HIRES Plus

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HIRES Plus
HIRES PLUS
SANTÉ ET RESTRUCTURATIONS EN EUROPE
DEBATS NATIONAUX ET
QUESTIONS COMMUNES
Note n° 6 – mai 2010
Santé et restructurations en
Europe
Débats nationaux
et questions communes
Mai 2010
Coordinateurs
Thomas KIESELBACH, Claude Emmanuel TRIOMPHE
avec
Laurentiu ANDRONIC, Elisabeth ARMGARTH, Ola BERGSTRÖM, Sebastiano BAGNARA, Sylvie DE MEYER,
Metoda DODIC-FIKFAK, Remigijus JANKAUSKAS, Steve JEFFERYS, Catelijne JOLING, Karl KUHN,
Karina M. NIELSEN, Irina TERZYSKA, Julien PELLETIER, Ricardo RODRIGUEZ, Greg THOMSON
Ce projet est cofinancé par le Programme communautaire PROGRESS pour l’emploi et la solidarité sociale
(2007-2013) et la DG Emploi, affaires sociales et égalité des chances de la Commission européenne
Sommaire
Chapitre 1 : Santé et restructurations dans la crise actuelle ................ 5
HIRES – Santé et restructurations : rappel succinct .................................................................. 5
Les défis actuels sur les différents marchés du travail ............................................................. 10
Les tendances économiques ................................................................................................... 11
Le projet HIRES PLUS ............................................................................................................ 13
Impact et suivi ......................................................................................................................... 14
Chapitre 2 : Les ateliers HIRES Plus – Présentation par pays ............ 15
Belgique .................................................................................................................................. 16
Bulgarie ................................................................................................................................... 17
Danemark................................................................................................................................ 18
France ..................................................................................................................................... 19
Allemagne ............................................................................................................................... 21
Italie ........................................................................................................................................ 23
Lituanie ................................................................................................................................... 24
Pays-Bas ................................................................................................................................. 26
Roumanie ................................................................................................................................ 27
Slovénie .................................................................................................................................. 29
Espagne .................................................................................................................................. 30
Suède...................................................................................................................................... 32
Royaume-Uni .......................................................................................................................... 33
Chapitre 3 : Discussions des recommandations HIRES ..................... 34
Suivi et évaluation ................................................................................................................... 34
Les victimes directes des réductions d’effectifs : les personnes licenciées .............................. 36
Réactions des survivants et performance de l’entreprise ......................................................... 37
Responsabilité des cadres dans le processus de restructuration............................................. 38
Anticipation et préparation organisationnelles ......................................................................... 39
Équité et confiance .................................................................................................................. 40
Communication ....................................................................................................................... 40
Protection des travailleurs temporaires et des salariés occasionnels....................................... 41
Assistance particulière aux PME engagées dans une restructuration ...................................... 42
Nouvelles orientations à l’intention des organismes d’inspection du travail.............................. 43
Renforcement du rôle des services de santé au travail ........................................................... 43
Nouvelles initiatives ................................................................................................................. 45
3
Chapitre 4 : Questions politiques communes...................................... 46
Santé et restructuration : un problème en suspens.................................................................. 46
Données et études .................................................................................................................. 47
Entreprises et responsabilités des cadres ............................................................................... 48
Législation et rôle des pouvoirs publics ................................................................................... 49
Dialogue social ........................................................................................................................ 50
Santé, services de santé et de sécurité au travail et risque de « médicalisation » ................... 51
Approches en matière d’emploi et flexicurité ........................................................................... 53
Instruments et outils opérationnels .......................................................................................... 54
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Chapitre 1 : Santé et restructurations dans la crise
actuelle
HIRES – Santé et restructurations : rappel succinct
e projet HIRES Plus1 répondait à un besoin de consultation et de diffusion
basé sur les résultats du projet HIRES2 précédent (La santé dans les
restructurations, 12/2007 – 1/2009)3. L'objectif était le suivant : dans 13 pays
de l'Union européenne, développer un processus de consultation à partir de la
série de recommandations qui avaient été formulées, afin de déterminer si les
résultats obtenus étaient applicables dans d'autres contextes nationaux. Le Projet
HIRES Plus nous a permis de constater que les recommandations HIRES
pouvaient effectivement être appliquées à d’autres contextes nationaux et aux
différents acteurs sociaux des pays concernés.
L
Le groupe d’experts HIRES a étudié de nombreux cas qui se sont présentés dans
différents pays, en a débattu et les a exposés dans des projets européens
connexes pilotés par la DG Recherche, le Fonds social européen (ESF), la DG
Emploi et la DG Santé et Protection des consommateurs (DG SANCO), auxquels
les membres de ce groupe ont participé ces dix dernières années. Sortant de son
domaine d’expertise avéré, le groupe HIRES a également analysé les preuves
empiriques qu’il a recueillies : celles de l’impact des restructurations d’entreprise
sur la santé, comme celles attestant l’efficacité des mesures prises pour limiter les
effets préjudiciables des restructurations sur la santé. Ajouté à cela, un groupe
externe d’experts venus de différents pays et issus d’organismes ou entreprises
variés, ont été invités en 2008 à faire des présentations lors d’une série d’ateliers,
enrichissant ainsi la gamme des observations sur lesquelles le groupe pouvait
s'appuyer.
Chaque entreprise exposée à la concurrence fait, un jour ou l’autre, l’objet d’une
restructuration ; c’est donc un phénomène auquel sont confrontées toutes les
sociétés européennes. Une restructuration implique un changement
organisationnel beaucoup plus important que des changements courants. Elle
affecte au minimum tout un secteur de l’organisation ou au plus l'ensemble de
l'entreprise, et ne se limite pas à des modifications secondaires de l’activité. Les
changements opérés peuvent se traduire par une fermeture, une réduction
d’effectifs, l’externalisation, l’«offshoring», la sous-traitance, la fusion, la
délocalisation de la production, la mobilité interne ou toute autre réorganisation
interne complexe. Mis à part ses effets sur l’emploi et en raison de ces derniers, la
restructuration a également un impact important sur la santé des salariés, des
organisations et des communautés.
1
Membres de HIRES Plus : voir la liste, page 33.
Le rapport HIRES est disponible en ligne :
en anglais sur http://www.ipg.uni-bremen.de/research/hires/index.php?cLang=en
en français sur http://www.astrees.org/_fr_70_art_220.html
3
Coordinateur du groupe d’experts : Thomas Kieselbach, IPG, Université de Brême, Allemagne ;
partenaires du projet : Elisabeth Armgarth (HRM Ericsson, Suède), Sebastiano Bagnara (Université
de Sassari, Italie), Marc DeGreef (Prevent, Belgique), Anna-Liisa Elo (Université de Tampere/FIOH,
Finlande), Stephen Jefferys (WLRI, Metropolitan University, R.-U.), Cateljine Joling (TNO, PaysBas), Karl Kuhn (BauA, Allemagne), Karina Nielsen (NRCWE, Danemark), Nikolai Rogovsky (ILO,
Genève), Benjamin Sahler (ANACT, France), Greg Thomson (UNISON, R.-U.), Claude Emmanuel
Triomphe (ASTREES, France), Maria Widerszal-Bazyl (CIOP-PIB, Pologne).
2
5
Par ailleurs, la santé est un aspect fondamental qui a des répercussions sur
l'emploi et la productivité au sein de l'entreprise. Préserver la santé est donc un
souci essentiel pour tous ceux qui participent aux processus de restructuration, et
c’est un aspect souvent négligé des changements organisationnels auquel s’est
intéressé le groupe d’experts HIRES.
Le groupe d’experts HIRES a tenté de répondre aux questions suivantes : quelles
sont les données dont on dispose, qui permettraient d’étudier de manière suivie
les formes courantes de restructuration organisationnelles et leurs effets, aux
différents niveaux nationaux et au niveau européen ? Existe-t-il une corrélation
entre les effets de la restructuration sur la santé des individus et sur les
performances de l’entreprise ? Quelles politiques européennes permettraient
d’encadrer les processus de restructuration afin d’en réduire au maximum les
effets négatifs sur la santé ? Comment les différents responsables de ces
restructurations pourraient-ils coopérer au mieux pour préserver le bien-être au
niveau de l’entreprise, celui des salariés et de la communauté ? Quelles sont les
méthodes de restructuration innovantes qui prennent le mieux en compte le
problème de la santé ?
Afin d’atteindre ses objectifs, le groupe HIRES a élaboré des recommandations de
principe et il préconise des outils et des pratiques ; tous sont inspirés de données
et d’exemples scientifiques tirés de différentes expériences de restructuration. Nos
recommandations s’appuient sur les points suivants :
- un examen exhaustif des preuves empiriques et des témoignages écrits sur
les effets des restructurations sur la santé et le bien-être des « rescapés », des
« victimes » et de la communauté concernée ;
- une étude complète de la littérature sur les effets des restructurations sur la
santé et la productivité ;
- une enquête critique sur la situation actuelle, en termes d'approches, d'outils
et d'instruments mis en œuvre pour gérer la santé lors des restructurations ;
- une étude de différents exemples de restructurations dans différents états
membres de l’Union européenne, afin d’une part de définir les disparités entre
les pratiques courantes et les bonnes pratiques et d’autre part de mettre en
lumière des exemples de bonnes pratiques en vue de parvenir à une gestion
saine du changement ;
- une analyse critique des rôles de tous les acteurs sociaux concernés par les
restructurations, ainsi qu'une description des outils et pratiques innovants ;
- une liste de mesures, plus ou moins récentes, qui ont besoin d’être
amendées, ainsi qu’une étude du rôle des institutions à travers l’Europe à cet
égard.
Dans le cadre des restructurations, le concept de santé a surtout été utilisé dans
un sens plutôt étroit, c'est-à-dire dans le sens d’une « entreprise en bonne santé »
placée dans le contexte économique d’une concurrence mondiale. Cependant, s’il
y a une notion dont on a fait peu de cas, c’est bien du concept de santé des
salariés ; la santé de ceux qui, suite à une restructuration, sont forcés de quitter
l’entreprise une fois le changement organisationnel opéré, les « victimes des
licenciements », mais aussi la santé de ceux qui restent dans l’entreprise après la
restructuration, ceux que l'on appelle les « rescapés des licenciements ».
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Ces derniers doivent également supporter des niveaux de stress considérables
car ils sont soumis à de nouvelles exigences, à de nouvelles tâches nécessitant
une routine différente, et à une insécurité accrue de l’emploi. Dans la littérature
consacrée au chômage, le premier groupe, les victimes des réductions d’effectifs,
a toujours fait l’objet d’une plus grande attention, le discours européen mettant
l’accent sur les risques d’exclusion sociale associée à l'expérience du
licenciement et à la menace d’un chômage sur le long terme. Le second groupe,
quant à lui, n’a guère suscité d’intérêt, si ce n’est lors de la dernière décennie
pendant laquelle il est devenu un sujet d’étude relativement nouveau.
Selon les conclusions du groupe HIRES, le manque de connaissances spécifiques
sur les effets des restructurations sur la santé des salariés est véritablement
problématique. Il s’agit d’une lacune déjà signalée par des projets précédents de
la DG Emploi, tels que le projet MIRE4, intitulé « Étude des pratiques innovantes
en matière de restructuration en Europe, 2005-07 », qui a montré que
d’importantes lacunes restent à combler : au niveau des stratégies préventives
liées à la gestion des ressources humaines et aux services de santé au travail,
mais aussi en termes de connaissances ; il manque en effet des informations
précises sur les effets individuels des restructurations sur les salariés licenciés
comme sur les salariés « rescapés ». De ce fait, il devenait indispensable de
rassembler des données supplémentaires à la fois sur les effets des
restructurations et sur les possibilités d’atténuer ces processus. Cela peut aider à
réduire l’effet d’hystérèse du chômage (« plus le chômage dure et plus il y aura
d’obstacles à franchir pour retrouver un emploi ») et à surmonter les difficultés qui
s’opposent au changement organisationnel. En même temps, cela contribue à
élaborer le concept socialement responsable de « convoi social » des transitions
professionnelles, qui désindividualise la transition elle-même, en incluant la
responsabilité de ces transitions au concept de « responsabilité sociale de
l’entreprise », facilitant ainsi le processus d'adaptation des individus concernés
(Kieselbach, 1998a).
En conséquence, le rapport HIRES fournit la liste de quelques sources de
données de veille relatives à la restructuration, disponibles au niveau de certains
pays comme au niveau européen. La qualité et la pertinence de ces systèmes de
veille relative au problème de la santé dans le cadre des restructurations, ainsi
que la population à laquelle ces systèmes s’intéressent au sein de l’Union
européenne, sont limitées. Ce projet a pour but de faire prendre conscience des
implications d’une telle opération sur la santé des personnes directement
concernées, autrement dit des « victimes », à ceux qui restent dans l’entreprise
après la réduction d’effectifs (les « rescapés »), ainsi qu’aux responsables chargés
d’orienter et de mettre en œuvre le processus de restructuration. Les effets sur la
santé dépassent ces groupes car ils touchent aussi les familles des victimes et
des rescapés, ainsi que les communautés où la restructuration a lieu.
Comme le montre le rapport HIRES, ces groupes nécessitent également une
attention et une prise en charge de la part des pouvoirs publics. Il conclut que les
transitions professionnelles ont souvent des implications qui dépassent les
capacités personnelles requises pour s’adapter aux difficultés de la vie. De ce fait,
les recommandations HIRES font référence au concept de « convoi social » des
salariés en transition professionnelle (Kieselbach), qui permet à la société dans
son ensemble et à tous les acteurs impliqués d’assumer une responsabilité
sociale pour atténuer ce processus.
4
MIRE : “Monitoring Innovative Restructuring in Europe” www.mire-restructuration.eu
7
Le rapport HIRES expose les politiques actuelles et celles à mettre en œuvre au
niveau européen, et il analyse le rôle des institutions à travers l’Europe. Le rôle
de tous les acteurs sociaux concernés est examiné d’un œil critique. Les outils,
instruments et pratiques, ainsi que les réflexions sur les rôles des acteurs
sociaux et des institutions de sécurité et de santé au travail présentés dans le
rapport HIRES sont destinés aux employeurs, partenaires sociaux et
responsables politiques aux niveaux de l’Europe, des nations ou des régions.
Notre plaidoyer en faveur d’une reprioritisation de la santé dans les
restructurations peut contribuer à la réinternalisation des coûts de santé,
évoquée lors du débat sur les restructurations.
Le rapport résume la situation actuelle en termes de bonnes pratiques, outils et
instruments innovants destinés à sécuriser la santé des individus et la
performance de l'entreprise lors des restructurations. Le projet HIRES a
rassemblé et exposé plusieurs cas de bonnes pratiques relatifs au problème de
la santé dans les restructurations d’entreprise afin d’en tirer des leçons précises
et d’en dégager des pratiques à adopter. Voici exposés succinctement les
aspects novateurs et, à partir des cas sélectionnés, les leçons à retenir sur la
prévention en matière de santé :
- Intégrer la dimension sociale, comme le montre le concept ILO-SSER de
« Restructuration d’entreprise socialement sensible » développé par
l’Organisation Internationale du Travail, constitue déjà un premier pas vers la
sécurisation de la santé des individus lors des restructurations.
- Pour une « restructuration plus saine », il faut que les parties prenantes,
plus particulièrement les actionnaires et les dirigeants d’entreprise, agissent
consciemment.
- Le changement organisationnel est toujours un facteur potentiel de
stress : les suppressions d’emplois font souvent partie intégrante des
restructurations.
- Le niveau de stress des salariés est un signe précurseur qui indique que
des efforts de prévention spécifiques doivent être déployés en matière de
santé.
- Il est nécessaire de coordonner le contrôle et la prévention de la santé en
s’appuyant sur des protocoles concrets.
- Des « restructurations plus saines » requièrent une politique préventive de
la santé.
- Une politique préventive de la santé nécessite une gestion collaborative
de la santé au sein de l’entreprise.
- Une politique préventive de la santé peut être assurée par une
collaboration externe.
- Une restructuration d’entreprise et ses effets sur la santé peuvent avoir un
impact majeur au niveau de la communauté.
Les données étudiées par le groupe HIRES prouvent, sans aucun doute
possible, que le processus de restructuration peut avoir un effet préjudiciable
important sur la santé des salariés concernés, y compris de ceux que nous
avons appelés les « rescapés » (ceux qui restent dans l’entreprise après la
restructuration).
8
Par ailleurs, il apparaît clairement que des mesures peuvent être prises par les
employeurs et par d’autres acteurs sociaux pour atténuer les effets négatifs de
la restructuration sur la santé des salariés et même pour aider ces derniers, leur
employeur et la communauté.
Un concept de restructuration d’entreprise qui vise à préserver certaines
caractéristiques d'un modèle social européen des relations de l’emploi, tout en
les adaptant aux nouvelles exigences d’une concurrence mondiale, doit prendre
en compte non seulement les indicateurs économiques de la santé d’une
entreprise mais également les effets individuels de la restructuration sur le
personnel qui, à long terme, aura également un impact considérable sur la
compétitivité de l’économie. Cette nouvelle perception élargit la perspective : il
ne s’agit plus d’une vision d’actionnaire unilatérale, souvent recherchée dans
les efforts de restructuration, mais d’une vision plus équilibrée qui tient compte
des intérêts de l’ensemble des actionnaires concernés par le processus complet
d'adaptation et d’accommodement à l'économie mondiale, avec pour objectif la
restructuration socialement responsable.
En se basant sur les études menées par le groupe d’experts et sur les analyses,
l’analyse des études de cas comme celle des experts externes qui ont partagé
leurs données avec le groupe HIRES, il a été possible au niveau du projet de
formuler une série de 12 recommandations qui permettront, au niveau
européen, de jeter les bases d’une méthodologie de restructuration saine. Ainsi,
le groupe d’experts a souhaité élargir le concept de santé dans les
restructurations qui prévaut actuellement, car il se limite à la dimension
économique du changement organisationnel. Il a également voulu attirer
l’attention sur les conséquences contre-productives d’une négligence des effets
à long terme sur la santé des individus et sur la performance des entreprises et
des sociétés dans leur ensemble.
Les 12 recommandations du groupe HIRES portent sur les points suivants :
1. Veille et évaluation
2. Les victimes directes des réductions d’effectifs : les personnes licenciées
3. Les réactions des rescapés et la performance de l’entreprise
4. Les responsables d’entreprise en charge du processus de restructuration
5. L’anticipation et la préparation dans l’entreprise
6. Le vécu en termes de justice et de confiance
7. Le plan de communication
8. La protection des travailleurs occasionnels et temporaires
9. De nouvelles consignes à l’intention des organismes d’inspection du travail
10. Un renforcement du rôle des services de santé au travail
11. Une prise en charge spécifique pour les PME en restructuration
12. En Europe, de nouvelles mesures sont nécessaires concernant : la
responsabilité sociale des entreprises, les initiatives pour promouvoir des
actions de routine au niveau de la santé, le débat sur le changement de
carrière et l’employabilité.
