une analyse du traitement du surendettement des particulier
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Plans de redressement et procédures de rétablissement personnel : une analyse du traitement du surendettement des particuliers♣ Janvier 2010 Cécile Bourreau-Dubois*, Bertrand Chopard♦* et Ydriss Ziane* Résumé Dans cet article, nous proposons une analyse des principaux modes de traitement des situations de surendettement rencontrées par les ménages français. Notre objectif est de mieux comprendre les incitations possibles des débiteurs en matière de choix de procédures dans un contexte juridique complexe. Nous focalisons notamment l’attention sur les paramètres fondamentaux qui justifient le recours, soit à la procédure conventionnelle sous la forme d’un plan de redressement, soit à la procédure de rétablissement personnel en vigueur depuis 2003 et pouvant conduire à un effacement total du passif des ménages jugés recevables. Ce travail est illustré par des observations spécifiques issues d’une base de données originale de 4 200 jugements rendus par des tribunaux français sur le sujet entre 2003 et 2005. Abstract (Title: French Personal bankruptcy law: a comment on its use) This article deals with the French personal bankruptcy law, in particular with the debtors’ incentives to file for bankruptcy in such a quite complex legal system. More precisely, we study the arbitration between the conventional procedure in the form of a reorganization plan, and the procédure de rétablissement personnel based on a 100% debt clearing. We illustrate our analysis with specific observations resulting from an original database of 4200 French Courts decisions between 2003 and 2005. Mots-clés: surendettement des ménages, plan de redressement, procédure de rétablissement personnel, commission de surendettement, juge de l’exécution. Classification JEL: K35, D14, K40. ♣ Cette contribution s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherches intitulé « DETTES » (Droit et Economie : le Traitement Théorique et Econométrique du Surendettement). Ce dernier a reçu un soutien financier « jeunes chercheurs » de la part de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et une subvention du Conseil Régional de Lorraine, nécessaires à l’exploitation des données. Les auteurs remercient ces partenaires ainsi que Monsieur Jean-Louis Kiehl, Directeur de l’Association CRESUS Alsace (www.cresusalsace.org) et Monsieur Eric Sander, Secrétaire Général de l’Institut du Droit Local Alsacien-Mosellan (www.idl-am.org) pour leur aide. De même, que soit remerciée Hamida Nasr pour sa contribution majeure à la création de notre base de données. * Cécile Bourreau-Dubois et Bertrand Chopard sont maîtres de conférences de Sciences Economiques à la Faculté de Droit, Sciences Economiques et Gestion de l’Université Nancy 2 et chercheurs au Bureau d’Economie Théorique et Appliquée (BETA), unité mixte de recherches du CNRS commune aux Universités de Strasbourg et de Nancy 2. Ydriss Ziane est maître de conférences en Sciences de Gestion à l’IAE de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et membre du Groupe de Recherche en Gestion des Organisation (GREGOR). ♦ Auteur de correspondance : Faculté de Droit, Sciences Economiques et Gestion, 13 Place Carnot, C.O. n°26, 54035 Nancy cedex, France. Tel.: +33(0)3 54 50 43 55 / e-mail : [email protected]. 1 Plans de redressement et procédures de rétablissement personnel : une analyse du traitement du surendettement des particuliers Janvier 2010 Résumé Dans cet article, nous proposons une analyse des principaux modes de traitement des situations de surendettement rencontrées par les ménages français. Notre objectif est de mieux comprendre les incitations possibles des débiteurs en matière de choix de procédures dans un contexte juridique complexe. Nous focalisons notamment l’attention sur les paramètres fondamentaux qui justifient le recours, soit à la procédure conventionnelle sous la forme d’un plan de redressement, soit à la procédure de rétablissement personnel en vigueur depuis 2003 et pouvant conduire à un effacement total du passif des ménages jugés recevables. Ce travail est illustré par des observations spécifiques issues d’une base de données originale de 4 200 jugements rendus par des tribunaux français sur le sujet entre 2003 et 2005. Abstract (Title: French Personal bankruptcy law: a comment on its use) This article deals with the French personal bankruptcy law, in particular with the debtors’ incentives to file for bankruptcy in such a quite complex legal system. More precisely, we study the arbitration between the conventional procedure in the form of a reorganization plan, and the procédure de rétablissement personnel based on a 100% debt clearing. We illustrate our analysis with specific observations resulting from an original database of 4200 French Courts decisions between 2003 and 2005. Mots-clés: surendettement des ménages, plan de redressement, procédure de rétablissement personnel, commission de surendettement, juge de l’exécution. Classification JEL: K35, D14, K40. 2 Introduction Depuis la création en France, par la loi n°89-1010 du 31 décembre 1989, dite « loi Neiertz », d’un dispositif juridique organisé de traitement des situations de surendettement rencontrées par des débiteurs personnes physiques non commerçants, de nombreuses évolutions législatives ont été nécessaires pour tenter de contenir un phénomène de plus en plus important. Si, avant 1989 il n’existait aucun mode organisé de traitement collectif du surendettement des particuliers en France – exception faite du régime de « faillite civile » du droit local d’Alsace et de Moselle –, ce ne sont en effet pas moins de quatre réformes majeures (1995, 1998, 2003, 2005) qui se sont succédées, en une décennie, pour tenter de limiter la croissance continue du nombre de ménages surendettés sur la période. Ainsi, le nombre de ménages surendettés1 ayant déposé un dossier de surendettement auprès des secrétariats des commissions départementales de surendettement, tenus par les services de la Banque de France, est passé de quelque 70 000 ménages en 1995 à près de 118 000 en 1998, puis 165 500 en 2003 pour se stabiliser sous la barre des 190 000 de 2004 à 2008, comme l’indique le graphique 12. Dans les faits, près de 40% de ces dossiers concernent en réalité des particuliers déjà passés par une commission de surendettement (CSUR ci-après), voie d’entrée unique depuis 1995 vers une procédure de règlement amiable ou judiciaire de leurs dettes. Toutefois, la situation actuelle reste particulièrement préoccupante suite aux conséquences de la crise financière née du recours un peu trop facile à la titrisation de créances hypothécaires détenues sur des ménages américains bien plus lourdement endettés. La Banque de France relève ainsi, sur les neufs premiers mois de l’année 2009, une hausse de 17,6% des dépôts de dossiers de surendettement, soit près de 225 000 ménages concernés en fin d’année, avec une proportion très forte de dossiers recevables (cf. graphique 1). Estimé à plus de 840 milliards d’euros fin 2008 (cf. graphique 2), dont 80% de crédits immobiliers et 20% de crédits à la consommation, l’endettement des ménages français n’a cessé de croître de façon marquée depuis le début du siècle pour dépasser la barre des 50% du PIB au cours des derniers mois (49% en juin 2008 contre 51% en juin 2009). Ainsi, l’endettement moyen des dossiers déposés auprès des CSUR a bondi de près de 26% entre 2006 et 2009 pour dépasser 41 500 euros (cf. graphique 3). La France rattrape progressivement son retard en matière de recours à l’endettement de la part des ménages, notamment en comparaison de la situation d’autres économies développées telles que les Etats-Unis, l’Espagne, le Danemark ou les Pays-Bas. 3 Répondant à ce constat d’aggravation de la situation financière des ménages français endettés, le législateur a souhaité, sur la base des « assises régionales du surendettement », établir un projet de loi portant réforme du crédit à la consommation. Actuellement en débat, ce dernier propose notamment de renforcer l’efficacité des mécanismes de traitement du surendettement à travers différentes mesures3. De notre point de vue, ce projet met en avant deux points fondamentaux à la base des présentes réflexions. En premier lieu, il apparaît clairement que les disparités significatives constatées entre les décisions prises respectivement par les CSUR et les juges de l’exécution concernant un même dossier constituent une entrave importante au bon déroulement des procédures de traitement collectif du surendettement. Le cas des ménages propriétaires de leur logement et, à ce titre, régulièrement écartés desdites procédures par des CSUR « influencées par des décisions de tribunaux » (Projet de loi portant réforme du crédit à la consommation, p.2) semble ainsi révélateur pour le législateur. En second lieu, si la conjoncture est indéniablement un facteur explicatif des évolutions du nombre de ménages concernés, il apparaît que le mécanisme de traitement du surendettement lui-même peut influencer directement le nombre de débiteurs à déposer un dossier de surendettement. En effet, on peut penser