Diagnostic et traitement des pathologies structurelles

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Diagnostic et traitement des pathologies structurelles
DIAGNOSTIC ET TRAITEMENT DES PATHOLOGIES STRUCTURELLES DU BÂTIMENT
José Luis González Moreno-Navarro
1. INTRODUCTION
Domaine d’application
Principes de l’ICOMOS en rapport (rappel)
Importance de la connaissance globale préalable
Causes des désordres structurels
Présentation du plan de l’exposé
2. ÉLÉMENTS STRUCTURELS DE L’HABITAT MÉDITERRANÉEN
3. PRINCIPES DE DÉTERMINATION ET D’EXPLICATION
Approche globale
Rapport espace habitable / forme constructible
Efficacité de la production
Intégrité à long terme - entretien
Apprivoisement du milieu
Adéquation esthétique
Application aux éléments
Les murs
Les éléments de connexion avec l’extérieur
Les ouvertures
Les espaces semi-extérieurs
Les éléments horizontaux rectilignes
Les planchers et les charpentes de couverture
Les éléments horizontaux arqués
Les arcs et les arcades
Les voûtes
Les coupoles
Application au bâtiment dans son ensemble
La relation entre tous les éléments
4. POSSIBLES DÉSORDRES STRUCTURELS ET DIAGNOSTIC
Types d’effets : apparents et non apparents
Causes accompagnées d’effets apparents
Causes lointaines, causes directes
Modifications de l’équilibre (action/réaction) comme cause essentielle
Inventaire des effets apparents (indices ou symptômes)
Tableau d’ensemble
Exemples concrets de causes directes et effets associés
Cause directe dans les fondations
Cause directe dans les murs
Le diagnostic
5. L’INTERVENTION
Critères généraux
Dans les fondations
Dans les murs
Baisse du coefficient de sécurité
Suite à une perte de résistance due à la dégradation de la maçonnerie
Suite à l’augmentation des contraintes de compression
Désolidarisation des couches des murs
Fissures dues à des causes extérieures au mur
Dans les voûtes et coupoles
Dans les planchers
Dans l’ensemble du bâtiment
DIAGNOSTIC ET TRAITEMENT DES
PATHOLOGIES
STRUCTURELLES
DU BÂTIMENT
José Luis González Moreno-Navarro
1. INTRODUCTION
Domaine d’application
Cette présentation traite des
éléments qui assurent la stabilité de
l’ensemble des organes de fermeture créant
un espace différencié de l’espace naturel,
dans lequel les habitants du bassin
méditerranéen réalisaient les activités de la
vie quotidienne avant la révolution
industrielle.
La
caractéristique
fondamentale distinguant ces éléments de
ceux que l’on trouve aujourd’hui réside en
ce que les éléments qui assurent la stabilité
coïncident avec ceux qui enclosent l’espace,
de sorte que la structure fait office d’organe
de fermeture et l’organe de fermeture de
structure. En d’autres termes, parler de
structure, en matière de bâtiments
traditionnels, c’est parler également, dans
près de 90 % des cas, d’organes de
fermeture, le domaine d’application de cette
présentation embrassant, à ce titre, la
totalité du bâtiment.
Ce type de conception des
bâtiments est en général étranger aux
professionnels du bâtiment formés au XXIe
siècle, la spécialisation des éléments
constructifs actuels voulant que certains
assurent la stabilité pendant que d’autres
séparent de l’extérieur, d’où l’utilité de
souligner cette différence dans cette entrée
en matière.
Principes de l’ICOMOS en rapport
(rappel)
Les critères adaptés à la
restauration ou à la réhabilitation de ces
éléments structurels que nous aborderons
ici ne nous appartiennent pas en propre,
mais ils se basent sur une série de principes
débattus, ces dernières années, dans les
cercles d’experts en restauration, sous
l’égide de l’organisation internationale
mandatée par l’UNESCO pour exercer ces
compétences en matière de conservation du
patrimoine, à savoir l’ICOMOS.
Nous citerons ici deux des
documents qui recueillent ces critères et qui
constituent les véritables piliers soutenant
les développements de notre exposé :
La Charte du Patrimoine Bâti
Vernaculaire (1999)
Principes pour l’analyse, la
conservation et la restauration des
structures du patrimoine architectural
(2003)
Le
second
document
est
particulièrement important, étant donné
qu’il porte sur les éléments structurels des
bâtiments patrimoniaux relevant du
patrimoine monumental aussi bien que
domestique ou vernaculaire.
Par ailleurs, nous partageons,
évidemment, à cent pour cent tous les
critères décrits dans l’ouvrage Architecture
Traditionnelle Méditerranéenne.
Importance de la connaissance globale
préalable
Ajoutons, dans cette introduction,
qu’on ne saurait aborder l’étude des aspects
structurels de tout bâtiment patrimonial
sans l’intégrer à un cadre plus vaste
d’études abordant toutes les variables de cet
édifice, telles que ses aspects historiques et
sociologiques, son comportement depuis sa
construction, l’entretien dont il bénéficie
habituellement ou encore ses types d’usage
actuels, etc. Cet ensemble de variables nous
fournit en effet une série d’informations
indispensables si l’on veut comprendre son
comportement structurel, mais aussi les
éventuelles défaillances ou pathologies dont
il pourrait être l’objet.
C’est pour cela que l’expert, qui a
une vision partielle des problèmes
pathologiques, doit faire partie d’une plus
large équipe et mener un dialogue continu
avec les autres spécialistes dans les
domaines divers de l’histoire, de la
sociologie, etc. La connaissance d’un
bâtiment et de ses problèmes requiert de
manière
quasi
systématique
une
connaissance de son histoire quotidienne
réelle, tant de son passé le plus ancien que
de son histoire récente.
Causes des désordres structurels
La question que nous venons de
mentionner prend toute son importance
lorsqu’on
constate,
comme
l’a
pertinemment
exprimé
Abdelmajid
Choukaili lors de son intervention à
Marrakech sur « Les désordres spécifiques
à l’utilisation des matériaux », qu’on peut
considérer, de manière générale, l’habitat
traditionnel comme le résultat d’une
optimisation sur une longue période
historique de types associés à des usages,
aboutissant finalement à une conception en
adéquation avec le lieu et le mode de vie de
ses occupants. Mais au XXe siècle, les
conditions d’usage connaîtront une
transformation radicale, qui s’est traduite
par :
- l’augmentation des charges actives par
suite d’ajouts dans les parties supérieures
accentuant l’effort sur les murs en rez-dechaussée,
- l’augmentation de la population utilisant
un même parc bâti,
- la perte d’une tradition d’un mode
d’entretien nécessaire à la conservation des
éléments assurant une résistance aux agents
atmosphériques, tels que les revêtements
fondamentaux pour la préservation des
capacités porteuses des murs, qui, à l’instar
du pisé, sont très sensibles à cette
exposition aux intempéries.
