Une analyse des perspectives de développement de l`aéroport de
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Une analyse des perspectives de développement de l`aéroport de
Faculté d’administration Sherbrooke, (Québec) JIK 2R1 Une analyse des perspectives de développement de l'aéroport de Sherbrooke 23 novembre 2012 Luc Savard Dorothée Boccanfuso Mathieu Paquet Étude réalisée pour la Ville de Sherbrooke et l’Université de Sherbrooke Sommaire exécutif La création d’aéroports étant des projets d’infrastructures nécessitant des investissements considérables, une analyse économique rigoureuse permettra de mieux mettre en relief ses avantages et inconvénients. L’objet de ce rapport est précisément d‘évaluer les impacts économiques du projet de relance de l’aéroport de Sherbrooke pour la région de l’Estrie. Notre rapport se décompose en trois volets. Le premier volet présente un survol de la littérature existante tant au niveau des infrastructures de transports en général qu’au niveau des aéroports, plus spécifiquement. Certains constats ressortent de cette revue de littérature, tous confirmant l’impact majeur que les aéroports jouent dans leur région. Premièrement, il existerait une corrélation positive entre le nombre d’embarquements et le PIB, ainsi qu’entre le taux de croissance du PIB et le taux de croissance des vols domestiques. Deuxièmement, la présence d’un aéroport aux abords d’une ville, crée des effets « facilitants » pour les entreprises de la région en leur donnant accès à de nouveaux marchés. Troisièmement, la présence d’un aéroport change la structure économique et démographique de la région et fait partie des éléments considérés lors des décisions de localisation des firmes comme par exemple, les entreprises œuvrant en recherche et développement. Finalement, l’essor d’un aéroport régional est déterminé par plusieurs facteurs, certains pouvant se révéler déterminants. À ce titre, la présence d’un transporteur aérien à faible coût à l’aéroport semble être un catalyseur important de l’essor de ce dernier. Intuitivement, un transporteur aérien utilisant un modèle de faible coût abaissera le tarif, offrira de nouvelles destinations et augmentera la fréquence du service, ce qui stimulera la demande. Les aéroports régionaux possèdent non seulement un avantage en matière de coûts (ex : coûts d’atterrissage plus bas) vis-à-vis des grands aéroports internationaux, mais aussi en termes des disponibilités des pistes qui permettent un temps réduit entre l’atterrissage et le décollage de l’appareil. Le principal obstacle au développement d’un aéroport à Sherbrooke est probablement la faible densité de population dans la région, puisqu’il s’agit d’un critère pris en considération par les transporteurs dans leur choix d’établissement de nouvelles routes aériennes. Il existe toutefois des alternatives possibles afin de promouvoir une localisation plutôt qu’une autre, comme par exemple offrir des tarifs concurrentiels aux nouveaux clients. Le deuxième volet de l’étude consiste à réaliser une étude de cas à partir d’aéroports situés dans des villes ayant des caractéristiques similaires à celles de Sherbrooke. Pour notre étude de cas, nous avons retenu deux critères : premièrement, la région métropolitaine de recensement dans laquelle est situé l’aéroport doit avoir entre 125 000 et 375 000 habitants et deuxièmement, la ville doit se trouve à proximité d’une zone métropolitaine regroupant entre un et quatre millions d’habitants. Les cinq villes possédant un aéroport régional et respectant ces deux critères sont Roanoke en Virginie, Kingston en Ontario, Montgomery en Alabama, Rochester au Minnesota et Gainesville en Floride. Cette analyse a permis de mettre en évidence plusieurs points 2 communs. D’abord, mis à part le cas de l’aéroport de Kingston, les études d’impact révèlent une création d’emplois, directs et indirects, importante pour les villes ayant un aéroport, avec plus de 2 000 emplois créés dans 3 des 4 aéroports américains et plus de 15 000 emplois dans le cas Montgomery. Si nous excluons les cas extrêmes de Kingston (le plus petit) et Montgomery (le plus gros), l’activité économique moyenne générée par chacun des aéroports dépasse les 200 millions de dollars par année. La longueur des pistes d’atterrissage est généralement asymétrique, avec la piste principale souvent plus longue que la secondaire. Or, dans 4 cas sur 5, la piste principale était suffisamment longue pour permettre l’atterrissage de jets régionaux. Ce type de transporteur requiert un peu moins de 7 000 pieds de longueur, tout comme les jets à fuselages étroits. De plus, les cas de Roanoke et Rochester ont permis de mettre en exergue l’ampleur des efforts déployés par les gestionnaires afin de profiter et de stimuler le secteur du fret aérien dont Boeing et Airbus qui prévoient la forte expansion dans les 15 prochaines années. Finalement, les rénovations majeures effectuées dans les aéroports de Montgomery et Gainesville viennent renforcer l’importance de planifier adéquatement la construction initiale du terminal en ce qui a trait à son aspect commercial. Non seulement cela évitera des dépenses d’infrastructures supplémentaires dans le futur, mais l’aéroport disposera également d’une meilleure marge de manœuvre lorsque viendra le temps de négocier l’entrée des nouveaux clients. Finalement, le troisième volet de ce rapport présente les résultats de l’analyse d’impacts économiques de la relance de l’aéroport de Sherbrooke. Pour cela, nous avons considéré trois scénarios d’investissement et trois autres scénarios basés sur un nombre annuel d’embarquements à savoir un premier scénario jugé pessimiste, l’autre médian et enfin, le dernier étant optimiste. Ainsi, les impacts économiques récurrents produiraient entre 43,2 et 162,9 millions de dollars en activités économiques et entre 374 et 1 625 emplois annuellement. De plus, les trois scénarios d’investissements permettraient la création de 308 à 1 539 emplois supplémentaires et entre 45,6 et 228,1 millions de dollars en activités économiques non récurrentes. Il est important de prendre en considération que ces retombées seraient générées après avoir atteint une certaine vitesse de croisière pour un nombre de passagers fixé à 75, 200 et 325 milles dans nos scénarios. Pour la réalisation de ce volet, nous avons dû postuler plusieurs hypothèses étant donné l’absence d’activités commerciales à l’aéroport de Sherbrooke depuis plusieurs années. Nous avons toutefois veillé à retenir des hypothèses conservatrices afin de ne pas gonfler artificiellement nos résultats. En conclusion, nous pouvons dire que les perspectives de retombées économiques pour la ville de Sherbrooke, sa région et aussi l’ensemble des organisations semblent très positives. De plus, il est évident que les retombées économiques profiteraient directement aux divers paliers de gouvernement à travers une hausse des recettes fiscales. Toutefois, afin de profiter de ces retombées économiques, les autorités et gestionnaires de l’aéroport devront faire des choix importants afin d’augmenter les chances de réussite de ce projet de relance. 3 Table des matières Résumé exécutif .............................................................................................................................. 2 I. Impact d’un aéroport sur le développement régional et sélection du type d’aéroport ......... 5 Interaction entre le transport aérien et le développement régional .......................................... 5 Catégorie d’aéroport et zone primaire de service ..................................................................... 10 II. L’essor d’un aéroport régional............................................................................................... 13 Interaction entre l’aéroport et les compagnies aériennes ........................................................ 13 Attraction des compagnies aériennes dans la région ............................................................ 13 Entrée de nouvelles lignes aériennes à l’aéroport ................................................................ 15 Avantages en matière de coût des aéroports régionaux ....................................................... 19 Niveau de connectivité entre les aéroports à proximité ....................................................... 20 Interaction entre l’aéroport et les voyageurs ............................................................................ 21 III. Remarques sur le projet d’aéroport à Sherbrooke ............................................................ 22 IV. Étude de cas ....................................................................................................................... 24 Roanoke ..................................................................................................................................... 27 Montgomery .............................................................................................................................. 32 Gainesville .................................................................................................................................. 34 Rochester ................................................................................................................................... 37 Kingston ..................................................................................................................................... 42 Conclusions de l’étude de cas .................................................................................................... 46 V. Estimation de l’impact économique ...................................................................................... 53 Méthodologie ............................................................................................................................ 56 Nombre de passagers ............................................................................................................ 56 Salaire moyen ........................................................................................................................ 57 Structure de l’emploi à l’aéroport ......................................................................................... 58 Nombre de visiteurs............................................................................................................... 59 Dépense des visiteurs ............................................................................................................ 60 Le multiplicateur pour les visiteurs........................................................................................ 61 Emplois générés par les visiteurs ........................................................................................... 61 Impacts économiques « facilitants » et complémentaires .................................................... 62 Simulations ................................................................................................................................ 63 4 I. Impact d’un aéroport sur le développement régional et sélection du type d’aéroport Interaction entre le transport aérien et le développement régional Aerotropolis: The Way We’ll Live Next, un livre écrit par Kasarda et Linday (2011), suggère que les aérotropolis, des villes se développant autour d’un aéroport, sont les villes de demain. Alors que les grands centres urbains d’autrefois se sont construits autour des stations ferroviaires, les auteurs avancent que les grands centres urbains du futur se centreront autour des aéroports, dans un rayon de 30 kilomètres. Seul le futur dira s’ils ont raison, mais l’on ne peut nier l’importance que les aéroports revêtent dans le développement économique régional. Depuis plusieurs années, les économistes ont montré l’existence d’une relation positive entre les investissements en infrastructures publiques et la productivité des secteurs privés de l’économie (Aschauer (1989), Munnell (1990) et Barro, (1991)), les aéroports s’inscrivant dans la catégorie des infrastructures de transport. Adam et Bevan (2006) démontrent même que les infrastructures de transport apportent une externalité positive aux secteurs marchands, qu’ils décrivent comme étant dérivée du processus d’apprentissage par l’action. De plus, selon certains auteurs (Dumont et Mesplé-Somps (2000); Faini (1994)) des investissements publics de transport stimuleraient les investissements privés grâce à l’effet de complémentarité qui existe entre les deux types d’investissement. Cet effet semble être confirmé dans la littérature sur l’impact économique régional des 5 aéroports. Robertson (1995) affirme que les aéroports peuvent être une force stimulante pour une économie régionale en procurant des emplois non-qualifiés et en attirant les investissements dans la région. Neuwirth et al. (1993) démontrent que la présence d’un aéroport tend à attirer les entreprises dans la région et que l’emploi dans un rayon de 6 km de l’aéroport croîtrait entre 2 et 5 fois plus vite que dans une zone suburbaine de la région métropolitaine. Ivy et al. (2005) montrent que la connectivité des services de transport aéroportuaires influencerait l’emploi dans les sièges sociaux et stimulerait le développement des institutions de recherche, ainsi que le secteur financier. En plus de la complémentarité des investissements publics et privés, un aéroport produit un effet « facilitant » qui augmente l’accès aux gens et à leurs idées, au capital et aux marchés (Hansman et Tam, 2002). Le pôle universitaire de Sherbrooke qui permet de générer des activités en recherche et développement en plus des investissements faits par les entreprises du secteur privé, pourrait grandement bénéficier de cet effet « facilitant », rehaussant ainsi l’impact économique régional sur la région. Plus spécifiquement, Florida et al. (2012) démontrent que les aéroports ajoutent de façon significative au développement économique régional en termes de PIB par habitant. L’ordre de la contribution au développement économique régional serait à peu près équivalent à celui du capital humain, ce qui est encore plus grand que la contribution des entreprises de haute technologie. 