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ARTS, LETTRES ET SCIENCES
4. Devrait pourtant être un nombre rond – Vraiment très
mal liée. 5. Ancienne boîte à lettres – On l’attend à midi
notamment. 6. Ne se hâte jamais qu’avec lenteur –
Permettent de tirer droit – Souvent rouge, jamais jaune.
7. Obligation annuelle envers l’AX. 8. Fait – Passe souvent
sous la porte – 5π/4. 9. Dommage que Ragueneau n’en
donne pas aussi la recette – Lésé. 10. Baba devant tant
d’escrocs – Se joue du frottement. 11. Général à l’AX –
Préposition. 12. Sous certain aspect, la plus courte des
saisons – La source, qui part du bas, de l’entraide à l’AX.
Mots croisés
Marcel Rama (41)
De l’AX... un peu
1
2
3
4
5
6
7
8
9 10 11 12
I
Solutions dans le prochain numéro
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
Récréations
scientifiques
Jean Moreau de Saint-Martin (56)
[email protected]
X
XI
XII
Horizontalement
I. Peut accueillir plus d’un tour à la fois – L’unité de base
de l’AX. II. SDF pour l’AX – Roule d’autant mieux qu’il a
bien roulé. III. Lui appartiennent en retour – N’est pas
corpsarde. IV. La tangente retournée hors du fourreau –
Une obligation qui a laissé de mauvais souvenirs. V. Le
symbole de l’AX. VI. Toujours liée à la Seine bien qu’on
ait cessé de l’écrire – Quelle croûte ! – À respecter.
VII. Coule peu dans l’autre sens – Du pareil au même –
36 au Conseil de l’AX. VIII. L’expression de l’AX – Un
creux phonétique. IX. Place – Faisait lever la tête à Minos
ou à Pâris. X. Toutes embrassées par l’AX. XI. Une forte
tête – 5π/8 – Un kilomètre à pied, ça le fait. XII. Son arbre
devrait être de Judée – Membres de l’AX, non ?
Verticalement
1. Une pièce pour cent actes divers – Ses fêtes se nommaient lycées. 2. C’est l’AX tout entière concrétisée –
Grande du Nord ou du Sud. 3. Ne saurait qualifier les
membres même les plus anciens de l’AX – Se frottait jadis.
1) Prenant 4 entiers consécutifs, je forme la somme de
leurs carrés. Montrez que
– c’est aussi la somme de 3 carrés,
– ce ne peut être la somme de moins de 3 carrés.
2) Le jeu de l’été
Jules et Romain jouent selon la règle suivante : chacun
pioche à son tour dans un tas de jetons, en prenant un ou
plusieurs jetons, mais pas plus de 5 et pas le nombre que
vient de prendre son partenaire. Le joueur qui ne peut
plus jouer selon cette règle a perdu.
Le tas contient au départ 500 jetons. Jules a-t-il intérêt à
jouer le premier ? Quel sera son premier coup ?
3) À faire sur la plage
On donne les angles
20°, 30°, 40°, 50° de
la figure ci-contre.
Que vaut l’angle marqué d’un point d’interrogation ?
20°
?
40°
30°
50°
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LA JAUNE ET LA ROUGE – JUIN/JUILLET 2004
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Bridge
François Dellacherie (88)
Problème n° 5 (➣➣)
Nord donneur, tous vulnérables, vous (Ouest) relevez :
♠ A D 10 7 6 3
♥ D 10 6 4
◆V8
♣ D (match par 4)
La séquence d’enchères se déroule :
Ouest
Nord
Est
Sud
Passe
1♥
2♥
Passe
Passe
2♠
3♠
Fin
4♠
Nord entame le ♥R et le mort s’étale :
♠
♥
◆
♣
A D 10 7 6 3
D 10 6 4
O
V 8
D
N
S
♠
♥
E ◆
♣
V 9 8 5
7
A D 10 4
9 7 6 3
Sud fournit le ♥2, et Nord continue du ♣2 pour l’As de
Sud qui rejoue ♣ que vous coupez, Nord fournissant le
Valet. Quel est votre plan de jeu ?
