Limites de l`Asie orientale

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Limites de l`Asie orientale
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Les butoirs de la croissance et de la puissance en Asie orientale
par Évelyne DOURILLE-FEER
| Dalloz | Revue internationale et stratégique
2001/4 - n° 44
ISSN 1287-1672 | ISBN 2130518338 | pages 81 à 97
Pour citer cet article :
— Dourille-Feer n, Les butoirs de la croissance et de la puissance en Asie orientale, Revue internationale et
stratégique 2001/4, n° 44, p. 81-97.
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La revue internationale et stratégique, n° 44, hiver 2001-2002
Les butoirs de la croissance
et de la puissance en Asie orientale*
Évelyne Dourille-Feer**
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LA REVUE INTERNATIONALE ET STRATÉGIQUE
ÉVELYNE DOURILLE-FEER ■
Après la pause enregistrée par la croissance dans de nombreux pays asiatiques
dès 1996, la crise financière qui a secoué l’Asie orientale, du mois de juillet 1997 à la
fin de l’année 1998, a braqué les projecteurs sur les faiblesses des modèles de croissance régionaux. Si cette crise brutale s’est déjà traduite par de nombreuses restructurations dans le secteur financier et au sein des entreprises, et si l’on peut espérer un
assainissement des circuits économiques à moyen terme, d’autres contraintes de plus
long terme comme l’accès aux ressources naturelles, la préservation de l’environnement, la mise en place d’infrastructures physiques et humaines pèseront également sur les rythmes de croissance. Les rapports de puissance régionaux dépendront
alors de la bonne gestion de ces contraintes.
LES FRAGILITÉS DU DÉVELOPPEMENT ASIATIQUE
Depuis les années 1970, les économies asiatiques (à l’exception de l’économie
japonaise) ont enregistré des taux de croissance records, dopés par les exportations.
Cherchant à se positionner sur les créneaux porteurs de la demande mondiale, les
pays asiatiques se sont trouvés progressivement en situation de forte concurrence,
concurrence avivée par l’irruption, depuis la fin de la guerre froide, de nouveaux
compétiteurs sur les marchés. Après avoir dynamisé la sphère productive, les capitaux, externes et internes, se sont ensuite déplacés vers des placements spéculatifs.
Et le revirement de politique monétaire aux États-Unis, passant d’un dollar faible à
un dollar fort à partir de l’été 1995, porta un coup funeste à la compétitivité des
produits asiatiques, les monnaies locales (mis à part le yen) étant alignées sur le dollar. La perte de confiance des investisseurs, en 1997, plongea la région dans la crise.
Deux ans plus tard, elle sembla en émerger. La croissance redémarrait (annexe 1),
les marchés financiers se stabilisaient, la fuite des capitaux était stoppée et on assistait au retour progressif de l’investissement privé. L’année 2000 confirma ces bons
résultats, mais de nombreuses fragilités subsistaient. Le brusque ralentissement de
l’économie américaine et le marasme de celle du Japon en 2001 les font à nouveau
resurgir.
** L’Asie orientale comprend le Japon, la Chine, les Nouveaux pays industrialisés (NPI) – à savoir
Hong Kong, la Corée du Sud, Taiwan et Singapour – et les pays de l’Association des nations du Sud-Est
asiatique (ANSEA).
** Docteur en économie et chargée de mission au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII). Ce manuscrit, clos en septembre 2001, n’engage que son auteur.
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LA REVUE INTERNATIONALE ET STRATÉGIQUE
La dépendance croissante à l’exportation
Pour la majorité des pays d’Asie orientale, les exportations constituent le moteur le
plus dynamique de la croissance, ainsi que l’atteste leur poids grandissant dans le
produit intérieur brut (tableau 1). En 1995, Singapour et la Malaisie arrivaient en
tête du palmarès des plus gros exportateurs, relativement à leur taille économique,
suivis par Taiwan et la Thaïlande. Les exportations jouaient un rôle vital dans
l’économie de tous les pays de la région, à la singulière exception du Japon. Après la
crise de 1997-1998, cette dépendance à l’exportation s’est encore accrue pour la majorité d’entre eux.
Parallèlement à la montée des exportations, un recentrage des échanges sur la zone
asiatique s’est opéré à partir du milieu des années 1980, à l’exception de la Chine, de
l’Indonésie et de la Malaisie. Néanmoins, pour ces trois pays, la part de l’Asie est
restée prépondérante au sein de leurs échanges. Ainsi, en 1995, l’Asie s’imposait
comme la destination privilégiée des exportations de la plupart des pays de la région.
Cette double caractéristique (rôle moteur des exportations dans l’économie et
concentration des exportations en Asie) a contribué à propager et à prolonger la crise
régionale enclenchée durant l’été 19971. Cette dernière aurait eu des effets plus limités
dix à quinze ans plus tôt, à l’époque où le marché américain constituait le débouché
privilégié des produits asiatiques. De plus, le grand marché régional, le Japon, n’a
pas pu compenser le ralentissement de la demande des autres pays asiatiques à cause
de la contraction de son propre marché intérieur. En 1999, l’orientation des exportations de l’Asie orientale vers les pays asiatiques demeurait élevée. Toutefois, un basculement vers le marché américain, lié à la vigueur de la demande, était enregistré
TABLEAU 1. — Poids de l’Asie-Pacifique dans les exportations asiatiques (en %)
Part des exportations
asiatiques en %
du PIB
Part des exportations des pays d’Asie
dans leurs exportations mondiales1
Exportations
vers l’Asie
Japon
Hong Kong
Chine
Indonésie
Philippines
Corée du Sud
Thaïlande
Taiwan
Malaisie
Singapour
Exportations
vers les États-Unis
1990
1995
1999
1985
1995
1999
1985
1995
1999
10
39
15
23
19
26
24
42
68
98
8
21
22
23
24
25
30
41
82
85
9
12
23
40
44
35
45
42
99
79
23,8
22,0
43,4
63,2
38,5
26,6
37,0
27,3
60,9
45,7
41,6
46,3
37,6
58,0
40,6
44,8
44,0
46,1
50,2
51,3
35,2
43,3
30,5
49,8
43,2
41,9
40,3
39,9
45,7
48,5
38,0
41,9
14,6
23,1
37,4
33,8
18,6
45,8
13,9
20,0
27,4
21,5
27,5
14,0
37,4
19,4
20,2
25,4
22,7
20,4
30,8
21,7
33,5
14,8
35,5
20,6
23,1
28,0
25,2
20,1
1. Asie = NPI + Japon + Chine + 4 pays ANSEA : Thaïlande, Malaisie, Philippines, Indonésie.
Source : Chelem CIN et Chelem PIB (version juin 2001), calculs de l’auteur.
1. Diana Hochraich, L’Asie, du miracle à la crise, Bruxelles, Complexe, 1999.
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dans de nombreux pays, notamment au Japon, en Chine, en Thaïlande et en
Malaisie.