6 Empiriquement, la corrélation positive entre le PIB et le nombre d’embarquements, mesure du trafic aérien, est confirmée par des données historiques américaines. Ci-dessous, le graphique 1 illustre la corrélation entre le PIB et le nombre d’embarquements, alors que le graphique 2 démontre clairement l’existence d’une relation entre les taux de croissance du PIB et du nombre d’embarquements domestiques. Graphique 1 : Corrélation entre le PIB et le nombre d’embarquements Un aéroport n’est certes pas le seul type d’investissement en infrastructure public possible pour la région estrienne. Cependant, le Plan de transport de l’Estrie (2003) notait qu’il était peu probable que la demande de transport ne surpasse l’offre actuelle d’ici 2016. Or, cette offre d’infrastructure de transport est principalement composée d’infrastructures routières, ce qui isole relativement la région des grands centres américains comme Boston ou New York, malgré sa proximité géographique. Un aéroport dans la région pourrait offrir une solution intéressante à cette problématique. Graphique 2 : Taux de croissance (%) du PIB et de vols domestiques 7 La problématique de transport de la région sherbrookoise s’inscrit dans une problématique plus globale qui affecte similairement le Canada, les États-Unis et l’Australie, c’est-à-dire une faible densité de population et des grandes distances sur l’ensemble du territoire. Par exemple, environ 54 % de la population résidait dans les régions métropolitaines de recensement (RMR) de Montréal ou Québec1 en 2011. Ceci étant dit, la croissance démographique de la RMR de Sherbrooke est plus élevée que la moyenne québécoise. Cette croissance démographique s’effectue pourtant sans infrastructure de transport aérien pertinente dans la région, les Sherbrookois devant se rendre, au plus près, à Montréal pour y prendre un avion. Or, la croissance démographique est positivement corrélée au trafic aérien. Par exemple, entre 1980 et 2000, la population américaine a cru de 24 %, alors que le trafic aérien a augmenté de 136 % sur la période. Green (2007) trouve un fort lien entre le trafic aérien d’une région et la croissance de sa population et de son marché de l’emploi. 1 (http://www.stat.gouv.qc.ca/donstat/societe/demographie/dons_regnl/regional/rmr_total.htm) 8 Le lien entre la croissance démographique d’une région et son trafic aérien semble aussi s’appliquer dans un contexte québécois. Dans une étude évaluant le transport aérien dans cinq « régions ressources » du Québec munies d’un aéroport, Dostaler et Tomberlin (2010) observent une baisse du trafic aérien dans quatre des cinq régions entre 1995 et 2004 (tableau 1). Les auteurs remarquent que, bien que la population du Québec et le trafic aérien total aient augmenté entre 1996 et 2005, la population de ces 5 régions a baissé de 6 %, ce qui tend à confirmer empiriquement la corrélation entre la population et le trafic aérien d’une région. Graphique 3 : Évolution du trafic aérien dans cinq régions du Québec 9 Donc, les croissances démographiques et économiques, cruciales dans le développement régional, semblent toutes deux influencer et être influencées par la présence d’un aéroport dans la région. Catégorie d’aéroport et zone primaire de service Si la construction d’un nouvel aéroport ou d’un agrandissement de l’aéroport actuel de Sherbrooke devait avoir lieu, il appert nécessaire de comprendre d’emblée la catégorie à laquelle il appartiendrait afin de maximiser la rentabilité des investissements actuels et futurs. De par sa population et son économie, il est peu probable, du moins à court terme, que les compagnies aériennes choisissent l’aéroport de Sherbrooke comme base pour les transferts intercontinentaux ou internationaux. À ce titre, les aéroports de Montréal et Québec répondent mieux à ces besoins (ex. : plus grande population, plus grand aéroport…). Présentement, seul Montréal dispose d’installations de pré dédouanement pour les États-Unis bien que Québec devrait obtenir une installation de prédédouanement en 2015. La réduction du taux de perte de voyageur pourrait passer de 36 % en 2008 à 25 % en 2020, selon les estimations de l’aéroport (Ove Arup & Partners Ltd, 2010). À terme, l’obtention d’une telle installation serait bénéfique pour l’aéroport de Sherbrooke, car elle réduirait les pertes potentiellement subies en raison de la proximité relative de l’aéroport de Montréal. Les critères tels que définis par l’accord entre le Gouvernement des États-Unis d’Amérique et le Gouvernement du Canada relatif au précontrôle dans le Domaine du Transport Aérien (2001) requièrent de l’aéroport qui en fait la demande de posséder suffisamment de fonds et d’avoir un trafic 10 aérien suffisant pour justifier l’établissement d’installations de pré-dédouanement dans l’aéroport en question. Dans le cas de Sherbrooke, le manque de trafic aérien pourrait constituer, à court terme, un obstacle à l’obtention d’une telle installation. Ceci étant dit, il convient de mentionner que le développement de l’aéroport de Québec n’est point freiné par cette situation. En effet, l’aéroport de Québec a remporté le prix de meilleur aéroport nord-américain dans la catégorie de 0 à 2 millions de passagers annuellement et ce, pour la deuxième année consécutive. Dans son Plan Directeur (2010), l’aéroport s’attend d’ailleurs de passer de près d’un million de passagers annuels en 2008 à près de trois millions en 2035. Bien que l’aéroport de Québec n’ait pas proprement le statut de plaque tournante, son développement est certainement digne de mention. Dans un autre ordre d’idées, le concept d’aéroport secondaire est apparu plus récemment avec l’augmentation de la demande aérienne. Par exemple, aux États-Unis, le nombre de vols par année a passé de 294 millions en 1978 à 706 millions en 2000, ce qui a eu comme effet de créer une situation dans laquelle les aéroports majeurs opéraient près de leur pleine capacité, générant ainsi de la congestion et des délais (Bonnefoy et Hansman, 2005). Fondamentalement, un aéroport secondaire est un aéroport régional situé près d’une agglomération urbaine ayant déjà un aéroport principal d’où s’effectue la grande majorité des transferts et vols internationaux et duquel seront dérivés un certain nombre de vols afin d’alléger le trafic aérien à l’aéroport principal. Par exemple, les aéroports de Providence et de Manchester servent 11 d’aéroports secondaires à celui de Boston Logan. Selon Bonnefoy et Hansman (2005) un aéroport secondaire ne doit pas être situé à plus de 50 miles de l’aéroport majeur duquel il est censé délocaliser au moins 1 % des vols. Ce point de référence en matière de distance, si appliqué dans le cas de Sherbrooke-Montréal, impliquerait que Sherbrooke est trop éloigné de Montréal pour servir d’aéroport secondaire, l’aéroport de Montréal étant à environ 105 miles de Sherbrooke. En outre, la zone primaire de service de l’aéroport de Sherbrooke ne se recouperait probablement pas avec celle de Montréal, du moins au niveau de la région métropolitaine montréalaise. En général, la zone de service primaire d’un aéroport est généralement définie comme étant dans un rayon d’une heure de conduite automobile de l’aéroport en question (Rochester International Airport, 2009). Cette définition de la zone primaire de service permettrait d’élargir la population susceptible d’utiliser l’aéroport de Sherbrooke. Non seulement celui-ci desservirait la région métropolitaine de Sherbrooke et ses environs, mais il pourrait aussi capter des régions se trouvant entre Québec et Montréal. Par exemple, la région métropolitaine de Drummondville compte plus de 88 000 habitants. Ces régions avoisinantes permettraient vraisemblablement à l’aéroport de bénéficier d’une clientèle plus importante que ne laisserait les simples données démographique de la région métropolitaine de Sherbrooke. À cet égard, le prolongement de l’autoroute 610, qui s’arrête à à peu près huit kilomètres du site actuel de l’aéroport, pourrait s’avérer importante afin de faciliter l’accès aux voyageurs ne résidant pas dans la région. 12 II. L’essor d’un aéroport régional Lors du développement d’un aéroport, il semble à propos d’aborder celui-ci sous deux grandes considérations, c’est-à-dire l’attrait que l’aéroport aura pour les compagnies aériennes et l’attrait qu’il aura pour les passagers tel que le propose Bonnefoy et Hansman (2005). Nonobstant le fait que les deux catégories interagissent intimement ensemble, il convient cependant d’analyser en premier la relation qui unit l’aéroport aux compagnies aériennes étant donné que c’est d’abord la présence de compagnies aériennes à un aéroport qui attire les voyageurs et ce sont ces dernières qui contribuent majoritairement aux revenus des aéroports. Interaction entre l’aéroport et les compagnies aériennes Attraction des compagnies aériennes dans la région La distribution de la population est l’un de ces facteurs que considèrent les compagnies aériennes dans leur choix d’aéroport. C’est d’ailleurs probablement le point qui désavantage le plus Sherbrooke. Bien que la croissance démographique de Sherbrooke soit supérieure à la moyenne, la densité y reste de loin inférieure à d’autres grandes villes québécoises. Alors que la ville de Sherbrooke a une densité de 437,4 hab/km2, Montréal et Québec la surpassent toutes deux avec, respectivement, 4517 hab/km2 et 1137,7 hab/km2. C’est d’ailleurs sans surprise que Yao and Yang (2008) trouvent une corrélation entre la densité de population et le développement aéroportuaire d’une région. Ainsi, un aéroport dans la région augmenterait 13 probablement la densité de population de la région, mais l’ampleur de cette augmentation reste inconnue. Graphique 4 : Longueur de décollage par type d’appareil Dans un second temps, les infrastructures dont dispose l’aéroport sont cruciales à sa capacité d’accueillir les vols commerciaux désirés. Ces infrastructures doivent inclure des espaces de stationnement, des terminaux, des hangars et un accès adéquat 14 au système routier, pour ne nommer que quelques composantes essentielles d’un aéroport. Toutefois, l’élément le plus important dans la planification d’un aéroport en ce qui a trait à ses infrastructures est peut-être la longueur de ses pistes de décollage et d’atterrissage. En général, plus l’appareil est petit, moins la piste nécessite d’être longue. Le tableau 2 résume les distances nécessaires pour le décollage selon le type d’avion. Une longueur de piste suffisamment grande permettra, éventuellement, l’entrée en scène de nouvelles lignes aériennes. Entrée de nouvelles lignes aériennes à l’aéroport Sans exagération, l’entrée de nouvelles lignes aériennes à l’aéroport régional est capitale à son développement, surtout s’il s’agit d’un transporteur aérien à bas prix. Si l’on se fie au cycle de vie d’un aéroport tel que présenté dans Bonnefoy et Hansman (2005), cette entrée est déterminante afin d’augmenter le trafic à l’aéroport en question (voir graphique 3). Intuitivement, un transporteur aérien utilisant un modèle de faible coût abaissera le tarif, offrira de nouvelles destinations et augmentera la fréquence du service, ce qui stimulera la demande.2 À titre d’exemples, la hausse moyenne du nombre de vols annuels de l’aéroport de Manchester a été de 6 % entre 1990 et 1997. À la suite de l’entrée de Southwest Airlines en 1998, la moyenne de croissance annuelle du nombre de vols s’est chiffrée autour de 45 % entre 1998 et 2000. Similairement, le nombre de vols à l’aéroport de Providence a cru à une moyenne de 35 % dans les 2 Voir la discussion sur les priorités des consommateurs présentée ultérieurement 15 3 années qui ont suivi l’entrée de Southwest Airlines. L’entrée d’un transporteur aérien à faible prix change le modèle d’affaire, car il réduit le rendement par mile parcouru, mais augmente le trafic. À Fort Lauderdale, toujours suite à l’entrée de Soutwest Airlines, le rendement moyen par mile parcouru a chuté 22 % alors que le trafic a augmenté de 32 %. Graphique 5 : Cycle de vie d’un aéroport Source : Hansman et Tam (2002) Considérant l’importance que revêt la présence d’un transporteur aérien à bas prix pour l’essor d’un aéroport, il est compréhensible que la compétition entre aéroports soit forte. Francis et al. (2004) suggèrent que les administrateurs des aéroports voient le coût comme étant le principal facteur impactant le choix d’aéroport par les transporteurs aériens. Or, les coûts d’aéroports représentent 12 % des coûts totaux des transporteurs à bas prix, ce qui n’est pas négligeable. Ainsi, certains aéroports en sont venus à offrir des incitatifs financiers pour attirer ces derniers, 16 comme, par exemple, Frankfurt Hahn qui a aboli les frais d’atterrissage pour les Boeing 7373. Un cas afférant ayant fait couler beaucoup d’encre est certes le contrat ratifié entre Ryanair et l’aéroport belge de Charleroi. La Commission Européenne (CE) a d’abord statué que l’entente était illégale, considérant que les incitatifs étaient de l’aide étatique illégale selon les accords sur l’aide étatique de l’Union européenne. Cette décision fut ensuite infirmée par la Court de Première Instance de l’Union européenne. L’entente prévoyait une diminution de 50 % des frais d’atterrissage4 en plus de la diminution des frais reliés aux services de manutention au sol qui passaient de 10 euros à seulement 1 euro. Potter et Warnock-Smith (2005) contestent toutefois l’affirmation comme quoi les transporteurs à faible prix sont d’abord influencés par les coûts d’aéroports dans leur choix de port d’attache. Selon leur étude, le principal critère est celui d’une forte demande pour les services de transporteurs à bas prix dans l’aire de service de l’aéroport, suivi de créneaux horaires adéquats pour le décollage et l’atterrissage ainsi que les installations permettant aux avions de redécoller dans des brefs délais. Garder les avions aéroportés le plus possible est essentiel pour ces transporteurs. C’est d’ailleurs sans surprise que dans l’étude, les auteurs constatent que les deux facteurs les plus importants qui expliquent pourquoi les lignes aériennes à faible prix opèrent dans 3 Les Boeing 737 appartiennent à la catégorie des jets à fuselage étroit, des aéronefs étant fortement utilisés par les compagnies à faibles prix. 4 Selon le contrat, l’aéroport s’engageait à rembourser tout coût pouvant résulter d’un changement de politique sur les frais d’atterrissage. 