Mise sur la voie
1. Quelles sont vos perdantes ? (➣)
2. Comment sont répartis les ♥ ? (➣)
3. Sud peut-il avoir les deux Rois de ♠ et ◆ ? (➣)
4. Comment jouez-vous ? (➣➣)
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Allons
au théâtre
Philippe Oblin (46)
J
’ESPÈRE que nombre d’entre vous auront vu, l’an dernier, Le Vent des peupliers de Gérald Sibleyras mais,
avant de pénétrer plus dans l’œuvre de cet auteur
72 JUIN/JUILLET 2004 – LA JAUNE ET LA ROUGE
dramatique, je voudrais, puisqu’il est question de peupliers, vous rappeler ce bel et émouvant adage de René
de Obaldia : “ Un seul hêtre vous manque, et tout est peuplier. ”
Ce bref rappel fait, revenons à M. Sibleyras. Il recommence cette année de nous émerveiller avec une comédie d’un décapant humour : L’Inscription. Elle est jouée
au Petit-Montparnasse, inaugurant d’ailleurs ainsi, en
quelque manière, cette salle très agréablement réaménagée, et surtout assez agrandie pour mériter plutôt maintenant le nom de “ Moyen-Montparnasse ”.
Sibleyras fait partie de ces auteurs capables de retenir l’attention amusée des spectateurs durant une soirée
avec une situation toute simple. Dans Le Vent des peupliers, trois vieux militaires retraités tuent le temps comme
ils peuvent. Dans L’Inscription, les Lebrun, un couple
approchant la quarantaine, viennent d’emménager dans
un immeuble plutôt cossu. Un soir en rentrant, M. Lebrun
trouve une inscription gravée au couteau dans l’ascenseur : Lebrun = con. Il en ressent de l’humeur et s’en
ouvre à ses voisins. C’est tout, et cela suffit pourtant à tenir
jusqu’à la fin le théâtre rempli. En sus, l’on s’amuse fort.
Partant de ces minces circonstances, l’auteur dresse un
tableau hilarant du “ prêt-à-penser ” contemporain. Les
voisins des Lebrun en effet se montrent incapables de
faire fonctionner leurs cerveaux autrement qu’en mettant bout à bout des idées toutes faites, qu’ils sont d’ailleurs
bien en peine d’expliciter clairement. Peu arrangeant de
nature, et légitimement irrité par l’inscription de l’ascenseur, M. Lebrun se plaît pour sa part à leur faire éclater au nez la niaiserie de leurs propos. Sans pourtant y
parvenir : ils sont tous trop sûrs de leur “ modernité ”
pour en percevoir la stupidité et comprendre que M. Lebrun
se paye leur figure.
Ils le voient au contraire comme un original, un peu
taré, et l’on sent bien que, même s’ils demeurent toujours
parfaitement polis, voire un peu protecteurs, ils ne sont
néanmoins pas éloignés d’accorder quelque crédit à la
mystérieuse inscription. Pour eux, ne pas penser comme
tout le monde = être minoritaire = avoir tort. Après tout,
et tout à fait entre nous, cette équation n’est-elle pas démocratiquement inattaquable ?
Si l’on passe une excellente soirée au Petit-Montparnasse,
il n’est en outre pas moins divertissant de lire certaines
critiques de cette pièce. On y renifle souvent comme un
embarras mal déguisé. Il est en effet impossible de ne
pas avouer que cette pièce est d’une parfaite drôlerie.
Mais il est tout en même temps atroce d’observer que le
comique y repose sur la mise en boîte de ces “ valeurs ”
de la pensée contemporaine devenues d’affligeantes foutaises à force d’être ressassées, au besoin hors de propos. Chacun s’en gargarise à tort et à travers, y compris
les gens de média : or les voilà, au moment de prendre
la plume, horrifiés à la pensée que M. Sibleyras est capable
de les faire rire en passant à la trappe et pêle-mêle, sous
leurs yeux, des thèmes aussi nobles que la tolérance, le
partage, la lutte contre l’injustice, la convivialité, les fêtes
de quartier, l’ouverture aux jeunes, les espaces de liberté…
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Il est d’ailleurs significatif d’observer que d’analogues
contorsions mentales apparurent sous certaines plumes
rendant compte d’une comédie bien drôle aussi, évoquant
les émois d’intellectuels bon teint connaissant le succès
grâce à une critique très élogieuse de leur travail parue
dans un journal d’extrême-droite. Il s’agissait de Danger…
public, de Frédéric Sabrou, dont il fut question dans ces
colonnes.
Voilà, dans la dramaturgie contemporaine, un courant
de pensée qu’il sera intéressant de suivre.
J’espère en tout cas que vous courrez voir L’Inscription.
Nous n’avons parlé que du texte ; il convient pourtant
d’ajouter qu’il est servi par trois comédiennes et trois
comédiens chacun plus vrai que nature, dans son ironie,
ou sa combinaison de suffisance, de naïveté et de bêtise.
Du grand art.
■
L’Inscription, de Gérald Sibleyras, dans une mise en scène de Jacques
Échantillon, au Petit-Montparnasse, 31, rue de la Gaîté, 75014 Paris.
Tél. : 01.43.22.77.74.