Nous sommes ainsi conduits à
analyser des bâtiments qui se trouvaient
peut-être dans un parfait état de
conservation au XIXe siècle, pour ne citer
que cette époque, et qui commencent à se
dégrader, le XXe siècle finissant, non pour
des raisons de conception défaillante, mais
à cause du considérable changement
survenu dans les conditions d’usage et
d’entretien qui caractérise le siècle dernier.
Justification du plan de l’exposé
La conséquence immédiate de cette
hypothèse explicative des pathologies
implique que l’étude des problèmes
pathologiques et de leur résolution, tant sur
un plan général que pour des cas
particuliers, aborde en premier lieu la
description de ces éléments structurels dans
leur état originel, avant d’expliquer les
causes présidant à leur état actuel. Dans une
troisième partie, nous examinerons les
principes qui déterminent et expliquent ces
éléments structurels. Une fois que nous
aurons saisi les facteurs expliquant en quoi
consistent ces éléments, ou en quoi ils
consistaient à l’origine, il nous sera bien
plus facile de comprendre pourquoi ils sont
passés d’un bon état originel à un état final
dégradé.
Renseignés sur leur état originel,
sur leur état actuel et sur le pourquoi de leur
dégradation, nous serons alors en mesure
d’envisager les méthodes actuelles – qui ne
seront pas nécessairement des méthodes de
pointe, les méthodes traditionnelles
améliorées pouvant faire l’affaire –
capables de nous faire passer de la
dégradation à un état le plus proche
possible de l’original. Et ce, non seulement
par volonté de conservation du patrimoine
historique, mais surtout parce que, face à
des conditions, à un lieu et à un usage
donnés, il n’y a pas de meilleure façon
d’assurer leur stabilité, d’un point de vue
purement pratique, que de leur restituer leur
état et leur mode d’entretien originels.
2. ÉLÉMENTS STRUCTURELS DE
L’HABITAT MÉDITERRANÉEN
Comme nous l’avons vu en
introduction, nous ne pourrions pas trouver
de meilleure illustration pour le titre de
cette partie que celle comprise entre les
pages 66 et 96 de l’ouvrage Architecture
Traditionnelle Méditerranéenne. Nous
n’allons pas répéter ici ce qui est expliqué
dans ce livre, mais nous allons projeter
quelques images choisies parmi les
magnifiques illustrations de cet ouvrage.
3. PRINCIPES DE DÉTERMINATION
ET D’EXPLICATION DES ÉLÉMENTS
STRUCTURELS
Notre objectif, dans cette partie,
sera d’exposer de manière systématique les
raisons expliquant les propriétés des
éléments constructifs de l’architecture
méditerranéenne. Pour ce faire, nous
appliquerons la méthode employée à
l’Ecole d’Architecture de Barcelone, selon
laquelle tout élément est la conséquence
d’une nécessité de :
- créer un espace au moyen d’une
forme bâtie stable dès le départ
- au moyen d’une méthode de
production la plus efficace possible
- en assurant au bâti la plus longue
durée possible grâce à un entretien
approprié
- en contribuant à améliorer le
milieu
- de sorte que l’assemblage des
formes et des matériaux satisfasse les
aspirations esthétiques que tout peuple
éprouve, même le plus primitif, du fait de sa
nature humaine.
Approche globale
Rapport espace habitable / forme
constructible
L'analyse d'une construction prise
au hasard des images vues dans la
deuxième partie nous permet de constater
que ces bâtiments visent à créer un espace
différent de l’espace naturel, au moyen,
dans la plupart des cas, d’élévations
verticales servant de soutien à d’autres
éléments supérieurs de forme inclinée,
horizontale ou en arc.
Cela étant, ces formes allongées
verticales, horizontales ou en arc doivent
être constructibles, et elles n’existent dans
l’imagination
du
constructeur
qu’à
condition
d’avoir
été
construites
auparavant, et non pas à l’état de formes
imaginaires en dehors de toute expérience
acquise.
Mais tout acte de construction,
comme nous en avons tous fait l’expérience
dans notre enfance, soulève une grande
difficulté, qui n’est autre que l’action de la
gravité : si les éléments ne sont pas bien
disposés, ils tombent. Cette forme
constructible doit ainsi être stable pour faire
face à la gravité d’entrée de jeu. Cette
question fondamentale continue à marquer
l’existence d’un nombre illimité
de
bâtiments, sans constituer pour autant une
explication suffisante, et il nous faut donc
passer aux variables suivantes.
Efficacité de la production
Derrière tout bâtiment populaire, on
trouve la rareté des ressources qui oblige à
user d’ingéniosité ; la mise en œuvre de
toute solution doit produire un maximum de
bénéfices avec un minimum d’efforts
physiques, non seulement de la part du
constructeur, mais aussi de l’ensemble de la
population, pour ce qui est de l’extraction et
de l’approvisionnement en matériaux. La
totalité,
pratiquement,
de
l’habitat
méditerranéen traditionnel fait appel à des
matériaux
accessibles,
proches
de
l’emplacement du bâtiment, et se base sur
des formes constructibles stables dès le
départ.
Intégrité à long terme - entretien
Mais le temps passe, il pleut, il y a
du vent, il fait chaud, il fait froid, et ce qui
constituait, au départ, une solution aux
problèmes perd sa forme initiale ou une
partie de ses matériaux et se dégrade. Pour
parer à ces désordres, le constructeur essaye
de détecter les défauts survenus et met au
point une nouvelle méthode qui se révèlera
peut-être plus durable, en même temps qu’il
détermine les soins réguliers que requiert le
bâtiment.
Résultat : un espace bien construit
et durable, où l’on doit pouvoir vivre, de
plus, dans un certain confort intérieur.
Apprivoisement du milieu
C’est là la raison d’être de la
construction du logis. De tout temps, tous
les peuples ont cherché à améliorer les
conditions environnementales extérieures :
éviter de se mouiller sous l’effet de la pluie
ou de l’humidité du sol ; ne pas avoir trop
chaud ni trop froid ; parer à l’excès de
lumière. Résultat : un espace équilibré,
efficacement produit et conçu pour durer.
Adéquation esthétique
Mais cet espace doit aussi
engendrer un paysage agréable à la vue, qui
suscite l’orgueil et témoigne de la
personnalité de ses habitants : les textures,
couleurs, dessins et formes qui s’offrent au
regard doivent, en plus d’apporter une
solution
aux
problèmes
pratiques,
s’accorder à une culture donnée. S’il en est
ainsi, c’est qu’on a créé de l’architecture.