Le ralentissement de la croissance en 1996 (notamment en Corée du Sud, à
Taiwan, en Malaisie et en Thaïlande) a également mis l’accent sur la forte polarisation sectorielle des exportations. Depuis les années 1970, les exportations des pays
d’Asie orientale se sont concentrées sur la filière des machines (mécaniques, électriques et électroniques). Or, entre 1970 et 1995, le poids de cette filière dans le total des
exportations est passé de 50 % à 76 % pour le Japon, de 12 % à 73 % pour Singapour, de 2 % à 58 % pour la Malaisie, de 9 % à 57 % pour la Corée du Sud, de 43 %
à 56 % pour Taiwan et de 1 % à 50 % pour les Philippines. La montée du poids des
exportations de composants électroniques (Singapour, Corée du Sud, Malaisie, Taiwan, Japon, Philippines), de matériels informatiques et de matériels de télécommunication devint un facteur de vulnérabilité croissante. Le ralentissement brutal des ventes mondiales de semi-conducteurs, en 1996, en a apporté la confirmation.
Après la crise de 1997-1998, la situation s’est peu modifiée. Les NPI ont continué
d’accentuer leur spécialisation dans les composants électroniques (notamment Singapour et Taiwan) et dans le matériel informatique (comme la Malaisie). Si bien que,
en 2001, le ralentissement de la demande mondiale des produits liés aux technologies
de l’information a frappé de plein fouet les économies des NPI ainsi que celle de la
Malaisie et du Japon.
La dynamique asiatique du « vol d’oies sauvages » supposait que le pays précurseur (autrement dit, le Japon) maintiendrait une stratégie permanente de montée en
gamme, laissant aux pays suiveurs (les NPI, puis les pays de l’ANSEA et la Chine) la
possibilité de s’approprier les créneaux de production laissés libres. Ainsi, la Corée
du Sud se lança dans des opérations de production sectorielle haut de gamme (électronique, sidérurgie et automobile), cependant que les industriels japonais n’avaient
pas encore délaissé ces créneaux ; leur concurrence fut d’autant plus rude que le yen
chutait par rapport au dollar (79 yens pour 1 dollar en avril 1995, contre 130 yens
pour 1 dollar en 1997). Bloquée sur les créneaux de gamme moyenne, la Corée du
Sud contribua à rendre plus difficile la montée en gamme des pays de l’ANSEA. De
surcroît, ces derniers durent affronter la concurrence de la Chine et des pays à bas
salaires de la région. Des surcapacités, liées au choix de créneaux exportateurs similaires et à des politiques nationalistes de production locale, apparurent dans les secteurs de la chimie, de l’automobile, de la sidérurgie et de l’électronique. Ainsi, il était
prévu, en 1997, que les capacités de production d’éthylène de l’ANSEA passeraient de
3,2 à 8,2 millions de tonnes en 2001, sans assurance de débouchés. On estimait également que la production thaïlandaise d’automobiles atteindrait 1 million d’unités
en 2000. Le marché intérieur, après avoir atteint un pic de 589 126 véhicules en 1996,
est tombé à 363 156 en 1997, et à 144 065 unités en 19981. De ce fait, les objectifs de
production ont été révisés à la baisse, gonflant les surcapacités productives.
Cette prolifération de surcapacités a été facilitée par l’accès aisé à des capitaux
internationaux bon marché. Ce phénomène a échappé au contrôle des autorités
locales, limitées dans l’action sur les niveaux des taux d’intérêt domestiques.
La manne volatile des capitaux étrangers
La libéralisation des marchés financiers des pays en développement a provoqué, à
partir du début de la décennie 1990, un afflux massif de capitaux. De 1990 à 1996,
l’Asie s’est « taillée la part du lion » en attirant plus de 40 % de ces capitaux privés.
1. AAF Directory, Overview of the automobile industry, www.aafdirectory.org/country/thailand.htm.
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LA REVUE INTERNATIONALE ET STRATÉGIQUE
Toutefois, les flux de capitaux n’ont pas seulement bénéficié au développement du
secteur productif, ils ont irrigué, de façon croissante, les secteurs de l’immobilier, du
crédit à la consommation et de la bourse, alimentant ainsi des bulles spéculatives.
Ces capitaux volatils ont alors contribué à déstabiliser les systèmes financiers locaux
et les économies.
De plus, pendant que le secteur privé s’endettait sur les marchés domestiques et
extérieurs, certains États avaient adopté des politiques budgétaires expansionnistes
pour développer les infrastructures rendues nécessaires par l’accélération de la
croissance. Progressivement, les montants d’endettement extérieur augmentèrent pour
atteindre, en 1997, des niveaux préoccupants dans un certain nombre de pays.
Ces derniers, à l’exception des Philippines, enregistraient en 2000 des niveaux
d’endettement nettement plus bas (tableau 2).
TABLEAU 2. — Endettement de quelques pays asiatiques en 1997, 2000 et 2001 (en %)
Dette extérieure / PIB
Indonésie
Philippines
Thaïlande
Malaisie
Corée du Sud
1997
20001
20012
217,9
74,4
74,1
62,4
50,9
103,1
79,3
65,8
46,3
27,0
113,4
78,7
62,6
46,8
30,1
1. Estimations.
2. Prévisions.
Source : Deutsche Bank, 1998, 2001.
En 1997, les flux nets de capitaux des pays d’Asie en crise (Corée du Sud, Indonésie, Malaisie, Philippines et Thaïlande) se sont transformés d’entrées de 65,8 milliards de dollars en 1996 (36,1 milliards en 1994 et 74,2 milliards en 1995), en sorties
nettes de 20,4 milliards de dollars1. L’année suivante, les sorties s’élevèrent à 25,6 milliards de dollars.
Ces pays, à court de liquidités, cherchèrent à faire revenir les investisseurs. Malgré
la reprise de 1999 et 2000, les sorties nettes de capitaux ont continué d’être élevées
(respectivement 24,6 milliards et 40,6 milliards de dollars2). Toutefois, les flux nets
d’investissements directs et les investissements de portefeuille ont augmenté, les autres
catégories d’investissements nets poursuivant leur chute.
En assainissant leur situation économique, les pays asiatiques ont également cherché à stabiliser le cours de leurs monnaies, très éprouvées par l’ancrage au dollar.
Les dangers de l’ancrage au dollar
Jusqu’au début des années 1990, la parité pratiquement fixe des monnaies asiatiques
(hors yen) avec le dollar contribua à attirer les investisseurs et stabiliser les prix des
importations. De plus, l’essentiel des transactions asiatiques s’effectuait en dollars.
1. IMF, World Economic Outlook, juin 2001.
2. L’année 2000 est estimée.
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Comme le commerce et les investissements devenaient de plus en plus intrarégionaux et que le Japon jouait un rôle central, la dépendance vis-à-vis du yen s’accrut,
notamment en Thaïlande (42 % des exportations dirigées vers le Japon en 1995) et en
Indonésie (46 % des revenus extérieurs liés aux exportations vers le Japon en 1995).
Un déséquilibre s’instaura entre actifs et passifs détenus dans des monnaies
différentes1. La chute du dollar, entre 1991 et avril 1995, gonfla l’endettement libellé
en yens, mais stimula les exportations asiatiques. Ensuite, la montée du dollar, à partir de l’été 1995, mina la compétitivité des exportations des pays d’Asie de l’Est et du
Sud-Est. La dégradation des bilans des entreprises éroda la confiance des investisseurs étrangers.
