De Nice au Moyen-Orient - Chronique de Palestine

Transcription

De Nice au Moyen-Orient - Chronique de Palestine
La
création
du
camp
de
réfugiés de Yarmouk, ou la
responsabilité d’Israël dans
la crise des réfugiés syriens
Ramzy Baroud – L’Opération Yiftach, menée le 19 mai 1948 par
les milices sionistes de la Haganah ambitionnait de conduire
au-delà de la frontière d’Israël tous les Palestiniens du nord
du district de Safed, c’est-à-dire ceux qui, cinq jours
auparavant, avaient déclaré leur indépendance.
Le nettoyage ethnique de Safed et de ses nombreux villages
n’était pas une innovation dans cette région, ni unique en son
genre. C’était en fait le modus operandi des milices sionistes
à travers toute la Palestine. Sitôt après la proclamation de
l’indépendance d’Israël et la conquête de la Palestine
historique, les milices se sont réunies pour former les forces
armées israéliennes.
A cette même époque, certains villages n’avaient cependant pas
été complètement dépeuplés. Quelques habitants de villages
comme Qaytiyya, près du Jourdain, sont restés chez eux. Les
résidents du village, situé entre les deux affluents du
Jourdain, à savoir les rivières al-Hasabani et Dan, espéraient
un retour à la normale et souhaitaient que leur village
retrouve son calme et sa quiétude une fois la guerre terminée
et le conflit apaisé.
Toutefois, leur sort fut pire que celui des personnes obligées
à partir, ou alors celles qui avaient fui leurs villages dans
l’espoir d’échapper à un destin effroyable. Presque une année
après, les forces israéliennes sont retournées pour ramasser
le reste des villageois dans de gros camions, en torturant
plusieurs d’entre eux pour enfin les abandonner quelque part
au sud de Safed. Que sont-ils devenus ? Nous savons très peu
de choses sur leur destin, néanmoins, pour les survivants,
nous savons que leur destination finale était le camp de
réfugiés de Yarmouk, en Syrie.
Ce n’est qu’en 1957 que Yarmouk a été créé, et encore, il
n’était point considéré comme un camp de réfugiés « officiel.
» La plupart de ses habitants étaient des squatters à Sahl alYarmouk et autres zones avant qu’ils ne soient emmenés à
Shaghour al-Basatin, près de Ghouta. Toute cette région a été
rebaptisée Yarmouk.
La plupart des réfugiés du Yarmouk sont originaires du nord de
la Palestine, du district de Safed et des villages à l’instar
de Qaytiyya, al-Ja’ouneh et Khisas. Ils ont vécu et survécu
dans cette région pendant près de 67 ans. Incapables de
retourner en Palestine, bien qu’ils continuent de nourrir
l’espoir de le faire un jour, ils ont personnalisé les rues du
camp, ses quartiers, même ses boulangeries, ses pharmacies et
ses écoles en leur attribuant les noms des villages dont ils
ont été un jour chassés.
Et avec le soulèvement qu’a connu la Syrie au mois de mars
2011, aussitôt transformé en guerre civile, beaucoup avaient
préconisé que les Palestiniens en Syrie devaient être épargnés
du conflit. En effet, les séquelles et les mauvais souvenirs
laissés par les autres conflits régionaux – la guerre civile
en Jordanie, la guerre civile au Liban, l’invasion irakienne
du Koweït et l’invasion américaine de l’Irak où des centaines
et des milliers de civils Palestiniens avaient payé un lourd
tribut – sont des cicatrices permanentes que chacun porte sur
son cœur et dans son esprit.
Mais les appels au hiyad, c’est-à-dire à la neutralité, n’ont
pas été pris en compte par les belligérants, et la direction
palestinienne, incompétente et retranchée à Ramallah, a échoué
à jouer un rôle décisif et n’a su évaluer la gravité de la
situation ni fournir les moindres conseils et directives,
qu’ils soient moraux ou politiques.
Les conséquences et les résultats sont terrifiants. Plus de
3000 Palestiniens ont été tués, des dizaines de milliers de
réfugiés Palestiniens ont fui la Syrie, des milliers d’autres
sont devenus des déplacés internes et le malheureux périple
qui les a toujours conduits loin de leur patrie a poursuivi
son terrible cours.
Yarmouk, un camp de réfugiés abritant plus de 200 000
habitants dont la plupart sont inscrits comme réfugiés par
l’UNRWA, l’agence onusienne, a été dévasté et ne compte plus
que 20 000 résidents. La majeure partie du camp n’est
désormais que ruines. Des centaines de ses habitants ont soit
été emportés par la famine, soit tués dans la guerre. Le reste
a fui vers les autres régions de la Syrie, le Liban, la
Jordanie, la Turquie et l’Europe.
Le bon sens aurait été que les réfugiés retournent à Safed et
aux villages comme Qaytiyya. Pourtant, peu d’appels et de
demandes ont été lancés dans ce sens, et les demandes
exprimées par des responsables Palestiniens ont été rejetées
par Israël en disant qu’elles étaient vouées à l’échec.
En fait, et alors que des pays comme le Liban ont accepté
d’accueillir des réfugiés sur leur sol, le pays du cèdre a
accueilli 1,72 million (1 citoyen sur 5 au Liban est un
réfugié syrien), la Turquie 1,93 million, la Jordanie 629 000,
l’Irak 249 000 et l’Égypte 132 000, Israël n’a fait aucune
offre pour accueillir un seul réfugié.
L’économie d’Israël est considérée comme la plus forte et la
plus solide dans la région, pourtant, elle a été la plus avare
en matière d’offrir un toit aux réfugiés. C’est là un double
péché étant donné que même les réfugiés Palestiniens de la
Syrie, auparavant expulsés de leurs propres maisons en
Palestine, sont désormais des sans abri.
