La route des vins de Provence : une stratégie œnotouristique partagée

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La route des vins de Provence : une stratégie œnotouristique partagée
Territoire
Viticulture
La route des vins de
Provence : une stratégie
œnotouristique partagée
Encore une route des vins ! Oui, sauf que celle qui se met en place en Provence
fait partie de la nouvelle génération des projets œnotouristiques qui anime la filière
viticole. Pas question d’y travailler seul dans son coin et à une échelle invisible pour
le grand public. Ce projet implique les différents acteurs de la filière viticole et du
tourisme, les Chambres consulaires et les collectivités locales qui y trouvent des
intérêts communs.
«
’est quand même incroyable qu’un département comme le Var, tellement touristique
et avec énormément d’offres de produits,
n’arrive pas à communiquer de façon cohérente et
coordonnée vers ses clients ! »
Ce constat, fait lors d’une rencontre des acteurs
de la filière viticole du Var organisée par la Fédération des vignerons indépendants et la Fédération des caves coopératives, le déclic qui amorça
le projet de la route des vins de Provence.
F. Millo - CIVP
C
Le déclic qui reçoit un écho favorable
Ce déclic trouva très vite un écho favorable auprès du Conseil général du Var qui a la volonté
d’améliorer et de clarifier la signalétique routière
et veut profiter de l’occasion pour mieux identifier les projets « Terroir ». Le Conseil général,
via le Comité départemental du tourisme (CDT),
perçoit un besoin fort des acteurs du tourisme
vis-à-vis du monde viticole de monter des produits nouveaux répondant à une forte demande
d’œnotourisme.
Un comité varois de pilotage
de l’action regroupant les acteurs de la filière viticole, le LA FILIÈRE VITICOLE
CDT et le Conseil général est
PROVENÇALE S’ORGANISE
mis en place, animé par la
Chambre d’agriculture. Il dé- POUR PLUS DE VISIBILITÉ.
400 domaines particuliers sont concernés par la démarche.
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La route des vins de Provence : une stratégie œnotouristique partagée
La région PACA produit
4,8 millions d’hectolitres de vin. La moitié
des vignes est dans le
Vaucluse, un bon tiers
dans le Var, 10 % dans
les Bouches-du-Rhône
et le reste dans les
départements alpins.
Grenache noir, Carignan, Syrah et Cinsault
occupent 72 % des superficies, le Grenache
noir couvrant 40 % du
vignoble.
Les vins de Provence :
■ les Côtes de Pro-
vence (AOC, rosés,
rouges, blancs),
■ les Coteaux Varois
en Provence (AOC,
rouges et rosés),
■ les Coteaux d’Aix-
en-Provence (AOC,
rouges, blancs et
rosés). Il existe une
bat de l’idée, regarde ce qui se fait ailleurs, identifie les enjeux et définit les objectifs. Cette coconstruction permet une validation par le monde
viticole et celui du tourisme.
Les viticulteurs du Var n’ont pas attendu cette démarche pour développer leur offre de produits.
Un nombre important de caveaux de dégustation très professionnels existent et cette offre est
complétée par de nombreux circuits de découverte, de guides, d’événementiels.
Le constat est que le marché capté par ces initiatives est actuellement limité par la très faible
visibilité de l’offre. En cause, la non structuration
des offreurs de service et la multiplication d’initiatives non coordonnées car l’activité est très
concurrentielle.
Pour capter un public plus nombreux, et donc
« élargir le gâteau », le projet de La route des
vins de Provence a pour ambition de fédérer les
acteurs pour plus de cohérence d’action et de
communication. Trois enjeux sont identifiés. Il
s’agit, en premier lieu, d’organiser l’offre. Une
fois organisée, elle doit faire l’objet d’une communication globale sur le créneau de l’œnotourisme. La mise en œuvre d’une démarche qualité
développée par les professionnels s’engageant
sur une charte d’accueil constitue le troisième
enjeu.
micro-appellation, Palette (AOC), située aux
portes d’Aix,
■ les vins de Bandol
(rouges en majorité,
rosés, blancs),
■ les vins de Cassis
(blancs dont l’Ugni
blanc,),
■ les Baux de Pro-
vence (rouges et rosés),
■ le Bellet (appellation
niçoise).
La production se répartie entre 400 domaines
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et 50 coopératives.
Des vignes, du soleil et une mer Azur.
F. Millo - CIVP
La viticulture
en Provence
Les vins de Provence hauts en couleurs.
D’un projet varois à une approche
provençale
Compte tenu du fait que les appellations Côtes de
Provence et Coteaux d’Aix-en-Provence concernent aussi les Bouches-du-Rhône, le comité a
proposé aux autres départements de s’associer
au projet. Aujourd’hui, ce sont 8 appellations sur
4 départements (Var, Bouches-du-Rhône, Alpes
de Haute-Provence et Alpes-Maritimes) qui s’intègrent au projet. La maîtrise d’ouvrage est
confiée à la Chambre régionale d’agriculture.
