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Cahiers de Chaillot
Octobre 2002
n° 55
Quel modèle
pour la PESC ?
Hans-Georg Ehrhart
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En janvier 2002, l’Institut d’Études de Sécurité (IES) est devenu une agence autonome de l’Union européenne, basée
à Paris. Suite à l’Action commune du 20 juillet 2001, il
fait maintenant partie intégrante des nouvelles structures créées pour soutenir le développement de la
PESC/PESD. L’Institut a pour principale mission de
fournir des analyses et des recommandations utiles à
l’élaboration de la politique européenne. Il joue ainsi
un rôle d’interface entre les experts et les décideurs à
tous les niveaux. L’IESUE succède à l’Institut d’Etudes
de Sécurité de l’UEO, auquel une décision du Conseil
de l’UEO avait donné naissance en 1990 afin de catalyser le débat européen en matière de sécurité.
Les Cahiers de Chaillot sont des monographies traitant
de questions d’actualité et écrites soit par des membres
de l’équipe de l’Institut soit par des auteurs extérieurs
commissionnés par l’Institut. Les projets sont normalement examinés par un séminaire ou un groupe d’experts réuni par l’Institut et sont publiés lorsque celui-ci
estime qu’ils peuvent faire autorité et contribuer au
débat sur la PESC/PESD. En règle générale, la responsabilité des opinions exprimées dans ces publications
incombe aux auteurs concernés. Les Cahiers de Chaillot
peuvent également être consultés sur le site Internet de
l’Institut : www.iss-eu.org
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Cahiers de Chaillot
Octobre 2002
n° 55
Traduit de l’anglais
la version originale est également disponible
Quel modèle pour la
PESC ?
Hans-Georg Ehrhart
Institut d’Etudes de Sécurité
Union européenne
Paris
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L’auteur
Hans-Georg Ehrhart
est chercheur et chef adjoint du département chargé de la sécurité européenne à
l'Institute for Peace Research and Security Policy de l'université de Hambourg.
Il est également membre du réseau Team Europe de la représentation de la
Commission européenne en Allemagne. Il a été visiting fellow à Bonn, Paris et
Kingston (Canada), pour travailler sur divers aspects de la problématique de la
paix et de la sécurité. Ses nombreuses publications portent sur le désarmement,
le maintien de la paix, la prévention des conflits, la politique post-soviétique, les
relations franco-allemandes, et sur la politique européenne de sécurité et de
défense.
Institut d’Etudes de Sécurité
Union européenne
Paris
Directeur : Nicole Gnesotto
© Institut d’Etudes de Sécurité de l’Union européenne, 2002. Tous droits de traduction,
d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays.
ISSN 1017-7574
Publié par l’Institut d’Etudes de Sécurité de l’Union européenne, imprimé à Alençon
(France) par l’Imprimerie Alençonnaise, conception graphique : Claire Mabille (Paris).
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Sommaire
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n° 55
octobre 2002
Préface Nicole Gnesotto
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Introduction
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Un modèle - pourquoi et lequel ?
• Les différents modèles pour le rôle international de l’UE
• Le nouveau dilemme de sécurité
• Un acteur de sécurité coopérative
10
Evaluation et recommandations
• Dimension normative
• Prévention des conflits
• Instruments et institutions
• Culture opérationnelle
• Coopération avec l’OSCE /ONU
23
Conclusion
69
Annexes
• Sigles
• Bibliographie
74
10
14
19
23
28
38
54
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Nicole Gnesotto
urope espace ou Europe puissance ? Puissance civile ou puissance
militaire ? Ces alternatives ont, pendant de longues années, encadré
les débats sur la finalité de l'intégration européenne et le mode d'action de l'Union sur la scène internationale. Certes, il s'agissait là de deux
modèles extrêmes permettant chacun de nourrir et de légitimer une certaine forme d'action extérieure de l'Union. Chacun s'alimentait de cultures et d'héritages historiques différents selon les Etats membres - choix de
l'interventionnisme militaire chez les uns, politique plus abstentionniste
chez les autres - tout en reflétant des conceptions divergentes des relations à
établir entre l'Union européenne et les Etats-Unis d'une part, entre
l'Union et la notion même de puissance d'autre part. Mais, en tant que
modèles conceptuels, ils ont sans aucun doute servi, avec d'autres variantes
comme la notion de puissance normative ou les concepts de sécurité collective, à décrypter l'ensemble des positions, des plaidoyers et des réticences des
Etats membres sur l'avenir de l'Union comme acteur international. Le
Traité de Maastricht représente sans doute la synthèse la plus ambiguë mais
aussi la plus harmonieuse possible de ces visions de la PESC dans le monde.
Dix ans plus tard, l'Union se trouve confrontée à l'obligation de réorienter sa politique étrangère, de sécurité et de défense commune à l'aulne
de deux facteurs majeurs d'évolution : l'imminence de l'élargissement et la
transformation de la violence internationale. Alors que le spectre du terrorisme plane sur la sécurité des citoyens européens et que les opinions
publiques sont en demande de sécurité européenne accrue, la Convention
est entrée dans un exercice de révision globale des objectifs, des moyens, des
procédures et des missions de ce que sera une politique étrangère et de défense
commune à 25. S'il est difficile de présager aujourd'hui du modèle
européen qui émergera de l'ensemble de ces évolutions, au moins peut-on
sans grand risque prédire la fin des deux modèles extrêmes d'il y a vingt ans.
Ni grande puissance absolue où tous les Etats seraient toujours d'accord
pour intervenir ensemble sur tout, ni simple espace civil de coopérations
nationales arbitraires et réversibles, l'Union a d'ores et déjà dépassé le faux
dilemme de l'omnipotence ou de l'inexistence en matière internationale.
Mais pour devenir quoi ?
C'est à cette interrogation sur ce que pourrait être un modèle de PESC
que se consacre Hans-Georg Ehrhart, senior visiting fellow à l'Institut en
automne 2001 et actuellement chef adjoint du département chargé de la
politique européenne en matière de sécurité de l'Institute for Peace
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Préface
Research and Security Policy de Hambourg. La notion de sécurité coopérative constitue l'épine dorsale de cette réflexion. En confrontant systématiquement les principes de l'action extérieure de l'Union et les acquis récents
de la PESC et de la PESD, l'auteur propose un concept de politique
étrangère fondé sur une conception globale - civile et militaire - et une
approche multidimensionnelle de la sécurité de l'Union. A l'heure où les
nuages s'accumulent sur la sécurité de l'ensemble de la planète, où les principes mêmes du système international - la régulation multilatérale, le respect du droit, la codification minimale de l'usage de la force - sont susceptibles d'être remis en question, ce Cahier de Chaillot maintient le cap de
l'exigence démocratique en matière de politique étrangère et revendique un
modèle d'Union européenne capable de réconcilier le réalisme de la puissance et la fidélité aux valeurs constitutives du projet européen lui-même.
Paris, octobre 2002
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Quel modèle pour la PESC ?
Introduction
Selon un sondage d’Eurobaromètre publié en juillet 2001, les
Européens sont de plus en plus sceptiques ou indifférents à l’égard
du processus d’intégration européenne1. Devant ces résultats, les
ministres des Affaires étrangères de l’UE ont reconnu « qu’un
abîme s’est ouvert entre les citoyens européens et leurs institutions »2. Le mécontentement de l’opinion publique est particulièrement fort dans les quatre principaux pays membres, notamment
sur la façon dont l’UE est gérée3. Selon le ministre belge des Affaires
étrangères, Louis Michel, « le lien entre les objectifs et l’action que
mène l’Union au moyen de ses différentes politiques n’apparaît
plus clairement »4.
C’est dans ce contexte que les chefs d’Etat et de gouvernement
ont exprimé leur souhait (dans une annexe au Traité de Nice) de
lancer un débat public général sur l’avenir de l’UE5. Ils ont
expressément défini quatre missions – principe de subsidiarité,
Charte des droits fondamentaux, simplification des traités et rôle
des parlements nationaux – sans mentionner pourtant la Politique européenne de Sécurité et de Défense (PESD). L’année suivante, le Conseil européen décidait de réunir une convention afin
de garantir « une préparation aussi large et transparente que possible de la prochaine Conférence intergouvernementale »6. Dans
la Déclaration de Laeken annexée, les questions concernant la
PESC (Politique étrangère et de Sécurité commune) et la PESD
étaient, là encore, à peine évoquées, chose d’autant plus curieuse
que l’importance de la PESC pour l’UE est généralement reconnue. Pour le Secrétaire général/Haut représentant (SG/HR) de
l’UE, Javier Solana, la PESD est, après le succès de l’introduction de
l’euro, le principal projet d’intégration de l’UE de cette décennie7.
Le débat est d’autant plus nécessaire que les objectifs initiaux de ce
projet – maintien de la paix, stabilité et prospérité – courent le
risque de disparaître de la mémoire collective8.
1. Eurobaromètre 55 (printemps
2001), IP/01/1005, Bruxelles, 17
juillet 2001.
2. International Herald Tribune, 20
juillet 2001, p. 1.
3. Dans un sondage réalisé pour Le
Monde en décembre 2000, 54%
des Italiens n’étaient pas très,
voire pas du tout, satisfaits de la
manière dont l’Union européenne
se construit actuellement, 13% de
moins par rapport à l’année
précédente. Pour les trois autres
grands pays, les pourcentages
sont les suivants : Allemagne 61
(51), France 61 (49), RoyaumeUni 54 (50). Voir Le Monde, 16 janvier 2001, p. 4.
4. Discours du ministre des Affaires étrangères, Louis Michel,
devant le Conseil Affaires générales le 16 juillet 2001, www.euconvention.be/contributions/bynamedetailFR.asp?ID=.
5. Voir « Déclaration sur l’avenir
de l’Union », Traité de Nice, Journal officiel des Communautés européennes, 2001/C 80/85.
6. Conseil européen, Laeken,
« Conclusions de la présidence »,
14 et 15 décembre 2001, SN
300/01, p. 1.
7. Voir Javier Solana, « Die Gemeinsame Europäische Sicherheits – und Verteidigungspolitik –
Das Integrationsprojekt der
nächsten Dekade », Integration,
1/2000, p. 1.
8. Voir Louis Michel, op. cit.
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Quel modèle pour la PESC ?
Ce débat ne doit pas, pour l’instant, inquiéter les responsables
politiques, l’opinion publique semblant soutenir dans une large
mesure le développement de la PESC, y compris son volet défense.
Dans un contexte où l’intégration européenne en général suscite
de plus en plus de scepticisme, c’est l’exception qui confirme la
règle. Selon une enquête Eurobaromètre effectuée en automne
1999, peu après l’intervention internationale au Kosovo, les missions de maintien de la paix et les arrangements de sécurité arrivaient en seconde place des priorités attribuées à l’Union, avec
89%, un point seulement de moins que la lutte contre le chômage9.
Le sondage de mi-2001 confirme l’augmentation de ce soutien à la
fois pour la PESC (65%) et pour la PESD (73%). Depuis le printemps 1995, cet appui est passé de 60 à 68%, et de 60 à 75% respectivement10. Ces pourcentages montrent que la PESC/PESD est
l’une des politiques européennes les plus populaires et que l’opinion publique accepte le principe de son développement.
Mais les chiffres restent muets sur le type de politique étrangère
à promouvoir. Cette question délicate a été tragiquement mise en
exergue par les attaques terroristes du 11 septembre 2001. Un sondage d’opinion dans l’ensemble de l’UE sur la crise internationale
engendrée par ces événements a révélé un soutien mitigé à l’envoi
de troupes en Afghanistan (48% pour, 43% contre). En revanche,
l’enquête a montré que l’opinion était très favorable à la fourniture d’aide humanitaire (90%), à une action préventive empêchant
la contagion aux autres pays (85%), à la restauration de la démocratie (84%) et au financement de la reconstruction (70%)11.
Le débat sur la PESC/PESD doit porter sur tout un éventail de
questions. Il faut se demander quel type de sécurité recherche l’UE
et comment son approche de la sécurité s’est adaptée aux changements du contexte international depuis la fin des années 1980,
notamment aux événements du 11 septembre. Comment mettre
en œuvre les principaux objectifs de la PESC et quelle importance
attacher à une politique efficace de prévention des conflits ? Quel
rôle les militaires sont-ils susceptibles de jouer dans la gestion des
crises internationales ? Quels autres instruments sont nécessaires
pour la prévention et la gestion des crises ? Il s’agit donc ici essentiellement de savoir quelle sorte de rôle l’UE devrait aspirer à jouer
sur la scène sécuritaire internationale.
9. Voir Commission européenne,
Les Européens vus par eux-mêmes. Les
enseignements des sondages d’opinion,
Office des publications officielles
des Communautés européennes,
Luxembourg, 2001, p. 33.
10. Ibid. p. 37 et Eurobaromètre 55,
op. cit.
11. http://europa.eu.int/comm/
dg10/epo/flash/fl114_ip_en.ht
ml.
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Introduction
Pour répondre à cette interrogation, le rôle de l’UE ne sera pas
considéré dans ce Cahier sous l’angle de ses différents Etats
membres, mais du point de vue structurel et fonctionnel12. Nous
commencerons par analyser rapidement les différents modèles
possibles pour l’UE – puissance civile, militaire ou normative – et
l’impact de la nouvelle donne internationale sur les futurs défis de
sécurité. Face à ces défis, il est suggéré ici que l’UE devrait devenir
un « acteur de sécurité coopérative ». Ce modèle se fonde sur un
ensemble de critères permettant de vérifier dans quelle mesure
l’UE lui ressemble et ce qu’elle peut faire pour s’en rapprocher.
12. Voir Roy H. Ginsberg, Conceptualizing the European Union as an International Actor, Journal of Common Market Studies, 3/1999, pp.
429-454.
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Un modèle –
pourquoi et lequel ?
Quel modèle pour la PESC ?
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Les différents modèles pour le rôle international de l’UE
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la construction
européenne et plusieurs modèles conceptuels pour son développement ont évolué côte à côte. Ces modèles ont abouti à toutes sortes
d’intérêts politiques, de conceptions et de principes normatifs
concurrents de l’ordre international. Par exemple, à l’époque du
Congrès de La Haye et de la création du Conseil de l’Europe en
1948, l’idée d’Etats-Unis d’Europe a vu le jour. Puis est apparue la
notion d’intégration européenne, qui a rapidement absorbé plusieurs autres concepts de l’Europe, considérée à la fois comme un
processus et comme un objectif politique. Les modèles d’Europe
fédérale et confédérale, que ce soit leurs versions libérale, conservatrice ou socialiste, ont suscité bien des controverses13. Le débat sur
le rôle international de la CE/UE14 pendant les années 1970 à 1990
ainsi que les modèles de référence correspondants ont évolué en
fonction du contexte international et du stade atteint par l’intégration européenne. Au cours de cette période, trois modèles de rôle
international de l’UE ont été examinés.
Puissance civile
13. Voir Heinrich Schneider, Leitbilder in der Europapolitik. Der Weg
zur Integration, Verlag für Europäische Politik, Bonn, 1977.
C’est François Duchêne qui, au début des années 1970, a rendu
populaire le modèle de puissance civile pour l’UE15. Il a très justement affirmé que, dès le départ, l’idée d’intégration européenne
comprenait deux aspects fondamentaux : l’un privilégiait la réconciliation entre les anciens ennemis et d’éventuelles contributions à
la paix mondiale, l’autre se fondait sur la volonté de puissance. Le
contexte international de l’époque se caractérisait entre autres par
une concurrence économique croissante entre l’Europe occidentale et les Etats-Unis, ainsi que par la normalisation des relations
14. C’est le sigle UE qui sera utilisé
ici.
15. François Duchêne, « The European Community and the Uncertainties of Interdependence »,
dans Max Kohnstamm et Wolfgang Hager (dir.), A Nation Writ
Large? Foreign Policy Problems before
the European Community, Macmillan, London, 1973, pp. 1-21.
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Un modèle – pourquoi et lequel ?
avec l’Union soviétique. Le processus d’intégration européenne
entrait en outre dans une nouvelle phase grâce aux efforts entrepris
pour créer une union politique et à l’élargissement de l’UE au
Royaume-Uni, à l’Irlande et au Danemark. Pour l’auteur, l’UE était
parvenue à un carrefour où elle devait choisir la voie à suivre. Trois
options étaient possibles : superpuissance, neutralité et puissance
civile.
F. Duchêne avait une préférence pour l’Europe en tant que
puissance civile. Il partait du principe que l’Europe n’était pas
capable de se défendre durablement et que l’interdépendance économique croissante nécessitait une gestion collective par les puissances dirigeantes. Pour devenir un acteur respecté, l’UE devait
devenir plus cohérente, y compris dans le domaine de la sécurité.
L’objectif n’était pas de remplacer la garantie sécuritaire des Américains, mais de la renforcer afin de décourager d’éventuelles tentations soviétiques et la propension des Etats-Unis à exercer des
pressions économiques en échange de leur sécurité. L’UE allait
surtout devenir un acteur collectif qui mettrait en œuvre des
actions communes à l’intérieur et à l’extérieur de la communauté.
Elle se caractérisait par la nature civile de ses moyens et de ses
objectifs. Pour « vendre » ce modèle, F. Duchêne soulignait trois
spécificités : le « génie politique » de la culture de l’Europe occidentale ; la situation unique de l’Europe, ruinée aussi bien politiquement que militairement par les deux guerres mondiales (la
population était donc la moins militarisée du monde) ; enfin, le
statu quo nucléaire et sa double conséquence – dévalorisation de la
puissance militaire et renforcement des influences civiles, surtout
économiques.
Puissance militaire
Environ une décennie plus tard, Hedley Bull critiquait le concept de
l’UE en tant que puissance civile, qu’il considérait comme une
« contradiction sémantique »16. A l’époque, l’échiquier international était de plus en plus divisé sur « l’expansionnisme soviétique »,
la crise des missiles consécutive à la double décision de l’OTAN sur
la modernisation nucléaire et l’arms control, l’avenir de la détente et
l’« eurosclérose » dont souffrait l’UE. Selon la thèse de H. Bull, qui
se fondait sur la vulnérabilité militaire des pays d’Europe occidentale, les Européens devaient « s’efforcer de devenir plus autosuffi-
16. Hedley Bull, « Civilian Power
Europe: A Contradiction in
Terms? », Journal of Common Market
Studies, 1-2/1982-83, p. 149.
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Quel modèle pour la PESC ?
sants en matière de défense ou de sécurité »17 pour trois raisons.
Premièrement, il existait selon lui une sérieuse divergence
d’intérêts entre les deux rives de l’Atlantique dans plusieurs
domaines politiques importants. La cause essentielle en était l’incapacité de l’Europe d’assumer une plus grande part du fardeau en
matière de défense, ce qui lui aurait pourtant permis d’avoir
davantage son mot à dire au sein de l’Alliance atlantique. Deuxièmement, l’Union soviétique continuait de représenter une
menace. Par conséquent, si l’Europe occidentale se dissociait de
l’Alliance, donc de sa dépendance de Washington, il lui faudrait
maintenir elle-même l’équilibre des forces en Europe. Troisièmement, « le premier travail de toute communauté est de garantir sa
sécurité »18. Le développement du potentiel militaire européen
accélérerait les réformes de l’Europe occidentale et correspondrait
à son statut en termes de richesse, de savoir-faire et de position historique.
H. Bull posait ensuite plusieurs conditions à une véritable
stratégie européenne. Premièrement, l’Europe occidentale devait
posséder un minimum de forces de dissuasion nucléaires qui lui
soient propres. Deuxièmement, elle devait promouvoir qualitativement et quantitativement ses forces conventionnelles. Troisièmement, l’Allemagne de l’Ouest devait jouer un plus grand rôle en
matière de sécurité. Quatrièmement, la France devait rester fidèle
à l’approche gaullienne. Cinquièmement, le Royaume-Uni devait
changer de politique. Sixièmement, il fallait être très attentif aux
réactions des superpuissances. Enfin, les Européens de l’Ouest
devaient développer « une forme appropriée d’unité politique et
stratégique »19.
Puissance normative
Le troisième modèle que pourrait adopter l’UE sur la scène internationale est celui de puissance normative. A certains égards, le
concept de puissance civile de F. Duchêne fait déjà référence à l’idée
fondamentale de diffusion des valeurs civiles et démocratiques.
Pour des analystes politiques tels que Johan Galtung, le pouvoir
idéologique est le pouvoir des idées. Cela se manifeste dans la culture, et joue un rôle significatif dans l’évaluation du rôle international de l’UE20. Surtout après la fin du conflit Est-Ouest, avec l’apparition de la théorie du constructivisme social dans l’analyse des
17. Ibid., p. 152.
18. Ibid., p. 156.
19. Ibid., p. 163.
20. Voir Johan Galtung, The European Community: A Superpower in the
Making?, Allen & Unwin, Oslo,
1973, pp. 33-47.
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Un modèle – pourquoi et lequel ?
relations internationales, les spécialistes se sont beaucoup intéressés à l’étude des normes internationales et à la dimension normative de l’UE21. Ian Manners suggère ainsi que l’UE ne représentait ni une puissance civile ni une puissance militaire, « mais une
puissance normative caractérisée par des principes communs »22. Il
considère les normes internationales comme « une façon abrégée
d’exprimer ce qui passe pour ‘normal’ »23. Autrement dit, une puissance normative se caractérise par sa capacité de façonner des
normes de sens commun.
La puissance normative de l’UE se traduit par un ensemble de
normes élaborées, allant des principes fondateurs classiques
(liberté, démocratie, Etat de droit, droits de l’homme) aux objectifs (progrès social, non-discrimination, développement durable),
des conclusions du Conseil européen comme les critères de
Copenhague aux droits tels que définis dans le projet de Charte
des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ces normes
n’ont pas seulement un objectif déclaratoire puisqu’elles « présentent les caractéristiques constitutives cruciales d’une politique qui
crée une identité supérieure à l’Etat »24. Elles concernent également les relations extérieures de l’UE dans la mesure où elles exercent une influence en dehors de ses frontières. Ces normes définissent ainsi l’identité internationale de l’UE.
La question au cœur du débat dans les années 1980 et 1990
était de savoir si l’UE était ou devrait être un acteur international
plutôt civil ou plutôt militaire. Selon Panos Tsakaloyannis, l’UE
avait déjà perdu son rôle de puissance civile au début des années
198025. Analysant le développement de la PESC/PESD à la fin des
années 1990, Karen Smith a conclu que l’UE « abandonne aujourd’hui son image de puissance civile »26. Christopher Hill distinguait quant à lui puissance civile et bloc politique, lequel pouvait
utiliser la puissance économique à des fins politiques, mais en
aucun cas la force militaire27. Selon le modèle de Hanns Maull,
l’UE en tant que puissance civile n’a guère d’autre choix que de
maintenir son statut civil. Conscients de la nécessité de coopérer
pour atteindre des objectifs internationaux, les Etats membres se
concentrent sur les moyens non militaires et considèrent le
recours à la force comme l’ultime recours. Ils sont également prêts
à développer les structures supranationales afin de traiter les problèmes internationaux les plus graves28. Mais ce concept n’exclut
pas totalement l’usage de la force militaire pour défendre les principes de la puissance civile s’il n’y a pas d’autre moyen29.
21. Voir Gert Krell, Weltbilder und
Weltordnung. Einführung in die Theorie der internationalen Beziehungen,
Nomos, Baden-Baden, 2000,
pp. 240-260.
22. Ian Manners, « Normative Power Europe: A Contradiction in
Terms? », COPRI Working Papers
38/2000, p. 29.
23. Ibid., p. 32.
24. Ibid., p. 33.
25. Voir Panos Tsakaloyannis,
« The EC: From Civilian Power Integration », dans J. Lodge (dir.),
The European Community and the
Challenge of the Future, Pinter,
Londres, 1989.
26. Karen Smith, « The End of Civilian Power EU: A Welcome Demise or Cause for Concern? »,
dans The International Spectator, n.
2, avril-juin 2000, p. 12.
27. Voir Christopher Hill, « European Foreign Policy: Power Bloc,
Civilian Model – or Flop? », dans
Reinhard Rummel (dir.), The Evolution of an International Actor: Western Europe’s New Assertiveness,
Westview, Boulder, 1990.
28. Voir Hanns W. Maull, « Germany and Japan: The New Civil
Powers », Foreign Affairs, 5/1990,
pp. 92ss.
29. La puissance civile de H. Maull
est très proche du modèle d’UE
présenté ici comme puissance
concertée de paix. Mais elle est
très liée à la dichotomie civilo-militaire, même si ce n’est que théoriquement. Une raison en est peutêtre que ses études de cas sont
l’Allemagne et le Japon, et probablement aussi la volonté de
conserver un lien avec le concept
plus large de civilianisation de
Norbert Elias, « Über den Prozess
der Zivilisation », 2 Bde., Suhrkamp, Bern/München, 1969.
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Quel modèle pour la PESC ?
Tous ces modèles ont leurs forces et leurs faiblesses. Ce sont des
abstractions concurrentes d’un « monde réel » éminemment complexe, qui offrent un tableau général de plusieurs visions de l’UE.
Développés dans des contextes historiques différents, ils ont été
adaptés de plusieurs manières. Le modèle de puissance civile s’est
transformé en modèle de puissance normative, tout en restant à
distance des aspects militaires de la puissance. Quant à l’idée de
puissance militaire, elle a été soit abandonnée pour son manque
de réalisme soit transformée en puissance civile dotée de moyens
militaires. La valeur de ces modèles pour l’UE est néanmoins discutable car ils sont dépassés ou ne répondent pas vraiment aux
défis complexes du monde actuel.