que la possibilité donnée depuis la loi du 1er août 2003 aux débiteurs surendettés d’effacer leur passif, sous réserve de liquidation de leur patrimoine, dans le cadre d’une procédure de rétablissement personnel (PRP par la suite) diligentée par les tribunaux d’instance, renforce l’incitation à déposer un dossier de surendettement. Cette procédure est venue compléter le dispositif existant formé par des plans de redressement (PRED ci-après) n’offrant pour leur part que la possibilité d’un effacement partiel des dettes proposés par les CSUR. Il est également nécessaire de souligner que la montée du surendettement des ménages français s’accompagne d’un accroissement du surendettement passif – soit une réduction de ressources consécutive à un accident de la vie (perte d’un emploi, maladie, séparation)4 – et d’une augmentation de l’endettement moyen des ménages, notamment en matière de crédits à la consommation (cf. graphiques 1 et 2). Dans les présents développements, sur la base du cadre d’analyse proposé par White (2006) dans le cas américain, nous examinons le mécanisme français de résolution du surendettement des particuliers. En mettant en évidence les variables clés caractérisant les différentes procédures et leurs effets sur les décisions des débiteurs en difficulté, notre article permet d’éclairer la décision publique en matière de réforme du traitement du surendettement des ménages. Il constitue également un apport du point de vue empirique puisque nos discussions s’alimentent notamment de l’exploitation 4 ciblée d’une base de données originale construite spécifiquement se composant de plus de 4 200 jugements de PRP rendus par des tribunaux français entre décembre 2003 et juillet 2005 (cf. encadré 1). Par souci de clarté, nous dissocions dans un premier temps, d’un côté, l’analyse de l’attractivité du PRED et de la PRP auprès des débiteurs en difficulté (section 2) et, de l’autre, la sélection opérée par les CSUR et les tribunaux d’instance au moment de l’analyse des demandes d’accès des débiteurs à ces deux procédures (section 3). Dans le premier cas, nous supposons que chaque débiteur en difficulté compare le gain attendu associé à chaque procédure, compte tenu de son revenu, de son patrimoine et de son passif. Dans le second cas, nous évaluons les risques associés à la restriction de l’accès aux procédures de traitement du surendettement résultant de l’application/interprétation des notions juridiques de surendettement, de situation irrémédiablement compromise et de bonne foi, respectivement. Au total, nous cherchons à évaluer les déterminants du recours par les débiteurs en difficulté aux procédures de traitement collectif du surendettement. Cette première étape nous permet ensuite d’identifier, dans un second temps, les effets attendus du traitement du surendettement, de manière agrégée, sur l’endettement et le pouvoir d’achat des ménages (section 4). Nous envisageons ainsi comment les procédures peuvent influencer les comportements des débiteurs et des créanciers, que ce soit ex ante (en amont des difficultés financières) ou ex post (en aval du traitement du surendettement). En d’autres termes, nous adoptons une vision dynamique du traitement du surendettement des particuliers afin de cerner ses effets principalement sur le marché du crédit. 2. Les choix du débiteur en difficulté financière Nous étudions dans cette section l’ensemble des opportunités dont disposent les débiteurs faisant face à des difficultés de remboursement de leurs dettes échues, égales à D, à partir de leur richesse actuelle constituée de leurs revenus et de leur patrimoine5. Plus précisément, D est constituée du principal, des intérêts, voire des pénalités de retard de paiement le cas échéant6. Dans le cadre de législation française actuelle, trois options s’offrent au débiteur pour résoudre ses difficultés financières. La première, que nous appellerons le régime de statu quo, consiste à (essayer de) respecter ses engagements financiers à partir de ses revenus futurs et de son patrimoine. Dans ce cadre, le débiteur pourra éventuellement tenter de renégocier son passif directement avec ses créanciers. Nous écartons de l’analyse cette stratégie de renégociation privée de manière à focaliser notre attention sur les mécanismes collectifs de 5 traitement du surendettement. Les deux autres options possibles pour le débiteur sont donc d’une part, le recours à un plan de redressement (PRED) et, d’autre part, le recours à une procédure de rétablissement personnel (PRP) (cf. encadré 2 pour une présentation de ces deux procédures). Dans les faits, on compte en 2009 plus de deux PRED conventionnels conclus par les CSUR pour une seule orientation vers la PRP, sachant que, par ailleurs, le nombre d’orientations vers une PRP a été multiplié par quatre depuis 2006 (cf. graphique 3). Nous considérons ici que, pour éclairer son choix entre ces deux options, le débiteur fait le point sur ses revenus futurs (salaires, retraites, pensions et allocations diverses - chômage, logement et familiale) et sur son patrimoine présent composé d’actifs financiers, mobiliers et immobiliers et notamment de son épargne. En outre, nous raisonnons dans un cadre d’information parfaite. Par conséquent, le débiteur et toute tierce partie intervenant dans le cadre du traitement du surendettement observent les réalisations des deux variables précédentes. Cette hypothèse nous permet de rendre compte de l’audit réalisé tant par le débiteur que par les organes collectifs de traitement du surendettement, c’est-à-dire les CSUR et les tribunaux d’instance lors de la sélection des débiteurs à l’entrée des procédures de traitement du surendettement (cf. encadré 2). Dans la section 4, nous discuterons des effets liés à la présence d’asymétries d’information entre les parties prenantes au surendettement. En effet, dans ce cas, le traitement du surendettement aura des effets à la fois ex ante et ex post sur les ménages surendettés et leurs créanciers. Enfin, pour rendre compte des options qui s’offrent aux débiteurs, nous procédons en deux temps. En premier lieu, nous considérons que le choix entre les différentes options peut être analysé comme un simple arbitrage entre le régime de statu quo et le traitement du surendettement, que ce soit via un PRED ou une PRP (section 2.1). En second lieu, nous tenons compte du fait que, dans l’arbitrage du débiteur, les deux mécanismes collectifs de traitement du surendettement peuvent être mis en concurrence, PRED versus PRP (section 2.2). 2.1. Le recours à un mécanisme collectif de traitement du surendettement Nous étudions dans un premier temps le choix du débiteur de déposer un dossier de surendettement auprès d’une CSUR en vue de bénéficier d’un PRED. A cet effet, nous supposons que deux variables résument les caractéristiques de cette procédure. La première concerne les remises de dette, la réduction ou suppression du taux d’intérêt, les délais de paiement négociés ou imposés. Ce montant d’effacement partiel du passif du débiteur est noté DPRED, avec DPRED < D. La seconde variable déterminante lors du recours aux CSUR est le 6 reste à vivre calculé, à cette occasion, par les commissions7. Dans le cadre des PRED, les commissions prévoient que les débiteurs remboursent une partie du passif égale à D – DPRED à partir de leurs revenus futurs égaux à E. La valeur de E est égale à la somme actualisée des revenus futurs du débiteur perçus au cours de la période d’exécution du PRED. A cet égard, les CSUR ne sont pas libres de ponctionner totalement les revenus futurs du débiteur en vue d’apurer le passif. En effet, la loi les oblige à fixer un niveau de reste à vivre (noté x par la suite) dont la valeur minimale est égale au montant du revenu minimum (soit environ 450 €), majoré de 50% s’il s’agit d’un couple. Notons tout de même que les CSUR détiennent un pouvoir discrétionnaire en la matière8. En d’autres termes, nous considérons que le débiteur tient uniquement compte de la part des revenus futurs qui pourront servir à l’apurement du passif, ce dernier étant limité dans le temps par l’échéance du PRED [52% des plans ont une durée initiale de moins de 5 ans en 2007, de 5 à 8 ans dans 27% des cas et de plus de 8 ans dans 21% des cas, d’après la Banque de France (2008)]. Sous ces hypothèses, un débiteur dépose un dossier de surendettement (au lieu de respecter ses engagements financiers à partir de ses revenus futurs et de son patrimoine) si : E–D+W min{x,E} + W – CPRED – (D – DPRED) (1) où W est le patrimoine du débiteur et CPRED le coût privé de la procédure de redressement, c’est-à-dire le coût supporté par le débiteur. Ce coût englobe à la fois les frais directs (frais d’avocat, frais d’assistance par une association en charge du suivi du débiteur, frais de la procédure elle-même mais aussi le désagrément causé par la durée de la procédure) et les frais indirects (désagréments engendrés par l’inscription au fichier des incidents de paiement et l’interdiction bancaire éventuelle, impossibilité de bénéficier d’un second effacement partiel au cours des 8 années qui suivent la mesure, voire le préjudice moral et social supporté par le débiteur). En outre, nous supposons DPRED > CPRED : le