Les premières attaques des spéculateurs se dirigèrent vers le baht thaïlandais à partir du mois de mars 1997 puis massivement au mois de juillet. L’effet de contagion
sur les autres monnaies des pays de l’ANSEA fut rapide (ringitt malais, roupie indonésienne, peso philippin). Et le retrait consécutif des capitaux des investisseurs provoqua l’effondrement des bourses régionales. La chute des monnaies se poursuivit jusqu’à la fin de l’année 1997 ou le début 1998, en fonction des pays, et même jusqu’au
mois de juin 1998 pour la monnaie la plus affectée, la roupie indonésienne
(tableau 3).
TABLEAU 3. — Évolution de quelques monnaies asiatiques
par rapport au dollar (en %)
Baht
(Thaïlande)
Ringitt
(Malaisie)
Roupie
(Indonésie)
Peso
(Philippines)
Won
(Corée du Sud)
30/06/97
12/01/98
30/06/97
31/05/00
30/06/97
9/01/98
30/06/97
31/05/00
30/06/97
17/06/98
30/06/97
31/05/00
30/06/97
7/01/97
30/06/97
31/05/00
30/06/97
23/12/97
30/06/97
31/05/00
– 55,5
– 37,18
– 46,42
– 33,56
– 85,39
– 71,71
– 41,45
– 33,56
– 54,91
– 22,81
Source : « The road to the revival of the Asian economy and financial system », Subcouncil on the
Revitalization of the Asian Economy and Financial Markets, 20 juin 2000.
À partir du début de l’année 1998, la plupart des monnaies des pays d’Asie en
crise – à l’exception de la roupie indonésienne – ont commencé à s’apprécier lentement, pour se stabiliser durant l’été 1998, mais leur équilibre demeure précaire. Au
mois de mai 2000, elles enregistraient des niveaux de parité avec le dollar très en deçà
de celui du mois de juin 1998. Mais la compétitivité-prix, obtenue grâce aux mouvements de parité, est en partie compensée par le gonflement des montants
d’importations de biens intermédiaires. Par ailleurs, les débouchés dans les pays voisins se sont raréfiés. De plus, les menaces de dévaluation du yuan chinois resurgissent
régulièrement, parallèlement aux mouvements à la baisse du yen. Si bien que
l’hypothèse d’une nouvelle crise des changes asiatiques ne peut être écartée.
La crise financière asiatique, bien que révélatrice de faiblesses structurelles différenciées selon les pays, a particulièrement mis en lumière le dysfonctionnement des
systèmes bancaires, qu’ils aient été libéralisés trop vite comme en Thaïlande, ou qu’ils
aient été trop protégés comme en Corée du Sud.
1. K. Courtis, « Japan’s Big Bang and the Asian Meltdowns », NIRA Review, printemps 1998.
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LA REVUE INTERNATIONALE ET STRATÉGIQUE
Le manque de transparence des systèmes financiers
En dépit des déréglementations des années 1980, les États asiatiques ont continué
d’exercer un contrôle étroit sur leurs systèmes bancaires. Les autorités ont souvent
contraint les banques à orienter les crédits vers les entreprises d’État en Indonésie et
en Chine, vers les Chaebols (groupes industriels) en Corée du Sud, et vers les entreprises des bumiputras (Malais de souche) en Malaisie.
La crise asiatique a mis au jour deux points faibles des systèmes financiers asiatiques, à savoir : l’insuffisance des règles de prudence et le manque de structures de
contrôle des banques. Ces éléments se révèlent indispensables dans le contexte d’une
forte compétition internationale et de la sophistication croissante des outils financiers. Les créances douteuses ont augmenté rapidement dans la région (en Thaïlande,
en Corée du Sud, en Indonésie et à Taiwan notamment), sans que les puissances
publiques ou les organismes internationaux ne disposent d’informations suffisamment précises pour appliquer les mesures nécessaires. Par ailleurs, seule la protection
du système financier par la convertibilité très partielle du yuan a permis à la Chine
d’éviter d’être déstabilisée par des attaques spéculatives, et de rester à l’écart de l’effet
de contagion de la crise régionale. Pourtant, les entreprises publiques y sont lourdement endettées, et, faute d’informations, le montant réel des créances douteuses des
banques est inconnu.
Le Japon, lui-même, n’a pas été à l’abri des dérapages liés à l’opacité de son système financier. Les créances douteuses des établissements bancaires étaient estimées à
50 trillions de yens en 1995 et à 76,7 trillions en 1997, en dépit des efforts
d’assainissement en vigueur. Mais le mouvement de restructuration du système bancaire ne s’est vraiment intensifié qu’à partir du mois d’avril 1998, lors du démarrage
du programme « big bang ». L’État a également mis en place un plan de sauvetage du
système bancaire par injection de fonds publics, créé des organismes de contrôle indépendants de l’administration centrale, et la Banque du Japon est devenue indépendante... Pourtant, le tempo des réformes a été insuffisant pour assainir en profondeur
le système financier. Au début de l’année 2001, les créances douteuses du système
bancaire étaient encore estimées à 56 trillions de yens, et d’autres secteurs du système
financier traversaient une période difficile, notamment celui des assurances vie. De
plus, la retombée de l’économie japonaise dans l’atonie fragilise à nouveau le système
financier convalescent.
Parmi les pays d’Asie les plus touchés par la crise de 1997-1998, la Thaïlande et
l’Indonésie ont été les premiers à prendre des mesures énergiques d’assainissement du
secteur bancaire en fermant respectivement 14 et 16 établissements. La Corée du Sud
s’est également attaquée à la restructuration de son système bancaire, en procédant à
des fermetures d’établissements ou à leur mise sous contrôle. Entre les mois de juillet 1997 et d’avril 1998, une centaine d’établissements financiers du Sud-Est asiatique
ont ainsi cessé leur activité (tableau 4).
Au lendemain de la crise de 1997, la mise en place par le gouvernement thaïlandais
du Financial Investment Development Fund a visé à soutenir et à restructurer le secteur
bancaire et financier grâce à des fonds publics. De son côté, la Banque centrale de
Thaïlande a appliqué de nouvelles réglementations en matière de comptabilisation des
créances douteuses (intérêts impayés depuis trois mois au lieu de six) et des fonds propres1. Au mois de mars 2001, les prêts non performants représentaient encore 17,6 %
de l’encours total des prêts. Pour résoudre ce grave problème des créances douteuses,
1. « South East Asia : Fusion confusion », The Economist, 4 avril 1998, p. 93.
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TABLEAU 4. — Les établissements financiers
en Asie du Sud-Est (fin mars 1998)
Nombre d’établissements financiers
Thaïlande
Malaisie
Singapour
Indonésie
Corée du Sud
Total
(07/1997)
Établissements
fermés ou
suspendus
Établissements
nationalisés
ou administrés
par l’Agence de Projet
restructuration de fusions
Participation
étrangère
majoritaire
108
60
13
228
56
56
0
0
16
16
4
0
0
56
2
4
0
0
0
0
0
41
4
11
0
Source : « Central Banks, Press Reports », in The Economist, 4 avril 1998.
qui pèse sur l’octroi de crédits et sur l’activité économique, l’État a mis en place une
structure publique de « défaisance » chargée de les gérer (rééchelonnement des prêts,
annulation de créances, intervention sur la gestion des firmes endettées) : la Thai Asset
Management Corporation. Le gouvernement espère ainsi assainir le secteur bancaire et
l’aider à jouer de nouveau un rôle dynamique dans l’économie1.
