En avant toute ! - Serre de la Madone
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En avant toute ! - Serre de la Madone
Mahonia 5 16/10/03 11:32 Page 2 LE COURRIER DU JARDIN “SERRE DE LA MADONE” - JARDIN HISTORIQUE CLASSÉ - N° 5 - ÉTÉ 2002 Mahonia En avant toute ! Depuis la reprise en main de la propriété par le Conservatoire du Littoral en 1998, cet été 2002 est le premier pendant lequel nous n’organisons aucune manifestation culturelle : ni concert, ni master class, ni conférence. Cette situation résulte des travaux de restauration qui vont bon train. Pendant ce temps, notre équipe de jardiniers et de stagiaires continue le travail de restauration du jardin : le millier de nouvelles plantes (300 nouvelles espèces) accueillies l’hiver dernier font l’objet de tous les soins ; aussi, le début de l’été est la période de la taille des haies de buis, de la consolidation des cuvettes d’arrosage par exemple. Ce n’est pas tout : dans le cadre de la restructuration des espaces du jardin, les jardiniers ont entrepris le nettoyage de l’ancienne oliveraie plantée de deux plantes bulbeuses vieillissantes; Amaryllis belladonna et Chasmanthe bicolor. L’été étant la période de repos pour ces plantes de l’hémiphère austral (ni feuillage, ni fleur), c’est le bon moment pour les arracher, les diviser et les replanter. Cette partie du jardin de plus de 400 m2 va ainsi connaître une nouvelle jeunesse d’autant que le fameux Plumbago larpentae, utilisé autrefois dans cette partie du jardin par Lawrence Johnston comme couvre-sol et aujourd’hui disparu pourrait bien être replanté dès cet automne. Cette fin d’année connaîtra encore une importante campagne de replantation du jardin. Par ailleurs, les travaux structurels sur les réseaux, les accès, le parking, l’accueil démarreront quant à eux dès septembre et rendront le jardin inaccessible aux visiteurs jusqu’à Pâques 2003. C’est donc dès le printemps de l’année prochaine que nous pourrons de nouveau accueillir nos amateurs de botanique dans les meilleures conditions. Rendez-vous est pris ! Michael Likierman, Président de l’Association. Chasmanthe bicolor, un bulbe d’Afrique du Sud naturalisé dans les sous-bois de Serre. Photo : B. Bourdeau. CONSERVATOIRE DU LITTORAL L’Amaryllis belladonna, une des vedettes de Serre en fin d’été Photo : B. Bourdeau. Mahonia 5 16/10/03 11:33 Page 3 Carnet de jardin Ça s’est passé hier... Casa Rocca à ciel ouvert ! ◗ Site Internet " version anglaise " : Photos : B. Bourdeau Grâce à la participation bénévole très précieuse de notre adhérent-traducteur Monsieur Martin Smith, la version anglaise du site www.serredelamadone.com est mise à jour et disponible. Vincent Labeyrie ◗ Une équipe qui s’agrandit : Depuis le 17 juin, un nouveau salarié, jardinier-passionné de plantes, vient d’être embauché au sein de l’équipe. Vincent Labeyrie, originaire de Bretagne, est venu profiter du soleil mentonnais à l’ombre des arbres de Serre… Les rendez-vous de demain... ◗ Documentaire en perspective : Le week-end du 18 et 19 juin, Serre de la Madone a accueilli une équipe de tournage de France 3 Rhône-Alpes. Sur le thème des jardins azuréens, deux courts reportages vont être réalisés et transmis sur la chaîne nationale en cette fin d’année (voir article ci-dessous). L’équipe de France 3 en plein tournage ◗ Les voisins en visite : Organisée chaque année, la visite de découverte du patrimoine de Serre de la Madone, adressée aux voisins proches, s’est déroulée dans la matinée du 29 juin. Suite au mauvais temps survenu à la première date d’invitation, une seconde visite a été mise en place et a ainsi permis de recevoir des voisins enchantés… ◗ Un article remarquable : Le mensuel “Connaissance des Arts” a édité, sous la plume de Sylvie Blin, un article fort intéressant dans son numéro daté de juin. Par Louis-Gabriel Peynichou, réalisateur de films documentaires otre histoire commence quand Tobias Smolett (17211771), partit de son Angleterre natale pour s’établir à Nice durant une année et demie. N Il publie à l’issue de ce séjour un livre, " Travel through France and Italy ", sorte de monographie un JARDIN “SERRE DE LA MADONE” - MENTON peu grincheuse de cette région qui ne s’appelait pas encore la Côte d’Azur. Nous arrivons dans la région de Menton avec James