Oenologie
Laurens Delpech
Les vins de Vosne-Romanée
V
OSNE-ROMANÉE est situé en Bourgogne, au cœur
de la Côte de Nuits entre Dijon et Beaune. Ses
voisins immédiats sont le Clos de Vougeot,
Chambolle-Musigny et Nuits-Saint-Georges. C’est le village où l’on trouve le plus de grands crus rouges de
Bourgogne, dont la fameuse Romanée-Conti. VosneRomanée produit d’ailleurs plus de grands crus et de premiers crus que de vins avec la seule appellation village, ce
qui en dit long sur la qualité du vignoble… L’abbé Courtépée,
dans sa célèbre “ Description du Duché de Bourgogne ”,
écrivait déjà à la fin du XVIIIe siècle “ Il n’y a point à Vosne
de vin commun. ” Cette prestigieuse appellation, composée exclusivement de vins rouges, se partage en réalité
entre deux communes : Vosne-Romanée et sa voisine
Flagey-Échézeaux. Sous un sommet aride, le grand coteau
qui court sur les deux villages jouit d’une situation extrêmement abritée et d’une exposition sud-est idéale, contribuant au parfait mûrissement du raisin.
Sur Vosne, au nord de l’appellation, à mi-pente sur le
coteau, exposé au levant se trouve le grand cru Richebourg
(8 ha), un vin à la robe intense, au fruité exubérant, avec
une structure puissante qui lui confère une touche de fermeté : ce grand cru mérite de vieillir. Le Domaine de la
Romanée-Conti en possède près de la moitié.
Juste en dessous sur le coteau, la Romanée-SaintVivant fut créée par l’abbaye de Saint-Vivant à la fin du
siècle. Sa superficie est de 9,5 hectares ; le Domaine
de la Romanée-Conti est propriétaire de plus de la moitié de ce grand cru.
Monopole du domaine éponyme, La Romanée-Conti
est située immédiatement au nord des vignes de Romanée
Saint-Vivant, à l’est de celles de Richebourg. La superficie est petite (1,8 ha), mais l’exposition au levant, la situation à mi-pente, un drainage optimal, la complexité du
terroir sont autant de conditions idéales pour produire le
plus grand des grands crus rouges de Bourgogne.
Juste au-dessus de la Romanée-Conti, la Romanée est
la plus petite AOC de France avec 84 ares et 52 ca.
Contrairement à son illustre voisine elle est plantée parallèlement aux courbes de niveau, d’est en ouest. Propriété
de la famille Liger-Belair, elle est commercialisée par la
maison Bouchard Père et Fils.
À l’est de la Romanée et de la Romanée-Conti, on se
retrouve dans La Grande Rue (1,51 ha), qui a été élevée
au rang de grand cru en 1990. C’est un monopole de la
famille Lamarche.
Ensuite vient La Tâche, le plus sudiste de tous les
grands crus de Côte de Nuits. Deux climats la composent : La Tâche (1,5 ha) et les Gaudichots ou La Tâche
(4,5 ha). L’ensemble forme un monopole qui appartient
au Domaine de la Romanée-Conti. Couleur soutenue,
richesse du bouquet, plénitude de la bouche, aptitude au
vieillissement, certaines années La Tâche rivalise avec La
Romanée-Conti.
Les deux grands crus de Flagey se nomment Grands
Échézeaux (9,13 ha) et Échézeaux (environ 38 hectares).
Les Grands Échézeaux sont adossés au Clos de Vougeot.
Ils ont été créés au XIIe siècle par les moines cisterciens. Le
sol est peu pentu et se situe dans la continuité des vignes
du haut du Clos de Vougeot (les meilleures de ce climat),
d’où son caractère affirmé, très charnu, avec un bouquet
de cassis, fraise, cerise et framboise. Les Échézeaux sont
situés au-dessus des Grands Échézeaux et dans leur prolongement sud. Ils rassemblent en fait onze lieux-dits placés de façon différente sur le coteau. Plus on est bas, plus
les terres sont profondes. Les meilleures vignes sont à micoteau, où on se trouve vraiment dans la continuité des
grands crus : le Musigny au nord et la Romanée SaintVivant au sud. Les Échézeaux sont complexes, charnus,
souples avec des tannins très fins. Sur ce vaste terroir, on
trouve des vins hétérogènes, un peu comme sur le Clos
de Vougeot. On ne risque pas de se tromper en choisissant les Échézeaux du Domaine de la Romanée-Conti,
mais aussi ceux de Faiveley ou du Domaine Gros.