Le nouveau dilemme de sécurité
Au début des années 1990, James N. Rosenau utilisa un cadre théorique pour expliquer ce qu’il appelait la « turbulence dans la théorie
politique internationale »30. La nouvelle structure émergeant à l’échelle mondiale est un système à double lecture : un monde centré
sur l’Etat et un monde à centres multiples. Les sources de puissance
étant beaucoup plus variées, les relations s’éparpillent. Les allégeances se dispersent et dépendent de la performance des acteurs ;
désormais, elles ne sont plus concentrées ni sur l’autorité de l’Etat
ni sur sa légitimité. A l’intérieur des Etats, il existe des unités relativement autonomes caractérisées par des hiérarchies plates. Le pouvoir appartient à de nombreux groupes bien organisés et/ou puissants, dont les sentiments de loyauté et de légitimité varient et qui
sont prêts à braver les directives gouvernementales. D’une façon
générale, les individus deviennent de plus en plus interactifs et
interdépendants.
La thèse de J. Rosenau est que l’avènement de l’ère post-industrielle, avec sa dynamique technologique et sociale, est au cœur de
cette turbulence mondiale. L’évolution de l’environnement modifie à la fois positivement (grâce aux opportunités offertes) et négativement (à cause des risques impliqués) les relations et les mécanismes décisionnels internationaux. Elle a donné naissance à la
« politique post-internationale », expression utilisée par J. Rosenau pour parler du « déclin des schémas traditionnels sans que
l’on sache où l’évolution peut conduire. Elle suggère le flux et la
transition tout en présupposant la présence et le fonctionnement
30. Voir James S. Rosenau, Turbulence in World Politics. A Theory of
Change and Continuity, Harvester
Wheatsheaf, New York, 1990.
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Un modèle – pourquoi et lequel ?
de structures stables. Elle permet le chaos tout en recherchant la
cohérence. Elle nous rappelle que les questions ‘internationales’
traditionnelles ne sont peut-être plus la dimension dominante de
la vie mondiale, ou, du moins, que d’autres dimensions ont
émergé, qui mettent en cause ou occultent les interactions des
Etats-nations »31. Tous ces changements ont des répercussions
sur notre interprétation de la sécurité.
La turbulence signifie incertitude et peut conduire à un conflit
violent ou à une guerre. Reste à savoir si, pour y répondre, il faudra
accroître ou diminuer le recours à la force. La réponse dépend en
partie de l’évolution du conflit. Malgré une tendance manifeste à
limiter l’usage de la coercition violente dans le « monde » de
l’OCDE, la paix mondiale demeure une utopie. Les Etats conserveront leur pouvoir coercitif et leur capacité de mener des guerres.
Mais ce sera une façon moins viable et moins crédible de contrôler
d’autres acteurs, surtout non étatiques.
Dans le « nouveau dilemme de sécurité », les Etats sont
confrontés beaucoup moins à d’autres Etats qu’à des forces
sociales agissant selon des règles diverses et poursuivant des objectifs multiples et concurrents avec des calendriers différents et tout
un éventail de moyens coercitifs32. En fait, le mode de coercition
qui prédomine est le conflit de faible intensité à l’intérieur d’un
Etat. Par exemple, en 2000, environ 90% de toutes les guerres
étaient des guerres intra-étatiques, menées par des forces armées
régulières ou irrégulières33. Le dilemme traditionnel de sécurité
est l’interaction entre des Etats à la recherche d’une sécurité unilatérale, laquelle crée le cercle vicieux de l’armement et du contrearmement, affaiblissant ainsi l’objectif sécuritaire initial. Le
« nouveau dilemme de sécurité » est qu’avec la mondialisation de
l’économie, les richesses sont réparties de façon encore plus inégale et que les Etats sont de moins en moins capables de gérer les
renégats de tous poils de l’ordre international. Les facteurs se multiplient qui encouragent certains acteurs non étatiques surtout à
se démarquer des règles, des normes et des valeurs internationales,
et favorisent l’insécurité. Selon Philippe Cerny, les tentatives d’intervenir pour imposer la sécurité « peuvent provoquer un choc en
retour qui, par son interaction avec des processus de mondialisation complexes, crée de nouvelles sources d’incertitude : réseaux de
pouvoirs transfrontaliers concurrents et se superposant, dérive
des allégeances et des identités, et nouvelles sources de conflits
endémiques de faible intensité34.
31. Ibid., p. 6.
32. Voir Philip G. Cerny, « The New
Security Dilemma: Divisibility, Defection and Disorder in the Global
Era », Review of International Studies,
4/2000, pp. 623-646. Voir également Hans-Georg Ehrhart, « Militärische Macht als Instrument
der Auenpolitik », Streitkräfteamt, Informations- und Medienzentrale der Bundeswehr
(dir.), Reader Sicherheitspolitik,
Ergänzungslieferung 3/02.
33. Pour la définition de la guerre
et du conflit armé et les données
statistiques, voir www.sozialwiss.uni-hamburg, de/Ipw/Akuf/
kriege00_text.htm.
34. Philippe G. Cerny, op. cit., p.
623.
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Quel modèle pour la PESC ?
Le terrorisme entre traditionnellement dans la catégorie des
conflits de faible intensité. Ce type de violence est souvent lié aux
Etats et aux sociétés « défaillants », rongés par la fragmentation
sociale, la violence et la pauvreté : un contexte particulièrement
propice au terrorisme. Ce n’est pourtant pas un phénomène nouveau. Pour Martin van Crevelt, le terrorisme est aussi ancien que la
guerre elle-même et a trois grandes caractéristiques :
◗ il tend à se produire dans les pays sous-développés ;
◗ il implique habituellement des armées régulières d’un côté et des
forces irrégulières de l’autre, appelées guérillas, bandits, terroristes
ou combattants de la liberté ;
◗ il n’a pas besoin des armes collectives très sophistiquées qui font
« l’orgueil et la joie de toute armée moderne »35, mais ne sont pas, en
l’occurrence, d’une grande utilité36.
Ce qui est nouveau est la grave menace sécuritaire que représente l’actuelle privatisation de la violence et la fermeté que lui
oppose la communauté internationale. En novembre 2001, le
Conseil de sécurité des Nations unies a, pour la première fois,
condamné des actes de terrorisme international : « l’une des
menaces les plus graves à la paix et à la sécurité internationales au
XXIe siècle »37, reconnaissant dans ce contexte « le droit inhérent à
la légitime défense individuelle ou collective conformément à la
Charte »38. Pour la première fois de son histoire, l’OTAN a invoqué
l’article 5 du Traité de Washington39. L’UE a, quant à elle, adopté
plusieurs positions communes relatives à la lutte contre le terrorisme40. Le 16 janvier 2002, une première également, le Conseil de
sécurité approuvait une résolution prévoyant des sanctions extraterritoriales contre l’organisation Al-Qaeda, un acteur non étatique transnational.
La multiplication des conflits intra-étatiques violents ainsi que
l’usage de formes (apparemment) nouvelles de coercition peuvent
être interprétés comme une expression de la politique post-internationale. De tels conflits n’ont pas encore mis en danger l’existence même des Etats occidentaux, mais ils peuvent nuire à la stabilité régionale. Ils menacent les intérêts et les valeurs des citoyens
et des Etats, que ceux-ci soient impliqués directement ou indirectement. Ils mettent également en cause les fondements de l’ordre
national et international, ainsi que la légitimité des institutions
nationales et internationales.
Par conséquent, les Etats et les acteurs internationaux s’engagent plus souvent que par le passé dans des crises ou des conflits
35. Martin van Crevelt, On Future
War, Brassey’s, Londres, 1991, p.
20.
36. Ibid., pp. 205ss.
37. Résolution 1377 (2001) du
Conseil de sécurité de l’ONU.
38. Résolution 1368 (2001) du
Conseil de sécurité de l’ONU.
39. Voir www.nato.int/docu/update/2001/1001/e1002a.htm.
40. Voir, par exemple, Position commune du 27 décembre 2001 du
Conseil relative à la lutte contre le terrorisme (2001/930/PESC) et Position
commune du 27 décembre 2001 relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (2001/931/PESC).
41. Résolution 1390 (2002) du
Conseil de sécurité de l’ONU. Voir
également Le Monde, 18 janvier
2002.
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Un modèle – pourquoi et lequel ?
intra-étatiques. Les individus, les groupes et les acteurs transnationaux réagissent de la même manière. Dans un monde interdépendant, le sacro-saint principe de souveraineté est de plus en plus
remis en question et la sécurité n’est plus seulement du ressort
national. Selon un analyste, nous assistons au « développement
d’une société à ‘risque commun’ »42. La sécurité dans la politique
post-internationale s’articule autour de ce que le Secrétaire général des Nations unies Kofi Annan a appelé la « sécurité humaine ».
Selon les déclarations de responsables politiques comme le président Bill Clinton ou le Premier ministre britannique Tony Blair
lors de la 54e Assemblée générale des Nations unies en
automne 1999, l’intervention humanitaire sera une mission
essentielle de la politique internationale pendant cette nouvelle
décennie.
Depuis les événements du 11 septembre, la lutte contre le terrorisme est considérée comme une autre tâche cruciale. Il a malheureusement fallu ces effroyables attaques terroristes contre les
Etats-Unis pour que la communauté internationale prête l’attention nécessaire à ce type de menace transnationale. On a pourtant
l’impression que les Etats-Unis agissent comme toujours en se
focalisant sur l’Etat. Ce qui était au début une guerre contre l’organisation terroriste Al-Qaeda s’est rapidement transformé en
guerre contre le gouvernement taliban d’Afghanistan, voire, dans
le futur, contre les Etats de « l’axe du mal » Iran, Irak et Corée du
Nord. Si la perspective d’une guerre inter-étatique a l’avantage
d’être un engagement concret que les forces américaines sont
capables de prendre, cette approche traditionnelle non seulement
n’atteint pas l’objectif initial, mais court le risque d’aggraver l’instabilité régionale43.
Comme chacun sait, la nature du système international a radicalement changé depuis la fin du conflit Est-Ouest. Mais l’effondrement de l’Union soviétique et de son empire est moins la cause
qu’un symptôme de cette évolution complexe de la société mondiale. Il a fallu plus de dix ans à certains dirigeants pour réaliser
que la guerre froide était vraiment finie. Certains d’entre eux utilisent aujourd’hui l’argument des attaques terroristes du 11 septembre pour demander un accroissement du potentiel militaire
traditionnel. Cet instrument n’a pourtant qu’un impact limité sur
les conflits asymétriques, un ennemi sans visage, qui n’est ni un
Etat ni un gouvernement ni une armée. Trois questions doivent
être prises en compte :
42. Voir Martin Shaw, « The development of a « Common-Risk »
Society », dans Jürgen Kuhlmann
et Jean Callaghan (dir.), Military
and Society in the 21th Century Europe, Lit, Hambourg, 2000, pp.
13-26.
43. Selon Julian Lindley-French,
« Aujourd’hui, le monde attend
trois choses des Etats-Unis. Premièrement, une concrétisation
plus soutenue de sa puissance.
Deuxièmement, une application
avisée et altruiste de cette puissance. Troisièmement, un
concept global de puissance et
d’engagement. Une condition sine
qua non d’un engagement européen plus grand dans un partenariat avec l’Amérique sera l’expression claire, cohérente et
compétente d’un engagement de
l’Amérique à exercer une gouvernance mondiale efficace et juste »,
Cahier de Chaillot 52, Institut
d’Etudes de Sécurité de l’UEO, Paris, 2002, p. 25. Voir également
William Pfaff, « A prospect of one
war after the other », International
Herald Tribune, 21 février 2002,
p. 8.
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◗ la situation caractéristique des Etats défaillants, un véritable terreau pour ce type de menace44 ;
◗ la possibilité de rallier les « renégats » en leur offrant un meilleur
accès aux bénéfices de la mondialisation ;
◗ les conséquences des conflits post-modernes de faible intensité
pour la structure, l’équipement et la doctrine des forces armées45.
Notre propos n’est pas ici d’entrer dans la polémique sur l’intervention humanitaire ou la lutte contre le terrorisme. Ces deux
thèmes reflètent un débat beaucoup plus fondamental sur la
dynamique et la nature des conflits violents dans notre monde
turbulent. « Intervention humanitaire » et « lutte contre le terrorisme » sont des expressions à la mode qui ne font que masquer la
crise profonde de la pensée traditionnelle en matière de défense et
de sécurité. Si nous ne procédons pas à la reconnaissance et aux
adaptations nécessaires, nous serons incapables de gérer correctement le nouveau dilemme de sécurité. D’une part, le monde rapetisse et la croissance rapide de l’interdépendance technologique le
rend encore plus vulnérable ; de l’autre, les clivages se creusent à
l’intérieur des sociétés et entre elles. Les Etats qui ne sont pas
capables de répondre aux besoins fondamentaux de leurs sociétés,
notamment en ce qui concerne la « sécurité » au sens large, s’exposent à la fragmentation sociale, à la politisation des questions ethniques, à une quête destructrice d’une identité de groupe, voire à
un processus pathologique de violence et de destruction46.
Ce nouveau dilemme de sécurité ne peut être traité comme l’est
traditionnellement la politique de défense et de sécurité, avec ses
définitions précises de l’intérêt et de la menace et les instruments
militaires qu’elle nécessite. Et pourtant, il faut répondre aux défis
posés par la nouvelle donne étant donné les effets négatifs qu’ils
peuvent avoir sur l’ordre régional et mondial. Le problème est que
ces effets ne deviennent visibles que lentement et indirectement.
Ils sont diffus et ne sont souvent pris en considération que si les
écrans de télévision montrent les atrocités et les atteintes aux
droits de l’homme, ou en cas d’« hyperterrorisme »47. Les responsables politiques peuvent alors être fortement poussés par l’opinion publique à « faire quelque chose » et se lancer dans un activisme militaire onéreux et pas toujours très efficace.
44. Voir Robert I. Rotberg, « The
New Nature of Nation-State Failure », The Washington Quarterly, été
2002, pp. 85-96.
45. Voir Paul Kennedy, « Puissance
de
l’ennemi
et
fragilité
américaine », Le Monde, 27 septembre 2001, p. VI ; voir également Bruno Racine, « La guerre et
les armes », ibid., p. XI.
46. Voir Winrich Kühne, « Globalisierung und humanitäre Intervention – ein Diskussionsbeitrag zur
Global Governance in der Friedens- und Sicherheitspolitik »
dans Jens van Scherpenberg et Peter Schmidt (dir.), Stabilität und
Kooperation: Aufgaben internationaler
Ordnungspolitik, Nomos, BadenBaden, 2000, p. 431-449.
47. Voir François Heisbourg, Hyperterrorisme : La nouvelle guerre,
Odile Jacob, Paris, 2001.
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Un modèle – pourquoi et lequel ?
Un acteur de sécurité coopérative
Face à de tels défis, une solution serait que la PESC fasse de l’UE un
« acteur de sécurité coopérative ». Ce modèle se fonde sur les cinq
principes suivants, définis en fonction du nouvel environnement
international et de l’actuel dilemme de sécurité :
Normativisme
L’usage de la puissance militaire doit être réglementé par des
normes civiles comme le prévoit le droit international public. Selon
l’interprétation post-moderne, elle a essentiellement pour objectif
de transformer les conflits violents en dynamiques non violentes,
de garantir un niveau minimum de dissuasion ainsi qu’une capacité de défense suffisante, et de contribuer à la sécurité générale.
Pertinence
Les relations extérieures doivent évoluer en fonction des problèmes
de sécurité auxquels notre monde est confronté et des attentes des
opinions publiques. La politique de sécurité doit relever les véritables défis, qui vont de l’interdépendance post-industrielle, de la
mondialisation et de l’intégration d’une part à la fragmentation,
aux Etats défaillants, à l’érosion de la souveraineté et aux menaces
transnationales, de l’autre.
Inclusivité
Une politique traitant de questions aussi complexes doit également comprendre tous les aspects du pouvoir. La dialectique puissance civile/puissance militaire montre bien l’existence de ces deux
approches différentes, mais n’offre pas de modèle réaliste et acceptable. D’un côté, une puissance civile sans moyens militaires manquerait d’un instrument important pour maintenir et modeler
l’ordre international. De l’autre, les moyens militaires ne peuvent
répondre qu’à un petit nombre de défis. Le modèle doit donc être
inclusif, autrement dit exclure l’hypothèse artificielle selon
laquelle l’approche civile et l’approche militaire sont incompatibles.
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Approche multidimensionnelle
Avec le dédoublement du système post-international en un
monde d’Etats et un monde d’entités « sub-étatiques », une
situation donnée dépend désormais d’un plus grand nombre
d’acteurs. La complexité des défis sécuritaires est telle aujourd’hui que l’on doit traiter avec les acteurs non étatiques de questions de nature essentiellement sociale et les intégrer dans la gestion de la sécurité.
Multilatéralisme
Relever les nouveaux défis pour la paix et la sécurité demande une
coopération multilatérale intense. Les protagonistes doivent être
suffisamment forts et convaincants pour contribuer à façonner
l’ordre international. Ils doivent en outre coopérer étroitement
avec les organisations internationales afin de renforcer les normes
et les institutions régionales et mondiales.
L’ensemble de ces principes – sur lesquels se fonde le modèle
d’acteur de sécurité coopérative – forme une politique que l’on
peut qualifier de « gouvernance sécuritaire internationale ». L’UE
a deux bonnes raisons au moins de suivre ce modèle : premièrement, il consiste en tout un éventail de politiques et d’instruments, qui lui permettent de répondre sur tous les fronts à la complexité de l’environnement sécuritaire actuel. Deuxièmement, ce
rôle correspond à la nature propre de l’UE : elle est le premier
exemple de multilatéralisme, une entité collective dotée d’un corpus juridique, fondée sur la coopération et l’intégration. De plus,
les Etats membres de l’UE préfèrent, et de loin, la diplomatie à
l’usage de la force militaire. Après un siècle de « guerre civile » en
Europe, cette préférence, aussi discutable soit-elle aujourd’hui, ne
risque guère de disparaître tant elle est enracinée dans la mémoire
collective des Européens. Par conséquent, à supposer qu’elle joue
un jour un rôle international important, l’UE ne deviendra jamais
une superpuissance militaire comme les Etats-Unis. Le modèle
d’acteur de sécurité coopérative semble donc être celui qui correspond le mieux à la fois aux spécificités européennes et aux défis de
sécurité du XXIe siècle.
Toutefois, ce modèle ne conviendra à la PESC qu’à trois conditions : premièrement, il doit être défini par rapport à un contexte
historique et social précis ; deuxièmement, la mise en œuvre de la
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politique sécuritaire doit correspondre à son interprétation normative – autrement dit, la PESC doit être acceptée par la société ;
troisièmement, il faut pour le concrétiser définir des principes
d’action : en ce qui concerne l’UE, ils sont au nombre de cinq.
1) La dimension normative
Un ensemble approprié de normes et de valeurs doit guider la politique étrangère de l’Union, renforçant ainsi la stabilité et la paix
internationales. Si l’action entreprise ne correspond pas aux
normes et aux valeurs proclamées, la définition d’une identité
propre et la crédibilité de l’UE en pâtiront.
2) Prévention des conflits
La priorité doit être la prévention des conflits48, car il vaut toujours
mieux prévenir que guérir. Ses « coûts » politiques, financiers, économiques, moraux et humains sont en effet moins élevés que ceux
de l’approche traditionnelle.
3) Institutions et instruments
Il faut développer les institutions et les instruments appropriés. Les
déclarations d’intention sont totalement inutiles si l’on ne dispose
ni d’institutions efficaces ni des instruments civils et militaires
nécessaires pour les mettre en œuvre. Ces instruments sont une
condition non suffisante mais nécessaire pour réunir la volonté
politique des Etats membres et la traduire en actes.
4) Culture opérationnelle
Une nouvelle culture opérationnelle doit voir le jour. La nature des
conflits a changé et, avec elle, l’environnement opérationnel. Il est
urgent de repenser les relations civilo-militaires. Comme l’affirme
James Rosenau, « le monde centré sur l’Etat et le monde à centres
multiples doivent être combinés de façon concertée et efficace ».
5) La coopération avec l’OSCE et les Nations unies
Il faut intensifier la coopération avec les principales organisations
internationales. Les tâches doivent être réparties entre l’UE,
l’OSCE et les Nations unies. Il faut, en outre, s’occuper de la difficile
question du mandat, une problématique d’autant plus importante
qu’elle concerne la légitimité et la légalité internationales.
48. Voir la définition de la prévention au chapitre 2.
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Ces principes d’action peuvent servir de critères pour déterminer dans quelle mesure l’UE est déjà conforme au modèle d’acteur
de sécurité coopérative. Aujourd’hui, la question de savoir quelle
sorte d’acteur l’Union deviendra est toujours ouverte. L’UE est
beaucoup plus que le concert de puissances du XIXe siècle, maintenu en équilibre par les rapports de force et les politiques d’alliance. Mais elle n’est pas non plus un Etat hiérarchisé. On peut la
définir comme un mécanisme décisionnel à plusieurs niveaux,
dans lequel les Etats membres prévalent dans le domaine de la
PESC, mais sont de plus en plus liés par des actes juridiques tels
que les stratégies, les actions et les positions communes, ainsi que
par une tendance au fédéralisme, que légitime et encourage la
recherche d’efficacité49. D’ores et déjà, l’Union remplit probablement certains des critères mentionnés plus haut. C’est ce que nous
allons examiner dans le deuxième chapitre
49. Le processus pourrait être le
même dans le deuxième pilier que
dans le premier. Les Etats
membres considèrent que la puissance extérieure est générée par
une action commune fondée sur
une plus grande cohérence interne. La cohérence se fonde sur
l’harmonisation et la construction
des institutions, conduisant progressivement à la mise en place
d’un système politique à part entière capable de répondre efficacement à un conflit externe. Voir
Reinhardt Rummel, « Regional Integration in the Global Test »,
dans Reinhardt Rummel (dir.), Toward Political Union. Planning a Common Foreign and Security in the European
Community,
Nomos,
Baden-Baden, 1992, p. 27ss.
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Quel modèle pour la PESC ?
Evaluation et
recommandations
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Dimension normative
Comme nous l’avons vu, le concept de sécurité évolue en fonction
de l’environnement international. L’interprétation de la sécurité
est donc plus large que ce n’était le cas pendant la guerre froide,
lorsque l’attention se focalisait sur la défense territoriale et la survie
du système socio-politique, y compris ses valeurs et ses normes.
Deux questions se posent aujourd’hui : qui bénéficie de la sécurité
et quelles sont les valeurs à défendre ? La réponse est – là encore –
normative. La grande nouveauté concerne le bénéficiaire de la sécurité : il ne s’agit plus exclusivement de l’Etat, mais de plus en plus de
l’individu. Quant aux valeurs à protéger, elles sont liées au respect
des droits de l’homme. L’Etat ne joue plus de façon aussi claire son
rôle traditionnel de puissance souveraine : l’émergence de questions inédites et de nouveaux acteurs de sécurité ne lui permet plus
de gérer seul le cours des événements. Il doit donc s’en remettre progressivement à la coopération internationale et aux organisations
de sécurité multifonctionnelles, conçues pour traiter toutes sortes
de problèmes et de missions de sécurité.
L’OTAN, par exemple, a tenté de s’adapter à la nouvelle donne
en transformant son organisation de défense politico-militaire en
une organisation de sécurité multifonctionnelle. Elle veut être la
garante de la stabilité au-delà des frontières de ses Etats membres
à travers la coopération et la gestion des crises, tout en conservant
sa mission classique qui est de protéger l’intégrité territoriale de
ses membres50. De son côté, l’UE s’adapte elle aussi au nouvel environnement en approfondissant et en élargissant ses structures, en
promouvant notamment son projet PESD afin de répondre plus
efficacement aux défis posés à la paix et à la sécurité51.
Le déclin du rôle des Etats a également incité à renforcer la
dimension normative et juridique du système « post-international ». La politique internationale devient de plus en plus un
système de droits et de devoirs dans lequel les actions, notamment
50. Voir le processus de transformation de l’OTAN dans William
Hopkinson, « Elargissement : une
nouvelle OTAN », Cahier de Chaillot
49, Institut d’Etudes de Sécurité
de l’UEO, Paris, 2001.
51. Pour la dimension transatlantique et la question du partage du
fardeau, voir Hans-Georg Ehrahrt, « The Balkan Test Case for
EU Foreign Policy », Internationale
Politik Transatlantic Edition, septembre 2002.
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Quel modèle pour la PESC ?
en matière de sécurité, doivent avoir un bon rapport coût-efficacité et être légitimées par le droit international. Dans ce contexte,
la question des droits de l’homme revêt une importance croissante52, mais demeure néanmoins un aspect seulement des relations internationales. Celles-ci sont elles-mêmes tributaires de l’équilibre des forces et de l’intérêt national, lequel demande une
interprétation plus éclairée tenant compte de la nouvelle donne
internationale.
On peut donc conclure qu’à l’heure actuelle, « la politique de
sécurité devient un instrument permettant davantage de garantir
le droit que de défendre ses intérêts propres dans un système anarchique. Le respect de la démocratie et les droits de l’homme deviennent des conditions de la sécurité »53. Quant à savoir si cette
approche sera consensuelle, cela dépendra en partie de l’évolution
de l’UE et de la PESC. C’est vrai pour l’OTAN également, mais
l’intégration européenne va encore plus loin. L’UE a non seulement des responsabilités plus étendues, que reflète sa structure à
trois piliers, mais elle est aussi plus ambitieuse. Malgré la lenteur
de son évolution et l’absence de consensus sur sa finalité politique,
elle semble devenir un acteur ou une entité semi-fédéral(e) d’un
type nouveau54.
Pour que cela soit possible, la compatibilité des normes et des
valeurs fondamentales ne suffit pas ; il faut aussi une confiance
mutuelle née de l’expérience et des activités communes, une certaine symétrie de l’interdépendance, une similarité politico-structurelle et différentes voies de coopération et de communication
transcendant le niveau gouvernemental. Les Etats membres de
l’UE doivent satisfaire l’ensemble de ces conditions. Ils doivent en
outre avoir pour objectif de développer une identité commune, en
promouvant, par exemple, l’émergence d’une Europe pacifique et
unie.