Le tollé provoqué par la communauté internationale qui, à
juste titre, a reproché à la Grèce de ne pas avoir fourni
suffisamment d’efforts pour accueillir les centaines de
milliers de réfugiés a, sans surprise, disparu lorsque la
question venait à toucher Israël. La communauté internationale
a préféré fermer l’œil sur cet état qui, en dépit de sa
capacité financière, a ouvertement barricadé ses portes à des
réfugiés désespérés et perdus.
D’après les statistiques de l’ONU, vers la fin du mois d’août
de l’année en cours, environ 239 000 réfugiés, principalement
des Syriens, ont débarqué sur les îles grecques afin de
pouvoir arriver au continent européen. La Grèce n’est pas le
seul pays à travers lequel les réfugiés cherchent à se frayer
un chemin vers l’Europe. Entre les mois de janvier et d’août
de cette année, 114 000 réfugiés sont arrivés en Italie (venus
principalement de la Libye) en quête de sécurité. L’année
dernière, vers la même période, l’on a enregistré presque le
même nombre de réfugiés voulant rejoindre l’Europe.
Le vieux continent est à la fois moralement et politiquement
responsable de ces réfugiés et a le devoir de les accueillir
et de les prendre en charge, compte tenu de sa culpabilité et
de son implication dans les guerres qu’a connues le MoyenOrient et dans les conflits actuels. Certains pays se sont mis
au travail à l’instar de l’Allemagne, de la Suède et autres,
tandis que des pays comme la Grande-Bretagne ont été
complètement oublieux et carrément impitoyables envers les
réfugiés. Pourtant, des milliers de citoyens européens
ordinaires se sont montrés plus solidaires et, comme aurait
réagi tout être humain avec un minimum d’empathie, ils se sont
portés volontaires pour aider les réfugiés, à l’Est comme à
l’Ouest de l’Europe.
On ne peut pas en dire autant d’Israël qui, lui seul, a
enflammé la plupart des conflits au Moyen-Orient au cours des
dernières décennies. Au lieu de parler de cette question, les
débats en Israël continuent de se focaliser sur les menaces
démographiques tout en étant animés de connotations racistes
sur la nécessité de préserver la prétendue identité juive.
Curieusement, rares sont les médias qui ont réagi à cette
tendance ou ont trouvé cette position particulièrement grave
alors que le monde vit au moment-même une crise humanitaire
sans précédent.
Lors de ses récentes interventions, le premier ministre
Israélien, Benjamin Netanyahu, a rejeté tous les appels pour
recevoir en Israël des Syriens réfugiés, en soulevant, une
fois de plus, la question et la raison démographique qui
qualifie de « menace démographique » toute présence non juive
sur la terre d’Israël, qu’elle appartienne à la catégorie des
réfugiés, Africains ou Syriens, ou même à celle des
autochtones, c’est-à-dire les Palestiniens qui appartiennent à
cette terre. « Israël est un très petit état. Il n’a aucune
profondeur géographique ou démographique, » a-t-il déclaré le
6 septembre dernier.
Lorsque l’état d’Israël fut établi sur les ruines de la
Palestine détruite, les juifs palestiniens représentaient une
infime minorité. Il aura fallu de multiples campagnes de
nettoyage ethnique qui ont d’abord créé le problème des
réfugiés palestiniens, pour obtenir cette majorité juive
dominante dans le nouvel Israël. Aujourd’hui, les Palestiniens
arabes ne représentent que le cinquième d’une population
israélienne estimée à 8,3 millions d’individus. Malgré cela,
la plupart des Israéliens y voient une raison de s’alarmer !
Alors que les réfugiés de Qaytiyya, devenus réfugiés à maintes
reprises, sont toujours privés de leur droit au retour,
internationalement reconnu conformément à la Résolution
onusienne 194 de décembre 1948, Israël a droit à un statut
particulier. Il n’est ni blâmé ni obligé de rapatrier les
réfugiés palestiniens, et il est actuellement dispensé de
jouer un rôle, aussi petit et modeste soit-il, dans
l’apaisement et le soulagement de la crise des réfugiés qui ne
cesse de s’aggraver.
La Grèce, la Hongrie, la Serbie, la Macédoine, le Royaume-Uni,
l’Italie et d’autres pays Européens, ainsi que les riches pays
Arabes du Golfe doivent faire l’objet d’une pression continue
et acharnée jusqu’à ce que les réfugiés syriens retournent
chez eux en toute sécurité. Alors, pourquoi devrait-on
exempter Israël de cette ligne de conduite nécessaire et
primordiale ? De plus, Israël doit subir des pressions plus
vives et plus rigoureuses afin qu’il assume son rôle dans le
règlement de la crise des réfugiés, en commençant par ceux de
Qaytiyya qui sont en train de revivre le même destin
désastreux d’il y a 67 ans.
* Dr Ramzy Baroud écrit sur le Moyen-Orient depuis
plus de 20 ans. Il est chroniqueur international, consultant
en médias, auteur de plusieurs livres et le fondateur de
PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en
Palestine – Une histoire vraie de Gaza (version française),
peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième
Intifada (version française) est disponible sur Scribest.
Visitez son site personnel.
10 août 2016 – The Palestine Chronicle – Traduction :
Lotfallah
Les Palestiniens sont
dernier rempart contre
sionisme
le
le
Ramzy Baroud – La journée du Symposium des Australiens pour la
Palestine : « Dans l’oeil de la tempête : la Palestine et les
nouveaux médias » a eu lieu à Melbourne, en Australie, au
Centre de conférence Telstra le jeudi 31 mars 2016. Les
conférenciers Ali Abunimah et Ramzy Baroud (par la vidéo dont
la transcription peut être lue plus bas) y sont intervenus.