Autour de ces grands crus s’éparpille une nuée de premiers crus (20 sur 46 ha). Les plus célèbres sont sur
Vosne. Le plus connu, popularisé par Jayer, est le Cros
Parentoux, un vin superbe, riche et velouté. Les Brûlées,
qui prolongent le Richebourg au nord, ont aussi beaucoup de caractère. Viennent ensuite les premiers crus du
sud de l’appellation, dans le prolongement de La Tâche
comme Les Malconsorts, Les Gaudichots, le Clos des Réas,
sans oublier Les Suchots, nichés entre les Échézeaux et
la Romanée-Saint-Vivant.
■
IXe
LA JAUNE ET LA ROUGE – JUIN/JUILLET 2004
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Discographie
Jean Salmona (56)
Entre le zist et le zest
Il y a dans l’air un parfum d’héliotrope ;
je me dépêche d’en tirer profit.
Trigorine, in Tchekhov, La Mouette
Deux cordes
Vous ne connaissez peut-être ni Nigel Kennedy ni
William Walton, et vous avez sans doute sur la musique d’outreManche du XXe siècle une opinion condescendante ; vous
pourrez à la fois combler une lacune et réviser un jugement en écoutant les deux Concertos de Walton (19121983) pour violon et pour alto, enregistrés par Kennedy
en 1987 alors qu’il était à la fois le poulain de Yehudi
Menuhin et l’enfant terrible des concerts classiques de
Londres, et réédités dans la série “Great artists of the Century” 1.
La musique de Walton est sans complexes, parfaitement
tonale, bien orchestrée, bien écrite, raffinée, avec des thèmes
superbes, des harmonies certainement plus proches de
Rachmaninov et de Fauré que de Boulez, et sans une faute
de goût : un grand plaisir d’écoute, à découvrir. Et Kennedy,
jadis illustre au Royaume-Uni pour son comportement provocateur et ses capacités médiatiques autant que pour ses
qualités musicales, est en réalité de la race des Vengerov,
Bell, Hahn, et autres Repin : un très grand.
Yo-Yo Ma, touche-à-tout génial, devait un jour s’attaquer à Vivaldi : voilà qui est fait, avec un disque où se
côtoient des œuvres originales pour violoncelle et des
transcriptions de concertos pour violon et viola d’amore
et d’airs d’opéra 2. Les concertos originaux n’apportent
pas grand-chose à la gloire de Vivaldi, mais les transcriptions, genre pratiqué couramment par Bach et par
Vivaldi lui-même, sont d’une belle eau. Yo-Yo Ma, qui
joue ici d’un violoncelle baroque, a cette grâce magique
et cette sonorité inimitable qui font qu’on l’aimerait même
s’il faisait des gammes.
Deux voix
Si vous aimez le bel canto et si vous êtes las des “ Trois
ténors ” – les héros sont fatigués – réjouissez-vous : la
relève est assurée. Rolando Villazon, accompagné par le
Münchner Rundfunkorchester dirigé par Marcello Viotti,
chante des airs de Verdi, Puccini, Mascagni, Donizetti 3, et
se révèle un ténor absolument hors du commun : puissance,
bien sûr, mais aussi finesse des pianissimos, velouté du phrasé,
et économie des sanglots de fond de gorge qui faisaient se
pâmer les dames du temps jadis et qui exaspèrent aujourd’hui les amateurs de vraie musique.
74 JUIN/JUILLET 2004 – LA JAUNE ET LA ROUGE
Ceux qui ont eu la chance d’entendre le Deller Consort,
par exemple dans le cloître de Saint-Maximin, ont à jamais
gravé dans leur mémoire cette équipe joyeuse chantant
autour d’une table des polyphonies de la Renaissance.
Alfred Deller, qui en était l’âme, avait fait découvrir au
monde musical, au début des années cinquante, le timbre
et la tessiture oubliés de la voix de haute-contre. EMI
réédite ses premiers enregistrements, des chansons des
XVIe et XVIIe siècles anglais, de John Dowland à Purcell, en
passant par des poèmes extraits de pièces de Shakespeare 4 :
une petite merveille, un régal.
Contemporains
Il y a, pour simplifier, deux tendances principales chez
les compositeurs de la fin du XXe siècle : l’une tente l’impossible synthèse entre les musiques tonale et dodécaphonique, l’autre s’efforce de renouveler la musique tonale
en évitant de pasticher les derniers grands créateurs (Mahler,
Debussy, Ravel, Fauré, Gershwin, Prokofiev, Stravinski,
Britten). Ces deux écoles sont assez bien représentées par
deux enregistrements récents : Maja, de l’Italien Ivan
Fedele 5, et Ballades du soldat, du Français Aubert Lemeland 6.