bénéfice retiré de l’effacement partiel des dettes dans le cadre du PRED dépasse les coûts de la procédure de redressement supportés par le débiteur. D’après l’inégalité (1), il apparaît donc que les débiteurs pour lesquels E < x, soit ceux pour lesquels il n’est pas possible de ponctionner leurs revenus futurs afin d’apurer le passif, optent pour un PRED. Ensuite, les ménages pour lesquels x < E < E1, avec E1 = x – CPRED + D, déposent également un dossier de surendettement alors qu’ils dégagent une capacité de remboursement positive. Enfin, les ménages tels que E > E1 ne déposent pas de dossier de surendettement auprès de la commission ; leurs difficultés financières sont trop faibles au regard du coût privé associé à leur traitement collectif. Nous étudions maintenant le recours des débiteurs aux PRP. Par rapport au PRED, la PRP introduit une seconde dimension dans l’analyse du traitement du surendettement : le 7 patrimoine des ménages (W). En effet, dans le cadre de la PRP, le tribunal d’instance peut saisir et liquider les actifs des surendettés. Certains biens sont cependant exclus de la liquidation pour éviter les risques de marginalisation du surendetté. Il s’agit des biens dits insaisissables, comme notamment les biens non professionnels indispensables à l’activité professionnelle (véhicule, ordinateur, téléphone)9. Nous supposons ici que les tribunaux d’instance peuvent obtenir, par voie de saisie, une somme égale à W – X, où X est la valeur du patrimoine des débiteurs qui est protégée. Une fois la liquidation de ses actifs opérée10, le surendetté bénéficie d’un effacement total de ses dettes restantes. Dès lors, un débiteur surendetté dépose un dossier de PRP, au lieu de supporter l’apurement de son passif avec son patrimoine et ses revenus futurs, si : E + min{W,X} - CPRP E–D+W (2) avec CPRP, le coût privé d’une PRP supposé inférieur à D. D’après l’inégalité (2), tout débiteur dont le patrimoine est totalement protégé du risque de liquidation par le tribunal d’instance (soit un débiteur tel que W < X) est incité à demander l’ouverture d’une PRP. En revanche, si les débiteurs ont un patrimoine qui peut-être saisi par le juge d’instance (soit si W > X), seuls ceux d’entre eux dont le bénéfice attendu de l’effacement des dettes net des coûts privés de la procédure (D - CPRP) est supérieur à la perte de patrimoine liée à une liquidation judiciaire (W - X) s’engagent dans la voie de la PRP. En d’autres termes, si W > X, seuls les débiteurs dont W < W1, avec W1 = X + D - CPRP privilégient la PRP à la situation de statu quo. 2.2. Plan de redressement ou procédure de rétablissement personnel ? Jusque là, notre raisonnement ne renseigne pas sur l’arbitrage des débiteurs entre les deux procédures collectives de traitement du surendettement. En effet, il peut exister un choix stratégique du débiteur à ce niveau dans la mesure où le « jeu » auquel il participe est en réalité plus complexe que celui illustré ci-dessus. Dans la majorité des situations, ce sont les CSUR qui proposent aux débiteurs soit une orientation vers un PRED, soit vers une PRP. Dans ce dernier cas, l’accord préalable des débiteurs est nécessaire pour rendre effective l’orientation11. Néanmoins ces derniers ont la possibilité de revenir sur ce choix devant le juge de l’exécution lors des deux audiences programmées de la PRP12. Par ailleurs, la loi du 1er août 2003 permet également au débiteur de saisir directement le juge d’exécution pour lui demander l’ouverture d’une PRP13. Autrement dit, le débiteur peut, dans une certaine mesure, 8 choisir entre un PRED et une PRP. Dans ces conditions, nous considérons désormais qu’un débiteur choisit de recourir à une PRP plutôt qu’à un PRED si : E + min {W,X} - CPRP > W - CPRED + min{x,E} - (D - DPRED) (3) où CPRP est le coût privé de la PRP supporté par le débiteur. Nous supposons donc ici qu’un débiteur qui refuse une orientation vers la PRP bénéficiera d’un PRED. Nous supposons également que CPRED > CPRP : la contrepartie associée au bénéfice d’un PRED est supérieure à celle associée à l’effacement total des dettes. La raison semble être la suivante. La PRP est réservée aux débiteurs les plus en difficulté et ne doit donc pas aggraver davantage leur situation financière. Ainsi, alors qu’un débiteur bénéficiant d’un PRED supporte une contrainte financière durant toute la durée de son plan, celui qui bénéficie d’une PRP est libéré immédiatement et totalement de son passif dû. En outre, les débiteurs bénéficiant d’un PRED ne peuvent pas bénéficier d’un second effacement partiel de leurs dettes au cours des 8 ans qui suivent la mesure alors qu’il n’est pas interdit de déposer une seconde demande d’ouverture de PRP. Par ailleurs, la durée maximale de l’inscription au FICP dans le cadre d’un PRED est égale à 10 années, alors qu’elle est fixée à 8 années pour les PRP. En revanche, si le traitement du surendettement par les CSUR est gratuit pour le débiteur, le débiteur peut avoir à supporter des frais s’il recourt à une PRP. Ceux-ci se composent des frais d’établissement du bilan économique et social (200 euros hors taxes), des frais de publicité au BODACC (environ 10 euros hors taxe) et de la rémunération du liquidateur en cas de liquidation (soit 500 euros hors taxes si la valeur de l’actif est inférieure à 1 500 euros)14. Cependant, ces frais peuvent faire l’objet d’un effacement sur décision du juge de l’exécution. D’après l’inégalité (3), il apparaît donc que les débiteurs surendettés dont W < X (quelle que soit la valeur de E, notamment par rapport à x) préfèrent la PRP au PRED. En effet, la perspective d’un effacement total des dettes – sans atteinte au patrimoine des débiteurs (la valeur de celui-ci est trop faible) – l’emporte sur le PRED qui prévoie uniquement un effacement partiel du passif et ceci y compris lorsque l’on tient compte du coût privé de la PRP15. En revanche, pour les débiteurs dont les perspectives de revenus futurs sont les plus faibles (E < x) mais qui possèdent néanmoins un patrimoine (W > X), leur choix de recourir à une PRP dépend uniquement de la valeur de leur patrimoine puisque leurs revenus futurs sont exempts de toute ponction dans le cadre d’un PRED (E < x). Plus précisément, si X < W < W2 = X + (D - DPRED) - (CPRP - CPRED), le débiteur privilégie la PRP au PRED (sachant que E < x) ; alors que si W > W2 le débiteur réalise le choix inverse. Enfin, la stratégie des débiteurs les moins en difficulté, tant au niveau des revenus futurs que du patrimoine actuel (E > x ; W 9 > X), dépend conjointement de la valeur de W et de celle de E. Ceux-ci auront de préférence recours à une PRP si la perte de patrimoine liée à l’ouverture de celle-ci (W - X) nette de la perte de revenu liée à la PRED (E - x) et de la différence de coût entre les deux procédures (CPRED - CPRP), est inférieure au bénéfice lié au supplément d’effacement des dettes lié à la PRP (D - DPRED). En somme, par rapport au statu quo, l’attractivité des PRED repose exclusivement sur E alors que l’attractivité des PRP repose sur W. Lorsqu’on oppose directement le PRED et la PRP, ce sont les valeurs conjointes de E et W qui dictent le choix du débiteur, du moins pour les débiteurs les moins en difficulté (c’est-à-dire ceux pour lesquels x < E < E1 et X < W < W1). Les arbitrages qui viennent d’être discutés sont illustrés dans le graphique 4 ci-après. 10 Graphique 4. Illustration des choix du débiteur en difficulté W PRED statu quo Région 1 PRP Statu quo PRP Statu quo PRED Région 2 W1 PRED PRP PRED PRP Région 3 W2 PRP PRP PRED PRP statu quo PRED Région 4 PRED X PRP PRED x E1 E Note de lecture du graphique 4 : le plan se divise en quatre régions en fonction des valeurs respectives de E et W. La région 3 présente les caractéristiques suivantes. Si E1 > E > x et W1 > W > X alors le débiteur a recours a une PRP si W < E + (X - x) + (D - DPRED) - (CPRP - CPRED). La droite d’équation W = E + (X - x) + (D - DPRED) - (CPRP - CPRED) partage donc la région définie par x < E < E1 et X < W < W1 en deux parties. Nous notons également que cette droite passe par les points (x, W2) et (E1, W1). Par conséquent, en haut de cette droite (dont le coefficient directeur est égal à l’unité et l’ordonnée à l’origine W3 = (X -x) + (D - DPRED) - (CPRP - CPRED), le débiteur choisit de ne pas demander l’ouverture d’une PRP. En dessous de cette droite, le débiteur préfère au contraire recourir à une PRP pour régler ses difficultés financières. Par ailleurs, les limites de chaque région évoluent en fonction des variables qui représentent le traitement collectif du surendettement selon les modalités du tableau 1 suivant : Tableau 1. Evolution des paramètres du graphique 4 x X DPRED CPRED CPRP E1 + . + - . W1 . + . . - W2 . + - + - Notes de lecture du tableau 1 : un signe « + » (respectivement « - ») indique une relation croissante (décroissante) entre la variable en ligne et la variable en colonne. Le signe « . » indique que la variable en ligne est indépendante de la variable en colonne. 