17 des aéroports secondaires ou régionaux plutôt que dans des aéroports majeurs sont cette rapidité de redécollage et la ponctualité permise par un engorgement moins grand. Le problème de la congestion dans les grands aéroports canadiens est abordé dans l’article de Daniel (2009) qui, après avoir estimé les coûts de congestion dans les quatre plus grands aéroports canadiens, propose une politique de prix qui tiendrait compte de la congestion afin de réduire ces coûts. Toronto étant de loin l’aéroport canadien le plus engorgé, c’est sans surprise que l’auteur trouve des résultats plus probants pour Toronto que dans le cas de Montréal ou Calgary. Finalement, les rabais qu’offrent les aéroports ne viennent qu’au 4e rang du classement des éléments influençant le choix d’aéroport des transporteurs aériens à faible prix, ce qui contraste avec la perception des gestionnaires d’aéroports présentée dans Francis et al. (2003). Francis et al. (2003) s’intéressent à l’interaction entre les transporteurs aériens à bas prix et les aéroports régionaux, notamment quant à l’impact qu’ont les contrats octroyés aux transporteurs à bas prix par les aéroports régionaux. Les auteurs notent que les revenus de bien des aéroports régionaux, notamment les plus petits, sont très dépendants des charges d’aéroports et des charges relatives à la manipulation des avions. Les ententes avec les transporteurs à bas prix qui portent sur une réduction de ces charges pour ces derniers mettent une forte pression sur les revenus provenant de l’aspect commercial. Cet aspect, lorsqu’il n’est pas pris en compte lors de la construction initiale des terminaux, implique des dépenses d’infrastructures supplémentaires. 18 Avantages en matière de coût des aéroports régionaux Comme il en a été question précédemment, les coûts d’aéroport représentent environ 12 % des coûts totaux pour les transporteurs à faible prix. Or, des coûts d’aéroport, environ 54 % proviennent des coûts d’atterrissage (Bonnefoy et Hansman, 2005). Les coûts d’atterrissages sont généralement plus faibles dans les aéroports régionaux que dans les aéroports principaux, même sans entente privilégiée entre le transporteur et l’aéroport. Par exemple, les frais d’atterrissage, établis selon le poids de l’appareil, de l’aéroport de Toronto sont parmi les plus élevés au monde à 34,65$/ tonne alors qu’ils s’établissent à environ 13$/ tonne à Montréal, ce qui est quand même considérablement plus cher que Calgary (entre 4,14 $ et 7,38 $ par tonne) et Vancouver (entre 3,24 $ et 4,86 $ par tonne). Ces charges sont établies par les aéroports et les différences observées entre ces derniers sont explicables par plusieurs facteurs qui incluent notamment les subventions et le pouvoir de marché dont dispose l’aéroport en question5. Aux frais d’atterrissage s’ajoutent, entre autres, la location des terminaux et des portes et les charges par passager. En raison d’une demande d’utilisation supérieure dans les grands aéroports, le coût de location des terminaux et des portes est plus élevé que dans les aéroports régionaux. Montréal charge 20 $ par passager qui arrive, ce qui est similaire à Toronto, bien que ce dernier charge en plus 8 $ par passager qui transite par Toronto. Les frais moyens en fonction du poids sont aux alentours de 3600 $, parmi les plus élevés au monde, contrairement à 1000 $ à Montréal, ce qui est aussi élevé 5 Un aéroport qui est une plaque tournante aura plus de pouvoir de marché qu’un aéroport régional 19 comparativement aux autres aéroports nord-américains. Les frais moyens de Calgary et Vancouver sont quant à eux autour de la moyenne nord-américaine à environ 400 $ (Daniel, 2009). Les frais afférents aux aéroports diffèrent foncièrement d’un aéroport à l’autre et il semble que le pouvoir de marché y soit pour beaucoup dans l’établissement de ces frais. À cet égard, les aéroports régionaux situés hors des grands centres offrent des alternatives intéressantes aux compagnies aériennes. Nonobstant la présence d’autres facteurs qui influent les décisions de localisation des compagnies aériennes, les tarifs réduits qu’offrent les aéroports régionaux ou secondaires, que ce soit en raison de subvention ou simplement par manque de pouvoir de marché, permettent à ces derniers de faire compétition à de plus grands aéroports L’utilisation d’aéroports secondaires ou régionaux afin de réduire les coûts s’inscrit d’ailleurs dans le modèle d’affaire de Ryanair. Niveau de connectivité entre les aéroports à proximité L’émergence d’un aéroport régional à proximité d’un aéroport principal est fortement réduite lorsqu’il compte sur un haut taux de connexion effectué à l’aéroport principal. En effet, lorsque les aéroports sont à proximité, ils entrent en compétition pour les voyageurs et plus les voyageurs transfèrent à l’aéroport principal en provenance de l’aéroport régional à proximité, plus il est difficile pour le plus petit aéroport de rivaliser. Il serait possible d’énumérer diverses raisons pour expliquer ce phénomène notamment au niveau des services offerts par l’aéroport principal, mais la 20 raison la plus probante se trouve au niveau de la volonté des voyageurs à parcourir une distance considérable pour parvenir à un aéroport qui fournit un vol direct.6 Un exemple d’aéroport ayant éprouvé des difficultés pour cette raison est certainement celui de l’aéroport de St-Louis Mid-America où 64 % de ses passagers effectuent des transferts à l’aéroport principal de St-Louis. Interaction entre l’aéroport et les voyageurs Jusqu’à date, l’essentiel de la discussion s’est centré autour de la relation existant entre les aéroports et les compagnies aériennes, négligeant ainsi les voyageurs et leurs besoins. Or, la section précédente met en évidence le risque encouru lorsque la section non-aéronautique est ignorée ou mal planifiée dans le schéma de revenu de l’aéroport. Bien que les compagnies aériennes contribuent fortement aux revenus des aéroports en raison des diverses charges qu’elles payent, notamment les charges d’atterrissage et de manutention, les consommateurs contribuent également aux revenus à travers, entre autres, les frais de stationnement et les achats faits auprès des marchants louant des espaces de vente dans les terminaux. Cependant, l’aéroport est dépendant des compagnies aériennes pour attitrer les voyageurs sur les lieux. Bonnefoy et Hansman (2005) présentent quatre éléments majeurs déterminant l’attrait que les voyageurs auront envers l’aéroport : le temps total du voyage, l’accès terrestre, les tarifs et le niveau de service. Innes et Doucet (1990) ont tenté de prédire les choix d’aéroports des gens dans la moitié nord du Nouveau-Brunswick, peuplé alors 6 Voir Innes et Doucet (1990) pour plus de détails 21 d’environ 250 000 personnes avec une faible densité de population dans la région. Les auteurs confirment l’importance que revêtent le temps de vol et le niveau de service. Il appert que les voyageurs sont prêts à parcourir une distance considérable pour se prévaloir d’un vol direct plutôt que d’un vol avec connexion(s). Une autre étude québécoise (Dostaler et Tomberlin, 2010) s’intéressant aux facteurs influençant la décision de vols de voyageurs utilisant les aéroports régionaux de cinq régionsressources du Québec confirment aussi l’importance du temps de vol, du tarif et du niveau de service. En effet, 32,2 % des gens ayant répondu au questionnaire disent que l’horaire de vol ne leur était pas convenable, alors que 49 % des répondants disent pouvoir ne pas utiliser l’avion plus souvent pour voyager au Québec pour cette raison. Le sondage indique que 90,5 % des répondants utilisent l’avion comme moyen de transport afin de sauver du temps, ce qui doit toutefois être contrasté par le fait que près de 70 % des répondants de l’étude voyageaient pour affaire. De façon assez prévisible, plus de la moitié des répondants indiquait que le prix était le facteur le plus important dans leur décision d’utiliser l’avion plus souvent. Ces résultats sont compatibles avec les facteurs identifiés dans Bonnefoy et Hansman (2005) III. Remarques sur le projet d’aéroport à Sherbrooke La littérature sur l’impact des aéroports est assez catégorique sur l’impact régional qu’a un aéroport, tant sur le plan économique que démographique. À travers ses interactions accrues avec d’autres régions, la structure même de l’économie régionale peut changer. Grâce à la présence de l’Université de Sherbrooke et aux activités de 22 formation et de recherche qu’elle engrange, la ville serait en bonne position pour profiter de l’effet « facilitant » que provoquerait un développement aéroportuaire dans la région. Alors que les échanges et voyages d’affaire sont plus spécifiques à la nature même du secteur dans lequel opèrent les firmes de la région, l’aéroport facilite et stimule ces échanges. Le projet présente toutefois des défis de taille. La densité de population est relativement faible à Sherbrooke et la ville ne peut exploiter de manière réaliste la densité supérieure de villes comme Montréal étant donné la distance qui les sépare. Cependant, il pourrait être possible d’atténuer cette faible densité par l’attrait que l’aéroport pourrait avoir pour les régions avoisinantes, y compris celles situées entre Québec et Montréal. Il va sans dire que si les vols en départ de Sherbrooke devaient transiter par Montréal, cette clientèle deviendrait probablement peu encline à se rendre à Sherbrooke pour y prendre l’avion puisque cela n’ajouterait qu’à la durée de leur voyage. Somme toute, il est possible que la faible densité de population de la région ait un impact sur l’intérêt que la région aura pour les compagnies aériennes à court terme. À la vue des expériences de Manchester, Providence et Fort Lauderdale, l’on ne peut que constater l’importance qu’a l’introduction d’un transporteur à faible prix dans l’essor d’un aéroport régional. Advenant le cas que la demande initiale soit jugée insuffisante par les transporteurs à faible prix, des ententes incitatrices se devront d’être négociées afin de propulser le développement de l’aéroport au niveau souhaité. En supposant que les principaux intervenants souhaitent développer des routes 23 aériennes directes vers les principaux marchés à proximité, comme Boston, New York ou Toronto, les infrastructures de l’aéroport devront être pensées de façon à ce que la longueur des pistes soit suffisante pour pouvoir accueillir les avions des compagnies aériennes que l’on souhaite attirer. À terme, l’ajout d’installations de prédédouanement serait favorable à l’essor des routes vers les États-Unis. De plus, des ententes incitatrices impliqueront des revenus aéronautiques plus faibles, ce qui devra être compensé par une organisation des terminaux et des espaces commerciaux qui visera à maximiser les revenus non-aéronautiques, notamment les revenus commerciaux. Bien que la littérature démontre que la densité de population augmente avec le trafic aérien, cette croissance démographique pourrait prendre plusieurs années avant de se matérialiser. Conséquemment, une aide gouvernementale pourrait être requise à court terme afin d’assister l’aéroport dans ses projets d’expansion. IV. Étude de cas Les infrastructures de transports ont reçu beaucoup d’attention de la part des économistes dans les dernières décennies, notamment en raison des investissements considérables en capital qu’elles requièrent. Puisque le secteur public est fortement impliqué dans le financement des aéroports, plus spécifiquement des travaux de réfection, rénovation et les nouvelles constructions, il semble approprié d’évaluer l’impact des dépenses dans l’industrie aéroportuaire au-delà du simple stimulus provoqué par l’investissement initial et l’effet multiplicateur afférent. Les études d’impact économique entreprises au cours de la dernière décennie sont fortement 24 inspirées de la méthode input-output qui vise à agréger les impacts directs, indirects et induits. À quelques différences près, les impacts directs sont définis comme résultant des dépenses locales des visiteurs arrivant par avion, auquel il faut ajouter les dépenses encourues en bien et services par les firmes localisées à l’aéroport. Par exemple, un touriste qui achète une bouteille de vin dans une boutique hors-taxe de l’aéroport serait considéré comme un impact direct de l’aéroport. Les impacts indirects sont définis comme étant le flux de dollars généré par l’offre de matériel, de biens et de services attribuables à l’aéroport par des agents situés ailleurs qu’à l’aéroport. Un exemple d’un tel impact serait la location d’une chambre d’hôtel de la part d’un touriste venu séjourner dans la ville pour visiter ou autre. Enfin, les impacts induits ne sont autres que l’effet multiplicateur produit par les activités économiques générées par les impacts directs et indirects (Transportation Research Board, 2008). Cependant, les modèles input-output si souvent construits pour étudier l’impact économique d’un aéroport ne s’attardent pas aux effets de complémentarité qui peuvent rayonner de la construction d’un aéroport dans une région. Par exemple, Hansman et Tam (2002) discutent de l’effet « facilitant » d’un aéroport sur l’accès que les gens auront aux marchés et aux idées. Un corollaire s’impose avec l’effet de déversement que provoque la présence d’une université dans une région. En effet, Audretsch et al. (2004) analysent les choix de localisation de nouvelles firmes allemandes et démontrent que celles-ci ont tendance à se localiser près des universités pour obtenir l’effet de déversement de la recherche faite en science sociale et lorsque l’université diplôme un nombre important d’étudiants en sciences nature. 