9
Alors qu’ils finalisaient les recommandations HIRES, le groupe d’experts était
convaincu que, même si ces recommandations s’appuyaient sur un jeu complet
de documents et sur des connaissances étendues, elles devaient être
ramenées à un niveau national, régional et au niveau de l’entreprise pour que
les problèmes considérés puissent être traités de façon plus fine. La tâche
principale du projet HIRES complémentaire, le projet HIRES Plus, fut donc de
contextualiser les résultats à la lumière de l’expérience concrète et de
l’historique de 13 pays, dont un plus grand nombre de pays d’Europe
occidentale et orientale, afin de transposer l’expertise HIRES aux différents
niveaux nationaux, aux différentes parties intéressées et aux différents acteurs,
ainsi qu’aux institutions chargées de veiller à la sécurité et à la santé au travail.
Cela a permis d’enrichir le concept HIRES et, en même temps, de faire prendre
davantage conscience des ces problèmes à un plus grand nombre d'États
membres de l’Union européenne.
Les défis actuels sur les différents marchés du travail
L’Europe est aujourd’hui confrontée à des défis majeurs. Pendant trois
décennies, nous avons assisté à un processus de restructuration industrielle en
constante accélération qui a été enclenché par toute une variété de facteurs
économiques et sociaux : l’élévation des niveaux de vie, des modes de
consommation qui évoluent, la préférence pour des emplois impliquant un
travail physique moins dur, l’émergence de nouvelles technologies, la
financiarisation du capitalisme mondial et la privatisation généralisée des
entreprises et des services publics, ainsi que la transition systémique
considérable qui s’est opérée en Europe centrale et en Europe de l’Est.
Depuis 1970, la proportion des citoyens d’Europe occidentale qui occupent des
emplois dans l’industrie manufacturière a baissé d’environ un sur deux à un sur
quatre. À présent, la transition ne s’opère plus sur plusieurs générations, mais
au cours d’une même vie. L’Europe a été forcée de commencer à considérer
des façons plus socialement responsables d’opérer le changement, de façon à
ce que ses bénéfices soient maximisés pour les personnes qui en font
l’expérience, et que ses effets négatifs soient minimisés.
Ces deux dernières années cependant, les restructurations sont devenues
monnaie courante en raison de l’effondrement de la bulle financière et de la plus
grave crise économique que le monde ait connue depuis les années 1930.
Outre cette tendance à plus long terme marquée par un déclin, année après
année, du nombre de postes dans l’industrie manufacturière au profit d’une part
plus importante des emplois dans les services, il y eut l’éclatement de la bulle
spéculative, basée sur la nouvelle activité bancaire de vente d’investissements
risqués. Soudainement, les banques, en proie à la panique vis-à-vis de leurs
liquidités, ont mis fin aux prêts, et les particuliers, effrayés par l’avenir, ont freiné
leurs dépenses. Certains secteurs, qui connaissaient un lent déclin, et qui
pensaient avoir le luxe de profiter de nouvelles opportunités, ont subitement dû
faire face à un avenir beaucoup plus sombre. Dans pratiquement tous les
secteurs de l’économie européenne, des entreprises ont dû réduire
considérablement leurs effectifs et/ou fermer leur porte : en raison de
l’interconnectivité plus importante de l’économie mondiale, il s’en est suivi une
hausse du chômage dans la plupart des États membres de l’Union européenne,
à un rythme inconnu jusque-là.
10
Dans ce contexte de changements rapides, la santé prend une dimension
particulière et notamment beaucoup plus d’importance qu’auparavant. Le
rythme des changements, tant au niveau des professions que des emplois, s’est
considérablement accrue et l’effet sur les victimes directes, celles qui vont être
licenciées, ainsi que celles qui restent dans l’entreprise après la restructuration,
doit être pris en compte afin d’assurer des transitions plus en douceur.
Les tendances économiques
Pendant des années, la vieille Europe industrielle, centrée sur l’industrie minière
et manufacturière, a peu à peu cédé le pas à l’Europe des services. Là où
précédemment les mineurs, les salariés du textile et des chemins de fer
représentaient les groupes de travailleurs les plus nombreux, d’autres salariés
ont pris –ou sont en train– de prendre leur place, que ce soit dans le commerce
de détail ou les compagnies aériennes, dans l’éducation ou la santé.
Mais ce ne furent pas les seules évolutions que l’économie a connues. Partout,
les technologies nécessitent un niveau d’éducation plus élevé ; en même
temps, elles exercent un contrôle direct beaucoup plus important sur toutes les
fonctions, qui pour certaines n’avaient jamais auparavant pu être contrôlées.
Prenons un exemple : aujourd’hui, la rapidité et la dextérité d’un caissier peut
être mesurée en temps réel électroniquement et toute divergence par rapport à
la « norme » peut faire immédiatement l’objet d’une enquête.
Ce processus de restructuration économique, long de plusieurs décennies, qui
a abouti à l’essor du secteur des services au détriment de l’industrie
manufacturière et de l’industrie minière, et qui a participé au déclin du chemin
de fer en tant que moyen de transport pour ces industries, s’est tout d’abord
imposé fortement en Europe de l’Ouest, pour gagner ensuite, depuis, quelques
années, l’Europe centrale et l'Europe de l’Est. Le rythme rapide du changement
structurel a remplacé la configuration industrielle généralement stable qui a
dominé toute la période allant de la Seconde guerre mondiale aux années 1980.
L’Europe centrale et l’Europe de l’Est connaissent maintenant un processus de
désindustrialisation légèrement plus rapide que celui qu’a connu l’Europe des
15.
Pour les nouveaux États membres de l’Union européenne, ceux qui ont
contribué à l’élargissement de 2004, la part de l’emploi dans le secteur des
services a augmenté de 6 % entre 1995 et 2005, alors que la proportion des
travailleurs produisant des biens manufacturés baissait de 7 %. À la même
époque, nous faisons l'expérience d'un mouvement parallèle dans la culture du
capitalisme : bon nombre de grandes entreprises qui avaient été pendant
longtemps des entreprises familiales ou qui, de par leur implantation, avaient
fait vivre toute une région, et qui de ce fait avaient souvent entretenu un
sentiment de responsabilité vis-à-vis de leurs salariés locaux ou nationaux, sont
ensuite devenues des entreprises essentiellement préoccupées par les
marchés boursiers.
S’il est un marqueur qui permet de mesurer à quel point les grandes firmes sont
de plus en plus soumises aux impératifs de profits élevés à plus court terme
encouragés par les marchés boursiers, c’est bien la tendance de plus en plus
marquée pour les fusions et les acquisitions transfrontalières.
11
Une autre tendance, de plus en plus forte, se dessine dans les États membres
de l’ex-Europe des 12 : la vente des entreprises à des « hommes d’affaires
étrangers ». Entre l’Europe des 12, en 1987 – l’année où l’Acte unique
européen est entré en vigueur, juste avant les libéralisations financières
majeures, où on comptait alors seulement 341 ventes transfrontalières – et
l’Europe des 25 qui a vu le jour en 2006 – une année où 2 832 ventes de ce
type ont été enregistrées – ce phénomène a été multiplié par neuf ! Ainsi, les
plus grandes, mais aussi les plus anciennes entreprises d’Europe ont connu un
changement culturel : alors que les multinationales avaient jusque-là été
l'exception, les entreprises rachetées par un entrepreneur étranger devenaient
la norme. Dans les entreprises concernées par les fusions et les acquisitions,
ce n’est pas nécessairement l’activité de l’employeur qui a changé, mais le
nombre des salariés amenés à effectuer des tâches spécifiques, le lieu de
travail, ou encore le rythme du travail.
Figure 1
Chômage (en % des forces actives) dans les pays de l’ex-Europe des 12,
de 2004 à 2009
Source: Eurostat (2009), Labour Force Survey, online statistics
20
Pays-Bas
17,5
Royaume-Uni
15
Danemark
Slovénie
12,5
Italie
10
Roumanie
7,5
Belgique
France
5
Allemagne
2,5
Espagne
Lituanie
À ces tendances sur le long terme, est venue s’ajouter la crise économique de
2008-2010. Alors que le chômage avait chuté au milieu des années 2000, il a
explosé partout en Europe entre décembre 2008 et novembre 2009. Comme
illustré à la Figure 1 et à la Figure 2, ces changements ont eu des
conséquences catastrophiques : en six à dix mois, à partir de décembre 2008,
le chômage a augmenté dans tous les États membres de l’ex-Europe des 12 de
5 à 70 %. Bien que dans plusieurs pays le chômage augmentait déjà en 2008,
en octobre 2009 dans les États membres de l’ex-Europe des 15 il était déjà 20
% plus élevé qu’en décembre 2008. Ainsi, jamais dans l’histoire, un aussi grand
nombre d’Européens ne s’étaient vu imposer autant de changements dans leur
vie professionnelle.
12
Figure 2 : Hausse du chômage (en %) entre décembre 2008 et octobre 2009 dans les États
membres de l’ex-Europe des 12
Allemagne
Roumanie
Belgique
Italie
France
Royaume-Uni*
Europe des 15
Suède
Espagne
Bulgarie
Slovénie
Pays-Bas
Danemark
Lituanie
*Pour les pays dont le nom est suivi d’un astérisque, la mesure porte de décembre 2008 à juin
2009. Source : Eurostat (2009), Labour Force Survey.
Le projet HIRES PLUS
C’est dans ces circonstances que le groupe en charge du projet HIRES Plus a
rendu visite au pays membres de l’ex-Europe des 13 (Belgique, Bulgarie,
Danemark, France, Allemagne, Italie, Lituanie, Pays-Bas, Roumanie, Slovénie,
Espagne, Suède et Royaume-Uni) afin de discuter avec les acteurs sociaux des
résultats et des recommandations de principe du projet HIRES financé par la
DG Emploi, ainsi que des projets connexes précédents, comme MIRE et RENE.
En adoptant cette approche d’information et de consultation, le groupe s’était
fixé les objectifs suivants :
- accroître la prise de conscience des principaux acteurs en leur présentant
les études de cas et des rapports (HIRES, mais aussi d’autres projets
européens ou nationaux) ;
- discuter des résultats et des recommandations HIRES par rapport aux
approches innovantes présentées ;
- étudier l’interaction entre les résultats européens et les acteurs nationaux,
puis revenir au niveau européen afin d’amender ces recommandations et de
prévoir d’autres initiatives ;
- développer des réseaux dans toute l’Europe (spécialistes de la santé,
acteurs sociaux, enseignement supérieur, organismes publics, etc.),
capables de traiter des questions de santé et de restructuration.
Les résultats de synthèses nationales ont été mis à profit pour alimenter les
débats et encourager les bonnes pratiques aux différents niveaux nationaux ;
des rapports, des articles et des communiqués ont été publiées à la fois dans
des journaux et des publications spécialisées et sur des sites Web. L’atelier
européen qui s'est tenu à Bruxelles le 22 février 2010 a permis de débattre de
ces différents documents et d’apporter des modifications sur le fond.
13
Ces documents, ainsi que la présente synthèse sur l’Europe, visent à :
- faire avancer les débats du Forum européen sur la santé et les
restructurations qui doit se tenir en novembre 2010 ;
- alimenter les rapports annuels à venir de la Commission européenne
portant sur les restructurations ;
- encourager d’autres initiatives menées par les pouvoirs publics, les
acteurs sociaux et les instituts de recherche.
Impact et suivi
Des quotidiens nationaux, des programmes de radio et de télévision, des sites
Web, ainsi qu’un certain nombre de publications s’intéressant aux questions de
protection et de sécurité au travail se sont largement fait l'écho des séminaires
HIRES (voir Annexe). Une série d’interviews du coordinateur du projet ou de
partenaires nationaux ont été menées dans les médias, révélant ainsi l’intérêt
que soulevaient ces questions. De même, le rapport HIRES a été téléchargé
des milliers de fois dans ses versions anglaise et française. Les
recommandations ont été traduites dans de nombreuses langues européennes,
ainsi qu’en chinois et en japonais.
En dehors de la couverture médiatique, d’autres initiatives ont été prises :
- des séminaires locaux ont repris les conclusions HIRES ;
- des programmes de recherche ont été lancés dans plusieurs pays ;
- les experts HIRES ont été consultés par les institutions parlementaires ;
- des initiatives émanant des partenaires sociaux ont fait référence au
rapport HIRES ;
- des réseaux et des groupes ad hoc ont été créés afin de mettre en place
des outils opérationnels.
Pour résumer, les séminaires HIRES Plus ont montré que la santé et les
restructurations sont maintenant une question très sensible dans toute l’Europe.
Cette crise, bien plus qu’une crise banale, a eu un effet catalyseur. L’impact des
restructurations actuelles et futures, qui s’accélèreront sans doute encore, sur la
santé – associé à la réduction des dépenses publiques, à l’empreinte de
l’écologie sur l’économie et aux réorganisations internes – ne doit pas être
sous-estimé dans notre vieille Europe. À l'avenir, s'ils ne veulent pas perdre
toute légitimité, les grands bouleversements et les grandes adaptations doivent
être moins coûteuses et ne doivent pas se faire au dépend d’un tribut humain
aussi lourd. Les conclusions du rapport HIRES Plus ouvrent la voie à des
approches élargies en termes de restructurations, mettant sur un même pied
d’égalité les individus et la compétitivité durable : il revient à l’Union
européenne, aux autorités locales et nationales, aux acteurs sociaux et en
particulier aux entreprises de prendre en compte ces approches.
14
Chapitre 2 : Les ateliers HIRES Plus – Présentation
par pays
L
e fait que les 13 séminaires nationaux se soient inspirés, lors de leurs
travaux, des conclusions et des recommandations HIRES, en dépit des
disparités historiques et culturelles en termes d’emploi et de l’implication
de différents acteurs sociaux, montre bien à la fois l'importance et la pertinence
de ces conclusions et de ces recommandations. De façon générale, les
séminaires nationaux HIRES Plus qui ont rassemblé plus de 470 personnes ont
répondu à ces quelques contraintes :
- Un nombre limité de participants – 25 en moyenne – afin que les
discussions puissent être menées en profondeur. Ainsi, chaque atelier a
accueilli entre 20 et 40 participants, sauf pour :
la France où, en raison du succès qu'a remporté ce thème, l'atelier a
rassemblé environ 100 personnes ;
la Slovénie, où l’atelier national a débuté par un séminaire en comité
restreint, suivi d’une conférence élargie à laquelle ont assisté
principalement des spécialistes de la sécurité et de la santé au travail.
- Une discussion d'une journée impliquant les différentes parties prenantes,
à savoir les pouvoirs publics, les partenaires sociaux, les entreprises, les
services de l'emploi et de la santé et de sécurité au travail, des universitaires
et les médias. Tous les ateliers ont suivi ce modèle, avec toutefois quelques
variations au niveau des parties prenantes représentées (les entreprises
étant présentes, mais moins représentées que les autres groupes).
- Un contenu équilibré entre les présentations des résultats et des
recommandations HIRES, les expériences nationales, le point de vue des
universitaires et des politiques, les contributions étrangères de la part de
participants issus du réseau HIRES Plus.
- Un effort pour attirer les médias, que ce soit avant, pendant ou après les
ateliers. Cette requête a été respectée dans la plupart des pays, avec un
intérêt particulier des médias en Bulgarie, au Danemark, en France, en
Allemagne, en Italie, en Lituanie et en Slovénie.
Dans chacun des ateliers nationaux, il a été demandé de se prononcer sur la
validité des conclusions et sur la valeur des recommandations. Il y a eu certes
des différences d’appréciation, mais aucun pays ne s’est opposé à ces
conclusions ou à ces recommandations, fusse même au niveau de ses acteurs
sociaux.
15
Belgique
Pendant ces trois dernières années, 41 % des entreprises belges ont connu une
forme ou une autre de restructuration. En 2009, 50 % des entreprises
s'attendaient à devoir faire face à ce type de mesure, les réorganisations
internes à grande échelle et les réductions d’effectifs étant tout particulièrement
à l’ordre du jour. Bien que le processus de restructuration soit un phénomène à
différentes facettes, répandu et déjà ancien, il est encore considéré par
beaucoup comme une crise temporaire confinée au niveau organisationnel.
Pourtant, plutôt qu’une crise temporaire, il s’agit d’un processus récurent et
continu, qui nécessite des ajustements constants. Les cinq principaux
problèmes auxquels sont confrontées les entreprises pendant ou après une
restructuration sont les suivants : l’insatisfaction des salariés (37 % des
entreprises), le manque de clarté en termes de visibilité (34 %), un
renouvellement plus important du personnel et des congés de maladie plus
nombreux (23 %), la divulgation d’informations internes (20 %) et les
mouvements sociaux (19 %).
En 1997, l’affaire Renault-Vilvoorde a constitué un drame social traumatisant
qui a contribué, par le biais de la loi Renault, votée au mois de novembre de
cette même année, à renforcer la protection de l’emploi. La loi-cadre belge
impose également aux employeurs qui annoncent un licenciement collectif de
créer des cellules de reconversion (avec quelques exceptions). Cette loi-cadre a
été élargie avec la crise.
En Belgique, les problèmes psychologiques sont l’une des causes principales
d’incapacité au travail. Il s’agit avant tout d’un problème de santé publique, mais
ses conséquences économiques ne doivent pas être sous-estimées.
L’insécurité de l’emploi reflète aussi le lien important entre les opérations de
restructuration et les effets sur la santé des salariés. Les programmes de
restructuration créent en effet une situation de travail instable, qui fait que les
salariés ne sont pas sûrs de conserver leur emplois ou certaines tâches ou
prérogatives attachées à leur fonction. L’insécurité de l’emploi est une cause de
stress pour les salariés. Seuls quelques instruments existent pour mesurer les
causes de stress avant, pendant et après la mise en œuvre des programmes de
restructuration. Selon certains experts belges, bien que la législation Renault
prévoie de protéger les salariés, elle laisse une marge de manœuvre
insuffisante pour prendre en compte certains aspects de la santé.
L’atelier HIRES Plus, qui a eu lieu en Belgique le 6 mai 2009, a réuni 21
participants et 10 orateurs : des partenaires sociaux, des hauts représentants
du gouvernement, des représentants des entreprises, des services de santé au
travail et des universitaires. Leur présence traduisait clairement l’intérêt suscité
en Belgique par le sujet de la santé dans les restructurations, ainsi que
l’importance qui lui est conférée. Les syndicats et le gouvernement se sont tous
deux accordés à reconnaître l’importance de la santé dans les restructurations,
et tous se sont appliqués à faire des propositions afin d’améliorer le processus
de restructuration. Tous les partenaires sociaux sont tombés d’accord sur le rôle
que chacun doit jouer.
16
Dans un premier temps, le gouvernement doit se charger de la réglementation
et de la supervision, étant donné que la législation actuelle concernant les
restructurations ne reflète plus suffisamment les priorités actuelles. Ensuite, il
revient aux syndicats de négocier le processus de restructuration et le dialogue
social, avec tous les aspects que cela implique.
