Bernadette - École et Collège Notre
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Bernadette - École et Collège Notre
Planche Clarisse 5ème A Bernadette Je m’appelle Bernadette. Ce matin-là, le temps était radieux ; un grand soleil brillait dans le ciel et j’entendais les cigales chanter. Le bruit était apaisant. Je m’habillai d’une jolie robe bleue, parsemée de points blancs et descendis les escaliers sur la pointe des pieds. J’arrivai dans la cuisine encore endormie. J’avais l’intention d’aller à la grande foire d’été du village voisin où chaque année étaient organisés des jeux pour enfants ; mais mes parents ne voudraient sûrement pas… Mon père avait trop de travail et ne voulait pas perdre de temps avec ces « balivernes » comme il disait si souvent. Et ma mère…je ne savais pas exactement ce qu’elle avait, nous n’avions pas le droit d’en parler à la maison, mais elle n’allait pas bien et ne voulait voir personne. Alors, le plan « évasion » allait commencer. Je le prenais comme un jeu d’agent secret ; la mission : sortir sans être vue ! Je me servis un verre de lait frais et avalai un biscuit. Soudain, un bruit d’eau parvint à mes oreilles. Mon cœur battait la chamade, mon père se lavait ! Je montai les escaliers en prenant soin d’ôter mes chaussures puis me dirigeai vers ma chambre. Je fourrai mon polochon sous les draps et rabattis ma couverture sur l’oreiller. De loin, on pouvait croire que j’étais dans le lit. L’eau s’arrêta, mes yeux se remplirent de larmes…Allait-il me découvrir ? Mon plan allait-il marcher ? Je décidai d’y aller une bonne fois pour toute ! Je suis fille unique, j’ai le droit de m’amuser avec d’autres personnes de mon âge ! Je quittai ma chambre, descendis les escaliers en bois et ouvris la porte le plus doucement possible. J’enfourchai ma bicyclette et pédalai le plus vite possible jusqu’au village. La route était longue mais qu’importe ! J’étais bien décidée à aller à la foire. Les larmes roulaient sur mes joues, j’avais réussi… enfin jusqu’à ce que mes parents voient que j’avais disparu… Je distinguai les maisonnettes qui grossissaient au fil des secondes. J’arrivai enfin à l’entrée du village où j’entendis de la musique ! La foire avait commencé ! Un accordéon m’accueillit joyeusement, suivi de timbales. Parmi les étalages, je distinguai les stands de jeux. Je reconnus quelques personnes qui me sourirent mais moi, je n’avais d’yeux que pour les jeux. Je commençai par une compétition d’osselets. Ce jeu est constitué de cinq petits os. Quatre sont de la même couleur et le cinquième, « la mère » est rouge. Il ne faut pas laisser tomber la « mère ». On lance la « mère » et on doit, de la même main, rattraper les osselets qui sont par terre un par un. Ensuite, si l’on a réussi, on recommence mais cette fois, on doit attraper les osselets deux par deux puis trois à la fois puis les quatre ensemble. Nous riions car l’osselet d’un garçon lui tomba sur la tête ! Que ça fait du bien de s’amuser mais surtout pas seule ! Quand on est fille unique, les jeux sont restreints. A mon grand bonheur, je fus la première au concours, alors je reçus une boîte d’osselets et une part de gâteau que je dévorai aussitôt. Je me dirigeai ensuite vers une course en sac. On nous fit enfiler de grands sacs à pommes de terre et nous sautâmes gaiement sur la piste de course. A mon grand regret, cette fois-ci, je perdis. La foire battait son plein, il y avait beaucoup de monde : enfants, parents, grands-parents, oncles, tantes….Tous étaient en famille, sauf moi. Ce n’était pas bien possible…Je me demandai si mon père avait découvert que je m’étais enfuie, si ma mère allait me disputer en revenant. Quelles excuses pourrais-je inventer pour ne pas être disputée et sûrement punie pendant le restant des vacances ? J’enfouis ces idées dans ma tête et allai à une grande partie de dominos ! J’étais imbattable ! La chance était toujours de mon côté à ce jeu ! En effet, je gagnai les quatre manches ! Je remportai un lot qui me servirait sûrement : une pièce de un franc ! Il faisait tellement chaud que