11 Le graphique 4 permet de mettre en évidence que le montant du RAV (x) et le niveau de protection du patrimoine des débiteurs dans le cadre des liquidations judiciaires (X) influencent à la fois le choix des débiteurs à se placer sous la protection des procédures collectives et leur choix entre un PRED et une PRP. Décrivons tout d’abord l’effet de x sur les stratégies du débiteur. D’un côté, un accroissement du niveau du RAV (x) réduit directement l’attrait relatif de la PRP par rapport au PRED pour les débiteurs situés dans la région 3. De l’autre, cela conduit également à un accroissement de E1, ce qui renforce l’attractivité du PRED par rapport à la situation de statu quo. L’effet de X est sensiblement différent. Un renforcement de la protection du patrimoine des débiteurs dans le cadre des PRP (ou une hausse de X) renforce à la fois l’attractivité de la PRP vis-à-vis du statu quo (W1 augmente) mais également l’attractivité de la PRP vis-à-vis du PRED (W2 augmente), du moins si les revenus futurs sont suffisamment faibles (E < E1). Il est à noter que d’autres facteurs sont susceptibles de jouer sur les choix des débiteurs. Ainsi, en provoquant une réduction de W2, l’augmentation de la réduction du passif des débiteurs dans le cadre des PRED (DPRED) produira un renforcement de l’attractivité du PRED par rapport à la PRP. Une réduction des coûts privés de chaque procédure, pour sa part, augmentera l’intérêt financier des débiteurs à recourir à chacune d’elles en vue de résoudre leurs difficultés financières (par rapport à la situation de statu quo). En revanche, une baisse proportionnelle des coûts privés n’aura pas d’effet sur le choix du débiteur entre un PRED et une PRP. Seules des variations différentes de CPRED et de CPRP renforcent l’attrait d’une procédure au détriment de l’autre. Par exemple, si CPRED baisse davantage que CPRP alors W2 diminue : le recours aux PRED par les débiteurs situés dans la région 3 devrait augmenter au détriment du recours aux PRP, toutes choses égales par ailleurs. Au total, il apparaît donc qu’une PRP est d’autant moins attractive qu’un PRED que : le niveau du RAV déterminé par les CSUR est élevé et/ou que le patrimoine est peu protégé de l’éventuelle liquidation judiciaire, les perspectives d’apurement du passif par rapport aux dispositions prévues dans le PRED sont modestes, son coût privé relatif est élevé. En d’autres termes, les débiteurs situés dans la région 3 n’ont pas intérêt à demander de façon exclusive l’ouverture d’une PRP ou la mise en place d’un PRED alors même que ces deux solutions sont préférables au statu quo. L’intuition de ce résultat est la suivante. Supposons que W1 = W2, c’est-à-dire DPRED – CPRED = 0. Dans ce cas, il n’existe plus d’arbitrage entre PRED et PRP pour les débiteurs situés dans la région 3 : ceux-ci préfèrent la PRP. En revanche, si DPRED – CPRED > 0 (ou W1 > W2, ce que nous avons admis par hypothèse), l’attractivité de la 12 PRP diminue au profit du PRED par le biais du bénéfice net lié à l’effacement des dettes dans le cadre des PRED (égal à DPRED – CPRED). En résumé, si le législateur cherche à inciter les débiteurs à utiliser les procédures collectives de traitement du surendettement, il dispose de plusieurs leviers d’action. Tout d’abord, une réduction du coût privé CPRED peut augmenter le nombre de dossiers déposés en commission. Cette baisse de CPRED diminuera parallèlement l’attractivité des PRP, sauf à réduire dans une même proportion le coût privé de celle-ci (CPRP). Le projet de loi actuel portant réforme du crédit à la consommation s’inscrit dans ce registre d’actions. En effet, ce projet propose différentes mesures conduisant à jouer sur les coûts, directs et indirects des procédures de traitement du surendettement. Ainsi, la volonté de réduire à 5 ans la durée d’inscription au FICP, pour les PRED comme pour les PRP, soit de réduire CPRED et CPRP, participera à améliorer l’attractivité des procédures collectives de surendettement mais n’aura pas d’influence sur le choix d’une procédure plutôt que l’autre car les coûts seront diminués dans les mêmes proportions. Par ailleurs, le projet de loi prévoit également de réduire les durées des procédures de surendettement. Ainsi, il est envisagé que les CSUR puissent imposer directement, soit sans demander l’aval du juge d’exécution, un rééchelonnement ou une réduction du passif. En particulier il est prévu que ces commissions pourraient proposer directement au juge en charge de la PRP les mesures d’effacement des dettes qui leur semblent opportunes. Il s’agit donc bien ici de réduire CPRP puisqu’en diminuant le coût de l’audit du débiteur dans le cadre des PRP, on réduit la durée même de cette procédure purement judiciaire. Là encore si ces mesures contribuent à réduire dans les mêmes proportions la durée des deux types de procédures, elles favoriseront le recours aux traitements collectifs du surendettement, sans affecter l’attractivité respective des deux procédures. Or, il existe d’autres leviers d’action qui ne sont pas utilisés dans le cadre de ce projet de réforme. En premier lieu, un accroissement du RAV (x) aurait un effet positif sur le nombre de dossiers déposés en commission, tout en réduisant l’attrait de la PRP pour les seuls débiteurs les moins en difficulté. Ensuite, un accroissement de la protection des actifs des débiteurs (en matière de PRP) n’aurait pas d’effet sur le nombre de dossiers en CSUR mais augmenterait l’attractivité de la PRP auprès des débiteurs qui ont d’ores et déjà un intérêt à demander l’ouverture d’un PRED. Par conséquent, l’action du Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ciblée sur le coût privé des deux procédures semble adéquate si son objectif est un accroissement du nombre de dossiers déposés, synonyme d’un recours plus systématique des ménages en détresse financière aux procédures collectives de traitement du surendettement. En revanche, si la réduction des coûts devait avantager les PRED par rapport 13 aux PRP, cela risquerait de réduire l’attractivité des PRP vis-à-vis des PRED, en particulier pour les débiteurs les plus en difficulté (c’est-à-dire ceux situés dans la région 3). Enfin, notre représentation simple permet également de mieux comprendre les tests empiriques disponibles sur les procédures collectives de traitement du surendettement des particuliers, même si celles-ci se focalisent sur la procédure américaine. En premier lieu, selon White (1998b), Fay, Hurst et White (2002), plus la différence entre la valeur de la dette effacée dans le cadre de la procédure (DPRED) et la valeur des actifs liquidés en échange (W X) est élevée, plus les débiteurs sont incités à recourir à cette procédure. Ce premier résultat est le fruit de comparaisons des taux de défaillance des débiteurs entre Etats américains dont les niveaux de protection des actifs des débiteurs en cas de liquidation judiciaire (X) diffèrent. De manière plus fine, si, comme le suggèrent Hynes et Berkowitz (1999), le financement des actifs immobiliers s’accompagne bien souvent d’une prise de sûretés (par exemple, une hypothèque), le traitement de la défaillance est sans effet sur l’actif en question puisque seul le passif libre de sûretés peut faire l’objet de délais de paiement, de remises de dettes ou d’une liquidation judiciaire. De la sorte, cet actif ne devrait pas intervenir dans la décision du débiteur de se placer sous la protection de la loi en vue de résoudre ses difficultés financières. Un dernier résultat empirique met en avant l’effet de la honte16 associée au surendettement sur le taux de recours des débiteurs américains aux procédures judiciaires (Braucher, 1993 ; Gross et Souleles, 2002 ; Athreya, 2004). Ainsi, entendue comme un coût privé indirect, la honte associée au surendettement réduit le nombre de dossiers de surendettement déposés. A l’inverse, la banalisation d’un recours à une procédure de surendettement (estimée par le nombre de dossiers de surendettement déposés dans une même juridiction) augmente le nombre de dossiers déposés, toutes choses égales par ailleurs. 