Cette approche est indispensable pour répondre aux défis que
posent à la fois le prochain élargissement de l’Union, en particulier
ses répercussions sur les acteurs et les sociétés concernés, et les
conflits réels et potentiels aux frontières de l’UE et ailleurs. Autrefois, le principal objectif du processus d’intégration était la création d’une communauté de paix parmi les pays membres de l’UE.
L’hubris du nationalisme, à l’origine des deux guerres mondiales et
de tout leur cortège de destructions et de souffrances incroyables,
mais aussi la menace d’anéantissement nucléaire pendant la
guerre froide constituent une expérience fondamentale qui, en fai-
52. Les progrès les plus récents
sont la création par le Conseil de
sécurité des Nations unies du Tribunal pénal international pour
l’ex-Yougoslavie et de celui pour le
Rwanda, ainsi que le projet de
Cour pénale internationale permanente (CPI). L’UE, très favorable à la CPI, contribuera vraisemblablement aux trois quarts
de son budget. Voir International
Herald Tribune, 1er juillet 2002, p.
1, 6. Pour l’administration Bush,
ce projet est assez naïf, mais un
« délitement du droit international risquerait de porter atteinte à
l’essence même de l’Union européenne, qui part du postulat
que les Etats peuvent passer des
accords juridiques entre eux ».
Voir Dan Plesch, Sheriff and Outlaws
in the Global Village, Menard Press,
Londres, 2002, pp. 22ss. Pour les
arguments américains contre la
CPI, voir Robert Kagan, « Europe
should be more sensitive to American concerns », International Herald
Tribune, 1er juillet 2002, p. 8.
53. Helene Sjursen, « New Forms
of Security Policy in Europe »,
ARENA Working Papers, 4/200, p.
17.
54. La notion ambiguë de « fédération d’Etats nations » est devenue familière dans le débat politique. Juridiquement, le processus
d’intégration est décrit dans le
Traité sur l’Union européenne
comme le « processus créant une
union sans cesse plus étroite entre
les peuples de l’Europe ». La situation actuelle de l’UE a également
été considérée comme « étroitement couplée à la communauté
de sécurité ». Emmanuel Adler et
Michael Barnett, Security Communities, Cambridge University Press,
Cambridge, 1998, pp. 56ss.
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2
Evaluation et recommandations
sant naître le sentiment d’appartenir à une communauté de
valeurs, a profondément influencé la formation identitaire.
L’UE a donc été largement considérée comme un modèle pour
résoudre les conflits profondément enracinés entre ses Etats
membres et parvenir à la « paix démocratique » définie par les
théoriciens des relations internationales. L’idée maîtresse était
qu’il existait une relation de cause à effet entre la démocratie et la
paix. La démocratie, fondée sur la séparation des pouvoirs, le pluralisme, l’Etat de droit et la protection des droits de l’homme, est
en effet un système non seulement de droit mais aussi de normes,
privilégiant une évolution pacifique. Pourtant, alors que les intellectuels étaient convaincus du caractère improbable d’une guerre
entre Etats démocratiques, la réalité a montré que cette relation de
cause à effet n’existait pas. En effet, seuls ou dans le cadre de coalitions, de tels Etats ne poursuivent pas nécessairement une politique étrangère pacifique et non violente.
L’Histoire a du reste montré qu’une démocratie pouvait avoir
recours à la force militaire pour des raisons autres que la défense
territoriale : dans les années 1950, par exemple, lors des guerres
coloniales et pendant toute la guerre froide pour maintenir les
sphères d’influence. La force a également été employée pour
garantir l’ordre international (seconde guerre du Golfe), pour des
raisons humanitaires (Kosovo), ou pour combattre le terrorisme.
Les deux premiers cas de figure ne sont pas envisageables pour
l’UE. En revanche, les trois derniers pourraient relever de la future
PESD. Bien que l’article 17 du TUE stipule que la PESC « inclut
l’ensemble des questions relatives à la sécurité de l’Union, y compris la définition progressive d’une politique de défense commune
[…] qui pourrait conduire à une défense commune », il fait exclusivement référence aux « missions de Petersberg », c’est-à-dire aux
missions humanitaires et de secours, de maintien de la paix, des
missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris
pour le rétablissement de la paix.
La lutte contre le terrorisme n’est pas expressément mentionnée. L’UE ne s’en considère pas moins comme « l’un des principaux partenaires de la coalition mondiale contre le terrorisme »55. Dix jours après le 11 septembre, le Conseil européen
décidait que la lutte contre le terrorisme serait « une priorité de
l’Union européenne »56. Le terrorisme est généralement perçu
comme un réel défi pour le monde et l’Europe. Plus spécifiquement, les attentats perpétrés par Al-Qaeda ont été considérés
55. External Relations, « 11 September attacks: The European
Union’s broad response »,
http://www.europa.eu.int/com
m/110901.
56. Conseil européen, Conclusions et Plan d’Action de la Réunion extraordinaire du Conseil européen le 20 septembre 2001, SN
140/01, p. 1.
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comme une « attaque contre nos sociétés ouvertes, démocratiques, tolérantes et multiculturelles »57. L’Union a donc appelé à
« une coalition globale aussi large que possible contre le terrorisme, sous l’égide des Nations unies », l’objectif étant de
« défendre nos valeurs communes »58. Cette approche est couverte
par le TUE.
S’agissant plus précisément de la dimension normative de la
PESC telle que définie dans l’article 11 du TUE, les deux premiers
objectifs sont « la sauvegarde des valeurs communes, des intérêts
fondamentaux, de l’indépendance et de l’intégrité de l’Union,
conformément aux principes de la Charte des Nations unies », et
« le renforcement de la sécurité de l’Union sous toutes ses formes ».
Autrement dit, la sécurité des Etats membres devrait être préservée
contre toute menace, y compris le terrorisme. De plus, les objectifs
qui en découlent sont liés à la stabilité en général, mais aussi à
celles des Etats membres : « le maintien de la paix et le renforcement de la sécurité internationale, conformément aux principes
de la Charte des Nations unies, ainsi qu’aux principes de l’Acte
final d’Helsinki et aux objectifs de la Charte de Paris, y compris
ceux relatifs aux frontières extérieures », ainsi que « la promotion
de la coopération internationale ». Enfin, la PESC contribuera au
« développement et [au] renforcement de la démocratie et de l’Etat
de droit, ainsi qu’[au] respect des droits de l’homme et des libertés
fondamentales ». Cela signifie que l’UE cherche à exporter les
normes de son propre ordre pacifique au-delà de ses frontières afin
de renforcer la stabilité et la paix.
Selon le préambule du TUE, l’ensemble de la PESC a essentiellement deux fonctions normatives : le renforcement de l’identité et
de l’indépendance européennes ; la promotion de la paix, de la
sécurité et du progrès en Europe et dans le monde. Autrement dit,
la PESC ne se limite pas à l’Europe comme certains se plaisent à le
répéter ; elle implique une approche globale correspondant aux
valeurs universelles et aux droits fondamentaux, mais aussi à tous
les risques et défis attribués au processus de mondialisation59. Le
continent européen n’en reste pas moins au cœur de cette
approche, ne serait-ce que pour des raisons géographiques.
L’exportation de la stabilité comprend l’usage de la force
conformément aux principes de la Charte des Nations unies. Les
Etats membres de l’UE sont à cet égard confrontés à trois problèmes normatifs. D’abord, la légitimité et le respect du droit
national et international sont très importants dans les sociétés
57. Ibid.
58. Ibid.
59. Selon Javier Solana, « S’il existe
un fil qui relie tous les défis de sécurité auxquels l’Europe est
confrontée au XXIe siècle, c’est
leur dimension véritablement
mondiale (…) L’Europe ne peut
pas ériger des barrières autour de
sa sécurité. Nous devons avoir des
réponses du XXIe siècle aux défis
du XXIe siècle. Bref, nous devons
nous engager au niveau mondial si
nous voulons fournir une assurance à notre stabilité et à notre
prospérité futures. L’avenir de
l’Union européenne est directement lié à sa volonté d’être ouverte
au reste du monde ». Javier Solana, Europe: Security in the TwentyFirst Century, The Olof Palme Memorial Lecture, Stockholm,
20 juin 2001, p. 4.
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occidentales, mais les normes juridiques existantes ne sont pas
adaptées aux nouveaux défis que représentent les conflits violents
internes et transnationaux60. Cela justifie-t-il un droit de
« préemption militaire », comme le préconise l’administration
Bush61 ? Et faut-il que l’UE, ainsi qu’un diplomate britannique l’a
récemment suggéré, adopte une politique deux poids deux
mesures et louvoie, comme le font déjà les Etats-Unis, « entre le
monde post-moderne et le monde pré-moderne »62 ? En outre, les
groupes, les bandes ou les réseaux adverses adhèrent probablement à d’autres systèmes de normes, de valeurs et de convictions.
La lutte contre ces forces autorise-t-elle à violer les principes les
plus profondément enracinés de la démocratie et du respect des
droits de l’homme ? Enfin, la nécessité de combattre les conflits de
faible intensité « ramènera les forces régulières à des forces de
police ou, si le combat se prolonge, à de simples gangs armés »63.
Comment s’arrêter sur cette pente savonneuse ?
Recommandations
L’UE a consolidé un ensemble de normes et de valeurs que reflètent
les objectifs et les orientations de la PESD. Cette approche normative s’articule autour d’une interprétation large de la sécurité allant
plus loin que la simple absence de guerre. Elle tente en particulier
d’englober à la fois l’exportation progressive du système de paix
représenté par l’UE vers d’autres pays européens, à travers un élargissement dont les limites restent à définir, et la volonté déclarée de
renforcer la stabilité, la sécurité et la paix dans le monde. La perspective d’utiliser la force militaire soulève néanmoins plusieurs
questions.
Comme en témoignent ses actions de politique étrangère, l’UE
est un fervent défenseur des droits de l’homme. Dans la mesure où
elle est une communauté de droit, ces actions sont en principe
limitées, même si, dans la pratique, chaque pays est libre d’interpréter le droit international et les valeurs communes comme il
l’entend. Cette liberté relative pourrait se voir réduite par le lent
mais constant rapprochement des différents systèmes de sécurité
nationaux, que pourrait accélérer l’application des recommandations suivantes :
◗ Le développement d’un « Livre blanc européen sur la sécurité et la
paix » serait un progrès important en rapprochant les cultures
60. Voir, par exemple, Claire
Tréan, « Au nom de la lutte antiterroriste, des dérives répressives », Le Monde, 12 mars 2002,
p. 3 ; Rajiv Chandrasekaran et Peter Finn, « US bypasses law in fight
against terrorism », International
Herald Tribune, 12 mars 2002,
pp. 1, 6 ; Florian Hassel, « Moskau
lässt im Kaukasus morden »,
Frankfurter Rundschau, 12 mars
2002, p. 1.
61. Voir « When to strike first », International Herald Tribune, 24 juin
2002, p. 10.
62. Robert Cooper, « Why we still
need empires », The Observer, 7
avril 2002, www.observer.co.uk/
comment/story/0,6903,680096,
00.html.
63. Martin van Clevelt, op. cit.,
p. 207.
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sécuritaires, malgré la difficulté de traduire des normes et des
valeurs abstraites dans la réalité de la PESC/PESD.
◗ La crédibilité interne et extérieure de tout acteur international
étant constamment menacée par des politiques « deux poids deux
mesures », il faut définir très clairement le lien entre les valeurs et les
normes pour chacune des activités concrètes de politique
étrangère64.
◗ Une gestion satisfaisante des menaces, anciennes ou actuelles,
respectueuse des valeurs et des normes fondamentales ne sera certainement pas facile. Le débat sur l’attitude des Américains vis-à-vis
des prisonniers d’Al-Qaida à Guantanamo Bay montre bien combien il est difficile de traiter avec des acteurs non étatiques qui ne se
soucient ni du droit de la guerre ni du droit international, et sont
dans une « logique » complètement différente. Il n’en demeure pas
moins essentiel de renforcer le droit international et de l’appliquer
à travers des actions et des accords multilatéraux internationaux.
◗ L’UE ne doit pas participer à des actions militaires préemptives
sans l’approbation du Conseil de sécurité des Nations unies.
◗ L’UE ne doit pas subordonner les droits de l’homme à la
recherche d’efficacité dans sa lutte contre le terrorisme, mais continuer à promouvoir une véritable sécurité en mettant en relief les
liens entre le développement, les droits de l’homme et la démocratie65.
Prévention des conflits
Les acteurs qui deviennent des « fournisseurs » de sécurité doivent
élaborer une double politique de prévention : structurelle et d’urgence. La prévention structurelle ou à long terme, mise en œuvre à
un stade précoce, s’adresse aux causes du conflit, alors que la prévention opérationnelle de court terme, qui a un caractère aigu, tardif et éphémère, a pour but d’empêcher des crises existantes de
dégénérer et de se propager66. La difficulté de l’approche structurelle réside dans l’ampleur de son objectif politique, impliquant
tout un éventail d’acteurs entre lesquels il faut assurer une coordination et une coopération étroites. Le principal problème d’une
prévention d’urgence est qu’elle s’inscrit davantage dans la réaction que dans l’action. En général, une politique de prévention
(diplomatie préventive) a pour but de gérer une situation extérieure
dans laquelle un conflit civil grave n’a pas encore éclaté. L’alterna-
64. L’engagement de l’UE en
Macédoine est un relativement
bon exemple d’opération globale
bien expliquée aux opinions publiques. Voir Javier Solana, « Pourquoi
nous
sommes
en
Macédoine », Le Monde, 25 août
2001, pp. 1 et 11.
65. Voir Mary Robinson, « Human
rights are as important as ever »,
International Herald Tribune, 21 juin
2002, p. 8.
66. Dans cette analyse, l’auteur
utilise les termes prévention structurelle et d’urgence.
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tive serait de laisser le conflit dégénérer, puis soit de rester en dehors
et de laisser les événements suivre leur cours soit de s’impliquer
trop tard et de courir ainsi des risques beaucoup plus importants
en utilisant la force militaire. Dans ce cas, c’est l’expression « gestion de crise » qui est en général utilisée et que l’UE définit comme
des « actions entreprises en vue de prévenir l’escalade verticale
(intensification de la violence) ou horizontale (extension à d’autres
territoires) des conflits violents existants »67. Autrement dit, la gestion de crise est également une politique de prévention, mais tardive. Etant donné que la prévention peut échouer, la communauté
internationale doit également être capable d’entreprendre des missions de gestion de crise.
Il y a au moins quatre bonnes raisons de préférer la prévention
à une simple gestion de crise :
◗ La première concerne les coûts. Une analyse coût-efficacité est un
argument très sobre mais convaincant. Des études empiriques ont
montré qu’une prévention coûte moins ou aurait coûté beaucoup
moins à la communauté internationale que les conflits euxmêmes ; elle est donc beaucoup plus économique68. Comme nous
l’avons vu, une politique de laisser-faire en matière de sécurité
régionale n’est pas réaliste étant donné le risque de débordement
du conflit. Dans le cas d’un grave conflit interne, les intérêts des
Etats voisins sont tôt ou tard mis en cause. L’aide aux réfugiés, la
perte d’opportunités économiques, les dépenses militaires ou les
coûts de reconstruction et de réhabilitation sont en outre des
charges financières communes pour les acteurs extérieurs. Par
conséquent, du point de vue économique, la communauté internationale a intérêt à s’engager le plus tôt possible dans la prévention
des conflits.
◗ La deuxième raison concerne le coût politique pour le pays qui
intervient. Ici, le facteur financier joue également un rôle majeur.
Dans les démocraties surtout, parlements et gouvernements doivent répondre de leurs dépenses. Les responsables politiques ont
donc tout intérêt à dépenser de manière efficace (par exemple,
plutôt pour prévenir d’éventuels conflits que pour accroître les
budgets de défense). D’autant que les Etats membres de l’UE sont
eux-mêmes confrontés à des contraintes sociales et politiques qui
les empêcheront dans les années à venir d’augmenter significativement leurs dépenses militaires. En outre, il n’est pas garanti que
l’opinion publique d’un Etat soutienne l’engagement de son pays
dans un conflit : d’une part, la population n’aime pas voir des êtres
67. Voir les définitions et les catégorisations employées par la
Commission européenne, http://
europa.eu.int/comm/development/prevention/definition.htm.
68. Les études en question n’analysent que le coût pour les puissances extérieures, indépendamment du coût national pour le
pays et les populations
concernées. Voir Michael Brown
et Richard N. Rosecrance (dir.),
The Cost of Conflict, Rowman & Littlefield, Lanham, 1999.
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humains souffrir ; de l’autre, elle n’accepte pas l’échec d’une intervention armée. Enfin, si un gouvernement se révèle incapable de
gérer un conflit grave, les médias et les partis d’opposition peuvent
le mettre dans une situation difficile.
◗ La troisième raison de promouvoir la prévention est la sécurité
extérieure. Les pays de l’UE ne sont pas directement menacés par
des conflits internes, mais ils s’intéressent à la stabilité de leur voisinage. Par exemple, étant donné le risque d’escalade horizontale,
l’engagement de l’UE dans les Balkans est indispensable afin de
contenir, transformer et résoudre la crise qui y sévit. Un autre argument pour un engagement préventif est la nature des « nouveaux »
conflits et des risques qui leur sont liés, comme l’existence de chefs
de guerre, les trafics d’armes, de drogue et d’êtres humains, le terrorisme ou la criminalité internationale. Ces problèmes de sécurité
sont trop diffus pour être résolus par les recettes traditionnelles de
l’establishment militaire et plus ils sont gérés tard, plus la tâche
devient complexe et dangereuse.
◗ La quatrième et peut-être la principale raison concerne l’ordre
international et les normes afférentes, cadre essentiel à la stabilité
internationale et régionale, donc à l’investissement et aux échanges
commerciaux, surtout à l’ère de la mondialisation. Bien entendu, ce
n’est pas un conflit de faible intensité qui déstabiliserait le système
post-international, mais en se multipliant, les petites crises risquent, par leurs incidences, de conduire à son érosion. Si l’idée se
répand que la force à l’état pur donne des résultats, on risque d’entrer dans un processus de « décivilisation » qui mettra en danger
l’ordre international69.
Depuis le début des années 1990, la communauté internationale est de plus en plus consciente, dans les discours du moins, de
l’importance de formes et de méthodes nouvelles de prévention
des conflits et les responsables politiques en ont plus d’une fois
souligné la logique irréfutable. Les institutions et les événements
internationaux, tels que la déclaration présidentielle du Conseil de
sécurité des Nations unies de novembre 1999 et la réunion de
décembre 1999 du Groupe des Huit Nations industrialisées (G8),
en soulignent la nécessité. Près de dix ans après l’appel à la diplomatie préventive de l’Agenda pour la Paix du Secrétaire général des
Nations unies, cette approche de la sécurité commence à prendre
forme. Entre temps, les massacres épouvantables perpétrés en
Bosnie-Herzégovine et au Rwanda par exemple ont provoqués
bien des examens de conscience afin de savoir qui était respon-
69. Voir Carnegy Commission on Preventing Deadly Conflict, Final Report,
Carnegy, New York, 1997, pp. 1139.
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sable de tels désastres et quelles étaient leurs implications à la fois
pour les pays directement concernés et pour la communauté internationale. Experts, praticiens et décideurs suggérèrent de développer une « culture de la prévention »70. Les événements du 11 septembre ont, quant à eux, poussé les hauts fonctionnaires à
s’interroger sur les racines du terrorisme et à se demander ce que
l’on pouvait faire en termes d’action préventive71.
Malgré cette évolution et quelques résultats initiaux, la prévention des conflits n’est, comme l’a très justement remarqué Michael
Lund, « pas encore une politique régulière »72. Cet échec peut s’expliquer en partie pour trois raisons :
◗ Plus la prévention commence tôt, plus il est difficile de savoir
quelle sera sa nature exacte. Autrement dit, si toute politique est
prévention, il sera difficile de faire la différence et la notion même
de prévention courra le danger de devenir une expression idéologique.
◗ La prévention structurelle est une tâche sur le long terme, difficilement compatible avec le fonctionnement des démocraties
modernes dans nos sociétés « médiatisées ». Même s’ils sont alertés
rapidement, les responsables politiques (et l’homme de la rue) ne
réagissent habituellement que s’ils sont directement mis en cause.
◗ D’ordinaire, bien peu de personnes s’aperçoivent que la prévention a porté ses fruits. De même, on a du mal à reconnaître le lien
entre les réformes structurelles et leurs effets préventifs car il est
toujours difficile de déceler pourquoi un conflit n’a pas eu lieu. Parfois, la prévention a lieu secrètement ; c’est le cas lors d’une action
diplomatique sur la délicate question des minorités, qu’il ne faut
pas porter à la connaissance des médias si on ne veut pas aggraver la
situation.
Aussi difficile soit-elle, la prévention n’est pas une tâche impossible. Elle pose simplement des défis aussi bien fondamentaux que
concrets qu’il faut relever. Trois problèmes pratiques pourraient,
en particulier, être résolus.
1. La prévention des conflits est, par essence, l’objet d’une confusion conceptuelle. Elle se limite souvent aujourd’hui à une prévention d’urgence, autrement dit à une intervention humanitaire
« réactive » à un conflit violent. Certes, cette « réaction » fait partie
du cycle de crise, mais un conflit ne tombe pas du ciel, il se développe progressivement. L’ignorer aurait des conséquences non
négligeables pour les tierces parties impliquées car c’est le stade
auquel se trouve le conflit qui détermine l’opportunité de la
70. Voir, par exemple, Assemblée
générale/Conseil de sécurité des
Nations unies, Prévention des
conflits armés, Rapport du Secrétaire général, 7 juin 2001,
A/55/985-S/2001/574.
71. Voir, par exemple, Financial
Times, 15 février 2002 et International Herald Tribune, 31 janvier 2002.
72. Michael Lund, « Introduction
and overview », dans Michael
Lund et Guenola Rasamoelina
(dir.), The Impact of Conflict Prevention Policy. Cases, Measures, Assessments, SWP-CPN Yearbook
1999/2000, Nomos, Baden-Baden, 2000, p. 11.
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réponse et la définition des moyens. La prévention doit donc traiter
les racines du conflit aussi bien du point de vue structurel que dans
l’urgence. Dans les deux cas, toutes sortes de mesures politiques,
économiques, juridiques et militaires et différents types d’action
sont possibles73. L’objectif général ne doit pas se limiter simplement à éviter la violence ; il faut traiter les aspects structurels du
conflit sur le long terme, tels que le sous-développement, l’inégale
répartition des richesses, la faiblesse des structures sociales ou le
caractère non démocratique d’un régime politique.
2. Trop souvent, l’accent est mis sur la prévention, sans penser à la
nécessité d’un diagnostic avant de prescrire les « remèdes » appropriés. La prévention des crises non seulement concerne la volonté et
l’action politiques, mais aussi consiste « à rendre l’action efficace,
ou, du moins, ‘à ne pas faire de mal’ »74. Pour être efficaces, les techniques et les instruments de la tierce partie doivent répondre aux
circonstances locales et spécifiques. En conséquence, la prévention
des conflits doit se fonder surtout sur une analyse correcte et objective du conflit.
3. L’échec relatif de la prévention peut être attribué à des habitudes
d’organisation profondément enracinées et aux intérêts spécifiques qui leur sont associés. L’appareil bureaucratique agit habituellement en fonction de procédures bien connues et strictement
dans le cadre de ses compétences. Il aura des difficultés à changer de
voie et à sortir de son pré carré, surtout en l’absence d’encouragements ou de pressions politiques dans ce sens. Pour promouvoir
une culture de la prévention, les acteurs internationaux doivent
internaliser le savoir-faire et les habitudes existants car il n’y a pas
de culture sans coutumes. On peut donc également conclure qu’il
faut rationaliser la prévention des conflits, c’est-à-dire analyser
régulièrement et systématiquement les effets que peuvent avoir
toutes sortes d’activités à l’égard d’une région ou d’un pays dans
une situation de conflit donnée ou potentielle.
Quel rôle la prévention des conflits joue-t-elle dans la politique
étrangère de l’UE ? Dans le premier chapitre, il a été question du
rôle de l’intégration à l’UE pour faire évoluer une situation. L’intégration, pendant les années 1980, de jeunes démocraties du sud de
l’Europe, comme l’Espagne, le Portugal et la Grèce a joué un rôle
stabilisateur. La politique adoptée à l’égard des pays d’Afrique, des
Caraïbes et du Pacifique (ACP) dans le cadre des accords de
Yaoundé et Lomé semble elle aussi avoir implicitement contribué
à la stabilité régionale. Enfin, certaines dispositions de la PESC
73. Pour une « boîte à outils » des
deux types de prévention, voir Annika Björkdahl, « Developping a
Toolbox for Conflict Prevention »
dans Preventing Violent Conflict. The
Search for Political Will, Strategies and
Effective Tools, Rapport du séminaire Krusenberg, organisé par le
ministère suédois des Affaires
étrangères, le Stockholm International Peace Research Institute et
le Swedish Institute of International Affairs, 19-20 juin 2000, SIPRI, Stockholm, 2000, pp. 20ss.
74. Michael Lund, « Creeping institutionalizing of the Culture of
Prevention », op. cit., p. 26.
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définies dans les traités de Maastricht et d’Amsterdam répondent
aux besoins fondamentaux de la prévention en promouvant les
droits de l’homme et le renforcement de la démocratie, l’Etat de
droit et l’inclusion des missions de Petersberg. Toutefois, c’est au
milieu des années 1990 seulement que l’UE a commencé de travailler explicitement à la prévention et ce, dans trois domaines.
