est dirigé vers la 2ème loge du flanc gauche de la scène. Il y égorge la compagne du boussoles AIDES DE JEU & SCÉNARIOS lieutenant Médon, poignardant ce dernier et l’éventre pour lui extirper le coeur durant son agonie. Le meurtre du garde dehors est rapidement découvert et des soldats de l’UA investissent alors le théâtre, craignant un attentat des cercles contre Saint Just. Il est probable également que le Grand Prêtre décèle la manifestation du Khaos catalysé par le tueur. Granger vient ainsi d’exécuter l’officier chargé de son arrestation (les deux soldats l’accompagnant à ce moment là ayant été tués plus tôt dans la journée). Il veut écrire avec son sang le mot Justice mais l’entrée tonitruante des UA, l’interrompt à « Just ». Il saisit alors le corps, lui arrache le coeur pour l’emporter et s’en repaître et laisse le cadavre basculer vers le parterre. Quelques instants plus tard, (mais qui semblent de longues minutes à des Pjs en proie aux doutes sur la motivation de cette descente de soldats) des hurlements de personnes du public accompagnent la chute du corps du balcon de la loge côté jardin de la scène. Tumulte et confusion s’installent, alors qu’une partie des UA essayent de maintenir l’ordre parmi l’assistance tandis qu’un groupe cavale dans les étages vers la loge où vient de se produire le crime. Si un des Pjs arrive à proximité de l’endroit où a chuté le corps, il verra un homme d’une quarantaine d’années en tenue d’officier de l’UA maculée de sang avec apparemment une plaie béante au ventre. Les gardes feront évacuer les invités par petits groupes, pour éviter tout débordement, en ménageant des pauses dans le flot des invités, ce qui peut bien entendu mettre les nerfs des Pjs à rude épreuve... Néanmoins, si les Pjs ne cèdent pas à la panique, ils seront évacués hors du bâtiment. Si techniquement, ils échouent dans leur mission, Pontivy également, bien que les Pjs n’auront pas connaissance de ce qui lui arrive. Surpris par les événements inopinés au théâtre et par cette descente, il précipite son plan pour joindre Saint Just, arguant qu’il a des documents importants à lui remettre, mais sera bloqué et finalement, la supercherie de son déguisement découverte, arrêté et emmené par des soldats de l’UA. C’est ainsi que Pontivy doit quitter la scène de ce scénario. Scène 3 La Planque Bredouilles, les Pjs pourront retourner à la planque vétuste. Pontivy leur a échappé, et il y a de grandes chances pour qu’il ne l’ait même pas aperçu. Durant leurs délibérations et questionnements nocturnes, ils pourront même imaginer que c’est Pontivy qui a été assassiné... Au petit matin, Lady Anne, fatiguée revient à la planque. Elle écoutera les Pjs et leur dira ce qu’elle a pu apprendre des évènements de la soirée : il y a eu 3 victimes: un garde, un officier de l’UA, Médon, éventré et sa compagne égorgée. L’air sombre, elle demande aux Pjs de retourner au Théâtre dans la journée. Elle leur remet un papier qui leur servira de saufconduit pour pouvoir mener une enquête approfondie... Au pire, pour convaincre les Pjs elle pourra signifier qu’ils doivent y rencontrer un membre du réseau infiltré dans le Tribunal. Elle ment, et ne dira rien sur le fait que c’est un prêtre du Culte qui les attend... En réalité, ce sauf-conduit est signé par Dominique Théophile des Essarts, le prêtre collaborant avec Descarres pour s’occuper en toute discrétion de l’affaire du fugitif. Il est sur sa trace depuis le massacre des deux gardes de la Nouvelle-Bastille, où le tueur a laissé sur un mur le mot Délivrance en lettres de sang. Rapidement au fait des évènements du Théâtre et usant de son statut, il a manœuvré pour récupérer les correspondances cryptées détenues par Pontivy et obtenu rapidement de ce dernier quelques noms et adresses bien senties: il a fait parvenir des messagers