S’il s’agit d’un matériau homogène
comme le pisé banché, toute l’épaisseur est
constituée du même matériau. S’il se
compose de petits éléments, on aura besoin,
en fonction du rapport entre la taille de ces
éléments et l’épaisseur totale, de deux,
voire trois couches ou feuilles. Dans les
deux cas, il est indispensable que
l’ensemble des deux ou trois feuilles soit
parfaitement assemblé pour éviter que
chacune d’elles agisse indépendamment des
autres, ce qui entraînerait un risque élevé de
bombement partiel.
Application aux éléments
Les murs
La forme des murs s’organise selon
un parallélépipède dont les dimensions
longue (longueur) et courte (épaisseur) sont
perpendiculaires entre elles et parallèles au
sol ; la troisième dimension, ou hauteur, est
située à la verticale. Cette forme résulte de
leur rôle de structuration de l’espace en
même temps qu’elle constitue, comme nous
le savons tous depuis l’enfance, la meilleure
manière d’assurer la stabilité d’un élément
vertical face à sa contrainte la plus
immédiate, à savoir l’action de la gravité.
La longueur est déterminée par le
plan au sol du bâtiment, la dimension
intermédiaire, ou hauteur, dépend de la
hauteur de l’espace recherchée, et la
troisième dimension, l’épaisseur, essentielle
dans le comportement structurel, est
conditionnée par la stabilité comme par le
matériau et le procédé constructif employés.
Une fois le matériau fixé, cette
épaisseur dépend :
- de la hauteur du bâtiment et des
charges des différents niveaux, avec leurs
planchers ou leurs voûtes.
- de la sveltesse, ou rapport entre
hauteur et épaisseur, de chaque pan de mur,
la hauteur étant comprise comme la
distance entre l’appui inférieur du mur et
l’élément supérieur qui sert de fixation par
un procédé quelconque.
Toutes les charges produites par le
bâtiment se transmettent aux murs du rezde-chaussée, et de ceux-ci au terrain par
l’intermédiaire
des
fondations.
Habituellement, la maçonnerie des murs
montre une résistance à la compression de
l’ordre de 10, 15, 20 kg/cm2, ou guère plus.
Mais, la plupart des sols ayant des
résistances sensiblement inférieures, autour
de 3, 4, 5 kg/cm2, il devient inévitable
d’élargir la zone de contact entre le mur et
le sol au moyen des fondations. Cette
surlargeur
se
calcule
en
général
proportionnellement à l’épaisseur du mur,
un élément qu’il conviendra de connaître
parce qu’il est à la base de la stabilité de
tout l’ensemble du bâti.
Dans de nombreuses régions, la
stabilité des murs est assurée par des
éléments en bois qui constituent la véritable
structure ; les lois régissant leur stabilité
diffèrent radicalement de celles que nous
venons d’aborder.
Les éléments de connexion avec
l’extérieur
Les ouvertures
En tout cas, les murs sont des
éléments qui doivent être traversés, soit de
portes pour l’accès intérieur, soit de
fenêtres qui assurent l’entrée d’air et de
lumière et ouvrent la vision sur l’extérieur.
On ne doit pas considérer ces ouvertures
comme une fragilisation, mais plutôt
comme une partie intégrante des murs,
même s’il est indéniable que la capacité
portante globale diminue en proportion du
nombre des ouvertures pratiquées.
En matière d’ouvertures, le point
clé, c’est l’élément supérieur qui permet de
transmettre aux montants de la baie, ou
jambages, les charges de la partie
supérieure du mur. C’est d’ordinaire un
linteau, le plus souvent en bois, ou un arc
surbaissé fait dans le même matériau que le
reste du mur.
Les
espaces
semiextérieurs
D’autres
éléments
verticaux
délimitent les porches ou les espaces semiextérieurs : les piliers ou les piédroits dont
les dimensions sont fonction des éléments
horizontaux selon lesquels le porche
s’organise, droits ou en arc.
Les éléments horizontaux
rectilignes
Les planchers et les
charpentes de couverture
La subdivision sur le plan vertical
de l’espace généré par les murs et la
fermeture supérieure, ou couverture, se fait
le plus souvent à l’aide d’éléments
végétaux, en général des troncs d’arbre ou
de
palmiers,
dont
la
principale
caractéristique est la résistance à la traction
et à la compression et, partant, à la flexion.
Ces éléments doivent répondre à
deux exigences essentiels: ne pas céder et
éviter une flexion excessive, et leurs
performances à cet égard sont fonction de
leur forme (portée couverte et section, ou
dimension verticale), du matériau utilisé, de
leur résistance à la traction et de leur
rigidité.
Pour des questions d’économie, on
réduit le recours aux éléments rectilignes de
grande longueur permettant de franchir la
portée totale, généralement plus coûteux, en
les combinant avec des éléments courts de
couvrement placés entre deux éléments
rectilignes principaux.
Les matériaux franchissant la portée
de l’élément de couverture font d’ordinaire
office de poutres obliques sans former une
véritable charpente triangulée, du fait de la
difficulté engendrée par la réalisation de
deux assemblages entre les différents
éléments. On trouvera le plus souvent un
entrait sur lequel un poinçon, ou poteau
court, reçoit deux poutres obliques égales à
la moitié de la portée qui portent les plans
d’évacuation des eaux.
Dans les régions plus sèches, on
rencontre les couvertures plates, semblables
aux planchers sur le plan statique, hormis
les charges supérieures auxquelles elles
sont soumises, en raison de tout le poids
ajouté selon un procédé de superposition de
couches jamais totalement imperméables,
afin
d’assurer
l’imperméabilité
de
l’ensemble.
Les éléments horizontaux arqués
Les arcs et les arcades
Les arcs sont en général réalisés
selon trois méthodes possibles :
- avec des voussoirs bien taillés
permettant des joints très fins entre les
pierres,
- avec des moellons plus bruts,
d’épaisseur relativement faible, permettant
de former la structure de rayonnement et de
créer l’arc en le hourdant au mortier, ou
- au moyen de briques disposées
dans le sens du rayon de la circonférence de
l’arc et fixées au mortier, le joint de mortier
se chargeant de donner les différentes
épaisseurs en intrados et en extrados pour
obtenir la courbe.
Dans les deux derniers cas, le
mortier joue un rôle fondamental
d’adhérence entre les différentes pièces.
Dans le premier cas, au contraire, les joints
fins servent simplement à égaliser les
surfaces.
Pour comprendre les arcs, il faut
tenir compte d’un point-clé, à savoir le fait
que leur construction requiert un élément
auxiliaire provisoire, le cintre, dont les
caractéristiques dépendent de la maçonnerie
de l’arc et des techniques mises en œuvre
localement.
En tout cas, l’arc génère des forces
obliques, ou poussées, qui agissent sur les
contreforts, comme l’indique la figure.
L’intégrité de l’arc requiert dès le départ
des contreforts ou des appuis totalement
indéformables. Le moindre mouvement
rotatif ou déplacement de la culée
augmentant un tant soit peu la portée
couverte par l’arc entraînerait sa rupture.