Premièrement, la Commission et le Conseil se sont occupés de
l’Afrique, avec, tout d’abord, les conclusions sur « La diplomatie
préventive, la résolution des conflits et le maintien de la paix en
Afrique », annoncées le 4 décembre 1995, l’adoption d’une position commune sur « La prévention et la résolution des conflits en
Afrique » le 2 juin 1997 et la communication de la Commission
intitulée « Coopération avec les Etats ACP impliqués dans les
conflits armés comme point de départ75. Deuxièmement, l’UE a
lancé sa première action commune avec le Pacte de Stabilité pour
l’Europe centrale et orientale. Cette initiative positive a été un acte
explicite de diplomatie préventive, suivi par des actions telles que
l’initiative de Royaumont et le Pacte de Stabilité pour l’Europe du
Sud-Est76. L’ensemble du processus d’élargissement de l’UE peut
être considéré comme de la prévention structurelle, surtout avec la
nouvelle approche de la « conditionnalité » qui a été développée.
Les efforts menés par l’UE pour promouvoir la coopération régionale et l’intégration à l’échelle mondiale entrent également dans ce
cadre. Troisièmement, l’UE s’est engagée à prévenir et à combattre
le trafic illégal d’armes conventionnelles ainsi que la diffusion des
armes légères, contribuant ainsi aux régimes d’instauration de la
paix77.
Il y a quelques années, la Commission tenta, dans une communication au Conseil, de formuler une base conceptuelle pour la
prévention et la gestion des conflits78. Ce document préconise un
cycle de réponse aux crises en quatre phases. La première a lieu en
temps de paix et la prévention fait intervenir des moyens structurels tels que la promotion de la démocratie, l’Etat de droit et les
droits de l’homme. Si les tensions s’aggravent, des arrangements
sont pris sur le court terme pour désamorcer la crise : dialogue
politique, sanctions, déploiement préventif et mesures de stabilisation sociale et politique. Si le conflit dégénère, l’objectif est de
réduire la violence à travers des dispositions aussi bien coercitives
que non coercitives. Dès la fin du conflit, commence alors une
phase d’imposition de la paix utilisant des instruments tels que la
démilitarisation, l’arms control, le retour à la normale, la sur-
75. Pour ces documents et
d’autres textes officiels sur l’instauration de la paix et la prévention des conflits, voir http://europa.eu.int/comm/development
/prevention/index_fr.htm.
76. Voir Hans-Georg Ehrhart et
Albrecht Schnabel, « EU Conflict
Prevention in the Balkans: The
Royaumont Initiative and
Beyond », dans Peter Cross et
Guenola Rasamoelina (dir.),
« Conflict Prevention Policy of the
European Union. Recent Engagements, Future Instruments », CPN
Yearbook 1998/99, Nomos, Baden-Baden, 1999, pp. 55-69.
77. Voir Conseil de l’Union européenne, « Programme de l’UE
pour la prévention du trafic illicite
d’armes conventionnelles et la
lutte contre ce trafic », 9057/97,
26 juin 1997 et Journal officiel, « Action commune du 17 décembre 1998 adoptée par le
Conseil sur la base de l’article J.3
du traité sur l’Union européenne,
relative à la contribution de
l’Union européenne à la lutte
contre l’accumulation et la diffusion déstabilisatrices des armes
légères et de petit calibre »
(1999/34/CFSP).
78. « Communication de la Commission au Conseil sur l’Union européenne et le problème des
conflits africains », SEC(96)332,
Bruxelles, 6 mars 1996, pp. 5-7.
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veillance, le dialogue politique et les réformes institutionnelles.
Toutes ces mesures ont pour objectif de promouvoir la stabilité
structurelle comme but ultime.
Ce cycle, défini au départ par la Commission pour la gestion
des conflits en Afrique, n’a cependant pas débouché sur une
stratégie politique générale de prévention des conflits – il n’a pas
non plus été appliqué79. Cet échec est peut-être dû au fait que ce
concept émanait des ministres chargés du développement et de la
DG VIII de la Commission, et fut donc jugé secondaire. Il s’explique aussi par le manque de cohérence et l’insuffisance des instruments nécessaires.
L’UE a commencé à s’intéresser à la prévention des conflits
pour plusieurs raisons. Elle prend lentement mais progressivement conscience qu’un conflit grave survenant hors de ses frontières peut avoir des effets très négatifs sur ses membres. De plus,
l’Union étant la plus grande puissance commerciale du monde, et
le plus grand donateur d’aide humanitaire et d’aide officielle au
développement, la prévention des crises est compatible avec ses
activités. La Commission a en outre un intérêt bureaucratique à
s’engager dans la prévention car la plupart des instruments relèvent de ses compétences et justifient le rôle significatif qu’elle
entend jouer dans le domaine de la PESC. Il s’agit du reste d’un
domaine politique relativement bon marché et consensuel, supposé donner à la PESC un profil plus visible. Enfin, certains Etats
membres ont eux aussi fait des efforts dans ce sens que ce soit pour
des raisons nationales (pressions croissantes des ONG et des organisations humanitaires), ou pour des questions de statut dans le
cas des Etats neutres de l’UE.
Lors du lancement du projet PESD, la prévention des conflits
s’est trouvée sous les feux de la rampe. L’histoire de l’engagement
au Kosovo a montré une fois de plus que la communauté internationale en avait fait trop peu et trop tard pour empêcher l’escalade
d’un conflit qui couvait depuis plus d’une décennie. Les membres
de l’UE en particulier ont été confrontés à leur propre manque de
capacités aussi bien militaires que non militaires pour prévenir et
gérer les crises. Au début de la PESD, la Grande-Bretagne et la
France ne s’intéressaient qu’à la dimension militaire, tandis que
les membres scandinaves de l’UE redoutaient la militarisation de
l’Union. L’Allemagne servit de médiateur. Alors que la prévention
est à peine mentionnée dans les principaux documents du Conseil
européen de Cologne80, le Conseil de Helsinki a jugé nécessaire
79. Après tout, le Conseil a adopté
une position commune en mai
2001 concernant la prévention
des conflits, la gestion et la résolution des crises en Afrique, Journal
officiel des Communautés européennes, L 132/3.
80. « (…) Nous sommes convaincus que le Conseil devrait être en
mesure de prendre des décisions
ayant trait à l’ensemble des activités de prévention des conflits et
des missions de gestion des crises
définies dans le traité sur l’Union
européenne les « missions de Petersberg ». Conseil européen de
Cologne des 3 et 4 juin 1999, « Déclaration du Conseil européen de
Cologne concernant le renforcement de la politique européenne
commune en matière de sécurité
et de défense », dans « De SaintMalo à Nice : les textes fondateurs
de la défense européenne », réunis
par Maartje Rutten, Cahier de
Chaillot 47, Institut d’Etudes de Sécurité de l’UEO, Paris, 2001, p. 44,
cité ci-après sous le nom de De
Saint-Malo à Nice.
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Evaluation et recommandations
d’améliorer et de rendre plus efficace l’usage des ressources dans la
gestion civile des crises81.
Concernant les programmes, de nombreux progrès ont été réalisés. Le rapport conjoint du Secrétaire général/Haut Représentant et de la Commission, présenté au Conseil européen de Nice,
contient plus de vingt recommandations sur l’amélioration de la
cohérence et de l’efficacité de la prévention des conflits par l’UE. Il
est recommandé, par exemple, de maintenir la prévention des
conflits comme priorité de l’action extérieure de l’UE, d’établir et
de renforcer les priorités dans ce domaine et d’« avancer la
séquence de l’action de l’UE en adoptant une approche progressivement anticipatoire moins réactive »82.
Ce rapport, premier véritable effort de l’UE pour améliorer les
synergies en matière de prévention des conflits, a été suivi d’une
communication de la Commission contenant une longue liste
d’instruments réels et potentiels et suggérant des activités futures
dans ce domaine83. Sans entrer dans les détails, deux raisons
majeures semblent expliquer l’échec de la politique de prévention.
La première est qu’« il est évidemment nécessaire de renforcer
notre analyse commune des causes profondes de conflit et de leurs
signes annonciateurs ». La deuxième concerne la mise en cohérence. La Commission prend des mesures dans cette direction en
développant et en intégrant les indicateurs de conflit pour toutes
les fiches-pays, et des outils de programmation concrets comme le
Livre sur la prévention des conflits sont développés afin de rationaliser les mesures de prévention.
Le Conseil européen de Göteborg a approuvé un programme
de l’UE pour la prévention des conflits violents, « qui améliorera la
capacité de l’Union de prendre en charge de manière cohérente
l’alerte rapide, l’analyse et l’action ». La prévention des conflits y
est décrite comme « l’un des principaux objectifs des relations
extérieures de l’Union et devrait être intégrée dans tous ses aspects
pertinents, y compris la politique européenne en matière de sécurité et de défense, l’aide au développement et le commerce »84. Le
programme élaboré par le COREPER précise que « conformément
aux valeurs fondamentales de l’UE, la priorité politique la plus
élevée sera accordée à l’amélioration de l’efficacité et de la cohérence de l’action extérieure de l’Union en matière de prévention
des conflits »85. Ce programme exprime en outre la volonté de « se
fixe[r] des priorités politiques précises en matière d’actions préventives, [d’]améliore[r] la cohérence aux niveaux de l’alerte
81. Bien que l’expression « prévention des crises » soit utilisée une
fois dans le rapport d’avancement
des travaux de la présidence de
Helsinki de l’annexe I à l’annexe IV,
elle n’est pas mentionnée du tout
dans le rapport sur la gestion des
crises non militaires figurant dans
l’annexe 2 de l’annexe IV. Toutefois, la gestion des crises est
considérée comme faisant partie
intégrante d’une prévention
poussée dans la mesure où les efforts de l’UE ont pour but de lui
permettre de « répondre plus rapidement et plus efficacement à des
crises naissantes ». Conseil européen d’Helsinki, Rapport de la
présidence sur la gestion non militaire des crises par l’Union européenne, annexe 2 à l’annexe IV,
dans De Saint-Malo à Nice, op. cit.,
page 96. Le rapport de la présidence sur le renforcement de la
politique européenne commune
en matière de sécurité et de défense est plus explicite lorsqu’il indique qu’il faut faire face aux
crises
:
- « en œuvrant pour prévenir l’apparition ou l’intensification des
conflits
;
- en consolidant la paix et la stabilité interne dans les périodes de
transition
;
- en assurant une complémentarité entre les aspects civils et militaires de la gestion des crises de
manière à couvrir tout l’éventail
des Missions de Petersberg ».
Conseil européen de Santa Maria
da Feira, 19 et 20 juin 2000,
conclusions de la présidence sur la
PESD, appendice 3, dans De SaintMalo à Nice, op. cit., pp. 144-145.
82. Conseil européen de Nice,
rapport présenté au Conseil européen de Nice par le Secrétaire
général/Haut Représentant et la
Commission, « améliorer la cohérence et l’efficacité de l’action de
l’Union européenne dans le domaine de la prévention des
conflits », dans De Saint-Malo à
Nice, op. cit., p. 227.
83. Commission européenne,
Communication de la Commission sur la Prévention des conflits,
Bruxelles, 11 avril 2001,
COM(2001)211 final.
84. Conseil européen de Göteborg, 15 et 16 juin 2001, dans « De
Nice à Laeken – les textes fondamentaux
de
la
défense
européenne », vol. II, réunis par
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rapide, de l’action et de la définition de la politique, [de] renforce[r] ses instruments de prévention à long et court termes, et
[de] mettr[e] en place des partenariats efficaces ». Enfin, les
mesures permettant la mise en œuvre de ces objectifs ont été e.xpliquées. Reste à savoir comment elles seront appliquées86.
Il en va de même pour la lutte contre le terrorisme. L’UE a
adopté une position ferme à ce sujet, en particulier « contre les
Etats qui aideraient, soutiendraient ou hébergeraient des terroristes (…) à travers une approche coordonnée et interdisciplinaire
incorporant toutes les politiques de l’Union ». Elle considère toutefois le développement d’« un système mondial équitable de sécurité, de prospérité et de meilleur développement [comme] la condition d’une communauté forte et durable pour lutter contre le
terrorisme »87. En termes de soft security, l’UE a une contribution
importante à faire : elle fournit actuellement 55% de l’assistance au
développement dans le monde et les deux tiers des subventions.
Selon Chris Patten, le 11 septembre a montré à quel point il est
important de soutenir les Etats défaillants (failed states) et de commencer par les empêcher de faillir. L’Union doit donc s’attaquer
aux « racines du terrorisme et de la violence »88. Cela étant, la prévention structurelle pouvant ne pas porter ses fruits, l’UE doit également avoir les instruments de hard security nécessaires pour traiter aussi bien avec les Etats qui soutiennent le terrorisme qu’avec le
terrorisme transnational lui-même89.
Maartje Rutten, Cahier de Chaillot
51, Institut d’Etudes de Sécurité
de l’Union européenne, Paris, avril
2002.
85. Programme de l’Union européenne
pour la prévention des conflits violents,
Communiqué
de
Presse
n. 9537/1/01, Bruxelles, 7 juin
2001, p. 1.
86. Un pas dans cette direction est
l’Accord de Cotonou, qui a été signé en juin 2000 et gouverne les relations entre l’UE et les pays ACP.
Cet accord comprend pour la première fois une dimension politique concernant les questions qui
n’ont pas été considérées jusqu’ici
comme faisant partie du programme de développement tel
que le dialogue politique renforcé,
l’imposition de la paix, la prévention et la résolution des conflits,
les droits de l’homme, les principes démocratiques et l’Etat de
droit. Voir, par exemple, pour une
analyse générale, . D’autres mesures concrètes ont été entre
autres l’élaboration d’une liste de
surveillance des pays prioritaires
fondée sur des évaluations de la
Commission et la mise sur pied
d’un processus d’alerte rapide
fondé sur des rapports et des évaluations des risques, faits par le Secrétariat du Conseil. Voir CAG, Implementation of the EU Programme for
the Prevention of Violent Conflicts,
9991/02, Bruxelles, 18 juin 2002,
p.3.
Recommandations
87. De Nice à Laeken, op. cit., pp. 158
et 161.
Pour résumer, l’Union accorde à la prévention des conflits une
place de plus en plus grande dans sa politique extérieure et ce,
depuis le milieu des années 1990. Aujourd’hui, la prévention est –
au niveau des programmes surtout – un objectif politique majeur,
dont il importe surtout d’accroître l’efficacité, et l’UE en est l’un des
plus actifs défenseurs. Mais il faut déterminer pour chaque cas si
l’impact sur la situation sera positif ou négatif. Parallèlement, un
consensus de principe existe à la Commission sur l’urgence d’incorporer les activités de prévention dans son travail quotidien. La
prévention des conflits doit être mise en pratique dans le cadre de
toutes les politiques communes, qu’il s’agisse de l’environnement,
du commerce ou de l’agriculture. être incorporées dans le deuxième
pilier, puisque – comme l’a indiqué un de ses fonctionnaires – la
88. The Guardian, 9 février 2002.
89. Le Conseil européen a
confirmé cette approche globale
dans sa « Déclaration sur la contribution de la PESC, y compris la
PESD, à la lutte contre le terrorisme », annexée à la Conclusion
de la présidence, Séville, 21 et 22
juin 2002, annexe V. Selon ce document, l’Union doit en priorité
concentrer ses efforts sur la prévention des conflits et le dialogue
politique avec les pays tiers ; elle
doit également renforcer les mécanismes d’échange de renseignements et recourir davantage à l’évaluation des situations et aux
rapports d’alerte rapide, se doter
d’une évaluation commune de la
menace terroriste qui pèse sur les
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prévention doit « faire partie de tout aspect pertinent du travail de
l’Union »90. De plus, la politique de prévention de l’UE se heurte
toujours à certaines limites géographiques et fonctionnelles. Il
n’existe en effet aucune entité centrale capable d’analyser et d’évaluer globalement les engagements préventifs sur le long terme.
Enfin, même si l’on a surtout recours actuellement à la prévention
d’urgence pour gérer les conflits, l’Union remplit grosso modo le
second critère d’un acteur de sécurité coopérative. Reste à savoir
dans quelle mesure l’engagement politique à l’égard de la prévention portera ses fruits, compte tenu des divergences de priorités
nationales en matière de sécurité et de la difficile question de la
cohérence91. La capacité de prévention des conflits de l’UE pourrait
toutefois être renforcée grâce aux mesures suivantes :
◗ Le ferme engagement de considérer la prévention des conflits
comme le principal objectif de la PESC dans le contexte du TUE en
2004 serait un signe clair de l’institutionnalisation de cette question.
◗ Dans les actions civiles de prévention, l’application de l’article
27a du TUE sur la coopération renforcée devrait être prise en
compte dans le processus décisionnel.
◗ Bien que la prévention des conflits et la gestion des crises soient
les deux faces de la même médaille, la prévention structurelle est
dans tous les cas la meilleure solution et devrait donc être préférée
à la prévention d’urgence.
◗ Le SG/HR et le Commissaire aux Relations extérieures devraient
élaborer un rapport annuel commun sur les activités de prévention
des conflits de l’UE, notamment une liste d’exemples positifs de
prévention.
◗ Il convient de réfléchir à la façon de mieux informer les fonctionnaires nationaux et européens sur les techniques de prévention.
◗ La création d’une mémoire institutionnelle est une question à
examiner. Trois mesures doivent être envisagées :
❙ accroître significativement la capacité de planification de
l’Unité de planification politique et d’alerte rapide (UPPAR) ;
❙ évaluer systématiquement les importantes connaissances
acquises ces dernières années sur la prévention des conflits,
demeurées trop diffuses jusqu’ici. Cette tâche pourrait être effectuée de diverses manières : réaménagement de l’UPPAR ; création
d’une agence susceptible d’agir comme centre de traitement des
données sur la prévention à l’intention des fonctionnaires, des
unités administratives s’occupant du conflit et des états-majors
forces de l’UE, déterminer les capacités militaires nécessaires pour
protéger des attentats les forces
déployées et étudier plus avant
comment des capacités militaires
ou civiles pourraient être utilisées
pour contribuer à protéger les populations civiles contre les effets
d’attentats.
90. Commentaire de Martin
Landgraf de l’Unité de gestion des
crises de la Commission, dans
« Future Challenges to Conflict
Prevention. How Can the EU
Contribute? », rapport d’un séminaire organisé par le Swedish Institute of International Affairs, Paris,
22 septembre 2000.
91. Le CAG s’est entendu, en mai
2002, sur une « approche systématique » de la prévention des
conflits. Sur la question de la
cohérence, voir Antonio Missiroli,
« Introduction », dans Antonio
Missiroli (dir.), « Coherence for
European security policy. Debates, cases, assesments », Occasional Papers 27, Institut d’Etudes
de Sécurité de l’UEO, Paris, 2001,
pp. 1-16.
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sur le terrain ; fusion des services de politique étrangère de la Commission et du Secrétariat du Conseil ;
❙ procéder à une analyse continue des pays et des conflits est
une condition préalable d’un système efficace d’alerte rapide. Il
faut pour cela envisager une coopération étroite avec les instituts
de recherche et les académies92.
Instruments et institutions
Pour pouvoir mettre en œuvre les différentes mesures envisagées
dans le cycle de réponse à la crise, l’Union doit développer les
moyens appropriés et pallier le manque d’instruments pour les
missions civiles et militaires de prévention et de gestion des crises.
Elle doit également s’adapter aux nouvelles tâches. Dans le
domaine civil, l’UE dispose déjà, avec les instruments communautaires, de toute une variété de moyens de prévention structurelle,
mais en possède très peu pour la prévention d’urgence. Quant à
l’outil militaire, les capacités des Etats membres ont diminué et n’étaient pas supposées jusqu’ici être employés dans le cadre de l’UE.
Seule l’évolution de la position britannique, exprimée dans la
déclaration franco-britannique de Saint-Malo, a ouvert la voie à la
PESD93. Le développement de la PESD a ensuite rendu les réformes
institutionnelles incontournables. Certes, l’UE a toujours tendance à se concentrer sur les institutions, mais une réforme s’imposait pour au moins trois raisons. Premièrement les organes existants étaient inefficaces et ne correspondaient pas aux nouvelles
tâches. Deuxièmement, qui d’autre que l’UE pouvait offrir un cadre
d’ensemble à la prévention des conflits et à la gestion des crises par
l’Europe ? Troisièmement, l’intégration européenne progresse toujours grâce à la définition commune de normes et à la construction
institutionnelle94.
92. La création du Réseau universitaire de prévention des conflits
(CPN) a été une mesure dans ce
sens. Créé en 1997 à l’initiative de
la Commission et du Parlement
européen, ce Réseau est devenu
complètement opérationnel en
2000. Le CPN a été dirigé par la
Stiftung Wissenschaft und Politik
sur une base contractuelle. Il a été
une interface pour les instituts de
recherche, les experts, les universitaires et les ONG s’occupant de
prévention des conflits, en fournissant aux institutions de l’UE
des analyses approfondies sur des
questions d’actualité. Malheureusement, la Commission a modifié
le contrat prématurément. Il a été
mis fin officiellement à ce projet
original et prometteur à la fin de
2001.
93. Le Royaume-Uni n’a pas pour
autant modifié sa politique générale concernant l’UE, mais a simplement adapté son approche de
la PESC dans le domaine de la sécurité militaire. Voir Alrun Deutschmann, « Die britische Position
zur GASP/ESVP: von Maastricht
nach Nizza », dans Hans-Georg
Ehrhart (dir.), Die Europäische Sicherheits- und Verteidigungspolitik:
Positionen, Perzeptionen, Probleme,
Perspektiven, Nomos, Baden-Baden, pp. 58-73. Pour une bonne
analyse des positions nationales à
l’égard de la PESD, voir Jolyon Howorth, « L’intégration et la défense
européenne : l’ultime défi », Cahier
de Chaillot 43, Institut d’Etudes de
Sécurité de l’UEO, 2000, pp. 4759.
Nouveaux instruments
D’emblée, l’aspect militaire s’est trouvé au cœur de la PESD. C’est
l’expérience du Kosovo surtout qui a fait prendre conscience du
manque de structures politiques et de capacités militaires dans les
Etats membres de l’Union. La France et la Grande-Bretagne ont
jugé essentiel que l’Europe s’occupe de la question des capacités
94. Voir Gilles Andréani, « Why
Institutions Matter », Survival, été
2000, pp. 82ss.
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Evaluation et recommandations
militaires en vue de réduire le fossé croissant dans ce domaine au
sein de l’Alliance atlantique95. Le Conseil européen d’Helsinki a
donc défini des objectifs militaires. Le headline goal prévoit que « les
Etats membres devront être en mesure, d’ici 2003, de déployer dans
un délai de 60 jours et de soutenir pendant au moins une année des
forces militaires pouvant atteindre 50 000 à 60 000 personnes,
capables d’effectuer l’ensemble des missions de Petersberg »96. Le
Conseil a en outre décidé de fixer des objectifs concernant les capacités collectives en matière de commandement et de contrôle, de
renseignement et de transport stratégique. Lors d’une première
conférence
d’engagement
des
capacités,
tenue
le
20 novembre 2000, les Etats membres ont proposé d’engager plus
de 100 000 soldats, 400 engins aériens et 100 navires. Le lendemain,
quinze Etats européens n’appartenant pas à l’UE ont fait leurs premiers engagements. Pour l’instant, la mise en œuvre du headline goal
est satisfaisante sur le plan quantitatif. En revanche, les aspects
qualitatifs tels que la mobilité, la logistique et le C3I sont plus difficiles à concrétiser. Lors du sommet de Göteborg, ayant cerné les
insuffisances, les Etats membres se sont engagés « à prendre des
mesures supplémentaires spécifiques pour remédier aux déficiences constatées »97. Mais ils ne sont pas parvenus à adopter un
mécanisme de développement des capacités détaillé lors de la
Conférence sur l’amélioration des capacités militaires tenue le
19 novembre 2001 à Bruxelles98. Ils se sont néanmoins entendus
sur un plan d’action européen sur les capacités (European Capability Action Plan – ECAP), fondé sur plusieurs principes : efficacité
des efforts militaires européens, approche d’aval en amont de la
coopération européenne en matière de défense, coordination entre
les Etats membres de l’UE, coopération avec l’OTAN et recherche
du soutien de l’opinion publique99. Un rapport sur l’ECAP montre
que les Etats membres n’ont satisfait que 104 des 144 objectifs. Ce
demi-succès n’est pas dû à un manque de ressources financières
puisque les pays de l’UE dépensent 180 milliards d’euros pour leur
défense, mais plutôt à la manière dont l’argent est dépensé. En
outre, les Etats membres semblent hésiter à s’engager dans des
solutions multilatérales100.
S’agissant de l’impact du terrorisme mondial, le SG/HR a
affirmé lors d’une réunion informelle des ministres de la défense
de l’UE en octobre 2001 que la lutte contre le terrorisme n’avait pas
relégué les missions de Petersberg au second plan. Toutefois, les
Etats membres de l’UE devraient réexaminer leurs capacités « afin
95. Voir David S. Yost, « The NATO
Capabilities Gap and the European Union », Survival, vol. 42, hiver 2000-2001, pp. 97-128. Voir
également William Hopkinson et
Julian Lindley-French, « Europe is
not ready to respond to new
threats », International Herald Tribune, 20 février 2002, p. 6.
96. Conseil européen, Helsinki, 10
et 11 décembre 1999, De SaintMalo à Nice, op. cit., p. 88.
97. Conseil européen, Göteborg,
Rapport de la présidence, op. cit.,
p. 35.
98. Voir « Conférence sur l’amélioration des capacités militaires de
l’UE », Bruxelles, 19 novembre
2001, dans De Nice à Laeken, op.cit.,
pp. 100-108.
99. Voir CAG avec la participation
des ministres de la défense de
l’Union européenne, déclaration
sur l’amélioration des capacités
européennes, Bruxelles, 19 novembre 2001. L’ECAP a été officiellement lancé le 12 février 2002.