Bonjour à tous, je m’appelle Ramzy Baroud. Je suis un auteur
et journaliste palestinien. Je suis né et j’ai grandi dans la
Bande de Gaza. Je suis né dans le camp de réfugiés de
Nuseirat. C’est le plus grand en superficie de la Bande de
Gaza et le second en termes de population après le camp de
réfugiés de Jabalia Les habitants de Nuseirat viennent de
villages qui furent dépeuplés en 1948 après l’attaque, la
guerre et le nettoyage ethnique de la Palestine il y a 68 ans.
La plupart des villageois qui vivaient dans le sud de la
Palestine furent soit expulsés, soit ont réussi à s’enfuir et
à se réfugier à Gaza. Voilà d’où viennent la plupart des
réfugiés.
En 1948, il y avait environ 200 000 réfugiés dans la Bande de
Gaza, aujourd’hui la population est d’environ 1,8 millions,
dont la grande majorité sont des réfugiés et leurs
descendants. Il y a bien sûr des camps de réfugiés en
Cisjordanie, au Liban, en Syrie et à travers tout le MoyenOrient. Leur histoire est celle que nous, Palestiniens avons
tous en commun. Nous, les Palestiniens somment unis par de
nombreux aspects de notre vie, par la culture, par l’histoire,
par le sang, par tant d’autres aspects, mais nous sommes aussi
unis par notre histoire originelle, par ce que nous appelons
notre …. (en arabe) notre souffrance, notre douleur, ce qui
nous est arrivé en 1948. La Palestine a été ethniquement
nettoyée et une nation totalement différente est venue
d’Europe et d’autres parties du monde, et s’est emparée de
notre patrie. Et pendant 68 ans le Moyen-Orient n’a pas connu
de réelle stabilité à cause de ce péché originel, auquel
personne n’a jamais essayé de remédier, pas de façon juste du
moins.
C’est comme une plaie purulente, qui a non seulement favorisé
l’instabilité et les conflits et la guerre sur la terre de
Palestine mais aussi au Moyen-Orient dans son ensemble, je
doute qu’il y ait un seul conflit au Moyen-Orient qui ne soit
d’une manière ou d’une autre lié à la Palestine. Et bien sûr,
Israël est impliqué dans la plupart de ces conflits, Israël a
envahi pas seulement la Palestine, et l’a nettoyée de ses
habitants, mais a aussi envahi le Liban, envahi l’Égypte,
occupé le Sinaï, envahi la Syrie, occupé le Golan, envahi la
Jordanie et ainsi de suite. C’est un pays qui a été crée par
la guerre, et le nettoyage ethnique et le sang, depuis lors il
s’est juré de devenir cette nation guerrière, il s’est
convaincue qu’il était intrinsèquement incapable de vivre en
paix avec ses voisins.
Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a répété
cette fausse analogie, très récemment vraiment, en février
plutôt, lorsqu’il a décrit Israël comme une villa dans la
jungle, Ehud Barak a utilisé ce terme, d’autres l’ont utilisé,
nous sommes une villa dans la jungle, Israël est ce paradis,
qu’ils doivent construire des clôtures, des murs, dont ils
doivent s’entourer à cause des bêtes sauvages. Vous savez, la
terminologie israélienne est extrêmement, extrêmement
avilissante pour ses voisins. Les Palestiniens sont des
cafards, sont des bêtes, et tout ceci remonte à la fondation
d’Israël. Cette terminologie n‘est pas nouvelle, elle n’est
pas liée aux attentats suicides, elle n’est pas liée aux
roquettes tirées de Gaza, à rien de tout ça. Leur perception,
qu’ils ont apportée avec eux d’Europe est vraiment plutôt
fasciste et raciste depuis le tout, tout début.
C’est la même mentalité raciste et fasciste
qui
a
fondamentalement inspiré le discours de dirigeants israéliens
précédents, Golda Meir, par exemple, quand elle nia
l’existence des Palestiniens, « non pas que nous soyons venus
et ayons pris le pays de quelqu’un d’autre, » a-t-elle dit, «
les Palestiniens n’existaient pas ». Ce postulat, vous savez,
que les Palestiniens n’existent pas, a été répété et l’a
encore été récemment, en fait dans les débats des primaires
américaines, et ce n’est pas qu’ils ne reconnaissent pas que
nous existons en tant qu’individus, que Ramzy Baroud n’est pas
qui il dit être, ils ne nous voient pas tous comme constituant
un peuple, une nation, nous avons été inventés, comme cela a
été dit parfois, que nous sommes cette nation fabriquée, nous
sommes des bédouins, des nomades, et ainsi de suite. Cela a
contribué au processus de déshumanisation.
Lorsque vous ne voyez pas votre ennemi comme un égal, tuer
votre ennemi, parquer votre ennemi, l’emprisonner, torturer
votre ennemi, le pulvériser, ce n’est pas un problème, vous
savez, il n’y a pas de responsabilité morale à faire tout
cela, parce que votre ennemi n’est pas un humain, n’est pas un
être, n’est pas une nation, n’a pas d’identité.
Voilà pourquoi il leur est si essentiel d’utiliser ce genre de
terminologie avilissante, ils ne sont pas seulement méchants,
mais calculateurs avec ce genre de langage. Les Palestiniens,
par ailleurs, se sont défendus. Nous nous défendons depuis
tant d’années, et nous continuerons de le faire, en partie
parce que nous n’avons pas réellement d’autre option que de
nous défendre. Mais l’autre raison c’est que les Palestiniens
sont plutôt résistants, ils savent qui ils sont, ils sont très
conscients de leur responsabilité, pas seulement à l’égard de
la Palestine, mais à l’égard du monde dans son ensemble.