Les performances de stabilité de la
culée
sont
fonction
de
son
dimensionnement sur le plan de l’arc.
Historiquement, les bâtisseurs ont mis au
point des règles simples mettant en rapport
la portée de l’arc et l’épaisseur de la culée.
Dans le cas d’une arcade où les arcs
retombent symétriquement sur un pilier, les
poussées des arcs s’équilibrent entre eux,
générant ainsi uniquement une charge
verticale, ce qui n’est pas le cas pour les
arcs situés aux deux extrémités qui
requièrent un piédroit plus large.
Les voûtes
Comme les arcs, les voûtes peuvent
être réalisées à l’aide de voussoirs
parfaitement taillés – un exemple plutôt rare
parce que d’une grande difficulté –, de
maçonnerie en pierre faisant appel à des
pièces relativement plates, comparables aux
briques, qui permettent d’obtenir la courbe
en jouant sur les épaisseurs de mortier, ou
encore de briques disposées de chant.
Ceci dit, il existe toute une
tradition, dans une grande partie du bassin
méditerranéen, de fabrication de voûtes où
les briques sont positionnées non pas de
chant, mais à plat, en parallèle à l’intrados.
Ces voûtes reçoivent des noms différents
selon les régions, comme la voûte tabicada,
de maó de pla, in foglio, ou encore la voûte
sarrasine ; les maçons catalans l’ayant
diffusé dans toute l’Espagne, en France, en
Amérique du Nord et du Sud, elles sont
également connues sous le nom de voûte
catalane ou catalan vault. Elles requièrent
un minimum de deux couches de briques, la
première étant fixée avec du plâtre. Ce
système permet de résoudre le problème
fondamental soulevé par la construction de
tout élément arqué, à savoir le cintre. Les
voûtes catalanes peuvent s’en passer.
Une multitude de techniques ont été
mise en œuvre pour réduire au minimum le
besoin de supports provisoires pour les
voûtes ; c’est le cas, par exemple, des
voûtes en briques de chant dont la
construction commence par les coins. Tout
cela peut être analysé en observant
l’appareil de l’intrados.
Dans tous les cas, pour recevoir les
forces inclinées, ou poussées, exercées par
les voûtes, les appuis requièrent une
épaisseur supérieure à celle qu’exigent de
simples planchers.
Comme pour les arcs, il est
important d’être renseigné sur la règle
suivie par les constructeurs depuis des
temps immémoriaux, faite de connaissances
empiriques accumulées, pour mettre en
rapport la forme de la voûte, la portée
couverte et l’épaisseur correspondante du
mur assurant la stabilité.
Ainsi, par exemple, une règle en
usage au XVIIe siècle sur le territoire
espagnol pour les voûtes en berceau dictait
ce que l’on peut observer sur cette figure.
Dans le cas de berceaux croisés,
comme les voûtes d’arête ou en croisée
d’ogives, les charges sont transmises aux
arêtes ou aux arcs diagonaux, et de ceux-ci
aux quatre appuis requis. La règle associée
à la construction gothique met en rapport
portée, forme de l’arc et épaisseur de la
culée, comme nous pouvons le voir sur
cette figure.
Nous pouvons raisonnablement
supposer
que
tous
les
bâtisseurs
traditionnels possèdent dans ce domaine
leurs propres règles, transmises du maître à
l’apprenti, des règles qu’il est indispensable
de connaître dans chaque cas.
Insistons encore une fois sur le fait
qu’un bâtiment à planchers n’est pas
comparable à un édifice à voûtes. Ces
dernières produisent des charges excentrées
à la base des murs et sur les fondations, ce
qui n’est pas le cas des planchers
horizontaux.
Une
charge
excentrée
parfaitement répartie au départ est
susceptible de provoquer, au fil du temps,
de petits tassements différentiels au sein des
fondations qui peuvent entraîner un léger
basculement du mur et des fondations, et
l’apparition d’une petite fissure sur la
voûte. Cela n’aura peut-être pas de
conséquences majeures, mais cela peut
aussi signifier le début d’un enchaînement
négatif aboutissant à l’effondrement du
mur.
Les coupoles
On peut considérer les coupoles
comme un type particulier de voûtes et leur
appliquer
toutes
les
considérations
antérieures, auxquelles s’ajoute une
caractéristique essentielle : leur plan
circulaire ou quasi circulaire permet
d’établir un système d’équilibre des
poussées au moyen d’un tirant circulaire,
qui élimine ces poussées. La coupole ne
transmet plus alors que des charges
verticales, permettant une réduction très
sensible de l’épaisseur des murs. La
vérification de l’état de conservation de cet
élément de compensation périmétrale situé
à la base de la coupole fait partie du travail
de recherche préalable pour tout bâtiment à
coupole.
La
statique
graphique
est,
aujourd’hui encore, un outil d’une
remarquable utilité pour essayer de
comprendre et de déterminer les degrés de
précarité de la stabilité des édifices
traditionnels. Pour l’heure, le recours aux
outils informatiques, comme la méthode
des éléments finis, etc., ne comporte aucun
avantage par rapport aux conclusions que
nous apporte l’emploi de la statique
graphique.
Application au bâtiment dans son
ensemble
La relation entre tous les
éléments
La construction d’un bâtiment
implique de la part du constructeur
l’intelligence de la relation unissant tous les
éléments que nous avons abordés jusqu’ici.
Leur explication demande de les analyser
un à un, mais le bâtiment est le résultat
synergique de l’ensemble, c’est-à-dire, qu’il
est plus que la simple disposition de ces
éléments les uns à côté des autres. C’est là
un point fondamental si l’on veut
comprendre son comportement sur le long
terme.
Prenons le cas des murs, par
exemple : l’union d’un mur à un autre au
moyen d’un angle de bonne facture peut lui
permettre d’être bien moins épais qu’un
mur isolé, et le dotera en outre d’une
stabilité très supérieure contre des forces
horizontales. D’où l’on déduit que la
disposition des murs selon une forme de
caisse, formant des angles ou des unions en
T, constitue une question-clé dans le
comportement des bâtiments à murs. Au
bout du compte, la stabilité ne peut se
comprendre que comme stabilité de
l’ensemble des murs réunis.
Et cela nous amène à la dernière
variable qui rentre en jeu, en matière de
durée à long terme : dans les zones où
l’activité sismique est nulle, les seuls
phénomènes pouvant affecter la stabilité du
bâtiment au fil du temps, comme nous
l’avons mentionné au départ, sont à
rechercher du côté de l’augmentation des
charges, de la réduction des épaisseurs, ou
encore de la dégradation des matériaux.
Il est cependant indispensable de
tenir compte de l’activité sismique dans les
régions exposées à un fort risque. Et il est
nécessaire, à ce titre, de comprendre le
comportement d’ensemble de tous les
éléments.