3. L’examen des demandes d’accès aux PRED et PRP Dans la section précédente, nous avons porté notre attention sur le choix des débiteurs de demander soit un PRED soit une PRP. Or, l’accès à ces deux procédures est restreint. D’un côté, seuls les débiteurs en état de surendettement (c’est-à-dire dans l’impossibilité de faire face avec leurs revenus, leur patrimoine mobilier et immobilier à l’ensemble des dettes non professionnelles échues ou à échoir) et de bonne foi seront autorisés à bénéficier d’un PRED. De l’autre, la PRP est accessible uniquement aux débiteurs dont la situation est irrémédiablement compromise (c’est-à-dire en étant de surendettement et pour lesquels un PRED est manifestement impossible) et jugés également de bonne foi. Cette nouvelle 14 contrainte interroge à deux niveaux. Premièrement, comment se situent les filtres relatifs à la nature du surendettement par rapport aux valeurs de E1, W1 et W2 ? Deuxièmement, dans quelle mesure les CSUR et les tribunaux d’instance ont-ils des filtres proches ? Tout d’abord, la notion légale de surendettement qui régit l’accès à la procédure de surendettement stipule que le débiteur est dans l’impossibilité de faire face à l’aide de ses revenus, son patrimoine mobilier et immobilier à l’ensemble des dettes non professionnelles échues ou à échoir, c’est-à-dire E + W < D. Or, E1 + W1 > E1 + W2 > D. Cela signifie donc qu’une partie des débiteurs qui ont un intérêt financier à bénéficier soit d’un PRED, soit d’une PRP n’auront pas accès à l’une ou l’autre des deux procédures. Les mesures de redressement sont réservées aux débiteurs les plus en difficulté, ce qui pose la question de l’assouplissement des conditions d’accès aux procédures de traitement du surendettement. Ainsi, le récent projet de loi précédemment évoqué s’appuie notamment sur le fait que les débiteurs surendettés possédant un patrimoine (W positif) se voient régulièrement écartés de l’accès aux PRED par les CSUR pour ce motif. Ensuite, parmi les débiteurs surendettés (c’est-à-dire ceux pour lesquels E + W < D), seuls ceux dont la situation est jugée irrémédiablement compromise tant par la CSUR (si le débiteur a préalablement adressé une demande d’ouverture d’une procédure de surendettement) que par le tribunal d’instance auront accès à une PRP, sous réserve de respecter le critère de bonne foi. Or, les tribunaux d’instance peuvent avoir une appréciation de la situation irrémédiablement compromise d’un débiteur, comme du caractère de bonne foi de ce dernier, bien différente de celle des CSUR qui leur envoient les dossiers. Dans ce cas, cela a pour effet le renvoi de débiteurs surendettés devant les CSUR par les tribunaux d’instance alors que ces débiteurs ont été dirigés vers les PRP par ces mêmes CSUR. Les débats relatifs à la prochaine réforme sur le sujet soulignent ces difficultés dans le cas spécifique des ménages propriétaires de leur résidence. L’ampleur de ce phénomène est importante puisque, d’après nos investigations empiriques, une demande de PRP sur trois (33,3%) est refusée par les juges de l’exécution (cf. encadré 1) et même deux sur trois (63,2%) dans le cas des ménages propriétaires de leur habitation. On peut alors naturellement s’interroger sur le motif principal de divergence entre l’instance administrative (la CSUR) et l’instance judiciaire (le tribunal), toutes deux décisionnaires dans la plupart des cas. Les débiteurs sont-ils réorientés par les tribunaux vers les CSUR parce que jugés de mauvaise foi ou bien parce que leur situation est considérée comme non irrémédiablement compromise ? S’il n’existe pas de définition officielle de la bonne foi, plusieurs courants de natures procédurale, contractuelle ou jurisprudentielle peuvent toutefois permettre de dire que celle-ci 15 constitue « une règle permanente de conduite qui exige des sujets de droit une loyauté et une honnêteté exclusive de toute intention malveillante » (Chatain et Ferrière, 2006 ; p.35). Appréciée par les CSUR et les tribunaux selon un faisceau de critères (élément intentionnel et rôle du préteur, notamment), la bonne foi du débiteur est donc présumée par défaut et il appartient à qui la conteste d’en détruire la présomption. Intertemporelle, puisque son examen porte aussi bien sur le moment du dépôt du dossier de surendettement que sur les faits ayant conduit au surendettement (signature des contrats de prêts), son appréciation doit être individuelle (même dans le cas de deux concubins ou époux) mais n’est toutefois pas définitive puisque, chose rare, l’autorité de la chose jugée reste relative et la bonne foi du débiteur doit faire l’objet d’un réexamen lors de toute nouvelle demande. L’exploitation des données originales issues des 4 221 jugements analysés (cf. encadré 1) montrent que près de 83% des rejets d’ouverture de PRP résultent du motif de la situation non irrémédiablement compromise du débiteur, ceci en raison principalement de revenus et/ou d’un patrimoine trop élevés (27%), de perspectives futures d’emploi (18%) et d’amélioration possible des revenus (15%). Une autre raison du refus, par ordre d’importance, est la jeunesse du débiteur (8,8% des demandes de PRP refusées). En revanche, l’absence de bonne foi du débiteur ne concerne que 4,2 % des rejets d’ouverture de PRP. D’après la jurisprudence, confirmée par l’analyse de nos données (cf. encadré 1), la justification de la mauvaise foi du débiteur repose en premier lieu sur le surendettement actif des débiteurs (endettement volontaire, recours à des crédits supplémentaires au cours même de la procédure classique de surendettement, déconfiture volontaire, dépenses superflues ou somptuaires, gestion irresponsable). La seconde justification renvoie à des comportements illégaux (déclarations mensongères faites aux créanciers, à la CSUR ou au juge, malversations ou détournements, chèques sans provisions). Au total, près de 30%17 de l’ensemble des demandes de PRP observées par nos soins entre les mois de décembre 2003 et de juillet 2005 sont écartées au titre d’une situation non irrémédiablement compromise. Pourtant, les CSUR ont préalablement jugé la situation de ces mêmes débiteurs irrémédiablement compromise. L’évaluation de la situation financière des débiteurs diffère donc très sensiblement entre les CSUR et les juges de l’exécution des tribunaux d’instance, ces derniers se révélant à l’évidence bien moins cléments à l’égard des surendettés. Un renforcement du poids des CSUR dans le processus de décision d’effacement total des dettes devrait donc augmenter significativement la probabilité d’apurement des dettes des débiteurs surendettés. 16 4. La dynamique complexe du surendettement L’analyse menée jusqu’à présent nous a permis de rendre compte des choix du débiteur surendetté en information parfaite et de manière statique. Or, le traitement du surendettement (X, x, DPRED, CPRED et CPRP) a une influence à la fois avant et après le traitement des difficultés financières du débiteur. En d’autres termes, le traitement du surendettement influence D, c’est-à-dire à la fois l’offre et la demande de crédits (section 4.1). Le traitement du surendettement influence également E, c’est-à-dire l’évolution des revenus futurs du débiteur à l’issue de la mise en œuvre du PRED ou de la clôture de la PRP, et W la valeur de son patrimoine (section 4.2). 4.1. Droit, coût et rationnement du crédit Pour enrichir la discussion précédente, nous pouvons supposer que les paramètres x et X influencent le coût du crédit (D) de la manière suivante18. Plus la loi relative au traitement du surendettement est clémente à l’égard du débiteur (en augmentant par exemple le niveau du RAV (x) ou en protégeant les actifs du débiteur d’une éventuelle liquidation (X)), plus le taux de recouvrement des banques diminue dans le cadre des défaillances. Les banques répercutent alors ces pertes sur le prix pratiqué aux consommateurs, la prime de risque augmente. Au delà de ce premier effet sur le taux de recouvrement des créances, une hausse du RAV (ou x) augmente également, toutes choses égales par ailleurs, le taux de recours des débiteurs aux CSUR (E1 augmente). En revanche, le taux de recours des débiteurs à une PRP (parmi les débiteurs placés en commission) diminue si le niveau du RAV augmente. L’effet de x sur les pertes anticipées des créanciers est donc ambigu. Certes, d’une part, le taux de recouvrement des créances dans le cadre des plans de redressement diminue et, d’autre part, le nombre de dépôts de dossiers de surendettement augmente, mais la part des débiteurs dont l’effacement des dettes sera total (et donc supérieur à celui obtenu dans le cadre des plans de redressement) diminue. A l’inverse, l’effet attendu de X sur le coût du crédit est non ambigu. Tout accroissement de X renforce l’attractivité de la PRP auprès des débiteurs vis-à-vis du statu quo (la région 3 augmente au détriment de la région 1 sur le graphique 4). En revanche, ce changement n’a pas d’incidence sur le choix stratégique entre PRED et PRP (l’effet de X sur W1 et l’effet de X sur W2 sont identiques). Néanmoins, si les débiteurs ne peuvent pas prétendre directement à l’ouverture d’une PRP (c’est-à-dire sans passer par les CSUR), toute variation de X renforce l’attractivité de la PRP au détriment des PRED, sans modifier 17 l’attractivité directe des PRED (E1 est indépendant de X). Cette augmentation de la part de débiteurs en PRP suffit à augmenter D ex ante. En résumé, tout accroissement de X entraîne une hausse du coût du crédit ex ante. En revanche, un accroissement de x entraîne une hausse du coût du crédit uniquement si la perte des créanciers associée à la hausse du nombre de dossiers en CSUR dépasse le bénéfice attendu au moindre recours de ces derniers à une PRP (nous supposons que c’est le cas dans le reste du papier). Dès lors, dans la mesure où les seuils W1 et W2 sont eux-mêmes positivement corrélés à D (et donc à l’effet indirect de x et X), tout accroissement de D renforce l’attractivité de la PRP (la répartition entre PRED et PRP est modifiée). Cependant, nous pouvons également supposer que les pertes supportées par les établissements de crédit entraînent un rationnement du crédit de leur part. Dans ce cas, l’ajustement se réalise par les quantités : D diminue. Soit les banques rationnent le crédit, soit les banques se protègent davantage en augmentant le niveau des garanties. En effet, seul le passif non garanti peut faire l’objet d’un effacement, même si une suspension provisoire des poursuites peut être prononcée par le tribunal d’instance à l’égard des