100. Voir Kim Sengupta, « Delays
hit rapid reaction force », The Independent, 28 juin 2002.
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de garantir que nous prenons pleinement en compte la menace
terroriste pour nos forces lorsqu’elles sont déployées pour des opérations de gestion des crises ». M. Solana a en outre souligné l’importance d’améliorer les renseignements dont disposent les responsables politiques. Cela concerne « non seulement les menaces
posées par le terrorisme lui-même, mais aussi le processus d’alerte
rapide, concernant des tendances dangereuses et des causes
potentielles de terrorisme ainsi que d’autres menaces pour les
intérêts européens ». Il a donc proposé de renforcer la capacité du
Secrétariat général à gérer les informations confidentielles101.
Enfin, dans sa déclaration sur les contributions de la PESC/PESD
à la lutte contre le terrorisme, le Conseil européen a pris un engagement plus ferme et plus détaillé concernant l’action et le développement des instruments appropriés102.
Les décisions sur les capacités militaires se sont accompagnées
de progrès de la dimension civile de la PESD. Afin de mettre en
œuvre les objectifs définis dans le plan d’action du rapport de la
présidence sur la gestion de crise non militaire, un inventaire a été
dressé des ressources nationales et collectives et une base de
données a été créée. Les enseignements tirés des situations de crise
passées servent en outre à définir des objectifs clairs pour les Etats
membres. Les Européens ont ainsi identifié quatre priorités pour
la dimension civile de la gestion des crises, dans laquelle ils ont peu
à peu commencé à coordonner leurs efforts103.
La première de ces priorités concerne les capacités en matière de
police. Lors du sommet de Feira, les Etats membres se sont engagés
à mettre à disposition 5 000 policiers d’ici 2003, dont 1 000 peuvent être déployés en moins de trente jours104. Des procédures et
des principes ont été définis compte tenu des expériences récentes
de gestion des conflits et des capacités jugées nécessaires. Deux
concepts ont également été mis au point : le premier sur le renforcement et le second sur le remplacement des forces de police
locales105. Une conférence des chefs de police nationaux a eu lieu
le 10 mai 2001 sur les capacités en matière de police et des dispositions concrètes ont été prises dans ce domaine : plan d’action,
critères de sélection, de formation et d’équipement des policiers,
principes et modalités des contributions des Etats non membres
de l’UE et programme d’exercices pour les forces de police106. Une
conférence d’engagement des capacités en matière de police a eu
lieu au niveau ministériel le 19 novembre 2001 afin de réunir les
engagements nationaux pour répondre aux objectifs en matière de
101. Résumé de l’intervention de
Javier Solana lors de la réunion informelle des ministres de la défense, Bruxelles, 12 octobre 2001,
http://www.ue.eu.int/solana/
102. Voir Conseil européen, « Déclaration sur la contribution de la
PESC, y compris la PESD, à la lutte
contre le terrorisme » op. cit.
103. D’autres questions ont été
jugées prioritaires pour le développement des capacités collectives et en ce qui concerne par
exemple les armes légères, la démobilisation, la médiation et la
réintégration. Ces priorités ne
sont cependant pas encore véritablement prises en compte.
104. Voir Conseil européen, Santa
Maria da Feira, « Rapport de la
présidence sur le renforcement de
la politique européenne commune de sécurité de défense », annexe I, dans De Saint-Malo à Nice,
op. cit., p. 126.
105. Voir Conseil européen, Nice,
« Le renforcement des capacités
de l’Union européenne pour les
aspects civils de la gestion des
crises », annexe II à l’annexe VI,
p. 198-203.
106. Voir Conseil européen, Göteborg, « Rapport de la présidence
sur la politique européenne en
matière de sécurité et de défense »,
annexe I, op. cit., p. 34-35, 37.
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police définis par le Conseil européen de Feira. A cette conférence,
les Etats membres ont pris des engagements quantitatifs et qualitatifs en vue de mettre sur pied une capacité européenne de police.
L’objectif de réunir 5 000 policiers d’ici 2003 a été atteint. Quant
au headline goal de Feira prévoyant de mobiliser 1 000 policiers en
moins de trente jours, 400 hommes supplémentaires ont été mis à
disposition107.
La deuxième priorité est de promouvoir l’Etat de droit, autrement dit de renforcer et de restaurer les systèmes judiciaires et
pénaux locaux. Une base de données spécialisée a été élaborée et les
premiers objectifs ont été définis, comme celui de mobiliser, d’ici
2003, 200 fonctionnaires chargés de soutenir la police dans le
domaine de la justice criminelle. Des normes et des modules communs d’entraînement ont en outre été développés depuis 2001.
Enfin, une méthode doit être développée pour répondre aux objectifs quantitatifs. Lors de la Conférence d’offres d’engagements en
matière de capacités d’Etat de droit tenue à Bruxelles le 16 mai
2002, il a été annoncé que les objectifs concrets fixés à Göteberg
avaient été dépassés108.
Les deux autres priorités concernent l’administration civile et
la protection de la population. Des objectifs généraux ont été formulés dans le domaine administratif, surtout pour le renforcement des capacités globales de l’UE. Cela a été fait en créant une
cellule d’experts et une base de données, avec des capacités d’entraînement et d’évaluation fondées sur les normes et les modules
d’entraînement communs. Des objectifs quantitatifs ont été définis pour la protection de la population civile. Ceux-ci comprennent : la création de deux ou trois équipes d’évaluation et/ou de
coordination, soit en tout dix experts, qui pourraient être mises à
pied d’œuvre en trois à sept heures ; des équipes d’intervention de
protection civile de 2 000 personnes disponibles sur le champ ; et
des forces supplémentaires comprenant des organisations non
gouvernementales et d’autres entités pouvant être mobilisées en
deux à sept jours. L’échéance pour répondre à ces critères est dans
les deux cas 2003109.
Comme le montrent ses activités sur les aspects civils de la gestion des crises, l’UE a donc adopté une approche pragmatique. Elle
concentre ses efforts sur la gestion des conséquences d’une crise,
une faiblesse notoire dans le passé. Une leçon majeure de ses expériences est que restaurer la sécurité publique dans un environnement volatile exige non seulement des soldats mais aussi des poli-
107. Voir Conseil Affaires générales avec la participation des ministres responsables de la police
de l’UE, Conférence d’engagement des capacités en matière de
police, Déclaration, Bruxelles, 19
novembre 2001.
108. Voir Conseil européen, Séville, « Rapport de la présidence
sur la politique européenne de sécurité et de défense », 10160/02
REV 2, Bruxelles, 22 juin 2002.
109. Voir Conseil européen, Göteborg, « Rapport de la présidence », op. cit., p. 33-38.
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ciers, un système pénal et judiciaire au moins rudimentaire et la
mise en place d’une administration locale. L’UE cherche donc à se
doter des capacités suffisantes pour empêcher qu’un conflit ne
dégénère et pour consolider l’après-conflit. Dans ce contexte, il est
à la fois essentiel et particulièrement difficile de garantir la cohérence et la synergie des approches militaires et civiles. Le plus
important à l’heure actuelle est d’assurer la sécurité sur le court
terme par une prévention et une gestion d’urgence des crises. Alors
seulement, une prévention structurelle pourra être entreprise sur
le long terme.
Le Conseil européen d’Helsinki a donc demandé à la Commission de mettre sur pied un mécanisme de réaction rapide (RRM)
dans le cadre de sa décision sur la PESD. Le nouveau budget du
RRM a été approuvé en conséquence par le Conseil le
26 février 2001, à hauteur de 20 et 25 millions d’euros pour 2001 et
2002 respectivement. Le RRM permet à la Commission de mener
de manière plus efficace ses interventions à court terme dans le
monde. Il répond à la volonté de surmonter les obstacles budgétaires, géographiques et administratifs qui gênent l’usage des instruments communautaires pour gérer efficacement les crises. Il
permettra d’accélérer la capacité d’action dans des domaines tels
que la surveillance des élections, la construction institutionnelle,
le soutien aux médias, la formation de la police, le secours des
civils, le retour à la vie normale, la médiation, etc. Le principal
objectif est de lancer un processus de stabilisation et de jeter les
bases d’une éventuelle assistance sur le long terme110.
On a reproché aux fonds impliqués dans le mécanisme d’action
rapide d’être trop modestes par rapport au coût des headline goals
militaires111. Sous un angle plus positif, précisons que c’est le premier budget de l’UE pour la prévention d’urgence des conflits.
Comme les Balkans l’ont montré, le principal problème n’était pas
le manque de fonds mais leur gestion exagérément bureaucratique. Dans certains cas, l’aide a mis huit ans pour parvenir à son
destinataire. Heureusement, la récente réforme de la Commission
et de ses instruments améliorera ce piètre résultat. Mais elle n’a pas
vraiment résolu le problème que pose la division des relations extérieures en trois catégories avec leurs commissaires et leurs directions générales respectives.
Naturellement, la critique est toujours possible mais nous ne
mentionnerons ici que trois problèmes. Les quatre priorités de
110. Voir « Council Adopts Rapid
Reaction
Mechanism
»,
IP/01/255. Voir aussi Chris Patten, « Remarks in the European
Parliament », 17 janvier 2001,
http//europa.eu.int/comm/external_relations/news/patten/rrf
_17_01_01.htm. Entre-temps, le
RRM a été appliqué par exemple
en Macédoine, en Afghanistan et
en République démocratique du
Congo.
111. Voir Thomas Debiel et Martina Fischer, « Krisenprävention
und zivile Konfliktbearbeitung
durch die EU – Konzepte, Kapazitätem und Kohärenzprobleme »,
Berghof-Report n. 4/2000, p. 20.
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Evaluation et recommandations
prévention civile et de gestion de crise sont encore partiellement à
l’état de projet. Les efforts entrepris jusqu’ici ont surtout concerné
la première, c’est-à-dire les dispositions en matière de forces de
police. Les capacités civiles en sont toujours à la phase d’élaboration.
Il est gênant, d’une façon générale, que la création d’instruments civils dépende entièrement de contributions volontaires
des Etats membres. Cela peut inciter certains Etats à profiter de la
situation et/ou conduire à des maladresses dans la mise en œuvre
des objectifs déclarés. Comme dans le domaine militaire, personne n’a envie d’être tributaire de critères de convergence aussi
contraignants que ceux de Maastricht. C’est seulement après bien
des tergiversations sur la taille des contributions nationales que la
Conférence ministérielle d’engagement des capacités de police du
19 novembre 2001 est finalement parvenue à des résultats positifs112. Il est intéressant de noter que cette conférence a eu lieu en
même temps que la « Conférence d’amélioration des capacités »
sur les aspects militaires de la gestion des conflits, signe avantcoureur de l’approche globale de la PESD.
La question du financement des opérations civiles n’est pas
encore résolue. Selon l’article 28.3 du TUE, « les dépenses opérationnelles (…) sont également [comme les dépenses administratives prévues par l’article 28.2 – note de l’auteur] à la charge du budget des Communautés européennes, à l’exception des dépenses
afférentes à des opérations ayant des implications militaires ou
dans le domaine de la défense et des cas où le Conseil en décide
autrement à l’unanimité »113. Les dépenses peuvent également
être « à la charge des Etats membres selon la clé du produit national brut, à moins que le Conseil, statuant à l’unanimité, n’en
décide autrement »114.
Un grand pas vient d’être franchi avec le projet de mission de
police de l’Union européenne (MPUE) en Bosnie, qui entrerait en
activité le 1er janvier 2003. La France et le Royaume-Uni surtout
ont été favorables à la création d’un fond indépendant du budget
communautaire – ne serait-ce que pour écarter le Parlement
européen et la Commission – auquel chaque pays contribuerait en
fonction de son PIB. L’Allemagne n’y a pas adhéré pour plusieurs
raisons. Non seulement Berlin se retrouverait avec la contribution
la plus importante (22%), mais aussi ce projet amputait le budget
prévisionnel de l’« Agenda 2000 » défini lors du sommet européen
112. Un Etat membre ayant inopinément réduit sa contribution
initiale de 200 policiers, l’Allemagne a réagi en augmentant
spontanément la sienne de 50 policiers, incitant d’autres pays à en
faire autant pour satisfaire le headline goal de Feira.
113. TUE, article 28.3.
114. Ibid.
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de Berlin en 1999. Le ministère allemand des Finances craignait en
outre de créer un précédent pour le financement des futures opérations européennes de gestion des crises. En outre, l’Allemagne,
traditionnellement plus favorable à l’intégration, considère que la
procédure établie dans le traité devrait faire office de règle. Finalement, les Etats membres ont décidé que les coûts de départ, fixés à
14 millions d’euros, seraient financés par le budget 2002 de la
PESC. Les 10 millions d’euros manquants pour couvrir les frais
annuels de l’opération –38 millions d’euros au total entre 2003 et
2005 – sont censés être couverts par une hausse du budget de la
PESC (grâce à un regroupement au sein de ce budget)115. Les
Européens ont donc réussi à se mettre d’accord sur la MPUE, mais
ils ne se sont pas entendus sur une solution générale pour le financement des missions civiles de l’UE116.
Réformes institutionnelles
Comme nous l’avons vu, les progrès ont été plus significatifs
dans le domaine institutionnel, même si le principal obstacle à une
PESC efficace – la division de la politique étrangère de l’UE en deux
« ramifications » institutionnelles – s’est renforcé117. Pour
accroître la capacité d’agir, d’importantes dispositions ont été
introduites dans les traités d’Amsterdam et de Nice. Elles concernent l’amélioration des procédures de vote telles que la possibilité
de recourir à l’abstention constructive et, sauf pour les décisions
ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense,
à la majorité qualifiée (article 23 du TUE), ainsi que la coopération
renforcée (article 27). En outre, de nouvelles structures militaires
et politiques (polmil) ont été créées, notamment le poste de Haut
Représentant pour la PESC (HR, article 26) et un Comité politique
et de sécurité (COPS, article 25). Plusieurs organes subsidiaires
ont en outre vu le jour : Unité de planification politique et d’alerte
rapide (UPPAR ou Unité politique), Comité pour les aspects civils
de la gestion des crises (CIVCOM), Comité militaire (CMUE) et
état-major militaire (EMUE). Simultanément, la Commission a
lancé un processus de réforme afin de mieux coordonner les missions de gestion des crises.
La création du poste de Haut Représentant pour la PESC est
probablement l’innovation la plus importante dans ce domaine.
Le 18 octobre 1999, Javier Solana a été nommé premier Haut
115. Voir Conseil Affaires générales, 2409ème réunion, Bruxelles,
18/19 février 2002, pp. 21ss.
116. Concernant le financement
des opérations à caractère militaire, le Conseil a approuvé un
cadre général identifiant deux
catégories de coûts. Les dépenses
non militaires sont assimilées à
des dépenses ordinaires calculées
en fonction du PIB, et les dépenses
militaires sont considérées selon
le principe « costs lie where they fall ».
Les frais liés aux états-majors font
partie des coûts ordinaires. Le financement des dépenses concernant le transport des forces, les casernes et les logements sera évalué
au cas par cas. Toute autre dépense sera prise en charge par les
Etats membres participant aux
opérations militaires. Voir CAG,
2437ème réunion, Luxembourg,
17 juin 2002, p. 15.
117. Voir Gilles Andréani, Christoph Bertram et Charles Grant,
Europe’s Military Revolution, Centre
for European Reform, Londres,
2001, pp. 42ss.
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Représentant pour la PESC. Ce poste se combine avec celui de
Secrétaire général du Conseil. M. Solana a essentiellement deux
fonctions : il aide le Conseil pour les questions liées à la PESC en
contribuant à la définition, à l’élaboration et à la mise en œuvre
des décisions politiques, et il agit pour le compte du Conseil à travers un dialogue politique avec les tierces parties. En tant que
Secrétaire général, M. Solana est responsable de la préparation des
réunions du Conseil et de ses groupes préparatoires. Il dirige une
structure administrative composée d’environ 2 500 agents travaillant dans huit directions générales différentes. La Direction
générale qui traite des relations économiques extérieures et de la
PESC (DG-E) vient d’être réorganisée afin de mieux contribuer
aux initiatives prises en matière de PESC/PESD. D’autres Directions ont été créées pour s’occuper de la PESD (D-VII), des questions de sécurité (D-VIII) et de la gestion et de la coordination des
crises civiles (D-IX). Le SG/HR peut en outre faire appel à l’expertise de l’EMUE.
Le SG/HR est censé donner à la PESC une voix et un visage, et
devenir au fil du temps la personne à laquelle les chefs d’Etat étrangers pourront téléphoner, comblant ainsi l’absence dont se plaignait tant Henri Kissinger. Mais cela ne se fera pas en un clin d’œil.
Dans un premier temps, M. Solana s’est efforcé surtout de rendre
les nouvelles structures pleinement opérationnelles et de développer sa propre approche. Quant aux principaux Etats membres de
l’UE, ils semblaient enclins à lui accorder un rôle plus important et
considéraient que M. Solana devrait présider le COPS de manière
permanente en vue de renforcer à la fois la visibilité et la continuité
de la PESC. Mais cette proposition a été refusée par d’autres Etats
membres, qui ne souhaitaient pas voir le système de rotation
semestriel de la présidence remis en question et craignaient de
perdre leur influence dans un domaine où les initiatives sont
prises par les grands pays. Au moment de décider une action commune, la question de la présidence sera donc examinée au cas par
cas118. S’ils veulent disposer d’un mécanisme de réaction rapide
efficace et renforcer la visibilité de l’UE sur la scène mondiale, les
gouvernements devraient donner un peu plus de marge de
manœuvre à M. Solana.
Le SG/HR est soutenu par l’UPPAR. Cette nouvelle instance du
Secrétariat général, également appelée « unité politique », a vu le
jour peu après l’entrée en fonction de M. Solana. En choisissant un
nom plus modeste, le SG/HR a voulu tenir compte des réserves
118. Voir Conseil européen de
Nice, De Nice à Laeken, op. cit.,
pp. 205-207.
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émises par certains Etats membres à l’égard des fonctions du
SG/HR et de la petite équipe travaillant dans cette nouvelle unité
(24 fonctionnaires environ, plus quelques agents supplémentaires).
Le département de l’Unité politique s’occupant de l’analyse des
crises est officiellement appelé le Centre de Situation (SITCEN)
ou Cellule de Crise. L’un des agents est détaché de la Commission,
ce qui garantit que le mécanisme de coordination pour la gestion
civile des crises – tel que défini à Helsinki – est pris en compte119.
Le SITCEN est un centre de gestion des crises civilo-militaire, composé à la fois de membres de l’Unité politique et de membres du
CMUE afin de garantir une interaction entre les deux structures.
Dans une situation de gestion des crises, le SITCEN soutient le
COPS et le CMUE directement120. Il entretient en outre des
contacts avec les centres de situation de l’OTAN, de l’OSCE et des
Nations unies.
L’unité politique dispose d’un vaste mandat incluant la surveillance, l’analyse et l’évaluation des relations internationales,
l’alerte rapide et l’élaboration d’options et de recommandations
politiques. Mais on peut difficilement concevoir que des ressources humaines aussi limitées – son personnel représente grosso
modo 20% de celui du CMUE – permettent de mener l’ensemble de
ces tâches à bien. Tout en étant situées dans le même bâtiment et
en reflétant les mêmes fonctions que les directions correspondantes de la DGE, c’est une structure séparée constituée essentiellement de fonctionnaires détachés. Etant donné ces capacités restreintes, il semble raisonnable que « l’unité soit développée en un
cabinet personnel étendu de Solana plutôt que d’avoir une fonction d’alerte rapide »121. L’alerte rapide et une analyse approfondie
sont toutefois des aspects essentiels de la prévention des conflits.
Il reste donc beaucoup à faire dans ce domaine. Un autre aspect est
le statut de la majorité de fonctionnaires : puisqu’ils sont détachés
de leurs gouvernements respectifs, leur allégeance à l’Union
européenne ne prévaut pas.
Le COPS, créé le 22 janvier 2001, comprend des fonctionnaires
nationaux, ayant normalement le rang d’ambassadeur, plus un
représentant de la Commission122. Il peut être présidé par le Haut
Représentant, évidemment avec l’accord de la présidence. Le
COPS est chargé de surveiller la situation internationale, d’émettre des avis et de présenter des propositions au Conseil, ainsi
119. Voir Conseil européen d’Helsinki, De Saint-Malo à Nice, op. cit., p.
98.
120. Le CMUE a trois fonctions
opérationnelles : alerte rapide,
évaluation de la situation et planification stratégique. Dans ce
contexte, il fournit au SITCEN les
informations militaires et reçoit
ses renseignements. Voir Conseil
européen de Nice, Rapport de la
présidence sur la PESD, annexe V à
l’annexe VI, De Saint-Malo à Nice,
op. cit., p. 211.
121. CIG, EU Crisis Response Capability, Institutions and Processes for
Conflict prevention and management,
ICG Issues Report n. 2, Bruxelles,
26 juin 2001, p. 28.
122. Reste à savoir si ce nouvel organe développera une éthique collective propre, que Jolyon Howorth a appelée « intergouvernementalisme supranational ». Certains praticiens à Bruxelles doutent qu’elle puisse exister, même
au sein du COREPER. Entretien à
Bruxelles le 22 octobre 2001 et Jolyon Howorth, « L’intégration et la
défense européenne : l’ultime
défi », Cahier de Chaillot 43, Institut
d’Etudes de Sécurité de l’UEO, Paris, 2000.
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que de surveiller la mise en œuvre des politiques convenues. En
outre, il « exerce, sous la responsabilité du Conseil, le contrôle politique et la direction stratégique des opérations de gestion de
crise »123. Enfin, il peut être autorisé par le Conseil à exercer un
contrôle politique et à donner une orientation stratégique aux
opérations pendant une situation de crise.
Le COPS est censé jouer un rôle central dans la gestion des
crises en étant le pivot de la PESC où toutes les informations, propositions et initiatives concernant une crise nouvelle ou installée
sont réunies afin d’évaluer la situation. Il donne des orientations
au CMUE et en reçoit des recommandations. Le président du
CMUE participe le cas échéant aux réunions du COPS. Celui-ci
supervise également les discussions sur la PESC dans différents
groupes de travail, auxquels il peut donner des orientations. Il est
soutenu par les Correspondants européens et la Commission, qui
coordonnent les affaires quotidiennes de la PESC. Le COPS est un
forum privilégié de dialogue sur la PESD avec d’autres partenaires
européens et/ou de l’OTAN.
Compte tenu de l’importance de son rôle, le COPS coordonne
les instruments civils et militaires. Dans ce but, il reçoit des informations, des recommandations et des propositions de la part du
CIVCOM et il définit des orientations sur les questions relevant de
la PESC124. Dans une situation de crise, le COPS doit coopérer
étroitement avec le COREPER, un organe du premier pilier comprenant les principaux intermédiaires et les ministres des affaires
étrangères, et jouant un rôle décisif concernant les questions
financières125. Le président du COPS peut éventuellement participer aux réunions du COREPER, mais ne peut y exercer son droit de
vote. En cas de crise toutefois, le COPS devient le seul comité subsidiaire pouvant accéder directement au Conseil. S’il devient la
cheville ouvrière de la politique étrangère de l’UE, il lui faudra renforcer sa position afin de lier étroitement les deux volets de la prise
de décision dans ce domaine. Cela sera possible en agissant au
niveau intergouvernemental pour les questions de sécurité militaires et à travers les procédures communautaires habituelles –
propositions de la Commission et vote à la majorité qualifiée au
sein du Conseil – pour les questions de sécurité non militaires126.
Le CIVCOM, créé par une décision du Conseil du 16 juin 2000,
se compose d’un représentant de chaque pays membre et de la
Commission. Si, officiellement, il rend des comptes au COREPER,
123. TUE, article 25, 2.
124. Voir Conseil européen de
Nice, Rapport de la présidence, De
Nice à Laeken, op. cit., p. 205.
125. Il ne faut pas s’attendre à ce
que le COREPER entre dans les détails de la gestion des crises, vu son
manque d’expérience militaire.
Toutefois, ayant une vision générale des choses, il semble tout à
fait capable de garantir la cohérence de la politique européenne.
126. Voir Andréani, Bertram et
Grant, op. cit., pp. 46ss.
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dans la pratique, ses liens avec le COPS sont plus importants, car il
lui fournit des informations et en reçoit des orientations. Il n’appartient pas au CIVCOM de coordonner les relations civilo-militaires au sein du système de gestion des crises de l’UE – tâche relevant du COPS – mais de coordonner toutes les agences nationales
liées aux missions de gestion civile des crises. Pour l’instant, sa
principale mission est d’élaborer un cadre pour la gestion civile
des crises et de soumettre des avis au COPS et à d’autres organes du
Conseil. Reste à déterminer si le CIVCOM assurera également des
fonctions opérationnelles et, dans l’affirmative, lesquelles. S’il
devait jouer un rôle opérationnel, cela poserait certainement des
problèmes à la Commission dans la mesure où – étant donné sa
nature intergouvernementale – le CIVCOM aurait ainsi la possibilité d’influencer les affaires communautaires.
L’actuelle réforme de la Commission est supposée contribuer à
la capacité d’action de l’UE sur la scène internationale. D’une part,
il importe de garantir la cohérence avec le deuxième pilier (PESC),
de l’autre, il convient d’examiner les instruments du premier pilier
(CE) et de les adapter aux nouveaux défis liés à la PESC. Le processus est d’autant plus complexe que, dans le système de piliers de
l’UE, chaque procédure de prise de décision exige un instrument
différent. Théoriquement, ce problème peut être résolu soit en
fusionnant les piliers intergouvernementaux avec le premier pilier
par le biais d’une « communautarisation » soit en transférant les
responsabilités de la communauté aux Etats membres. Ces
approches n’étant pas réalistes pour des raisons politiques, la
seule solution a été d’améliorer la coopération inter-institutionnelle.
