En avant toute ! - Serre de la Madone

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En avant toute ! - Serre de la Madone
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LE COURRIER DU JARDIN “SERRE DE LA MADONE” - JARDIN HISTORIQUE CLASSÉ - N° 5 - ÉTÉ 2002
Mahonia
En avant toute !
Depuis la reprise en main de la propriété par le Conservatoire du Littoral en 1998,
cet été 2002 est le premier pendant lequel nous n’organisons aucune manifestation
culturelle : ni concert, ni master class, ni conférence. Cette situation résulte des
travaux de restauration qui vont bon train.
Pendant ce temps, notre équipe de jardiniers et de stagiaires continue le travail de
restauration du jardin : le millier de nouvelles plantes (300 nouvelles espèces)
accueillies l’hiver dernier font l’objet de tous les soins ; aussi, le début de l’été est
la période de la taille des haies de buis, de la consolidation des
cuvettes d’arrosage par exemple. Ce n’est pas tout : dans le cadre de
la restructuration des espaces du jardin, les jardiniers ont entrepris le
nettoyage de l’ancienne oliveraie plantée de deux plantes bulbeuses
vieillissantes; Amaryllis belladonna et Chasmanthe bicolor. L’été étant la
période de repos pour ces plantes de l’hémiphère austral (ni
feuillage, ni fleur), c’est le bon moment pour les arracher, les diviser et
les replanter. Cette partie du jardin de plus de 400 m2 va ainsi
connaître une nouvelle jeunesse d’autant que le fameux Plumbago
larpentae, utilisé autrefois dans cette partie du jardin par Lawrence
Johnston comme couvre-sol et aujourd’hui disparu pourrait bien être
replanté dès cet automne.
Cette fin d’année connaîtra encore une importante campagne de replantation du
jardin. Par ailleurs, les travaux structurels sur les réseaux, les accès, le parking,
l’accueil démarreront quant à eux dès septembre et rendront le jardin inaccessible
aux visiteurs jusqu’à Pâques 2003. C’est donc dès le printemps de l’année prochaine
que nous pourrons de nouveau accueillir nos amateurs de botanique dans les
meilleures conditions.
Rendez-vous est pris !
Michael Likierman, Président de l’Association.
Chasmanthe bicolor,
un bulbe d’Afrique du
Sud naturalisé dans les
sous-bois de Serre.
Photo : B. Bourdeau.
CONSERVATOIRE DU LITTORAL
L’Amaryllis belladonna,
une des vedettes de Serre
en fin d’été
Photo : B. Bourdeau.
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Carnet de jardin
Ça s’est passé hier...
Casa Rocca à ciel ouvert !
◗ Site Internet " version anglaise " :
Photos : B. Bourdeau
Grâce à la participation bénévole très
précieuse de notre adhérent-traducteur
Monsieur Martin Smith, la version anglaise
du site www.serredelamadone.com est mise
à jour et disponible.
Vincent Labeyrie
◗ Une équipe qui s’agrandit :
Depuis le 17 juin, un nouveau salarié,
jardinier-passionné de plantes, vient
d’être embauché au sein de l’équipe.
Vincent Labeyrie, originaire de Bretagne,
est venu profiter du soleil mentonnais à
l’ombre des arbres de Serre…
Les rendez-vous
de demain...
◗ Documentaire en perspective :
Le week-end du 18 et 19 juin, Serre de la
Madone a accueilli une équipe de tournage
de France 3 Rhône-Alpes. Sur le thème des
jardins azuréens, deux courts reportages
vont être réalisés et transmis sur la chaîne
nationale en cette fin d’année (voir article
ci-dessous).
L’équipe de France 3 en plein tournage
◗ Les voisins en visite :
Organisée chaque année, la visite de découverte du patrimoine de
Serre de la Madone, adressée aux voisins proches, s’est déroulée dans
la matinée du 29 juin. Suite au mauvais temps survenu à la première
date d’invitation, une seconde visite a été mise en place et a ainsi
permis de recevoir des voisins enchantés…
◗ Un article remarquable :
Le mensuel “Connaissance des Arts” a édité, sous la plume de Sylvie
Blin, un article fort intéressant dans son numéro daté de juin.
Par Louis-Gabriel Peynichou,
réalisateur de films documentaires
otre
histoire
commence
quand
Tobias Smolett (17211771), partit de son Angleterre
natale pour s’établir à Nice
durant une année et demie.
N
Il publie à l’issue de ce séjour un
livre, " Travel through France and
Italy ", sorte de monographie un
JARDIN “SERRE DE LA MADONE” - MENTON
peu grincheuse de cette région
qui ne s’appelait pas encore la
Côte d’Azur.