La Banque centrale de Malaisie estimait, au début de l’année 1998, que les créances douteuses représentaient seulement 8,5 % des prêts bancaires (contre 25 % en
Thaïlande). Mais ses efforts pour encourager les opérations de fusion ont continué de
se heurter à la réticence des investisseurs devant l’incertitude de la situation financière
réelle des établissements. De plus, en Malaisie comme en Thaïlande, on a souhaité
éviter la prédation des investisseurs étrangers. En Indonésie, la Banque centrale a
également poussé aux restructurations des 200 établissements bancaires, environ, qui
existaient à la fin du mois de mars 1998, et dont la plupart manquaient de liquidités
et étaient insolvables. La situation dramatique de la Corée du Sud, au mois de
décembre 1997, a conduit le nouveau président à ouvrir rapidement le système financier. Désormais, les étrangers sont autorisés à détenir 55 % des titres des sociétés
cotées en bourse, et à lancer des OPA (offres publiques d’achat) sur les firmes coréennes. Les banques étrangères peuvent également ouvrir des filiales en détenant 100 %
du capital. Les restrictions à l’entrée des capitaux étrangers ont été levées à partir de
juillet 1998. Mais le nœud du problème du système financier réside dans le lien étroit
qui existe entre les chaebols et les banques. Les dix premiers chaebols concentraient
environ 19 % des prêts bancaires au début de l’année 19982. Les banques n’étaient
donc pas en position de force pour exiger des chaebols une forte réduction de leur
ratio endettement/actifs (évalué à 400 % en 1998). La persistance de chaebols surendettés continuait à fragiliser, en 2001, la situation financière des banques. Toutefois,
l’ouverture récente à l’investissement direct étranger se traduit par de nombreuses
fusions et acquisitions qui remodèlent l’appareil industriel. De son côté, la Chine s’est
mise à l’école de ses voisins pour éviter de tomber dans les mêmes écueils.
1. PEE de Bangkok, note « La politique économique du gouvernement thaïlandais », avril 2001.
2. « Banking in Korea : no exist », The Economist, 4 avril 1998, p. 93-94.
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LA REVUE INTERNATIONALE ET STRATÉGIQUE
L’adoption des standards comptables internationaux (ratio dette/fonds propres
égal à 8 %, comptabilisation des créances douteuses à partir de trois mois, provisions
minimum pour dette, etc.) ainsi que la mise en place d’organes de contrôle des établissements financiers permettront aux différents systèmes financiers asiatiques
d’éviter les dérapages les plus importants et d’être plus transparents.
Cette transparence devrait contribuer à séparer le secteur financier de l’emprise des
politiques ou des lobbies d’affaires, et à abaisser le niveau de corruption, particulièrement élevé dans certains pays d’Asie, d’après l’enquête « Transparency International » (Transparency International 2001). En dépit des réformes structurelles mises en
œuvre, les progrès des pays asiatiques sont lents ou inexistants – exception faite du
Japon –, ainsi que le souligne la faible variation de l’indice de transparence
entre 1998 et 2001 (tableau 5).
Philippines
Chine
Corée du Sud
Taiwan
Malaisie
Japon
Hong Kong
Singapour
Indice de transparence internationale en 1997 et en 2001
Thaïlande
—
Indonésie
TABLEAU 5.
1998
Indice
Rang
2,0
80
3,0
61
3,3
55
3,5
52
4,2
43
5,3
29
5,3
29
5,8
25
7,8
16
9,1
7
2001
Indice
Rang
1,9
88
3,2
61
2,9
65
3,5
57
4,2
42
5,9
27
5,0
36
7,1
21
7,9
14
9,2
4
Notes : Plus le pays est corrompu, plus sa note est basse, 10 = niveau de corruption le plus bas ;
l’échantillon de pays est différent entre les deux enquêtes : 85 pays en 1998 et 91 pays en 2001.
Source : « Corruption perception index », Transparency International, 1998, 2001.
La chute brutale de la croissance économique, en 1998, a particulièrement affecté
l’Indonésie, la Thaïlande, la Malaisie, la Corée du Sud et Hong Kong (annexe). Elle
a également généré une immense détresse sociale (on dénombre aujourd’hui des millions de chômeurs en Corée du Sud, en Thaïlande, en Indonésie...). Les deux années
de reprise, en 1999 et 2000, ont donné l’espoir que la crise avait été surmontée grâce
à des mesures énergiques de restructuration financière et industrielle, à une ouverture
plus grande des économies et à une gestion plus rigoureuse des finances publiques.
Mais, si les prévisions de croissance, au mois de janvier 2001, étaient optimistes pour
l’ensemble de l’Asie (plus 5 % en moyenne), elles ont été révisées à la baisse durant
l’été 2001 (moins de 2 %) tant le ralentissement américain et, surtout, la baisse mondiale de demande d’équipements en technologies de l’information s’est effondrée1.
Ces deux facteurs ont mis en évidence les problèmes structurels perdurant dans la
zone, notamment la faiblesse de la demande intérieure (Malaisie, Singapour, Corée
du Sud, Thaïlande...) et la forte dépendance sectorielle à l’exportation (Taiwan,
Corée du Sud, Malaisie, Singapour) dans un contexte d’émergence rapide de la
concurrence chinoise.
L’Asie orientale cherche à trouver de nouveaux équilibres pour rebondir, notamment en développant la demande domestique (comme en Corée du Sud) et en diversi1. J. Thornhill, J. Burton, « Confronting Asia’s structural weakness », The Economist, 10 août 2001.
ÉVELYNE DOURILLE-FEER
■
89
fiant les secteurs exportateurs (Singapour). La Thaïlande et l’Indonésie ont amélioré
la flexibilité de leur économie en adoptant des taux de change flottants, en reconstituant leurs réserves de change et en remboursant leurs dettes extérieures. Taiwan a
délocalisé en Chine ses activités à faible valeur ajoutée. Mais, une fois la crise
de 1997-1998 et le ralentissement de 2001 absorbés, d’autres difficultés surgiront,
notamment en matière d’environnement. Le grand incendie qui a dévasté dix-sept
provinces en Indonésie, du mois de septembre 1997 au début de l’année 1998, en est
une première illustration.
LA RARÉFACTION DES RESSOURCES
En 2025, l’Asie orientale concentrera un tiers de la population mondiale, occupée
pour moitié par un emploi agricole. De ce fait, son environnement naturel sera soumis à de multiples pressions. La destruction de cet environnement, par la déforestation ou par la pollution, aura un coût en termes économiques et en termes de dépendance vis-à-vis de l’extérieur. La raréfaction des ressources pèsera sur les rythmes de
croissance régionaux.
Les ressources vitales
L’accès à l’eau potable constitue le premier objet d’inquiétudes. En effet,
l’urbanisation rapide, l’industrialisation sauvage et l’irrigation massive de l’agriculture mettent au jour des problèmes de pénurie, liés soit à des ressources naturelles
insuffisantes, soit à des infrastructures peu développées (tableau 6).