Nous sommes pris dans cette situation où nous sommes les
derniers défenseurs contre le sionisme. Nous voulons que le
monde se joigne à nous dans ce combat, nous voulons que notre
cause devienne universelle, et nous faisons beaucoup, beaucoup
d’efforts pour y parvenir, et jusqu’à ce que cela se produise
nous sommes l’avant-garde contre le sionisme, et nous les
avons combattus de toutes les manières possibles, nous les
avons combattus avec nos pierres lors de l’Intifada de 1987,
nous les avons combattus avec notre poésie, notre art, nos
graffiti sur les murs, nous les avons combattus avec nos
grèves de la faim dans les prisons, nous les avons combattus
avec notre entêtement et notre détermination, refusant d’être
vaincus, en aucune circonstance, dans notre dictionnaire, dans
notre culture, le mot défaite n’existe pas, concrètement. Le
fait de dire je suis vaincu, je me rends n’existe pas.
Et c’est le genre de mentalité qui donne tant de fil à
retordre à Israël, parce que vous pouvez vaincre une armée si
vous avez une force aérienne supérieure, vous pouvez vaincre
un groupe d’hommes armés si vous avez une force de feu
supérieure, mais vous ne pouvez pas vaincre un peuple, s’ils
ont, s’ils sont déterminés, s’ils ont décidé, se sont mis
d’accord collectivement qu’ils ne vont pas se soumettre en
aucune circonstance, vous ne pouvez simplement pas les
vaincre. Donc ce qu’Israël essaie de faire, et depuis
longtemps c’est de les parquer, les emprisonner, de les mettre
dans des bantoustans, de les emprisonner, de les humilier, les
tuer, les expulser, faire tout ce qui est en leur pouvoir pour
les criminaliser, pour vaincre les Palestiniens en tant que
peuple.
Ce ne sont pas nos dirigeants qui maintiennent notre unité,
nos dirigeants, voyez ce qui s’est passé avec nos dirigeants à
Ramallah, et ailleurs, ils sont déjà vendus, ce n’est pas
grâce à d’eux que nous nous battons, ce n’est pas une lutte
d’élites en quoi que ce soit, c’est la lutte de gens qui
résistent, des réfugiés, des paysans, des gens de la classe
moyenne, des travailleurs, des mères, des pères, qui de toutes
les manières possibles réellement, et dans tous les aspects de
leur vie se défendent. Et nous avons besoin de vous. Nous
avons besoin que vous preniez part à ce combat. Nous n’avons
pas besoin que vous veniez affronter l’armée israélienne. Nous
avons besoin que vous interveniez dans votre rôle et votre
responsabilité d’être humain, de citoyen de ce monde, de
quelqu’un qui souhaite voir la liberté et la justice régner au
Moyen-Orient.
Et ça n’est plus seulement l’affaire de la Palestine et des
Palestiniens, et ni même seulement celle du Moyen-Orient dans
son ensemble, mais celle du monde, parce que la Palestine est
depuis longtemps cette plaie purulente, et cette plaie s’étend
maintenant à d’autres parties du Moyen-Orient et maintenant
elle atteint d’autres parties du monde. Elle touche Europe,
l’Afrique, et d’autres endroits, et nous n’avons cessé de le
répéter la Palestine est le cœur du problème, comme a pu le
dire John Pilger, « Palestine is the Issue », et la Palestine
demeurera toujours le cœur du problème, et quoiqu’on fasse
pour se soustraire à ce truisme, cette réalité, si on ne peut
trouver de solution à ce qui se passe en Palestine, on ne
espérer stabiliser le Moyen-Orient.
Quand je dis trouver une solution, je ne veux pas dire trouver
une quelconque concoction comme l’aberration d’Oslo et qui a
gâché 20 ans, de sang, de larmes, de terre, de bagarre et de
conflit, et on savait dès le départ que ça n’apporterait rien
de bon aux Palestiniens, tout ce que revendiquent les
Palestiniens c’est une paix juste.
Nous voulons la justice, nous ne voulons pas de processus de
paix selon la terminologie et les prédictions d’Henry
Kissinger, nous voulons la justice, nous voulons que notre
peuple reçoive ses droits, sa liberté, sa dignité, nous sommes
prêts, nous voulons nous battre et nous nous battons pour
l’obtenir, et pour la majeure partie notre combat a dans les
faits plutôt été un combat non-violent, si on veut bien y
prêter attention, nos grèves, nos protestations, notre
désobéissance civile, tout ça ne remonte pas seulement à 1948,
mais à 1936, la grève des Palestiniens de 1936, et avant ça
même. Nous voulons que vous soyez à nos côtés dans cette
bataille.
Nous voulons que vous compreniez que votre rôle maintenant est
assez important, il ne s’agit pas de pure solidarité, mais
cette bataille ne peut pas être menée par les Palestiniens
seuls, parce que nous ne nous battons pas seulement contre
Israël, mais aussi contre les bienfaiteurs d’Israël, c’est à
dire les gouvernement occidentaux, de puissants gouvernements,
contre de puissantes armées, contre les États-Unis qui sont un
puissant partisan d’Israël depuis sa création en 1948.
Nous en tant que Palestiniens à Gaza, en Cisjordanie, et
ailleurs nous ne pouvons le faire sans vous, donc nous avons
besoin que vous vous impliquiez, nous avons besoin que vous
vous désolidarisiez moralement d’Israël, et par se
désolidariser moralement, je ne parle pas de produits
israéliens en soi, ce dont je parle c’est une promesse, un
serment que vous devez faire, celui de vous ranger du bon côté
de l’Histoire, quelles qu’en soient les implications, quoi que
cela signifie, vous devez prendre la décision que vous êtes
aux côté du peuple palestinien dans cette juste bataille pour
la liberté, pas avec Israël, pas avec l’armée israélienne, et
vous ne pouvez pas non plus être un témoin silencieux, parce
que la neutralité n’est pas possible dans ces circonstances.