Bulgarie
En Bulgarie, l'atelier HIRES Plus, qui s’est tenu le 9 octobre 2009, a rassemblé
37 participants venant de 29 institutions différentes dont :
- l’État et les organismes publics, notamment les ministères du Travail, de
la Santé et autres ;
- des organisations de travailleurs et des entreprises, dont les PME-PMI et
les principaux syndicats (confédérations et fédérations) ;
- des ONG, comme le Centre national pour les soins de santé publique et
l’Association des services de médecine au travail ;
- des universitaires et les médias ;
- le Dr Metoda Dodic Fikfak, responsable de l’Institut de santé
professionnelle (Institute of professional health) à l’université de Ljubljana
(Slovénie), et les deux coordinateurs HIRES et HIRES Plus.
Ouvert par le vice-ministre du Travail et de la Politique sociale, l’atelier bulgare
s’est déroulé à un moment opportun ; le choix du sujet était en effet très
important au regard de la situation bulgare. Dans ce pays, où il est prévu que la
crise empire pendant les 8 à 10 prochains mois, la situation se traduit par :
- le besoin crucial de procéder à une réorganisation et à une restructuration
intensives des entreprises, des PME- PMI en particulier car ce sont les plus
vulnérables ;
- les licenciements massifs et l’augmentation du taux de chômage : les
prévisions annoncent un taux de chômage entre 13 à 15 %, c'est-à-dire
environ 550 000 chômeurs (pour une population totale de 7,5 millions
d'habitants).
Les principales discussions ont porté sur :
- la « Santé lors des restructurations ». Il faut savoir que ce sujet, qu’il soit
pris au sens large ou qu’il porte sur des aspects plus précis, ne fait pas partie
des préoccupations de ceux qui sont chargés de mener les restructurations.
Le stress et la dépression psychosociale sont les seuls effets des
restructurations sur la santé qui aient été étudiés ; selon les données
nationales, 30 % de la population bulgare souffrent de ces troubles ;
- la nécessité d’actions conjointes et d’un travail davantage préventif de la
part des partenaires sociaux dont le rôle est d’une importance capitale pour
les salariés dans toutes les phases du processus de restructuration :
préparation, exécution et atténuation des conséquences négatives ;
amélioration de la qualification des salariés et souplesse dans le
renforcement des actions préventives lors des restructurations, par le biais
de la médiation et de l’arbitrage ;
17
- le besoin crucial d’informations, de recommandations, de lignes directrices
qui permettraient de mener plus sainement les restructurations. Des
associations bénévoles ou des communautés multifonctionnelles pourraient
être créées afin d’aider les responsables d’entreprise (tout particulièrement
dans les PME-PMI, qui souffrent d’un manque de ressources) à mener à bien
la restructuration en s’appuyant sur l’information, les consultations et la
communication, de façon à adopter une démarche innovante et à formuler
des conseils concrets et personnalisés.
- le rôle du ministère du Travail et de la Solidarité, du ministère de la Santé,
de l’Agence pour l’emploi et de l'Inspection générale du travail ; leur rôle doit
être renforcé dans les domaines suivants :
la promotion de la santé et l’évaluation des risques pour la santé lors
des restructurations,
la préparation des salariés aux nouvelles exigences du marché du
travail.
- le besoin de cofinancer, avec l’aide du Gouvernement, les projets
d’investissement des entreprises dans le domaine de la santé et de la
sécurité au travail et, si possible, d'amender et de compléter la législation du
travail, y compris en ce qui concerne les clauses sur les restructurations et
leurs conséquences négatives, sur la santé des salariés notamment.
Danemark
L’atelier HIRES s’est tenu alors que le Danemark connaissait une hausse
considérable du chômage en raison de la crise (avec un taux de chômage deux
fois plus important à la fin de 2009 qu’en 2008). Ce taux correspond cependant
à la moitié du taux de chômage moyen de l’Union européenne. L’atelier HIRES
Plus a rassemblé 22 participants dont :
- les principales organisations d'employeurs et de salariés danoises ;
- des représentants des « Conseils sectoriels pour l’environnement du
travail» du Danemark ;
- des représentants des régions, et en particulier des hôpitaux (des salariés
des ressources humaines et des services de santé au travail) ;
- des chercheurs dont les travaux portent sur les restructurations ou qui
travaillent pour des organismes privées ;
- le Dr Eusebio Rial González, de l’Agence européenne pour la santé et la
sécurité au travail, ainsi qu’Elisabeth Armgarth, du groupe d’experts HIRES
pour la Suède.
Dans un pays où les transitions professionnelles ne sont pas rares, les
participants étaient conscients de l’importance d’assurer des processus de
transition satisfaisants. En particulier, l’accent a été mis sur la confiance ; en
effet, ceux qui gèrent ces changements doivent avoir la confiance à la fois des
salariés et du management afin que le processus se déroule sans heurts. L’un
des principaux obstacles à l’intégration des recommandations dans l’entreprise
réside dans le fait que les managers ne sont pas conscients des enjeux et qu’ils
n’ont pas la compétence pour traiter de ces questions, tout particulièrement
dans les PME-PMI.
18
Les aspects négatifs des restructurations dans le secteur privé rejaillissent sur
le secteur public en ce qui concerne le contrôle et la documentation. Il en
ressort une image négative des organismes publics ; par exemple, les
professeurs sont considérés comme n’étant pas dignes de confiance parce
qu’ils doivent être contrôlés.
Le rôle des syndicats a également été débattu. Ils doivent être mieux préparés
pour affronter les changements, et pas seulement dans les négociations
salariales. Ils peuvent être impliqués de façon à faciliter le processus.
Toutefois, le Danemark s’intéresse de près aux questions de santé au travail.
C’est là une de ses forces majeures. Mais comme il n’existe pas de services
dédiés, il faudrait que les salariés puissent discuter de la transition entre
l’entreprise et l’agence pour l’emploi.
France
Licenciements
collectifs,
fermetures
d’entreprises,
relocalisation,
internationalisation, réorganisation, fusions, ventes : toutes ces vocables
s’apparentent à la notion de restructuration qui est devenue en France un
concept générique, voire universel, un sujet aux multiples facettes, maintes fois
débattu et qui a donné lieu à de nombreuses controverses. Les restructurations
couvrent, en fait, une réalité assez large et très diversifiée dont il n’est rendu
compte que partiellement. Les restructurations, dans leur acception économique
et sociale, sont devenues un facteur de société. En plus de 30 ans, la société
française est passée d’une vision « accidentelle » à une vision « structurelle » :
les restructurations peuvent être récurrentes et pas seulement des
restructurations de crise. Elles peuvent affecter n'importent quelle activité
(même en bonne santé), n'importe quelle entreprise et n’importe quelle
catégorie de salariés. Avec la récession actuelle, la baisse du PIB, le recul
temporaire de l’emploi, les faillites d’entreprise, les plans de licenciements et la
hausse du chômage, la crise de confiance et la violence sociale sont les
nombreux signes d'une profonde crise qui touche le pays.
L'atelier français, organisé le 30 avril 2009 avec plus de 100 participants,
comptait essentiellement des médecins du travail, des experts et des
consultants de la santé au travail, des syndicalistes et des représentants des
salariés, quelques responsables des relations humaines, ainsi que des
représentants des administrations publiques aux niveaux local et régional.
Les discussions ont fait ressortir les points suivants :
- Les restructurations altèrent la nature et la gravité des risques auxquels
sont exposés les salariés. La précarité croissante des entreprises et des
formes de chômage ne facilitent pas le contrôle et la compréhension des
risques qui, pour certaines personnes, se manifestent sous différentes
formes ou avec du retard. De nouveaux risques, associés à la santé mentale
des salariés, parfois difficiles à détecter et difficilement reconnus
socialement, vont de pair avec le développement des nouvelles
organisations du travail, basées sur les relations interpersonnelles plutôt que
sur les relations homme-machine.
19
- Finalement, les risques contemporains tendent largement à effacer la
frontière entre santé publique et santé au travail, ce qui donne moins de
poids au problème traditionnel de la santé et de la sécurité au travail. Plus
encore, cette situation remet en cause, du moins partiellement, la législation
ainsi que le cadre des relations industrielles, à la fois au niveau européen et
au niveau national.
- Les approches habituelles adoptées face aux restructurations montrent
que les responsables d’entreprise, les représentants des syndicats et les
organismes publics se sont intéressés exclusivement aux aspects de
l’emploi, sans tenir compte de ceux liés à la santé. Cela montre, parmi de
nombreuses autres tendances, à quel point l’approche traditionnelle de la
sécurité et de la santé au travail, fondée essentiellement sur la responsabilité
de l’employeur, dépasse nettement les limites de l’entreprise pour impliquer
les sous-traitants et les chaînes d’approvisionnement.
- L’absence de données sur le lien entre santé et restructurations, même si
des enquêtes expérimentales sur la santé mentale au travail peuvent fournir
certaines indications.
-
Des expériences innovantes sont menées :
au niveau régional, sur des salariés licenciés par des PME-PMI, afin de
voir comment les adapter au marché de l’emploi ;
au niveau des syndicats, où des observatoires ont été mis en place sur
le stress et les mobilités forcées.
- la question de la prise en charge des salariés et de l’aide mutuelle qu’ils
peuvent se prêter entre pairs est évoquée à différents niveaux : dans des
blogs, des associations de victimes des restructurations, etc. Par exemple,
grâce à l’absence de soutien de la part de son entreprise ou de son
environnement, un ex-salarié de la CAMIF a créé son propre blog afin de
permettre à des ex-salariés de maintenir entre eux un lien social. Cela fait
office de « thérapie de groupe qui permet de tenir bon ».
20
Le cas de France Telecom
En France, les parties intéressées ont été particulièrement sensibles au
message HIRES, en particulier après les drames qui ont secoué France Telecom
en septembre 2009, à savoir la « vague de suicides au travail ». Ce qui s’est
passé à FT a été ressenti comme un scandale et un traumatisme national. Les
discussions n’ont pas uniquement porté sur les suicides (32 cas en 24 mois dans
un groupe comptant 102 000 salariés), mais aussi sur les approches en matière
de gestion et d'organisation du travail.
Les principales préoccupations des intervenants étaient les suivantes :
* La mobilité forcée subie depuis la privatisation de l’entreprise (une initiative
lancée dès 1997 et qui s’est renforcée depuis 2004) et l’hystérie des
changements qui s’en est suivi.
* Le stress au travail, dénoncé par plusieurs syndicats dont l’appel au secours
n’a d’abord reçu aucune réponse ; ensuite dans la dernière période, lorsqu’il y en
a eu une, celle-ci s’est avérée totalement inadaptée.
* L’absence de « motivation pour le travail » qui a prévalu.
* La « médicalisation » du problème lorsque le management s’est décidé à
mobiliser les médecins du travail pour faire face à la crise.
Le cas de France Telecom ayant fait l’objet d’une couverture exceptionnelle de la
part des médias, plusieurs initiatives politiques ont suivi : des missions
parlementaires sur les risques psychosociaux ; une mission extraordinaire
commandée par le Premier ministre sur le stress au travail ; des propositions
adressées aux entreprises, émanant du ministère du Travail, pour développer la
prévention des risques psychosociaux, également dans le cas de
restructurations, et ouvrir des négociations sur le stress pour les entreprises
comptant plus de 1000 salariés, ceci avant la mi-février 2010. Un classement des
entreprises a été établi, qui reposait sur l'affectation de trois couleurs : vert pour
celles ayant conclu un accord, orange pour celles ayant établi un diagnostic, et
rouge pour les autres. Ce classement a été ensuite abandonné.
Allemagne
L’atelier allemand s’est tenu le 10 septembre 2009 dans les locaux du BauA,
l’institut national allemand pour la santé au travail ; il a réuni 43 participants
venant d’horizons différents :
- des professionnels du BauA ;
- des représentants du ministère du Travail et des Affaires sociales ;
- des représentants des assurances maladies et des caisses de prévoyance
des accidents du travail (Berufsgenossenschaften) ;
- des responsables d’entreprise ;
- des représentants des syndicats au niveau national et au niveau des
entreprises ;
- des représentants d’un institut régional pour la santé et le travail (LIGA
NRW) ;
- des consultants d’agences de travail temporaire ;
- des professionnels de services pour la promotion de la santé au travail.
21
Dans un pays durement touché par la crise (avec une réduction du PIB de 5,6 %
en 2009), mais qui a également pris de nombreuses mesures économiques et
sociales pour faire face à cette situation, les conséquences des restructurations
sur la santé des salariés et la nécessité de prendre des mesures adéquates ont
tout naturellement fait l’objet d’un consensus parmi les participants. En
particulier, l’instauration du chômage partiel qui portait sur 1,3 million de salariés
(ce qui a permis de réduire les chiffres du chômage d'environ 400.000
demandeurs d’emploi) est devenue une référence européenne. Nombreux sont
les pays qui ont essayé de suivre l’expérience allemande au cours de la crise, en
2009.
Les plans allemands ont limité l’augmentation des chiffres du chômage dû à la
récession à 300 000 cas (une augmentation qui a fait passer le nombre de
chômeurs de 3,3 à 3,6 millions). Toutefois, les discussions ont montré que, dans
les faits, ces nombreuses interventions se révélaient être clairement à la traîne
par rapport aux conclusions et aux prévisions des spécialistes. Les points les
plus marquants ont été les suivants :
L’exemple des bonnes pratiques et son effet d’entraînement. Ce ne sont ni
la politique ni les sciences sociales qui ont incité les entreprises à changer leurs
pratiques ; pour cela, il a fallu qu’elles constatent par elles-mêmes les effets
délétères des restructurations. Dans l’activité quotidienne des entreprises, les
PME-PMI en particulier, ces sujets sont souvent délibérément ignorés en raison
de ressources financières limitées. Diffuser les exemples de meilleures pratiques
aussi largement que possible est une idée qui a remporté une large adhésion
des participants. Mais les expériences passées montrent que l’efficacité de cette
stratégie a ses limites : est-il suffisant de s’en remettre à la bonne volonté des
entreprises ? Il est apparu à tous que l’élaboration de nouvelles normes qui
s’imposeraient à l’entreprise et le contrôle des établissements s’avéraient des
mesures indispensables. Un autre constat a été fait : les sociétés d’assurance
proposant des contrats santé aux particuliers se sont déjà emparées du sujet et
se préoccupent des effets des restructurations sur la santé. Il en ressort qu’une
étude approfondie devrait être menée sur la question de savoir comment obliger
les acteurs sociaux à mettre en œuvre les meilleures pratiques visant à palier
ces effets. Enfin, les enquêtes sur les exemples de bonnes pratiques ont montré
que les expériences pratiques de restructurations réussies suscitaient beaucoup
d'intérêt.
La mauvaise santé en tant que facteur de coût et la nécessité de mesures
préventives. Une autre stratégie consiste à pointer du doigt le coût élevé de la
santé pour les entreprises qui mènent des restructurations précipitées et
intensives. Les entreprises seraient beaucoup plus disposées à participer à des
projets sur la promotion de la santé au travail si l’on faisait mieux ressortir les
avantages économiques liés à ce type d'opération. Toutefois, dans ce domaine,
une analyse qui porterait sur le rapport entre le coût et les avantages d’une part
et la rentabilité d’autre part est très compliquée car les calculs reposent sur
différentes hypothèses. Souvent, les indicateurs précoces ne sont pas
considérés comme tels, et les avantages en termes de santé sont toujours
perçus avec un certain retard. Si la santé doit être considérée comme un facteur
de coût lors des processus de restructuration, cela signifie-t-il que ces coûts
devraient être réinternalisés ? Certains participants ont fait remarquer que les
activités de promotion de la santé doivent être menées bien avant. Mieux vaut
prendre des mesures préventives que de « se contenter de réparer les dégâts »
après une période de changement. Mais la santé est très rarement intégrée au
développement stratégique de l’entreprise.
22
Des méthodes adéquates. Plusieurs participants ont mis en avant la nécessité
de disposer d’instruments à jour étant donné l’évolution des conditions de travail.
Par exemple, il conviendrait d’évaluer précisément les risques associés aux
restructurations et de mettre régulièrement à jour cette évaluation ; les
entreprises devraient, elles aussi, utiliser régulièrement un questionnaire
approprié sur la relation entre stress et restructuration. De même, lors des
formations professionnelles, il conviendrait de faire prendre conscience de ces
aspects-là de la santé aux participants. Enfin, des méthodes appropriées doivent
être mises à disposition de toutes les entreprises, en particulier des entreprises
moyennes.
Veille. Une enquête menée régulièrement au LIGA NRW, encouragée par les
résultats du rapport HIRES, a pris en compte le stress psychologique dû aux
restructurations. En 2009, sur 15 facteurs de stress psychologique répertoriés,
les restructurations étaient au 4ème rang.
Italie
Le 9 juillet 2009, 36 experts se sont réunis à Florence pour discuter du rapport
final HIRES et étudier en détail les recommandations proposées portant sur les
relations entre restructurations d’entreprise et santé. Ils ont également évalué
cette relation et ces recommandations au regard des particularités de la situation
italienne, en s’intéressant plus particulièrement aux petites et moyennes
entreprises. Cet atelier a réuni les représentants de grandes entreprises
italiennes, de multinationales ayant des bureaux en Italie, de groupes bancaires
italiens, de compagnies multiservices (les anciennes entreprises municipales de
services collectifs) ; y ont également participé les représentants d'institutions et
d’administrations régionales, des chercheurs de plusieurs centres de recherche
et des universitaires, ainsi que des experts d'entreprises de taille plus modeste et
les délégués des associations représentatives (par exemple, le professeur
Sergio LAVICOLI, secrétaire général du CIST, la Commission Internationale de
la Santé au travail).
Cet atelier a fait ressortir les points suivants :
- La nature très diversifiée des approches en matière de restructurations et
du bien-être au sein des entreprises.
- L’absence de bases de données réelles et homogènes sur les effets des
restructurations au niveau national et européen, précisément dans les PME–
PMI, sur lesquelles il est particulièrement difficile de collecter des données ;
en revanche, la santé dans les entreprises peut être mesurée à l’aune de la
satisfaction et du bien-être des salariés : une restructuration qui ne prend pas
en compte le bien-être des salariés se traduit par une perte généralisée de
productivité ; une entreprise responsable attire des personnes qui sont à la
fois plus compétentes et qui ont plus de connaissances, c’est-à-dire celles qui
sont les plus recherchées sur le marché du travail.
- Le besoin d’imaginer des solutions de restructuration qui portent moins
atteinte au bien-être des salariés : des solutions originales et souples qui
tiennent compte de la région et des acteurs sociaux indirectement concernés,
qui ne se limitent pas à la simple mise en œuvre des plans de licenciement ; il
est essentiel de pouvoir concilier la flexibilité de l’entreprise et la résolution du
problème de la précarité de l’emploi pour que cette précarité n’entache ni le
climat ni la confiance au sein de l’entreprise et qu’elle n’ait pas de
conséquences sur la productivité.