Au sein de l’Asie orientale, Singapour, la Corée du Sud, la Chine et la Thaïlande
sont les pays les moins dotés en ressources d’eau intérieure renouvelable. Singapour a
résolu le problème en s’approvisionnant auprès de la Malaisie qui utilise, par ailleurs,
TABLEAU 6. — L’accès à l’eau en Asie orientale
Ressources
en eau intérieure
renouvelable
par habitant
(en milliers
de m3/an)
Chine
Corée du Sud
Indonésie
Japon
Malaisie
Philippines
Singapour
Thaïlande
Consommation
annuelle
d’eau douce
par habitant
(en m3)
Consommation
annuelle
d’eau douce
par habitant
(en % des
ressources
en eau)
Population
ayant accès
à l’eau
potable
(en % de la
population)
1995
1998
19801989
19871995
19801989
19901996
2,3
1,5
12,8
4,4
22,6
4,8
0,2
3,0
2,2
1,43
12,3
4,3
21,3
4,5
0,17
1,8
460
300
100
920
770
690
80
600
4611
632
96
735
16
17
1
4,4
2
9
32
18
67
93
62
100
78
86
100
89
ND
ND
841
602
1. Données plus anciennes que la période de référence.
Source : PNUD, Rapport mondial sur le développement humain, Economica, 1996, 1997, 2000, 2001.
90
■
LA REVUE INTERNATIONALE ET STRATÉGIQUE
cette arme économique à des fins politiques. Mais le cas de la Chine est le plus alarmant. Elle souffrirait déjà de problèmes de pénurie d’eau dont le coût annuel a été
estimé à 14 milliards de dollars au milieu des années 19901. En 1995, sur les 27 plus
grandes villes du pays, 6 seulement étaient équipées d’un système de distribution
d’eau potable conforme aux normes nationales. Enfin, près de la moitié des rivières
étaient polluées par les rejets industriels et domestiques. Taiwan et la Corée du Sud
se heurtent à des problèmes similaires.
Outre la pollution de l’eau, celle de l’air constitue un enjeu vital. Une fois encore,
la Chine se place en première ligne, notamment à cause de l’utilisation massive,
industrielle et domestique du charbon. Elle compte 5 des 10 villes les plus polluées du
monde. Une enquête de l’Agence nationale de protection de l’environnement a révélé
que, dans 20 grandes villes, 3 millions de personnes seraient décédées de maladies
dues à la pollution urbaine entre 1994 et 1996. Mais bien d’autres pays d’Asie sont
touchés, et les villes de Séoul, Bangkok, Manille et Jakarta ne sont pas épargnées par
les problèmes d’air vicié.
Cette pollution n’est pourtant pas un phénomène irréversible, ainsi que l’atteste la
qualité retrouvée de l’air de Tokyo, par exemple, après la pose de filtres sur les cheminées d’usines et l’adoption des pots catalytiques dans le courant des années 1970.
Devant les risques mondiaux découlant de l’effet de serre, les États-Unis semblent
prêts à coopérer avec la Chine pour la mise en place d’équipements antipollution.
C’est également une opportunité de marché que ne doivent pas manquer de surveiller
les fabricants japonais.
La déforestation massive, observée en Indonésie (taux annuel de déforestation
de 1 % par an dans les années 1980 et 1990) et en Thaïlande (la surface boisée est
passée de 55 % à 26 % entre 1961 et 1993), fait courir de graves risques de désordres
écologiques dont les conséquences économiques seront très lourdes. L’Indonésie a
payé un lourd tribut à cette déforestation lorsque les bouleversements climatiques,
engendrés par le courant marin « niño », ont renforcé le phénomène de sécheresse des
sous-bois et contribué, de l’automne 1997 au début de l’année 1998, à propager des
feux de forêt sur 17 provinces. De son côté, la Chine, après avoir également massivement détruit ses forêts (la surface boisée équivalait à 13,5 % de la superficie émergée
en 1993), commence à réagir par des programmes de reboisement.
La sécurité alimentaire fait également partie des grands enjeux du nouveau siècle.
Les réserves mondiales de céréales n’étaient plus que de 15 % des besoins mondiaux
en 1995 (267 millions de tonnes), soit un seuil situé en dessous du minimum de sécurité
de 17 % à 18 %, calculé par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et
l’agriculture (FAO)2. En 2000, les estimations du niveau de stock mondial se situaient
dans la fourchette de sécurité (17,4 %), soit 332 millions de tonnes de céréales (blé,
maïs, orge, sorgho et riz), ce qui n’exclut pas les problèmes de pénuries alimentaires,
anticipés en février 2000 par la FAO dans 32 pays d’Amérique latine, d’Afrique et
d’Asie3. Dans l’avenir, l’accroissement de la consommation de céréales, lié à la pression démographique et à l’utilisation croissante de céréales pour l’alimentation animale, conduira à des problèmes récurrents d’équilibre entre l’offre et la demande.
En Asie orientale, de nombreux pays sont déjà importateurs nets de céréales (la
Chine, le Japon, la Corée du Sud, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande) [tableau 7].
1. C. Flavin, S. Dunn, « Facing China’s limit », NIRA Review, hiver 1997.
2. FAO, FAO forecasts replenishment of world cereal stocks to minimum safe levels, www.fao.org/
NEWS/GLOBAL/GW9817-e.htm.
3. FAO, The State of Food and Agriculture 2000, www.fao.org/docrep/x4400e/.
ÉVELYNE DOURILLE-FEER
TABLEAU 7.
Chine
Corée du Sud
Indonésie
Malaisie
Philippines
Singapour
Thaïlande
—
■
91
Les importations de céréales en Asie (en milliers de tonnes)
1991
1993
1994
1999
13 430
10 410
2 800
3 010
1 850
780
521
7 332
11 271
3 105
3 288
2 036
798
638
16 534
11 929
5 113
3 509
2 218
776
740
9 517
10 804
8 599
4 150
3 055
830
922
Source : PNUD, Rapport sur le développement humain, Economica, 1997 ; FAO STAT Database.
D’après les prévisions de la Banque mondiale, « les importations de céréales de
l’Asie du Sud-Est devraient passer de 28 millions de tonnes (1989-1991) à 59 millions
en 2010 »1. Une montée des cours mondiaux est à escompter, puisque, en 1995, la
forte demande asiatique, notamment chinoise, de blé, de maïs et de riz avait provoqué des hausses de prix. La dépendance du Japon vis-à-vis de l’extérieur s’est fortement accrue, son taux d’autosuffisance en céréales ayant chuté de 76 % à 29 %
entre 1961 et 19922. Que ce soit en payant plus cher les ressources alimentaires ou en
investissant pour améliorer l’environnement, de nombreux pays asiatiques détourneront ainsi des capitaux qui auraient pu se diriger vers le développement de l’industrie
ou d’infrastructures sociales, par exemple.
Outre l’eau et les céréales, l’énergie constitue un enjeu vital pour le développement3. Entre 1984 et 1994, la part de la région Asie-Pacifique (NPI, ANSEA, Japon,
Chine, Inde, Australie, Nouvelle-Zélande, Papouasie-Nouvelle-Guinée) dans la
consommation d’énergie primaire commerciale mondiale s’est accrue de 19,2 % à
25,7 %. Cette forte demande a continué de privilégier le charbon et le pétrole (88 %
de la demande d’énergie de la région en 1984, contre 84 % en 1994, mais seulement
67 % pour l’ensemble du monde).