25 Les infrastructures de transport sont particulièrement importantes dans les décisions de localisation de certaines entreprises. Déjà, Neuwirth et al. (1993) démontre que l’emploi croît de deux à cinq fois plus vite dans un rayon de 6 km autour de l’aéroport que dans la banlieue de la zone métropolitaine dans laquelle l’aéroport est situé. Cependant, la seule présence d’un aéroport permet une meilleure accessibilité aux différents marchés et aux idées. Dans le cas de firmes œuvrant dans le secteur de l’innovation, comme la recherche et le développement, la présence d’un aéroport est un facteur primordial dans les décisions de localisation des firmes. Malecki (1987) dénote l’importance de la proximité d’un aéroport dans le choix de la localisation des activités de recherche et développement et du siège social. Similairement, Dunning et Norman (1983) relèvent l’importance que revêt l’accès à un aéroport proche dans le choix de localisation des firmes multinationales en Europe de l’Est. Il semble donc possible de postuler qu’étant donné que Sherbrooke dispose déjà d’un pôle universitaire, un aéroport à proximité ne ferait que renforcer et diversifier la base d’investissements privés dans la région. En conséquence, une analyse input-output, qui consisterait à agréger les impacts directs, indirects et induits, quoiqu’un bon point de départ, ne réussirait probablement pas à capter tous les impacts économiques reliés à la présence d’un aéroport à Sherbrooke. Nous présentons maintenant des exemples de développement d’aéroport dans des villes avec des caractéristiques similaires à Sherbrooke. Nous retenons principalement deux critères : la région métropolitaine de recensement dans laquelle est situé l’aéroport doit contenir entre 125 000 et 375 000 habitants et elle se trouve à proximité d’une zone métropolitaine regroupant entre un 26 et quatre millions d’habitants. Ce qui retiendra notre attention sera, d’une part, les caractéristiques de l’aéroport susceptibles d’influencer significativement sa performance et, d’autre part, l’impact économique que l’aéroport a dans les villes en question. Les aéroports sélectionnés sont tous en Amérique du Nord, ce que nous considérons plus représentatif en raison de la plus faible densité de population qu’il y a comparativement à l’Europe, par exemple. Roanoke La ville de Roanoke en Virginie compte 97 032 habitants alors que la région métropolitaine statistique de Roanoke arbore pour sa part 302 200 habitants. En comparaison, la ville de Sherbrooke relève 154 601 habitants à l’intérieur des limites de la ville alors que la région métropolitaine se situe à 201 890 habitants. Géographiquement, Roanoke est bien situé pour profiter des opportunités commerciales avec des villes plus populeuses situées à proximité. Greensboro, qui recense une population métropolitaine de 723 801 habitants, n’est qu’à 234 kilomètres de Roanoke; Richmond, la capitale de la Virginie, dénombre 1 258 251 habitants et n’est qu’à 222 kilomètres; enfin, Raleigh est situé à 260 kilomètres de Roanoke et affiche une population métropolitaine de 1 130 490 habitants (US Census, 2011). L’aéroport régional de Roanoke, situé à environ huit kilomètres au nord de la ville de Roanoke, comporte deux pistes de décollage et d’atterrissage originalement complétées en 1942. La plus grande des deux, la piste 6-24, mesure aujourd’hui 6800 pieds de longueur par 150 pieds de largeur, des travaux l’ayant allongé de 900 pieds 27 dans les années 80. Quant à la seconde piste, la 16-34, elle mesure 5810 pieds de longueur par 150 pieds de largeur. L’aéroport tel qu’il est aujourd’hui résulte principalement des investissements majeurs réalisés au cours des deux dernières décennies. Dès 1990, le besoin pour de nouveaux hangars a été dévoilé dans un plan d’expansion de l’aéroport. L’espace de rangement étant tellement restreint que certains appareils devaient être stationnés à l’extérieur, ce qui a donné lieu à la construction de nouveaux hangars en 1992 (Roanoke Times, 1990). Durant la période de 1990 à 1995, le secteur de l’aéroport ayant observé la plus forte croissance est celui du fret aérien. Au cours de cette période, le trafic passa de 22.8 millions de livres à 50 millions de livres (Roanoke Times, 1996). Or, l’aéroport était alors mal adapté pour ce type d’opération. Au début des années 90, l’aéroport n’avait pas d’infrastructure où les avions pouvaient se rendre par les voies de circulation et décharger leur contenu. Les cargaisons devaient être d’abord déchargées de l’avion avant d’être transportées à divers endroits pour être finalement embarquées dans des camions. Ce problème fut réglé en 1998 avec la complétion d’une toute nouvelle rampe pour le fret et une station de déglaçage. Cette nouvelle infrastructure est capable de gérer et faire des manipulations sur 3 grands et 3 petits avions simultanément. En 1999, la direction a annoncé un plan maître de 128.5 millions pour la rénovation et la relocalisation de certains bâtiments, la relocalisation de deux de ses voies de circulation jugées trop proches des pistes d’atterrissage afin de les rendre conformes avec les standards contemporains de la Federal Aviation Administration (FAA), la réfection de l’asphaltage sur les pistes d’atterrissage, l’addition d’un bâtiment de stationnement et des changements au terminal (Roanoke Times, 28 1999). L’ajout d’espace de stationnement à travers l’addition d’un bâtiment de stationnement vient pallier un problème évident à cet égard pour les clients de l’aéroport, tout comme l’addition de places assises au sein du terminal, évitant ainsi que de trop nombreux voyageurs doivent attendre dans les couloirs. En 2005, la construction d’une nouvelle tour de contrôle, haute de 197 pieds, a été achevée, cette dernière permettant un meilleur contrôle sur l’ensemble des activités survenant à l’aéroport, car l’ancienne tour, beaucoup plus petite, ne permettait pas de voir des portions de la piste d’atterrissage et des voies de circulation qui étaient obstruées par les hangars. Une étude portant sur l’impact économique des aéroports de l’État de Virginie confirme l’importance de l’aéroport pour la région de Roanoke. Il ressort de l’étude que l’aéroport de Roanoke est responsable pour 2189 emplois et génère 216.15 millions en activité économique. Sur le total des emplois générés, 535 d’entre eux proviennent des activités sur le site même de l’aéroport et inclus les emplois occupés au sein des services de support fournis par les compagnies aériennes, ceux dans les domaines des opérations de l’aéroport, de la vente, du transport de fret ainsi que des services de construction et de consultations. À ce total s’ajoute les 460 emplois indirects et induits générés par les achats de biens et services faits par les employés et entreprises à l’aéroport auprès d’autres firmes situées dans la région. En terme d’activité économique, les activités ayant lieu à l’aéroport génèrent directement 65.01 millions à travers des activités comme le remplissage d’essence, l’entreposage d’avions, la 29 manutention des frets, le transport au sol et la vente de produits. L’apport indirect et induit se chiffre à 38.95 millions et résulte des achats de biens et services faits par les employés et les firmes de l’aéroport (SH&E et al., 2011). En 2010, l’aéroport de Roanoke a accueilli 315 516 passagers dont seulement 1450 étaient des voyageurs qui ne faisaient que transiter par l’aéroport. L’étude chiffre à 40.8 % la proportion des voyageurs qui visite la ville de Roanoke. En moyenne, ces visiteurs dépenseront individuellement 201 $ en hébergement, 108 $ en nourriture et breuvage, 55 $ en divertissement, 85 $ en transportation terrestre et 22 $ en achat au détail, pour un total moyen de 470 $. La demande accrue pour les hôtels, restaurants, boutiques de souvenirs, agences de voyages locales et attractions locales crée directement 842 emplois dans la région, alors que les achats de biens et services faits par les firmes directement stimulées par les touristes créent à leur tour 352 emplois. Ainsi, l’activité économique générée directement par les visiteurs s’élève à 63.21 millions, auquel s’ajoutent 48.98 millions d’activité économique indirecte ou induite (SH&E et al., 2011). Outre l’aspect démographique, Sherbrooke et Roanoke présentent aussi une forte similitude en ce qui a trait à la structure économique (voir tableau 4), car pour la majorité des secteurs, la prépondérance de ces derniers dans leur économie respective est quasiment identique. Le secteur « d’hébergement et loisir » est un peu plus élevé pour la ville de Roanoke, mais il convient de noter que la présence d’un aéroport régional à Roanoke stimule ce secteur. Aussi, le secteur gouvernemental est 30 significativement plus important à Roanoke qu’il ne l’est à Sherbrooke, alors que le secteur de l’éducation et des services de santé est plus important à Sherbrooke, notamment en raison de la présence de deux universités à proximité et d’une faculté de médecine à Fleurimont. Comme l’étude des impacts économiques des aéroports de la Virginie l’a démontré, l’impact de l’aéroport créé une activité économique de plus de 200 millions. Or, bien que la région de métropolitaine de Roanoke soit légèrement plus populeuse que la région métropolitaine de Sherbrooke, le secteur gouvernemental n’est que peu stimulé par la présence d’un aéroport alors que le secteur de l’éducation et des services de santé, plus important à Sherbrooke, serait beaucoup mieux placé pour bénéficier des avantages qu’offriraient un aéroport dans la région Sherbrookoise. Tableau 1 : Économies régionales de Sherbrooke et Roanoke par secteur d'activité ROANOKE SHERBROOKE Emplois Emplois (Moyennes de (Moyennes 2011) En % (2011) En % Secteurs Hébergement et loisir 13.3 8.53% 5.5 5.56% Autres services 7.1 4.55% 4 4.04% Gouvernement 21.8 13.98% 4.7 4.75% Finance 7.9 5.07% 4.2 4.24% Manufacturier 16.6 10.65% 9.44 9.54% Commerce, transport & services publics 35.2 22.58% 18.4 18.59% Information 1.8 1.15% 3.3 3.33% Mines, prospection & construction 7.9 5.07% 5.9 5.96% Services d'affaire et professionnel 20.2 12.96% 11.9 12.02% Éducation & services de santé 24.2 15.52% 26.3 26.57% Références : Sherbrooke-Innopole : Rapport annuel 2011; Bureau of Labor Statistics; Statistiques Canada (Enquête sur la population active) 31 Montgomery La ville de Montgomery en Alabama, géographiquement à proximité du marché de Birmingham (137 kilomètres et plus de 1.1. millions d’habitants), recense 205 764 habitants alors que sa région métropolitaine compte 374 536. En termes de structure économique régionale, les commentaires faits à l’égard de Sherbrooke et Roanoke s’appliquent dans le cas présent, bien que l’ampleur des différences au niveau du secteur gouvernemental soient ici encore plus marquées (US Bureau, 2011). Tableau 2 : Économies régionales de Montgomery et Sherbrooke par secteur d’activité MONTGOMERY SHERBROOKE Moyenne Moyenne (2011) En % (2010) En % Secteurs Hébergement et loisir 8.78% 5.5 5.56% 14.6 Autres services 4.51% 4 4.04% 7.5 Gouvernement 26.53% 4.7 4.75% 44.1 Finance 5.11% 4.2 4.24% 8.5 Manufacturier 10.17% 9.44 9.54% 16.9 Commerce, transport & services publics 17.09% 18.4 18.59% 28.4 Information 1.26% 3.3 3.33% 2.1 Mines, prospection & construction 3.61% 5.9 5.96% 6 Services d'affaire et professionnel 12.03% 11.9 12.02% 20 Éducation & services de santé 10.89% 26.3 26.57% 18.1 Références : Sherbrooke-Innopole : Rapport annuel 2011; Bureau of Labor Statistics; Statistiques Canada (Enquête sur la population active) L’aéroport régional de Montgomery couvre plus de 2000 acres et est situé à 9.7 kilomètres du centre des affaires de la ville de Montgomery. L’aéroport, inauguré en 1943, comporte deux pistes, la plus grande des deux mesurant 9010 pieds de longueur par 150 pieds de largeur et la plus petite de la même largeur, mais de seulement 4010 pieds de long. La construction d’un terminal qui devait rester en usage durant des 32 décennies a été complétée en 1958. En 1987, des travaux d’expansion et de rénovation de 4.2 millions furent effectués, mais ces travaux n’empêchèrent pas une multitude de chefs d’entreprises de réclamer, en 2000, des réfections majeures au terminal de 62 000 pieds carrés (Montgomery Advertiser, 2000). Parmi les lacunes relevées par ces derniers, la salle d’attente était à une distance considérable du restaurant et les passagers quittant la salle d’attente devaient se heurter au déplaisir de franchir à nouveau la sécurité. Les aires de marches du stationnement étaient à découvert et les passagers partant ou arrivant à l’aéroport devaient franchir la distance séparant le terminal de l’avion à découvert. Annoncées en 2001 et complétées en 2006, les nouvelles passerelles d’embarquement furent chaudement accueillies par les voyageurs qui éviteront ainsi les intempéries lors de leur séjour à l’aéroport. Ce n’est qu’un parmi plusieurs changements au terminal qui furent annoncés dans un plan de rénovation de 23 millions de dollars. Au compte des autres modifications, l’on peut mentionner une nouvelle salle d’attente au deuxième étage d’où les passagers peuvent embarquer dans leur avion, une extension vers l’ouest du terminal existant, ajoutant ainsi de l’espace pour de nouvelles boutiques, des restaurants et des portes d’embarquement au deuxième étage. De plus, la piste d’atterrissage 10-28, longue de seulement 3480 pieds fut allongée à sa longueur actuelle. La phase 3 du projet, qui était de construire près de 30 000 