avec ses doléances et le sauf-conduit, laissant bien entendre qu’il détient les correspondances mais qu’il souhaite négocier. Le Cabinet des Ombres se trouve alors en porte à faux, et son ambiguïté se manifeste à travers la demi-vérité que propose Lady Anne pour persuader les Pjs d’être le jouet de cette négociation. de poignard sur les deux victimes) • ces fauteuils semblent étrangement dégradés, comme prématurément pourris, les rideaux apparaissent ternis et élimés (à cause de la détérioration par la bulle K de Granger) • les lettres Just tracées en sang sur un mur... (qui peuvent laisser croire un rapport à Saint Just) Des Essarts fournira des informations complémentaires : • l’officier Médon a eu le coeur arraché • Son coeur n’a pas été retrouvé • Deux autres soldats ont été tués de manière similaire dans la journée d’hier (il se gardera bien de parler des premiers gardes tués à la Nouvelle-Bastille pour éviter de trop faire remonter la piste) Rapidement, il leur propose un marché: il souhaite les utiliser pour ramener le fugitif. • il a en sa possession les lettres cachetées du réseau des Ombres (il pourra les présenter pour étayer ses dires, et dire qu’il a sa merci quelqu’un pour les décrypter) • Bien évidemment, les Cercles portent la responsabilité des meurtres, même si il sait que celui qui a fait cela court toujours. (il pourra ajouter que des responsables ont déjà été « désignés », et que s’ils ne veulent pas que la liste des coupables s’allonge, les Pjs doivent lui donner satisfaction). Scène 4 Pièce en vase-clos Plus tard dans la journée, les Pjs se rendent au Théâtre gardé par de nombreux UA de Kléber. Sur la présentation du sauf-conduit qui ne leur sera pas rendu, des gardes les fouillent pour les désarmer si nécessaire (simple précaution due aux attentats de la veille) puis les escortent à l’intérieur vers la loge où s’est déroulé le crime. Si les Pjs s’étonnent de la bonne composition des gardes et pose des questions, ces derniers rétorqueront qu’ils procèdent selon les désirs de la personne qui souhaite les rencontrer. (les UA ignorent toutefois que les Pjs sont des membres des Cercles et il serait plus heureux qu’il en reste ainsi...) Dans le couloir à l’approche de la loge, ils verront d’épaisses gouttes de sang qui parsèment le sol. Sous bonne garde par des US, ils rencontrent alors un prêtre du Culte qui leur tourne le dos, assis dans un fauteuil de la loge, en les attendant. Sa tenue d’apparat parle pour lui et il ne sera nul besoin qu’il donne son nom aux Pjs. Il veut savoir ce qu’ils savent des incidents de la veille. Les Pjs pourront constater dans le loge que: • une épaisse trace de sang à proximité du balcon (éventration de Médon) • du sang sur deux des fauteuils (les coups 67 les carnets de l’assemblée # 4 boussoles DOMINIQUE THEOPHILE DES ESSARTS Description : Un homme imposant, qui approche doucement de la cinquantaine. Ses yeux semblent toujours à moitié clos. Il porte la tenue habituelle des Prêtres de l’Etre Suprême. Il ne fait aucun mouvement inutile, sa voix est forte, un peu rugueuse mais captivante. Histoire : Cadet d’une famille de petite noblesse, Dominique Théophile des Essarts a, comme le voulait la tradition, embrassé la carrière d’ecclésiastique en rejoignant la collégiale des Chanoines de Cambrai. Au sein du chapitre cathédral, Des Essarts commença à donner la pleine mesure de son talent politique, nouant et dénouant les subtiles alliances entre les prélats. Il obtint ainsi le surnom d’Eminence, en raison de ses qualités qui rappelaient celle du cardinal de Richelieu. La révolution ne le surprit pas, pas plus que la Constitution Civile du Clergé et l’arrivée de la Terreur : Son Eminence avait toujours un coup d’avance. Il monta à Paris, désireux de jouer dans la cour des grands de ce monde et prédit Thermidor. Il