La Chine, par son utilisation massive du charbon, influence la structure de la
consommation d’énergie par combustible de l’ensemble de la zone. Ainsi, en 1997, la
part du charbon comptait pour 73 % de la demande d’énergie chinoise, contre 26 %
dans les autres pays. Le pétrole était l’énergie dominante consommée en Asie de l’Est
(hors Chine), soit 57 % du total (22 % en Chine). Dans l’avenir, c’est donc au niveau
de la demande de pétrole que risquent de s’exercer les plus fortes tensions (tableau 8).
En 1994, l’Asie-Pacifique importait 57 % de sa consommation de pétrole, soit
9,3 millions de barils par jour. Cette dépendance pourrait passer à 72 % en 20054.
La forte demande chinoise, indonésienne et malaise se joindra à celle du Japon et
de la Corée du Sud, et sera propice à une pression à la hausse sur les prix du
pétrole. Il faut également souligner que la position dominante des pays producteurs
du Moyen-Orient va encore se renforcer, puisque leur part pourrait passer de 76 %
à 92 % de l’approvisionnement extérieur de la région entre 1994 et 2005. Par ail1. K. Anderson et al., « Asia Pacific food markets and trade in 2005 : a global economic wide perspective », CEPR Discussion paper series, no 1474, septembre 1996.
2. Suzuki Yumiko, « Homegrown grains loosing out to imports », The Nikkei Journal, 14 avril 1997.
3. Chen, Electricity supply and demand in Asia, Rapport de l’AIE, 1997.
4. F. Fesharaki, « The outlook for oil demand, supply and trade in the Asia-Pacific region to 2013 »,
1996, last revision 8/28/1996, www.iaee.org/outl.html.
92
■
LA REVUE INTERNATIONALE ET STRATÉGIQUE
TABLEAU 8. — Structure de la demande énergétique en Asie-Pacifique (en %)
Chine
Pétrole
Charbon
Gaz naturel
Nucléaire
Hydroélectricité
Géothermie, divers
Total
Asie de l’Est
Monde
1991 1997 2010
1991
1997 2010
1991 1997 2010
17,4
78,9
2
0,1
1,6
0
54,3
25,3
10,4
6,7
1,8
1,6
57
18
16
5
1
2
55
17
19
6
1
2
39,2
29,0
22,0
7,0
2,4
0,4
100
100
550
908
100
Total million Tep
22
73
2
0
2
0
26
66
4
2
2
0
100
100
905
1 426
100
100
41
26
22
7
3
2
40
25
24
6
3
2
100
100
8 743 11 390
Source : World Energy Outlook, AIE, OCDE, Paris, 1994 et 2000.
leurs, de nombreux travaux montrent que la fin du pétrole bon marché se profilerait à l’horizon d’une dizaine d’années1. Avant que de nouvelles techniques rendent
possible l’émergence d’énergies de remplacement moins coûteuses, un renchérissement du coût du pétrole semble inévitable. Les rythmes de croissance en seront
affectés. Mais le dynamisme économique repose, également, sur un autre type de
ressources : les hommes.
Les ressources humaines
En 1995, la population d’Asie orientale s’élevait à 1,9 milliard d’individus. Elle
sera de 2,4 milliards en 2025, représentant environ un tiers de la population mondiale. La Chine dominera la région avec 1,48 milliard d’individus, suivie par
l’Indonésie (275 millions), le Japon (121 millions) et le Viêtnam (110 millions).
Cet accroissement, d’environ un quart de la population de la région, sera d’autant
plus difficile à gérer que le phénomène d’urbanisation va s’intensifier. Quatre nouvelles mégalopoles : Bangkok, Rangoon, Manille et Shanghai, émergeront. Le rapport
annuel 1997 de l’Asian Development Bank estimait qu’un montant d’investissements
de 20 milliards à 40 milliards de dollars serait nécessaire pour accompagner cette
croissance urbaine.
L’évolution de la structure de la population posera également, à des degrés divers,
le défi du vieillissement. Le Japon sera précurseur en la matière, avec une rapidité de
vieillissement inégalée dans le monde2. La part des plus de 65 ans dans la population
passera de 12 % en 1990 à 28 % en 2025, soit un groupe de plus de 31,5 millions
d’individus.
En termes de transition démographique, Hong Kong et Singapour talonnent le
Japon. La Corée du Sud, la Chine et la Thaïlande ne sont plus très loin. Le cas de la
1. C. Cambell, J. Laherrere, « La fin du pétrole bon marché », Pour la science, no 247, mai 1998.
2. ONU, Ageing Population in Asia, New York, 1994.
ÉVELYNE DOURILLE-FEER
■
93
Chine est préoccupant, à plus long terme, à cause de la baisse très rapide de son taux
de fécondité. Mais les Philippines, l’Indonésie et, dans une moindre mesure, la
Malaisie, où l’État mène une politique pronataliste, seront encore des pays jeunes à
cet horizon (tableau 9).
TABLEAU 9.
Japon
Singapour
Corée du Sud
Chine
Thaïlande
Malaisie
Indonésie
Philippines
—
Vieillissement de la population en Asie
Indice
de
transition
démographique
Indice
de fécondité
1990
(en %)
65 ans
et plus
en 1990
(en %)
65 ans
et plus
en 2025
(en %)
1,00
0,95
0,89
0,87
0,83
0,76
0,69
0,65
1,7
1,8
1,7
2,3
2,2
3,5
3,1
3,9
12,0
5,6
4,6
5,8
3,9
3,7
3,9
3,4
28,4
19,1
12,9
12,8
10,2
8,6
9,1
6,9
Sources : Toshio Kuroda, « The nature and policies of population ageing in Japan »,
in The Ageing of Asian Population, Organisation des Nations unies (ONU), New York, 1994.
Le Japon prépare l’avenir en mettant en place de nombreux programmes (révision
du système de retraite, développement de la médecine préventive et des services à
domicile pour les personnes dépendantes, cycle de formation et agences d’emploi
pour les personnes âgées, etc.). Il tente de prévenir les répercussions les plus graves de
ce phénomène sur la vie économique et sociale. Dans le reste de l’Asie, les moyens
financiers ne sont pas les mêmes et la crise actuelle joue en défaveur d’aménagements
sociaux pour l’avenir. De plus, les liens traditionnels asiatiques de solidarité entre
générations s’affaiblissent avec la généralisation du système de familles nucléaires.
Les États, de plus en plus sollicités pour assurer les services de santé, le paiement de
pensions de retraite et les différents services d’aide aux personnes dépendantes, pourront-ils y faire face ? Dans la négative, des troubles sociaux récurrents pourraient
bien déstabiliser ces économies.
Si le « capital humain » vieillit dans la majorité des pays de la zone, sa valorisation
par l’éducation apparaît assez inégale selon les pays.
Une fois de plus, le Japon s’est posé en précurseur régional lorsqu’il a instauré
l’éducation primaire obligatoire dès 1868, la Corée du Sud et Taiwan ayant dû
attendre les années 1950. Plus généralement, les pays d’Asie de l’Est ont davantage
privilégié le développement de l’éducation que ceux du Sud-Est, à l’exception des Philippines (tableau 10).