Et aussi parce que nous comprenons que l’injustice quelque
part est une menace pour la justice partout, comme a pu le
dire Martin Luther King. Et ce qui se passe au Moyen-Orient
prouve cette théorie que l’injustice qui a commencé en
Palestine continue à s’envenimer, à se développer et a atteint
d’autres parties du Moyen-Orient, et nous avons besoin que
cela cesse.
Et nous voulons que cela cesse de la façon la plus paisible
possible, mais nous avons besoin d’être nombreux, nous avons
besoin de gens à nos côtés, des millions et des millions, et
qui crient du toit des immeubles de chaque capitale, de chaque
ville, de chaque village, de chaque pays, de la même façon que
nous avons fait front ensemble contre le gouvernement
d’apartheid en Afrique du Sud, nous devons faire la même chose
en Palestine.
Et c’est possible, parce qu’aucune puissance de feu, aucune
force aérienne, ou chars d’assaut ne sont assez puissants,
assez gigantesques pour faire taire la voix de la société
civile partout dans le monde. Nous avons besoin de vous, nous
avons besoin de vous maintenant, plus que jamais car notre
mouvement, notre mouvement de boycott atteint finalement le
seuil où nous pourrions bientôt parler d’un nombre crucial,
nous avons besoin de ce nombre crucial, donc chaque voix
compte. Nous apprécions beaucoup votre solidarité à tous.
Merci de m’avoir donné la possibilité de m‘adresser à vous
aujourd’hui, et je souhaiterais vraiment pouvoir vous parler
en personne, et je vous présente personnellement mes excuses
de n’avoir pas pu me joindre à vous aujourd’hui, et merci,
merci beaucoup pour votre soutien. Dieu vous bénisse, et tous
mes vœux aux autres intervenants. Au revoir.
* Dr Ramzy Baroud écrit sur le Moyen-Orient depuis
plus de 20 ans. Il est chroniqueur international, consultant
en médias, auteur de plusieurs livres et le fondateur de
PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en
Palestine – Une histoire vraie de Gaza (version française),
peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième
Intifada (version française) est disponible sur Scribest.
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3 août 2016 – Transmis par l’auteur – Traduction : Lotfallah
De Nice au Moyen-Orient : le
meilleur moyen de combattre
Daesh
Ramzy Baroud – Je me suis rendu en Irak en 1999. À l’époque,
il n’y avait pas de soi-disant « djihadistes » épousant les
principes du « djihadisme », quelle qu’en soit
l’interprétation.
À la périphérie de Bagdad se trouvait un camp d’entraînement
militaire, non pas pour « al-Qaïda » mais pour les «
Moudjahidin-e-Khalq », un groupe militant iranien en exil qui
s’activait avec des fonds et des armes étrangères pour
renverser la République iranienne.
A l’époque, l’ancien président irakien Saddam Hussein,
utilisait l’organisation en exil pour régler des comptes avec
ses rivaux à Téhéran, tout comme ces derniers hébergeaient des
milices anti-irakiennes pour atteindre le même but.
L’Irak n’était pas vraiment en paix à ce moment-là. Mais la
plupart des bombes qui explosaient dans ce pays étaient
américaines. En fait, quand les Irakiens parlaient de «
terrorisme », ils faisaient référence à « Al-Irhab al-Amriki »
– le terrorisme américain.
Les attentats suicides n’étaient pas une réalité quotidienne,
où que ce soit en Irak. Mais quand les États-Unis ont envahi
l’Afghanistan en 2001, puis l’Irak en 2003, l’enfer s’est
déchaîné.
Les 25 années qui ont précédé 2008 ont vu 1840 attaquessuicide, selon les données compilées par des experts du
gouvernement américain et citées dans le Washington Post. De
toutes ces attaques, 86% ont eu lieu après les invasions
américaines de l’Afghanistan et de l’Irak. En fait, entre 2001
et la publication des données en 2008, 920 attentats suicides
ont eu lieu en Irak et 260 en Afghanistan.
Une vue plus complète a émergé en 2010 avec la publication
d’une étude commanditée et plus détaillée menée par
l’University of Chicago’s Project on Security and Terrorism.
« Plus de 95% de tous les attentats suicides sont en réponse à
l’occupation étrangère, » y est-il dit.
« A partir du moment où les États-Unis ont occupé
l’Afghanistan et l’Irak … le nombre des attentats-suicides
dans le monde a augmenté de façon spectaculaire – d’environ
300 dans la période de 1980 à 2003, à 1800 entre 2004 et 2009
», a écrit Robert Pape dans Foreign Policy.
Fait révélateur, il a également été conclu que « plus de 90%
des attentats-suicides sur l’ensemble de la planète sont
maintenant anti-américains. La grande majorité des attaquantssuicides sont originaires des régions sous domination de
troupes étrangères, ce qui explique pourquoi 90% des kamikazes
en Afghanistan sont des Afghans. »
Lors de ma visite en Irak en 1999, « al-Qaïda » était
simplement un nom dans les bulletins d’information de la
télévision irakienne, faisant référence à un groupe de
militants qui opéraient principalement en Afghanistan. Créé
pour fédérer les combattants arabes contre la présence
soviétique dans ce pays, ceux-ci n’ont guère été considérés à
l’époque comme une menace potentielle à la sécurité mondiale.
Il a fallu des années après que les Soviétiques aient quitté
l’Afghanistan en 1988, pour que « al-Qaïda » se transforme en
un phénomène mondial. Après les attentats du 11 septembre
2001, les réponses erronées des États-Unis » – l’invasion et
la destruction de pays entiers – ont créé les conditions
rêvées pour le militantisme et la terreur d’aujourd’hui.
Après l’invasion américaine de l’Irak, « al-Qaïda » a étendu
en peu de temps son ombre sur un pays déjà submergé par un
nombre de morts qui dépassait les centaines de milliers.