se rapprocha donc de Fouquet-Tinville. La seule chose qui surprit des Essarts fût l’ascension de l’Etre Suprême. Mais il lui fallût peu de temps pour percevoir toutes les opportunités que ce nouveau pouvoir pouvait lui apporter. Ambitions : Accroitre son influence. Devenir le marionnettiste derrière le pouvoir. Faiblesse : Sous-estime ses semblables Clergé / Clergé de l’Etre Suprême / Prêtre, Manipulateur et Stratège FOR 2, DEX 2, CON 3, INT 5, SAG 5, CHA 5 PV 12, PE 5, AC° 1, DEP 2, DGT mêlée +2, DGT tir +2 Compétences : Bluff (3) 13, Connaissance (Khaos) (5) 15, Connaissance (Religion) (1) 11, Diplomatie 4 (14), Idée (4) 14, Influence (Clergé de l’Etre Suprême) (5) 15, Intimidation (3) 13, Langue (Latin) (1) 12, Langue (Maternelle) (1) 12, Lire et écrire (2) 12, Psychologie (6) 16, Renseignements (3) 13, Tir (3) 10, Volonté (4) 14 Atouts : Apprentissage x3, Artisanat K, Aura Maudite, Caractéristique (FOR, CON, INT, SAG x2, CHA x2), Compétences (Connaissance du Khaos), Compétences (Psychologie), Compétences (Tir), Dressage K, Eloquence x3, Maîtrise du Khaos x3, Œil du Khaos, Ombre du Khaos x2 Equipement : Carnets de rituels, cheval K, pistolet. AIDES DE JEU & SCÉNARIOS Il ordonne aux Pjs de retrouver ce tueur pour lui livrer, sur ordre de Saint Just (il ment sur ce point) • En échange, il consent à leur céder les courriers, le sceau non brisé attestera de leur non falsification ou copie; Précisant que même si leur importance est capitale pour le Tribunal, cet individu reste une cible prioritaire, telle est la volonté de Saint Just... • Il leur dira de se rendre sur le parvis de l’église St Vincent dans la rive Nord dès que le travail sera accompli Scène 5 Investigations en réseaux Perplexes face à l’étrangeté de cette proposition, les Pjs vont devoir mener leur enquête (jet compétences/influence/ réseau et contacts) et pourront obtenir les infos suivantes : • Meurtre du soldat Millet, la veille dans la journée, son corps a été retrouvé éventré dans la chambre décrépite d’une auberge dans la rive Nord. La catin à ses côtés a été poignardée. • Meurtre du soldat Labeau, la veille dans la journée, absent à son service et retrouvé le poitrail ouvert chez lui dans la rive Sud. Ses vêtements sont élimés et le mobilier semble être dégradé... • Ces soldats tués jettent l’opprobre auprès de la populace sur les Cercles : dès aujourd’hui, des tracts et affiches accusant les cercles sont placardés telles que : « Violentes attaques contre les soldats du Tribunal. La nécessité fait Loi et le couvrefeu permet de protéger les bonnes gens des criminels rôdant la nuit » ou encore « Attentats contre autorités du Tribunal = des Hérétiques coupables ». • Avec d’autres recoupements ou en se rendant sur place, ils peuvent découvrir les mots inscrits au sang sur les lieux des crimes : Colère et Haine. • Ils peuvent apprendre l’exécution publique de 4 membres des Cercles, reconnus coupables de l’attentat du Théâtre sur la place de Grève. (En vérité, les 4 infortunés ne sont ni membres des Cercles, ni coupables, mais le Tribunal rend toujours justice officiellement...). • Des informations sur deux meurtres s’étant déroulés récemment dans la journée: le premier dans la rive nord à une adresse précise dans la rive Nord (chez un dénommé Granger), le second, près de la Prison dans la rive Sud au coin de la rue des bouchers. • En outre, certains informateurs peuvent prendre du temps pour se renseigner. Ce sera le cas d’un contact qui leur donnera rendez-vous quelques heures plus tard ou le lendemain pour leur fournir une indication capitale pour la suite du scénario: l’adresse de l’hospice d’Esquirol. Si par ailleurs, vous voulez compliquer l’enquête de vos Pjs : le passage des berges n’est pas forcément chose aisée si l’on considère que certains ponts sont gardés. Et face aux événements