Avant la crise de 1997, la Malaisie et la Thaïlande souffraient de carences
d’ingénieurs qualifiés. Ce problème de pénurie de personnel scientifique et technique
de haut niveau va se poser dans de très nombreux pays d’Asie orientale et freiner
leurs capacités d’innovations technologiques.
Après avoir appliqué systématiquement une politique d’importation des technologies étrangères au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le Japon, la Corée du
Sud et Taiwan se sont progressivement appuyés sur leurs capacités nationales de
Recherche-Développement (R-D).
94
■
LA REVUE INTERNATIONALE ET STRATÉGIQUE
TABLEAU 10.
Hong Kong
Singapour
Corée du Sud
Thaïlande
Malaisie
Philippines
Indonésie
Chine
—
L’enseignement dans quelques pays d’Asie orientale
Taux
de
scolarisation
(en %)
Taux
d’alphabétisation
des
adultes
19931994
1994
91
86
98
68
78
99
80
88
92
91
98
94
83
94
83
81
Dépenses publiques
d’enseignement
(en % du PIB)
Étudiants
à l’étranger
(en % de
ceux dans
le pays)
Scientifiques
et techniciens travaillant en
R-D (pour
1 000 hab.)
19931994
19951997
19891993
19881995
3,3
2,9
3,0
3,71
4,8
4,9
3,4
1,42
2,3
50,2
25,0
2,7
1,1
28,3
0,3
1,0
5,7
ND
ND
4,5
3,8
5,3
2,4
1,3
2,6
2,2
2,6
0,2
0,1
0,1
0,2
0,3
1. Changement du mode de calcul.
2. Gouvernement central seulement.
Source : PNUD, Rapport mondial sur le développement humain, Economica, 1997, 2001.
La montée en puissance de l’effort de R-D japonais s’est poursuivie au cours des
décennies 1970 et 1980. Le budget de recherche s’est hissé de 2 % du revenu national
en 1971 à 2,56 % en 1981, et à 2,85 % en 1989, dépassant les États-Unis (2,79 %
en 1990) et la Communauté européenne (1,95 %). Le nombre de chercheurs scientifiques a quadruplé entre 1965 et 1992, dépassant les effectifs cumulés du RoyaumeUni, de l’Allemagne, de la France et de l’Italie. En 1996, avec un budget de recherche
de 350 milliards de francs (plus de 3 % du PIB), le Japon se situait en deuxième position mondiale derrière les États-Unis. Pourtant, l’Agence pour la science et la technologie jugeait sévèrement le niveau de la recherche fondamentale atteint par l’archipel,
qui lui apparaissait en retard vis-à-vis des Américains et même à l’égard des Européens (sauf dans le secteur des sciences de l’information et l’électronique)1. Ce constat
a conduit le gouvernement à accentuer l’effort de recherche publique dont le budget
devait passer de 24 milliards de dollars en 1996 à 38,9 milliards de dollars (221 milliards de francs) en 2000. En 1996, le plan quinquennal pour la science et la technologie illustrait la volonté de rééquilibrage des efforts de recherche public/privé (le secteur privé assume aujourd’hui 80 % du budget de R-D, sa part devrait passer à
60 %), d’ouverture des équipes sur l’extérieur (équipes mixtes privées et publiques,
introduction de chercheurs étrangers) et de mobilisation nationale vers la créativité
scientifique et technologique2. Le défi de leadership technologique sera difficile à relever, notamment à cause du vieillissement de la population (les jeunes de 18 ans passeront de 2 millions au milieu de l’année 1990 à 1,5 million en 2000, et 1,2 million
en 2010), du faible taux d’étudiants de troisième cycle (0,7 pour 1 000 habitants
1. Guy Faure, « Le Japon, puissance techno-scientifique », Mutations asiatiques, juillet 1998.
2. Yoshika Okubo, « Le Japon mise sur la recherche de base », La Recherche, no 292, novembre 1996.
ÉVELYNE DOURILLE-FEER
■
95
en 1995, contre 7,1 aux États-Unis, et 2,9 en France) et du manque de traditions de
coopération avec des chercheurs étrangers.
La Corée du Sud et Taiwan possèdent également des infrastructures de recherche
importantes. Entre 1980 et 1995, les dépenses de R-D ont été multipliées par vingt en
Corée du Sud, et par quinze à Taiwan (respectivement, 2,3 % et 2 % du PNB en 1995).
Avant la crise, les Sud-Coréens affichaient des objectifs extrêmement ambitieux (5 %
en 2000). Le nombre de chercheurs est passé de 1 000 à 60 000 personnes entre 1980
et 1995, effectif qui devait avoisiner 150 000 au tournant du siècle. Mais la crise
actuelle pourrait retarder les projets de développement technologique, du fait que,
comme au Japon, les entreprises assuraient l’essentiel de la R-D. À Taiwan, les petites et moyennes entreprises (PMI) sont à l’origine de 60 % de la production industrielle. Elles disposent de faibles moyens de recherche. L’État a pallié ce handicap en
établissant des centres de R-D dont les programmes correspondent relativement bien
aux besoins des entreprises. Avant la crise, la Corée du Sud et Taiwan semblaient
bien placés pour concurrencer, dans un proche avenir, les pays de l’Organisation
pour la coopération et le développement économiques (OCDE) sur le créneau de certains produits de haute technologie.
Les brevets déposés aux États-Unis reflètent, quoique imparfaitement, les résultats
des efforts de recherche menés dans les pays d’Asie orientale. Les entreprises japonaises sont nettement dominantes (tableau 11). Elles déposaient 25 fois plus de brevets
que les entreprises des pays d’Asie en développement entre 1986 et 1990, 10 fois plus
entre 1991 et 1995, et environ 6 fois plus entre 1996 et 1998. La Corée du Sud et
Taiwan étaient à l’origine de plus de 90 % des brevets déposés par les pays asiatiques,
hors Japon.
TABLEAU 11.
—
Structure par pays des dépôts de brevets aux États-Unis
1997 (rang / dix
premiers étrangers)
(en %)
Japon
Taiwan
Corée du Sud
États-Unis
Monde
(1) 19,5
(6) 2,1
(7) 1,6
(1) 56,3
(1) 100
Source : US Patent and Trademark Office.
En Chine, le cloisonnement entre les grands ministères et les entreprises d’État a
freiné la circulation d’information, tandis que les contacts avec la communauté scientifique internationale, nécessaires pour stimuler les recherches, ont longtemps été très
difficiles. Chargée de promouvoir les recherches dans les entreprises, la Commission
d’État des sciences et techniques (CEST) contrôle la plus grande institution de
recherche chinoise, l’Académie des sciences, qui comptait, au début des années 1990,
80 000 personnes dans 119 instituts répartis dans tout le pays1. Si la recherche scientifique militaire a été active et efficace, la diffusion des résultats à l’industrie civile a été
1. Xavier Richet (sous la direction de Nicholas Witkowski), « Chine : une recherche incertaine », L’état
des sciences, Paris, La Découverte, 1991.
96
■
LA REVUE INTERNATIONALE ET STRATÉGIQUE
modeste, si bien que, à part l’espace et le nucléaire, les capacités technologiques sont
restées limitées. Un important développement des infrastructures de recherche sera
nécessaire dans l’avenir pour renforcer la compétitivité des entreprises. Dans les pays
de l’ANSEA, l’effort de recherche a été modeste ; même à Singapour, pourtant réputé
pour la technicité de sa main-d’œuvre, le budget de R-D n’atteignait que 1,3 % du
PIB en 1995.