Il n’est pas difficile de suivre le fil de la formation
d’ISIS, le plus meurtrier de tous ces groupes qui sont la
plupart originaires d’al-Qaïda en Irak, lui-même forgé par
l’invasion américaine.
ISIS est né de l’unification des différents groupes de
militants en octobre 2006, lorsque « al-Qaïda » en Mésopotamie
a uni ses rangs avec « le Conseil Moudjahidin Shura en Irak »,
« Jund al-Sahhaba » et « l’État islamique d’Irak » (ISI).
ISIS, ou « Daesh », existe en tant que tel depuis lors, sous
diverses formes et avec des capacités qui varient, mais il est
apparu sur le devant de la scène comme une organisation
horriblement violente avec des ambitions territoriales, au
moment où le soulèvement syrien s’est transformé en une plateforme mortelle pour les rivalités régionales.
Ce qui existait comme un « État » à un niveau virtuel s’est
alors transformé en un « État réel », avec des champs
pétroliers et une loi martiale.
Il est facile – peut-être, pratique – d’oublier tout cela.
Relier les points qui doivent l’être peut être coûteux pour
certains, car cela met en évidence une trajectoire de la
violence enracinée dans l’intervention étrangère. Pour de
nombreux commentateurs et politiciens occidentaux, il est
beaucoup plus facile – bien que moins sûr – de discuter la
question d’ISIS dans des contextes peu pertinents, par
exemple, l’Islam, que de reconnaître une quelconque
responsabilité morale.
Je plains les chercheurs qui ont passé des années à étudier la
thèse d’ISIS comme théologie religieuse ou ISIS et
l’apocalypse. C’est laisser de côté la forêt pour parler des
arbres… Qu’est-ce que cela a apporté de bon ?
Les interventions militaires et politiques américaines ont
toujours été accompagnées d’intrusions dans les programmes
éducatifs des pays envahis. La guerre en Afghanistan a été
couplée à une guerre contre ses « madrasas » [écoles] et «
ulémas » indisciplinés. Rien de tout cela n’a fonctionné. Ou
alors en se retournant contre ses auteurs, en aggravant le
sentiment d’une menace parmi des dizaines de millions de
musulmans dans le monde entier.
ISIS (Daesh) est un nom mais qui peut être changé à tout
instant, au profit de quelque chose de tout à fait différent.
Ses tactiques aussi peuvent changer, en fonction du temps et
des circonstances. Ses adeptes peuvent infliger la violence à
l’aide d’une ceinture de suicide, d’une voiture bourrée
d’explosifs, d’un simple couteau ou d’un camion lancé à toute
vitesse.
Ce qui importe vraiment est que ISIS (Daesh) est devenu un
phénomène, une idée qui ne se limite plus à un seul groupe et
ne nécessite pas d’adhésion officielle, de transfert d’argent
ou d’armes.
Ce fait n’est pas ordinaire, mais il devrait dans une approche
plus pertinente représenter l’essentiel de la lutte contre
ISIS (Daesh).
Quand un chauffeur de camion français-tunisien a percuté une
foule célébrant [le 14 juillet] dans les rues de Nice, la
police française a rapidement établi des liens entre lui et
Daesh, ou tout autre groupe militant. Aucun indice n’a été
immédiatement révélé, mais, étrangement, le président François
Hollande n’a pas tardé à déclarer son intention d’une réplique
militaire.
Quelle inanité et quelle myopie ! Quel objectif a donc atteint
l’aventurisme militaire de la France ces dernières années ? La
Libye s’est transformée en une oasis de chaos – où Daesh
contrôle désormais des villes entières – et l’Irak et la Syrie
restent les lieux d’une violence débridée.
Qu’en est-il du Mali ? Peut-être que les Français ont-ils plus
de chance là-bas ?…
Écrivant pour Al Jazeera, Pape Samba Kane décrit la terrible
réalité que vit le Mali à la suite de l’intervention française
en janvier 2013. Leur ainsi-nommée « Opération Serval » a été
transformée en « Opération barkhane » et le Mali n’est en rien
devenu un endroit paisible, et il n’est plus question que les
forces françaises quittent le pays.
Les Français, selon Kane sont maintenant des occupants, pas
des libérateurs, et malgré toutes les justifications fournies
– comme celles soulignées ci-dessus – nous savons tous ce que
signifie dans la réalité une occupation étrangère.
« La question que les Maliens doivent se poser est la suivante
», écrit Kane, « Est-ce qu’ils préfèrent avoir à lutter contre
les djihadistes pendant une longue période, ou avoir leur
souveraineté bafouée et leur territoire occupé ou partitionné
par un ancien état colonialiste, afin de satisfaire une caste
alliée à la puissance coloniale ? »
Pourtant, les Français, comme les Américains, les Britanniques
et d’autres, continuent de vouloir à leur propre péril
occulter cette réalité évidente. En refusant de reconnaître le
fait que Daesh n’est qu’une composante d’une montée beaucoup
plus grande et inquiétante de violence directement enracinée
dans les interventions étrangères, ils permettront à la
violence de se perpétuer, et de façon généralisée.
Battre Daesh exige aussi que nous soyons capables de réfléchir
aux conditions qui ont conduit à sa création : pour vaincre la
logique des George W. Bush, Tony Blair et John Howard de ce
monde.
Quelle que soit la façon dont les membres ou sympathisants
Daesh sont violents, c’est en définitive un groupe d’hommes en
colère, aliénés, radicalisés qui cherchent à échapper à leur
situation désespérée par de méprisables actes de vengeance,
même si cela implique de mettre fin à leur propre vie.
Bombarder les camps Daesh peut permette de détruire certaines
de leurs installations militaires, mais cela ne va en rien
éradiquer l’idée même qui leur a permis de recruter des
milliers de jeunes gens partout à travers le monde.