Maja, écrit pour soprano (Françoise Kubler) et ensemble
de chambre (Accroche Note), joue essentiellement sur les
rythmes et les timbres, avec des réminiscences de musique
tonale, et peut intéresser, sinon séduire, à condition de
lire attentivement la notice qui explique les intentions de
Fedele. La musique de Lemeland, tonale, est accessible
sans préparation ; les Ballades du soldat, pour piano seul,
sont jouées par notre camarade Jean-Pierre Férey, excellent pianiste qui dirige par ailleurs l’éditeur Skarbo. Il
s’agit de miniatures inspirées par les lettres de soldats
américains qui ont participé au débarquement de 1944,
pièces austères et évocatrices qui ne peuvent laisser indifférent. Le disque est complété par le très bel Épilogue “ à
l’étale de basse mer ” pour soprano et ensemble instrumental et vocal.
On rappellera à cet égard Omaha – Chants pour les soldats morts 7, de Lemeland, une œuvre très forte, dont il a
été rendu compte dans ces colonnes il y a quelques années,
et que Skarbo réédite avec deux autres œuvres de Lemeland,
le Concerto pour harpe et Élégie à la mémoire de Samuel
Barber.
Pour le plaisir
Massenet, le compositeur le plus célèbre de son époque
(il est mort en 1912) et aussi le plus riche, n’a eu d’autre
ambition que celle de plaire au public qui achetait ses
partitions et assistait à ses opéras. On cherchera en vain
la moindre innovation dans sa musique pour piano, dont
on réédite l’enregistrement réalisé par Aldo Ciccolini dans
les années 1970 8. Un Concerto pour piano clairement inspiré de Liszt, de multiples pièces – impromptus, valses,
danses, toccata, etc. – destinées aux pianos du dimanche
dans les salons bourgeois, et qui rappellent un peu
Schumann. Une musique charmante, à écouter, ou plu-
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tôt à entendre, par la fenêtre d’une maison de campagne
tandis que vous lisez paresseusement un roman policier
en vous laissant distraire par les senteurs du jardin.
Le disque du mois
Comme Ellington pour le jazz, Astor Piazzolla a donné
au tango une forme noble – arrangements raffinés et complexes laissant une place pour l’improvisation – qui lui a
ouvert l’audience des amateurs de musique dite classique.
D’autres ont suivi son exemple, écrivant des musiques
qui ne sont plus qu’inspirées par le tango, pour l’ensemble
de base bandonéon-violon-piano-guitare-contrebasse,
dont le groupe Soledad – archétype du genre – présente
des pièces de Piazzolla, Alberto Iglesias, Daniel Capelleti,
Frederic Devreese 9. La merveille est que cette musique,
née dans les bas-quartiers de Buenos Aires, ait, comme le
jazz, atteint à l’universalité. Les Soledad sont des musiciens hors pair, et ils jouent avec la perfection requise
pour les Brandebourgeois de Bach des pièces vertigineuses
comme Movimiento Continuo ou des ballades comme
Mumuki. Si, à l’orée de l’été, vous êtes indécis et languide,
écoutez ce disque, et vous serez revigoré, et paré pour
toutes les aventures.
■
1. 1 CD EMI 5 62813 2.
2. 1 CD SONY SK 90916.
3. 1 CD VIRGIN 5 45626 2.
4. 1 CD EMI 5 85973 2.
5. 1 CD L’EMPREINTE DIGITALE ED 13198.
6. 1 CD SKARBO DSK 2041.
7. 1 CD SKARBO SK2338.
8. 2 CD EMI 5 85517 2.
9. 1 CD VIRGIN 5 45625 2.
Solutions des récréations scientifiques
1) Proposé par Pierre Bréant (40)
Soit n le second des entiers de départ. On a
(n – 1)2 + n2 + (n + 1)2 + (n + 2)2 = 4n2 + 4n + 6.
a) Cette expression s’écrit (2n + 1)2 + 22 + 12, somme de
trois carrés.
b) Comme n2 et n sont de même parité, 4n2 + 4n est
multiple de 8. Les restes modulo 8 des carrés ne pouvant
être que 0, 1 ou 4, on ne peut pas obtenir un reste 6 avec
moins de 3 carrés, il faut au moins 3 carrés dont les restes
sont 1, 1 et 4.
2) Le jeu de l’été
Je note les coups (a > b) par le nombre de jetons du tas
avant et après. M’intéressant aux coups appartenant à la
stratégie gagnante, j’écris en abrégé (a > b, c) pour (a > b)
et (a > c), de même que (a, b > c) pour (a > c) et (b > c).