créanciers garantis. Dans ce cas, les commentaires précédents sont totalement inversés. Au final, quel effet l’emporte, prix ou quantité ? Au vu des taux d’intérêt élevés pratiqués dans le cadre des crédits renouvelables et autres réserves d’argent, on peut penser que les établissements de crédit augmentent davantage la prime de risque qu’ils ne limitent l’accès au crédit. A l’inverse, Musto (2004), Filer et Fisher (2005, 2007) arguent empiriquement que les débiteurs américains qui ont fait l’objet d’une procédure collective de traitement du surendettement ont ultérieurement un accès au crédit plus limité. Enfin, Gropp, Scholz et White (1997) démontrent que les débiteurs américains, qui résident dans les Etats où les niveaux de protection des revenus futurs (x) et du patrimoine (X) sont les plus élevés, ont un accès plus difficile au crédit (notamment s’ils n’ont pas d’actifs à proposer en garantie) et supportent des taux d’intérêt plus élevés. En réalité, les établissements de crédits ajusteraient donc à la fois prix et quantité du crédit aux contraintes règlementaires en matière de surendettement. Comment expliquer alors la stratégie mixte des établissements de crédit en la matière ? On peut supposer que la stratégie des créanciers dépend de la structure du marché du crédit. En situation de concurrence imparfaite, le profit économique des banques étant positif, y compris sur les ménages les plus risqués, les banques vont davantage augmenter leurs prix que réduire l’accès au crédit (le prix étant néanmoins plafonné par le taux d’usure). Logiquement, certains établissements de crédit vont se spécialiser dans le marché des clientèles risquées. A l’inverse, plus la concurrence est forte entre les établissements de crédit, 18 plus les perspectives de profit diminuent, entraînant ainsi un rationnement du crédit. Le prix étant moins une variable d’ajustement, les établissements de crédit ajustent la quantité de crédit distribuée ou le niveau des garanties associées aux créances. 4.2. Droit et comportement opportuniste des débiteurs L’apurement du passif d’un débiteur nous interroge également sur les comportements opportunistes éventuels des débiteurs. Tout d’abord, l’effacement des dettes n’est pas « gratuit ». Le débiteur est inscrit au fichier des incidents de paiement, il supporte des interdits bancaires, voire une liquidation judiciaire d’une partie de son patrimoine. Néanmoins, la littérature financière d’origine anglo-saxonne met en avant les risques associés à l’opportunisme des débiteurs, en soulignant qu’une utilisation opportuniste des procédures de traitement du surendettement gonflerait le nombre de dossiers déposés par les débiteurs (White, 1998a, 1998b, 2006). Un débiteur pourrait ainsi se dessaisir d’une partie de ses actifs de manière à se retrouver dans une situation irrémédiablement compromise (le ménage diminue volontairement W) et profiter de l’effacement des dettes sans supporter la liquidation de son patrimoine (W < X). Un débiteur pourrait également accumuler des crédits à la consommation de manière à aggraver sa situation financière (le débiteur augmente D). Selon Gropp, Scholz et White (1997), plus la loi protège le débiteur (aux dépens du créancier), plus la demande de crédits augmente. Le débiteur s’endette davantage en raison de l’assurance d’une réduction de la variance de sa consommation future. Mieux, ces crédits pourraient également servir, par le biais d’un effet de levier, à rembourser les crédits garantis dont les actifs financés sont protégés des effets des procédures collectives de traitement du surendettement. Enfin, certains débiteurs américains choisiraient l’Etat dans lequel ils résident en fonction des caractéristiques de la procédure de traitement du surendettement, encourageant ainsi le législateur à soumettre chaque débiteur aux dispositions du droit en vigueur dans l’Etat où il résidait trois années auparavant. En France, nous l’avons vu précédemment, la principale limite à l’opportunisme des débiteurs est le critère juridique de bonne foi, laissé à l’appréciation de la double tutelle des CSUR et des tribunaux. Ensuite, le traitement du surendettement peut également avoir des effets indésirables sur l’évolution des revenus futurs des débiteurs (E) de deux manières. Tout d’abord, plus le montant du RAV (x) est élevé, plus les revenus du débiteur sont protégés dans le cadre d’un éventuel PRED. Par conséquent, lors de l’exécution du PRED, le débiteur serait incité à 19 réaliser un effort en matière d’activité professionnelle qui lui permette d’atteindre uniquement (voire de baisser son revenu jusqu’à atteindre) E = x. En d’autres termes, une protection trop forte des revenus des surendettés déprimerait leur incitation à augmenter la rémunération de leur travail (White, 1995). Le droit français, en fixant le montant du RAV à des niveaux proches de ceux du revenu minimum, aurait donc un effet négatif sur l’évolution de E qui serait d’autant plus fort que la durée des PRED est longue [près de 8 ans en moyenne d’après la Banque de France (2008)]. On pourrait expliquer de la sorte le nombre élevé de redépôts des dossiers auprès des secrétariats des CSUR, plus du tiers des dossiers déposés en 2009 (cf. graphique 1). En effet, les deux principales causes de redépôts sont la fin du moratoire (43,1 % des redépôts) et la survenance d’une situation de chômage (33,7 % des dossiers redépôts). Or, il est très difficile de distinguer ce qui relève de l’évènement purement exogène et des stratégies des débiteurs surendettés. Par exemple, la situation de chômage peut être le fruit à la fois de la faiblesse de la demande de travail ou d’un effort insuffisant de recherche d’emploi/réorientation. Enfin, le traitement du surendettement influence également l’évolution de E au travers des incitations en matière de création d’entreprises. Fan et White (2003) démontrent empiriquement, sur des données américaines, qu’une meilleure protection du niveau de la consommation future des débiteurs (par exemple, en augmentant x et X) encourage ex ante ces derniers à créer leur propre entreprise. Cet effet résulte de la possibilité pour les débiteurs américains d’effacer également leurs dettes professionnelles dans le cadre des procédures collectives. Or, le droit français exclue cette possibilité en réservant les PRED et les PRP aux dettes personnelles uniquement. Par conséquent, l’effet attendu du droit en matière de création d’entreprises dépendra exclusivement du droit de la défaillance des entreprises. En l’occurrence, le droit français, particulièrement clément à l’égard des entreprises en difficulté (dans la mesure où il favorise leur redressement) devrait avoir un effet positif en matière de créations d’entreprises, toutes choses égales par ailleurs. Néanmoins, la défaillance des entreprises peut avoir des effets sur celle des particuliers. D’un côté, elle est un déterminant du surendettement passif. De l’autre, les débiteurs qui se sont portés cautions pour des créances commerciales peuvent voir ces dettes effacées dans le cadre des PRP. Il existe donc une exception à la règle d’exclusion des dettes commerciales dans le cadre du traitement du surendettement. Néanmoins, celle-ci a sans doute un effet marginal extrêmement faible en matière d’incitation à la création d’entreprises. 20 Conclusion Dans cet article, nous décryptons les modes de traitement des situations de surendettement rencontrées par les ménages français pour éclairer les incitations des débiteurs en la matière et les leviers d’action possibles pour le législateur. L’attention est notamment focalisée sur les paramètres fondamentaux qui justifient le recours à la procédure classique sous la forme d’un plan de redressement ainsi qu’à la procédure de rétablissement personnel. A l’aide d’une base de données originale fondée sur l’exploitation de quelque 4 200 jugements rendus par des tribunaux français, un intérêt particulier a été porté à l’analyse des différentes conditions d’éligibilité à ces procédures imposées par les autorités compétentes que sont, d’une part, les CSUR et, d’autre part, les juges de l’exécution. Or, depuis le second semestre 2009, le législateur souhaite une nouvelle fois modifier ce processus, et ce à deux niveaux. Premièrement, il s’agit de réduire la durée des deux procédures de traitement du surendettement, c’est-à-dire dans notre papier diminuer les coûts supportés par les débiteurs. La question est alors de savoir si cette réduction des coûts sera identique pour les plans de redressement et les procédures de rétablissement personnel, ou bien si le législateur souhaite par ce biais renforcer l’attractivité d’une procédure au détriment de l’autre comme le suggère notre papier. Deuxièmement, le législateur envisage d’assouplir les conditions d’accès aux procédures de traitement du surendettement. D’après notre analyse, ce projet est justifié dans la mesure où la population des débiteurs qui a un intérêt financier à bénéficier d’une procédure de traitement de surendettement est plus large que celle qui a réellement accès à cette dernière. Cet écart s’explique pour deux raisons. D’une part, le filtrage des demandes de plans de redressement opéré par les CSUR est si sévère que le patrimoine du débiteur n’intervient pas dans l’analyse coût/avantage du débiteur en difficulté. En effet, les demandes d’accès à un plan de redressement émanant des débiteurs possédant un patrimoine immobilier sont presque systématiquement refusées par les CSUR. D’autre part, les notions de bonne foi et de situation irrémédiablement compromise, si elles permettent de limiter les comportements opportunistes des débiteurs, entravent significativement le traitement du surendettement dans la mesure où environ un tiers des demandes d’effacement total des dettes sont écartées à l’aune des ces deux critères. Plus généralement, l’appréciation du niveau des difficultés financières des débiteurs diverge très sensiblement entre les CSUR et les juges de l’exécution en charge du traitement des procédures de rétablissement personnel. 