23
En ce qui concerne les PME-PMI, il ressort que les petites entreprises
constituent l’essentiel de l’activité industrielle, en Italie comme en Europe, et
qu’elles sont en quelque sorte l’épine dorsale de l’économie. Toutefois, les
grandes entreprises et les petites entreprises ont des paradigmes différents et il
n’est pas possible d’adopter les mêmes approches pour les PME-PMI que pour
les grandes firmes et les grands groupes ; en plus des catégories à risque lors
des restructurations, mentionnées dans le rapport HIRES, il faut ajouter les
salariés des PMI-PME et les petits patrons qui font faillite.
L’atelier a également insisté sur la nécessité de mettre en œuvre les actions
suivantes :
- Faire prendre davantage conscience aux entreprises et aux institutions,
ainsi qu’à l’opinion publique en général, qu’elles doivent prendre des
initiatives visant à améliorer le bien-être des individus ; faire également
prendre conscience aux décisionnaires que les choix concernant le bien-être
de l’entreprise doivent être opérés au niveau de la direction.
- Traiter conjointement et à tous les niveaux les deux problèmes essentiels
que sont l’emploi et la santé : au sein des entreprises elles-mêmes, dans les
institutions et les catégories représentatives, mais aussi au niveau de la
recherche et des systèmes de collecte des données.
- Faire en sorte que les actions entreprises au niveau de ces systèmes de
collecte des données impliquent d’autres parties prenantes externes dans le
cas des PME-PMI et primer la réputation d’une entreprise en se référant à sa
valeur intrinsèque, sans perdre de vue également l’effet de cascade que la
perte d’une telle réputation peut avoir sur le système des PME–PMI.
- Abandonner la logique du « trop sécuritaire » et investir dans le maintien
d’un climat de confiance, dans un contexte de « contrat psychologique » de
l’entreprise avec les salariés à risque.
- Éduquer les salariés de façon à ce qu'ils considèrent le changement
comme une chance et investir dans la formation tout au long de la vie,
récompenser les salariés qui prennent des initiatives pour améliorer leurs
compétences et progresser dans leur vie professionnelle.
- Encourager l’implication active des administrations publiques locales afin
de générer des solutions « systémiques » pouvant être reproduites.
Lituanie
Depuis 2009, la Lituanie est en prise à une crise économique qui a mis en
lumière aussi bien les problèmes sociaux soulevés par les développements
économiques actuels que les conséquences des changements organisationnels
qui en ont résulté, comme la hausse du chômage et les revendications
insatisfaites des salariés. La crise économique et financière a accéléré le rythme
du changement organisationnel et des processus de restructuration, à la fois
dans les entreprises privées, les institutions publiques et autres organisations.
Un changement et des restructurations d’une telle ampleur ne peuvent se faire
sans sacrifices.
Les travaux de l’atelier lithuanien HIRES Plus, qui s’est tenu le 2 octobre 2009,
ont porté sur des approches innovantes et sur les recommandations de principe.
24
Y ont participé :
- des responsables de la politique de la santé et des responsables de
l’administration issus des différents ministères, à savoir le Travail, la Santé, la
Défense, ainsi que des représentants des commissions parlementaires
chargées des questions de santé, des affaires sociales et du travail du
Seimas (Parlement), de l’Inspection nationale du travail et du bureau de
placement lithuanien ;
- des représentants des entreprises et des syndicats (confédérations et
fédérations);
- des universitaires de l'université de Vilnius et de Kaunas et des
représentants d’établissements d’enseignement ;
- les représentants d’organismes de santé au travail et d’institutions
spécialisées.
Bien qu’il paraisse tout à fait pertinent et opportun de promouvoir une approche
ouverte et socialement responsable vis-à-vis des restructurations, afin d’éviter à
l’avenir des dépenses considérables pour les soins de santé des travailleurs
concernés et de la population dans son entier, ce séminaire a révélé quelques
problèmes spécifiques à ce pays, ainsi que le besoin de rechercher de nouvelles
méthodes de communication entre partenaires sociaux. La table ronde organisée
pendant le séminaire a montré qu’il était possible et profitable d’analyser ces
questions et d’en débattre sous la forme d'un dialogue social, tout en attirant
l’attention de tous sur les problèmes de santé dus à l’environnement de travail
ainsi que leur impact sur le bien-être des citoyens. Les participants se sont
accordés à dire que l’implication des parties prenantes est une condition
essentielle pour une résolution satisfaisante de ce problème.
Les difficultés et les obstacles rencontrés lorsqu’il est question de santé et de
restructurations ont été identifiés comme suit :
- Pour ce qui est de la responsabilité des entreprises, il faut noter qu’elles
sont à la traîne pour développer un modèle de responsabilité sociale et
qu’elles n’ont pas transmis de rapports aux institutions gouvernementales.
- Les corps d’État ont été critiqués pour ne pas avoir suffisamment pris leurs
responsabilités ; dans un même temps, les participants ont reconnu que le
changement rapide de la législation empêchait la mise en place des
recommandations HIRES, en particulier celles concernant le plan de
communication du changement. Certains responsables n’ont pas appliqué la
loi et les corps d'État se sont montrés extrêmement passifs dans ce domaine,
parfois même ils étaient corrompus.
- Les approches en matière de restructuration souffrent également d’un
manque de mécanismes –tampons permettant d’atténuer les effets du
chômage.
- L’État étant avant tout préoccupé par les questions de stabilité
gouvernementale, la santé reste au second plan ; sur le lieu de travail, les
questions de sécurité priment sur celles de la santé. Les employeurs sont peu
disposés à débloquer les fonds supplémentaires qui permettraient aux
salariés de passer des visites médicales. En outre, les carences du système
de soins font que de nombreuses personnes n’ont pas la possibilité de
consulter un médecin.
- Le dialogue entre les partenaires sociaux reste limité, toutefois les salariés
ne prennent guère d’initiatives pour protéger leurs intérêts et leur participation
au mouvement syndical est restreinte.
25
- Au niveau purement pratique, les participants ont souligné le manque de
spécialistes et d’instruments méthodologiques, ainsi que le manque de
connaissances pour élaborer et mettre en œuvre des plans de restructuration.
Toutefois, des possibilités d’agir existent vraiment ou des occasions peuvent se
présenter ; par exemple, il faut :
- diffuser les résultats du rapport HIRES aux employeurs et aux
universitaires ;
- intégrer de façon uniforme les recommandations à l’économie nationale
par le biais de textes de loi, qui obligeraient les employeurs en leur octroyant
certains avantages fiscaux ;
- renforcer le dialogue social et le rôle des syndicats (par exemple, faire en
sorte que les salariés soient obligatoirement représentés dans l’entreprise) ;
- promouvoir les activités socialement responsables et mettre en place un
modèle de responsabilité sociale de l'entreprise ;
- prévoir un soutien aux PME–PMI ainsi qu’un fonds de garantie de
fonctionnement (afin de couvrir la dette des employeurs insolvables) ;
- mener des études plus approfondies sur l’impact des restructurations sur la
santé (des études de suivi sur le long terme), mais aussi :
entreprendre une évaluation qui s’appuierait sur la recherche pour
connaître l’impact des restructurations sur la santé et diffuser les résultats
à l’ensemble des salariés ;
procéder à des enquêtes afin d’identifier les exemples de bonnes
pratiques et en faire prendre connaissance à tous les salariés ;
- améliorer l’accessibilité aux services de santé et renforcer le
fonctionnement des services de santé au travail en Lituanie en ratifiant la
Convention No. 161 de l’OIT ;
- inciter les institutions d’État à s’impliquer davantage par le biais de
différents séminaires et projets conjoints ;
- inclure les restructurations comme facteur de risque dans l’évaluation des
risques psychosociaux et élaborer des instruments méthodologiques
pratiques et des manuels d’action ;
- former des spécialistes (par exemple des psychologues du travail), plus
particulièrement dans le domaine de la santé au travail (à l’inspection du
travail, dans les institutions de santé publique, les bureaux de placement,
etc.).
Pays-Bas
L’atelier néerlandais a eu lieu le 9 avril 2009 et il a réuni 20 participants :
- un représentant des Affaires sociales et de l’Emploi,
- des représentants des entreprises et des syndicats,
- des représentants des comités d’entreprise,
- des représentants des services de santé au travail,
- des consultants indépendants spécialisés dans la santé au travail et la
gestion des relations humaines,
- des représentants d’instituts de recherche et d’instituts de l’éducation
nationale,
- des journalistes.
26
Un certain nombre de thèmes ont dominé les discussions de cet atelier : la
formation des managers, l’employabilité des salariés et les problèmes de
communication, de justice et de participation. La position inconfortable dans
laquelle se trouve le personnel d’encadrement lors des processus de
restructuration est rarement admise. Il semble important que les cadres moyens
soient informés plus tôt et de façon plus détaillée des changements qui doivent
intervenir et qu’ils aient de préférence leur mot à dire, bien que ce soit rarement
le cas. Comme les réorganisations partent souvent d’en haut, les cadres
intermédiaires sont souvent exclus du processus de concertation. La confiance
est un facteur essentiel dans la réussite des restructurations. Les salariés
doivent avoir le sentiment qu’ils sont traités équitablement. Aussi, pour garder
leur confiance pendant des périodes aussi incertaines, il est nécessaire, pendant
le processus de restructuration, de faire preuve d’équité et d’impartialité. Une
communication transparente semble jouer ici un rôle important. De même, il est
primordial de faire preuve de cohérence. Les salariés doivent avoir l’impression
que les décisions concernant la restructuration sont prises et mises en œuvre de
façon équitable, cohérente et impartiale. S’ils ont leur mot à dire dans la prise de
décision, ils seront alors plus enclins à considérer que la procédure est équitable.
Les résultats de l’atelier néerlandais sont le reflet de la culture néerlandaise qui
prône la participation de toutes les parties impliquées dans la prise de décision.
Toutefois, lors de l’atelier, plusieurs obstacles propres aux Pays-Bas ont été
relevés :
- La crainte, parmi les cadres supérieurs, d’une restructuration partant du
bas. Ils pensent en effet que ce type de restructuration est trop difficile et
qu’elle présente beaucoup d’inconvénients.
- Les personnes impliquées ont trop peu d'expérience avec la «
restructuration participative ». Ils ne savent pas comment la mettre en œuvre.
- Les restructurations sont encore considérées comme un phénomène
occasionnel, c’est-à-dire que les personnes ont encore peu d’expérience par
rapport à ce phénomène. Et ils ont besoin d’un scénario, d’un plan d’action.
Dans ces différents domaines, cependant, un certain nombre d’exemples
encourageants et de bonnes pratiques ont été signalés. Ils semblent prometteurs
pour l’avenir et ouvrent la voie à des actions complémentaires visant à protéger
la santé des salariés avant, pendant et après les restructurations.
Roumanie
Parmi les 19 participants, se trouvaient des représentants des administrations
publiques (ministère de la Santé, ministère du Travail, Inspection du travail,
Assurance maladie roumaine, Institut de recherche sur la santé publique), les
partenaires sociaux, des entreprises (le groupe DACIA Renault), des prestataires
de services de santé au travail ainsi que d’autres organismes roumains qui
œuvrent dans le domaine de la santé au travail, à un niveau stratégique et
opérationnel. Des experts et des universitaires étaient également invités. Outre
le coordinateur du projet HIRES Plus, deux autres experts étrangers venant
d’Allemagne et de Slovénie ont également participé à ce séminaire.
27
Le principal débat de ce séminaire portait sur le cas du Groupe Dacia Renault
dont le programme de restructuration incluait une compression de personnel en
20 étapes, portant sur 11 280 salariés et déployée sur 4 ans, du 1er décembre
1999 au 1er septembre 2004. La firme dispose d’une personne responsable des
relations humaines « de proximité », ce qui peut aider à réduire le stress. Elle a
relevé des indicateurs psychosociaux et identifie de nouveaux cas d’anxiété, de
dépression ou de troubles du sommeil ; elle comptabilise par ailleurs le nombre
de visites chez le docteur de salariés présentant différents symptômes de stress
(crises de larmes, troubles neurovégétatifs, etc.). Cette année une évaluation est
lancée, dont certaines questions vont aider à mesurer le niveau de stress des
salariés.
La convention collective de l’entreprise prévoyait et prévoit encore 5 mois de
salaire supplémentaires au niveau des indemnités de licenciement pour les
salariés ayant déclaré une maladie professionnelle. Ce qui les encourage à
signaler leurs problèmes de santé.
L’entreprise en a tiré deux conclusions :
- Il est possible d’établir un lien direct entre l’accroissement du nombre de
maladies professionnelles déclarées et les périodes de restructuration.
- Il peut toutefois exister une relation entre le nombre de maladies
professionnelles déclarées et les avantages matériels obtenus par les
salariés.
L’étude de cas Dacia à ouvert la voie à un débat plus général qui a fait
apparaître plusieurs éléments méritant d’être signalés :
- Les maladies professionnelles en Roumanie : le nombre de maladies
professionnelles déclarées par rapport à la population est infime (environ
1000 cas par an pour une population de 22 millions d’habitants, un chiffre qui
se situe bien en-deçà de la moyenne européenne alors que, de façon
générale, les conditions de travail en Roumanie sont bien moins
satisfaisantes qu'au sein de l’Union européenne). La situation vient du fait que
les médecins du travail sont réticents à diagnostiquer une maladie
professionnelle dans la mesure où le médecin est payé par l’employeur.
Certaines entreprises n’acceptent pas de signaler les maladies
professionnelles, même si elles existent et si elles sont manifestes. Bien
souvent, le salarié hésite lui aussi à déclarer sa maladie de peur de perdre
son emploi, ce qui peut se comprendre.
- En Roumanie, il faut encourager les entreprises socialement sensibles et de
les inciter les autres à s’intéresser davantage au sort des salariés licenciés.
Actuellement, dans la plupart des cas, la préférence va aux indemnités de
licenciement ; les personnes qui ont perdu leur emploi sont prises en charge
par les institutions d’État qui, dans le cas de licenciements massifs, n’ont pas
les ressources nécessaires pour répondre de façon adéquate à la situation.
Les participants ont soutenu l'idée d'une législation plus souple, qui puisse
fournir en temps voulu les ressources financières et humaines pour des
projets liés aux restructurations à un niveau local.
28
- La coopération et la confiance doivent être encouragées entre le salarié et
son employeur. Le dialogue social doit jouer un rôle essentiel dans les
restructurations. Les compétences et les prérogatives du comité d’hygiène et
de sécurité au sein de l'entreprise doivent être améliorées. La crise ne doit
pas être une raison pour réduire les ressources consacrées à la santé des
salariés. Tout doit être fait pour promouvoir la santé au travail au niveau
national, ce type d’action devant constituer une priorité, et pas seulement une
préoccupation temporaire.
Slovénie
Le 23 et le 24 avril 2009, le KIMDPŠ, l’institut de médecine sportive, des
accidents de la circulation et de la santé au travail de l’université de Ljubljana
(Institute of Occupational, Traffic, and Sports Medicine) organisait une table
ronde suivie d’un séminaire intitulé « Company Restructuring and Employee
Health » (Restructuration d’entreprise et santé des salariés). Les deux
événements étaient organisés dans le cadre de l’atelier HIRES Plus. La
conférence a attiré 100 participants, pour la plupart des experts de la santé et
des médecins. La table ronde, animée par le conseiller du président de Slovénie
pour les soins de santé, la prise en charge des personnes dépendantes et les
questions humanitaires, s’est tenue le 23 avril et a rassemblé 27 participants :
- les administrations publiques (organismes de santé publique, Bureau des
statistiques et Chambre pour l’hygiène et la sécurité au travail) ;
- des organisations de salariés et des associations de RH ;
- des médecins ;
- des syndicats ;
- des experts slovènes reconnus, spécialisés dans la communication en
temps de crise, en management, et en droit du travail ;
- le coordinateur HIRES Plus et Elisabeth Armgarth, qui a fait une
présentation sur le processus de restructuration dans la compagnie suédoise
Ericsson.
Les discussions ont essentiellement porté sur les thèmes suivants :
- Perdre son emploi génère un stress important et les Slovènes ont une
attitude particulièrement négative face au chômage, cette attitude ayant
probablement (du moins en partie) des racines historiques. Par conséquent le
risque psychosocial est important, et une aide et des actions immédiates à
l'adresse des salariés licenciés sont nécessaires car actuellement, dans ce
domaine, l’organisation est vraiment insuffisante. C'est à la fois aux
employeurs et à l’État qu’incombe la responsabilité de prendre soin des
salariés licenciés. Tous ceux qui sont impliqués dans les processus de
restructuration, les salariés licenciés comme les managers qui sont tenus de
les licencier, subissent un certain traumatisme. Afin que la prise de
conscience puisse se faire, il est vital de stigmatiser tous ceux qui sont
impliqués dans le processus de restructuration, de quelque façon que ce soit).
- Les salariés occasionnels, qui représentent un groupe important, se trouvent
dans une situation bien pire ; ils sont souvent exposés à des risques plus
graves, mais ne bénéficient d’aucune protection spéciale. Leurs droits doivent
être les mêmes que ceux des autres salariés et ils doivent être protégés.
- Le manque de stratégies de communication (préparées à l’avance) est un
véritable problème ; dès lors, la communication est mauvaise, ce qui sape la
légitimité des changements et la confiance dans le management, et crée une
plus grande incertitude. Le problème de la communication n’est pas restreint
à la sphère de l’entreprise ; on le rencontre également dans les relations de
travail avec les parties prenantes externes.
29
- En Slovénie, également, la prise en charge au niveau humain est
déficiente. C’est pourquoi il est essentiel de former le personnel dans ce sens
(le personnel des RH, les managers, les conseillers, etc.). L’apprentissage
tout au long de la vie n’est pas bien développé.
- Il est nécessaire, au niveau national, d’élaborer et d’éditer des directives
opérationnelles-cadres à l’intention des entreprises (pour les PME-PMI en
particulier) portant sur l'organisation et la mise en place du processus de
restructuration.
- Collecter et analyser des données relatives à la santé des salariés lors des
restructurations est extrêmement important pour évaluer la situation réelle et
prévoir des actions futures dans ce domaine. Il s’agit surtout de s’intéresser
aux liens de cause à effet. Certaines solutions permettant de fusionner les
données de différentes bases de données ont été présentées. Les
restructurations doivent être incluses dans l'évaluation des risques (les
risques psychosociaux).
- Le rôle des médecins agréés dans les conditions de crise d’aujourd’hui
n’est plus le même. Lors d’une restructuration, les spécialistes de la médecine
du travail peuvent servir de médiateurs. Il faut toutefois souligner que leur rôle
est souvent contradictoire car ces médecins sont rétribués par le même
employeur que les salariés, ce qui induit souvent chez ces derniers une
certaine méfiance. Pour cette raison, les médecins agréés devraient être
rémunérés par les compagnies d’assurances et non par les employeurs.
- Pour faire face plus facilement aux situations de crise, à la fois au niveau
national et au niveau des entreprises, la promotion de la santé au travail doit
compter parmi les stratégies.
- Il est nécessaire d’amorcer et de maintenir un dialogue étroit entre toutes
les parties prenantes impliquées qui sont socialement responsables et doivent
toutes tendre au même but.