pieds carrés d’espace additionnel dans le terminal ainsi qu’une nouvelle porte d’embarquement, a coûté 16 millions à elle seule. Au printemps 2012, le Montgomery Advertiser rapportait un nouveau plan de développement de 92 millions de dollars qui a pour but de façonner l’aéroport jusqu’à au moins 2030. Parmi les modifications 33 proposées, l’on peut noter une extension des pistes d’atterrissage existantes, de développement d’un hangar corporatif et un nouveau bâtiment pour effectuer le travail d’entretien des appareils. Selon une étude du département d’aviation d’Alabama, l’aéroport régional de Montgomery génère une activité économique de 1.32 milliard de dollars (2005). L’étude divise les impacts en deux catégories. La première série d’impacts est composée des impacts directs et indirects. Les premiers sont définis par l’étude comme étant ceux dont les bénéfices sont associés aux firmes situées à l’aéroport alors que les seconds sont composés des bénéfices survenant à l’extérieur de l’aéroport et inclus également les dépenses perpétrées par les touristes arrivant en Alabama par l’aéroport. La somme des impacts directs et indirects pour l’aéroport régional de Montgomery est de 581.9 millions. La deuxième série d’impacts n’est autre que l’effet multiplicateur, c’est-à-dire l’effet résultant de la recirculation de la monnaie générée par les impacts directs et indirects. Dans le cas ici présent, l’effet multiplicateur se chiffre à 741.9 millions de dollars. Au total, 15 855 emplois sont directement ou indirectement créés par la présence et les activités de l’aéroport régional de Montgomery, ce qui représente 434.8 millions de dollars en salaires annuels (The Garver/WSA team, 2005). Gainesville La ville de Gainesville est la ville la plus populeuse de l’arrondissement d’Alachua en Floride. Alors que l’arrondissement compte 247 336 habitants, la ville de Gainesville en dénombre 114 375 (US Bureau, 2011). La structure de son économie est 34 radicalement différente de Sherbrooke en raison de la prédominance du secteur gouvernemental, qui est responsable de plus de 40 % des emplois dans la région, mais une similitude évidente existe entre les deux villes au niveau de l’importance du secteur de l’éducation, en particulier l’éducation postsecondaire. La présence de l’université de Floride, qui emploie près de 14 000 personnes, est un véritable catalyseur pour une région comptant près de 40 % d’étudiants et dont 38 % de la population adulte détenait au moins un baccalauréat en 2000 (U.S. Census, 2000). Tableau 3 : Économies régionales de Gainesville et Sherbrooke par secteur d’activité GAINESVILLE SHERBROOKE Moyenne Moyenne (2011) En % (2011) En % Secteurs Hébergement et loisir 12.9 10.23% 5.5 5.56% Autres services 4.4 3.49% 4 4.04% Gouvernement 42.2 33.47% 4.7 4.75% Finance 5.8 4.60% 4.2 4.24% Manufacturier 4.4 3.49% 9.44 9.54% Commerce, transport & services publics 18.1 14.35% 18.4 18.59% Information 1.5 1.19% 3.3 3.33% Mines, prospection & construction 3.8 3.01% 5.9 5.96% Services d'affaire et professionnel 10.7 8.49% 11.9 12.02% Éducation & services de santé 22.3 17.68% 26.3 26.57% Références : Sherbrooke-Innopole : Rapport annuel 2011; Bureau of Labor Statistics; Statistiques Canada (Enquête sur la population active) La ville est géographiquement bien positionnée pour bénéficier des plus grands marchés métropolitains à proximité. Jacksonville est situé à environ 110 kilomètres de Gainesville et possède une population métropolitaine de 1 345 596 personnes alors qu’Orlando et ses plus de 2.1 millions d’habitants ne sont qu’à environ de 200 kilomètres (US Bureau, 2011). 35 L’aéroport régional de Gainesville, dont le projet initial date de 1940, est la propriété de la municipalité et il a véritablement connu son envol commercial à partir de 1979 avec la complétion du terminal pour les passagers commerciaux. L’accès à l’aéroport est facilité par sa proximité relative de l’autoroute I-75, qui est l’une des principales autoroutes de l’État, de laquelle l’aéroport n’est qu’à 20-25 minutes. Il dispose de deux pistes d’atterrissage non perpendiculaire (contrairement à la plupart des aéroports analysés) asymétriques puisqu’il n’y a que sur la piste principale que peuvent s’effectuer des vols commerciaux. La piste principale 11-29 est longue de 7501 pieds et large de 150 pieds tandis que la piste 7-25 n’est longue que de 4158 pieds, une longueur beaucoup trop petite pour permettre l’accueil d’aéronefs commerciaux. De plus, le poids que peut supporter la principale piste d’atterrissage est significativement plus important que la piste voisine. Les voies de circulation A, B, C et E permettent le mouvement des aéronefs vers les zones désirées. Le terminal récemment rénové est construit sur un étage et s’étend sur une superficie de 59 000 pieds carrés. En 2005, dans la perspective d’améliorer le service, trois nouveaux ponts d’embarquement furent ajoutés et, en 2007, des travaux ont ajouté, entre autres, plus de salles d’attente, de salles d’eau et aires de restauration. Enfin, l’aéroport dispose de 828 espaces de stationnement dont 130 sont pour des fins de long terme, 530 de court terme, 84 réservés pour les employés et 84 pour les entreprises de location d’automobiles (Florida Tech Development Team, 2011). 36 Une trentaine de firmes œuvrant directement sur les lieux de l’aéroport contribue à créer des retombées économiques régionales. Le Florida Department of Transportation Office (2010) affirme que les impacts directs de l’aéroport sont de près de 67 millions, les impacts indirects d’un peu plus de 62 millions et les impacts dus à l’effet multiplicateur se chiffrent à plus de 102 millions de dollars, pour un total de plus de 231 millions. Avec 2391 emplois créés directement ou indirectement, les bénéfices régionaux et économiques de l’aéroport sont évidents. Grâce à une économie fortement centrée autour du secteur tertiaire, la présence d’un aéroport renforce les effets « facilitants » décrits précédemment de même qu’il contribue aux investissements privés, notamment ceux qui sont faits en marge du secteur universitaire. Rochester La ville de Rochester au Minnesota est particulièrement intéressante aux fins de comparaison recherchée avec Sherbrooke. Cette ville, qui accueille, selon le recensement de 2010, 106 769 habitants, est aussi au cœur de la région métropolitaine de recensement qui dénombre 186 011 occupants. La ville de Minneapolis-St-Paul est à 140 km et compte 372 811 habitants dans la ville et 3.4 millions dans la région métropolitaine (US Bureau, 2011). L’aéroport dont Rochester dispose, a une zone de service primaire qui se juxtapose avec une partie de la zone de service primaire de l’aéroport international de Minneapolis-St-Paul. En général, une zone de service primaire est définie comme étant une zone à l’intérieur de laquelle il est possible de se rendre à l’aéroport en question, en une heure ou moins de conduire automobile (RS&H 37 and McGhie & Betts, 2009).7 La ville de Rochester se démarque par son classement élevé en matière de qualité de vie et de productivité par habitant. La structure économique de la ville est moins variée que d’autres dépendant beaucoup du secteur des services de santé, ce qui peut être attribuable, du moins en partie, à la présence de la clinique Mayo dans la région. Tableau 4 : Économies régionales de Sherbrooke et Rochester par secteur d'activité ROCHESTER SHERBROOKE Moyenne (2011) En % Moyenne (2011) Secteurs Hébergement et loisir 7.9 7.83% 5.5 Autres services 3.2 3.17% 4 Gouvernement 10.7 10.60% 4.7 Finance 2.5 2.48% 4.2 Manufacturier 10.4 10.31% 9.44 Commerce, transport & services publics 15.7 15.56% 18.4 Information 1.5 1.49% 3.3 Mines, prospection & construction 2.9 2.87% 5.9 Services d'affaire et professionnel 4.9 4.86% 11.9 Éducation & services de santé 41.7 41.33% 26.3 Références : Sherbrooke-Innopole : Rapport annuel 2011; Bureau of Labor Statistics; Statistiques Canada (Enquête sur la population active) L’achat du site actuel sur lequel l’aéroport repose a été acquis entre 1956 et 1959 et comportait, à l’époque, environ 2000 acres. L’accès routier principal à l’aéroport se fait grâce à l’autoroute US 63 qui passe directement à l’est de l’aéroport. La complétion de l’aéroport eut lieu en 1960 à un coût d’environ 4.5 millions de dollars. Ce n’est toutefois qu’en 1995 que le nom actuel, Aéroport International de Rochester, fut adopté. L’aéroport tel qu’il est aujourd’hui est 7 le résultat d’une pléiade La détermination de la zone primaire de service prend en compte plusieurs facteurs et varie légèrement selon les définitions, mais il semble que le temps et la comparabilité des services offerts soient les facteurs clés 38 En % 5.56% 4.04% 4.75% 4.24% 9.54% 18.59% 3.33% 5.96% 12.02% 26.57% d’investissements majeurs visant à l’amélioration de l’aéroport, une grande partie ayant été réalisée au cours de 15 dernières années. L’annexe 1 présente une liste des travaux de 100 000 $ et plus ayant été réalisés depuis 1960. L’aéroport dispose de deux pistes d’atterrissage et de décollage, la 13/ 31 étant longue de 9033 pieds et large de 150 pieds, alors que la 02/ 20 est longue de 7300 pieds et possède la même largeur. La piste 13/ 31 pavée en ciment de Portland peut accueillir des avions à roues doubles à l’avant d’une pesanteur pouvant aller jusqu’à 75 000 livres, des avions à roues doubles en tandem sur les côtés pouvant aller jusqu’à 95 000 livres et des avions à roues quadruples en tandem sur les côtés pouvant aller jusqu’à 150 000 livres de pesanteur. Quant à elle, la piste 02/ 20, pavée du même matériau, peut accueillir les mêmes types d’appareils que la 13/ 31, mais elle permet des poids plus importants, pouvant respectivement aller jusqu’à 100 000 livres, 175 000 livres et 300 000 livres. Les voies de circulation en parallèle des deux pistes d’atterrissage permettent d’atteindre rapidement les rampes d’accès. Les hangars dont dispose l’aéroport ont fait l’objet de plusieurs investissements récents, comme le témoigne les constructions des Hangars T 1-5, du Hangar C et des travaux de rénovation et d’amélioration ayant été faits à plusieurs autres hangars. En ce qui a trait à l’espace pour les cargaisons aériennes, l’aire actuelle date de 1999 dont le principal attrait réside dans le complexe Fedex qui s’étend sur une surface de 80 000 pieds carrés et qui a coûté 13 000 000 $. Le terminal est composé de deux étages, le premier offrant l’espace pour les billetteries, les concessions de location d’automobiles, un resto-bar, une boutique 39 souvenir, des surfaces d’exposition, les dispositifs de sécurité et les deux systèmes de livraison des bagages se situent aux extrémités latérales de ce niveau de l’établissement. Alors qu’il y a, en plus, deux aires réservées à l’embarquement des passagers au premier niveau, le second niveau, quant à lui, accueille quatre aires d’embarquement ainsi que les bureaux administratifs. En 2007, les quatre stations d’embarquement situées au deuxième étage disposaient de l’équipement nécessaire à l’embarquement via les passerelles réservées à cette fin, mais seulement trois d’entre elles en possédaient une. Finalement, l’aéroport s’est doté de plusieurs aires de stationnement, parmi lesquelles l’on peut mentionner 136 espaces réservés aux voitures de location, 150 stationnements de courte durée, 700 stationnements de longue durée et 57 stationnements pour les différents employés (RS&H and McGhie & Betts, 2009). Tel que l’annexe 1 le démontre, plusieurs projets furent réalisés dans les 15 dernières années, ce qui est en lien direct avec le plan maître de 1997 qui a été presque entièrement et intégralement réalisé dans les dix années qui suivirent son élaboration. Le succès de ce plan de développement a pavé la voie à un autre plan maître, celui-là réalisé en 2009 et qui présente les projets de développement du capital à court, moyen et long terme pour les trente prochaines années. Les faits saillants sont présentés dans l’annexe 2. L’ensemble des améliorations ci-après présentées représente un coût total de près de 139 millions. Sur ce total, environ 33.8 millions seraient alloués à des projets devant se réaliser entre 2010 et 2014, 69.7 millions seraient attribués à des projets devant voir le jour entre 2015 et 2019, alors que des projets de plus long terme 40 s’échelonnant entre 2020 et 2030 devraient coûter près de 35.5 millions (Reynolds, Smith and Hills, Inc. et McGhie and Betts, 2009). Du côté économique, l’aéroport international de Rochester dispose d’une étude d’impact économique pour l’année 2007. Sommairement, 2911 emplois ainsi que 161.5 millions en retombées économiques sont attribuables à l’aéroport. De ces totaux, le nombre d’emplois s’effectuant directement à l’aéroport s’élève à 596, générant ainsi 17.4 millions en salaires. De plus, les firmes opérant à l’aéroport achètent environ 19.8 millions par année de biens et services dans la région. Les visiteurs de la région métropolitaine de Rochester utilisant l’aéroport génèrent 632 emplois, ce qui représente 13.5 millions en salaire. Toujours selon l’étude, ces visiteurs supportent des dépenses de 17.5 millions dans la région. Enfin, il est possible d’attribuer 1683 emplois (42.4 millions en salaire) et 50.6 millions additionnels en dépenses d’opération aux impacts induits résultant de l’effet multiplicateur (RS&H and McGhie & Betts, 2009). Le plan maître de 2009 contient les résultats d’une régression visant à vérifier l’existence d’une corrélation entre certaines données. En effet, l’étude visait à établir si la population, l’emploi et/ ou le revenu par habitant peuvent être des prédicateurs du nombre d’embarquement de passager, d’opération de transporteurs aériens, des opérations d’aviation générale locales, des opérations d’aviation générale itinérantes, du nombre d’appareils basés à l’aéroport et de l’activité de fret aérien. L’étude n’a trouvé aucune corrélation significative, résultat qui vient confirmer ce qui avait été établi par les résultats d’une régression similaire présentée dans le plan maître de 1997 41 (RS&H and McGhie & Betts, 2009). Les raisons avancées pour de tels résultats sont nombreuses et incluent, entre autres, une dynamique régionale particulière en raison de la présence de la clinique Mayo qui attire environ 1.5 million de visiteurs annuellement, mais ce qui est peut-être le plus intéressant est la dynamique que relèvent les auteurs selon laquelle le taux de fuite8 des voyageurs utilisant l’aéroport international de Rochester est très élevé (environ 50 %), plusieurs choisissant de conduire jusqu’à l’aéroport de Minneapolis-St-Paul qui est plus gros et qui sert d’aéroport-pivot dans la région. Étant donné que la situation est fortement similaire avec le cas Sherbrooke-Montréal, il ne serait donc pas surprenant que les coefficients calculés pour Sherbrooke soient de mauvais prédicateurs du nombre d’embarquements qui auraient lieu à l’aéroport de Sherbrooke. Kingston La ville ontarienne de Kingston est l’hôte de 123 363 habitants, alors que sa région métropolitaine dénombre 159 561 personnes (US Bureau, 2010). Situé le long de la route 401, Kingston n’est séparé que de 150 kilomètres de la capitale canadienne, Ottawa. Les deux autres métropoles à proximité sont un peu plus éloignées, Montréal étant à un peu moins de 300 km et Toronto à 264 km de Kingston. L’aéroport Norman Rogers de Kingston est opéré et détenu par la municipalité depuis 1974. Construit sur un site de 275 hectares, l’aéroport dispose de deux pistes 8 Il s’agit du marché de l’aviation actuel de l’aéroport divisé par son marché potentiel tel que défini par sa zone de service. 