Un mur isolé soumis à un
mouvement sismique perpendiculaire à son
plan tombera facilement. Si ce même mur
forme un U avec deux autres murs
perpendiculaires, il peut tout à fait offrir
une stabilité à l’épreuve de mouvements
sismiques bien supérieurs encore.
Dans des contextes de forte activité
sismique, l’expérience des constructeurs les
conduit
à
ajouter
des
éléments
d’assemblage plus efficaces, comme des
barres de fer reliant des murs opposés.
Ailleurs, la stratégie adoptée
combine la maçonnerie et des éléments de
bois constituant l’ossature du mur, qui fait
alors preuve d’un tout autre comportement
qu’un mur plein.
4. POSSIBLES DÉSORDRES
STRUCTURELS ET DIAGNOSTIC
Toutes ces observations sur la
raison d’être des éléments constructifs
constituent un premier inventaire des
possibles pathologies structurelles liées à la
défaillance d’une des clés que nous
estimons
fondamentales
pour
un
comportement structurel correct. Nous
pourrions baser notre approche sur cet
inventaire, mais il est préférable d’aborder
directement les désordres les plus courants,
selon ce que nous enseigne l’expérience, en
commençant par les causes possibles, pour
passer ensuite à leurs effets apparents, ce
qui nous permettra une approche du bâti et
de ses pathologies comparable à la
démarche du médecin auscultant son
patient. A travers ces effets apparents ou
ces symptômes, nous essaierons de déceler
les causes, à la manière du médecin qui sait
qu’un même symptôme peut correspondre à
des causes très diverses. Cela étant, certains
cas peuvent ne pas avoir d’effets apparents.
Types d’effets : apparents et non
apparents
La plupart des causes produisent des
effets parfaitement visibles, fissures,
ruptures, déformations, affaissements, etc.,
qui représentent, comme pour une maladie,
un avertissement explicite sur les
changements affectant les équilibres initiaux.
Mais une baisse du coefficient de
sécurité peut également se produire, sans
indice apparent, par suite d’un changement
d’usage poussant à l’extrême la capacité de
résistance d’un mur sans la dépasser. Quand
il est connu, il est nécessaire d’intervenir sur
un désordre de ce type, car il comporte un
grave danger pour les usagers, le moindre
changement
pouvant
entraîner
une
défaillance.
On peut observer un phénomène
similaire, en apparence, quand on applique au
bâti existant les normes de sécurité
structurelle du neuf, apparues au XXe siècle,
que certaines législations nationales ont
rendu obligatoire en matière de procédures de
réhabilitation. Dans la plupart des cas, le bâti
existant n’est pas aux normes, ce qui nous
amène à conclure alors à une subite
pathologie structurelle du bâtiment concerné,
sans qu’aucun symptôme ni changement ne
se soit manifesté. La situation varie selon que
les normes renvoient uniquement à l’action
de la gravité ou incluent les activités
sismiques.
Dans le premier cas, tout dépend du
coefficient de sécurité requis par les
normes ; il peut osciller entre 2,5 et 3 pour
le neuf. Si le calcul de ce coefficient pour
un édifice existant donne 2, on pourrait en
déduire un manque de sécurité. Il serait
pourtant insensé de le soumettre à une
procédure complexe et agressive de
renforcement, vu que le constat d’un
équilibre existant sur des dizaines d’années,
en l’absence de dommage, constitue une
preuve aussi scientifique, si ce n’est plus,
que l’application d’une norme.
La
réalisation
d’études
géotechniques donne lieu à un cas
particulier.
Ces
études
indiquent
fréquemment que le terrain sur lequel est
assis un bâtiment depuis 200 ou 300 ans
n’est pas en condition de garantir sa
stabilité. L’erreur peut non seulement
dériver de l’application d’un coefficient de
sécurité disproportionné, mais aussi du fait
que l’étude a été menée hors du bâtiment,
sur un terrain distinct de celui situé sous ses
fondations.
Le problème est autre quand les
normes prennent en compte les activités
sismiques. Dans les régions où les séismes
de grande ampleur obéissent à des
fréquences très espacées, leurs effets ne
sont pas gravés dans la mémoire collective.
De ce fait, les constructeurs ne dotent pas le
bâti de mesures antisismiques. Une
nouvelle réglementation, basée sur des
données historiques et géologiques précises
inconnues jusqu’alors, peut avertir de la
probabilité d’un nouvel épisode sismique,
auquel le bâti serait manifestement
vulnérable. A l’évidence, nous ne sommes
pas là devant un cas de pathologie, mais la
procédure de réhabilitation n’en devrait pas
moins servir à introduire les renforcements
nécessaires.
Causes accompagnées d’effets apparents
Causes lointaines, causes directes
Les causes directes des effets visibles
sont à leur tour, de manière quasi
systématique, des effets d’autres causes, que
l’on appellera causes secondes ou lointaines
et qui, même éloignées de la localisation du
symptôme, sont les causes à l’origine du
problème. L’affaissement d’une partie des
fondations sera la cause directe d’une fissure
dans le mur, mais la cause qui produit ce
tassement des fondations peut venir d’une
modification survenue de manière naturelle
dans le niveau phréatique des lieux, ou bien
d’un changement dans la circulation des eaux
souterraines à la suite des travaux réalisés par
un voisin éloigné. Les recherches doivent
donc être menées selon un parcours qui va du
symptôme à la cause directe ou immédiate, et
de celle-ci à la cause seconde ou lointaine
réellement à l’origine du désordre ou de la
pathologie.
Ajoutons ici une cause dont les effets
très apparents – fissures et crevasses – ne
sont pas attribuables à une modification de
l’équilibre : l’oxydation et l’inévitable
augmentation de volume des éléments
métalliques encastrés dans la maçonnerie. Au
cours de la deuxième moitié du XIXe siècle et
d’une partie du XXe, la construction de
planchers ou de tirants de coupole en acier
oxydable était monnaie courante. En se
dégradant, ces éléments cassent, fissurent et
lézardent tous les matériaux à l’entour.
Modifications
de
l’équilibre
(action / réaction) comme cause essentielle
L’état originel d’un bâtiment
présente une situation d’équilibre total : à
toute action dérivée de la charge ou de
l’usage correspond une réaction égale dans
le sens contraire qui l’équilibre. Une
pathologie structurelle a pour cause
essentielle une variation dans ce rapport
d’équilibre, qui peut découler d’une
variation des actions ou des réactions. Les
actions sont en général le résultat de
facteurs
anthropiques,
comme
l’augmentation des charges provoquée par
la transformation d’une chambre à coucher
en magasin, par exemple. Mais elles
peuvent également être le fruit d’une
dégradation survenue dans les éléments
constructifs, telle que la rupture du tirant
d’une voûte à tirant qui produit une
nouvelle action absente de l’état originel.