qui préoccupent 68 les carnets de l’assemblée # 4 les magistrats – les meurtres ayant lieu à la fois dans la rive Nord et Sud – la garde sera possiblement renforcée. Les Pjs auront besoin d’une bonne dose de ruse ou il leur faudra emprunter des accès plus éloignés. Scène 6 Crimes en série, crimes en parallèle A : Chez Granger, le corps du locataire Paul-Émile Rempetit Les Pjs auront l’occasion de se rendre sur un meurtre frais dans la rive Nord. Il aura quelques badauds à proximité, mais personne n’ose vraiment s’aventurer dans la pièce de la scène macabre. Au pire, les Pjs peuvent les écarter s’ils prétendent enquêter officiellement. Les enquêteurs du Magistrat Herman ne s’y seront pas encore rendus étant donné que Descarres et Des Essarts ont fait de la rétention d’information. Herman accuse donc un certain retard dans le suivi de cette affaire. Au rez-de-chaussée, il y a peu de choses à trouver, excepté dans une pièce apparemment faisant office de cabinet: l’endroit est sans dessus dessous (elle a subi une fouille du Tribunal après l’arrestation de Granger). Les Pjs devraient être intrigués par ce cabinet en désordre et le nom de ce médecin absent. Ils doivent se demander quel est le lien entre les victimes, il y a de grandes chances pour en savoir plus qu’ils se rendent sur la scène de crime factice... Le corps de Rempetit, un artisan d’une quarantaine d’années gît comme brisé au milieu d’une mare de sang au premier étage d’une modeste maison. Un examen approfondi du cadavre révèle qu’il a été éventré et que son coeur a disparu. Sur un mur des lettres de sang compose un Vengeance dégoulinant. Chose curieuse les murs dans la proximité du cadavre semblent lézardés voire soumis à d’étonnantes contraintes architecturales (par exemple, ils ne sont plus droits mais courbés au plafond, comme si la maison avait voulu se ratatiner...) le sol est fissuré par endroit, et le mobilier vermoulu pourra s’effriter. D’ailleurs un petit placard se sera en partie désagrégé, répandant ustensiles et papiers sur le sol. Les papiers pourront révéler l’identité de la victime, et ils trouveront également une exemption d’impôts pour services obligatoires rendus au Tribunal. Sur ce papier, il est précisé que Rempetit était locataire du premier étage d’un dénommé Lazare Granger, médecin de son état. Une enquête auprès du voisinage permettra également de connaître l’identité de la victime et de son propriétaire ainsi que l’arrestation de ce dernier. boussoles AIDES DE JEU & SCÉNARIOS Ici, Granger poursuit son oeuvre. Rempetit, le locataire ayant eu des suspicions sur le médecin l’a dénoncé comme tout bon citoyen dévoué/craintif envers le Tribunal, mais aussi intéressé. Lazare s’est donc vengé de son délateur, catalysant un Khaos destructeur autour de lui. B : Adresse du crime factice, Angle de la rue des Bouchers L’affaire du Théâtre a rendu furieux Saint Just. L’outrage du meurtre et la représentation sabordée sont vécus par le prêtre comme une défiance. Il ordonne à François Pinel, le Magistrat de la rive Sud de confondre les Cercles et de punir les coupables. Pinel se montre en un sens assez efficace : les faux coupables et les tracts sont ses mesures directes. Néanmoins Pinel est intrigué par ce meurtre sauvage qu’il connecte avec celui du soldat Labeau. L’aliéniste juge donc avoir affaire à l’oeuvre d’un fou et se doit de l’interner à la Salpêtrière. Il fait donc quadriller le secteur pour le trouver mais en vain. Alors il orchestre une mise en scène toute à sa démesure: il fait tuer un innocent pour reconstituer un lieu de crime similaire, et le fait surveiller par des corbeaux K (pour ce faire, Pinel s’est alloué les services d’un Prêtre). Les Pjs n’auront donc pas trop de mal à accéder à la scène du crime qui semble intacte. La victime, un vieil homme est lacéré et éventré