Nous arrivons dans la région de
Menton avec James Henry
Bennet. Un siècle après Smolett,
il effectue un séjour sur la côte
où il écrira en 1861 son ouvrage,
"Winter and Spring on the shores
of the Mediterranean".
ordinaires le seront souvent par
des botanistes originaires du
Royaume Uni, dont le domaine
de Serre de la Madone, aménagé
par le Major Lawrence Johnston à
partir de 1924.
L’enquête préalable à l’écriture
de notre documentaire sur les
jardins anglais de la région de
Menton, nous a amenés, en tout
En 1866, Sir Thomas Hanbury fait
l’acquisition du Palazzo Orengo
à la Mortola, situé à environ
3 kilomètres de la nouvelle
frontière qui sépare la France de
l’Italie naissante.
Photo : B. Bourdeau
Serre de la Madone,
un scénario
Travaux : l’été sera calme :
La chaleur et l’humidité
du climat mentonnais
vont ralentir les travaux
de Serre de la Madone.
En effet, la finalisation de
la tranche de travaux clos
et couverts de la villa
principale et de Casa
Rocca – par la pose de
l’enduit à la chaux - ne
pourra s’effectuer qu’à
partir du mois de
septembre, lorsque les
températures seront plus
favorables au séchage
des matériaux.
D’autres jardins vont être créés à
Menton à la suite de celui de
Thomas Hanbury. Les plus extraLe jardin Hanbury
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L’ e s p r i t d e S e r r e …
On entend souvent au sujet de
ces jardins anglo-méditerranéens une hypothèse : il s’agirait
pour certains anglais, anciens
coloniaux de retrouver les
paysages tropicaux à une
distance
acceptable
de
l’Angleterre.
Serre de la Madone ne s’inscrit
pas tout à fait dans cette vision.
S’il est vrai que le Major
Johnston est allé chercher des
plantes dans le monde entier,
son jardin nous propose un autre
voyage.
Serre de la Madone est conçu
en même temps que les
Colombières. Comme Ferdinand
Bac, le créateur de ce jardin
mythique, Johnston ne nous fait
pas voyager dans l’espace.
Aux tenants du retour aux sources
vers des jardins supposés
authentiquement méditerranéens,
il oppose au voyage dans le
temps un retour vers l’antique,
une sorte de renaissance.
Photo : B. Bourdeau
À l’instar des chefs-d’œuvre de
la renaissance, le jardin du Major
Lawrence Johnston est un rêve,
une vision revisitée des origines
gréco-latines du monde méditerranéen. ◆
Mythiques Colombières...
Le Figuier sycomore
Un arbre
mythique
Par Jean-Michel Olbe,
passionné d’Égypte et de
jardins méditerranéens
armi
l’incroyable
richesse que recèle
Serre de la Madone,
à l’issue d’un parcours sur les
terrasses successives du jardin,
le visiteur découvrira non sans
une certaine curiosité, un petit
arbre niché contre la façade de la
maison principale.
Manifestement, son aspect et
ses fruits évoquent un cousin
très répandu dans la région. Il
s’agit bien d’un figuier mais pas
n’importe quel figuier ! Tout
laisse à penser mais sans certitude absolue que nous sommes
en présence d’un arbre qui a
profondément
marqué
les
débuts des grandes civilisations
proche-orientales : Le Figuier
sycomore. (Ficus sycomorus L)
Un des tout premiers arbres
fruitiers cultivés par l’homme,
cité dans l’Ancien Testament,
le Sycomore a surtout joué un
rôle majeur dans la brillante
civilisation des anciens Égyptiens
autant par son importance économique que par la vénération que
lui vouaient les habitants du
bord du Nil.
Arbre d’ombrage très apprécié
dans un pays écrasé par le
soleil, il offrait des figues en
abondance plusieurs fois par an,
un bois réputé pour sa grande
longévité destiné à la confection
du mobilier, des statues, des
sarcophages et de nombreux
outils d’usage domestique.
Pour la place majeure que ce
grand figuier occupait dans leur
univers quotidien et mythique,
les anciens égyptiens, peuple
très religieux, lui ont attribué
très tôt un caractère divin, la
manifestation des déesses Isis
P
Photo : B. Bourdeau
cas en ce qui concerne Serre de
la Madone, à tourner le dos à
certaines idées généralement
admises.
Ficus sycomorus
et Hathor et ce jusqu’à la fin de
la civilisation pharaonique, c’est
à dire pendant près de 3000 ans !
D’Égypte, il fut introduit en
Palestine par les Hébreux qui
l’utilisèrent
essentiellement
pour son bois et moins pour ses
fruits. Depuis cette époque il est
supplanté
par notre figuier
commun (Ficus carica L) dont les
figues possèdent une meilleure
qualité gustative.