La route des vins peut concerner à terme
400 caves particulières et 50 coopératives. Les
réseaux tels que Découvertes des terroirs, Bienvenue à la ferme, Terroir 13 gardent leur identité
et leur vie propre tout en participant à la démarche d’ensemble.
« Il n’est pas facile de faire travailler ensemble des
domaines privés et des coopératives, le tout articulé avec plusieurs appellations et plusieurs départements » nous précise Eric Altero, de la Chambre
d’agriculture du Var, qui coordonne le projet depuis son début en 2007.
« Se limiter au Var n’aurait pas permis d’atteindre la
visibilité recherchée pour le public qui se joue des
frontières administratives. Ce projet est depuis soutenu par le Conseil régional car il a un caractère régional et il implique fortement le tourisme. Cela ne
simplifie pas le travail de coordination mais cela préfigure l’organisation nouvelle des Chambres d’agriculture souhaitée par la régionalisation. »
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Responsable dans son domaine
d’excellence
Pour qualifier l’offre, l’organiser et la diffuser le projet s’appuie sur un site Internet grand
public qui propose les dernières évolutions de
l’« E-tourisme » telles que la géo localisation,
téléchargement, de parcours sur GPS et à court
terme la version mobile du site avec une application I-Phone. Un touriste ou un tour opérator
peut construire son programme facilement et en
total autonomie.
Le système utilisé est compatible avec le réseau
des CDT et aux normes Tourinfrance. Il permet
aussi aux offices de tourisme de construire des
produits œnotouristiques adaptés à leur territoire, tels que La route des vignobles de Bandol,
et des supports de diffusion plus classiques diffusés par les canaux habituels. La viticulture bénéficie là du savoir-faire et des moyens opérationnels des professionnels du tourisme.
Préalablement à toute adhésion, un technicien
« Route des vins » vérifie si les conditions d’accueil
sont compatibles avec les critères de la charte
(respect des horaires d’ouverture, propreté des
lieux de visite et des abords, affichage clair des
prestations proposées, proposition d’une dégustation sans obligation d’achat…). Il s’assure de
la parfaite adhésion du viticulteur et collecte les
informations pratiques des conditions d’accueil.
Il identifie les pistes d’amélioration et informe le
viticulteur des aides techniques, financières et de
formations adaptées à chaque situation.
La Chambre d’agriculture assure ce travail facilité
par sa connaissance du terrain.
Un prestataire externe sera à l’avenir chargé de
visiter les exploitations adhérentes au réseau et
de vérifier le respect des engagements.
Traduire les valeurs et les spécificités en
images et en mots
L’adhésion permet de bénéficier d’un reportage
photos et d’un travail rédactionnel qui alimente
la base commune. Ils soulignent la spécificité et
les valeurs de chaque adhérent pour les traduire
en images et en mots évocateurs, reflétant la réalité et informant avec justesse le client. Un travail professionnel qui est une des contreparties
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Le rosé de Provence : la tendance du moment.
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La route des vins de Provence : une stratégie œnotouristique partagée
Le vignoble
du Luberon aimerait
exister entre
la Provence
et le Rhône
Le Vaucluse n’a pas
suivi cette démarche
car son vignoble s’apparente plus aux appellations de la vallée
du Rhône. Milène Morel, chargée de mission Agriculture au
Parc Naturel Régional
du Lubéron nous précise que ce territoire
est « partagé entre le
de l’adhésion annuel au réseau, qui elle, coûte
200 €.
A terme, un programme complet de mise en
place d’une signalétique « Route des vins » est
prévu. Un travail de définition de ce volet est en
cours avec les services « Routes » du Conseil général du Var. Les premiers contacts sont pris avec
les Conseils généraux des autres départements
partenaires visant à une bonne coordination des
actions de signalétique.
Le Comité Interprofessionnel des Vins de Provence, membre du comité de pilotage, affiche
un soutien fort à ce projet. Il vient de créer un
poste de chargé de mission « Tourisme vigneron » impliqué dans le plan de communication
visant le grand public mais aussi les professionnels du tourisme.
Vaucluse et les Alpes
de Haute-Provence
et entre la vallée du
Rhône et la Provence,
mais son vignoble est
rattaché à la vallée du
Rhône. Nous aimerions que le public
associe le Luberon à
sa production viticole
comme c’est le cas
L’interdépendance permettra d’évoluer
« Nous croyons beaucoup au partenariat, précise
Eric Altero, Il n’y a pas de visite, ni d’adhésion
sans que l’office de tourisme du secteur n’en soit
informé. C’est la condition pour que les acteurs locaux s’approprient la démarche et la fassent vivre à
leur échelle. La Route des vins de Provence est aujourd’hui sur des rails solides. L’autonomie du projet
est possible avec 300 adhérents, nous en avons aujourd’hui
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bale du projet. C’est le prix à payer car aucun des
acteurs ne peut faire ce travail seul. Nous sommes
interdépendants et la solidité du projet demande
beaucoup de communication interne ce qui a aussi
un coût. Cette interdépendance permettra au projet
d’évoluer et au monde viticole d’occuper une place
dans l’agritourisme. Une place particulière qui doit
garder son côté mystérieux, culturel, avec un art de
vivre particulier et une certaine noblesse. »
Tout en gardant l’esprit gaulois, cher à chaque
appellation ou caveau, les viticulteurs engagés
dans la Route des vins de Provence ont su, avec
ce projet, faire alliance autour de l’idée que
l’union fait la force.