Les réactions sont elles aussi
sujettes à variations, la plus courante étant
la modification de la capacité des
résistances de la maçonnerie par suite de la
détérioration des matériaux. Mais il faut
également
considérer
de
possibles
changements dans la forme des éléments
dus à des actions des usagers, comme le
percement, par exemple, d’une ouverture
dans un mur existant, qui a forcément des
répercussions sur l’équilibre original, la
partie restante du mur devant fournir une
réaction supérieure face aux actions
existantes.
L’expérience
nous
enseigne
également qu’une pathologie est le plus
souvent le résultat de deux causes
concomitantes, si ce n’est plus. Le principe
de prudence exige en toute logique
d’examiner les causes en profondeur, parce
que le seul fait d’en détecter une ne
résoudrait pas le problème.
Inventaire des effets apparents (indices ou
symptômes)
Tableau d’ensemble
Le tableau ci-joint met en regard les
diverses causes directes et le lieu, la zone ou
la partie de l’élément où elles produisent
leurs effets. Selon le lieu, l’effet sera plus ou
moins visible ; s’il se produit dans les
parements du mur, il sera aisément
perceptible ; si l’effet est un affaissement ou
une déformation du mur, il sera uniquement
observable en vue de profil, si c’est possible,
etc.
Si la cause directe est :
a) variation du rapport entre charges et
capacité portante
b) variation entre les axes principaux d’action
et de réaction
b.1) par suite de modification dans
les actions
vertical,
horizontal (traction, compression)
b.2) par suite de modification dans
les réactions
courte,
longue,
inversée
Si la zone principale de manifestation de
l’effet est :
a) parements des murs
b) plan transversal du mur
parements des murs
cause directe
variation du rapport entre
CHARGES ET CAPACITE
PORTANTE
variation entre les axes
principaux d’action et de
réaction par suite de
modification dans les
ACTIONS
vertical
horizontal a compression
horizontal a traction
dans les REACTIONS
longue
courte
inversée
plan transversal du
mur
Exemples concrets de causes directes et
effets associés
Cause directe dans les fondations
a) effets principaux sur les murs
a.1) sur les parements
tassements différentiels aux extrémités du
bâtiment
tassements différentiels au centre du bâtiment
déplacement du terrain
a.2) dans un plan perpendiculaire au mur
basculements et affaissements différentiels
b) effets différés sur les éléments adjacents
(couvertures, voûtes, planchers)
Si l’on dispose de témoignages
(photographiques, par exemple) montrant que
le bâtiment était en parfait état par le passé,
les causes lointaines sont à rechercher du côté
de la variation des conditions initiales. Ces
causes peuvent ainsi résider dans la
détérioration des matériaux, comme nous
l’avons vu, dans l’action des eaux (
variation du niveau phréatique,
variation du taux d’humidité pouvant
provoquer expansion ou rétraction des
argiles, ou diminution des résistances) ou
dans la proximité d’un chantier produisant
affouillements et entraînements déblais ou
remblais.
b) effets différés sur les éléments
adjacents (couvertures, voûtes, planchers)
Les seules causes lointaines
possibles sont l’accroissement des charges ou
la dégradation des matériaux.
Cause directe dans les éléments adjacents
(couvertures, voûtes, planchers)
effets : affaissements, basculements,
etc., sur murs.
Cause directe dans les murs
a) effets : rupture par compression,
bombement global des feuilles, rupture par
effort de cisaillement
Les causes lointaines possibles sont
des poussées latérales des couvertures,
voûtes, planchers, dues à l’accroissement des
charges, la rupture de tirants, le mouvement
du bois ou l’oxydation des éléments
métalliques.
Le diagnostic
Face à des altérations visibles, le
diagnostic consiste à identifier les causes en
remontant l’enchaînement qui les a produites
dans cet ordre : dommage-effet-cause
directe-cause lointaine.
La conduite du diagnostic doit suivre
toutes les phases d’une investigation. Il
démarre par l’observation directe et la plus
détaillée possible des dégâts. S’il s’agit de
fissures similaires à celles que nous venons
de décrire, il est nécessaire, dans un premier
temps, d’essayer d’en déterminer la cause
immédiate. Pour ce faire, l’observation
détaillée doit identifier à quel mouvement des
lèvres correspond la fissure en question, et
l’observation d’ensemble doit déboucher sur
le dessin le plus précis possible du
phénomène.
Grâce à la comparaison avec
l'inventaire précédent, nous pourrons obtenir
une première hypothèse explicative du
rapport de cause à effet ; le nombre des
causes excédant celui des effets, il est
cependant nécessaire de mettre le bien-fondé
de cette première hypothèse à l’épreuve des
faits. Si elle indique un excès de charge ou
l’apparition d’une nouvelle action, il faudra
modéliser l’ensemble au moyen d’une simple
descente de charges ou d’une analyse statique
graphique. Si la cause relève d’un autre type,
il est important de s’assurer de l’existence de
tous les effets associés à celle-ci dans
d’autres parties du bâtiment.
En supposant que nous avons trouvé
la cause immédiate, il nous faut encore
trouver la cause lointaine en continuant
d’appliquer la méthode de la vérification des
hypothèses.
Quoi qu’il en soit, il est nécessaire
de savoir si le dommage a pour origine un
phénomène passé ou s’il est en train de se
produire sur le moment ; si l’on a affaire à
une fissure, on parle en la circonstance de
fissure arrêtée ou active. Dans le cas d’une
fissure active, il est indispensable de
connaître sa vitesse de propagation.
L’ensemble
des
opérations
d’observation,
d’instrumentation
et
d’expérimentation
décrites
dans
la
conférence de Xavier Casanovas Les outils et
instruments pour le diagnostique constitue
toujours un instrument incontournable pour
un bon diagnostic.
Pour conclure, je pense qu’il est intéressant
de citer quelques Principes tirés du document
établi par l’ICOMOS à ce sujet, les qui
viennent appuyer et élargir notre propos :
2.5 La conservation des structures du
patrimoine bâti requiert simultanément des
analyses qualitatives et quantitatives. Les
premières sont fondées sur l’observation
directe des désordres et de la dégradation
des matériaux. Elles s’appuient sur les
recherches historiques et archéologiques.
Les secondes concernent essentiellement les
tests spécifiques, le suivi des données et
l’analyse des structures.
2.6 Avant de prendre une décision
concernant une intervention sur des
structures il est indispensable de déterminer
les causes des désordres, et ensuite
d’évaluer le niveau de sécurité de la
structure.
2.7 L’évaluation du niveau de sécurité (qui
est la dernière étape dans le diagnostic ou le
besoin de traitements est effectivement
déterminé) doit tenir compte des analyses
quantitatives et qualitatives et de
l’observation directe, des recherches
historiques,
de
la
modélisation
mathématique le cas échéant et, en tant que
besoin des résultats expérimentaux.