21 Ces réflexions appellent d’autres questions et investigations. Par exemple, l’étude empirique des critères de décision des tribunaux lors de l’acceptation ou du refus d’effacer totalement les dettes du débiteur. Il s’agirait d’estimer, entre autres, l’influence de la lutte contre les comportements stratégiques des débiteurs (ou l’application du critère juridique de bonne foi) sur la règle de décision des tribunaux d’instance, toutes choses égales par ailleurs. On peut également s’interroger sur la structure complexe du mécanisme français de traitement du surendettement, ses effets sur le marché du crédit et sa complémentarité avec d’autres institutions qui régissent le pouvoir d’achat des particuliers. Prenons le cas des travaux d’Athreya et Simpson (2006) puis Athreya (2008) sur les interactions entre la procédure de traitement du surendettement et le système d’assurance chômage. Le pouvoir d’achat d’un débiteur dépend à la fois des revenus de son travail et du montant de ses crédits à la consommation. Une procédure clémente à l’égard des débiteurs défaillants (par exemple, un effacement important des dettes) inciterait ex ante les débiteurs à augmenter leur endettement et réduirait leur incitation à chercher un emploi s’ils sont au chômage. En quelque sorte, en matière de consommation, l’endettement se substituerait aux revenus issus du travail du débiteur. Il en résulterait un accroissement du taux de défaillance des débiteurs dans la mesure où l’augmentation de l’endettement et la baisse de l’incitation des débiteurs à accroître leur flux de revenus futurs associés au travail augmentent le risque de défaut de paiement. En réponse, les établissements de crédit réduisent leur offre de crédit et le pouvoir d’achat des débiteurs diminue. Dans ce contexte, le système d’assurance chômage peut néanmoins réduire cette baisse induite du pouvoir d’achat en prenant partiellement en charge la baisse du revenu liée à la perte d’emploi. Au final, un accroissement de l’assurance des salariés vis-à-vis du chômage aurait pour effet d’accroître le montant des impôts, comme l’accroissement de la protection des débiteurs vis-à-vis du surendettement aurait pour effet d’augmenter le niveau des taux d’intérêt. En somme, dans une approche plus générale, l’évolution du nombre de débiteurs surendettés s’expliquerait non seulement par le biais des modalités du traitement du surendettement mais également par le biais des modalités de l’assurance chômage. 22 Bibliographie Athreya, K. (2004), « Shame as it ever was: stigma and personal bankruptcy », Economic Quarterly, vol. 90(2), pages 1-19. Athreya, K. et Simpson, N. 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(1995), « Personal bankruptcy: insurance, work effort, opportunism and the efficiency of the fresh-start », University of California, San Diego, and National Bureau of Economic Research Working paper, 28 pages. 23 Encadré 1. Caractéristiques générales de la base de données « jugements PRP » Les données utilisées dans cette étude proviennent de l’exploitation de 4 221 jugements rendus par 192 juges de l’exécution de 158 tribunaux d’instance et de grande instance français dans le cadre de la procédure de rétablissement personnel (PRP) instituée par la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 pour le règlement des situations irrémédiablement compromises. Ces jugements, rendus entre le 17/12/2003 et le 21/07/2005 et représentant près de 16% de l’ensemble des jugements PRP rendus sur période, ont été collectés pour la préparation d’un Rapport, commandé par le ministère de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement ainsi que celui de la Justice, chargé de tirer un premier bilan de l’application du nouveau dispositif de rétablissement personnel. A la suite de celui-ci, nous avons pu réaliser un traitement informatique de ces données anonymes pour notamment compléter les informations transmises périodiquement par la Banque de France dans le cadre des Enquêtes typologiques sur le surendettement (2001, 2004 et 2007). Les informations statistiques suivantes présentent, dans le cadre des discussions menées dans le texte, les principales caractéristiques démographiques et financières de cette base de données originale. Les jugements analysés sont diversement renseignés, d’où une fréquence variable de la modalité « indéterminé » qui n’est pas prise en compte dans le calcul des proportions (%). Variables « débiteur » Sollicitation du tribunal : Commission de surendettement Débiteur Indéterminé Type de jugement rendu : Ouverture d’une PRP Refus d’ouverture d’une PRP Clôture pour insuffisance d’actifs Liquidation Total Condition de la comparution : Seul Assisté Représenté Absence de comparution Indéterminé Patrimoine du débiteur : Patrimoine nul Patrimoine positif Indéterminé Ressources du débiteur : Inférieur ou égal au RMI Supérieur au RMI et inférieur au SMIC Supérieur au SMIC et inférieur à 1 500 € Supérieur à 1 500 € et inférieur à 3 050 € Supérieur à 3 050 € Indéterminé Capacité de remboursement du débiteur : Négative Nulle Positive Indéterminé Total du passif du débiteur : Inférieur à 1 500 € Supérieur à 1 500 € et inférieur à 7 500 € Supérieur à 7 500 € et inférieur à 20 000 € Supérieur à 20 000 € et inférieur à 75 000 € Supérieur à 75 000 € Indéterminé N % Variables « jugement » Justifications du refus d’ouverture de la PRP : 3 971 94.5 Absence du débiteur à l’audience 232 5.5 Problème de procédure (délais, justificatifs) Absence de bonne foi 18 Retrait de la demande par le débiteur Situation non irrémédiablement compromise 2 692 63.8 Total 1 406 33.3 116 2.7 Motifs justifiant la situation 7 0.2 non irrémédiablement compromise : 4 221 100 Revenus et/ou patrimoine suffisants Perspectives futures d’emploi Amélioration possible des revenus 2 969 70.5 Age peu avancé du débiteur 446 10.6 Efforts de remboursement du passif 410 9.8 Première procédure de surendettement 379 9.0 Niveau de qualification élevé Niveau des dettes faible 17 Surendettement non reconnu par le juge Faiblesse des charges familiales 2 021 80.8 Niveau faible de maladie 481 19.2 Possibilités de déménagement Diminution manifeste des charges 1 719 Total 232 7.5 Motifs justifiant l’absence de bonne foi : 2 417 77.6 Nouveaux crédits pendant la procédure 158 5.1 Fausse déclaration 298 9.6 Détournements, malversations 5 0.2 Chèques sans provision pendant la procédure Endettement volontaire 1 111 Total 1 351 59.6 Justifications d’ouverture de la PRP : 209 9.2 Revenus et/ou patrimoine insuffisants 707 31.2 Pas d’amélioration possible des revenus Pas de perspectives futures d’emploi 1 954 Niveau de qualification faible Niveau élevé de maladie 833 28.9 Plan de redressement classique irréaliste 692 24.0 Seconde procédure de surendettement 108 3.7 Niveau des dettes élevé 1 139 39.5 Jeunesse du débiteur 114 3.9 Total 1 335 - 24 % 1.3 3.5 4.2 8.0 82.9 100 26.9 17.8 14.9 8.8 5.8 3.3 1.9 1.8 0.6 0.3 0.3 0.2 0.2 82.9 1.6 1.4 0.5 0.5 0.2 4.2 63.8 19.5 8.0 2.7 2.5 1.9 1.5 0.1 0.05 100 Graphique 1. Evolutions du nombre de dossiers déposés auprès des commissions de surendettement (Sources: Banque de France et nos calculs) 250 000 226582 225 000 200 000 188176 175 000 188485 165493 150 000 142219 125 000 100 000 182330 184866 182855 148373 145348 137994 117854 95756 90174 75 000 86999 68075 63830 68863 68608 70112 50 000 25 000 0 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 Dossiers déposés dont redépôts Dossiers recevables Graphique 2. Evolutions de l'endettement des ménages français (Sources: Banque de France, Observatoire de l'endettement des ménages et nos calculs) 1 000 60% 900 841 784 800 50% 704 700 623 600 549 471 500 400 300 40% 263 331 343 302 306 318 296 292 288 281 373 400 492 30% 424 20% 200 10% 100 0 0% 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 Crédits immobiliers (mds €) Ensemble des crédits (mds €) Crédits à la consommation (mds €) Taux d'endettement des ménages (en % du PIB) 25 100 000 Graphique 3. Evolutions quantitatives du traitement des dossiers par les commissions de surendettement (Sources: Banque de France et nos calculs, données 2009 extrapolées sur 6 mois) 90 000 25% 22% 80 000 20% 70 000 20% 20% 17% 60 000 14% 14% 15% 50 000 40 000 10% 30 000 5% 20 000 10 000 0% 0 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 Plans conventionnels conclus Clôtures de procédures