42 d’atterrissage et de décollage longues de 5000 pieds et de 3933 pieds et larges de 100 pieds ainsi que deux voies de circulation. L’unique terminal sur les lieux possède deux étages, le premier étant utilisé pour l’ensemble des activités d’opération commerciale, alors que le deuxième étage est réservé pour des fins administratives. Les trois hangars de l’aéroport datent de la Deuxième Guerre mondiale et sont dans un état demandant des travaux de rénovation. Aussi, en ce qui a trait aux espaces de stationnement, ces derniers permettent une offre de 121 places. La ville est bien positionnée pour continuer à développer une économie de services, notamment dans le secteur éducationnel, de santé ainsi que le secteur militaire en raison de la présence de l’Université Queen’s et du Royal Military College9. À ce propos, il est possible de voir une similitude importante entre Kingston et Sherbrooke en ce qui a trait aux deux secteurs de prépondérance pour les deux villes, c’est-à-dire l’éducation et des services de santé ainsi que le commerce, transport et les services publics. Le secteur de l’hébergement et des loisirs est un peu plus important pour la ville de Kinsgton qui ne peut l’être pour la ville estrienne, ce qui est cependant normal étant donné que cette dernière ne dispose d’un aéroport avec des commerciaux qui servirait de catalyseur à l’industrie touristique. Tableau 5 : Économies régionales de Sherbrooke et Kingston par secteur d'activité KINGSTON SHERBROOKE Moyenne Moyenne (2011) En % (2011) En % 9 L’université Queen’s et le Royal Military College sont les deux plus importants employeurs de la région, employant respectivement 4200 et 8000 personnes (livework.kingstoncanada.com, avril 2011). 43 Secteurs Hébergement et loisir Autres services Gouvernement Finance Manufacturier Commerce, transport & services publics Information Mines, prospection & construction Services d'affaire et professionnel Éducation & services de santé 6.53 2.56 7.69 4.78 4.5 13.22 3.21 4.44 7.25 23.4 8.42% 3.30% 9.91% 6.16% 5.80% 17.04% 4.14% 5.72% 9.35% 30.16% 5.5 5.56% 4 4.04% 4.7 4.75% 4.2 4.24% 9.44 9.54% 18.4 18.59% 3.3 3.33% 5.9 5.96% 11.9 12.02% 26.3 26.57% Références : Sherbrooke-Innopole : Rapport annuel 2011; Bureau of Labor Statistics; Statistiques Canada (Enquête sur la population active) Alors que la population de la région métropolitaine a augmenté d’un peu plus de 10 % dans les 15 dernières années, le trafic aérien ne suit pas une tendance aussi linéaire. Inconstant entre 2001 et 2009, le total des départs et des arrivées à l’aéroport a baissé de 7.7 % sur l’ensemble de la période. De plus, malgré des caractéristiques de population similaires à d’autres villes et aéroports analysés précédemment, l’aéroport de Kingston ne génère qu’un total de 336 emplois directs et indirects ainsi que 49.5 millions de dollars en activité économique, une fois agrégés les impacts direct, indirect et induit (Kingston Airport 2009 economic study, 2010). Ces faibles impacts se font pourtant en dépit de l’influence positive qu’exercent les secteurs universitaires et les miliaires sur la région. Or, selon le plan maître de 2007 de l’aéroport de Kingston, la population combinée des zones desservies usuellement par l’aéroport dénombre 538 864 personnes. Cependant, l’estimation de la zone de service du marché total originedestination de l’aéroport est de 228 000 personnes. C’est pourtant le faible taux de 44 rétention qui heurte l’aéroport avec 71 %10 des clients cibles choisissant de prendre leur vol dans un aéroport autre que l’aéroport Norman Rogers. Le taux de fuite est le plus bas pour les voyageurs domestiques (52 %) alors qu’il atteint 84 % pour les voyageurs transfrontaliers et 86 % pour les voyageurs internationaux (MMM group & Intervista, 2007). Le graphique 1 ci-dessous présente la répartition des fuites par aéroport et par type de vol. Figure 1 : Répartition des fuites de la région de service aérien de Kingston Cette perte de voyageurs potentiels s’explique partiellement par la position géographique de la ville. Kingston est situé en marge de l’autoroute 401 qui est la principale artère entre Montréal et Toronto pour tout trafic routier, que ce soit par automobile ou autobus. De plus, Via Rail offre un service régulier vers Montréal, 10 Les taux de diversion sont estimés grâce à des enquêtes. Dans le cas présent, des sondages ont été envoyés à 16 agences de voyages et les données proviennent des résultats obtenus auprès de 10 agences ayant répondu. 45 Toronto et Ottawa. Les études (Innes et Doucet (1990); Bonnefoy et Hansman (2005) confirment que les gens sont prêts à parcourir une distance considérable pour se rendre à un aéroport offrant un vol direct 11, mais les tarifs et la disponibilité sont aussi des facteurs pouvant expliquer cette situation. En effet, les pistes d’atterrissage sont beaucoup trop courtes pour pouvoir accueillir des jets régionaux et puisque ce sont les avions qu’utilisent principalement les compagnies à faible prix (ex. : WestJet), l’absence de ces transporteurs réduit l’offre de vols et augmente les prix auxquels ils sont offerts. L’exemple de l’aéroport de Kingston démontre l’importance de la planification des infrastructures afin qu’elles permettent l’entrée de compagnies aériennes à bas prix ainsi que l’ampleur des fuites qui peuvent résulter d’une position géographique inadéquate en matière d’offre de services aéroportuaires. Conclusions de l’étude de cas L’aéroport de Roanoke a entrepris d’ambitieux projets de rénovation dans les 20 dernières années. Au nombre des changements apportés figurent de nouveaux hangars pour pallier le problème de manque d’espace de rangement, la relocalisation de deux des voies de circulation et l’amélioration des infrastructures relatives au fret aérien comme la construction d’une rampe spécialement conçue à cet effet. Sur le plan économique, l’aéroport génère un total de 2189 emplois et 216.5 millions en activité économique. L’aéroport de Roanoke est un bel exemple d’un succès survenant dans une ville de population métropolitaine relativement comparable à Sherbrooke et les 11 L’aéroport Lester B. Pearson est responsable de 48% des fuites du secteur domestique, 49% des fuites du secteur transfrontalier et 62% des fuites du secteur international. 46 investissements des dernières décennies démontrent toute l’importance qu’accorde l’aéroport au développement du secteur du fret aérien. Considérant l’essor de ce secteur dans les dernières années, ce fut certainement une bonne décision L’aéroport de Montgomery, dispose d’une piste d’atterrissage longue de plus de 9000 pieds. Les travaux réalisés depuis le début du nouveau millénaire ont considérablement modifié l’apparence et la fonctionnalité de l’aéroport. Parmi les travaux les plus importants, l’on peut nommer l’ajout de près de 30 000 pieds carrés d’espace additionnel dans le terminal, permettant l’ajout d’espace de vente et de restauration, et l’ajout de passerelles d’embarquement couvertes. Les projets à venir incluent notamment l’extension des pistes d’atterrissage existantes et le développement d’un hangar corporatif. L’impact économique de 1.32 milliard induit par l’aéroport de Montgomery est le plus important parmi ceux considérés dans l’étude de cas, ce qui créé dans le processus 15 855 emplois. Malgré sa population métropolitaine près de deux fois plus élevée que celle de Sherbrooke, à la limite de l’intervalle défini initialement, l’on peut s’inspirer de l’expérience vécue à Montgomery à plusieurs égards. Non seulement les projets de développement futurs mettent-ils l’emphase sur l’importance de la longueur des pistes d’atterrissage et du développement d’un hangar corporatif, mais les rénovations apportées au terminal suggèrent d’apporter une attention particulière aux concessions, car elles augmentent les revenus récurrents de l’aéroport. De plus, le Québec étant une province nordique où les intempéries sont plus fréquentes, l’on pourrait facilement imaginer que la satisfaction démontrée à l’égard de 47 passerelles couvertes de l’aéroport de Montgomery serait tout aussi appréciée dans le contexte sherbrookois. L’aéroport de Gainesville ne dispose que d’une piste étant suffisamment longue pour accueillir des vols commerciaux. Les travaux de rénovation récents ont pour but principal d’améliorer le terminal avec l’ajout de trois nouveaux ponts d’embarquement et l’augmentation de l’espace réservé pour des fins de restauration. L’aéroport créé pour plus de 231 millions en activité économique et génère directement et indirectement 2391 emplois. L’étude de la situation à Gainesville ne vient que renforcer la vision à adopter quant aux concessions, notamment de restauration, dans le développement d’un terminal. De plus, la longueur de la seconde piste d’atterrissage étant trop courte pour permettre l’atterrissage et le décollage de vols commerciaux, l’utilisation de cette piste et des voies de circulation s’y rattachant s’en trouve exploitée de façon non optimale. L’aéroport de Rochester se démarque par l’efficacité de ses voies de circulation qui permettent d’atteindre rapidement les rampes d’accès et par l’accent mis, dès 1999, sur le fret aérien avec la construction du complexe Fedex. La construction de nouveaux hangars et la rénovation de certains hangars existants s’ajoutent aux travaux notoires conduits à l’aéroport dans les dernières années. L’activité économique engendrée par l’aéroport se situe à 161.5 millions de dollars, produisant 2911 emplois dans le processus. Non seulement les populations de Rochester et de Sherbrooke sont-elles fortement similaires, mais l’investissement d’environ 13 millions pour le complexe 48 Fedex vient renforcer l’importance à donner au secteur du fret aérien, tel que présenté initialement dans le cas de Roanoke. L’ambition du plan de développement pour deux prochaines décennies combinée à l’impact économique ressenti pour la région démontre le succès de l’aéroport malgré un taux de fuite assez élevé. Il est concevable que la clinique Mayo aurait peut-être choisi un autre endroit n’ayant été de la présence d’un aéroport à proximité dans la région. Le cas de Rochester se propose donc un exemple empirique de la stimulation du secteur de la recherche et développement engendré ou renforcé par la présence d’un aéroport. L’aéroport de Kingston possède deux pistes d’atterrissage relativement courtes (5000 et 3933 pieds de long), ce qui l’empêche d’accueillir plusieurs types d’aéronef. Au niveau des infrastructures, l’aéroport dispose d’un terminal d’envergure restreinte et d’hangars vieillissants nécessitant des travaux de rénovation. Le taux de fuite de la zone de service de l’aéroport est considérablement élevé, la faible demande affectant la rentabilité d’investissements futurs. C’est pour l’aéroport de Kingston que l’activité et les emplois générés par ce dernier furent les plus bas parmi les aéroports considérés avec 336 emplois directs et indirects ainsi que 49.5 millions en activité économique. Kingston est donc un exemple dont il faudrait s’inspirer afin d’éviter d’investir des sommes d’argent qui s’avéreraient non rentables. D’une part, l’aéroport est mal positionné étant à proximité de trop de grandes villes qui disposent d’aéroports permettant plus de vols directs et à plus grande fréquence. Qui plus est, Kingston étant situé aux abords de l’autoroute 401, le transport routier vers les autres grandes villes 49 comme Montréal et Toronto ne s’en trouve que facilité, ce qui accentue les fuites de voyageurs. D’autre part, la longueur des pistes étant trop courte, l’aéroport ne peut accueillir les jets régionaux de compagnies à faibles prix qui permettraient à l’aéroport d’être plus compétitif. Le faible apport en activité économique et en emplois ne vient en rien égayer le portrait de l’aéroport. Il ressort de l’analyse de cas réalisé certains points communs sur lesquels il serait approprié de s’attarder. D’abord, mis à part le cas de Kingston, les études d’impact révèlent une création d’emplois important pour les villes ayant un aéroport, avec plus de 2000 emplois créés dans 3 des 4 autres cas et plus de 15 000 emplois dans le cas Montgomery. Si l’on exclut les cas antipodaux de Kingston et Montgomery, l’activité économique moyenne générée par l’aéroport dépasse les 200 millions de dollars. La longueur des pistes d’atterrissage est généralement asymétrique, avec la piste principale généralement plus longue que la secondaire. Or, dans 4 cas sur 5, la piste principale était suffisamment longue pour permettre l’utilisation de la piste aux jets régionaux. Les jets régionaux requièrent un peu moins de 7000 pieds de longueur et il en va de même pour les jets à fuselage étroits12. Il conviendrait de convenir qu’une longueur de 7000 pieds serait appropriée pour accueillir la plupart des aéronefs des compagnies aériennes susceptibles de nicher à l’aéroport. Les B-737-800, les B-757-300, le A-321, le CRJ900LR et le E195 requièrent tous plus de 6700 pieds de longueur pour pouvoir décoller. Une longueur de piste adéquate permet à l’aéroport d’accueillir les 12 Voir Hanson et Tam (2002) qui dressent un portrait des longueurs des pistes d’atterrissage requises par type d’aéronefs. 