À un horizon de dix à quinze ans, les atouts du Japon sont flagrants comparativement à ceux des autres pays d’Asie orientale : pas de problème d’accès aux ressources
naturelles, bonnes infrastructures, capital humain de haut niveau. Mais la Chine va
compter de plus en plus, non seulement grâce au poids de sa population, mais également grâce à celui des progrès compétitifs de ses industries. Néanmoins, elle devra
faire face à de multiples embûches liées aux problèmes de pollution, d’approvisionnement en céréales et en énergie, et d’aménagement d’infrastructures physiques,
éducatives et financières.
Au sein de la région, la Chine et le Japon devront partager le pouvoir.
L’économiste Twu Jaw-yann a développé l’idée de la constitution d’une zone économique chinoise, qui engloberait la « grande Chine » (Chine continentale, Hong Kong
et Taiwan) et les communautés chinoises dans les différents pays du Sud-Est ou de
l’Est asiatique1. Cette zone s’appuierait sur les échanges de biens. Au sein de l’Asie
orientale, une zone yen conforterait la puissance financière du Japon. À son avis, les
deux zones devraient coopérer pour œuvrer au développement de la région. L’auteur
admet que les intérêts ne seront pas toujours convergents et que « des conflits seront
difficiles à éviter ». Plusieurs facteurs rendent très difficile la réalisation de ce scénario à moyen terme. Tout d’abord, la distribution des rôles des deux grands acteurs de
la région ne va pas de soi. Le Japon devrait rester un acteur commercial de premier
plan dans les dix à quinze années à venir. Par la suite, la délocalisation de sa production et la diminution de sa population aidant, il pourrait se spécialiser plus fortement
sur les services, la Chine devenant alors le grand exportateur de produits manufacturiers. Ce scénario d’apaisement permettrait une cohabitation pacifique des deux pôles
de puissance. Cependant, des enjeux commerciaux divergents pourraient très bien
exacerber les rivalités. De plus, une zone yen ne pourra pas émerger sans une restructuration profonde du système financier, mais les réformes du « big bang », enclenchées depuis avril 1998, sont retardées dans leur progression par les difficultés de la
conjoncture économique.
Face au Japon et à la Chine, un autre acteur pourrait bien émerger en Asie et
modifier ainsi les rapports de force économiques : il s’agit de l’Inde. Le rapport de
l’Institut Rand2 sur l’Asie en 2015, dont la presse a fait écho en 1997, met en scène
5 protagonistes : la Chine, le Japon, l’Inde, la Corée réunifiée et l’Indonésie. Les
auteurs procédaient à une comparaison des tailles économiques respectives, mesurées
par le PIB et le stock net de dépenses militaires. Le PIB des cinq pays asiatiques représentait 45 % du total mondial en 2015, celui des États-Unis atteignant 25 % et celui
de l’Union européenne ne parvenant qu’au niveau de 15 %. Le PIB de la Chine rivalisait avec celui des États-Unis en 2015. Le stock chinois de dépenses militaires devançait le stock indien et, a fortiori, celui de tous les autres pays d’Asie, mais la plaçait
très nettement derrière les États-Unis. En termes de PIB par tête, la Chine continuait
d’être très en retard sur le Japon, qui obtenait un score quatre fois plus élevé qu’elle,
avec 36 000 dollars par tête. Cette montée de la puissance chinoise est d’autant plus
1. Twu Jaw-yann, « Japanese yen economic area and chinese economic area », communication, colloque franco-japonais « Le régionalisme en Asie », 25 et 26 octobre 1995, Waseda, Tokyo.
2. Wolf Charles, « Asia in 2015 », The Wall Street Journal, 4 août 1997.
ÉVELYNE DOURILLE-FEER
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remarquable que les auteurs du rapport Rand avaient retenu une hypothèse de
rythme de croissance de l’ordre de 4 à 5 % par an pendant la période 2000-2015,
alors que les scénarios de la Banque mondiale anticipaient un taux de 8 % par an à
l’horizon 2010. Selon les auteurs, le fléchissement de la croissance devait être provoqué par le transfert de richesses de l’est vers l’ouest du pays et par la baisse des investissements des capitaux des chinois d’outre-mer. L’Inde devait émerger comme le
deuxième acteur de la zone, compte tenu du poids du PIB et du stock de dépenses
militaires. Son PIB total rattrapait celui du Japon mais, compte tenu de sa démographie, elle demeurait le pays le plus pauvre du groupe, avec un PIB par tête équivalant à 40 % de celui de la Chine et, environ, la moitié de celui de l’Indonésie. Une
conclusion importante se dégageait de ce rapport : la Chine ne serait pas toutepuissante en Asie, elle devrait compter avec les quatre autres pays – Japon, Inde,
Corée et Indonésie – et également prendre en compte les États-Unis dont le potentiel
militaire, même en perte de vitesse (baisse de 25 % en valeur entre 1997 et 2015),
demeurait dominant.
La crise de 1997-1998 semble avoir renforcé le rôle des États-Unis dans la zone,
alors que le Japon, en proie à ses problèmes domestiques, n’est pas parvenu à
s’affirmer comme puissance économique dominante. Par ailleurs, les pays d’Asie du
Sud-Est ont encore à résoudre de nombreux problèmes structurels (surcapacités productives, systèmes bancaires fragiles, importants montants de créances douteuses
dans le secteur privé et faiblesse de la demande domestique). Ainsi, le XXIe siècle
s’ouvre sur de nombreuses incertitudes concernant l’avenir du développement de
l’Asie orientale, sur les plans tant économique, que politique et environnemental.
Trois acteurs dominent actuellement l’échiquier régional : les États-Unis, le Japon et
la Chine, avant que l’Inde n’en devienne une partie plus intégrante.
ANNEXE. — Taux de croissance du PIB
des pays d’Asie orientale, 1995-2001 (en %)
Corée du Sud
Taiwan
Hong Kong
Singapour
Malaisie
Thaïlande
Indonésie
Philippines
Chine
Japon
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001 (p)
8,7
6,1
4,5
8,8
9,5
8,6
8,2
4,8
10,5
1,6
7,1
5,7
4,9
7,0
8,6
5,5
8,0
5,7
9,6
3,5
– 5,0
– 6,7
– 5,0
– 8,4
– 7,5
– 1,7
– 4,7
– 5,2
– 8,8
– 1,8
– 6,7
4,6
– 5,1
0,4
– 7,6
– 10,2
– 13,2
– 0,5
7,8
– 1,1
10,7
5,5
3,0
5,4
5,8
4,2
0,2
3,3
7,1
0,8
8,8
6,0
10,5
9,9
8,3
4,4
4,8
3,9
8,0
1,5
– 3,0
– 1,6
– 2,0
– 1,1
– 1,8
– 2,5
– 1,5
– 1,7
– 7,5
– 0,5
Sources : COFACE, Risque pays 2000, Risque pays 2001, Paris. Japon : calcul de l’auteur,
nouveau SNC, prix 1995 ; prévisions 2001 : Goldman Sachs.