2.8 Le plus souvent l’application de
coefficients de sécurité conçus pour les
ouvrages neufs conduit à des mesures
excessives, inapplicables pour les édifices
anciens. Des analyses spécifiques devront
alors justifier de la diminution des niveaux
de sécurité.
les matériaux d’origine, afin d’éviter les
effets secondaires non souhaitables.
5. L’INTERVENTION
Critères généraux
Les Principes tirés de ce document
qui a trait au patrimoine monumental sont
également porteurs de critères généraux
d’intervention, applicables à plus forte
raison au bien plus fragile patrimoine
domestique méditerranéen. Nous avons
extrait six de ces critères qu’il est
indispensable de connaître avant d’entrer
dans le détail des cas particuliers :
3.1 La thérapie représente le champ des
actions exercées sur les causes profondes
des désordres, et non sur les symptômes.
3.2 La meilleure thérapie pour
conservation est l’entretien préventif.
la
3.4 Aucune action de doit être entreprise
sans que son caractère indispensable n’ait
été démontré.
3.5 Les interventions doivent être
proportionnées aux objectifs de sécurité
fixés et être maintenues au niveau minimal
garantissant stabilité et durabilité avec le
minimum d’effets négatifs sur la valeur du
bien considéré.
3.7 Le choix entre les techniques
“traditionnelles”
et
les
techniques
“innovantes” doit être fait au cas par cas, en
donnant la préférence aux techniques les
moins
envahissantes
et
les
plus
respectueuses des valeurs patrimoniales,
tenant en compte les exigences de sécurité
et de durabilité.
3.9 Les mesures choisies doivent être
réversibles autant que possible, de telles
sorte que, si de nouvelles connaissances le
permettent, des mesures plus adéquates
puissent être mises en œuvre. Si les
mesures ne peuvent être réversibles, on doit
s’assurer que des interventions ultérieures
puissent encore intervenir.
3.10 Tous les matériaux utilisés pour les
travaux de restauration, particulièrement les
nouveaux matériaux, doivent être testés de
manière approfondie et apporter les preuves
non seulement de leurs caractéristiques
mais également de leur compatibilité avec
L’adoption
de
ces
critères,
manifestement
rationnels,
suppose
l’abandon des techniques d’emploi courant
dans la seconde moitié du XXe siècle qui n’y
répondent pas, et se sont avérées, en outre,
nettement préjudiciables, peu de temps
après leur mise en œuvre.
A n’en pas douter, les interventions
que l’on peut projeter sur la base de ces
critères requièrent, d’une part, une
connaissance approfondie du bâtiment à
réhabiliter, c’est-à-dire une mise en œuvre
poussée des points abordés à propos du
diagnostic, et, de l’autre, une connaissance
approfondie non seulement des techniques
actuelles les moins agressives, mais surtout
des savoir-faire traditionnels qui ont
façonné le bâti d’origine, tout cela étant
pour le moins complexe.
Les techniques que nous allons
examiner maintenant visent avant tout à
neutraliser les causes directes de manière
générale, chaque bâtiment possédant ses
caractéristiques spécifiques, en même
temps que les causes de la pathologie
propre à chaque édifice. Seule l’étude
particulière de chaque cas, par la mise en
œuvre des critères et des méthodes que
nous avons exposées, permettra une
intervention adaptée. Et n’oublions pas les
causes lointaines derrière les causes
directes.
Nous exposerons ces techniques en
les associant directement aux causes
immédiates des pathologies les plus
fréquentes.
Dans les fondations
Les effets visibles peuvent être les
fissures dont nous avons parlé ou des
affaissements
de
murs,
provoquant
l’apparition de fissures sur les voûtes, etc.
Le plus souvent, la cause directe est
une perte de résistance du terrain,
attribuable à son tour à une seconde cause,
ou cause lointaine, qui peut être une cause
quelconque parmi celles que nous avons
vues. L’intervention peut prendre trois
directions : augmenter la surface de contact
des fondations afin de réduire la contrainte
de compression, raccorder la fondation à un
terrain plus résistant en profondeur, ou
augmenter la résistance du terrain.
L’augmentation de la surface de
contact est une opération délicate et
coûteuse, mais réalisable à l’aide de
techniques exclusivement traditionnelles. Il
s’agit de remplacer le terrain sous la
fondation par une maçonnerie plus large.
En général, il n’est pas du tout
nécessaire
d’armer
cette
nouvelle
maçonnerie. Au vu des petites charges
caractérisant l’architecture domestique
méditerranéenne, c’est la solution la plus
appropriée.
Comme on le voit sur la figure,
l’opération doit s’exécuter par tronçons
alternés afin de ne pas laisser une trop
grande largeur de fondation hors appui.
Le raccordement de la fondation à
un terrain plus résistant en profondeur met
en œuvre la technique des micropieux. En
réalité, cette solution n’est nécessaire que
dans très peu de cas. C’est assurément une
option très agressive, à laquelle on ne devra
recourir que dans les cas extrêmes.
Pour accroître la résistance du
terrain, nous disposons à l’heure actuelle
des techniques qui ne sont pas accessibles
dans toutes les régions. Il s’agit
manifestement de techniques qui n’ont rien
de traditionnel, faisant appel à des
matériaux qui n’existaient pas par le passé,
potentiellement
porteurs
d’effets
secondaires.
Rappelons ici qu’il est essentiel de
déterminer la cause lointaine de cette perte
de résistance du terrain et n’oublions pas
qu’elle ne tient « peut-être » qu’à un rapport
géotechnique.
Etant donné la complexité de toutes
ces interventions possibles, il peut être
envisageable de ne pas agir sur les causes,
mais uniquement sur les effets. Face à
l’affaissement d’un mur à la suite d’une
défaillance du terrain, par exemple, il est
toujours possible de monter un contrefort
pour en neutraliser le mouvement ou de
l’entretoiser sur des parties saines du
bâtiment.
Dans les murs
Baisse du coefficient de sécurité
Suite à une perte de
résistance due à la dégradation de la
maçonnerie
Si la dégradation vient d’une perte
de mortier sur les joints extérieurs, il est
nécessaire de les reconstituer par
rejointoiement. Si cette perte est interne aux
murs, on réalisera des injections de coulis
pour colmater les interstices.
introduites par perforations obliques venant
coudre les pièces de la maçonnerie en
augmentant leur enchevêtrement.
Il semble presque superflu d’ajouter
que le changement conceptuel et pratique
entraîné par ces procédés, aux résultats
douteux à long terme, ne se justifie que
dans des cas très spéciaux.