Pour faire la liste des coups gagnants, je pars de la fin : le
dernier coup est (1, 2, 3, 4, 5 > 0) ou (2 > 1). Si (a > b) est
gagnant, il ne peut y avoir de coup gagnant (d > a) que si
d – a = a – b.
Si (a > b, c), il ne peut y avoir aucun coup gagnant (d > a).
J’obtiens ainsi la liste
(1 > 0), (2 > 0, 1), (3 > 0), (4 > 0),
(5 > 0), (6 > 3), (8 > 4, 7), (9 > 6, 7), (10 > 5, 7),
(11 > 7), (12 > 7), (14 > 13), (15 > 11, 13, 14),
(16 > 13), (17 > 12, 13),
(18 > 13), (19 > 16), (21 > 17, 20), (22 > 19, 20),
(23 > 18, 20)...,
où on voit que la dernière partie reproduit une partie
précédente avec des nombres augmentés de 13. Le mode
de construction étant basé sur les différences, cette périodicité
des restes modulo 13 se poursuit indéfiniment.
Comme 500 = 13 x 38 + 6, le joueur en premier a une
stratégie gagnante et son premier coup doit être de prendre
6 – 3 = 3 jetons.
Si le tas de départ avait 0 ou 7 pour reste modulo 13, c’est
le joueur en second qui aurait une stratégie gagnante, et
son premier coup dépendrait du premier coup de son
partenaire.
3) À faire sur la plage
Bien sûr, avec papier et crayon, on peut poser des équations,
du genre a/sin A = ..., faire quelques transformations
trigonométriques, et trouver que l’angle inconnu vaut 30°.
Voici un raisonnement de géométrie élémentaire qui peut
se faire en traçant la figure sur le sable de la plage.
Tout triangle a 180°
D
pour somme de ses
E
angles, donc ADB = 20°,
ADC = 80°, CED = 50°.
50°
?
On voit des triangles
20°
40°
30°
isocèles, où BA = BD, A
B
F
C
DC = DE, AC = AD.
Le cercle de centre D, de rayon DC, recoupe AC en F.
DCF est isocèle et CFD = 80°, puis BDF = 40°. FBD est
isocèle et FB = FD.
Comme DE = DC = DF, DEF est isocèle, et comme EDF
= 60°, il est même équilatéral. FE = FD et EFD = 60°.
Le cercle de centre F et de rayon FD passe aussi par B et
E. L’arc DE y est vu sous un angle 60° de F, et donc sous
un angle moitié (30°) de B.
Énoncé n° 3 de mai 2004
Le plus petit entier représentable de deux façons comme
somme de deux cubes est 1729. Sauriez-vous en trouver
un autre ?
Selon la piste indiquée, on commence par essayer (12 + x)3
+ (1 + x)3 = (10 + x)3 + (9 + x)3, mais cela donne x(x + 6) =
0, donc rien de plus que les égalités 1729 = 123 + 13 = 103
+ 93, pour x = 0, et 63 = 33 + 43 + 53, pour x = – 6. Il faut
se donner plus de degrés de liberté. Observant que les
termes de degré 0 et 3 ont disparu dans notre premier
essai, nous pouvons conserver cette propriété en essayant,
avec deux variables :
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(*) (12 + x)3 + (1 + y)3 = (10 + x)3 + (9 + y)3, ou
(**) (12 + x)3 + (1 + y)3 = (10 + y)3 + (9 + x)3, ou encore
(***) (12 + x)3 + (1 – x)3 = (10 + y)3 + (9 – y)3.
Chacune de ces équations représente une conique passant
par l’origine, et on sait en construire une représentation
paramétrique rationnelle en posant y = mx. L’équation étant
à coefficients rationnels, les valeurs rationnelles de m
fournissent des valeurs rationnelles de x et y, d’où on tire
des nombres qui sont de deux façons somme de deux cubes
rationnels, puis des entiers ayant la même propriété.
Par exemple, pour m = 3/5, l’équation (**) donne x = 15,
y = 9 et 273 + 103 = 20 683 = 193 + 243. Mais on ne peut
obtenir d’entiers relativement petits que par tâtonnements,
car on maîtrise mal les dénominateurs qu’introduit cette
méthode.
Christian Romon (75) propose
la méthode suivante pour éviter
cette croissance incontrôlée
En établissant une table d’addition des nombres entiers
relatifs cubiques les plus proches de 0, on constate que le
plus petit entier strictement positif s’écrivant de deux façons
différentes comme somme de deux entiers relatifs cubiques
est 91 qui s’écrit aussi bien comme la somme des cubes de
6 et –5 que comme la somme des cubes de 3 et 4. Les deux
nombres suivants ayant cette propriété sont ensuite 152 et
189, résultant en fait de la même égalité 63 = 33 + 43 + 53.