et son coeur arraché se trouve proche de son cadavre. Les lettres sanguinolentes « Just » sont lisibles sur un mur. Toutefois ici après investigations des Pjs, pas de traces de décrépitude ou d’érosion comme pour les autres crimes (pas de traces d’effets Khaos car Granger n’a pas perpétré ce crime). les propos d’un garde récemment interné. Il y a 2 jours, dans la soirée, ce garde a été témoin d’une scène qui a fini de lui troubler l’esprit. Le garde a confié que l’atmosphère du bâtiment lui a toujours semblé malsaine. En poste aux abords du chantier et attiré par des gémissements à proximité, il s’est dirigé dans leur direction pour apercevoir une étrange silhouette en habits élimés, au pied du corps de deux gardes, s’acharnant sur un des cadavres et le lacérant avec sauvagerie. Il a vu le charognard extirper quelque chose du cadavre avant de le porter à sa bouche goulument. Terrorisé, il a laissé s’éloigner la silhouette avant de s’approcher du bain de sang: le mot Délivrance figurait inscrit en lettres de sang sur un mur de l’édifice, et un des infortunés soldats avait été éventré comme un vulgaire cochon... Si Esquirol est interrogé sur le médecin dénommé Lazare Granger, il dira que c’était une de ses anciennes connaissances, et plus d’être un membre du Jeu de Paume. Pour lui, Granger est mort car il aurait été dénoncé puis arrêté par le Tribunal avant d’être jugé « administrativement » par le Bureau Rectitude et Loyauté. Les Pjs pourront effectuer des recoupements et déduiront que le protagoniste de l’affaire Granger apparemment encore en vie serait le juge du BRL lié à sa condamnation. Néanmoins, se renseigner via la juridiction sur l’identité du juge ne sera d’aucune utilité, la juridiction étant ce qu’elle est... Dans l’idée, Esquirol peut apporter son aide pour retrouver ce juge. En tant que logisticien du Jeu de Paume et ancien « confrère » de Lazare, il demandera aux Pjs de patienter le temps qu’il retrouve le nom du juge. Si les Pjs se sont rendus sur la scène de crime factice, des soldats UA haranguant « Par ordre du Magistrat Pinel... » investiront le dispensaire grâce au pistage du corbeau K. Le havre d’Esquirol est découvert, mais ce dernier a le temps de leur remettre le nom du juge, Martial Dambert, et son adresse rive Nord près du Palais Royal. Un affrontement pour s’assurer la fuite peut s’ensuivre au milieu des cris et jappements des malades dérangés de l’hospice... Esquirol : cf. page 23 du livre des Secrets, paragraphe « La Nouvelle Bastille » Scène 8 Jugement dernier Le quartier semble tranquille et il n’y a aucun signe de trouble devant la maison de Dambert. Personne ne viendra leur ouvrir cependant. Si les Pjs arrivent à entrer dans la maison, ils trouveront dans un petit salon style fumoir en désordre, Granger, aux vêtements en haillons, maculé de sang en train de se nourrir du coeur du juge ventripotent, étendu sur un billard. Lazare usera de son talent de passemuraille pour quitter le lieu, le mur semblant se déchirer au passage de Lazare. Il pourra être poursuivi jusqu’au parc du Palais Royal. Quoiqu’ils déduisent de cette scène, à leur sortie du bâtiment, des corbeaux K en attente, prendront les Pjs en filature et à leur halte prochaine chez Esquirol, un des volatiles retournera auprès du prêtre qui les contrôle pour révéler la position des curieux via l’Oeil du Khaos... Scène 7 le Havre de Esquirol Un contact des Pjs (cf. Scène 5) qui prendra donc plus de temps pour se renseigner pourra leur transmettre l’info suivante: un soldat aurait été témoin d’un meurtre. Il a tenu des propos incohérents et a été embarqué vers l’hospice d’Esquirol (et non pas normalement vers la Salpêtrière dirigée par Pinel). Si les Pjs savent qu’Esquirol est affilié au Jeu de Paume ou qu’ils prouvent leur appartenance aux Cercles, le médecin les