La Commission est un partenaire indispensable de la prévention et de la gestion des crises pour plusieurs raisons. Premièrement, elle dispose de la plupart des instruments civils permettant
de traiter les racines potentielles de conflit. Deuxièmement, elle
gère les ressources financières : alors que le budget de la PESC
s’élève à 38 millions d’euros, celui de la Commission se compte en
milliards. Etant l’un des principaux fournisseurs d’aide au développement, la Commission a un rôle significatif à jouer dans la
prévention des conflits127. Troisièmement, elle s’appuie sur d’importantes ressources humaines : son personnel comprend
20 000 agents (15 000 à Bruxelles) ainsi que les effectifs de
111 délégations (en plus de 17 bureaux) dans le monde entier.
Lorsque se produit une crise internationale, la Commission est
127. L’UE et les pays membres représentent 55% de l’aide officielle
au développement, et 66% des
subventions. Voir Chris Patten,
Brian Lenihan Memorial Lecture,
7 mars 2001, p. 1.
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habituellement déjà sur scène.
Conformément à l’article 27 du TUE, la Commission doit être
pleinement associée aux travaux menés au sein de la PESC. Elle
doit s’efforcer d’adapter ses fonctions aux nouvelles tâches. Une
première étape dans ce sens a été de restructurer ses relations extérieures. L’actuel Commissaire européen aux relations extérieures,
Chris Patten, doit coordonner son portefeuille avec celui des
autres responsables concernés. L’objectif est d’améliorer la qualité
des projets, d’accélérer leur mise en œuvre, de simplifier les procédures et de supprimer les retards de paiement. En outre, M. Patten
agit en étroite relation avec le SG/HR et le Conseil, et doit garantir
que la Commission poursuit une politique étrangère cohérente. Il
est soutenu par la Direction générale des relations extérieures
(RELEX), qui comprend, au sein de la direction de la PESC, les
unités responsables de la politique sécuritaire ainsi que de la prévention des conflits et de la gestion des crises. La direction RELEX
joue un rôle important au sein de la Commission en matière de
prévention des conflits, notamment en élaborant les fiches-pays.
Un centre de coordination des crises a de plus été créé mi-2002 afin
de coordonner les services de la Commission dans une situation de
crise. Ce centre supplémentaire peut dans ce cas accélérer considérablement l’action communautaire.
Une autre réforme concerne la gestion de l’aide et du soutien
extérieurs. Créé début 2001, l’Office de coopération EuropeAid a
pour but de gérer la majeure partie des projets d’aide et d’assistance dans le futur. Sa principale fonction est de coordonner plus
efficacement les mesures de gestion des conflits sur le court et le
long terme. Il est supervisé par un conseil que préside le Commissaire aux relations extérieures, dont le Commissaire chargé de
l’aide au développement et humanitaire est le directeur, et qui
comprend les Commissaires à l’élargissement, au commerce et aux
affaires économiques et monétaires. EuropeAid ne s’occupe pas de
l’assistance humanitaire à court terme, qui relève de l’Office
humanitaire de la Communauté européenne (ECHO).
Recommandations
En conclusion, les nouveaux instruments et réformes institutionnelles sont un signe de la volonté politique des Etats membres et de
la Commission d’améliorer le potentiel de l’UE pour la prévention
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des conflits et la gestion des crises. Toutefois, la nouvelle structure
ne simplifie pas le paysage institutionnel déjà compliqué de l’Europe, bien au contraire. Les nouvelles instances institutionnelles
du deuxième pilier se composent pour la plupart de délégués nationaux qui apportent avec eux les intérêts très spécifiques de leurs
ministères nationaux respectifs. La polémique à propos de « M.
PESC » il y a quelques années, ainsi que sur la définition actuelle du
rôle de M. Solana, montre à quel point le processus d’apprentissage
est long et difficile pour les Etats membres, qui ont encore trop à
cœur de préserver leur souveraineté, surtout lorsqu’il s’agit de sécurité. Après s’être querellés sur la définition de leurs domaines respectifs de responsabilité, le Commissaire aux relations extérieures
et le Haut Représentant pour la PESC ont fini par entretenir une
bonne relation de travail. Il a fallu néanmoins consacrer beaucoup
d’énergie aux tâches de coordination.
En fin de compte, l’UE a mis en place les structures permettant
de remplir le troisième critère. S’agissant des capacités nécessaires,
la priorité politique a été placée sur l’insuffisance des moyens militaires. Mais les missions de prévention directe des conflits et de
rétablissement de la paix ont également révélé des déficits considérables en matière d’instruments civils. En conséquence, l’UE s’attache actuellement à développer les moyens civils et militaires permettant de gérer des situations où un conflit violent est soit
imminent soit en voie d’apaisement, afin de pouvoir créer un environnement stable. En ce qui concerne les moyens militaires, les
gouvernements auront des difficultés à satisfaire les headline goals
et, simultanément, à respecter les limites de déficit budgétaire
fixées dans le Pacte de Stabilité et de Croissance de 1997. Les forces
prévues dans le cadre de cet objectif ne seront donc probablement
pas pleinement opérationnelles en 2003. En même temps, la question a été soulevée de savoir si les missions de Petersberg étaient
trop contraignantes, compte tenu des décisions prises par le
Conseil européen le 21 septembre 2001 concernant la politique
européenne de lutte contre le terrorisme. En revanche, les headline
goals civils concernant la police, l’Etat de droit, l’administration et
la protection civile pourraient être mis en œuvre à temps car leur
coût est beaucoup plus faible. D’autres mesures pourraient être
utilement envisagées :
◗ Afin de satisfaire les objectifs de capacités fixés par l’ECAP, l’UE
devrait mettre davantage l’accent sur les solutions multilatérales.
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Les « trois grands » en particulier devraient prendre la direction
d’un plus grand nombre de projets de ce type.
◗ Il faudrait utiliser les crédits militaires en vue de combler les
insuffisances militaires les plus urgentes.
◗ Les structures militaires devraient être rationalisées et réorganisées afin de traiter de manière plus appropriée les conflits postmodernes de faible intensité.
◗ La lutte contre le terrorisme international devrait être incluse
dans les missions de Petersberg et les headline goals militaires
devraient être adaptés à cette nouvelle nécessité (par exemple forces
spéciales et équipement afférent).
◗ Des capacités supplémentaires de gestion des crises civile
devraient être développées grâce à des groupes d’experts dans des
domaines tels que la démocratisation, la médiation, la réconciliation, le désarmement, la démobilisation et la liberté des médias.
◗ La question concernant les free-riders devrait être gérée en introduisant des engagements contraignants fondés sur l’élaboration
de « critères de convergence ».
◗ La question du financement des coûts opérationnels de la gestion
des crises civile devrait être résolue de façon générique. En règle
générale, il faudrait couvrir tous les frais liés aux coûts de lancement de l’opération, de déplacement, aux dépenses communes et
aux per diems dans le cadre du budget de la PESC. Les autres
dépenses seraient couvertes par les Etats.
La réforme institutionnelle de l’Europe est un processus dynamique mais de plus en plus difficile, comme l’ont montré les
conférences intergouvernementales d’Amsterdam et de Nice.
Reste à savoir si la Convention réussira à promouvoir des réformes
radicales à la CIG de 2004. La création de nouvelles institutions
résulte toujours d’un compromis politique entre les Etats
membres, qui ne sont d’habitude guère enthousiastes lorsqu’il
s’agit de partager leur souveraineté, surtout dans le domaine de la
sécurité. Quoi qu’il en soit, certains événements ont conduit à la
création d’institutions nouvelles ou adaptées dans le cadre de la
PESD, dont certaines parties tirent déjà les enseignements de l’action alors que d’autres poursuivent leur processus de réforme.
Avec le SG/HR (et la nouvelle troïka), la visibilité de l’UE à l’étranger a été renforcée, mais son efficacité ne s’est pas améliorée pour
autant. La diplomatie européenne demeurant limitée pour des raisons structurelles, il importe de promouvoir la position du
SG/HR.
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◗ Une première mesure dans cette direction devrait être d’institu-
tionnaliser son rôle en tant que président du COPS.
◗ En outre, la pertinence de la troïka actuelle doit être examinée.
Compte tenu de la rotation semestrielle de la présidence, il serait
plus logique que la troïka, dans un premier temps, soit dirigée par
le SG/HR. Ensuite, le rôle de la représentation extérieure serait
confié au SG/HR. Cela permettrait à la présidence tournante du
Conseil de se concentrer sur la présidence du CAG ou du futur
Conseil des Affaires étrangères.
◗ Le SG/HR devrait avoir un droit d’initiative en matière de politique étrangère.
◗ Il faudrait envisager de créer un poste de SG/HR adjoint, chargé
d’accomplir efficacement différentes tâches liées à ce poste. Il assurerait par exemple la présidence du COPS tout en menant une
diplomatie « de la navette » dans une situation de crise.
◗ A la CIG de 2004, l’UE devrait revenir sur sa décision de créer une
structure séparée pour la PESC, qui fait de l’ombre à la Commission, et fusionner les fonctions de Commissaire aux relations extérieures et celles du SG/HR. Cela permettrait de rapprocher les principales branches de la politique étrangère de l’UE128. Le SG/HR
aurait ensuite à la fois l’autorité et les moyens requis pour satisfaire
les ambitions européennes dans le domaine des relations extérieures.
◗ Par rapport à cette proposition, il semble presque modeste de
demander une augmentation significative des effectifs de l’UPPAR
et de la Direction générale. Cette condition est essentielle pour les
fonctions d’alerte rapide, de planification et d’analyse. Cela signifie
également une augmentation du budget de la PESC.
◗ Une unité de renseignement et de lutte contre le terrorisme
devrait être créée et servir de centre de collecte des renseignements
fournis par les Etats membres. Cette unité entretiendrait des rapports étroits avec la branche renseignement de l’EMUE et avec la
cellule antiterroriste d’Europol mise sur pied après le 11 septembre.
◗ Il faudrait accorder une attention particulière au personnel se
spécialisant dans la gestion civile des crises. La participation d’un
plus grand nombre d’experts de la Commission devrait être également envisagée.
◗ Enfin, les futurs collaborateurs de l’UPPAR devraient être des
fonctionnaires européens. Ils présenteraient l’avantage de ne pas
être un élément « étranger » au sein du secrétariat du Conseil et de
128. Selon la proposition de Gilles
Andréani, Christoph Bertram et
Charles Grant, « Les chefs de gouvernement désigneraient cette
personne, compte tenu de l’approbation du président de la
Commission. Il ou elle rendrait
compte aux ministres des affaires
étrangères et de la défense, mais
participerait également aux réunions de la Commission comme le
Commissaire aux affaires extérieures. Cette double casquette
permettrait à son titulaire de faire
un bon travail en fédérant toutes
les ressources de l’UE derrière ses
initiatives diplomatiques ». Andréani, Bertram et Grant, op. cit.,
p. 48.
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travailler dans un esprit plus européen que national, ce qui garantirait une certaine continuité.
Le processus de réforme de la Commission a été rendu nécessaire en partie par certains événements, notamment quelques cas
de mauvaise gestion et d’inefficacité129. S’agissant du rôle de la
Commission en matière de relations extérieures, elle a commencé
à envisager de meilleures relations entre et à l’intérieur des piliers,
ce qui a déjà abouti à la mise en œuvre de certaines réformes. La
Commission a produit un grand nombre d’idées et de projets très
intéressants dans le domaine de la prévention des conflits, mais
aucune prévention structurelle ou d’urgence ne peut être garantie
simplement à travers des programmes concernant la démocratie
et les droits de l’homme. Ce qui continue de manquer est une
stratégie intégrée.
◗ Cela exigera tout d’abord le développement de mesures détaillées
sur l’ensemble des missions de prévention des conflits et de gestion
des crises, auxquelles il faut accorder la priorité conformément à
une direction stratégique claire.
◗ Le nouveau centre de coordination des crises de la Commission
devrait permettre une plus grande synergie à l’intérieur du premier
pilier à travers une politique globale fondée sur la rationalisation
de la prévention des conflits.
◗ La réforme de la structure interne devrait avoir pour but de créer
un service intégré regroupant toutes les DG, tous les départements
et toutes les délégations s’occupant de relations extérieures.
◗ Les délégations de la Commission dans les pays tiers et dans les
organisations internationales devraient être transformées en
ambassades de l’UE auxquelles seraient confiées certaines missions
liées à la PESC.
◗ Il importe d’améliorer la cohérence des politiques des trois piliers.
Un processus de « trans-pilarisation » a lentement commencé130,
mais il faudrait s’attacher davantage à la question de savoir comment la Commission pourrait être associée plus étroitement aux
questions de défense. Bien entendu, étant donné la réticence de la
plupart des Etats membres, la défense européenne demeurera pour
l’instant essentiellement une question intergouvernementale.
Mais avec l’éventuelle application de la « double casquette » proposée ci-dessus, il serait logique de chercher une plus grande synergie car l’UE pourrait alors utiliser son avantage unique d’avoir à sa
disposition tout l’ensemble des moyens permettant de traiter
lecrises.
129. Voir, à ce sujet, Cour des
comptes, « Rapport spécial n°
12/2000 relatif à la gestion par la
Commission du soutien apporté
par l’Union européenne au développement des droits de l’homme
et de la démocratie dans des pays
tiers », 10 août 2000/C 230/01.
130. Voir Ferruccio Pastore, « Reconciling the Prince’s two
« arms ». Internal-external security
policy coordination in the European Union », Occasional Papers 30,
Institut d’Etudes de Sécurité de
l’UEO, Paris, septembre 2001.
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◗ Pour commencer, la Commission et le Conseil devraient mettre
en œuvre la proposition du Parlement européen d’élaborer une
stratégie commune globale de lutte contre le terrorisme131.
Culture opérationnelle
Pour revenir à la forme nouvelle du système post-international
décrite dans le premier chapitre, la co-existence, en matière de prévention des conflits et de gestion des crises, d’un monde d’Etats et
d’un monde d’acteurs sub-étatiques modifie l’environnement opérationnel. On assiste à une évolution de la nature des conflits, donc
des opérations censées les résoudre. Par conséquent, les relations à
l’intérieur des corps d’armées et entre eux, ainsi qu’entre la sphère
militaire et la sphère civile changent également. S’agissant des
forces militaires, nous ne donnerons que quelques exemples.
Les années 1990 ont marqué la fin des armées démesurées de
l’âge industriel. Un nouveau type de forces armées, « postmodernes », a fait son apparition132, qui tend à être extrêmement professionnel, très réduit et plus sophistiqué. Les opérations ont lieu
de plus en plus dans le cadre d’efforts conjoints et combinés. Alors
que le multilatéralisme militaire n’est pas un phénomène nouveau, aujourd’hui, la gestion des crises multilatérale (l’OTAN utilise le terme d’opération de soutien à la paix [OSP]) se caractérise
par le nombre d’Etats y participant, son cadre normatif et sa complexité. Enfin, les relations entre le civil et le militaire évoluent de
deux manières. D’une part, les militaires se « civilisent » en intégrant des perceptions, des tâches et des attitudes typiquement
civiles. De l’autre, l’évolution de la nature des missions crée de
nouvelles relations entre les acteurs civils et militaires dans la prévention des conflits et la gestion des crises133. Ce dernier aspect,
très important pour qualifier l’UE d’acteur de sécurité coopérative, mérite d’être examiné plus en détail.
Dans l’approche politique sécuritaire traditionnelle, il existe
une distinction claire entre les forces militaires avec leurs instruments, d’une part, et les acteurs civils sur le terrain, tels que les
organisations non gouvernementales nationales et internationales (ONG/ONGI), les acteurs gouvernementaux locaux et les
acteurs commerciaux de l’autre. Les militaires sont habituellement subordonnés aux politiques. Dans les guerres classiques, il
n’y a en principe jamais eu d’approche civilo-militaire commune :
131. Voir Parlement européen,
« Rapport sur les progrès réalisés
dans la mise en œuvre de la politique étrangère et de la sécurité
commune (PESC) », A50332/2001, 11 octobre 2001.
132. Voir Charles C. Moskos, John
Allen Williams et David R. Segal,
« Armed Forces after the Cold
War », dans Charles C. Moskos,
John Allen Williams et David R. Segal (dir.), The Postmodern Military:
Armed Forces after the Cold War, Oxford University Press, New York,
2000, pp. 1-13.
133. Voir Wilfried von Bredow et
Gerhard Kümmel, « New Roles for
Armed Forces and the Concept of
Democratic Control », dans Gerhard Kümmel et Wilfried von Bredow (dir.), Civil-Military Relations in
an Age of Turbulence: Armed Forces
and the Problem of Democratic
Control, Sozialwissenschaftliches
Institut der Bundeswehr, Strausberg, 2000, pp. 109-131.
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qu’il s’agisse de stratégie, de tactique, de missions, de logistique ou
de communications, il n’existait pas de coordination avec les
acteurs civils. Mais la prévention et la gestion des conflits n’ont à
l’heure actuelle rien en commun avec les guerres d’autrefois. Les
objectifs sont totalement différents puisqu’il n’y a ni ennemi à
attaquer134 ni territoire à conquérir, mais qu’il faut plutôt créer et
préserver un environnement sûr, protéger des êtres humains,
mettre en place une infrastructure et restructurer un secteur sécuritaire. Toutes ces missions ne sont pas en soi militaires et c’est
pourquoi la Coopération civilo-militaire (CIMIC) devient un élément central des opérations de paix. Une autre raison est le niveau
considérable d’engagement civil dans des situations urgentes
complexes, pouvant inclure plusieurs centaines d’ONG. L’expérience dans les Balkans et ailleurs montre que la CIMIC est une
composante très efficace de la prévention des conflits et de la gestion des crises135.
Il sera néanmoins difficile de mettre en place une CIMIC efficace, entre autres parce qu’elle donne lieu à des interprétations
différentes. Autrefois synonyme de soutien national aux forces de
l’OTAN et de coordination des opérations avec les autorités
civiles, elle a aujourd’hui un champ d’application beaucoup plus
vaste. Elle présuppose des liens avec les organisations civiles, leurs
autorités et leurs soutiens, ainsi que le soutien des unités militaires et des commandants militaires. Il existe un chevauchement
entre les activités, qui conduit à une confusion avec l’engagement
humanitaire dans le domaine civil, susceptible de gêner l’ensemble de la mission. L’OTAN a donc mis en place un centre
CIMIC à Bruxelles et a développé un mécanisme « CIMIC 2000 »,
dont le but est de soutenir les forces de l’OTAN ayant recours à des
acteurs civils sur le terrain. Les tâches spécifiques concernent par
exemple la collecte de renseignements et l’évaluation de la situation civile, les activités conçues pour que les forces armées soient
mieux acceptées, le fonctionnement des bureaux de liaison et le
soutien d’activités civiles telles que la reconstruction. La CIMIC de
l’OTAN comprend les départements des affaires publiques, l’infrastructure civile, l’économie et le commerce, l’assistance humanitaire et les affaires culturelles136. Pour l’OTAN, le principal
objectif de la CIMIC est de soutenir les opérations militaires, une
conception qui risque toutefois d’aller à l’encontre des principes
des agences humanitaires définis par les Conventions et les Protocoles de Genève. Quant aux acteurs civils, les ONG surtout, ils
134. Cela a apparemment changé
depuis l’apparition de l’hyperterrorisme le 11 septembre 2001. La
lutte concrète contre cet ennemi
est toutefois davantage une tâche
relevant des services de renseignement et de la police que des militaires.
135. Selon Michael C. Williams
(Nations unies), « Une étroite coordination entre leurs éléments civils et militaires est vitale si l’on
veut réussir ». Michael C.
Williams, « Civil-Military Relations and Peacekeeping », Adelphi
Paper 321, p. 67.
136. Voir Peter Braunstein,
« NATO-Konzept CIMIC 2000 –
Zivil-militärische Zusammenarbeit bei Einsätzen der Bundeswehr
im Ausland », Notfallvorsorge, n. 4,
1999, pp. 15-18.
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considèrent l’institutionnalisation de la CIMIC dans les structures militaires avec une certaine méfiance. Ils craignent d’être
dominés par les militaires et surtout que leur neutralité ne soit
mise en cause, ce dont souffriraient et leur sécurité et leur mission
humanitaire.
Un autre problème concerne les différences de culture. Tout
d’abord, l’armée est une organisation hiérarchique fonctionnant
selon le principe du commandement, alors que la structure des
ONG est essentiellement horizontale. Elle est en outre une
bureaucratie statique, alors que les ONG sont beaucoup plus
flexibles, et contrôlée par l’Etat, tandis que les ONG ou les acteurs
commerciaux sont relativement indépendants. Les forces armées
semblent ainsi davantage guidées par l’intérêt national, et les
acteurs civils par les causes humanitaires. Enfin, l’objectif des
armées dans la gestion de crise est plutôt défini sur le court terme
alors celui des ONG concerne souvent le long terme. Bien entendu,
c’est là une esquisse grossière des structures militaires et civiles,
mais elle souligne certaines différences importantes de leurs cultures institutionnelles et opérationnelles dans le domaine de la
prévention et de la gestion des crises137.
Dans un tel contexte, il n’est pas étonnant que la perception
que chacun a de l’autre soit un peu trop simpliste. Même si ce problème est de mieux en mieux compris par chaque partie, en raison
surtout de l’expérience commune acquise au cours de la dernière
décennie en matière de gestion des crises, il existe des deux côtés
des inconvénients qu’il faut résoudre. Dans le secteur civil, il faut
mentionner l’absence de réglementation, une évaluation
médiocre des besoins, le double emploi et la quête de publicité en
vue d’obtenir de nouveaux financements. La sphère militaire a,
quant à elle, tendance à vouloir tout contrôler et tout diriger sans
tenir compte de l’avis des ONG. Les soldats ressentent en outre un
désir compréhensible d’aider la population locale lorsqu’éclate
une crise violente sans avoir la formation nécessaire. Et les gouvernements, soucieux de promouvoir une image positive des forces
armées qu’ils ont engagées dans le maintien de la paix, font souvent des choix politiques qui ne servent pas la véritable cause
humanitaire138.
Malgré ces différences de culture opérationnelle et de perception, le besoin de coopération entre le civil et le militaire existe bel
et bien. L’institutionnalisation de la CIMIC a beaucoup progressé.
Les agences civiles et les ONG sont conscientes qu’elles ne peuvent
137. Voir par exemple Joelle Jenny,
« Civil-Military Cooperation in
Complex Emergencies: Finding
Ways to Make it Work », European
Security, été 2000, pp. 23-33.
138. Voir Michael C. Pugh, « Reviewing the Problems and Lessons
Learnt in the Nineties: A Civil Perspective », dans Peter Viggo Jakobsen (dir.), Civil-Military Cooperation.
Lessons Learnt and Models for the Future, Report from the Dupi Conference in Copenhaguen, 1-2 septembre 2000, pp. 17-39.
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travailler correctement que si l’environnement est rendu plus sûr
par la présence de militaires et de policiers autres que ceux du pays.
La coordination internationale s’est améliorée, les agences coopèrent mieux et les ONG sont plus professionnelles. La valeur
ajoutée de la CIMIC pour les ONG est surtout l’aide logistique
qu’elle leur procure et, en retour, celles-ci peuvent fournir des
conseils sur les procédures et les normes des opérations de secours.
L’aspect politico-militaire comporte également des avantages
pour la définition des cadres CIMIC et l’institutionnalisation de la
coopération entre le civil et le militaire, mais les acteurs civils
devraient être consultés le plus tôt possible. Enfin, l’échange de
renseignements, aussi délicat soit-il, doit être suffisamment soutenu pour que les différents acteurs puissent agir de manière cohérente.
La CIMIC a été examinée dans le cadre de la PESD en 2001. Le
concept CIMIC de l’UEO, adopté par le Conseil ministériel de l’Organisation le 23 novembre 1999, sert de base préliminaire. Sa troisième révision a été présentée à la réunion du Conseil le 15 mai
2001139. La CIMIC n’a toutefois été ni traitée dans les documents
récents de la PESD ni mentionnée dans le programme d’exercices
relativement détaillé du rapport de la présidence du Conseil
européen de Göteborg sur la PESD. Ce document contient toutefois des dispositions sur des exercices spécifiques de l’UE concernant la gestion civile des crises et la combinaison des instruments
civils et militaires. Dans ce contexte, il est également indiqué que
« d’autres organisations internationales et, selon le cas, des ONG
pourraient, le cas échéant, participer à des exercices de l’UE et les
observer »140. Ensuite, la présidence belge a présenté un catalogue
de questions à ce sujet qui a été envoyé au COPS et au CIVCOM.
L’UE doit gérer la CIMIC à deux niveaux différents. Pour commencer, la CIMIC doit s’occuper des relations à l’intérieur de
chaque pilier (coordination civil-civil) et de la cohérence des instruments militaires et civils (coordination civilo-militaire) ainsi
qu’entre les instruments et les forces militaires des Etats membres
agissant dans le cadre de l’UE (coordination militaire-militaire).
Ces relations peuvent être considérées comme une CIMIC interne.
Les quatre priorités définies pour les aspects civils de la prévention
et de la gestion des crises – police civile, Etat de droit, administration civile, protection civile – devront tout d’abord être intégrées
dans une approche civilo-militaire globale de l’UE. Ensuite, ce sera
le tour des instruments militaires nationaux. L’UE considère donc
139. Voir Concept de coopération civilo-militaire pour l’UEO
[C(99)207], CM(99)53, 3ème révision, 30 mai 2001.
140. Conseil européen, Göteborg, Rapport de la présidence,
op. cit., p. 60-61.