L’idée pour générer de nouvelles égalités entre 4 nombres
cubiques à partir d’une égalité telle que a3 + b3 = c3 + d3
est de chercher des entiers relatifs u et v tels que l’on ait
(a+u)3 + (b+v)3 = (c+u)3 + (d+v)3. Puis à partir des valeurs
ainsi trouvées on peut à nouveau générer d’autres égalités
à 4 nombres entiers naturels cubiques.
L’énoncé invite à trouver de telles égalités équilibrées avec
deux cubes entiers naturels de chaque côté du signe égal.
Le développement de (a + u)3 + (b + v)3 = (c + u)3 + (d + v)3
avec a3 + b3 = c3 + d3 conduit à l’égalité suivante : v(b – d)
(v+b+d) = u(c–a)(u+c+a) qui permet de trouver rapidement
des solutions en u et v et donc de nouvelles égalités
cubiques. À noter qu’à partir d’une égalité donnée a3 + b3
= c3 +d3 il y a trois façons différentes d’apparier les nombres
de départ pour la recherche de u et v.
On peut en effet écrire :
(a + u)3 + (b + v)3 = (c + u)3 + (d + v)3 (A) ou encore
(b + u)3 + (a + v)3 = (c + u)3 + (d + v)3 (B) ou encore
(– d + u)3 + (a + v)3 = (c + u)3 + (– b + v)3 (D).
Une égalité donnée peut ainsi générer a priori au moins
trois familles de nouvelles égalités, mais éventuellement
davantage en partant des nombres ka, kb, kc et kd, c’està-dire en prenant des multiples des nombres initiaux.
Convenons de noter Ei//Ej deux égalités de 4 nombres
cubiques pouvant se déduire l’une de l’autre pour des
valeurs bien choisies de u et v appliquées à des appariements
convenablement choisis. Nous conviendrons de prendre
les nombres a, b, c et d premiers entre eux dans leur
ensemble pour la formulation générique d’une égalité et
de noter kEi lorsque nous partons des coefficients multipliés
76 JUIN/JUILLET 2004 – LA JAUNE ET LA ROUGE
par un même facteur k. Enfin notons par les lettres A, B
et D les trois appariements possibles définis plus haut en
convenant de prendre pour c le plus grand des 4 nombres
et |a| > |b| > |d|.
Ainsi par exemple avec cette notation et en désignant par
E1 la relation 63 = 53 + 43 + 33 et E2 93 = 83 + 63 + 13, on
constate que E1A//E2A, les valeurs u = 3 et v = 2 permettant
d’obtenir E2A à partir de E1A.
En résolvant les diverses équations on peut construire de
proche en proche pour les petites valeurs de u et de v de
nouvelles relations. Voici celles obtenues par Romon :
E3 123 + 13 = 103 + 93,
E4 163 + 23 = 153 + 93,
E5 193 = 183 + 103 + 33,
E6 273 + 103 = 243 + 193,
E7 343 + 23 = 333 + 153,
E8 343 + 93 = 333 + 163,
E9 393 + 173 = 363 + 263,
E10 403 + 123 = 333 + 313...
Les conditions de passage de l’une à l’autre sont les suivantes:
E1A // E2A // E4A // E8A,
E1B // E3A,
E1D // E2B // E3B // E6A // E9A,
E2D // E6B,
2E2D // 2E6B // E5D,
E3D // E9B,
E4D // E8B,
E5B // E10B,
E5A // E7A.
À noter que certaines égalités peuvent aussi s’obtenir plus
simplement par combinaisons linéaires d’autres égalités bien
choisies. Par exemple E3 s’obtient comme 2E1 – E2 ou
encore E5 + E6 donne 3E2. Mais il semble bien qu’à partir
de la méthode en u et v on puisse générer toutes les égalités
à 4 cubes de proche en proche, ce qui reste cependant à
prouver.
Les résultats ci-dessus (E4,E7,E8 d’une part, E5,E6 d’autre
part) font aussi ressortir des entiers décomposables de
trois façons en sommes de 2 cubes d’entiers relatifs :
3 367 = 153 – 23=163 – 93 = 343 – 333,
5 859 = 183 + 33 = 193 – 103 = 273 – 243.
Les deux plus petits nombres s’écrivant comme somme de
deux entiers naturels cubiques de deux façons distinctes
s’obtiennent avec les égalités E3 et E4. Ce sont : 1 729 =
123 + 13 = 103 + 93 et 4 104 = 163 + 23 = 153 + 93.
Solutions du bridge
Mise sur la voie
1. Vous avez 7 perdantes : 1(♠) + 4(♥) + 1(◆) + 1(♣). On
peut faire.
