• La Messe de minuit • Le Pastrage (Adoration des bergers)

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• La Messe de minuit • Le Pastrage (Adoration des bergers)
• La Messe
minuit
de
• Le Pastrage
(Adoration des
bergers)
• La Messe de Minuit
Le Gros Souper fini, toute la famille se rend à la Messe de
Minuit, en procession avec lanternes, petits et grands entonnent
tous les chants de Noël en provençal. La messe commence par
une veillée dans l’église. Puis pendant la messe tous célèbrent la
naissance de l’enfant-Dieu : « Il est né le divin enfant, grande joie
aujourd’hui sur terre … »
Témoignage de Marie Gasquet :
[…] « La première fois que j’assistai à la messe de minuit, ce fut au village
accroché dans les ruines des Baux.
Quand on eut remis le couvert pour les anges, un omnibus peinturluré vint
nous chercher.
_C’est Brunet qui conduit !
_Bonsoir Brunet !
_Bonsoir, Mademoiselle la Mignote ; bien le bonsoir la compagnie !
Je le connais, Brunet, l’orphéoniste ; c’est le mari de Garcinette, la sagefemme qui a défait tous les rubans de toutes les boîtes où nous sommes venus
au monde. Il tutoie papa. Papa, pour la Sainte-Cécile, lui apprend les solos de la
Messe.
-Alors, Marius, tu mènes le perdigau (perdreau) à l’offrande des Baux ? Comme
ça pousse ! ça vous a déjà neuf ans, ça fait la Noël en montagne ! Attendez,
Mignote, que j’arrange les coussins pour la maman. Madame, si des fois vous
n’étiez pas bien, Garcinette m’a mis de l’eau de menthe et un papier de sucre
dans le caisson. Vous n’auriez qu’à taper à la vitre.
_Brunet, dit mon père, tu nous arrêteras sur le plateau, nous irons à pied par les
crêtes du Val d’Enfer, et toi, dès que tu auras remisé, tu fileras chez le curé pour
voir s’il a gardé nos places. Bien entendu, ta chaise est avec les nôtres.
Brunet rassemble ses guides et crie à mon père :
_ Dis, Marius, nous chanterons messe avec les Baussencs, ça fera briller
l’orphéon ! »
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Le Pastrage (Adoration des bergers)
• Le Pastrage (Adoration des
bergers)
Il se passe pendant la messe, au moment de l’offertoire. Les
bergers qui ont vu l’étoile annonçant la venue au monde du Sauveur, se
sont mis en route. Ils arrivent dans l’église en cortège, avec leur cape,
leur bâton et leur fanau (lanterne). Ils apportent un agneau en offrande
dans une petite charrette décorée de cierges et tirée par un floucas
(bélier castré et apprivoisé). A Saint-Rémy, c’est François Baculard
Père, qui a fait revivre le rite du Pastrage après la deuxième guerre
mondiale. Il était sacristain à l’église et surtout berger, à travers un joli
poème, il a décrit son adoration pour cette offrande :
Lou Pastrage
Amount, au firmamen, pèr uno niue tant bello,
Uno grando clarour a pareigu subran :
Li pastre, li proumié, n’an countempla l’estello.
De la Vierge Marìo es nascu’n bèl enfant.
Bono Maire, o moun Diéu ! Reçaupès la Pastriho
Qu’afa tant de camin pèr vous felicita.
Venèn óufri l’agnèu [à]-n-aquéu divin Messìo :
Gramaci pèr lou Cèu e pèr l’Umanita !
Le Pastrage
Là-haut, au firmament, par une nuit si belle,
Une grande clarté est apparue soudainement :
Les bergers, les premiers, ont contemplé l’étoile.
De la Vierge Marie est né un bel enfant.
Bonne Mère, oh mon Dieu ! Accueillez les bergers
Qui ont fait tant de chemin pour vous féliciter.
Nous venons offrir l’agneau à ce divin Messie :
Merci pour le Ciel et pour l’Humanité !
Après son gendre Antoine Gonfond, c’est son arrière petit
fils Laurent Tramier, lui-même éleveur ovin, qui continue
aujourd’hui à perpétuer cette tradition. Chaque année, au début
du Pastrage, en déclamant ses vers, il rend hommage à son
arrière grand-père.
Témoignage de Marie Gasquet :
[…] «Vaqui l’agnèu emè li pastre ! (Voici l’agneau avec les bergers)
Je grippe sur ma chaise pour le voir. Il est sur un char, l’agnelet, au milieu
de cent cierges qui tremblent. L’amour de char ! pas plus haut que les
bancs de l’école, tout doré ! C’est un bélier qui tire, un pastrihoun (petit
berger) le conduit avec des rubans. Qu’il est joli, l’agneau couché sur son
coussin de soie !...Oh !... il tourne la tête ! Enthousiasmée, je crie :
_ Maman ! Maman ! mais lui aussi, il est vivant !
Il est vivant ! il est venu au monde sous la prédilection des astres, parmi
les férigoules, dans les ruines des Baux ! Je l’ai rencontré dans les pages
de l’Evangile et j’ai couru après lui, aux vêpres, pendant l’In exitu Israël !
Le voilà en triomphe dans le buisson ardent. Les abeilles de mon pays lui
ont roulé cent cierges au soleil des moissons, les blancs sanglots des
ruches glissent en larmes brûlantes autour de l’humble vérité ! Il est
vivant !
Le ciel humain crève la voûte et rejoint l’autre tout pareil !
L’espérance n’a plus rien à faire. Mon éternité se précipite. Mon père,
Brunet, toute l’église chante.
Deposuit potentes de sede. Et exaltavit humiles.
Penché sur le petit agneau, un pâtre tête nue _ le Prieur des
Bergers_passe méditatif. Ses camarades l’on élu pour marcher à leur tête
et ils le suivent, jeunes et vieux, dans la hiérarchie pastorale, vêtus des
limousines des nuits fraîches, leur chapeau à la main, leurs houlettes
empanachées de houx ».
Textes Hélène TOURTET et Alexandra ROCHE-NEESE
La Respelido prouvençalo de Sant-Roumié