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la CIMIC de manière beaucoup plus large que l’OTAN ne l’a fait
jusqu’ici. La coordination doit être globale, ce qui nécessite une
coopération intense entre le Conseil, la Commission et les Etats
membres. Avec la création du COPS et de plusieurs interfaces,
notamment entre le premier et le deuxième piliers, un cadre institutionnel essentiel a vu le jour. Il importe d’expliquer de façon
détaillée ce que sera la CIMIC interne de l’UE et comment elle sera
appliquée. Selon un spécialiste de l’unité politique, des éclaircissements sont nécessaires concernant, par exemple, le rôle du CIVCOM, le mécanisme de coordination et les procédures de gestion
des crises141. Les exercices permettront d’y voir plus clair, une fois
que les procédures et les arrangements auront été correctement
mis en place. Il faut en outre envisager la création d’un mécanisme
CIMIC pour la préparation et la mise en œuvre des options politiques142.
Le second niveau de CIMIC concerne les relations entre les activités militaro-civiles de l’UE et les acteurs civils extérieurs. Un large
concept CIMIC à deux niveaux a été élaboré143, tenant compte des
difficultés intrinsèques de la coopération civilo-militaire ainsi que
des exigences spécifiques liées à la prééminence de l’approche
civile. Selon ce concept, en effet, contrairement à l’approche de
l’OTAN, l’armée ne peut être l’axe central de la structure extérieure
de la CIMIC sauf si la situation sur le terrain oblige à prendre des
mesures coercitives144. Dans ce cas, la coopération pose problème
car les organisations humanitaires doivent demeurer impartiales.
Il sera assez difficile de convaincre les belligérants que, malgré son
appartenance à l’UE, ECHO est une organisation purement
humanitaire, qui n’est pas partie au conflit. Il n’est donc pas réaliste d’envisager une approche extérieure intégrée de la CIMIC
transformant des Groupes de forces interarmées en Groupes de
forces interarmées multinationales intégrées, comprenant des
ONG145. On peut considérer que plus la menace sécuritaire sera
réduite, moins la coopération civilo-militaire sera problématique.
Le besoin de coordination demeurera toutefois très fort. Le
concept d’« agence pilote » préconisé par le HCR146 est une possibilité, mais il a l’inconvénient de fonctionner sur la base du
consensus, c’est-à-dire que chaque acteur peut bloquer les efforts
de coordination. L’autre option est une agence pilote assurant la
direction des opérations, comme ce fut le cas du HCR au Rwanda
entre 1994 et 1996. Quoi qu’il en soit, dans tous ces exemples, l’objectif était de coordonner les travaux des organisations humani-
141. Entretien à Bruxelles le 22 octobre 2001.
142. Il convient de rappeler que le
mécanisme de coordination prévu
à Helsinki n’est responsable que
de la coordination des outils civils
de gestion des crises.
143. Nous nous limiterons ici à
certaines remarques générales et à
quelques propositions. Une
bonne base pour la recherche nécessaire d’un nouveau concept CIMIC est ce que l’on appelle les
« orientations d’Oslo » de 1974 et
le concept d’« échelles d’options »
du HCR.
144. Le concept de l’UEO
considère également la possibilité
de commandement militaire de
toutes les agences comme une approche souhaitable, représentant
probablement « le défi le plus difficile (si ce n’est impossible) »
étant donné la difficulté de mener
des opérations de soutien à la
paix. Il tient compte également de
la nécessité d’une interaction
continue entre le politique et le militaire avec un grand nombre
d’autres acteurs. Voir UEO, CM
(99) 3ème révision, annexe P.
145. Voir Christopher Bellami,
« Faire la guerre en faisant le
bien », Revue de l’OTAN, été 2001,
pp. 9-11.
146. Voir A UNHCR Handbook for
the Military on Humanitarian Operations, New York, janvier 1995.
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taires entre elles147. Le bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), fondé en 1998, pourrait servir
de banc d’essai de la coordination, y compris pour les moyens militaires148.
On peut concevoir que l’armée puisse faire partie d’un système
similaire qui serait dirigé au niveau stratégique par le COPS, le
CMUE fournissant un avis militaire. C’est exactement cette combinaison de leadership civil et de conseil militaire qui est la « condition préalable à l’amélioration des relations civilo-militaires dans
les opérations de soutien de la paix »149. Au niveau opérationnel,
un Haut Représentant de l’UE chargé d’assurer la CIMIC lors
d’une crise, avec le personnel approprié, donnerait des orientations politiques aux commandants militaires. Des procédures
opérationnelles permanentes (SOP) doivent être mises au point, et
inclure des informations sur le rôle, la fonction et la structure des
mécanismes de coordination. Il faudrait également créer des
centres et des points de contact CIMIC afin d’établir une communication directe et efficace entre tous les acteurs. Un bureau spécial pour les ONG pourrait en outre resserrer les relations.
Quelles que soient les structures CIMIC extérieures développées par l’UE, « les domaines de coopération doivent être étroitement définis afin d’éviter la militarisation de l’aide humanitaire »150, autrement dit empêcher que l’assistance humanitaire ne
soit sous le contrôle de l’armée. C’est pourquoi il est extrêmement
important qu’une distinction claire soit faite entre les domaines
respectifs de responsabilité. Il faudrait que le futur concept CIMIC
de l’UE inclue la participation précoce des agences humanitaires
et des ONG, leur input étant essentiel au fonctionnement harmonieux de cette coordination. Les principales agences humanitaires
et ONG devraient également être impliquées aussi tôt que possible
dans la planification et les exercices conjoints. Dans ce contexte, la
Commission pourrait s’appuyer sur son vaste réseau de contacts
avec les ONG.
Actuellement, le plus important est bien entendu de garantir la
coordination civilo-militaire au sein de l’UE. La présidence espagnole a été chargée d’en mettre au point les détails pratiques151. En
ce qui concerne la CIMIC interne, l’UE a effectué son premier exercice de gestion des crises (CME 02) fin mai 2002152. Pour la CIMIC
externe, le CM a adopté deux documents au printemps 2002 : un
concept CIMIC pour les opérations de gestion des crises dirigées
par l’UE et un guide de planification fonctionnelle CIMIC, trai-
147. Voir Ted A. van Baarda, « Better Coordination Through Institutional Reform and Consensus Coordination in the Field », dans
Peter Viggo Jakobsen (dir.), op. cit.,
pp. 95ss.
148. Cela concerne surtout le Inter-Agency Standing Committee. Voir
Nations unies, OCHA, Office for
the Coordination of Humanitarian Affairs. What it is, What it Does,
New York, pp. 13ss. . Voir également la structure civilo-militaire
définie par les Accords de Dayton :
un commandement civil et un
commandement militaire distincts mais coordonnés. Michael
C. Williams, op. cit., p. 57.
149. Michael C. Williams, ibid., p.
69.
150. Ted A. van Baarda, op. cit.,
p. 99.
151. Voir Conseil de l’Union européenne, Draft Presidency Report
on European Security and Defence Policy, Bruxelles, 11 décembre 2001,
15193/01, p. 15.
152. Le CME 02 a eu lieu avec la
participation des quinze Etats
membres, du Conseil, du SGHR,
de la Commission et du Centre satellitaire de l’UE. Les Nations
unies, l’OSCE et l’OTAN étaient
présentes en tant qu’observateurs. Officiellement, cet exercice
« a permis à l’UE de tirer les premiers enseignements, qui seront
utiles pour l’amélioration des mécanismes de l’UE en matière de
gestion de crises, notamment en
ce qui concerne le renforcement
de la coordination civilo-militaire
de l’UE ». Conseil européen, Séville, Rapport de la présidence sur
la politique européenne de sécurité et de défense, op. cit., page 7.
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tant des questions stratégiques et opérationnelles153. Le COPS a
pris note des deux documents et il appartient maintenant au CIVCOM de fournir un input civil154. Le résultat de ce processus sera
un concept CIMIC global de l’UE qui pourrait être prochainement
approuvé par le Conseil.
Recommandations
Personne ne doute de la difficulté et de l’importance de la CIMIC,
mais, comme elle n’en est qu’à ses balbutiements, on ne peut l’évaluer à ce stade. Compte tenu des efforts entrepris, il est permis
d’espérer que le quatrième critère sera satisfait rapidement. Plusieurs aspects généraux importants doivent néanmoins être
considérés :
◗ L’UE doit développer une approche de la CIMIC à deux niveaux
simultanément. Le premier est la dimension interne de la CIMIC
entre les différents acteurs institutionnels et opérationnels, et les
structures, les procédures et les modalités internes à l’UE. Le
deuxième concerne la CIMIC établie avec des partenaires extérieurs
tels que les ONG et les ONGI.
◗ S’agissant de CIMIC interne, le rôle du CIVCOM et du mécanisme de coordination devrait être clarifié et – tout comme les
procédures de gestion des crises – testé grâce à des exercices. Il faudrait créer un mécanisme spécial de la CIMIC pour préparer les
options politiques et les mettre en œuvre.
◗ Etant donné la complexité d’un conflit post-international et la
nécessité de traiter avec tout un éventail d’acteurs civils dans la zone
concernée, il est indispensable de créer un concept européen de
CIMIC externe. La coopération entre les acteurs militaires et civils
devrait garantir une valeur ajoutée pour tous les participants.
◗ S’agissant de la CIMIC externe, les acteurs militaires et civils ont
des cultures opérationnelles différentes que chaque partie devrait
reconnaître et accepter.
◗ Il ne doit exister ni approche CIMIC intégrée subordonnant des
acteurs civils au commandement militaire ni domination informelle des militaires.
◗ Une distinction claire doit être faite entre les domaines de responsabilité respectifs.
◗ Les acteurs civils doivent être consultés à un stade très précoce
153. Le CM pourrait revenir au
concept CIMIC pour l’UEO, qui
n’a cessé d’être révisé, et à l’unité
CIMIC qui fait partie de l’EMUE.
Le CIVCOM reçoit ses instructions
des capitales à partir d’avis émis
par le secrétariat du Conseil.
154. La présidence danoise a jugé
important de garantir un équilibre
entre les ressources civiles et militaires de l’UE. Elle s’efforce de déterminer « dans quelle mesure les
différentes capacités civiles pourraient effectuer le meilleur travail
possible ensemble dans des situations de crise. L’idée est que, dans
une situation de crise, l’UE devrait
être capable d’offrir un mécanisme taillé sur mesure en fonction de la mission à accomplir ».
Ministère danois des affaires
étrangères, One Europe, Programme de la présidence danoise
de l’UE, www.eu2002.dk , p. 27.
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lorsqu’il s’agit d’institutionnaliser la CIMIC.
◗ Aucune opération CIMIC ne pouvant être efficace sans la participation du personnel militaire de réserve, le rôle de ces spécialistes
civils, extrêmement compétents dans ce domaine, devrait être intégré dans une politique globale de l’UE sur les réservistes155.
◗ Il faut une planification commune et des exercices conjoints avec
les principaux acteurs civils, y compris les ONG.
Coopération avec l’OSCE/ONU
Avec la disparition de la rivalité entre superpuissances, les organisations internationales sont devenues d’importants acteurs de
la prévention des conflits et de la gestion des crises. Cette évolution résulte également d’une interaction internationale et transnationale accrue. Traiter les turbulences de la planète nécessite
bien entendu des mécanismes et des organisations de coordination internationale156. L’OSCE et les Nations ont un rôle à jouer à
cet égard. Premièrement, elles sont des organisations de sécurité
coopérative pouvant fournir à leurs membres un mandat d’action
internationale. Deuxièmement, elles sont des institutions
hybrides ayant une approche globale de la sécurité. Troisièmement, elles peuvent apporter une valeur ajoutée grâce à leur expertise spécifique dans le traitement de la prévention des conflits et de
la gestion des crises, notamment si des mesures de prévention et de
rétablissement de la paix s’avèrent nécessaires. Etant une communauté de valeurs et de règles, l’UE devrait développer des liens
étroits avec ces deux organisations157. Nous nous intéresserons ici
surtout aux relations qu’entretient l’UE avec l’OSCE et les Nations
unies, qui représentent le cinquième critère à remplir pour que
l’UE devienne un acteur de sécurité coopérative, tel que nous
l’avons défini dans le premier chapitre.
S’agissant de la relation entre l’UE et l’OSCE, on s’est sérieusement demandé si l’évolution de la PESD avait pour but de soutenir
ou d’écarter l’OSCE158. L’OSCE est une organisation dont le rôle a
été réaffirmé dans la Charte de Sécurité européenne de 1999
comme étant un arrangement régional conformément au chapitre VIII de la Charte des Nations unies, c’est-à-dire « une organisation de premier recours pour le règlement pacifique des différends dans la région et un instrument essentiel pour l’alerte
précoce, la prévention des conflits, la gestion des crises et le relève-
155. L’OTAN a déjà fait un premier pas dans cette direction en
adoptant une politique cadre sur
les réservistes. Voir MC 441/1.
156. Voir Renata Dwan, « Division
of Labour Between International,
Regional and Subregional Organisations », dans Preventing Violent
Conflict, op. cit., pp. 37-44.
157. Pour la prévention structurelle ou le retour à la vie normale,
la coopération avec les institutions financières internationales
est également indispensable, mais
n’est pas traitée ici. De même en ce
qui concerne l’OTAN, qui est – du
moins pour l’instant – essentielle
pour la gestion militaire des crises
par l’UE sur le court terme.
158. Voir Kurt P. Tudyka, « Auswirkungen der ESVP auf die OSZE:
Stärkung oder Schwächung? »,
dans Hans-Georg Ehrhart (dir.),
op. cit.
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ment après un conflit »159. En même temps, l’OSCE est l’incarnation des normes communément reconnues de l’ordre public
européen tel que défini dans l’Acte final de Helsinki, la Charte de
Paris et dans le document de Helsinki 1992.
Même avant que la PESC ne voie le jour, la CSCE/OSCE offrait
un cadre prometteur à l’action concertée de l’UE, ce qui est encore
le cas aujourd’hui. Il y a eu, de plus, de nombreuses actions
concertées au niveau stratégique – pactes de stabilité pour l’Europe et pour l’Europe du Sud-Est pour n’en mentionner que deux
– ainsi qu’au niveau opérationnel, telles que la surveillance des
élections ou la coopération entre des observateurs de l’ECMM
(Mission de surveillance de la Communauté européenne) et de
l’OSCE dans les Balkans160. Toutefois, l’UE crée des instruments
de sécurité soft, qui semblent dupliquer les efforts de l’OSCE. Sont
concernées, par exemple, les mesures décidées lors du sommet de
l’OSCE à Istanbul en 1999 comme la création d’équipes d’experts
en matière d’assistance et de coopération rapides (REACT), la mise
sur pied d’une capacité permettant de mener des activités de police
afin de maintenir l’ordre ou la création de centres d’opération.
Etant donné que l’UE joue déjà un rôle décisif dans la définition
d’une sécurité européenne utilisant des moyens non militaires, les
nouveaux instruments sont à la fois complémentaires et, selon la
situation politique, exclusifs. Pourtant, à l’initiative de certains
membres de l’UE, les Etats de l’OSCE ont adopté, à Istanbul, une
Plate-forme pour la sécurité coopérative dont l’objectif « consiste
à raffermir la nature se renforçant mutuellement des rapports
entre organisations et institutions s’occupant de la promotion de
la sécurité globale dans l’espace de l’OSCE »161.
La relation est beaucoup plus forte entre la PESC et l’OSCE
qu’avec les autres organisations internationales. Les réunions hebdomadaires du Conseil permanent sont habituellement préparées
par les représentants permanents des Quinze à Vienne lors des sessions placées sous la présidence de l’UE. Il existe en outre un
groupe de travail de l’OSCE au secrétariat du Conseil et le pays qui
assure la présidence de l’UE soumet généralement une position
commune au Conseil permanent, auquel les futurs Etats membres
sont souvent associés. Le président de la Commission et le Commissaire aux relations extérieures participent aux sommets et aux
conseils ministériels de l’OSCE. Enfin, les membres de l’UE contribuent aux deux tiers du budget de l’OSCE et l’UE fournit un soutien financier significatif aux activités de l’OSCE sur le terrain.
159. OSCE, Charte de Sécurité européenne, Istanbul, novembre
1999, http://www.osce.org/
docs/french/1990-1999/summits/istachart99f.htm
160. Pour plus de détails, voir
Günter Burghardt, « Early Warning and Conflict Prevention as
Tasks of the European Union and
EU-OSCE Cooperation », dans
Institute for Peace Research and
Security Policy at the University of
Hamburg/IFSH (dir.), OSCE Yearbook 1999, Nomos, Baden-Baden,
1999, pp. 421-428.
161. OSCE, Document opérationnel Plate-forme pour la sécurité coopérative.
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Evaluation et recommandations
Dans ce contexte, l’UE est un acteur crucial – sinon primordial
– pour l’OSCE. Il va sans dire qu’il est parfois difficile de parvenir à
un accord entre les Quinze. Si un Etat membre désapprouve la
position commune, il a le droit d’exprimer sa position. Ce désaccord peut être dû à la rivalité entre les piliers. Par exemple, pendant
la dernière présidence allemande, la Commission a revendiqué le
droit de parler au nom du Forum économique, ce qui a mécontenté les Allemands. L’OSCE demeure néanmoins, en théorie
comme en pratique, une organisation importante dès lors que l’on
parle de prévention des conflits et de gestion des crises dans la
zone allant de Vancouver à Vladivostok. Elle est la seule organisation complètement européenne à laquelle les Etats-Unis et la Russie coopèrent sur un pied d’égalité, ayant un potentiel spécial et
« qui sera d’autant plus importante que l’Union européenne
comptera davantage de membres »162.
L’OSCE est donc considérée par L’UE comme une organisation
internationale pilote qui pourrait tirer parti de la PESD. Sur le
plan militaire, elle peut offrir une valeur ajoutée aux missions relevant du chapitre VI de la Charte des Nations unies, en fournissant
par exemple des contingents de maintien de la paix pour des foyers
de trouble tels que le Nagorny-Karabakh163. Du côté civil, les nouvelles capacités sont expressément conçues entre autres pour
« répondre aux demandes des autres organisations chefs de file :
celles-ci pourraient compter, de manière systématique, sur une
contribution quantitative et qualitative assez considérable susceptible de constituer l’élément de base de certaines de leurs missions »164. Selon le rapport de la présidence de Göteborg sur la
PESC, l’OSCE « constitue un partenaire clé en ce qui concerne la
gestion civile des crises. Le système REACT, les normes en matière
de formation et les procédures de l’OSCE en matière de réaction
rapide sont particulièrement importants pour le développement
des capacités de l’UE dans ce domaine »165. La Commission maintient un dialogue permanent avec le président en exercice et le
secrétariat de l’OSCE. Elle participe à des programmes et à des projets communs, et elle a commencé à examiner dans le détail avec le
Centre de prévention des conflits de l’OSCE les questions concernant l’échange d’informations, le système REACT et les normes
d’entraînement. Considérant de plus cette organisation comme
une vaste plate-forme multilatérale pour combattre le terrorisme,
la Commission et la présidence ont participé à la réunion de
l’OSCE du 4 décembre 2001, au cours de laquelle a été adopté un
162. Wolfgang Ischinger, « The
OSCE in the European Concert »,
dans Institute for Security Policy
and Peace Research at the University of Hamburg/IFSH (dir.),
OSCE Yearbook 2000, Nomos, Baden-Baden, 2000, p. 39.
163. Conformément au Document de Helsinki 1992, l’OSCE
n’est pas autorisée à entreprendre
des missions d’imposition de la
paix, mais uniquement des missions traditionnelles de maintien
de la paix.
164. Conseil européen de Feira,
Conclusions de la présidence, appendice 3, Etude des objectifs
concrets des aspects civils de la
gestion des crises, dans De SaintMalo à Nice, op. cit., p. 144.
165. Voir Conseil européen, Göteborg, Rapport de la présidence sur
la PESD, Annexe V, « Coopération
de l’UE avec les organisations internationales pour les aspects civils de la gestion des crises », op.
cit., p. 63
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important plan d’action sur les mesures à adopter dans ce
domaine166.
Quant aux liens entre l’UE et les Nations unies en matière de
prévention des conflits et de gestion des crises, ils n’ont été intensifiés que récemment. La Communauté européenne a une délégation aux Nations unies depuis 1974 et le statut d’observateur à
l’Assemblée générale ainsi que dans la plupart des agences spécialisées de l’ONU. Elle est en outre partie à plus de cinquante accords
et conventions multilatéraux de l’ONU où elle est le seul participant non étatique. En tant que principal organisme mondial responsable du maintien de la paix et de la sécurité internationales,
l’ONU est de plus en plus considérée comme un partenaire essentiel dans la prévention des conflits et la gestion des crises. L’UE a
tout intérêt à la soutenir comme principal cadre de multilatéralisme et d’ordre international. Ainsi, elle reconnaît sa responsabilité de soutenir et de renforcer les Nations unies afin de protéger le
rôle de l’Organisation en cherchant des solutions multilatérales
aux problèmes mondiaux sur la base de sa Charte167. Le potentiel
que l’UE peut apporter aux Nations unies n’est pas négligeable. La
France et le Royaume-Uni sont des membres permanents du
Conseil de sécurité et la quote-part des Etats membres de l’UE
représente approximativement 37% du budget des Nations unies,
40% des opérations de maintien de la paix des Nations unies et 50%
de l’ensemble des contributions des Etats membres aux programmes et aux fonds des Nations unies.
L’UE souscrit totalement à l’approche des opérations de paix
du rapport « Brahimi » élaboré sous l’égide du Secrétaire général
des Nations unies, dont s’inspire le mécanisme de réaction rapide
de la Commission168. On a pu également observer un partage des
tâches lors des opérations menées récemment au Kosovo et à
Timor oriental. Il en a été de même pour les actions de l’Union en
Afghanistan, où elle a, par exemple, encouragé le développement
de la Force internationale d’assistance en matière de sécurité en
Afghanistan (ISAF), conformément au mandat prévu par la résolution 1386 du Conseil de sécurité. L’UE coopère étroitement avec
le Comité de lutte contre le terrorisme169 du Conseil de sécurité et
c’est elle qui fournit à l’Afghanistan l’aide humanitaire la plus
importante, laquelle est distribuée entre autres par le HCR, le PAM
(Programme alimentaire mondial) et le CICR. L’UE a désigné un
représentant spécial pour l’Afghanistan sous l’autorité du
SG/HR, qui entretient avec le représentant spécial des Nations
166. Voir www.OSCE.org.
167. European Union – United
Nations Relations Coming of Age,
IS-34-00358-EN-C, avril 2001.
168. Voir Report of the Panel on United Nations Peace Operations.
169. Voir Conseil de sécurité des
Nations unies, « Report by the European Union to the Committee
established under Paragraph 6 of
Resolution 1373 (2001) Adopted
by the Security Council at its
4385th Meeting on 28 September
2001 », S/2001/1297.
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unies d’étroites relations de travail en vue de coordonner le retour
à la vie normale et les efforts de reconstruction170.
Les deux organisations ont décidé de travailler ensemble de
manière complémentaire et commencé à tenir des discussions
régulières sur la coopération dans le domaine des opérations de
paix. Par exemple, l’UE a encouragé la création au sein des Nations
unies, conformément au droit international public, d’un cadre
juridique intérimaire pour des acteurs participant aux missions de
gestion des crises dans les Etats défaillants171. D’autres mesures
ont été prises pour renforcer la coopération : accord cadre de 1999,
entre la Communauté et les Nations unies, projet de l’Union
européenne en vue de soutenir le Trust Fund pour la diplomatie
préventive et sa proposition d’échanger ses fiches-pays avec le Common Country Assessment (Bilan commun de pays) de l’ONU. La
Commission a également lancé un dialogue structuré avec
d’autres agences des Nations unies et s’efforce d’intensifier les
contacts avec des agences, des fonds et des programmes des
Nations unies172.
Le Conseil européen de Göteborg a confirmé que le partenariat
UE-ONU serait « encore consolidé par la synergie des approches
concernant la prévention des conflits et par le fait que les capacités
militaires et civiles de l’Union européenne, en cours de constitution, apporte[raie]nt une valeur ajoutée réelle aux actions de gestion des crises déployées par les Nations Unies ». Le Conseil a
considéré les « Balkans occidentaux, le Moyen-Orient et l’Afrique
[comme] la plus haute priorité dans cette coopération renforcée »173. Enfin, les Conclusions du Conseil sur la coopération
UE-ONU en matière de prévention des conflits et de gestion des
crises mettent en exergue trois thèmes ainsi que plusieurs
domaines de coopération174 :
◗ Prévention des conflits : échange d’informations et d’analyses
concernant les crises actuelles ; coopération en matière de missions
exploratoires ; coordination de l’activité et des messages diplomatiques, y compris consultation entre les représentants spéciaux ;
coordination et formation sur le terrain ; coordination accrue
concernant l’aide en matière d’élections et leur surveillance.
◗ Aspects civils et militaires de la gestion des crises : compatibilité
accrue des normes de formation pour le personnel affecté à la gestion civile des crises, échange d’informations sur les questions liées
à la planification et à la mise en œuvre de la gestion des crises ; coor-
170. Voir Conseil européen de
Laeken, Conclusions de la présidence,
Laeken, 14 et 15 décembre 2001,
SN/300/01, p. 4ss.
171. Voir Conseil de l’Union européenne, op. cit., pp. 28ss.
172. Voir Commission européenne, Communication de la
Commission sur la prévention des
conflits, Bruxelles, 11 avril 2001,
COM(2001) 211 final, pp. 26ss.
173. Voir Conseil européen, Göteborg, Conclusions de la présidence, op. cit., p. 31.
174. Conclusions du Conseil sur
la coopération UE-ONU en matière de prévention des conflits et
de gestion des crises, approuvées
par le COREPER le 6 juin 2001,
Communiqué de presse N.
9528/2/01, Bruxelles, 7 juin 2001,
pp. 1ss.
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dination sur le terrain.
◗ Spécificités régionales mentionnées ci-dessus.