Espagne
L’atelier espagnol, qui s’est tenu le 24 septembre 2009 avec 45 participants dans
l’un des pays les plus frappés par la crise avec un taux de chômage dépassant
les 20 %, a porté essentiellement sur les thèmes suivants :
- Lien entre santé et processus de restructuration pendant une période de
récession – Dans les grandes entreprises, le thème de la santé est absent de
la table des négociations lors des restructurations, mais cela est encore plus
vrai dans les PME–PMI. Dans la situation actuelle, la part et le temps
consacrés à ce problème dans le cadre des négociations sur le processus de
régulation de l’emploi, qui sont des processus réglementés, ne permettent pas
d'ajouter de nouveaux éléments en plus de ceux strictement liés à l'emploi et
à l'économie : de ce fait, la santé des salariés n'est pas incluse dans les plans
sociaux. Le fait est que ce sujet n’est pas inscrit non plus à l’ordre du jour des
réunions des syndicats, des employeurs ou des administrations publiques. En
outre, la santé et la prévention des risques au travail sont associées, dans
l’esprit de beaucoup, à des coûts élevés.
- La prévention, une approche payante pour l’entreprise – Paradoxalement,
plus l’impact des restructurations sur la santé des salariés se fait sentir et
moins le critère « santé » est pris en considération. Pourtant, améliorer le
bien-être des salariés est encore plus nécessaire dans une situation de crise
économique mondiale, période pendant laquelle sont diffusées
quotidiennement des statistiques négatives et où les problèmes sociaux et
familiaux (les remboursements de prêts hypothécaires) prennent de l'ampleur.
30
Du point de vue des syndicats au moins, les représentants des salariés, qu'ils
soient chargés ou non des questions d’hygiène et de sécurité au travail,
devraient prendre conscience de la nécessité de débattre de l’impact des
processus de réorganisation et de restructuration d’entreprise sur la santé.
Qui plus est, il est impérieux que les syndicats, au niveau de l’entreprise
comme au niveau des différents secteurs d’activité, coordonnent leur action
en ce qui concerne la santé au travail.
- Le manque de données – Avec la récession, la situation qui prévalait n’a
fait qu’empirer ; des études montrent que la charge de travail et la pression au
travail ont augmenté en même temps que l’instabilité de l’emploi, ce qui
constitue un facteur d’incertitude pour l’avenir. En Espagne, aucune étude
précise n'a véritablement été menée sur ce sujet. Des études longitudinales
seraient souhaitables, mais elles nécessiteraient une prise en charge sur le
long terme. Toutefois, des analyses portant sur l'un des aspects du problème,
et dès lors peu coûteuses, peuvent être menées et fournir ainsi des résultats
intéressants, comme cela a été le cas pour l'étude réalisée sur la SEAT de
Barcelone, en 2008 et 2009 : cette étude avait pour objet de déterminer
l’impact des facteurs liés au travail, tels que la procédure administrative de
licenciement collectif, en matière de pathologie psychiatrique sur les salariés.
- Nécessité de repenser le nouveau paradigme européen selon lequel la
flexicurité favoriserait et augmenterait l’employabilité. Ce paradigme inclut
également des éléments qui transfèrent sur les salariés un fardeau : celui de
garantir leur employabilité lors des transitions professionnelles et des
changements d’emploi. De récentes approches sur la flexicurité veulent
mettre la pression sur les salariés pris individuellement, sans prendre en
compte l’impact de ces approches et leurs effets sur la santé individuelle ou
collective.
Jusqu’à présent, l’approche flexicuritaire ne fait aucune référence au bien-être
ou à la conciliation de la vie professionnelle ou personnelle, ni à la santé au
travail ou à la santé mentale.
- Nécessité d’intégrer de façon plus générale la santé à l’entreprise, ce qui
ne se fait toujours pas en Espagne. Il existe encore trop de problèmes pour
que les lois sur la prévention des risques puissent être véritablement
respectées. En Espagne, la prévention est encore entre les mains des
compagnies d’assurance privées, ce qui conduit à une guerre des prix et se
traduit par une moindre qualité des services fournis. C’est la raison pour
laquelle les risques ergonomiques et psychosociaux ne sont pas enregistrés
ou évalués dans les petites entreprises. Le système d’évaluation des risques
utilisé par les mutuelles ne prend pas en considération l’exposition aux
risques psychosociaux et se concentre seulement sur les risques d’accidents
dans les emplois traditionnels.
31
Suède
Alors que la Suède a été très tôt et assez durement frappée par la crise depuis
2008, elle s’en sort relativement bien en ce qui concerne la gestion de la santé
dans les restructurations. La façon d’intégrer la santé aux restructurations et de
la gérer dépend de la façon dont ces dernières sont organisées. Or, en Suède,
les restructurations sont généralement bien organisées. Les employeurs et les
syndicats se sentent fortement concernés par le sort des salariés licenciés et ils
négocient des clauses spécifiques afin de les aider à retrouver un travail. Par
ailleurs, les acteurs impliqués dans le soutien des travailleurs licenciés sont
organisés en un réseau relativement dense, les « conseils pour la sécurité de
l’emploi », qui sont des organismes d’aide à la réinsertion efficaces et bien
organisés, dont certains sont spécialisés dans les questions de santé et de
réhabilitation.
Organisée le 16 septembre 2009, l'atelier suédois a réuni 27 participants issus
des entreprises, des syndicats, des conseils pour la sécurité de l'emploi, du
Gouvernement et du Parlement. Ils ont débattu de nombreuses questions en
s’appuyant sur des études de cas et ont organisé une table ronde. Leurs
discussions ont fait ressortir les points suivants :
- Il est difficile de tracer une frontière nette entre la responsabilité de
l’entreprise, qui consiste à promouvoir la santé sur le lieu de travail, et la
responsabilité de l'État et des autres acteurs publics, qui est de prendre soin
de la santé des salariés. La responsabilité de réhabilitation étendue de
l’employeur peut se traduire par une plus grande attention de sa part aux
problèmes de santé des travailleurs. Toutefois, une responsabilité a
également été reconnue aux salariés : celle de se maintenir en bonne santé.
- L’importance d’une promotion de la santé sur le long terme sur le lieu de
travail. En période d’expansion, certaines entreprises ne se soucient pas
forcément de la santé de leurs salariés. Et même lorsqu’elles réalisent
qu’elles doivent faire quelque chose pour des salariés qui, une fois licenciés
se retrouvent avec des problèmes de santé, il leur est difficile de faire quoi
que ce soit puisque les employeurs n’ont pas accès aux dossiers médicaux
des salariés.
- La pression croissante, dénoncée par l’ensemble des participants, imposée
aux salariés en termes de capacité de travail.
- La question de la formation des managers a été posée : ne faudrait-il pas
aussi bien leur apprendre à gérer les récessions et les situations difficiles que
les reprises ?
- Enfin, et ce point n’est pas moins important, les restructurations
silencieuses qui touchent les travailleurs temporaires tout comme les PMEPMI méritent une plus grande attention.
La réussite du modèle suédois en matière de santé dépend de sa capacité à
intégrer ceux qui sont en dehors du système. Il ne s’agit pas seulement de se
soucier de ceux qui, temporairement, ont un emploi. Il faut aussi se soucier de
ceux qui sont en position de travailler mais qui ne peuvent le faire en raison de
problèmes de santé. Le système de protection sociale suédois est dépendant de
la population active. Tant que les citoyens travaillent, ils sont relativement bien
protégés. Toutefois lorsque les salariés souffrent d’une mauvaise santé, ils sont
pris en charge par l’État. Étant donné le perpétuel débat sur l’efficacité de ce
système, la responsabilité a été déplacée vers les employeurs.
32
L’État a étendue la responsabilité des employeurs en leur donnant la possibilité
de réhabiliter les salariés qui souffrent de problèmes liés au travail. Dès lors, la
tendance est d’inclure les aspects liés à la santé dans les accords collectifs, pour
compenser les indemnités de maladie réduites de la part de l’État et accorder
des assurances maladie importantes aux salariés.
Royaume-Uni
Particulièrement frappé par la crise financière, et pas seulement dans le secteur
des services financiers, le marché du travail du Royaume-Uni a surtout mis
l’accent sur la flexibilité de façon à ce qu’il y ait moins d’entraves aux
restructurations. L’atelier HIRES Plus du Royaume-Uni, organisé le 6 juillet 2009,
a réuni 20 participants issus :
- de quelques entreprises de renom,
- des syndicats,
- des universités,
- d’un organisme chargé de favoriser les relations entre les entreprises par
le biais de services de conseil, de conciliation et d’arbitrage, le ACAS.
Ont également participé à cet atelier, Jean Lambert, député du Royaume-Uni au
Parlement européen, ainsi que les deux coordinateurs des projets HIRES et
HIRES Plus.
À l’issu de cet atelier, le consensus était général : les restructurations ont un effet
préjudiciable sur la santé de ceux qui sont directement touchés mais aussi sur la
santé des « survivants », c’est-à-dire de ceux qui gardent leur emploi malgré la
restructuration. Les difficultés économiques actuelles renforcent la pertinence
des conclusions du projet HIRES en ce qui concerne la protection et la promotion
de la santé, en faisant ressortir d’éventuelles différences entre les sexes.
On notera que le Conseil exécutif sur l’hygiène et la sécurité en traitant du stress
sur le lieu de travail avait déjà mis en évidence les effets potentiellement
délétères des restructurations, mais que les témoignages mettent en évidence le
petit nombre d’entreprises ayant pris des mesures pour régler ce problème. La
santé dans les restructurations est un sujet qui n’intéresse pas grand monde,
même parmi les syndicats. Pourtant, un syndicat au moins, « Prospect », a remis
à ses membres une brochure sur l’impact des restructurations sur la santé et la
sécurité intitulée « Fair Change » (un changement acceptable).
Les participants sont tombés d’accord sur le fait que certaines mesures peuvent
être prises par les institutions et les acteurs sociaux pour atténuer les effets des
restructurations sur la santé des salariés. Au Royaume-Uni, les entreprises qui
ont pris des mesures pour régler les problèmes de santé engendrés par les
restructurations sont des grandes firmes où le capital humain est un facteur
particulièrement important pour le succès de l’entreprise. Éventuellement, cela
peut faire parti d’une approche des restructurations basée sur l’évaluation des
risques.
Après avoir discuté de plusieurs recommandations du rapport HIRES, la plupart
des participants les ont approuvées et beaucoup ont fait ressortir l’importance de
mettre en place un mécanisme pour contrôler le stress au travail de façon à
pouvoir identifier les problèmes et à pouvoir les traiter rapidement.
Un point clé a émergé de ce séminaire : faire en sorte que les recommandations
HIRES remportent une plus large adhésion. Ce point est peut-être plus important
sur un marché du travail flexible comme celui du Royaume-Uni.
33
Chapitre 3 : Discussions des recommandations
HIRES
L
’ objectif principal du projet HIRES Plus est d’évaluer la façon dont les
recommandations de principe formulées dans le Projet HIRES ont été
perçues. Ces 12 recommandations ont joué un rôle important lors des
séminaires organisés dans les pays de l’ex-Europe des 13 impliqués dans
HIRES Plus.
Les débats menés dans les différents pays ont montré que les recommandations
ont été unanimement acceptées, un consensus général auquel ne s’attendaient
pas les coordinateurs. Rares ont été les participants qui n'ont pas insisté sur
l’importance du sujet et ils ne furent que quelques-uns à douter de leur
applicabilité et de leur viabilité.
Le séminaire italien a été le seul à évoquer la nécessité d’inclure dans
l’évaluation des risques de restructuration les petits patrons qui font faillite en
raison de la crise comme groupe cible à prendre en considération dans les
questions de santé liées aux restructurations.
Lors du séminaire bulgare, une évaluation a été menée : tous les participants,
sans exception, ont reconnu l’utilité de ce séminaire, en rapport direct avec la
situation économique du pays, et ils ont souligné que des forums nationaux de
ce type, avec une participation internationale, seraient pertinents. De nombreux
autres séminaires ont mis en avant la nécessité de continuer à organiser des
ateliers nationaux centrés sur des recommandations comme celles du rapport
HIRES
Seuls deux séminaires, celui des Pays-Bas et du Danemark, ont établi un ordre
de priorité entre les recommandations. Les participants néerlandais ont
considéré que les recommandations portant sur les cadres (4), l’équité et la
confiance (6), ainsi que celles concernant les salariés temporaires (8) étaient les
plus importantes ; les moins importantes étant celle relatives à la santé et à la
sécurité au travail (9), aux victimes directes (2) et au suivi (1). Les participants du
séminaire danois ont également établi une hiérarchie des recommandations :
celle concernant les cadres étant la plus importante, suivie de celles portant sur
le plan de communication (7), les « survivants » (3), l’équité et la confiance (6).
Suivi et évaluation
Le manque de données empiriques et l’intégration insuffisante des données
collectées au niveau national ont été souvent mentionnés et critiqués. Au niveau
des entreprises, surtout, rarement des données ont été collectées sur les
processus de restructuration. Par ailleurs, le suivi nécessite un traitement
conjoint des deux aspects critiques que sont l’emploi et la santé au niveau de la
collecte des données et de la recherche. Afin d’établir des relations causales et
d’en connaître plus sur les conséquences des restructurations
« irresponsables », des études détaillées bénéficiant d’un suivi à long terme
doivent être également menées parallèlement à des approches à court terme,
plus utiles pour des évaluations immédiates.
34
Comme préalable, dans l’évaluation des risques pour la santé en général, il faut
intégrer les risques psychosociaux associés aux restructurations, tout comme
dans l’évaluation des risques psychosociaux en particulier, il faut prendre en
compte les risques associés aux restructurations.
Dans certains pays, l’évaluation des risques ne comprend même pas la
dimension psychosociale (comme c’est le cas pour les mutuelles espagnoles).
Lorsqu’on évalue l’impact des restructurations sur la santé, il faudrait prendre en
compte l’écart grandissant des inégalités en matière de santé. Toutefois, la
nature de plus en plus précaire du marché du travail ne facilite pas le suivi des
risques ; bien au contraire, elle rend ce suivi encore plus difficile étant donné que
la précarité des emplois fait obstacle à la recherche scientifique qui, dès lors, est
beaucoup plus difficile à mener.
Les recommandations HIRES se sont traduites dans les faits par un nouveau
concept : celui de l’institut LIGA-IRES (un institut pour la santé et le travail) qui
préconise de mener chaque année une enquête régulière sur les risques
psychosociaux au travail. Après avoir participé à un atelier HIRES en 2008, la
direction de cet institut a décidé d’inclure les restructurations comme élément de
stress dans l’enquête de 2009. Dès lors, parmi les 15 critères de la liste, celui-ci
s’est vu attribuer la quatrième place dans les facteurs de stress.
Plusieurs pays ont déjà mis en place des systèmes de suivi où les
restructurations sont considérées comme l’une des causes des problèmes de
santé ; d’autres pays peuvent profiter de cette expérience et développer leur
propre système. L’harmonisation des jeux de données constitue cependant un
aspect important si l’on veut rendre les résultats comparables et permettre la
fusion des données provenant de différentes sources déjà en place. Un autre
problème, considéré comme essentiel, est l'échange des connaissances
résultant de ces études de suivi avec les entreprises, les autorités régionales et
nationales et les autres pays de l’Union européenne.
Au niveau de l’entreprise, le rapport HIRES a fourni quelques excellents
exemples de multinationales qui ont mis au point des approches différenciées
pour effectuer un suivi des niveaux de stress. Plusieurs séminaires nationaux se
sont appuyés sur ces exemples.
Les employeurs sont intéressés par les données concrètes portant sur le ratio
coût-bénéfice car ils sont davantage enclins à mettre en place des mesures
concrètes si le rapport coût-efficacité est prouvé. La santé au travail doit
également reposer sur des notions traditionnelles comme la satisfaction et le
bien-être professionnels. En liant le problème de l'emploi aux problèmes de
santé publique, le suivi des restructurations doit être complété par des analyses
portant sur la modification des comportements dommageables à la santé, le
développement de la violence, les comportements inacceptables et les accidents
sur le lieu de travail pendant les restructurations.
La première analyse sur les données d’absence au travail et les premières
enquêtes auprès des employés peuvent être utilisées pour prendre des mesures
préventives. Les diagnostics des facteurs de risque, du rôle déterminant de la
communication et de la culture de la santé, ainsi que l’évaluation de la
motivation, la satisfaction professionnelle, la participation et le bien-être au travail
peuvent être des indicateurs utiles pour développer de meilleures chances pour
promouvoir la santé.
35
Le processus de suivi doit être régulièrement élargi de façon à englober la phase
qui suit le licenciement des employés. Ici, il paraît impératif de disposer
systématiquement d’évaluations indépendantes.
Les victimes directes des réductions d’effectifs : les personnes
licenciées
Bien que le rapport HIRES ait surtout mis en lumière le sort de certains groupes,
comme les « survivants » et les responsables d’entreprise, le groupe cible qui
nécessite une attention particulière est le groupe des salariés qui sont licenciés
ou qui vont l'être.
Les licenciements doivent être considérés comme une responsabilité partagée.
Ils donnent lieu à une large gamme de réactions individuelles ; pour certains
groupes vulnérables, il s’agira d’une véritable « bombe », avec des implications
économiques et psychosociales, alors que pour d’autres, le licenciement sera
vécu comme une occasion de changer d'emploi.
Afin d’évaluer la sensibilité de chaque individu au stress que peut procurer la
perte d’un emploi, il a été suggéré comme pour les entretiens pour absence en
cas de maladie prévues par la loi d’imposer un entretien préalable obligatoire.
Cette tâche peut être confiée à d’autres institutions ou sociétés de conseil.
Ce que le rapport HIRES décrit sous le vocable de « convoi social » dans le cas
des transitions professionnelles est parfaitement illustré par un concept suédois.
Une fois que les licenciements sont effectifs, le Conseil pour la sécurité de
l’emploi prend soin de l’ensemble des salariés licenciés en leur proposant une
aide immédiate et des conseils (différents de ceux que peuvent apporter les
pouvoirs publics et les organismes chargés des soins de santé). Cette prise en
charge précoce permet d’identifier rapidement les individus qui ont besoin d’une
réhabilitation ou d’une attention particulière.
Les entreprises développent une conception plus large de la responsabilité
sociale par rapport à ceux qui doivent quitter l’entreprise. Cette conception est
pour partie le résultat d’une nouvelle définition de la citoyenneté d’entreprise,
mais elle s’explique également par les effets collatéraux négatifs associés aux
troubles sociaux, tels que les menaces proférées par les travailleurs licenciés ou
encore les conflits sociaux et les actes de violence individuels comme ceux que
l’on a observés en France en 2008 et 2009.
Les salariés licenciés, toutefois, ne doivent pas être considérés seulement
comme des victimes passives qui ont besoin de protection et
d'accompagnement ; ils peuvent également faire preuve d’initiative et s’organiser
en créant des blogs et des associations. On peut considérer cela comme sorte
de thérapie de groupe qui permet de développer une certaine résistance face à
l’adversité après le traumatisme du licenciement. Ces stratégies qui consistent à
se prendre en main, bien qu’ayant peu de poids et qu’étant précaires en réalité,
les aident à devenir des agents de leur propre avenir et pas seulement les
victimes qui reçoivent passivement l'aide qui leur est accordée.