Henry Bennet. Un siècle après Smolett, il effectue un séjour sur la côte où il écrira en 1861 son ouvrage, "Winter and Spring on the shores of the Mediterranean". ordinaires le seront souvent par des botanistes originaires du Royaume Uni, dont le domaine de Serre de la Madone, aménagé par le Major Lawrence Johnston à partir de 1924. L’enquête préalable à l’écriture de notre documentaire sur les jardins anglais de la région de Menton, nous a amenés, en tout En 1866, Sir Thomas Hanbury fait l’acquisition du Palazzo Orengo à la Mortola, situé à environ 3 kilomètres de la nouvelle frontière qui sépare la France de l’Italie naissante. Photo : B. Bourdeau Serre de la Madone, un scénario Travaux : l’été sera calme : La chaleur et l’humidité du climat mentonnais vont ralentir les travaux de Serre de la Madone. En effet, la finalisation de la tranche de travaux clos et couverts de la villa principale et de Casa Rocca – par la pose de l’enduit à la chaux - ne pourra s’effectuer qu’à partir du mois de septembre, lorsque les températures seront plus favorables au séchage des matériaux. D’autres jardins vont être créés à Menton à la suite de celui de Thomas Hanbury. Les plus extraLe jardin Hanbury Mahonia 5 16/10/03 11:33 Page 4 L’ e s p r i t d e S e r r e … On entend souvent au sujet de ces jardins anglo-méditerranéens une hypothèse : il s’agirait pour certains anglais, anciens coloniaux de retrouver les paysages tropicaux à une distance acceptable de l’Angleterre. Serre de la Madone ne s’inscrit pas tout à fait dans cette vision. S’il est vrai que le Major Johnston est allé chercher des plantes dans le monde entier, son jardin nous propose un autre voyage. Serre de la Madone est conçu en même temps que les Colombières. Comme Ferdinand Bac, le créateur de ce jardin mythique, Johnston ne nous fait pas voyager dans l’espace. Aux tenants du retour aux sources vers des jardins supposés authentiquement méditerranéens, il oppose au voyage dans le temps un retour vers l’antique, une sorte de renaissance. Photo : B. Bourdeau À l’instar des chefs-d’œuvre de la renaissance, le jardin du Major Lawrence Johnston est un rêve, une vision revisitée des origines gréco-latines du monde méditerranéen. ◆ Mythiques Colombières... Le Figuier sycomore Un arbre mythique Par Jean-Michel Olbe, passionné d’Égypte et de jardins méditerranéens armi l’incroyable richesse que recèle Serre de la Madone, à l’issue d’un parcours sur les terrasses successives du jardin, le visiteur découvrira non sans une certaine curiosité, un petit arbre niché contre la façade de la maison principale. Manifestement, son aspect et ses fruits évoquent un cousin très répandu dans la région. Il s’agit bien d’un figuier mais pas n’importe quel figuier ! Tout laisse à penser mais sans certitude absolue que nous sommes en présence d’un arbre qui a profondément marqué les débuts des grandes civilisations proche-orientales : Le Figuier sycomore. (Ficus sycomorus L) Un des tout premiers arbres fruitiers cultivés par l’homme, cité dans l’Ancien Testament, le Sycomore a surtout joué un rôle majeur dans la brillante civilisation des anciens Égyptiens autant par son importance économique que par la vénération que lui vouaient les habitants du bord du Nil. Arbre d’ombrage très apprécié dans un pays écrasé par le soleil, il offrait des figues en abondance plusieurs fois par an, un bois réputé pour sa grande longévité destiné à la confection du mobilier, des statues, des sarcophages et de nombreux outils d’usage domestique. Pour la place majeure que ce grand figuier occupait dans leur univers quotidien et mythique, les anciens égyptiens, peuple très religieux, lui ont attribué très tôt un caractère divin, la manifestation des déesses Isis P Photo : B. Bourdeau cas en ce qui concerne Serre de la Madone, à tourner le dos à certaines idées généralement admises. Ficus sycomorus et Hathor et ce jusqu’à la fin de la civilisation pharaonique, c’est à dire pendant près de 3000 ans ! D’Égypte, il fut introduit en Palestine par les Hébreux qui l’utilisèrent essentiellement pour son bois et moins pour ses fruits. Depuis cette époque il est supplanté par notre figuier commun (Ficus carica L) dont les figues possèdent une meilleure qualité gustative. De nos jours, on peut encore rencontrer