2. Nord possède AR de ♥ cinquièmes.
3. Non, il aurait trop de jeu pour se contenter de 2♥, et
Nord aurait trop peu de jeu pour avoir ouvert.
4. Il est tentant de partir en double coupe, mais ça ne
sert pas à grand-chose si on perd les deux Rois de ♠ et ◆.
71-77_Variétés
15/06/04
15:03
Page 77
La clef du coup est de faire l’impasse ◆ : si elle réussit
vous continuez en double coupe, il ne peut plus rien vous
arriver (vous tenterez l’impasse ♠ en fin de coup pour
+1). Si elle échoue, votre seule chance devient… le ♠R sec
en Nord (cf. réponse 3.). Un peu de courage, la chance
était au rendez-vous.
La main de Nord
♠R
♥AR953
◆9762
♣RV2
Les livres
La publication d’une recension n’implique
en aucune façon que La Jaune et la Rouge soit
d’accord avec les idées développées dans l’ouvrage
en cause ni avec celles de l’auteur de la recension.
pour pratiquer le commerce ou pour s’enrôler (ou être
enrôlés de force) auprès des grandes puissances d’alors :
Égyptiens, Hittites.
Jean Faucounau poursuit son travail très documenté
sur cette période, recoupant, à son habitude, de nombreuses sources archéologiques, historiques, géologiques,
linguistiques ; il apporte son éclairage très personnel sur
les courants migratoires et les cultures autour de la
Méditerranée avant la fin de l’âge de bronze. Il poursuit
ses publications dont certaines ont déjà été relatées dans
La Jaune et la Rouge : Le déchiffrement du disque de Phaistos,
L’Harmattan 1999 (n° 546 juin-juillet 1999), Les Proto-Ioniens,
histoire d’un peuple oublié, L’Harmattan 2002 (n° 579
novembre 2002).
À lire par tous ceux qui s’intéressent au berceau de
notre civilisation.
Jacques MINÉRY (62),
membre du Groupe X-Histoire et Archéologie
Laurent Schwartz
(1915-2002)
Numéro spécial 1 coordonné par Colette Anné 2,
Jean-Pierre Bourguignon (66) et Claude Viterbo 3
Société Mathématique de France 4 – 2003
Les Peuples de la Mer
et leur histoire
Jean Faucounau (47)
Paris – Éditions de l’Harmattan – 2003
• Vers 1628 av. J.-C. : une violente éruption du volcan Théra (île de Santorin) propage des cendres très largement sur la Méditerranée ; des carottages effectués au
Groenland en attestent.
• En 1205 av. J.-C. : de violents tremblements de terre
en Méditerranée provoquent en particulier l’effondrement
de couches terrestres à Santorin, ce qui entraîne un “ tsunami ”, vagues très hautes, plus importantes que celles
qui, en 1883, ont ravagé les côtes de Java et Sumatra après
l’éruption du volcan Krakatoa.
Ces vagues détruisent des villages côtiers, salent les
terres qui deviennent incultes, soulèvent les couches de
cendres; hommes et animaux périssent, ce qui entraîne des
épidémies. Ces événements provoquent de graves déséquilibres sociaux et économiques qui donnent lieu à d’importantes migrations de populations, à la recherche de
nouvelles terres fertiles.
Migrent en particulier les Peuples de la Mer : Akhawasha
(Achéens), Toursha (Étrusques), Loukka (Lyciens), Shardana
(Sardes), Shakalasha (Siciliens), Péleshéta (Philistins)… ;
ces peuples s’étaient installés sur les rivages de la Méditerranée
Ce recueil de témoignages 5, rassemblés auprès de personnes venues de divers horizons mais ayant bien connu
Laurent Schwartz, permet de mieux découvrir les multiples facettes de sa personnalité.
La Société Mathématique de France honore ainsi sa
mémoire et ses multiples engagements dans le siècle.
J. R.
1. Supplément au numéro 98 de la Gazette des mathématiciens.
2. Rédactrice en chef de la Gazette des mathématiciens.
3. Directeur du Centre de mathématiques de l’École polytechnique.
4. Société Mathématique de France, Institut Henri Poincaré, 11, rue
Pierre et Marie Curie, 75231 Paris cedex 05.
5. Voir témoignage de Bernard Ésambert page 61 de ce numéro.
Autre livre reçu
L’évaluation des droits
de propriété industrielle
Pierre Breesé et Alain Kaiser
Paris – Gualino éditeur 5 – 2004
5. 31, rue Falguière, 75015 Paris. Tél. : 01.56.54.16.00.
LA JAUNE ET LA ROUGE – JUIN/JUILLET 2004
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