recevra convenablement dans son hospice. Il leur expliquera qu’il se passe des choses curieuses aux abords de la NouvelleBastille et s’arrange pour leur transmettre 69 les carnets de l’assemblée # 4 boussoles AIDES DE JEU & SCÉNARIOS Scène 9 la Nature du Chaos LAZARE GRANGER* Tiers-état / Ancien Jeu de Paume / Ancien Médecin, âme tourmentée, catalyseur K et nécessairement tueur cannibale Granger, peut-être blessé par les Pjs, ira se terrer dans son refuge : le parc du Palais Royal (cf. page 56 du Livre des Règles, paragraphe « Le Palais-Royal») Au sein de cette nature torturée muée en décor de cauchemar, il est quasiment impossible de localiser le fuyard. Jusqu’au moment où des hurlements déchirent le pesant silence du parc. Les Pjs trouvent Granger, hurlant à genoux et presque convulsif, les dernières parcelles de sa conscience s’effondrant après l’ultime meurtre de son parcours vengeur. Ses derniers jours, ne se nourrissant plus que de coeur humain, Granger a consumé sa vie dans sa vengeance. Bête malade désormais mourante, incapable de communiquer, il tracera le mot Libre (stipulant la fin de son calvaire). Le Khaos qu’il catalyse croît alors en intensité, déformant les végétaux dans son alentour proche, exhumant du sol vers et scolopendres, et façonnant insectes K. Confrontés à cette fresque de nature morte à présent animée, les Pjs pourront entendre des gens s’approchant en courant. FOR 2, DEX 2, CON 2, INT 2, SAG 1, CHA 1 PV 10, PE 1, AC° 1, DEP 2, DGT mêlée +2, DGT tir +2 Compétences : Discrétion (1) 5, Intimidation (2) 4, Mêlée (1) 4, Perception (2) 5, Résistance (2) 5, Survie (3) 6 Atouts : Bulle K**, Cauchemar x5, Ombre du Khaos x10, Récupération Equipement : Un poignard, Vêtements K *** * Les caractéristiques de Lazare Granger sont bien entendu tronquées. En effet, il est ressorti affaibli de la Nouvelle Bastille et une partie de ses compétences ont été oubliée. ** Bulle K : du fait de sa connexion spéciale avec le Khaos, Lazare est entouré d’un champ Khaotique qui influence son environnement. *** Vêtements K : les loques que porte Lazare lui confèrent la faculté de passer à travers les murs (passe-muraille). En effet, si les corbeaux K du prêtre collaborant avec Pinel ont pisté les Pjs jusqu’ici, le prêtre, sous bonne garde dans son carrosse et à quelque distance, dépêchera ses UA en direction du chaos dont sont témoins les Pjs. L’arrivée des soldats UA de Pinel peut précipiter les choses. Granger succombe peu à peu, mais durant son agonie, il s’opposera au mieux de ses capacités à toutes tentatives pour le saisir. Quoiqu’il advienne, affaibli, il finira par succomber. Les Pjs pourront alors s’emparer de son corps qui ne possède plus de caractéristiques particulières, ce qui n’est pas le cas des vêtements... les Pjs doivent maintenant décider du devenir de leurs découvertes. Au final, si les Pjs décident de remplir leur part du contrat auprès de Des Essarts, ils se rendront sur le parvis de l’église St Vincent en rive Nord. Scène 10 la manoeuvre de L’Éminence Cette scène évoque la stratégie élaborée par Des Essarts qui a pour objectif de récupérer le corps, garder les lettres et exécuter les Pjs. À charge aux Pjs de déjouer ce plan. Sur le parvis de l’église, un carrosse les attend pour les conduire ailleurs jusque dans la cour d’un hôtel particulier. Une herse fermera alors l’accès canalisant la scène des négociations. Un diacre (disciple de Des Essarts et muni des lettres cachetées authentiques) et 2 UA sortiront de l’hôtel. Le diacre remettra les lettres et fera conduire le corps à l’intérieur de l’édifice pour soi-disant confirmation. Si les Pjs les attaquent, 2 soldats en retrait dans l’entrée anticiperont le lacher de 2 molosses K. De toute façon, une fois à l’intérieur, le diacre lâchera les 2 bêtes. Deux des gardes seront chargés de récupérer