Étant donné l’impact désastreux que peuvent avoir la perte d’un emploi ou le
chômage sur la santé, une question se pose : faut-il encore peser davantage sur
les victimes en reconnaissant les maladies dues à l’impact des restructurations
comme des maladies professionnelles, pour que cela se traduise en plus par un
coût important pour l’employeur ?
36
Un problème spécifique a été soulevé : le fait que très souvent les syndicats et
les comités d’entreprise se polarisent sur les indemnités de licenciement pour
compenser la perte d’emploi des salariés licenciés, alors que l’impact de cette
situation sur la santé, qui se fait sentir pendant une plus longue période, est un
problème souvent négligé.
Le concept de « promotion de la santé intégrée au marché du travail », élaboré
par une assurance maladie nationale (Danemark), semble une approche très
prometteuse qui associe la promotion de la santé à la réintégration des sansemploi au marché du travail. Cette approche permet en effet de ne pas séparer
(ce qui s’avère improductif) la promotion de la santé des efforts d’intégration au
marché du travail. Par ailleurs, le manque d’attention portée à la transition de la
part des entreprises qui licencient, et même des syndicats et des agences pour
l’emploi, a été critiqué.
L’idée, récente, selon laquelle les patrons, propriétaires ou non, de PME ruinés
par la crise doivent être considérés également comme des victimes directes a
trouvé un écho en Allemagne où le premier groupe d’entre-aide appartenant à
cette catégorie de victimes a rendu publiques ses exigences.
Réactions des survivants et performance de l’entreprise
Dans de nombreux séminaires nationaux, il est apparu que l’idée selon laquelle
les salariés qui restent dans l’entreprise après la restructuration doivent être
chargés d’assurer le suivi et la promotion de la santé constitue une approche
réellement innovante et la principale valeur ajoutée du projet HIRES.
Les survivants sont considérés comme l’épine dorsale de l’entreprise et ils sont
essentiels pour sa performance future. En dehors des caractéristiques
organisationnelles modifiées de l’entreprise, toute amélioration prévue en termes
de productivité ou toute économie de coûts repose principalement sur les
réactions individuelles des survivants, leurs compétences et leur attitude.
Les objectifs de l’entreprise ne seront atteints que si la santé des employés
restants est prise sérieusement et systématiquement en considération, et si leurs
problèmes émotionnels et leurs réactions au stress résultant de la crainte de
perdre leur emploi ou de devoir travailler plus sont gérés de façon responsable.
L’entreprise a besoin de communiquer ouvertement sur les réactions
émotionnelles des survivants, par exemple le sentiment de culpabilité, le manque
de confiance, la frustration d’avoir perdu des collègues sympathiques, devenus
parfois des amis, et la crainte d’être le prochain sur la liste.
Les réactions des survivants dépendront surtout de ce qui a été fait pour les
employés licenciés. S’ils considèrent que les décisions et les procédures ont été
équitables, ils auront moins de raisons de douter de leur propre avenir dans
l’entreprise.
Des rapports ont été rédigés sur les initiatives exceptionnelles des syndicats,
comme l’Observatoire du stress et de la mobilité forcée mis en place par certains
syndicats à France Télécom. Les problèmes de santé observés sont les
suivants : stress intense, troubles dépressifs, troubles musculo-squelettiques,
suicides, etc. Les travaux de cet observatoire ont nourri les débats publics sur le
stress des survivants en France lorsque les raisons de ces suicides en trop
grand nombre à France Telecom ont été connues du public, en 2009.
37
Pour parer à ces problèmes, des solutions ont été évoquées : la création d’un
réseau de sécurité ou d’un réseau de crise pour les salariés survivants, qui ferait
intervenir les comités d'hygiène et de sécurité au travail, les services sociaux, les
syndicats, des conseillers en psychologie, des membres du C.E. et pourquoi pas
un centre d'assistance via le Web.
Le personnel d’encadrement a un rôle crucial à tenir, celui de fournir une vision
claire sur l’avenir de l’entreprise. Dans ce contexte, les attentes des survivants
doivent être analysées. La façon dont un département donné doit fonctionner à
l’avenir avec un effectif réduit pour produire la même quantité de travail doit être
clairement définie. Le problème réside dans la nécessité d’élaborer un contrat
psychologique après les restructurations, en particulier pour les salariés qui se
sentent délaissés. Cette mesure est indispensable si l’on veut restaurer un climat
productif dans l’entreprise.
Responsabilité des cadres dans le processus de
restructuration
Dans tous les séminaires, le rôle de l’encadrement intermédiaire était au centre
des préoccupations car c’est à lui que revient la tâche d’exécuter et de conduire
le processus de restructuration, et non à la direction de l’entreprise, dont le rôle
est de décider du changement et qui laisse souvent le personnel d’encadrement
intermédiaire en dehors du processus de réflexion constructive. Les
responsables intermédiaires sont souvent le groupe dont on ne tient pas compte
dans les restructurations en dépit du fait qu’ils sont des parties prenantes clés et
qu’ils doivent communiquer et mettre en œuvre les visions associées au
changement. Leur rôle ne saurait être suffisamment mis en valeur. Ce message
est clairement ressorti de tous les séminaires.
Pour assurer le bon déroulement du processus de restructuration, le personnel
d’encadrement intermédiaire doit non seulement être à même de mettre en
œuvre le changement, mais il doit pouvoir y allouer le temps et les ressources
nécessaires. S’il n’adhère pas totalement au changement, celui-ci est voué à
l’échec. Par ailleurs, il doit avoir la possibilité de reporter les problèmes à la
direction. La position en sandwich de ces cadres intermédiaires, comme modèles
de leur rôle et acteurs du changement, mais aussi comme victimes potentielles,
les met au cœur de la restructuration d’entreprise.
Dans l’état actuel des choses, l’impact des restructurations sur la santé ne fait
pas partie de la formation des managers. Pourtant, ce sujet devrait être
obligatoire dans les études de gestion, les écoles de commerce ou les
programmes de formation interne afin de préparer le personnel d’encadrement à
prendre en considération l’aspect de la santé et pour qu’il soit capable de
communiquer avec des salariés licenciés. Certaines idées ont été avancées sur
des cours de formation obligatoires, ainsi que sur les aptitudes et les
compétences respectives qui permettraient aux cadres moyens de mieux
surmonter les difficultés liées à leur position intermédiaire et d’améliorer les
procédures de restructuration dans l’intérêt des employés : sensibilité
interpersonnelle, coaching, confiance en soi, pensée conceptuelle, orientation
des résultats, style de gestion souple. Outre ces différents aspects, certaines
caractéristiques et styles de management jouent un rôle important, par exemple
une attitude positive, la cohérence, l’authenticité et l’intégrité.
38
Les managers doivent également acquérir certaines connaissances et être
sensibilisés de façon à pouvoir identifier très tôt certains signes révélateurs d’un
excès de stress chez les salariés. Dans de nombreux séminaires, il est apparu
nécessaire d’élaborer une théorie de la gestion du changement basée sur la
recherche et de préparer sa mise en œuvre pratique, afin de pouvoir ensuite
intégrer systématiquement l’une et l’autre à la formation des cadres
intermédiaires.
Un problème important demeure : les cadres moyens sont rarement informés tôt
et en détail des changements prévus et ils ont rarement voix au chapitre. Ce qui
fait obstacle à cette approche, d'une restructuration plus participative, c'est la
crainte ressentie par les cadres supérieurs de l’entreprise d’une restructuration
ascendante.
De nombreuses restructurations étant décidées au niveau le plus élevé de
l’entreprise, les cadres moyens n'ont souvent pas la possibilité de prévoir les
changements et de proposer d'autres types de solutions. C’est l’une des raisons
pour lesquelles ils doivent être impliqués plus tôt qu’ils ne le sont actuellement.
Anticipation et préparation organisationnelles
Actuellement, que ce soit au niveau de l’entreprise ou de la région, ou encore au
niveau national, il y a trop peu de préparation et d’anticipation. C’est le résultat
d’une vision « en tunnel » ou à court terme, ou encore cela est dû à un manque
généralisé de connaissances ou à un sens insuffisant de la responsabilité. Dans
ce domaine en particulier, une directive européenne inspirée de bons exemples
pratiques pourrait s'avérer utile. Des actions au niveau de l’entreprise ou au
niveau sectoriel sont également importantes.
Des mesures fiscales pourraient être instaurées pour palier le manque de fonds
nécessaires à la formation dans les entreprises pendant les périodes de crise. Le
concept allemand de chômage partiel accompagné d’une formation
supplémentaire a reçu un large écho en 2009 comme il s’agissait d’une tentative
pour augmenter l’employabilité en période de crise économique ; c’était une
façon de maintenir un certain nombre de salariés dans la population active tout
en mettant leur temps à profit à un moment où le travail faisait globalement
défaut.
Les approches préventives doivent se concentrer sur une meilleure employabilité
des salariés de façon à ce qu’ils puissent assumer une variété d’emplois et qu’ils
puissent retrouver plus facilement du travail. Cela doit constituer une partie
essentielle de toutes les approches éducatives de formation, d’éducation et
d’apprentissage tout au long de la vie, mais également de la formation au sein
des entreprises, afin que l’éventail des qualifications et des compétences s’en
trouve élargi. Cette préoccupation doit se refléter dans les budgets consacrés à
l’emploi et les fonds à destination des établissements scolaires.
En tant que mesures préventives, les concepts de « gestion des réserves
d’entreprises » (Danemark) ou de « centres de relai » (Pays-Bas) se consacrent
à la prévention ou à la réduction des licenciements en louant à des entreprises
tierces regroupées dans un pool d’employeurs de différents secteurs industriels
les services de salariés non occupés dans leur propre entreprise. Le but est de
maintenir les salariés en activité et d’aider les employeurs dans leur politique de
réintégration.
39
Les centres de relais néerlandais s’avèrent des instruments efficaces pour le
marché du travail car ils ont une fonction préventive, sont source d’économies et
ils encouragent la mobilité sur le marché du travail.
À partir du Forum des employeurs, il est pris en charge par un réseau numérique
national.
Dans les mesures relatives au marché du travail, il est indispensable de prendre
en compte les deux volets du concept de flexicurité, comme c’est le cas au
Danemark où le marché du travail est flexible, la protection de l’emploi limitée,
les allocations de chômage élevées pour une période plus courte et où il existe
une politique du marché du travail qui prend les devants en essayant de procurer
rapidement un emploi aux chômeurs.
Équité et confiance
Les salariés ne sont enclins à adhérer au processus de restructuration que s'ils
ont le sentiment d’être traités de façon équitable ; c’est aussi une condition pour
que la transition induite par le changement organisationnel s’opère en douceur. Il
est donc impératif, lors du processus, que tous les aspects de l’équité soient
explicitement pris en compte : qu’elle soit ressentie par tous, que les procédures
soient respectées et que les interactions puissent se faire dans les deux sens.
Dans la plupart des pays, les critères de licenciement des salariés sont basés
sur le principe du « dernier entré, premier sorti ». Or, ce principe est souvent en
contradiction avec les exigences de la restructuration. C’est pourquoi, en Suède
par exemple, des négociations et des compensations complexes sont préférées
à ces critères.
La communication, la transparence, la cohérence, l’impartialité et l’opportunité
jouent un rôle primordial qui détermine, dans une large mesure, les réactions de
l'individu. L'expérience du licenciement est généralement perçue comme un
événement injuste qui frappe, sans raison, certains salariés plutôt que d’autres
(notion d’injustice distributive). Les salariés se sentent trahis par l'employeur et
leur confiance est fondamentalement mise à mal. Seuls des programmes
efficaces et englobant tous les aspects requis, élaborés pour les aider à
retrouver un emploi, peuvent leur donner le sentiment d'une justice rétributive,
capable d’offrir des compensations par rapport à la perte de leur emploi. Les
séminaires organisés dans les nouveaux états membres de l’Union européenne
donnent de nombreux exemples du manque de confiance des salariés dans leur
entreprise, ce qui induit une insatisfaction organisationnelle importante.
À cet égard, on notera un problème central, celui de la communication interne et
externe : les salariés ne seront prêts à partager les objectifs du processus de
changement ce que s’ils ont l’impression que les décisions sont exécutées de
façon équitable, cohérente, impartiale et participative.
Communication
Une communication adéquate est indispensable lors des restructurations. Mais
une bonne communication dépend d’une bonne stratégie de mise en œuvre du
changement. Pour les PME-PMI, qui prennent conscience souvent trop tard
d’une crise pour pouvoir prendre des actions préventives et formuler un plan de
communication structuré, il s'agit d'un point extrêmement critique.
40
Par ailleurs, le problème de la communication ne se pose pas seulement au
niveau de l’entreprise mais également dans les relations de cette dernière avec
les parties prenantes externes (les services de l’emploi, les municipalités, etc.).
Les employeurs devraient disposer d’un plan de communication pour ne pas se
trouver dépourvus lorsqu’une réorganisation est envisagée. Dans ce plan de
communication, l’incertitude doit être minimale pour chaque salarié, y compris les
cadres. Lorsque la communication est bien menée, elle peut contribuer, comme
c'est le cas en Suède, à réduire les effets négatifs du processus de licenciement
sur la santé des salariés.
Une communication transparente, délivrée au bon moment et cohérente, est
essentielle ; elle consiste à communiquer clairement les décisions et à créer un
climat de transparence et non d’incertitude. Si les responsables « ne savent pas
», ils doivent le dire pour que les employés n’aient pas le sentiment que le
management fait de la rétention d’information. Le plan de communication doit
exposer les principes de base de la réorganisation et il doit en présenter les
différentes étapes. La communication ne doit pas se lasser de répéter les
mêmes informations. Si des éclaircissements doivent être apportés
progressivement, il est nécessaire de disposer de canaux de communication
rapides et de faire régulièrement le point en confiant cette opération à une
source centralisée. Il est extrêmement important que les salariés prennent
d’abord connaissance des nouvelles concernant les programmes de
restructuration via leur employeur, et non par l’intermédiaire des médias.
Certaines organisations patronales ont également fait ressortir que les
procédures sociales en vue la restructuration, telles qu’elles existent
actuellement, prennent parfois trop longtemps.
Le degré de participation des salariés est apparu comme un problème clé ; il
convient en effet de savoir quelles sont les décisions que les salariés peuvent
influencer et celles qui doivent être prises seulement par les responsables de
l’entreprise. Quelquefois, les managers ont besoin de certaines informations
alors que les salariés de l’atelier ont besoin, eux, d’un autre type d’informations.
Finalement, il a été convenu que le suivi de l’information après un certain temps
est une bonne façon de vérifier si les salariés ont bien compris l’information et en
même temps, cela leur donne la possibilité de formuler et d'exprimer leurs
préoccupations. Le suivi de communication est également important car il est
parfois nécessaire de vivre le changement pour pouvoir exprimer un ressenti.
Protection des travailleurs temporaires et des salariés
occasionnels
Les travailleurs temporaires et les salariés occasionnels représentent un groupe
extrêmement vulnérable car ils sont exposés à des risques sanitaires plus
importants étant donné leurs conditions de travail. Ces catégories de salariés ne
sont pas prises en charge de la même façon et ne font pas l’objet de la même
attention que les salariés occupant un emploi permanent. Ils sont oubliés des
employeurs et même les syndicats ont tendance à ne pas trop s'en préoccuper.
De façon générale, les syndicats pensent que les employeurs devraient donner
la priorité aux contrats à durée indéterminée. En temps de crise, le bouclier
flexible des entreprises, c’est-à-dire le personnel temporaire, constitue la
première cible des licenciements. Et ce sont surtout les jeunes et les migrants
qui en font les frais.
41
Si des salariés temporaires restent longtemps en poste dans une entreprise, cela
peut occasionner certains problèmes : ils pensent pouvoir bénéficier des mêmes
droits que les salariés permanents en cas de réorganisation, mais en fait ils n’ont
pas ces droits.
Dans certains secteurs, comme l’industrie du spectacle, ils constituent parfois le
principal groupe de salariés.
Il conviendrait à l’avenir de prêter plus d’attention à cette forme de
« restructuration silencieuse ». Actuellement, le cadre de la loi ne permet pas de
répondre à ce problème. Le personnel temporaire a besoin d’être mieux protégé.
Les salariés atypiques devraient avoir les mêmes droits que les autres salariés et
un traitement égal effectif. Les fonds alloués à l’emploi et les budgets de
formation devraient être utilisés pour améliorer leur employabilité. Pendant les
restructurations, cette catégorie de personnel devrait également avoir accès à
des services de consultation sanitaires. Certains ateliers ont fait remarquer que
le suivi de la santé dans le secteur intérimaire n’était pas satisfaisant et qu’il
s’agissait d’un domaine où des améliorations étaient indispensables.
Il serait préférable d’évaluer l’étendue des effets des restructurations sur le bienêtre des entreprises et sur le système de production en général, et de prévoir
des mesures de soutien et d'accompagnement sur l’ensemble de la chaîne
d’approvisionnement, pour toutes les catégories d'emplois.
Assistance particulière aux PME engagées dans une
restructuration
Absente des processus de restructuration de grande ampleur, la santé est
encore davantage éclipsée dans les PME-PMI engagées dans ce processus.
Dans les petites et moyennes entreprises, les réorganisations se passent
différemment de celles des grandes entreprises ; les premières, en effet, n’ont
pas de DRH et ont peu de temps et d'argent à consacrer aux indemnités de
licenciement ; le succès de l’opération dépend souvent de la personnalité du chef
d’entreprise.
Les grandes entreprises mettent en place leur propre centre de mobilité, mais les
PME-PMI n’ont pas les moyens de le faire. Ces dernières doivent développer
davantage les services partagés. Il est en effet impossible pour les PME-PMI de
partager la même approche que les grandes entreprises.
Dans tous les séminaires, les participants se sont accordés à dire que les PMEPMI méritent plus de considération ainsi qu’un soutien plus important de la part
des pouvoirs publics et des grandes entreprises.
Cette aide peut prendre différentes formes :
- des systèmes complets à développer au niveau régional, sectoriel ou
national, ce qui obligerait les provinces, les municipalités, les syndicats, les
associations professionnelles, les centres de formation régionaux, etc. à
travailler ensemble ;
- des consignes opérationnelles ;
- la possibilité de bénéficier plus facilement d’une assistance extérieure ;
- le développement des réserves d’entreprises et des centres de relais sur le
modèle danois et néerlandais.
42
Nouvelles orientations à l’intention des organismes
d’inspection du travail
Dans la plupart des pays, cette recommandation n’a guère alimenté les
discussions ; principalement en raison de l’absence ou du silence des
inspections du travail dans les séminaires nationaux. Toutefois, dans les rares
pays où le débat a eu lieu, voici ce qu’il en a été dit :
- Leur rôle apparaît assez limité (visites peu fréquentes, manque de
ressources).