De nos jours, on peut encore
rencontrer le Figuier sycomore
de façon spontanée en Afrique
du Sud, au Kenya et au sud du
Soudan, contrées d’où il est
originaire. Au nord du Soudan,
au Yémen, en Egypte et en
Palestine, pays d’introduction,
sa présence est en régression.
Quelques spécimens poussent
encore en Afrique du nord et
sur certaines îles de la
Méditerranée.
Loin de son Afrique natale, sous
un climat où il a dû difficilement
s’adapter, mais dépositaire
d’un patrimoine historique et
botanique prestigieux, nous lui
souhaitons d’exciter notre curiosité encore longtemps au sein
de ce merveilleux écrin qu’est
Serre de Madone. Par mesure
de sauvegarde, des boutures
ont été réalisées par l’INRA
d’Antibes.
Par ailleurs, un jeune Figuier
sycomore issu de semis certifiés
en provenance d’Afrique du
Sud a récemment été offert au
jardin. Nulle doute que leur
étude comparative permettra
une identification plus certaine.
L’histoire passionnante de cet
arbre va donc vivre un nouvel
épisode ! ◆
JARDIN “SERRE DE LA MADONE” - MENTON
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Témoignage...
Un jardin
citoyen
Par Odile Marcel,
écrivain, professeur de philosophie
à l’université Lyon 3
Le 25 Février 2002
C
her Benoît,
merci de m'avoir conduite
à Serre de la Madone en cette
saison d'hiver qui ressemble
chez vous au début d'un printemps. Les ombres restent
fraîches. Le soleil reprend de la
vigueur, pas assez pour éteindre
la vie végétale, suffisamment
pour la ranimer.
Le jardin a été débarrassé
de ses ronciers et d'une part de
sa végétation folle, on en dirait
le dessin ravivé car on aperçoit
mieux ce fil de petits cailloux
qui bordent les plates-bandes
comme si un semis un peu
joueur, un semis d'aube
commençait tout juste l'histoire
du jardin.
Les taillis qui avaient
envahi l'arrière du palais ont été
éclaircis, vers le sud, à l'endroit
où le major Johnston aménagea
une volière. Pendant sa période
"belle au bois dormant", le
palais reposait au bord d'un
bois, comme perdu dans le rêve
d'une forêt ensauvagée où il
s'était réfugié en attendant des
jours meilleurs.
Actuellement, on l'aperçoit
emmitouflé par une bâche qui
abrite la réfection du toit et des
façades. Il n'apparaît plus,
au sommet de la perspective
verticale du jardin,
pour
donner au domaine une
échelle de grandeur qui
rappelle son passé historique,
- lustre d'antan, raffinement
des aristocraties -, une légende
de prince dont nous viendrions,
en badauds, contempler les
vestiges désertés par les
maîtres.
En
ce
moment, Serre de
la Madone raconte
une histoire de
jardin, de plantes,
d'aménagement
patient, d'imagination, de soin, une
histoire à notre
échelle,
elle
ressemble à celle
de nos vies.
Les visiteurs peuvent
se transformer en émules. Ils
viennent prendre des informations sur les plantes et des
secrets de tour de main, faire
de nouvelles connaissances ou
les agrandir, ce sont des visiteurs férus de botanique et de
voyages, experts dans l'art du
jardinage (tu les surprends
parfois en train de prendre des
boutures).
On voit mieux comment le
domaine est lié à la culture de
tout le monde et à l'activité.
Comment il peut parler à
chacun du présent et du futur,
pas seulement du passé.
Il renvoie chacun à sa
puissance de faire et à
l'apprentissage qui est nécessaire pour asseoir les initiatives
d'aménagement.
Ce jardin retrouve
un avenir parce
qu'il nous aide à
nous projeter dans
le notre.
Je
préfère
cette version du
lieu aux fantasmes
de
la
Belle
Epoque, à ces
histoires surannées
tissées d'or et de
nostalgie. ◆
La fontaine des Daturas
B. Bourdeau
Serre de la Madone
Propriété du Conservatoire
du Littoral
“Mahonia”Lettre trimestrielle
publiée par l’AJSM, ( Association pour la
sauvegarde et la mise en valeur du Jardin
Serre de la Madone)
Jardin historique classé, créé
par Lawrence Johnston en 1924.
Directeur de la publication :
Michael Likierman
74, route de Gorbio
06500 Menton - France
Tél. : (+33) 04 93 57 73 90
Fax : (+33) 06 86 37 91 49
www.serredelamadone.com
ISBN en cours
Réalisation graphique : Dynactis
Impression : Graphic Service,
impression sur du papier recyclable
blanchi sans chlore
Avec le concours de la Ville de Menton, du Conseil Général des Alpes-Maritimes,
de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, du Ministère de la Culture et de la Fondation Electricité de France.
CONSERVATOIRE DU LITTORAL