je ne pus résister à la tentation de m’acheter un verre de limonade. Le goût du citron me piquait la langue et me rappelait que la journée n’était pas finie; il restait encore une dizaine de stands de jeux ! J’avalai d’un trait ma limonade et retournai m’amuser. Je parcourus tous les stands et arrivai à une table : un tournoi de dames se déroulait ! Je décidai de tenter ma chance. J’y avais joué quelques fois avec ma tante et mon oncle. Pour tout dire, j’étais assez forte ! Même plus que je ne le pensais car la partie était de mon côté. Pour l’instant, j’avais battu deux adversaires mais avais perdu une fois ce qui me plaçait en deuxième position. Je gagnai une petite sacoche en cuir où je glissai mes économies et mon jeu d’osselets. Des cris et des rires attirèrent mon attention. Des enfants jouaient à la corde à sauter et à la marelle. J’y jouai pendant la récréation ou avec ma cousine Marguerite quand nous allions la voir. Ensemble, nous jouions souvent à la bataille. Comme on s’amuse bien quand on a des amis de son âge ! Il me tardait d’y retourner… Ses parents étaient tellement gentils ! Je me souviens que ma tante nous préparait souvent des tartes aux fraises succulentes. Personne ne les faisait mieux qu’elle ! Je me souviens aussi que petites, nous nous pelotonnions sous une couverture de laine, à manger de la tarte et jouer avec ses poupées de chiffon. Une personne me bouscula et me sortit de ma rêverie, me ramenant à la réalité. Je me dirigeai vers un stand de jeux de balles. Plusieurs jeux étaient proposés : jeux de massacre ou de jonglage. Tandis que je marchais vers un autre stand, des voix que je reconnus, hurlaient mon nom : - Bernadette ?! …Bernadette, reviens tout de suite ! Nos voisins ! Ils allaient tout répéter à mes parents ! Mon cœur cessa de battre, une seule idée me vint à l’esprit : fuir ! Je me dirigeai vers ma bicyclette, garée à l’est, l’enfourchai et pédalai le plus vite possible. Je pris un chemin plus rapide pour rentrer à la maison. Mon esprit était occupé à élaborer une excuse. Tout d’abord, il fallait cacher ma sacoche avec mes récompenses. Trop occupée par mes pensées je ne vis pas le tournant, et je tombai dans le fossé où des orties me piquèrent bras et jambes. J’avais un genou égratigné, plein de terre, et mes bras étaient couverts de piqûres d’orties. Je me relevai tant bien que mal et me remis à pédaler jusqu’à la maison. Arrivée chez moi, je fourrai ma sacoche sous mon lit, passai de l’eau sur mon visage plein de terre, mis du vinaigre sur mes piqûres d’orties et me dirigeai vers le fourneau pour préparer le dîner. Quelques temps plus tard, j’entendis les grognements de mon père et les gémissements de ma mère. Je serrai les poings pour me donner du courage et fis comme si la foire n’existait pas. -Bernadette !!! hurla mon père en m’attrapant par le bras, Où étais-tu, bon sang ?! -P…père, bredouillai-je, j’étais en b…ballade à vélo. Je n’ai p..pas vu le temps passer… -Comment se fait-il que tu sois couverte de piqûres d’orties et que tu sois blessée au genou ? dit-il en me secouant. -Je suis tombée sur le chemin du retour, père, dis-je en baissant les yeux. -Te rends-tu compte que ta mère et moi étions inquiets, sombre idiote ? -Si, pardon père, pardon mère ! -File dans ta chambre ! Tu ne sortiras plus pendant deux semaines, excepté pour aider ta mère dans le jardin, est-ce clair ? -Oui, père, dis-je en montant les escaliers. Je sentais les regards froids de mes parents rivés sur mon dos. J’ouvris la porte de ma chambre puis la refermai derrière moi et m’effondrai sur le sol. J’entendis mon père qui partait à l’atelier et ma mère qui allait dans le jardin. Je posai ma tête contre le sol glacé et restai comme ça durant dix minutes. Je distinguai ma sacoche et la pris. Je l’ouvris pour y découvrir mes trésors. Je souris en les voyant et sortis mon jeu d’osselets. Je remis la sacoche sous le lit. Comme personne n’était dans la maison, je pouvais y jouer. Je m’amusai à cela durant une demi heure. Malgré ma punition, ce fut un des plus beaux jours de ma vie !