50 compagnies aériennes à faibles prix qui sont si importantes pour la capacité qu’aura l’aéroport à concurrencer en matière de prix les autres aéroports avoisinants et ainsi réduire les fuites possibles de leur clientèle potentielle. Ensuite, à en juger par les sommes investies à l’aéroport de Roanoke dans les années 90 pour la construction de nouveaux hangars et d’une rampe spécialement conçue pour le fret aérien, les 13 millions de dollars qu’on coûté la construction d’une installation Fedex à Rochester et le projet de hangar corporatif à Montgomery, il est évident qu’il serait une erreur de négliger le développement du secteur du fret aérien. Il s’agit d’une industrie évaluée à 52 milliards annuellement en 2005 dont Airbus estime à 5.9 % le taux de croissance annuel moyen pour les 20 prochaines années, tandis que Boeing le prévoit à 6.2 % (Appold et al., 2006). Finalement, les rénovations importantes aux aéroports de Montgomery et Gainesville viennent renforcer le point soulevé par Francis et al. (2003) qui suggéraient de planifier adéquatement la construction initiale du terminal en ce qui a trait à son aspect commercial. Non seulement cela évitera-t-il des dépenses d’infrastructures supplémentaires dans le futur, mais l’aéroport disposera également d’une meilleure marge de manœuvre lorsque viendra le temps de négocier l’entrée des transporteurs à bas prix. Nonobstant l’ampleur du potentiel économique que pourrait avoir un aéroport à Sherbrooke, il convient pourtant de mentionner que les impacts économiques tels que décrits ci-haut sont propices à fournir la situation de référence qui sous-estimerait l’impact réel, pour les raisons invoquées au début de cette section. 51 Certes, l’aéroport affecterait positivement le tourisme et il n’y a qu’à comparer le poids que représente le secteur de l’hébergement et loisir dans les villes analysées pour voir un beau potentiel de croissance pour le secteur sherbrookois du tourisme. Dans la même veine, le secteur manufacturier, qui est responsable de près de 10 % des emplois dans la région, profiterait du développement du fret aérien à l’aéroport, fusse cette orientation développée par ce dernier, car la proportion des biens manufacturés transigée internationalement est prévue passer de 20 % à 80 % en 2020 (Appold et al., 2006). Cependant, ce sont les investissements privés complémentaires qui viendront accentuer par surcroît les bénéfices liés à l’aéroport. En effet, une augmentation des investissements privés aux abords de l’université13 contribuerait à diversifier l’économie sherbrookoise et à améliorer le taux de rétention des diplômés de l’Université de Sherbrooke. En effet, certains secteurs dont l’ingénierie souffre de taux de rétention des diplômés sous les 30 %14. Lorsque l’on considère que les activités de recherche et développement sont influencées par la présence d’une université15 et d’un aéroport, Sherbrooke améliorait sa position pour développer davantage ce secteur de l’économie. Des investissements privés en recherche et développement ne viendraient qu’améliorer la synergie entre les universités, le Centre Hospitalier de l’Université de Sherbrooke et les entreprises. 13 Audretsch et al. (2004); Hanson et Tam (2002); Faini (1994) 14 http://www.lapresse.ca/la-tribune/200906/27/01-879428-trop-detudiants-de-passage.php 15 Voir Malecki (1987) 52 V. Estimation de l’impact économique L’étude de cas réalisée au cours du volet précédent a permis de donner une idée de grandeur quant aux impacts économiques qu’un aéroport régional peut avoir sur des villes étant relativement similaires à Sherbrooke. Il convient toutefois d’entreprendre une estimation d’impacts économiques plus spécifique au projet d’aéroport sherbrookois. L’estimation des impacts économiques qu’aurait une relance de l’aéroport de Sherbrooke dépend non seulement de l’ampleur des investissements initiaux désirés, mais cette dernière pose aussi des difficultés particulières résultant de l’absence d’activités commerciales présentement à l’aéroport de Sherbrooke. Alors qu’il ne suffit que d’une collecte de données et d’un modèle approprié pour réaliser une analyse d’impact pour un aéroport en opération, l’estimation des impacts économiques d’un aéroport qui n’accueille pas encore de vols commerciaux est, quant à elle, plus dépendante de l’utilisation d’hypothèses. Nous tenterons donc d’adopter une vision conservatrice des impacts à l’aide d’hypothèses qui se baseront sur les réalités observées dans l’étude de cas présentée dans le volet précédent ainsi que sur les informations disponibles pour d’autres aéroports jugés pertinents. Ainsi, nous tenterons d’estimer les effets directs, indirects et induits en termes d’emploi et d’activité économique qu’aurait une relance de l’aéroport de Sherbrooke selon trois scénarios relatifs à l’impact économique récurrent de l’aéroport et deux scénarios concernant l’impact des chocs initiaux. 53 Premièrement, en ce qui a trait aux scénarios d’investissements initiaux, il est difficile d’estimer quel serait le coût afin d’obtenir les niveaux de passagers auxquels nous faisons référence dans les scénarios un à trois sans avoir entrepris une analyse plus poussée à cet égard dans le marché sherbrookois, notamment que nous ne possédons pas d’expertise particulière dans ce domaine. Ceci étant dit, il demeure d’intérêt de faire ressortir certains des éléments que nous avons évoqués dans l’analyse de cas. D’abord, la plupart des aéroports que nous avons analysés ne possède pas un héritage d’investissements constants dans le temps. La majorité des investissements d’importance sont survenus dans les dix à vingt dernières années, avec des plans pour des investissements futurs déjà sur la table. Ensuite, l’on remarquera l’importance des récents travaux entrepris dans ces aéroports. En 1999, à Roanoke, 128.5 millions furent investis pour la rénovation et la relocalisation de certains bâtiments, la relocalisation de deux de ses voies de circulation, la réfection de l’asphaltage sur les pistes d’atterrissage, l’addition d’un bâtiment de stationnement et des changements au terminal. À Montgomery, des travaux visant l’agrandissement du terminal de 30 000 pi2 ainsi que l’ajout d’une porte d’embarquement ont coûté près de 16 millions de dollars. À Rochester, le hangar corporatif Fedex d’une superficie de 80 000 pi2 a coûté 13 millions de dollars. Autant à Rochester qu’à Montgomery, des plans d’amélioration pour les années à venir sont estimés à 139 millions et 92 millions respectivement. Ceci sert à montrer que la réfection ou l’amélioration d’un aéroport régional exige des investissements significatifs dont l’ampleur dépend autant des ambitions des autorités aéroportuaires que des fonds disponibles. Dans le cas de Sherbrooke, la question de la 54 longueur de la piste est prioritaire, car une piste trop courte pourrait détériorer les chances de la ville d’attirer les transporteurs aériens visés. Les informations que nous avons trouvées à ce sujet font état d’un éventail assez important de longueurs requises pour l’atterrissage et le décollage d’aéronefs tel que le Boeing 737 et 757. Il serait donc recommandé de consulter des spécialistes de l’industrie afin qu’ils statuent, non seulement sur la capacité actuelle de l’aéroport de Sherbrooke à accueillir les avions des transporteurs à faible coût, mais sur sa capacité future compte tenu des développements que ceux-ci veulent apporter à leur flotte aérienne. Ensuite, la question du terminal se devrait d’être investiguée puisqu’un terminal inadéquat créerait une pression financière supplémentaire en privant l’aéroport de précieux revenus commerciaux dérivés des concessions. Les hangars, les espaces de stationnement, les voies de circulation en marge des pistes sont tous des exemples de possibilités d’investissements supplémentaires. Pour lors, nous nous limiterons à des investissements initiaux de 30, 50 et 150 millions pour les fins de l’analyse d’impact. Il va de soi que des investissements supplémentaires auront des impacts supplémentaires à court et long terme. Deuxièmement, les trois scénarios que nous simulons dans cette section sont relatifs à la grosseur du projet certes, mais surtout au succès que ce dernier aura en termes de passagers16. Ainsi, nous simulons un premier scénario plus pessimiste dans lequel l’aéroport attire 75 000 passagers annuellement, ce qui correspond à un niveau 16 Nous ne considérons ici que les départs, car il s’agit de la statistique qui est retenue dans la littérature et en fonction duquel le pourcentage de visiteurs est établi. 55 légèrement supérieur à celui de l’aéroport de Kingston17. Le troisième scénario plus optimiste consiste à utiliser 325 000 passagers, ce qui correspond aux niveaux de passager présentement atteints par l’aéroport de Roanoke en Virginie. Enfin, le scénario 2 est un scénario médian et représente la simulation avec d’un nombre annuel de passagers de 200 000. Méthodologie Les impacts directs sont définis comme étant le résultat des dépenses locales (i.e. la région de Sherbrooke) en biens et services faites par les divers commerçants et locataires travaillant à l’aéroport, de même que les dépenses locales des visiteurs arrivant par l’aéroport en question. Nombre de passagers Les impacts directs sont en fonction du nombre de passagers qui utilisent l’aéroport pour leurs déplacements. Un aéroport dans lequel plus de passagers transitent aura normalement plus d’employés, car les services et produits offerts y seront supérieurs, ce qui commande un nombre d’employés plus élevé. Similairement, un plus grand nombre de passagers augmente la probabilité d’accueillir plus de visiteurs dans la région. En fonction du volume de passagers envisagé, nous inférerons le nombre d’employés qui œuvrerait à l’aéroport de Sherbrooke. Le ratio entre le nombre d’embarquements annuel et les emplois directs par les industries œuvrant sur le site de l’aéroport varie selon les aéroports et puisque la relation qui gouverne ces variables 17 Ce nombre de passagers correspond à un peu plus de 200 passagers par jour. 56 n’est pas linéaire, les ratios observés présentent une variance considérable. Même si l’on ne peut s’appuyer sur une moyenne avec un faible écart-type, il est toutefois possible de considérer un estimé conservateur dont la grandeur et la marge d’erreur ne changent en rien le message de notre étude. Ainsi, parmi les ratios considérés, les aéroports de Rochester, Montréal, Gainesville, Roanoke et Kingston ont respectivement des ratios de 262/ 1, 464/ 1, 467/ 1, 589/ 1, 648/ 118. Aux fins de l’estimation du nombre d’emplois à l’aéroport de Sherbrooke, nous retiendrons une estimation très conservatrice de 500 embarquements par employé pour nos trois scénarios. Salaire moyen Ensuite, en ce qui a trait au salaire moyen de ces employés, les villes et aéroports considérés démontrent que le salaire moyen d’un employé travaillant sur le site de l’aéroport gagne généralement moins de 40 000 $. Le salaire moyen des trois plus grands aéroports du Minnesota dont fait partie l’aéroport de Rochester est de 39 095 $, celui de l’aéroport de Roanoke est de 34 702 $ et le salaire moyen à l’aéroport de Montréal est de 33 800 $. Il est évidemment impossible de connaître les salaires qui seraient versés à Sherbrooke, mais la prise de la moyenne du revenu personnel dans l’Estrie, qui est de 30 517 $19, nous apparaît une hypothèse à la fois conservatrice et raisonnable. 18 Les ratios ont été calculés par les auteurs et divisant le nombre d’employés des entreprises ou secteurs œuvrant sur le site de l’aéroport. Le nombre d’employés œuvrant à l’aéroport de Gainesville nous a été communiqué par téléphone et il s’agit d’une approximation. Le ratio de l’aéroport régional de Montgomery a été omis en raison du manque de désagrégation des données. 19 Institut de la statistique 57 Structure de l’emploi à l’aéroport Il est possible de pousser l’analyse un peu plus loin en supposant une certaine structure d’emploi à l’aéroport. En raison d’un manque de données désagrégé sur l’emploi dans la plupart des aéroports que nous avons étudiés, il a fallu se tourner vers de plus gros aéroports tels que Heathrow Airport. Bien que l’emploi direct de cet aéroport surpasse les 76 000 employés, ceci ne constitue en rien un problème, car nous travaillerons en pourcentage afin de recréer une structure d’emploi similaire, mais applicable à la grosseur de l’aéroport mesurable en volume annuel de passagers propres aux simulations que nous proposons. Une fois les secteurs d’activités recensés dans le sondage sur l’emploi 2008-2009 de l’aéroport Heathrow convertis afin de se conformer aux secteurs d’activités présents dans la matrice de comptabilité sociale (MCS) du Québec, l’on obtient les poids respectifs des secteurs d’activités que nous utiliserons pour répartir le nombre d’emplois obtenus grâce à la méthode ci-haut mentionnée20. En plus d’offrir la possibilité de constater quels secteurs sont les plus propices d’être directement stimulés par la relance de l’aéroport, cette désagrégation par secteur compatible avec la MCS du Québec permet d’être plus précis quant à l’activité économique et aux emplois indirects générés par les activités des firmes et organisations opérant à l’aéroport. Ainsi, nous obtiendrons l’activité économique indirecte et les multiplicateurs indirects en multipliant le nombre d’employés total à 20 Nous avons tenté d’utiliser les données disponibles pour l’aéroport de Kingston en Ontario, mais le poids trop important pour les emplois associés au terrain de golf et l’entretien d’hélicoptères faussait trop par rapport à la pondération probable des emplois pour l’aéroport de Sherbrooke. 