Ils sont le produit de la pensée violente qui a été engendrée
non seulement au Moyen-Orient, mais avant tout, dans diverses
capitales occidentales.
Daesh aura fait long feu et mourra quand ses dirigeants auront
perdu leur attrait et la capacité de recruter des jeunes en
quête de réponses et d’actes de vengeance.
L’option de la guerre, à ce jour, a prouvé être la moins
effective. Daesh survivra et se métamorphosera si nécessaire,
aussi longtemps que la guerre restera à l’ordre du jour. Pour
mettre fin à Daesh, nous devons mettre fin à la guerre et aux
occupations étrangères.
C’est aussi simple que cela..
* Dr Ramzy Baroud écrit sur le Moyen-Orient depuis
plus de 20 ans. Il est chroniqueur international, consultant
en médias, auteur de plusieurs livres et le fondateur de
PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en
Palestine – Une histoire vraie de Gaza (version française),
peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième
Intifada (version française) est disponible sur Scribest. Son
site personnel. :
6 avril 2016 – Transmis par l’auteur – Traduction : Lotfallah
Avec la victoire du Brexit,
Israël a-t-il perdu son «
cheval de Troie » dans l’UE ?
Ramzy Baroud – Après des mois de campagne, le Royaume-Uni a
décidé de quitter l’Union européenne (UE). Bien que, les
résultats étaient assez serrés – 51,9% ont voté pour « Berxit
[congé] » contre 48,1% pour « Remain [rester] » – les
conséquences de la décision seront d’une grande portée.
Non seulement les Britanniques vont négocier leur sortie de
l’UE (d’où le terme « Brexit ») au cours des deux prochaines
années, mais la décision est susceptible d’ouvrir la voie à un
bouleversement sans équivalent dans l’histoire de l’Union.
Mais le Brexit est-il bon pour la Palestine ?
À l’ombre du soi-disant débat Brexit, c’est une discussion
toute différente qui a eu lieu : « Le Brexit est-il bon pour
Israël ? », ou comme un commentateur israélien, Carlo
Strenger, l’a formulé dans le quotidien israélien « Haaretz »
: « qu’est-ce que (Brexit) signifie pour les juifs ? »
Dans une dernière initiative totalement racoleuse de dernière
minute, le Premier ministre britannique, David Cameron – qui,
à son crédit, a eu la dignité de démissionner après le vote –
a lancé le lundi 20 juin un appel passionné devant un public
juif. Il déclara devant le public pro-israélien de
l’organisation caritative « Jewish Care », que si le RoyaumeUni restait dans l’UE, ce serait réellement bon pour Israël.
Il a présenté son pays comme celui qui sauvegarde les intérêts
israéliens dans l’Union européenne. Le résumé de son message
était : la Grande-Bretagne a gardé un œil vigilant sur
Bruxelles et a contrecarré toute discussion qui pouvait être
considérée comme hostile à l’État juif.
« Quand l’Europe discute de son attitude envers Israël,
voulez-vous de la Grande-Bretagne – le plus grand ami d’Israël
– avec son opposition au boycott, contre la campagne pour le
désinvestissement et les sanctions, ou vous voulez-vous que
nous restions en dehors de la pièce, impuissants à influer sur
le débat qui a lieu ? » a-t-il devant l’auditoire.
On pouvait s’y attendre, Cameron a intégré l’Iran dans sa
diatribe, promettant que si la Grande-Bretagne restait dans
l’UE, son pays serait en meilleure position pour « empêcher
l’Iran d’obtenir des armes nucléaires. »
Alors que la campagne « Leave » a été fortement critiquée pour
son manque d’éthique en exploitant des campagnes alarmistes
pour influencer les électeurs, les commentaires de Cameron
devant l’audience de « Jewish Care » – qui était un exemple
achevé et éhonté de manipulation jouant sur la peur des soi-
disant « menaces existentielles » d’Israël – a reçu peu de
couverture dans les médias.
En effet, la Grande-Bretagne a joué ce rôle terrible pendant
des décennies, imposant que soit mise en sourdine toute
discussion sérieuse sur Israël et la Palestine, et en faisant
en sorte que des voix plus courageuses comme celle de la
Suède, parmi d’autres, soient mises en retrait par rapport au
sentiment ardemment et inconditionnellement pro-Israël qui
irradiait en permanence de Westminster.
Qui peut oublier la défense impassible de Cameron de la
dernière guerre d’Israël contre Gaza en 2014, qui a tué plus
de 2200 civils palestiniens ?
Sans équivoque, Cameron, avec son Parti conservateur, a été un
« allié fidèle du Premier ministre [israélien] Benjamin
Netanyahu, » comme l’a rappelé le commentateur israélien
Raphael Ahren, dans le « Times » d’Israël. Son amour pour
Israël peut aussi être plus apprécié par rapport à, toujours
selon Ahren, « l’actuel chef du parti travailliste, Jeremy
Corbyn, qui est un critique sévère d’Israël et a appelé les
archi-ennemis d’Israël, le Hamas et le Hezbollah, ’nos amis’.
»
Depuis que Corbyn a été élu à la tête du Parti travailliste
par un score écrasant en septembre de l’année dernière, une
controverse apparemment fabriquée de toutes pièces et
alléguant l’existence d’un antisémitisme rampant au sein de
l’organisation, a fortement gêné le Parti pour recentrer ses
énergies sur la contestation des politiques néolibérales du
Parti conservateur, et pour ralentir l’élan du « Independence
Party » d’extrême-droite de Nigel Farage.