- Les inspections du travail viennent seulement d’entamer des travaux sur
les risques psychologiques ; quand elles ont émis des consignes sur le stress
au travail, mais les entreprises ne les ont guère suivies.
- Les inspections du travail doivent faire évoluer leur rôle et leur fonction et
se montrer plus actives pour promouvoir la santé et évaluer les risques
sanitaires pendant les restructurations ; cela prendra du temps.
Renforcement du rôle des services de santé au travail
Cette question a suscité un large débat dans les séminaires nationaux où les
services de santé et de sécurité au travail étaient fortement représentés, même
si ces derniers n’ont pas le même rôle et ne disposent pas des mêmes
ressources dans tous les pays de l’Union européenne. D’ailleurs, leur rôle n'est
pas évident. N’étant en général pas réellement impliqués dans les processus de
restructuration et rarement contactées par les salariés licenciés, doivent-ils être
plus actifs ?
Dans certains séminaires, les participants ont fait remarquer que les ressources
humaines devraient avoir le rôle principal. Un sentiment s’est dégagé :
l’entreprise ne devrait pas utiliser les experts externes pour résoudre ses
problèmes. Elle s‘en trouve en partie dépossédée. Il est important qu’elle trouve
en elle-même les ressources pour mener à bien la restructuration.
Une autre crainte a été exprimée, celle de médicaliser le processus de
restructuration : mieux vaudrait rechercher des solutions de remplacement à ces
processus de restructuration douloureux, d’autres politiques de communication et
d’autres méthodes d’organisation du travail.
Plusieurs nouveaux états membres ont souligné que les services de santé de
sécurité au travail avaient peu de poids dans l’entreprise, qu’ils n’étaient pas
indépendants des employeurs et manquaient de ressources (personnel,
spécialistes, etc.). Dans de nombreux pays, ces services connaissent mal les
risques psychosociaux, même si dans certaines entreprises plus importantes, ils
ont commencé à élaborer des programmes en relation avec le stress au travail.
Les systèmes d’évaluation des risques utilisés par les services de sécurité et de
santé au travail prennent rarement en compte l’exposition aux risques
psychosociaux, s’intéressant uniquement aux risques d’accidents dans les
emplois traditionnels.
Lorsque les services de santé et de sécurité au travail sont davantage
considérés comme des fournisseurs privés, il peut y avoir des conflits d’intérêts
car ils ont besoin de « vendre leurs produits » ; de plus, si leur travail n’est pas
apprécié, il n’est pas pris en considération ; ce ne sont alors que des consultants
dont on peut ne pas tenir compte.
43
En outre, la coopération institutionnelle entre les services de santé au travail et
les services de santé publique, les services médicaux spécialisés, les services
de convalescence, les agences pour l’emploi et la formation professionnelle
souffre encore de nombreuses insuffisances. Les personnes qui ont un rôle de
soutien et d’accompagnement dans les processus de restructuration devraient
pouvoir bénéficier d’un réseau de coopération entre ces services, ce qui n’existe
pratiquement pas à l’heure actuelle.
Toutefois, pour de nombreux participants, les services de prévention et de
protection au travail ont un rôle déterminant à jouer ici, puisqu’ils visitent
régulièrement de nombreuses entreprises. Les tâches qu’ils assument pourraient
être étendues ; par exemple, ils pourraient : aider les salariés à s’intéresser
d’avantage aux programmes de restructuration, donner un aperçu de la façon
dont l’activité est gérée (aspects psychosociaux, effets des programmes de
restructuration, etc.) ; mener des évaluations sur les risques explicites des
réorganisations ; proposer des formations pour les salariés et le personnel
d’encadrement ; aider à élaborer une stratégie de communication ; vérifier
comment les salariés sont impliqués dans le processus, etc. Lors des
restructurations, des médecins du travail pourraient également servir de
médiateurs ou de « parties neutres ».
Dossiers médicaux et maladies professionnelles
S'occuper de la santé des employés ayant subi une restructuration n'est pas une
tâche aisée. Dans certains pays, lorsqu'ils sont payés par les employeurs, les
médecins du travail signalent rarement les maladies professionnelles. Il faut
mener des recherches approfondies pour étudier les effets de l’insécurité de
l’emploi, en tant que facteur de stress, sur la santé. Certaines entreprises
refusent de faire état des cas de maladies professionnelles, même s’ils sont
avérés. Mais la difficulté vient aussi du fait que les problèmes médicaux doivent
rester confidentiels de façon à ce que les employeurs n'aient pas accès aux
informations sur l’état de santé des salariés malades. Souvent, en effet, ces
derniers craignent d’autant plus de perdre leur emploi.
Même si des troubles de santé ne mènent pas nécessairement à la maladie, le
problème des maladies professionnelles liées aux restructurations, et de leur
reconnaissance, a été soulevé dans de nombreux séminaires.
44
Nouvelles initiatives
Plusieurs ateliers ont mis en évidence l’importance d’une promotion de la santé
sur le long terme sur le lieu de travail. Selon eux, c’est une stratégie efficace, qui
permet de faire face à la crise plus facilement. Cette approche doit être adoptée
non seulement au niveau de l’entreprise mais également au niveau national et
elle doit inclure les pouvoirs publics, les partenaires sociaux, ainsi que les
assemblées régionales.
Le séminaire néerlandais a souligné combien il était important, pour les
entreprises comme pour les salariés, de s'intéresser à la flexibilité et à
l'employabilité. Dans ce domaine, au niveau européen (où il existe des exemples
pratiques satisfaisants) comme au niveau des entreprises et au niveau sectoriel,
les possibilités ne manquent pas. Pour s'adapter du mieux possible à l'évolution
du marché du travail, les entreprises peuvent discuter de la flexibilité, de
l'employabilité et du développement avec leurs salariés et si cela est possible
leur enseigner de nouvelles compétences. Aux Pays-Bas, c’est encore
essentiellement le modèle de stabilité qui prévaut dans les relations de travail.
Cette situation est radicalement différente au Danemark, par exemple, qui
s’appuie sur un modèle de flexicurité (marché du travail flexible, protection de
l’emploi limitait, allocations de chômage relativement élevé pendant une période
relativement courte et politique active du marché de l’emploi).dans ce contexte,
le concept d’apprentissage tout au long de la vie est important.
Les budgets alloués à l’emploi et le budget de formation devraient être utilisés
pour promouvoir cet apprentissage. Lorsque le travail se fait rare, les entreprises
n’ont pas les moyens d’allouer des fonds à la formation ou l’éducation. Elles ne
peuvent en fait consacrer que des sommes très réduites. Il est possible
cependant d'y remédier de différentes façons, voire par des mesures fiscales. Il
existe une solution plus créative à ce problème, qui consiste à utiliser le
personnel de l'entreprise pour former ses propres salariés.
Dans d'autres pays, le débat sur la flexicurité a pris une autre tournure ; en
Espagne par exemple, les approches d’employabilité et de flexicurité ont été
critiquées car trop étroites : elles n’incluent pas de références au bien-être des
salariés ni à la nécessité de concilier vie professionnelle et vie privée, et elles ne
tiennent pas compte, non plus, de la santé mentale et de la santé au travail.
Dans un séminaire seulement, la question de la responsabilité sociale des
entreprises face aux restructurations a été considérée comme un sujet important.
Plutôt que d’inclure les restructurations dans la définition de la responsabilité
sociale des entreprises ou d’élaborer dans ce domaine des politiques qui restent
lettres mortes, il est préférable d’agir. Ce serait une façon de prouver que les
entreprises sont capables de faire quelque chose pour remédier aux problèmes
sociaux engendrés par la crise actuelle.
45
Chapitre 4 : Questions politiques communes
Santé et restructuration : un problème en suspens
L
a crise a favorisé non seulement les processus de restructuration mais
également le rythme des changements organisationnels, avec une pression
accrue au niveau de la charge de travail des salariés. Dans de nombreux
séminaires, les intervenants ont fait remarquer que, par-delà les restructurations
majeures, un phénomène frappant est à signaler : les restructurations
silencieuses affectant les PME-PMI, les travailleurs temporaires, les petits
patrons qui font faillite, toutes ces catégories méritant une plus grande attention.
Dans tous les séminaires nationaux, il est apparu que le problème de la santé
dans les restructurations était encore largement négligé avec des conséquences
à court et à long terme à la fois pour les entreprises et pour les individus, l’impact
n’étant pas le même pour les hommes et pour les femmes. Les problèmes
psychologiques sont l’une des principales causes d’incapacité de travail des
salariés. Les pressions, l’absentéisme, les troubles du sommeil et les suicides
ont été dénoncés comme étant des signes majeurs. Toutefois, il y a un risque :
que les problèmes de santé liés aux restructurations connaissent le même sort
que ceux liés à l’amiante dont les effets délétères étaient connus, mais contre
lesquels des mesures appropriées n’ont été prises que très tard. Les tendances
économiques actuelles ont rendu les conclusions du rapport HIRES encore plus
pertinentes en ce qui concerne la protection et la promotion de la santé. Mais les
attitudes ne changent pas rapidement.
- Dans la plupart des pays, comme la Slovénie, perdre son emploi constitue
un facteur de stress important et les gens ont une attitude particulièrement
négative envers le chômage, ce qui probablement (du moins en partie) à des
racines historiques.
- Nulle part en Europe, il faut bien le reconnaître, le sujet de la santé liée aux
restructurations n'est à l'ordre du jour des syndicats, des employeurs ou des
administrations publiques. La santé et la prévention des risques
professionnels sont encore associées, dans l’entreprise, à des coûts élevés.
Et même si ce sont les salariés occasionnels qui souffrent le plus de cette
situation, les actions entreprises dans ce domaine sont rares.
- Même si le lien entre santé et processus de restructuration pendant une
période de récession est particulièrement étroit, la santé est absente de la
table des négociations lors des restructurations dans les grandes entreprises,
sans parler des PME-PMI. En Espagne, dans la situation actuelle, la part et le
temps consacrés à ce problème dans le cadre des négociations sur les
processus de régulation de l’emploi, qui sont des processus réglementés, ne
permettent pas d'ajouter de nouveaux éléments en plus de ceux strictement
liés à l'emploi et à l'économie : de ce fait, la santé des salariés n'est pas
incluse dans les plans sociaux.
- La reconnaissance des maladies professionnelles (dont les suicides) liées
aux restructurations est une question qui a été soulevée et qui a donné lieu à
des controverses.
46
Il en ressort, dans la plupart des pays, que le problème majeur est la prise de
conscience de la part des parties prenantes intéressées, qu’il s’agisse des
responsables d’entreprise, des syndicats, des employés, des services de santé
et de sécurité au travail, des chercheurs ou des politiques. Il convient donc de
présenter le problème de la santé dans les restructurations sous un jour plus
attirant : ne pas se contenter de dire que les restructurations peuvent avoir un
impact négatif sur la santé, mais que prendre ce problème à bras-le-corps peut
s'avérer un investissement utile dans l'avenir, tant pour la population active
européenne que pour présenter le modèle européen comme un modèle à la fois
défendable et durable. En même temps, ce problème ne peut pas être
correctement traité sans que les pouvoirs publics, les entreprises, mais aussi les
partenaires sociaux, acceptent d'investir dans les outils et les infrastructures
appropriées.
Enfin, et cet aspect est tout aussi important, le problème de la santé dans les
restructurations ne sera pas résolu par des approches unidirectionnelles. Pour
traiter au mieux cette question, il faut combiner les moyens législatifs, le dialogue
social, la formation, les investissements, les engagements de la part des
différentes parties prenantes et les outils de mise en œuvre.
Données et études
Les données liées à la santé et aux restructurations font défaut, au niveau des
différents pays comme au niveau européen. Dans la plupart des états membres
de l’Union européenne peu d’études spécifiques ont été menées sur le sujet. La
récession a seulement permis de mettre en lumière ce que l’on savait déjà ;
certaines études montrent que la charge de travail et la pression exercée sur les
salariés n’ont fait que croître en même temps que l’instabilité de l’emploi, ce qui
constitue un facteur d’incertitude pour l’avenir. La collecte et l’évaluation des
données sur la santé des salariés dans les processus de restructuration, même
si elles semblent très difficiles à opérer au niveau des PME-PMI, sont
extrêmement importantes pour évaluer la situation actuelle et planifier des
actions futures dans ce domaine. Dès lors, les séminaires HIRES Plus suggèrent
de :
- favoriser la recherche (dans certains pays, comme l’Allemagne ou
l’Espagne, les séminaires ont conduit les participants à cette même
conclusion) et de créer des bases de données homogènes et efficaces afin de
pouvoir homogénéiser la collecte et le traitement des données aux niveaux
nationaux et européen ;
- fusionner les données issues de différentes bases de données existant
déjà dans certains pays, comme en Slovénie, ou de façon plus fragmentée,
comme en France ;
- mieux évaluer la santé dans l’entreprise en mesurant la satisfaction et le
bien-être des salariés.
Il conviendrait
de mener des études longitudinales, toutefois celles-ci
nécessitent une prise en charge sur le long terme. Des analyses plus restreintes
et donc de moindre coût peuvent être lancées, qui traiteraient d'une partie des
problèmes et fourniraient des résultats significatifs, comme cela est a été
proposé dans certains séminaires (Espagne, France, Lituanie).
47
Entreprises et responsabilités des cadres
Il est assez difficile de séparer nettement la responsabilité de l’entreprise, qui
consiste à promouvoir la santé sur le lieu de travail, de la responsabilité de l’État
et des autres acteurs publics, qui est de prendre soin de la santé des salariés.
Par ailleurs, il a été établi que la responsabilité des salariés est engagée dans la
mesure où ils doivent veiller à rester en bonne santé.
Toutefois, le fait que le personnel d’encadrement ne soit pas suffisamment
conscient du problème et qu’il n’ait pas les compétences pour le traiter, en
particulier dans les PME-PMI, constitue l'un des principaux obstacles à
l'intégration des recommandations dans l'activité de l'entreprise. En matière de
restructuration, les approches habituelles montrent que les cadres ont pris en
compte les aspects les plus intéressants de l’emploi, mais qu’ils ignorent
délibérément ceux qui ont rapport à la santé. Cela prouve, entre autres
tendances, que la santé et la sécurité au travail, telles qu’elles sont considérées
traditionnellement, c’est-à-dire basées essentiellement sur la responsabilité des
employeurs, va bien au-delà de ce qui incombe habituellement aux entreprises
jusqu’à inclure les sous-traitants et les chaînes d’approvisionnement. Cela
soulève quantité de problèmes et pose bien des défis :
- Lorsque la santé est mise en jeu, la réputation de l’entreprise est menacée,
dans les grandes entreprises, mais aussi dans les PME–PMI sous-traitantes,
par effet domino.
- Les coûts constituent également une entrave à la santé et jusqu’à présent
les coûts de la santé ont été largement externalisés : devraient-ils être
(ré)internalisés ? Dans l’affirmative, comment ? En reconnaissant les
maladies professionnelles ? Par le biais de la fiscalité ?
- Les choix organisationnels et les réorganisations ne sont pas neutres du
point de vue de la santé, toutefois rares sont les décisionnaires qui en sont
conscients ou qui y prêtent attention.
- Lors des restructurations, les salariés licenciés ne sont pas les seuls à être
stigmatisés ; il y a aussi les cadres qui sont forcés de les licencier. Pour que
la santé au travail soit prise en considération, il est essentiel de déstigmatiser
tous ceux qui sont touchés par ces restructurations.
- Des restructurations récurrentes peuvent rompre les contrats
psychologiques : comment les renouer ?
- Quel type de reporting les entreprises doivent-elles adopter vis-à-vis des
gouvernements ?
Nos séminaires ont beaucoup insisté sur la formation du personnel
d’encadrement :
- Les cadres moyens doivent être formés afin d’être capables de mettre en
œuvre le changement et ils doivent avoir leur mot à dire.
- L’éducation du personnel d’encadrement ne doit pas se limiter à la gestion
des équipes en période de reprise et quand tout va bien, mais également
pendant les récessions et quand les choses vont mal.
- Les écoles de commerce et de management doivent enseigner comment
gérer des restructurations socialement responsables et soucieuses de la
santé.
48
Une série d'autres constatations ont été faites : les grandes entreprises ont les
moyens d’évaluer les conséquences des restructurations sur la santé et des
mesures de promotion de la santé doivent être engagées bien avant que les
problèmes ne surgissent. Mieux vaut prendre des mesures préventives que de
« se contenter de réparer les dégâts » après une période de changement. Mais
la santé, jusqu'à présent, a été très rarement intégrée au développement
stratégique de l'entreprise. En effet, si la réhabilitation fait partie des
responsabilités des entreprises, leur conférer plus de responsabilité dans ce
domaine peut obliger les employeurs à prêter davantage attention aux problèmes
de santé des salariés, en appliquant notamment de nouveaux concepts, par
exemple en évaluant les effets des restructurations sur la santé avant que ne
soient prises les décisions concernant les réorganisations.
Législation et rôle des pouvoirs publics
Dans la plupart des séminaires ainsi que dans l’atelier européen final, les
responsabilités et les actions relevant des pouvoirs publics ont fait l’objet de
débats approfondis. La question de la santé dans les restructurations remet en
question, du moins en partie, la législation et le cadre des relations industrielles,
tant aux différents niveaux nationaux qu’au niveau européen. Jusqu’à présent
les inspections du travail ont été pratiquement absentes dans ce domaine. Et
même lorsqu’elles édictent des recommandations ou des conseils, comme au
Royaume-Uni, sur la façon de traiter le stress sur le lieu de travail et qu’elles
essayent de se référer aux effets potentiellement délétères des restructurations,
les données provenant d’observations faites sur le terrain montrent que
relativement peu d’entreprises ont pris des mesures pour régler ce problème.
Les débats ont suivi plusieurs directions :
- Les gouvernements doivent-ils avoir un rôle de contrôle et de
réglementation étant donné que la législation actuelle concernant les
restructurations ne reflète plus complètement les priorités d’aujourd’hui ? Si
une nouvelle réglementation est nécessaire, doit-elle être contraignante ou
incitative, ou bien doit-elle combiner ces deux aspects de manière
complémentaire ? Une législation est-elle nécessaire et à quel niveau ? Faut-il
amender et compléter la législation du travail, y compris les clauses
concernant les restructurations et leurs conséquences négatives, notamment
sur la santé des salariés ? Comment mieux appliquer la législation existante
et comment faire en sorte que la législation sur la santé au travail soient
mieux harmonisée avec la législation sur les licenciements collectifs, sur
l’information et la santé au travail lors des restructurations, comme c’est le cas
pour la loi dérivée de la directive-cadre 89/391 ?
- Quand les pouvoirs publics jouent un rôle dans les licenciements collectifs,
n’est-il pas possible d’accorder plus de place au problème de la santé ? Dans
quelle mesure les politiques récentes favorisent-elles la négociation des plans
sociaux et la prise en compte de la santé dans les restructurations, comme
cela a été le cas en France ?