par les CSUR Endettement moyen par dossier (euros) Recommandations homologuées Orientations PRP acceptées par les débiteurs % d'orientation vers la PRP 26 Encadré 2. Les différentes procédures collectives de traitement du surendettement des ménages Lorsque l’information est disponible, nous reportons entre parenthèses le nombre de dossiers concernés pour l’exercice 2004, année principale de constitution de notre base de données (cf. encadré 1). Ces données chiffrées sont extraites des statistiques fournies par la Banque de France. Saisine de la commission de surendettement par le débiteur Examen de la recevabilité par la commission sur la base de deux critères : état de surendettement et bonne foi du débiteur (188 176 dossiers examinés) Situation non irrémédiablement compromise (131 151 dossiers) Débiteur solvable (126 342 dossiers) Ouverture d’une procédure classique de redressement par la commission Demandes d’ouverture d’une PRP faites directement par les débiteurs (8 161 dossiers) Dossiers irrecevables (34 991 dossiers rejetés) Situation irrémédiablement compromise (22 034 dossiers) Demande d’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel faite par la commission de surendettement pour le compte du débiteur Débiteur insolvable (4 809 dossiers) Accord du débiteur (16 321 dossiers) Moratoire d’une durée inférieure à 2 ans accordé par la commission Refus du débiteur (5 713 dossiers) Examen de la demande par le juge sur la base de deux critères : situation irrémédiablement compromise et bonne foi (24 482 dossiers examinés) Accord entre les parties Projet refusé par les parties Nouvel examen de la situation Ouverture d’une PRP par le juge (16 320 dossiers) Plan de redressement conventionnel (94 415) Recommandations par la commission homologuées par le juge (31 927) Effacement partiel des dettes Liquidation facultative du patrimoine Effacement total des dettes Effacement partiel des dettes 27 Refus d’ouverture de la PRP par le juge (8 162 dossiers) Notes 1 Par individu surendetté, on entend ici les personnes physiques dont, selon l'article L331-1 du Code de la Consommation, la situation est caractérisée par l’impossibilité manifeste du débiteur de bonne foi de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir. 2 Il est à noter que l’on peut également avoir une estimation du nombre de ménages surendettés à partir de données d’enquête. Ainsi, à partir de l’Enquête Revenu Patrimoine (1997-1998), Monrose (2003) estime que 6,5% des ménages présentent un risque de surendettement au travers d’un taux d’effort (défini comme la part du revenu annuel consacré aux remboursements des emprunts au cours d’une même année) supérieur à 30%. Cette estimation passe à 2,3% des ménages si le seuil est fixé à 40%. 3 La suspension des intérêts intercalaires, l’amélioration des relations entre les consommateurs surendettés et leurs créanciers bancaires, la simplification par dématérialisation des échanges entre CSUR et créanciers, le développement des formations à l’attention des membres de CSUR et la révision des critères d’éligibilité des dossiers déposés par certains particuliers sont actuellement à l’ordre du jour, de même que le raccourcissement des délais de traitement des dossiers par les CSUR ainsi que des durées d’inscription au fichier national des incidents de remboursements des crédits aux particuliers. 4 On distingue le surendettement passif du surendettement actif, qui lui a pour origine un comportement excessif d’achat à crédit. Les observateurs soulignent aujourd’hui que cette distinction, pertinente au début des années 1990, est de plus en plus difficile à établir et nécessite une révision tant du point de vue de la définition que de la philosophie qui la soustend. Pour plus de détails à ce propos, consulter « Le surendettement des particuliers », Rapport du Conseil Economique et Social (2007) présenté par Mme Pierrette Crosemarie. 5 Nous désignons ici par débiteur le particulier ayant des difficultés à rembourser ses dettes échues. 6 A ce stade de l’analyse, nous ne faisons pas de différence entre surendettement passif et surendettement actif. En revanche, nous reviendrons sur cette distinction dans les sections 3 et 4. 7 La fixation du niveau du reste à vivre détermine la capacité de remboursement de l’individu. 8 Selon la dernière « Enquête typologique 2007 du surendettement » réalisée par la Banque de France (2008), il apparaît que toutes les commissions ne fixent pas le même reste à vivre. Ainsi, dans près des trois quarts des dossiers, les commissions appliquent une majoration par rapport au seuil légal. Dans 21,6% des dossiers, la majoration est comprise entre 1 et 150 €, dans 35,4% des dossiers la majoration est comprise entre 151 et 460 € et dans 15,2% des dossiers la majoration est supérieure à 461 €. 9 Nous excluons également de W les actifs grevés de sûretés dans la mesure où ni les commissions de surendettement, ni les juges d’instance (dans le cadre des PRP) ne peuvent procéder à la liquidation de ces actifs. Cette partie du patrimoine ne doit donc pas avoir d’influence (au moins directement) sur le choix du débiteur de se placer sous la protection des procédures collectives de traitement du surendettement. 10 Par souci de simplification, nous supposons que la probabilité de liquidation du patrimoine (dont la valeur dépasse X) est égale à l’unité. Nous raisonnons donc dans un cadre où la loi et les tribunaux sont extrêmement sévères à l’égard des débiteurs. Une réduction de la probabilité de liquidation augmenterait donc l’attrait de la PRP auprès des débiteurs. Nous écartons cette possibilité pour consacrer notre attention sur W et E qui, dans la pratique, déterminent en fait la probabilité de liquidation. 11 On observe que le taux de refus d’orientation vers une PRP par les débiteurs a progressivement diminué depuis la mise en place de la procédure : 20% en 2004, 11,3% en 28 2005, 6,2% en 2006, 5,9% en 2007, 3,5% en 2008 (source : Indicateurs statistiques sur le surendettement, Banque de France). Le taux de refus correspond à la part des débiteurs à qui la commission de surendettement a proposé l’ouverture d’une PRP mais qui l’ont refusé ou qui n’ont pas répondu dans les délais impartis par la loi. 12 D’après nos données de jugements PRP (cf. encadré 1), il apparaît que sur les 1 406 jugements de refus d’ouverture d’une PRP (33,3% des 4 221 jugements analysés), 8% d’entre eux sont en fait liés à un retrait de la demande du débiteur et donc indépendants de l’appréciation des magistrats. En ce qui concerne la répartition des retraits entre les deux audiences de PRP, celle-ci est assez équilibrée puisque 4,3% des retraits sont annoncés par les débiteurs lors de l’audience préliminaire contre 3,7% lors de l’audience de jugement. 13 La loi du 1er août 2003 prévoit que la saisine du juge d’exécution ne soit pas uniquement réservée à la commission. Ainsi, le débiteur peut saisir le juge d’exécution si, à l’expiration d’un délai de neuf mois à compter du dépôt du dossier, la commission ne s’est pas prononcée sur l’orientation de ce dernier (article L. 332-5 du Code de la consommation). Par ailleurs, la loi prévoit également des recours à l’encontre des décisions de la commission, ce qui aboutit de fait à conférer au débiteur le droit de solliciter l’ouverture de la PRP au juge de l’exécution. Enfin, le débiteur peut saisir le juge pour vérifier ses créances avant la décision d’orientation par la commission ou pour contester la décision d’orientation de la commission. Sur les 4 221 jugements PRP examinés (cf. encadré 1), seuls 232 ou 5,5% d’entre eux sont à l’initiative des débiteurs et non des CSUR. Le croisement de cette donnée avec le verdict des juges est assez explicite, le taux moyen d’ouverture (de rejet) d’une PRP atteint 67% (33%) lorsque les tribunaux sont sollicités par les CSUR contre 41% (59%) lorsqu’ils le sont directement sollicités par les débiteurs. 14 Plus précisément, le liquidateur sera rémunéré en priorité sur le produit de la liquidation, le reste étant à la charge du Trésor Public ou du débiteur selon l’avis du juge de l’exécution. La liquidation reste toutefois plus l’exception que la règle en raison de l’inexistence d’un actif « liquidable » dans la plupart des cas. 15 Ce résultat repose sur l’inégalité CPRP - CPRED < D - DPRED qui est vérifiée sous l’hypothèse CPRED > CPRP. 16 Dans notre papier, cela correspond aux variables CPRED ou CPRP . 17 Sur les 4 221 jugements examinés, 4 098 correspondent à des demandes de PRP. Parmi celles-ci, 1406 ont donné lieu à un refus d’ouverture par le juge de l’exécution. Sur ces 1 406 refus, 82,9% sont dus à une situation jugée non irrémédiablement compromise (soit 1165 jugements). Au total c’est donc 28,4% des demandes de PRP qui ont été écartées. 18 Les coûts privés des deux procédures réduisent également l'incitation des débiteurs à y recourir. Etant entendu qu'un ménage qui ne se place pas sous la protection de la loi paie (au moins, temporairement) des pénalités de retard auprès des établissements de crédit, il s'ensuit qu'un accroissement des coûts privés de la procédure réduit D ex ante, toutes choses égales par ailleurs. 29
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