les lettres et éventuellement d’épauler les molosses. Pour évacuer le corps, le diacre gagnera dans le fond de la maison une porte communicante qui donne sur un immeuble accolé où un carrosse les attend. Épilogue L’issue de ce scénario implique divers degrés de réussite, des conséquences variées et importantes et plusieurs fins sont possibles... notamment celle des Pjs... • Les Pjs ont-ils récupéré les lettres? • Qu’en est-il du corps? Des vêtements? • Les relations futures entre le Cabinet des Ombres et les Pjs vont-elles se détériorer? • Le havre d’Esquirol a-t-il été découvert? • Que va faire le Tribunal avec Pontivy? Retrouvez les plans du Théâtre et du piège de Des Essarts dans la section Téléchargements sur www.lassemblee.org Par Andy Taker et Erron Flyll sur une idée de Vincent Ziec LE CHEMIN DE CROIX DE LAZARE... temporalité victime mot de Lazare lieu autres victimes la veille au soir un soldat (geôlier) Délivrance près de la Nouvelle Bastille (rive Nord) un autre soldat premier jour (journée) Millet (soldat venu l’arrêter) Colère Auberge (rive Nord) une prostituée premier jour (journée) Labeau (soldat venu l’arrêter) Haine son domicile (rive Sud) -- premier jour (soirée) Médon (officier responsable de son arrestation) Just (pour Justice) Théâtre un soldat de l’UA sa compagne deuxième jour (matin) Rempetit (délateur) Vengeance à son domicile, chez Lazare -- deuxième jour (après-midi) Dambert (juge) Libre (écrit dans le parc) au domicile du juge -- 70 les carnets de l’assemblée # 4 5 les carnets de l’assemblée numéro cinq nos points de vente SORTIE juin 2009 L’Œuf Cube (Paris) Le Temple du Jeu (Nantes) Rocambole (Lille) Jeux du Monde (Toulouse) La Librairie des Quatre Chemins (Lille) L’Antre aux Jeux (Valenciennes) L’Antre du Jouet (Boulogne-sur-Mer) Icare Shop (www.icare-shop.com) liste complète sur www.lassemblee.org retrouvez nos anciens numéros en pdf sur notre vitrine lulu.com http://stores.lulu.com/lassemblee numéro zéro (juin 2007 • 40 pages • gratuit) numéro un • dossier Belle Époque (octobre 2007 • 72 pages • 2.50€) numéro deux • dossier Antiquité (mars 2008 • 72 pages • 2.50€) numéro trois • dossier Survival Horror (octobre 2008 • 72 pages • 2.50€) sommaire : Okko • Dune • Les Forges de la Fiction • Tigres Volants • Earthdawn • Trinités • Patient 13 • Horreur à Arkham • Witchblade (aide de jeu Nephilim) • La Lance de Longinus (scénario crossover Dark Ages / Vampire : la Mascarade) • Traîtres & Usurpateurs (aide de jeu générique) • Mes Croisades d’Unnord • GenCon 2007 sommaire : Elvis et la Fille qui rêvait debout / interview Michaël Moslonka • Mort ou Vif ? • L’invitée de Dracula • Interview Gigamic • Marrakech • Gangster • Hell Dorado • Renaissance • Lords of the Night • Le Grand Livre de la Peinture sur Figurine • Pirates of the Spanish Main • Witchblade, d’Hier à Aujourd’hui (aide de jeu Nephilim) • dossier - L’Antiquité • La Mort Antique • La Lance de Miltiade : nouvelle de Philippe Verdin • Murena • Le Lion de Macédoine • Les Aigles de Rome • L’Antiquité sur Pellicule • Rome (TV) • Panorama des Jeux Vidéo • Panorama des Jeux de Rôle • Légendes de la Vallée des Rois • Praetoria Prima : interview Sébastien Abellan • Colosseum • Babel • Civilisation • Ancients • Les Thermes... du Contrat : scénario Etherne • Les Plaies d’Anubis : scénario Praetoria Prima sommaire : L’Imaginaire pour Compagne : essai • La micro-édition au secours du jeu de rôles ? • Mastication • Asmoday • Le Salon du Jeu 2007 • Trinités • Tortuga • Te Deum pour un Massacre • Mana • Poker d’Enfer • TCE12008 • dossier - La Belle Époque • La Belle Époque : évocation d’une France moderne et romantique • Bibliographie • Fromental et l’Androgyne • Les Champs de Feu : une nouvelle de Florent Martin • The Lodger • Crimes VS. 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