Cette « crise » artificielle est en grande partie le travail
du lobby israélien au Royaume-Uni, selon l’enquête du
journaliste d’investigation, Asa Winstanley. Il s’agit d’une «
chasse aux sorcières » qui a atteint un degré d’incongruité
sans précédent. « Cela a atteint un tel niveau d’absurdité que
toute utilisation du mot ’sioniste’ est considéré comme
antisémite, » écrit-il, « sauf évidemment lorsqu’il est
utilisé par les auto-proclamés sionistes eux-mêmes ».
En effet, de nombreux membres du Parti travailliste [Labour]
étaient soit eux-mêmes impliqués dans cette « chasse aux
sorcières », soit ont succombé à la pression en prenant des
mesures scandaleuses pour se défendre contre des accusations
injustifiées. En conséquence, le Labour assiégé et désorganisé
avait lui-même également exhorté ses partisans à rester dans
l’UE et, lui aussi, a été battu dans le scrutin.
Quant à Israël, Brexit signifiait à la fois incertitude et
opportunité.
L’UE est le principal partenaire commercial d’Israël, et une
Union économique plus faible signifie tôt ou tard une
diminution des échanges avec Israël, et donc des pertes
financières. Mais Israël a également été très critique vis-àvis de l’UE, les dirigeants israéliens lançant régulièrement
toutes sortes d’accusations contre le supposé antisémitisme
européen, et Netanyahu a lui-même appelé à l’émigration
massive des juifs d’Europe vers Israël.
Une partie des raisons pour lesquelles Tel Aviv fulmine à
l’égard de l’UE, c’est l’accord nucléaire avec l’Iran dont
l’UE est co-signataire. L’autre raison est une décision datant
de novembre dernier, d’imposer une nouvelle réglementation sur
les produits fabriqués dans les colonies juives construites
illégalement sur les terres palestiniennes. Selon les
nouvelles directives, les marchandises produites dans ces
colonies doivent être étiquetées « made in colonies », une
décision qui a eu pour effet de renforcer les appels dans
toute l’Europe pour le boycott complet d’Israël.
Cette décision, comme d’autres, fait apparaître l’UE comme un
allié de moins en moins fiable aux yeux d’Israël, et
précisément pour cette raison David Cameron a désespérément
essayé de vendre l’idée à la dernière minute avant le vote, de
son rôle d’avant-garde contre d’autres membres de l’UE
prétendument indisciplinés qui refusent de se plier à des
règles bien établies.
Pourtant, curieusement, l’un des groupes les plus forts qui a
aussi exploité la peur et fait campagne pour que la GrandeBretagne quitte l’UE, est « Regavim », une ONG de droite qui
défend les intérêts des colonies juives illégales en
Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est.
Sans surprise, « Regavim » a utilisé des tactiques alarmistes,
agitant un croque-mitaine palestinien au milieu de ce débat
historique. Parmi ses outils de campagne se trouvait une
fausse vidéo caricaturant un combattant palestinien masqué «
soi-disant de la bande de Gaza dirigée par le Hamas, exhortant
les citoyens britanniques à rester dans l’Union européenne,
car elle soutient les Palestiniens », a rapporté Al-Monitor.
Selon Meir Deutsch de « Regavim », le but de l’organisation
était de « nuire à l’UE dans ’son intervention dans le conflit
interne entre Israël et les Palestiniens’. »
Maintenant que, selon la logique implacable de Deutsch, l’UE
est dûment « punie », Israël cherche un autre rempart dans
l’Union européenne pour défendre ses intérêts.
L’analyste israélien Sharon Pardo, tout en regrettant la perte
d’un « ami » dans l’Union, a affirmé qu’une telle perte
n’était pas une « catastrophe » car l’Allemagne et la
République tchèque sont encore mieux disposées [à l’égard
d’Israël] que la Grande-Bretagne.
Israël est particulièrement préoccupé par son statut au sein
du Conseil des Affaires étrangères de l’UE, maintenant que le
Royaume-Uni s’en va. « L’Allemagne a de bonnes chances d’en
prendre la tête et le fait que l’Allemagne est un proche allié
d’Israël aura clairement des implications », selon Pardo, qui
a ajouté : « L’Allemagne est l’adulte responsable ici. »
Alors qu’à la suite du Brexit, Israël est susceptible de
réagir rapidement pour assurer ses intérêts à la fois
financiers et politiques, l’Autorité palestinienne va
certainement réagir bien plus lentement et sans une véritable
stratégie.
Le départ du Royaume-Uni de l’UE pourrait ne pas avoir
d’impact immédiat sur le conflit en Palestine, en particulier
pendant les mois à venir qui seront consacrés aux négociations
et à la transition. Mais à terme, cela pourrait représenter
pour les Palestiniens une opportunité.
Alors que la pression doit être maintenue sur Westminster pour
qu’il mette fin à son soutien inconditionnel d’Israël, une UE
peut-être mieux disposée [vis-à-vis de la Palestine] peut
émerger, débarrassée d’une Grande-Bretagne résolument proisraélienne.
Le soutien du Royaume-Uni pour Israël dans l’Union, et le
soutien de toutes les initiatives américaines allant dans la
même direction, ont sérieusement entravé les chances [de l’UE]
d’être autre chose qu’une simple chambre d’enregistrement des
politiques des États-Unis et du Royaume-Uni, non seulement en
Palestine, mais aussi à travers tout le Moyen-Orient.
Alors qu’il est encore trop tôt pour faire de fortes
prévisions politiques après le Brexit, on ne peut qu’espérer
que les efforts des pays en faveur de la paix comme l’Irlande
et la Suède seront renforcés, et que plus de nations amicales
se joindront pour freiner Israël et son occupation militaire
et exiger la justice pour la Palestine.
* Dr Ramzy Baroud écrit sur le Moyen-Orient depuis
plus de 20 ans. Il est chroniqueur international, consultant
en médias, auteur de plusieurs livres et le fondateur de
PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en
Palestine – Une histoire vraie de Gaza (version française),
peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième
Intifada (version française) est disponible sur