58 l’aéroport par le poids du secteur en question, auquel les multiplicateurs sectoriels d’emploi ou de revenu seront appliqués. Tableau 6 : Nombre d’employés à Heathrow par secteur de la MCS du Québec Secteurs Transport et entreposage Industrie de l'information et industrie culturelle Services administratifs, services de soutien, service de gestion des déchets et services d'assainissement Hébergement et services de restauration Autres services, sauf les administrations publiques Total Nb. employés 36132 699 En % 47,14% 0,91% 5330 5936 28545 76642 6,95% 7,75% 37,24% 100 Nombre de visiteurs Le nombre de visiteurs annuel qui arriverait dans la région grâce à l’aéroport de Sherbrooke est fonction du nombre d’embarquements enregistrés. À cet égard, les statistiques observées en Virginie et à Gainesville sont assez convergentes. En Virginie, le pourcentage des passagers qui visitent oscille entre 36.4 % et 45.6 % selon les régions. Il se situe d’ailleurs à 40.8 % pour l’aéroport de Roanoke. À Gainesville, le taux est légèrement plus élevé à 44 %21. Compte tenu de la similitude qui existe entre Sherbrooke et Roanoke en ce qui a trait à la structure économique de la ville, il est 21 Ce taux dépasse les 60% à l’aéroport de Rochester, mais il est difficilement considérable puisque la clinique Mayo est à proximité et celle-ci génère un niveau de touristes médicales que Sherbrooke n’obtiendra fort probablement pas. 59 raisonnable de présumer aux fins d’estimation du nombre de visiteurs que 40 % des passagers visiteront Sherbrooke ou ses environs. Dépense des visiteurs Les dépenses que ces derniers feront dans la région stimuleront davantage l’activité économique générée par l’aéroport. Selon le portrait actuel de l’industrie du tourisme sherbrookois, la région a été la destination de 1 601 900 visiteurs en 2010, lesquels ont dépensé un total de 125,430 millions de dollars. Le nombre de nuitées total étant de 1 268 900, il est donc possible de déduire que la durée moyenne du séjour est de 0.79 nuitée et que la dépense journalière s’élève à 98,85 $. Afin de mettre ces chiffres en perspective, la dépense moyenne du séjour d’un visiteur arrivant à Roanoke par avion s’élève à 470 $. Au Minnesota, la dépense journalière des visiteurs est supérieure à 250 $. Si l’on présumait qu’un visiteur arrivant par avion demeurerait à Sherbrooke pour une nuit, la dépense moyenne d’un visiteur serait d’un peu moins de 100 $, ce qui est significativement inférieur à ce qui est observé à Roanoke ou au Minnesota. Cette différence s’explique par le profil des voyageurs utilisant l’avion comme moyen de transport. Ces derniers sont probablement plus propices à rester dans la région pour une période supérieure à une seule journée et à y dépenser davantage, ce qui implique que la durée moyenne du séjour des voyageurs aériens serait supérieure à la durée moyenne pour l’ensemble de l’industrie touristique sherbrookoise. Il est cependant difficile d’inférer avec un bon degré de certitude sur la dépense moyenne générée par ces voyageurs. Alors que 98,85 $ semble être une sous-évaluation de 60 l’impact que serait celui du voyageur aérien moyen, il est aussi difficilement défendable de considérer que la région attirera des voyageurs dépensant 470 $ par séjour. Il serait donc plus convenable de prendre le point médian (arrondi) de cet intervalle, ce qui n’est néanmoins qu’une estimation assez conservatrice de la situation. Conséquemment, nous considérerons qu’un visiteur arrivant par avion dans la région de Sherbrooke dépensera en moyenne 285 $ dans la région au cours de son séjour. Le multiplicateur pour les visiteurs L’impact indirect et induit est quant à lui quantifié en utilisant un multiplicateur du revenu de 1.56 tel que présenté dans les statistiques sur le tourisme pour l’ensemble du Québec de 1998 (Rapport Tourisme Québec 2000)22. Emplois générés par les visiteurs En ce qui a trait aux emplois générés par les visiteurs, l’apport total en termes d’emplois générés par les visiteurs dans un rayon de 40 kilomètres autour de Sherbrooke était de 2382 emplois directs et indirects en 2010. Afin d’évaluer le nouvel apport en termes d’emplois créés par les visiteurs voyageant par l’aéroport de Sherbrooke, nous utiliserons une estimation québécoise qui affirme qu’en 2010, pour le Québec, 19 emplois directs ou indirects sont créés par chaque million de dollars de recettes touristiques23. 22 Ce multiplicateur a été obtenu à l’aide du modèle inter-sectoriel de l’Institut de la Statistique du Québec. 23 Nous tenons ici à remercier Destination Sherbrooke pour leur collaboration, car l’obtention du document préparé par Réjean Beaudoin fut fort utile pour l’estimation des impacts économiques qu’auraient les visiteurs dans la région. 61 Il vaut la peine de mentionner que nous n’avons considéré que l’aviation commerciale et avons donc omis les effets de l’aviation générale dans l’analyse d’impact des visiteurs. Cependant, les effets y sont considérablement plus faibles étant donné que le nombre de visiteurs et leurs dépenses sont beaucoup plus modestes. Cette omission, basée sur des raisons pratiques, ne vient par contre que renforcer le caractère conservateur de nos estimations. Impacts économiques « facilitants » et complémentaires Afin d’estimer une partie des effets de complémentarité et des effets « facilitants » que nous avons décrits au cours du premier volet de l’étude, nous avons eu recours à une équation d’externalité pour capter les effets qu’un investissement dans un aéroport aura sur la productivité des facteurs de productions des autres secteurs de l’économie. Rappelons qu’il existe une vaste littérature faisant état du lien qui unit les infrastructures publiques et la productivité des facteurs de production du secteur privé (Aschauer (1989); Munnell (1990); Barro, (1991); Faini (1994); Dumont et Mesplé-Somps (2000)). Cette fonction, également utilisée dans Estache et al. (2010) et Savard (2010), se définit comme : 1. où i t ,i Kg t Kg t 1 i est l’externalité ou l’effet sur la productivité sectoriel, Kgt le nouveau stock de capital, Kgt-1, l’ancien stock de capital et i une élasticité spécifique au secteur. Puisque l’aéroport s’inscrit dans la catégorie des infrastructures de transport, il était plus pertinent de ne considérer que le stock d’infrastructure de transport plutôt que 62 l’ensemble du stock d’infrastructures publiques. Après vérifications auprès des institutions statistiques concernées, le Québec ne dispose pas de données désagrégées par région administrative sur le stock de capital publique de transport. Cependant, selon Gagné et Haarman (2011), le stock net public en infrastructures de transport au Québec aurait été de l’ordre de 25 milliards en 2009. Dès lors, il est facile de dégager un estimé pour la région de Sherbrooke en multipliant ce chiffre par le ratio de la population sherbrookoise sur la population totale du Québec24. L’élasticité utilisée se trouve à être une élasticité moyenne pondérée. Les élasticités sectorielles utilisées pour calculer l’élasticité agrégée utilisée ici ont été estimées pour l’économie québécoise et sont tirées de Boccanfuso et al (2012). L’externalité ainsi calculée est introduite dans les fonctions de valeur ajoutée des secteurs présents dans la MCS du Québec et la simulation qui s’en suit permet de trouver l’impact (ou l’effet d’externalité positive) sur le PIB régional25. Simulations Le tableau 7 ci-après, présente les résultats des trois scénarios d’impact économique selon le nombre de passagers que l’aéroport de Sherbrooke serait en mesure d’attirer chaque année. Le scénario 1 permet de créer 150 emplois directs au sein des firmes et organisations opérant à l’aéroport alors que les scénarios 2 et 3 24 En fait, nous pouvons aussi multiplier ce chiffre avec la part du PIB régional sur le PIB provincial avec un résultat pratiquement identique. 25 Le PIB de l’Estrie que nous avons utilisé est de 10172 millions de $ et il est tiré des données de l’ISQ pour 2011. 63 produisent respectivement 400 et 650 emplois directs. L’activité économique générée par les firmes et organisations opérant à l’aéroport dépasse les 14,6 millions de dollars dans le scénario 1, 38.9 millions dans le scénario 2 et 63,3 millions dans le scénario 3. La consommation en biens et services de ces firmes et organisations stimule l’économie davantage en produisant 62, 166 ou 271 emplois indirects supplémentaires selon le scénario et plus de 7.9 millions de dollars en activité économique indirecte dans le scénario 1, plus de 21,1 millions dans le scénario 2 et plus de 34,4 millions dans le scénario 3. Les visiteurs arrivant par l’aéroport de Sherbrooke sont responsables de la création de 162 emplois directs et indirects dans le scénario 1, 433 dans le scénario 2 et 704 dans le scénario 3. L’impact économique direct associé à l’occurrence de leurs visites dans la région est d’environ 8,6, 22,8 et 37 millions de dollars respectivement. Les consommations intermédiaires des firmes visées par les dépenses directes génèrent près de 4,8 millions, 12,8 millions et 20,8 millions respectivement. En faisant l’hypothèse que les trois scénarios sont réalisables avec un investissement initial de 50 millions, ce qui sert à d’évaluer l’ampleur de l’impact économique relié aux effets « facilitants » et complémentaires, l’impact économique récurrent total du scénario 1 serait d’environ 43,2 millions, de 103,1 millions pour le scénario 2 et de 162,9 millions pour le scénario 3. L’apport récurrent en emploi serait respectivement de l’ordre de 374 emplois, 999 emplois et de 1625 emplois. 64 Tableau 7 : Principaux impacts récurrents de l’aéroport de Sherbrooke Catégories Scénario 1 Nombre de passagers Emplois directs des firmes à l'aéroport Emplois indirects des firmes à l'aéroport Impact économique direct des firmes à l'aéroport (en valeur$) Impact économique indirect des firmes à l'aéroport (en valeur$) Emplois directs et indirects créés par les visiteurs Impact économique direct des visiteurs (en valeur$) Impact économique indirect des visiteurs (en valeur$) Impact économique (effets facilitants & complémentaires) (en valeur$)** Emplois totaux Impact économique total Scénario 2 Scénario 3 75 000 200 000 325 000 150 400 650 62 166 271 14 620 972 38 989 260 63 357 547 7 943 876 21 183 670 34 423 464 162 433 704 8 550 000 22 800 000 37 050 000 4 788 000 12 768 000 20 748 000 7 339 000 7 339 000 7 339 000 374 999 1 625 43 241 849 103 079 930 162 918 011 ** En fonction d'un investissement de 50 millions 65 Tableau 8 : Principaux impacts des scénarios d’investissement Effets Emplois directs Emplois indirects Total d'emplois Impact économique (effets facilitants & complémentaires) (en valeur$) Activité économique Investissement de 30 000 000$ Investissement de 50 000 000$ Investissement de 150 000 000$ 184 124 308 307 206 513 921 618 1 539 5 614 000 $ 45 622 258 $ 7 339 000 $ 76 037 097 $ 15 939 000 $ 228 111 290 $ En plus de présenter des effets récurrents prometteurs, le projet de relance de l’aéroport de Sherbrooke pourrait produire des impacts économiques de court terme significatifs en termes d’emplois et d’activité économique lié aux investissements directs (construction/ agrandissement et réfection). Le tableau 8 présente les principaux impacts de court terme dérivant de l’investissement dans l’infrastructure aéroportuaire. Le nombre d’emplois total étant créé par ces investissements s’élèvent à 308 dans le cas d’un investissement de 30 millions, à 513 emplois dans le cas d’un investissement de 50 millions et à 1539 emplois dans le cas plus ambitieux d’un investissement initial de 150 millions. L’activité économique induite par ces projets dépasse les 45 millions dans le premier scénario d’investissement, alors qu’il dépasse respectivement les 76 et 228 millions dans les deux autres scénarios. En considérant que les contrats pour la réalisation des investissements sont donnés à des firmes de la région, l’impact économique total d’un investissement de 50 millions de dollars qui généreraient un flux annuel de passagers d’au moins 325 000 66 rapporterait plus de 238 millions de dollars en retombées économiques et plus de 2100 emplois en effets de court et moyen termes. Toujours en conservant le même investissement initial, les trois scénarios stimulent l’économie régionale de 1.17 %, 1.76 % et 2.35 % respectivement. Notons cependant que notre analyse a omis d’inclure les effets que l’aéroport aurait sur les décisions d’investissement et de localisation des firmes. Selon une étude de Britton, Cooper et Tinsley (2005), la contribution de ces effets au PIB aurait été en moyenne de 2 % pour les 25 pays de l’Union européenne en 2003, mais de 4.8 % pour les dix pays ayant récemment accédé à la zone euro. Étant donné que Sherbrooke a un accès qu’on pourrait qualifier de plus limité aux différents marchés, il ne serait pas déraisonnable d’envisager une contribution des décisions d’investissement et de localisation au PIB d’entre 2 % et 4.8 %. Un tel apport augmenterait l’impact de l’aéroport d’un montant entre 203.5 à 488.4 millions de dollars par année. 67 Références Adam, Christopher S., and Bevan, David L. 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