Ces conclusions mentionnent également les futurs arrangements de coopération accrue à quatre niveaux :
◗ Réunion ministérielle de l’UE, si nécessaire sous la forme d’une
troïka, avec le Secrétaire général des Nations unies175.
◗ Réunion du SG/HR et du Commissaire aux relations extérieures
avec le Secrétaire général des Nations unies et son adjoint176.
◗ Réunions du COPS avec le Secrétaire général des Nations unies et
son adjoint177.
◗ Contacts entre le secrétariat du Conseil, les services de la Commission et le secrétariat des Nations unies au niveau approprié.
Comme nous l’avons vu, l’UE a plusieurs raisons de vouloir
intensifier la coopération avec les Nations unies. Premièrement,
l’organisation mondiale est la première responsable dès lors qu’il
s’agit d’imposer la paix. Le recours à la force n’est légitime qu’à
deux conditions : soit lorsque le Conseil de sécurité le décide soit
en cas de légitime défense. Deuxièmement, l’ONU a une grande
expérience dans le domaine de la prévention des conflits et de la
gestion des crises. Troisièmement, elle suit une approche globale
de la sécurité comparable à celle de l’UE. Quatrièmement, la
coopération permet de répartir les tâches et de promouvoir les
synergies, ce qui réduit les coûts et accroît l’efficacité. Cinquièmement, les deux organisations encouragent l’intégration régionale
et sous-régionale comme moyen d’instaurer la paix et de prévenir
les conflits.
Enfin, le profil de la PESD serait renforcé, tout comme l’identité de l’UE en tant qu’acteur de sécurité coopérative. L’approche
globale de la PESD peut être comprise comme la réponse de l’UE
au Rapport Brahimi, qui est une analyse détaillée et approfondie
des besoins des opérations de paix au XXIe siècle. Les récentes
déclarations ont souvent fait référence à ce rapport, et l’Union est
prête à mettre à la disposition de l’ONU toutes les capacités dont
elle dispose désormais dans le cadre de la PESD. L’ONU dépend
fortement du soutien des organisations régionales pour la prévention des conflits et la gestion des crises. Une fois atteints les objectifs civils et militaires, l’UE pourrait devenir le partenaire régional
le plus puissant et le plus important de l’ONU en matière de prévention d’urgence. En même temps, elle apparaît comme un
exemple pour d’autres processus d’intégration régionale. N’étant
pas une alliance militaire mais, par essence, une organisation
175. La toute première réunion de
la Troïka de l’UE avec le Secrétaire
général des Nations unies a eu lieu
en septembre 2000.
176. Le SG/HR et le Commissaire
aux relations extérieures se sont
fréquemment rendus à New York
ces derniers temps.
177. Le Secrétaire général adjoint
des Nations unies a participé pour
la première fois au COPS en mars
2001.
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Evaluation et recommandations
régionale qui sera constituée un jour de plus de trente Etats, il est
improbable qu’elle entreprenne, dans le futur, des opérations militaires unilatérales et non autorisées comme l’a fait l’OTAN au
Kosovo178.
Les deux principales organisations, l’OSCE et l’ONU, se heurtent cependant à trois grandes difficultés : insuffisance des ressources, résistance des Etats membres et absence d’homogénéité.
En revanche, l’Union et ses Etats membres ont toutes sortes de ressources à leur disposition, y compris celles qui sont actuellement
créées pour la PESD. L’UE est en outre une communauté régionale
relativement cohérente. Les actions de prévention des conflits et
de gestion des crises entreprises par ses membres dans le cadre
d’autres organisations internationales doivent être coordonnées
afin de parvenir à une position commune, comme le prévoit l’article 19 du TUE. Même s’ils ne respectent pas toujours cette disposition, les Européens sont de plus en plus conscients qu’ils ne
pourront se faire entendre sur la scène mondiale que s’ils s’expriment d’une seule voix. C’est pourquoi ils ont décidé de développer
une capacité de gestion des crises et d’intensifier la coopération
avec les organisations internationales, en particulier l’OSCE et
l’ONU. Cette coopération est guidée par quatre principes : la
valeur ajoutée, l’interopérabilité, la visibilité et l’autonomie de
décision179.
Recommandations
En résumé, l’UE suit une véritable politique de coopération avec les
principales organisations internationales, non seulement déclaratoire, mais aussi concrète, même s’il reste encore beaucoup à faire
pour instaurer des partenariats et les rendre efficaces en créant les
synergies nécessaires. Entre la CPE/PESC et l’OSCE, le bilan est
excellent, mais il est impératif pour plusieurs raisons d’améliorer la
coopération avec l’ONU. L’UE est l’expression d’un multilatéralisme avancé qui a conduit au développement de structures fédérales. Elle est bien placée, si elle réussit à parler d’une seule voix,
pour exercer une influence significative dans les deux organisations et pour façonner l’ordre mondial. Il est dans son intérêt de
promouvoir le multilatéralisme international en général, et ces
deux organisations en particulier, pour faire barrage à la tentation
des Américains de choisir ce qui leur est utile et de jeter le reste aux
178. Voir Albrecht Schnabel, « The
European Union, ESDP and the
United Nations: Competitors or
Partners? », dans Hans-Georg Ehrhart (dir.), op. cit.
179. Voir Conseil européen, Göteborg, Rapport de la présidence,
op. cit., p. 64.
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oubliettes180. La coopération en matière de prévention des conflits
et de gestion des crises devrait être renforcée dans les domaines
civils et militaire. Il faudrait notamment envisager les mesures suivantes :
◗ Arrangements stand-by de l’UE avec l’OSCE et l’ONU pour l’ensemble de ses capacités de prévention et de gestion des crises181.
◗ Développement d’une formation et de programmes d’exercices
conjoints.
◗ Définition de normes communes de coopération dans la prévention des conflits et la gestion des crises.
◗ Intensification des échanges de renseignements à tous les
niveaux.
◗ Désignation d’un représentant spécial de l’UE à New York pour
les questions concernant la PESC/PESD, et création d’une hotline
entre les structures polmil et le département des opérations de
maintien de la paix de l’ONU.
◗ Analyse et planification des missions conjointes.
180. Voir l’apologie du multilatéralisme dans les institutions internationales dans Chris Patten,
« Alle Anständigen in den Kampf
einbeziehen », Frankfurter Allgemeine Zeitung, 17 septembre 2001,
p. 16.
181. Le président Chirac a annoncé une proposition de la
France concernant les contributions européennes aux opérations
de paix de l’ONU, qui sera discutée par les Quinze. Voir « Discours du Président de la République, M. Jacques Chirac, à
l’occasion de la réception des Ambassadeurs », Paris, 27 août 2001,
p. 3.
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Quel modèle pour la PESC ?
Conclusion
Ce Cahier de Chaillot soulève la question de savoir quel modèle
l’Union européenne devrait suivre en matière de PESC/PESD. Un
débat public à ce sujet est rendu indispensable par l’indifférence
croissante des Européens à l’égard de l’UE et par les défis sécuritaires auxquels l’Union est confrontée depuis la fin de la confrontation Est-Ouest, en particulier depuis les événements dramatiques du 11 septembre 2001.
Le premier chapitre a tenté de présenter les différents modèles,
qui sont à la fois des reflets abstraits de la réalité et des pourvoyeurs d’objectifs politiques fondés sur un ensemble de valeurs,
de normes et d’intérêts fondamentaux, contribuant ainsi à la formation d’une identité de l’UE sur la scène internationale. Nous
avons conclu qu’aucun des trois modèles – puissance civile, militaire ou normative – élaborés depuis les années 1970 dans des
contextes historiques différents n’est adapté à l’évolution du paysage international, marquée par les différents aspects de la mondialisation. Il a donc été proposé que l’UE adopte, pour ses actions
extérieures, celui d’« acteur de sécurité coopérative », regroupant
les aspects civils, militaires et normatifs dans une approche globale de la paix et de la sécurité. Cette approche part du principe que
la politique de défense et de sécurité classique, avec ses définitions
relativement claires des intérêts et des menaces qui régissent les
relations inter-étatiques, ne fournit pas une réponse appropriée
aux nouveaux défis. Face à l’extrême complexité des conflits violents de notre époque « post-internationale », notre approche
stratégique traditionnelle doit être repensée. Etant donné que ces
conflits nuisent à l’ordre international et à la stabilité régionale, et
qu’ils menacent les valeurs, les normes et la vie même des citoyens,
l’Union et ses Etats membres doivent s’engager activement sur
tous les fronts et avec tout un éventail d’instruments. Pour définir
cet acteur de sécurité coopérative, nous avons présenté ici cinq
idées fondamentales – normes, pertinence, inclusivité, approche
multidimensionnelle et multilatéralisme –, qui ont été traduites
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en principes d’action.
Tout modèle de politique étrangère européenne doit être soutenu par les institutions appropriées, en l’occurrence l’UE, qui doit
donc remplir plusieurs fonctions. L’Union doit se doter d’un cadre
d’action propre, dont l’objectif sera à la fois de normaliser les perceptions et les évaluations et de promouvoir une action efficace182. Du point de vue des cinq critères, nous pouvons d’ores et
déjà conclure que l’UE se transforme progressivement en acteur de
sécurité coopérative. La récente évolution de la PESC/PESD et
l’approche globale de la sécurité lui ont permis de définir un cadre
d’action, qui s’affine peu à peu. Malgré de nombreux obstacles, la
priorité est sans aucun doute la coopération et la prévention. La
normalisation des perceptions et des évaluations prendra un certain temps et ne pourra se faire qu’avec la coopération graduellement mise en place au sein des nouvelles structures de la PESD.
Pour ce qui est de l’efficacité des actions, les nombreuses critiques ramènent aux divergences entre les Etats membres et au
problème de la cohérence de l’UE. En dépit des récentes réformes
concernant les mécanismes de la politique étrangère européenne,
des divisions demeurent qui nuisent gravement à la transformation de l’Union en un acteur international efficace. L’UE doit donc
garantir que ses différentes politiques seront liées à ses objectifs de
politique étrangère.
En 1998, un diplomate allemand décrivait la PESC comme
« beaucoup de diplomatie, pas mal d’argent, mais aucun soldat »183. Depuis, il s’est passé beaucoup de choses. Ce haut fonctionnaire pensait également que, pour évaluer la PESC de manière
réaliste, il ne fallait pas prendre comme référence les Etats-Unis,
mais plutôt une situation où il n’y aurait pas de PESC et où chaque
pays agirait en son nom propre. Sous cet angle, la PESC apparaît
automatiquement sous un jour positif. Les Européens agissent de
concert lorsque des décisions et des actions communes leur semblent s’imposer ; s’ils ne les jugent pas nécessaires, ils adoptent une
approche nationale. Autrement dit, ils continuent d’adopter
encore ce que l’on appelait il y a vingt ans une « politique étrangère
fourre-tout », c’est-à-dire qu’ils essayent de tirer le meilleur parti
possible de la CE, de la PESC et de leurs ressources nationales184.
Deux décennies plus tard, Chris Patten affirmait très justement
que la politique étrangère « ne peut se limiter à un pilier du
Traité », mais doit intégrer les politiques nationales, les politiques
communautaires et la PESC elle-même185.
182. Pour une approche théorique, voir Beate Kohler-Koch,
« Die GASP im kommenden Jahrzehnt – Gewappnet für Krisen? »,
dans Roland Hierzinger et Johannes Pollak (dir.), Europäische
Leitbilder, Festschrift für Heinrich
Schneider, Nomos, Baden-Baden,
2001, p. 160.
183. Wolfgang Ischinger, « Die
Gemeinsame Aussen- und Sicherheitspolitik nach Amsterdam –
Praxis und Perspektiven », ZEI Discussion Paper, C 14/1998, p. 4.
184. Reinhard Rummel, Zusammengesetze Aussenpolitik. Westeuropa
als internationaler akteur, N.P. Engel
Verlag, Kehl am Rhein, 1982.
185. Chris Patten, « Projecting
Stability », The World Today,
7/2000, pp. 17-19.
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Conclusion
Antonio Missiroli considère, lui aussi à juste titre, que « l’UE, à
l’origine une « puissance civile », ne s’est pas encore transformée en
(…) acteur international multidimensionnel et à part entière,
ayant pour objectif de projeter la sécurité au-delà de ses frontières.
Cette transition est loin d’être terminée et son résultat reste
ouvert : le « S » de la politique européenne de sécurité a en effet
atteint un carrefour critique »186. Reste à savoir de quel genre de
« S » nous avons véritablement besoin. Il faut se poser la question
pendant la Convention sur l’avenir de l’Europe dans la mesure où,
comme l’a indiqué son Président, « le monde actuel manque d’une
Europe forte, unie, et pacifique »187.
L’hyperterrorisme du 11 septembre 2001 pourrait-il devenir
une nouvelle menace fédératrice susceptible de modifier les priorités de sécurité des Etats membres de l’UE188 ? Dans un premier
temps, on a reproché aux grands pays européens de se montrer
plus intéressés par un « concours de beauté » national que par la
proposition de la présidence belge de mettre en commun les ressources européennes189. Cette réaction montre clairement que la
PESC est encore en gestation et que le dilemme européen – comment préserver la souveraineté nationale alors qu’il existe un
besoin urgent de davantage de coopération et d’intégration dans
le domaine de la sécurité – n’est pas encore résolu190.
On observe toutefois une nette tendance à intensifier la coopération dans le domaine de la justice et des affaires intérieures191.
Face à la menace de l’hyperterrorisme, la notion de « défense territoriale » redevient d’actualité, mais dans un contexte international
complètement différent et avec une nouvelle signification. La
frontière entre sécurité extérieure et sécurité intérieure étant de
plus en plus floue, il est nécessaire de redéfinir l’équation projection/protection.
S’agissant de la projection de la stabilité, le Conseil européen a
affirmé lors de la réunion extraordinaire qu’il a tenue après le 11
septembre que c’est en développant « sa politique étrangère et de
sécurité commune [PESC] et en rendant la politique européenne
de sécurité et de défense (PESD) opérationnelle aussi tôt que possible que l’Union deviendra efficace ». Mais cela ne sera pas suffisant. Il faut s’interroger sur le rôle de la PESD dans la lutte contre
le terrorisme. A quels ajustements faut-il procéder en ce qui
concerne les structures de force, la doctrine et l’équipement ? Les
Etats membres sont-ils prêts à supporter les coûts des innovations
186. Antonio Missiroli, « Introduction », op. cit., p. 7.
187. International Herald Tribune,
1er mars 2002, p. 3.
188. Voir Nicole Gnesotto, « L’Europe doit repenser l’Union », Libération, 27 septembre 2001, p. 15.
189. Voir Frankfurter Allgemeine Zeitung, 12 novembre 2001.
190. Autrement dit, il existe encore au cœur de la PESC un « gap
capacités-attentes », qui reflète
« la contradiction entre les ambitions
des
gouvernements
membres de l’UE de jouer un plus
grand rôle international et leurs
réticences à s’effacer ainsi devant
un cadre intergouvernemental ».
Christopher Hill et William Wallace, « Introduction : actors and
actions », dans Christopher Hill,
The Actors in Europe’s Foreign Policy,
Routledge, Londres, 1996, p. 5.
191. Pour une analyse des réactions de l’UE après le 11 septembre 2001, voir Elke Thiel, « Das
Engagement der EU nach dem 11
September », SWP-Aktuell,
26/2001. Voir également Chris
Patten, « Look Again : The European Commission has been at
Work », International Herald Tribune, 13 décembre 2001, p. 8.
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Quel modèle pour la PESC ?
nécessaires ? Comment mettre en commun les capacités nationales de renseignement ? Comment améliorer les synergies des
trois piliers pour lutter contre le terrorisme ?
Le Conseil européen a adopté un plan d’action pour combattre
le terrorisme en intensifiant entre autres la coopération policière
et judiciaire, en développant les instruments juridiques internationaux et en renforçant la sécurité aérienne. D’autres mesures
importantes ont été prises, comme une coopération accrue entre
les Etats membres dans ce domaine et la création d’une cellule
antiterroriste au sein d’Europol. Le Conseil européen a également
souligné que « l’intégration de tous les pays dans un système mondial équitable de sécurité, de prospérité et de développement est la
condition pour qu’une communauté forte et durable puisse combattre le terrorisme »192. Autrement dit, l’UE préconise également
une prévention structurelle, mais qu’est-ce que cela signifiera dans
la pratique ? L’UE et ses membres veulent-il investir les ressources
nécessaires dans un engagement à long terme dont le résultat est
incertain ? Face à la « privatisation » accrue de la violence – que ce
soit à travers l’existence de chefs de guerre, la criminalité internationale ou le terrorisme transnational –, comment la sécurité peutelle s’organiser dans nos sociétés industrielles particulièrement
complexes et vulnérables?
La réaction de l’UE au 11 septembre reflète une interprétation
post-moderne de la sécurité, sur laquelle Chris Patten a de nouveau attiré l’attention en critiquant la « dangereuse tendance » des
Etats-Unis à considérer la projection de la puissance militaire
comme la seule base d’une sécurité véritable. Estimant que la sécurité est une notion beaucoup plus large, il a affirmé que « nous
devons faire tout ce que nous pouvons pour renforcer les Etats
faibles ou en faillite et les empêcher de tomber dans les griffes des
Ben Laden du monde »193. On ne peut pas se limiter aujourd’hui à
une politique simpliste pour résoudre les conflits survenant à
l’intérieur des Etats ou entre eux. Cela ne veut pas dire que les
moyens militaires n’ont aucun rôle à jouer dans la lutte contre le
terrorisme, mais, comme les problèmes posés sont complexes et de
nature sociale, la réponse doit être adaptée à chaque cas compte
tenu des principes de gouvernance internationale en matière de
sécurité194.
192. Conseil européen, Conclusions
and Plan of Action of the Extraordinary
European Council Meeting on 21 September 2001, SN 140/01.
193. Entretien avec Chris Patten
dans The Financial Times, 15 février
2002.
194. Pour l’école néoréaliste, l’interprétation postmoderne de la
sécurité démontre simplement un
manque de puissance militaire.
Voir Robert Kagan, « Power and
Weakness », Policy Review, n. 113,
www.policyreview.org/JUN02/ka
gan_print.html
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Conclusion
Dans la Déclaration de Laeken, les chefs d’Etat et de gouvernement ont souligné que « l’Europe [doit] prendre ses responsabilités dans la gouvernance de la globalisation ». Ils ont également
soulevé la question de savoir « comment faire de l’Union un facteur de stabilisation et un repère dans le monde nouveau, multipolaire »195. Plusieurs de leurs recommandations sont mentionnées dans ce Cahier. Le développement de certaines capacités
et leur inclusion dans une stratégie globale de prévention des
conflits et de gestion des crises sont essentiels pour garantir la stabilité et la sécurité internationales à l’ère de la mondialisation. Par
conséquent, l’UE et ses Etats membres devraient intensifier leurs
efforts en vue d’adopter une approche globale de la sécurité intégrant les instruments civils et militaires dans une PESC privilégiant la coopération et la prévention. C’est précisément cette intégration des politiques et des moyens dans un projet politique
normatif qui permettra au modèle d’Union comme acteur de sécurité coopérative d’être accepté, créant à son tour une véritable identité de sécurité européenne.
195. Voir Conseil européen de
Laeken, De Nice à Laeken, op. cit.,
pp. 120 et 121.
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Sigles
ACP
CAG
CE
CICR
CIG
CIMIC
CIVCOM
CM
CMUE
COPS
COREPER
CPE
CSCE
C3I
DG
ECHO
ECMM
EMUE
Europol
G8
IPTF
ISAF
MPUE
OCDE
OCHA
OIG
OING
ONG
ONU
OSCE
OSP
OTAN
PE
PESC
PESD
REACT
RELEX
SG/HR
SITCEN
SOP
TUE
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Afrique, Caraïbes et Pacifique
Conseil Affaires générales
Communauté européenne
Comité international de la Croix-Rouge
Conférence intergouvernementale
Coopération entre le civil et le militaire
Comité pour les aspects civils de la gestion des crises
Comité militaire
Comité militaire de l’Union européenne
Comité politique et de sécurité
Comité des Représentants permanents auprès de l’Union
européenne
Coopération politique européenne
Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe
Commandement, contrôle, communications et information
Direction générale
Bureau humanitaire de la Communauté européenne
Mission d’observation de l’Union européenne
Etat-major militaire de l’Union européenne
Office européen de police
Groupe des huit pays les plus industrialisés
Forces internationales de police des Nations unies
Force internationale d’Assistance en matière de sécurité en
Afghanistan
Mission de police de l’Union européenne
Organisation de coopération et de développement économiques
Bureau de la coordination des affaires humanitaires (Nations
unies)
Organisations intergouvernementales
Organisations internationales non gouvernementales
Organisations non gouvernementales
Organisation des Nations unies
Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe
Opération de soutien à la paix
Organisation du Traité de l’Atlantique Nord
Parlement européen
Politique étrangère et de Sécurité commune
Politique européenne de sécurité et de défense
Equipe d’experts en matière d’assistance et de coopération
rapides
Relations extérieures
Secrétaire général/Haut Représentant
Centre de situation
Procédures opérationnelles permanentes
Traité sur l’Union européenne
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UE
UEO
UNHCR
UNSC
UPPAR
WFP
Union européenne
Union de l’Europe occidentale
Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés
Conseil de sécurité de l’ONU
Unité de planification de la Politique et d’Alerte rapide
Programme alimentaire mondial (PAM)
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Cahiers de Chaillot
Tous les Cahiers de Chaillot
peuvent être consultés sur internet :
www.iss-eu.org
n°54
Etats-Unis : l’empire de la force ou la force de l’empire
septembre 2002
Pierre Hassner
n°53
Elargissement et défense européenne après le 11 septembre
juin 2002
Jiri Sedivy, Pal Dunay et Jacek Saryusz-Wolski ;
sous la direction de Antonio Missiroli
n°52
Les termes de l’engagement : le paradoxe de la puissance américaine
et le dilemme transatlantique après le 11 septembre
mai 2002
Julian Lindley-French
n°51
De Nice à Laeken : Les textes fondamentaux
de la défense européenne
avril 2002
réunis par Maartje Rutten, Volume II
n°50
Quel statut pour le Kosovo ?
octobre 2001
Dana Allin, Franz-Lothar Altmann, Marta Dassu, Tim Judah, Jacques Rupnik et
Thanos Veremis ; sous la direction de Dimitrios Triantaphyllou
n°49
Elargissement : une nouvelle OTAN
octobre 2001
William Hopkinson
n°48
Nucléaire : le retour d'un Grand Débat
juillet 2001
Thérèse Delpech, Shen Dingli, Lawrence Freedman, Camille Grand, Robert A. Manning,
Harald Müller, Brad Roberts et Dmitri Trenin ; sous la direction de Burkard Schmitt
n°47
De Saint-Malo à Nice : les textes fondateurs de la défense européenne mai 2001
Réunis par Maartje Rutten
n°46
Le Sud des Balkans : vues de la région
avril 2001
Ismail Kadare, Predrag Simic, Ljubomir Frckoski and Hylber Hysa ;
sous la direction de Dimitrios Triantaphyllou
n°45
L'intervention militaire et l'Union européenne
mars 2001
Martin Ortega
n°44
Entre coopération et concurrence :
le marché transatlantique de défense
janvier 2001
Gordon Adams, Christophe Cornu et Andrew D. James ;
sous la direction de Burkard Schmitt
n°43
L'intégration européenne et la défense : l'ultime défi ?
novembre 2001
Jolyon Howorth
n°42
Défense européenne : la mise en œuvre
septembre 2001
Nicole Gnesotto, Charles Grant, Karl Kaiser, Andrzej Karkoszka, Tomas Ries,
Maartje Rutten, Stefano Silvestri, Alvaro Vasconcelos et Rob de Wijk ;
sous la direction de François Heisbourg
n°41
L'Europe et ses boat people :
la coopération maritime en Méditerranée
juillet 2000
Michael Pugh
n°40
De la coopération à l'intégration :
les industries aéronautique et de défense en Europe
Burkard Schmitt
juillet 2000
Ce nouveau Cahier de Chaillot tente de définir la forme que pourrait
prendre aujourd’hui l’Union européenne en matière de PESC. En
effet, face aux défis de l’après-guerre froide, les modèles traditionnels
de l’UE – puissance civile, militaire ou normative – ne semblent plus
appropriés. Selon l’auteur, l’Union devrait fonder ses actions extérieures sur un concept de sécurité coopérative, intégrant les dimensions civile, militaire et normative dans une approche globale de la
paix et de la sécurité.
Avec le développement de la PESD et son approche globale de la
sécurité, l’UE développe et perfectionne son fonctionnement propre
en matière d’action extérieure. La raison d’être de la PESC est la
coopération et la prévention, mais les insuffisances sont encore
nombreuses. Il importe d’harmoniser les perceptions et de procéder
à des évaluations communes, ce que permettra progressivement la
coopération au sein des nouvelles structures. S’agissant de l’efficacité
des opérations, le point faible de la PESC demeure le manque de
cohérence : les divergences entre Etats membres et la complexité des
structures décisionnelles empêchent encore l’Union de devenir un
véritable acteur international.
Pour contribuer efficacement à la stabilité et à la sécurité internationales à l’heure de la mondialisation, l’UE doit développer des politiques fondées sur une vision globale et consensuelle. Il faut donc que
l’Union et ses Etats membres s’efforcent de définir une approche
commune de la sécurité associant instruments militaires et civils et
privilégiant la coopération et la prévention. L’UE doit réussir à intégrer ses politiques et ses moyens dans un projet commun fondé sur
des normes et des valeurs agréées par la communauté internationale.
C’est à cette condition seulement qu’elle deviendra un acteur de sécurité coopérative et sera en mesure de se doter de sa propre identité de
sécurité.
publié par l’Institut
d’Etudes de Sécurité
de l’Union européenne
43 avenue du
Président Wilson
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tél.: +33 (0) 1 56 89 19 30
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