49
- Les inspections du travail sont-elles prêtes à jouer un rôle dans la détection
des risques psychosociaux : sont-elles qualifiées ? Comptent-elles parmi leurs
priorités les effets délétères des risques contemporains, y compris ceux liés
aux restructurations ?
- Si une nouvelle réglementation et de nouvelles dispositions doivent être
adoptées, il faut établir une distinction entre les grandes entreprises et les
multinationales d’une part, à « cibler en premier », et les PME-PMI d’autre
part, qui ont surtout besoin d’aide et de mesures d’encouragements. La
nouvelle réglementation doit également considérer comme prioritaires les
salariés temporaires, les indépendants et tous ceux qui travaillent pour des
fournisseurs, presque totalement laissés de côté par la législation sur les
licenciements collectifs qui ne s’intéressent qu’aux CDI. Dans certains pays,
comme la Bulgarie et la Roumanie, le besoin se fait surtout sentir d’un
cofinancement, par le gouvernement, des projets d’investissement des
entreprises dans les domaines de la santé et de la sécurité au travail.
- Quel rôle peut être dévolu aux administrations locales et aux
gouvernements, et comment encourager leur implication active afin de
générer des solutions systémiques répliquables ? Qu’en est-il de la santé
dans les agences et les services pour l’emploi ?
Enfin, et ce n’est pas l’aspect le moins important, les restructurations dans le
secteur public (certaines ayant recours aux licenciements ou au gel des salaires)
sont apparues dans plusieurs séminaires comme un nouveau problème : non
seulement les entreprises publiques sont privatisées, mais en raison de la crise
et d’autres facteurs les administrations publiques (santé, éducation, services
postaux, chemins de fer, administration fiscale, services de l’emploi, bureaux de
placement, agences pour l’emploi, etc.) sont en cours de restructuration majeure
dans plusieurs pays ou le seront probablement bientôt dans d’autres. Toutefois
dans le secteur public, les restructurations sont un phénomène tout à fait
nouveau et souvent les mauvais aspects du secteur privé sont transférés sur le
secteur public (contrôle et documentation, notamment). Seuls les aspects
négatifs sont mis en œuvre, ce qui crée une mauvaise image des administrations
publiques ; par exemple les professeurs sont considérés comme « non dignes de
confiance » parce qu’ils doivent être contrôlés. Les conséquences sur la santé
de tels changements ne sont pas prises en compte. Pourtant, les mêmes
symptômes ont été observés que dans le secteur privé. Le secteur public a
réellement besoin de développer une approche socialement sensible face aux
restructurations, mais pour l’instant il est bien loin.
Dialogue social
Le dialogue social est une préoccupation transversale que l'on retrouve dans les
12 recommandations HIRES, en particulier celles liées à l’anticipation, à la
préparation et à la communication ; toutefois, il n’a pas fait l’objet d’une
recommandation distincte. Pourtant, dans tous les séminaires, le dialogue social
est apparu comme la meilleure façon de prendre en compte la santé dans les
restructurations, même dans des pays, comme la Lituanie ou la Bulgarie, dans
lesquels les participants ont souligné l’absence de dialogue social.
50
Il faut donc :
- faire prendre conscience aux syndicats, aux délégués de la sécurité et de
la santé au travail, aux représentants des employés, qu’ils soient ou non
spécialisés dans ces questions, de l’importance du dialogue social ; de même,
les membres des comités d’entreprise doivent prendre conscience qu'il est
indispensable de discuter de l’impact des réorganisations et des
restructurations sur les salariés. Ils doivent être mieux préparés à négocier les
changements, et pas seulement les négociations sur les salaires ; en outre,
l’action des syndicats au niveau de l’entreprise ou du secteur doit être
coordonnée en ce qui concerne la santé au travail et les syndicats totalement
impliqués dans le processus de restructuration et la santé ;
- prendre des initiatives nouvelles et pertinentes dans ce domaine, en
particulier pour étudier le bien-être dans l'entreprise ;
- faire en sorte que les partenaires sociaux mènent des actions conjointes et
agissent davantage en amont, ce qui est crucial pour les salariés dans toutes
les phases du processus de restructuration – la préparation, l’exécution, et
l'atténuation des conséquences négatives ;
- impliquer davantage les salariés, les comités d’entreprise et les syndicats
dans tous les aspects du processus de restructuration, améliorer les
compétences et développer l'action des comités de santé et de sécurité dans
les entreprises.
Santé, services de santé et de sécurité au travail et risque
de « médicalisation »
Les services de santé de sécurité au travail sont rarement impliqués dans les
phases de restructuration. Dans certains pays comme la Roumanie et la
Bulgarie, cette implication est encore réduite en raison de la crise. Au Danemark,
comme il n’existe pas de services de santé au travail, des discussions sont
organisées pour gérer la transition entre l’entreprise et les agences pour
l’emploi. Dans d’autres pays, comme l’Espagne, il ressort qu’une intégration plus
générale de la santé dans l’entreprise n’a pas encore eu lieu. Il existe encore
trop de problèmes pour que les lois sur la prévention des risques soient
respectées. La prévention des risques est en grande partie entre les mains
d'entreprises privées, ce qui conduit à une guerre des prix entre les compagnies
de prévention externes et se traduit par une moindre qualité des services fournis.
La santé et la sécurité au travail ont un coût qui peut expliquer en partie pourquoi
les risques ergonomiques et psychosociaux ne sont ni répertoriés ni même
évalués dans les petites entreprises. Le système d’évaluation des risques se
concentre seulement sur les risques d’accidents dans les emplois traditionnels.
La prévention des risques est une activité rentable pour les sociétés qui la
pratiquent. Paradoxalement, plus l'effet des restructurations est délétère, moins
la santé est prise en compte. Améliorer le bien-être mental des salariés est
d’autant plus nécessaire que nous traversons une crise économique mondiale.
Toutefois, en période d'expansion, certaines entreprises ne prennent pas
nécessairement des mesures pour promouvoir la santé de leurs salariés. Dans
une situation de restructuration, pour être efficaces les actions de promotion de
la santé doivent être basées sur une politique préventive de la santé. Il faut
protéger et promouvoir la santé des salariés, tout particulièrement en temps de
crise.
51
Une attention particulière doit être portée aux salariés qui ont des problèmes de
santé de façon à ce qu'ils puissent conserver leur emploi. Les services de santé
au travail ont accès aux dossiers médicaux des salariés et ils ont la compétence
nécessaire pour évaluer l'impact de conditions de travail changeantes sur la
santé.
Dans les pays européens et dans les conditions de crise d’aujourd’hui, le rôle
des médecins agréés et des services de santé et de sécurité au travail doit être
renforcé. Lors des restructurations, les spécialistes de la santé au travail
devraient servir de médiateurs. Leur rôle peut certes être ambigu car ils sont
payés par le même employeur que les salariés. Leur indépendance et leur code
d’éthique doivent donc être garantis par la loi. Si des salariés n’ont pas confiance
dans leur service de santé et de sécurité au travail, ce problème doit être discuté
ouvertement. C’est la raison pour laquelle le problème de l'indépendance des
médecins agréés a été soulevé dans des pays comme la Slovénie, la Roumanie
ou même la France.
Par ailleurs, de nombreux participants ont fait remarquer qu'une restructuration
« saine » ne passe pas nécessairement par des mesures en faveur de la santé
mais dépend plutôt d'une meilleure participation, d'une meilleure préparation,
d'une meilleure gestion et d'un meilleur suivi. S’ils ont suivi la formation
adéquate, les services de santé et de sécurité au travail peuvent être tout à fait à
même d’évaluer l’impact des différentes mesures sur la santé. Dans certains
pays, le risque de « médicaliser les restructurations » existe car on assiste à une
multiplication de l’aide médicale et psychologique. Les indemnités peuvent
parfois avoir un effet pervers, par exemple lorsque les prestations sociales liées
à des maladies reconnues sont plus attractives que les allocations de chômage
et les aides.
L’aide que peuvent s’apporter entre eux les salariés transparaît dans plusieurs
initiatives : des blogs, des associations ou des clubs de victimes des
restructurations qui permettent à des ex-salariés de maintenir entre eux un lien
social ; il s’agit là d’une « thérapie de groupe qui permet de tenir bon ». Ce type
d’« aide par ses pairs » peut être mis à profit de façon constructive par les
membres relevant de professions identiques.
Groupes à risque, confiance et traitement équitable
Les séminaires HIRES ne se sont pas contentés de confirmer les principaux
groupes à risque, à savoir les salariés licenciés, les survivants, les travailleurs
occasionnels et les cadres moyens. Ils ont également permis d’ajouter à ces
groupes les petits patrons qui font faillite. La question de la justice (distributive,
procédurale et interactionnelle) est considérée comme une question majeure,
que la crise a rendu peut-être plus épineuse encore, en ce qui concerne
notamment les travailleurs temporaires et occasionnels et les indépendants.
Pratiquement tous les participants des séminaires HIRES Plus sont tombés
d’accord pour dire qu’il fallait que ça change, que quelque chose devait être fait,
mais seuls quelques pays ont lancé des initiatives expérimentales à l’adresse de
ce dernier groupe ; il reste donc le groupe à sacrifier en premier, qui ne bénéficie
d’aucune aide en matière d'emploi ou de santé. En conséquence, la question du
traitement équitable devient cruciale dans les processus de restructuration.
52
Le problème de la justice ou de l’équité est aussi celui de la confiance, un facteur
essentiel dans la réussite des restructurations. S’occuper de la santé dans les
restructurations nécessite davantage de coopération et de confiance entre les
salariés et leurs employeurs. Dans de nombreux pays, les salariés sont très
insatisfaits de leur entreprise. En Belgique par exemple, les cinq principaux
problèmes auxquels sont confrontées les entreprises pendant ou après une
restructuration sont les suivants : l’insatisfaction des employés (37 % des
entreprises), le manque de clarté en termes de visibilité (34 %), un
renouvellement plus important du personnel et des congés de maladie plus
nombreux (23 %), la divulgation d’informations internes (20 %) et les
mouvements sociaux (19 %).
Les salariés doivent avoir le sentiment qu’ils seront traités équitablement. Aussi,
pour garder leur confiance pendant des périodes aussi incertaines, il est
nécessaire, pendant le processus de restructuration, de faire preuve d’équité et
d’impartialité. Une communication transparente semble jouer ici un rôle
important. De même, il est primordial de faire preuve de cohérence. Les salariés
doivent avoir l’impression que les décisions concernant la restructuration sont
prises et mises en œuvre de façon équitable, cohérente et impartiale. S’ils ont
leur mot à dire dans la prise de décision, ils seront alors plus enclins à considérer
que la procédure est équitable. L’équité reste un défi pour les entreprises, les
acteurs sociaux et les administrations d’État, dans leur double rôle : de
réglementation et de gestion.
Approches en matière d’emploi et flexicurité
Les conséquences des restructurations sur la santé remettent en question les
approches traditionnelles en matière d’emploi, y compris celles qui s’appuient sur
une meilleure employabilité et sur plus de flexicurité. Prendre davantage soin de
la santé des travailleurs avant et pendant les restructurations peut, dans certains
pays comme en Grande Bretagne, représenter un frein potentiel à la mobilité de
l’emploi. Dans nos séminaires, il est apparu clairement que traiter conjointement
et à tous les niveaux les deux problèmes essentiels que sont l’emploi et la santé
est nécessaire aussi bien dans les entreprises elles-mêmes, les institutions et les
catégories représentatives, qu'au niveau de la recherche et des systèmes de
collecte des données.
Les approches actuelles en matière d’emploi sont trop étriquées et ne prennent
pas en compte des problèmes critiques comme :
- le besoin pressant de concilier la flexibilité de l’entreprise et l’emploi
précaire ;
- les « contrats psychologiques » des entreprises avec les salariés à risque ;
- le juste équilibre à observer entre l’entreprise et les responsabilités
collectives d’une part, et l’entreprise et les responsabilités individuelles d’autre
part, ces dernières étant exagérément mises en avant lorsqu’il s’agit de
santé ;
- la nécessité de mieux adapter les processus de restructuration à la fois aux
besoins des entreprises et à ceux des individus ;
53
- la préférence des salariés, très souvent, pour les indemnités de
licenciement au dépend de la santé, en conséquence de quoi l’employeur
dispose de moins de ressources pour les salariés licenciés qui sont alors
dépendants des institutions de l’État ; or, dans le cas de licenciements
collectifs importants et dans certains pays, ces institutions ne disposent pas
des ressources nécessaires pour faire face à la situation.
Il faut repenser le nouveau paradigme européen selon lequel la flexicurité
favoriserait et augmenterait l’employabilité. Ce paradigme inclut également des
éléments qui transfèrent sur les salariés un fardeau : celui de garantir leur
employabilité lors des transitions professionnelles et des changements d’emploi.
De récentes approches sur la flexicurité veulent mettre la pression sur les
salariés pris individuellement, sans prendre en compte l’impact de ces approches
et leurs effets sur la santé individuelle ou collective. Jusqu’à présent, l’approche
flexicuritaire ne fait aucune référence :
- au bien-être ou à la conciliation de la vie professionnelle ou personnelle, ni
à la santé au travail ou à la santé mentale ;
- aux efforts entrepris pour maintenir une atmosphère de « confiance » ;
- aux niveaux locaux, où des projets plus pertinents pour les entreprises et
les salariés pourraient voir le jour à condition d’obtenir une aide financière et
humaine plus importante.
Instruments et outils opérationnels
Les outils opérationnels ne seront efficaces que s'ils sont cohérents avec les
autres outils que sont la loi, le dialogue social, la formation, l’échange de bonnes
pratiques, les investissements et les engagements. Il existe cependant un besoin
crucial d’informations, de recommandations, de méthodes, de bases de données
et de conseils pour la mise en œuvre de restructurations saines. Il faut imaginer
des solutions de restructuration qui portent moins atteinte au bien-être des
salariés : des solutions originales et souples qui tiennent compte de la région et
des acteurs sociaux indirectement concernés, qui ne se limitent pas à la simple
mise en œuvre des plans de licenciement. Mais nos séminaires ont insisté sur le
fait que seuls quelques instruments existent pour mesurer les causes de stress
avant, pendant et après la mise en œuvre des programmes de restructuration.
Des associations bénévoles ou des communautés multifonctionnelles, ainsi
qu'une action par système d’encouragement impliquant d’autres parties
prenantes externes pourraient voir le jour afin d'aider les responsables
d’entreprise – surtout dans les PME-PMI qui manquent de ressources – à mener
à bien la restructuration ; ils pourraient ainsi bénéficier d’informations, de
conseils et notamment de conseils personnalisés, ainsi que d’un réseau de
communication pour favoriser les restructurations innovantes. Les exemples de
bonnes pratiques pourraient ainsi avoir un effet contagieux et se multiplier.
54
Il est par ailleurs urgent de mettre à jour les instruments utilisés étant donné
l’évolution des conditions de travail. Par exemple, il conviendrait d’évaluer
précisément les risques associés aux restructurations et de mettre régulièrement
à jour cette évaluation ; les entreprises devraient, elles aussi, utiliser
régulièrement un questionnaire approprié sur la relation entre stress et
restructuration. De nombreux participants ont fait ressortir l’importance de mettre
en place un mécanisme pour contrôler le stress au travail de façon à pouvoir
identifier les problèmes et à pouvoir les traiter rapidement.
De même, lors des formations professionnelles, il convient de faire prendre
conscience de ces aspects-là de la santé aux participants. Il faut éduquer les
salariés de façon à ce qu'ils considèrent le changement comme une chance et
investir dans la formation tout au long de la vie, récompenser les salariés qui
prennent des initiatives pour améliorer leurs compétences et progresser dans
leur vie professionnelle. En résumé, les séminaires HIRES Plus ont mis en avant
les quatre idées-forces suivantes :
- Il est nécessaire, au niveau national, d’élaborer et d’éditer des directives
opérationnelles-cadres à l’intention des entreprises et des organisations (pour
les PME-PMI en particulier) portant sur l'organisation et la mise en place du
processus de restructuration.
- Il est urgent de reconsidérer les outils d’évaluation des risques
couramment utilisés et d’inclure les restructurations dans l’évaluation des
risques (les risques psychosociaux).
- Il faut développer la promotion de la santé tout au long de la vie
professionnelle et en faire une priorité.
- Il est important d'éduquer les individus, à commencer par le personnel
d’encadrement, le personnel des RH, les conseillers et les spécialistes de la
santé et de la sécurité au travail, de façon à ce qu’ils sachent s’adapter à un
changement sain et socialement responsable.
55
HIRES PLUS est un projet européen, cofinancé par le Programme
communautaire PROGRESS pour l’emploi et la solidarité sociale (2007-2013)
et la DG Emploi, affaires sociales et égalité des chances de la Commission
européenne.
COORDINATEURS DU PROJET
Claude Emmanuel TRIOMPHE - ASTREES (France)
Thomas KIESELBACH - IPG de l’Université de Brême
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LES PARTENAIRES DU PROJET
Prevent (Belgique) : Sylvie de Meyer
ELI (Bulgarie) : Irina Terzyska
National research Centre for Working Environment (Danemark) : Karina M. Nielsen
Astrees et Anact (France) : Claude Emmanuel Triomphe, Julien Pelletier
IPG et BAuA (Allemagne) : Thomas Kieselbach, Karl Kuhn
Universita degli Studi di Sassari (Italie) : Sebastiano Bagnara
Institute of Hygiene (Lithuanie) : Remigijus Jankauskas
TNO (Pays-Bas) : Catelijne Joling
Land (Roumanie) : Laurentiu Andronic
KNMDPS, Université de Ljubljana (Slovénie) : Metoda Dodic-Fikfak
Labour Asociados (Espagne) : Ricardo Rodriguez
IMIT - Université de Göteborg (Suède) : Elisabeth Armgarth, Ola Bergström
WLRI, avec le soutien de UNISON (R.U.) : Greg Thomson, Steve Jefferys
57
Reconstruire les fondements du social
Structure indépendante, ASTREES dispose de deux atouts essentiels. Elle réunit
toutes les parties prenantes des transformations sociales, présentes ou
envisagées : entreprises, syndicats, associations, universitaires, medias, experts
et personnes qualifiées. Et, deuxième atout, son réseau national et international
lui permet de croiser approches de terrain et comparaisons européennes, de lier
de façon créative, expériences menées en entreprise ou au niveau local avec les
régulations privées et publiques en construction au niveau européen.
ASTREES mène des activités très variées : études et publications, chantiers
opérationnels d'expérimentation ou de formation, débats et conférences sur de
nombreux sujets fondamentaux et d'actualité relatifs notamment aux :
• marchés locaux du travail,
• nouveaux horizons en matière de gestion des ressources humaines,
• transformations du travail, et des relations salariales
Pour plus d’informations www.astrees.org – courriel : [email protected]
Propose des articles qui traitent de l'actualité des conditions du travail, des
relations collectives, de la protection sociale ou des évolutions qui affectent
l'emploi et le système productif, en France et dans les différents pays européens.
Consultez le site de METIS Correspondance européennes du travail
www.metiseurope.eu - courriel : [email protected]
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