Si
le
renforcement
s’avère
indispensable et que l’on veut suivre les
principes exposés auparavant, cette
augmentation de la surface portante devra
se faire au moyen d’une surépaisseur de la
même maçonnerie et liaisonnée au
maximum avec l’ancienne.
Désolidarisation des couches des
murs
Les pierres endommagées peuvent
être remplacées si l’on dispose de pièces de
même nature.
Si la dégradation affecte de grands
pans de mur, la solution exige alors une
reconstruction totale des zones affectées.
Si la dégradation affecte la totalité
du mur, on devra procéder à un
remplacement fonctionnel en élaborant une
nouvelle structure parallèle dont la
maçonnerie sera probablement différente de
l’originelle.
Suite à l’augmentation des
contraintes de compression
Cette cause directe ne peut avoir
pour causes lointaines que les seules actions
anthropiques, telles que changement
d’usage, réduction des surfaces par suite de
percements d’ouvertures ou actions
similaires. Au vu des difficultés soulevées
par toutes les interventions possibles, il est
évident que la solution à ce problème
consiste à ne pas accepter ces changements
effectués ou proposés par les usagers ou les
promoteurs.
Une
solution
couramment
envisagée consiste à disposer des deux
côtés du mur des renforcements épais en
béton liaisonnés entre eux. Une autre
préconise l’augmentation de la résistance au
moyen de nombreuses barres d’acier
Ses effets se traduisent par un
renflement des parements, la portance des
murs s’en trouvant sensiblement réduite,
comme nous l’avons signalé. L’intervention
la mieux adaptée passe par l’étayage de la
partie affectée, prélude à un démontage et
une reconstruction à l’aide du plus grand
nombre possible de parpaings ou boutisses
de liaison des couches.
Fissures dues à des causes
extérieures au mur
Quand on a remédié aux causes
directes et lointaines des fissures, il
convient de boucher ces dernières pour
assurer la continuité de la transmission des
charges et l’étanchéité.
La méthode la plus radicale, qu’on
appelle cucci e scucci en italien, consiste à
désassembler la maçonnerie des deux côtés
de la fissure pour la remonter en colmatant
l’ouverture créée au démontage.
Le rejointoiement est la méthode la
plus courante.
En général, l’emploi d’éléments
métalliques faisant office d’agrafes est
dépourvu de sens. Quand on a remédié aux
causes, les agrafes ne servent à rien, et si les
causes sont encore actives, elles sont tout
aussi inutiles, vu que la maçonnerie ne peut
pas assumer les tractions et, à défaut de
céder sur la zone « agrafée », elle cédera un
peu plus loin.
Dans les voûtes et coupoles
Comme nous avons pu le constater
précédemment, les poussées des voûtes et
des coupoles peuvent constituer les causes
directes ou lointaines des fissures ou des
affaissements survenant dans les murs, et
les fissures qui peuvent apparaître sur ces
voûtes et coupoles ont pour origine soit ces
affaissements mêmes, soit des désordres
dans les fondations. Si les causes lointaines
sont sous contrôle, les murs ou les
fondations renforcées, il faut alors les
rejointoyer.
Ceci dit, devant le prix élevé de ces
renforcements, comme nous l’avons vu, on
décide souvent de s’attaquer à la cause, à
savoir la voûte, en annulant ses poussées.
Nous sommes face à deux méthodes
possibles : la pose de tirants ou la
réalisation d’une deuxième voûte en béton
armé sur l’extrados de la première, qui met
un terme au problème en évitant sa
déformation.
Au vu de nos principes, il est clair
que cette solution est difficilement
acceptable. Le tirant constitue certainement
une solution traditionnelle bien plus
recevable.
Ce
doublage
sur
l’extrados
s’emploie également comme renforcement
face à de nouvelles charges d’exploitation.
L’intervention doit tendre à éviter ces
nouvelles charges et quand cela s’avère
impossible, à exécuter le renforcement en
augmentant l’épaisseur de la voûte à l’aide
d’une maçonnerie identique.
A la base des coupoles, une
pathologie peut manifester ses symptômes
en intrados comme en extrados, à savoir
l’oxydation
du
tirant
circulaire.
L’intervention requiert en général son
extraction et son remplacement par un
élément similaire depuis l’intérieur ou
l’extérieur de la coupole.
Dans les planchers
La perte de résistance des
principaux éléments en bois est attribuable
à la dégradation ou à la perte de section
provoquée par des agents biologiques, tels
que champignons de la pourriture ou
insectes. Si la perte affecte l’élément dans
son ensemble, la solution est le
remplacement. Si elle n’affecte que les
parties encastrées dans les murs, les parties
affectées peuvent être remplacées par des
résines qui en reproduiront la forme
originelle et amélioreront la résistance et la
durabilité de la poutre, en armant ces
résines pour assurer l’assemblage avec la
partie bois.
Si la perte est due à un
vieillissement inévitable de poutres déjà
rares à l’origine, une solution simple et
efficace, bien que peu séduisante, consiste à
ajouter une poutre transversale sur la partie
inférieure, de sorte à diviser la portée
couverte.
Si l’on préfère, on peut également
réaliser ce renforcement sur la partie
supérieure en augmentant la section des
poutres ou de l’ensemble du plancher à
l’aide de panneaux de particules de bois
faisant office de chape de compression.
voir s’est longtemps fait au nom des
contraintes sismiques, mais outre le fait
d’être difficilement acceptables sur un plan
conceptuel, ses effets peuvent se révéler
contreproductifs en cas d’épisode sismique.
Une
fois
encore,
les
solutions
traditionnelles sont plus compatibles avec le
bâti traditionnel, en toute logique.
En guise de conclusion, il est utile
de rappeler certains des principes sur
lesquels cette partie s’est ouverte :
Quant à la chape de béton armé,
tellement répandue, c’est une solution à
éviter si possible.
Dans l’ensemble du bâtiment
Nous avons déjà abordé deux
situations pour lesquelles l’intervention
affecte l’ensemble du bâtiment : les
entretoisements destinés à éviter des
affaissements ou des déformations de murs.
La mise en œuvre systématique de cette
solution entre tous les murs permet de
réduire efficacement la vulnérabilité
sismique de l’ensemble du bâtiment.
3.7 Le choix entre les techniques
“traditionnelles”
et
les
techniques
“innovantes” doit être fait au cas par cas, en
donnant la préférence aux techniques les
moins
envahissantes
et
les
plus
respectueuses des valeurs patrimoniales,
tenant en compte les exigences de sécurité
et de durabilité.
3.10 Tous les matériaux utilisés pour les
travaux de restauration, particulièrement les
nouveaux matériaux, doivent être testés de
manière approfondie et apporter les preuves
non seulement de leurs caractéristiques
mais également de leur compatibilité avec
les matériaux d’origine, afin d’éviter les
effets secondaires non souhaitables.
*
Le renforcement au béton armé de
la surface des planchers que nous venons de
*
*