le Figuier sycomore de façon spontanée en Afrique du Sud, au Kenya et au sud du Soudan, contrées d’où il est originaire. Au nord du Soudan, au Yémen, en Egypte et en Palestine, pays d’introduction, sa présence est en régression. Quelques spécimens poussent encore en Afrique du nord et sur certaines îles de la Méditerranée. Loin de son Afrique natale, sous un climat où il a dû difficilement s’adapter, mais dépositaire d’un patrimoine historique et botanique prestigieux, nous lui souhaitons d’exciter notre curiosité encore longtemps au sein de ce merveilleux écrin qu’est Serre de Madone. Par mesure de sauvegarde, des boutures ont été réalisées par l’INRA d’Antibes. Par ailleurs, un jeune Figuier sycomore issu de semis certifiés en provenance d’Afrique du Sud a récemment été offert au jardin. Nulle doute que leur étude comparative permettra une identification plus certaine. L’histoire passionnante de cet arbre va donc vivre un nouvel épisode ! ◆ JARDIN “SERRE DE LA MADONE” - MENTON Mahonia 5 16/10/03 11:32 Page 1 Témoignage... Un jardin citoyen Par Odile Marcel, écrivain, professeur de philosophie à l’université Lyon 3 Le 25 Février 2002 C her Benoît, merci de m'avoir conduite à Serre de la Madone en cette saison d'hiver qui ressemble chez vous au début d'un printemps. Les ombres restent fraîches. Le soleil reprend de la vigueur, pas assez pour éteindre la vie végétale, suffisamment pour la ranimer. Le jardin a été débarrassé de ses ronciers et d'une part de sa végétation folle, on en dirait le dessin ravivé car on aperçoit mieux ce fil de petits cailloux qui bordent les plates-bandes comme si un semis un peu joueur, un semis d'aube commençait tout juste l'histoire du jardin. Les taillis qui avaient envahi l'arrière du palais ont été éclaircis, vers le sud, à l'endroit où le major Johnston aménagea une volière. Pendant sa période "belle au bois dormant", le palais reposait au bord d'un bois, comme perdu dans le rêve d'une forêt ensauvagée où il s'était réfugié en attendant des jours meilleurs. Actuellement, on l'aperçoit emmitouflé par une bâche qui abrite la réfection du toit et des façades. Il n'apparaît plus, au sommet de la perspective verticale du jardin, pour donner au domaine une échelle de grandeur qui rappelle son passé historique, - lustre d'antan, raffinement des aristocraties -, une légende de prince dont nous viendrions, en badauds, contempler les vestiges désertés par les maîtres. En ce moment, Serre de la Madone raconte une histoire de jardin, de plantes, d'aménagement patient, d'imagination, de soin, une histoire à notre échelle, elle ressemble à celle de nos vies. Les visiteurs peuvent se transformer en émules. Ils viennent prendre des informations sur les plantes et des secrets de tour de main, faire de nouvelles connaissances ou les agrandir, ce sont des visiteurs férus de botanique et de voyages, experts dans l'art du jardinage (tu les surprends parfois en train de prendre des boutures). On voit mieux comment le domaine est lié à la culture de tout le monde et à l'activité. Comment il peut parler à chacun du présent et du futur, pas seulement du passé. Il renvoie chacun à sa puissance de faire et à l'apprentissage qui est nécessaire pour asseoir les initiatives d'aménagement. Ce jardin retrouve un avenir parce qu'il nous aide à nous projeter dans le notre. Je préfère cette version du lieu aux fantasmes de la Belle Epoque, à ces histoires surannées tissées d'or et de nostalgie. ◆ La fontaine des Daturas B. Bourdeau Serre de la Madone Propriété du Conservatoire du Littoral “Mahonia”Lettre trimestrielle publiée par l’AJSM, ( Association pour la sauvegarde et la mise en valeur du Jardin Serre de la Madone) Jardin historique classé, créé par Lawrence Johnston en 1924. Directeur de la publication : Michael Likierman 74, route de Gorbio 06500 Menton - France Tél. : (+33) 04 93 57 73 90 Fax : (+33) 06 86 37 91 49 www.serredelamadone.com ISBN en cours Réalisation graphique : Dynactis Impression : Graphic Service, impression sur du papier recyclable blanchi sans chlore Avec le concours de la Ville de Menton, du Conseil Général des Alpes-Maritimes, de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, du Ministère de la Culture et de la Fondation Electricité de France. CONSERVATOIRE DU LITTORAL