Chacun existe avec ses particularités, mais un air
de famille, un lien, unit les acteurs de ce projet
autour de valeurs partagées et si possible ajoutées ! C’est une vitrine commune qui comme le
soleil de Provence doit attirer plus de clients et
contribuer à la réussite de leurs séjours. ●
Thierry Pons,
Ingénieur référent Trame Provence-Alpes-Côte d’Azur
POUR EN SAVOIR PLUS
● Eric Altero, chef de projet - Chambre d’agriculture du Var - [email protected] www.la-provence-verte.net/route-des-vins
pour d’autres régions.
Le Parc Naturel Régional du Luberon mène
une réflexion sur le
développement de
l’œnotourisme. Nous
regardons avec intérêt cette démarche
pour savoir comment
articuler ces deux approches tout en préservant les particularités de notre territoire
et coller au mieux à
nos besoins et à notre
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volonté. »
La route des vins de Provence est exigeante sur la qualité.
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Viticulture
Témoignage
Réussir à coordonner un projet avec diplomatie »
La mise en place d’un projet multipartenarial comme la
Route des vins de Provence nécessite un engagement
fort sur la durée. Cela fait appel à de véritables qualités
et compétences, d’endurance, d’écoute active, de
diplomatie, d’efficacité dans la prise de décision et
d’une très bonne communication interne.
Témoignage d’Eric Altero, chef de projet de la Route des
vins de Provence.
T.I. : Comment êtes-vous
devenu chef de projet de La
route de vins de Provence ?
Eric Altero : Je travaille à la
Chambre d’agriculture du Var
depuis 5 ans. J’ai en charge le
Territoire Sud du Var, Toulon et
la côte jusqu’à St-Tropez, et j’interviens sur l’ingénierie de projet
sur le département. Avant cela,
je travaillais à l’Agence d’Urbanisme de l’Aire Toulonnaise. De
part ma formation et mes premières expériences professionnelles, j’ai un profil atypique
dans le développement agricole,
cela me permet peut-être d’avoir
une vision différente sur les projets et sur la connaissance des
partenaires.
L’idée de la Route des vins de
Provence est partie du territoire
que j’anime. Il correspond à ma
mission, et c’est naturellement
que j’en ai suivi l’évolution et
le développement au niveau régional, en accord avec mon employeur.
T.I. : Quelles difficultés avezvous surmontées pour mener à bien ce projet ?
E.A. : C’est un travail d’endurance. Dès le départ, je me suis
préparé pour tenir sur une durée longue ! Je suis très attentif et
veille en permanence à la cohésion du groupe de pilotage. Cela
implique une grande diplomatie, une grande écoute dans la
co-construction du projet entre
les partenaires. J’identifie la stratégie et les objectifs de chacun
que je fais connaître et prendre
en compte par tous. Je veille à
ce que personne ne décroche du
projet. Pour cela, je suis attentif
à ce que les rapports de force
soient équilibrés pour que « les
petits » ne se sentent pas intégrés
de force.
Pour ne pas user les acteurs, il est
aussi primordial de ne pas faire
des réunions qui ne servent à
rien. Si les éléments permettant
aux responsables de décider ne
sont pas réunis, il n’y a pas de
réunion.
T.I. : Quelles sont les qualités indispensables pour mener un projet de ce type ?
E.A. : Le chef de projet doit
avoir une forte capacité de
conviction : c’est ce qui me plaît
et que je sais faire. Il faut avoir
une vision précise des objectifs à
atteindre pour tenir le cap et le
rappeler à tous. La légitimité, on
la gagne par l’action menée et
les résultats obtenus.
Mais il est tout aussi indispensable d’avoir un portage politique fort. Depuis le début, c’est
Alain Baccino, le président de la
Chambre d’agriculture du Var,
viticulteur à Pierrefeu, qui porte
le projet. C’est d’ailleurs un des
objectifs forts de son mandat.
T.I. : Quels intérêts professionnels retirez-vous de
votre implication dans ce
projet ?
E.A. : Valoriser mes compétences et mon expérience est
important, et la reconnaissance
des partenaires dans mon rôle
de coordonnateur du projet
est aussi une grande satisfaction. Au-delà, j’ai le sentiment
de répondre à une véritable attente. Je me rends compte que
lorsque l’on se donne le temps
de construire sur la durée, on arrive à mobiliser les acteurs et les
moyens de mener à bien un gros
projet.
Le fait de faire travailler ensemble des mondes différents
est intéressant. Dans un projet
avec beaucoup de partenaires,
chacun a autant de valeurs que
l’autre, il n’y a pas de classement. C’est un des points forts
qui anime l’esprit du projet. ●
Propos recueillis par Thierry Pons
Ingénieur référent Trame
Provence-Alpes-Côte d’Azur
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La filière viticole
de Provence génère
20 000 emplois.
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