De Nice au Moyen-Orient - Chronique de Palestine
Transcription
De Nice au Moyen-Orient - Chronique de Palestine
La création du camp de réfugiés de Yarmouk, ou la responsabilité d’Israël dans la crise des réfugiés syriens Ramzy Baroud – L’Opération Yiftach, menée le 19 mai 1948 par les milices sionistes de la Haganah ambitionnait de conduire au-delà de la frontière d’Israël tous les Palestiniens du nord du district de Safed, c’est-à-dire ceux qui, cinq jours auparavant, avaient déclaré leur indépendance. Le nettoyage ethnique de Safed et de ses nombreux villages n’était pas une innovation dans cette région, ni unique en son genre. C’était en fait le modus operandi des milices sionistes à travers toute la Palestine. Sitôt après la proclamation de l’indépendance d’Israël et la conquête de la Palestine historique, les milices se sont réunies pour former les forces armées israéliennes. A cette même époque, certains villages n’avaient cependant pas été complètement dépeuplés. Quelques habitants de villages comme Qaytiyya, près du Jourdain, sont restés chez eux. Les résidents du village, situé entre les deux affluents du Jourdain, à savoir les rivières al-Hasabani et Dan, espéraient un retour à la normale et souhaitaient que leur village retrouve son calme et sa quiétude une fois la guerre terminée et le conflit apaisé. Toutefois, leur sort fut pire que celui des personnes obligées à partir, ou alors celles qui avaient fui leurs villages dans l’espoir d’échapper à un destin effroyable. Presque une année après, les forces israéliennes sont retournées pour ramasser le reste des villageois dans de gros camions, en torturant plusieurs d’entre eux pour enfin les abandonner quelque part au sud de Safed. Que sont-ils devenus ? Nous savons très peu de choses sur leur destin, néanmoins, pour les survivants, nous savons que leur destination finale était le camp de réfugiés de Yarmouk, en Syrie. Ce n’est qu’en 1957 que Yarmouk a été créé, et encore, il n’était point considéré comme un camp de réfugiés « officiel. » La plupart de ses habitants étaient des squatters à Sahl alYarmouk et autres zones avant qu’ils ne soient emmenés à Shaghour al-Basatin, près de Ghouta. Toute cette région a été rebaptisée Yarmouk. La plupart des réfugiés du Yarmouk sont originaires du nord de la Palestine, du district de Safed et des villages à l’instar de Qaytiyya, al-Ja’ouneh et Khisas. Ils ont vécu et survécu dans cette région pendant près de 67 ans. Incapables de retourner en Palestine, bien qu’ils continuent de nourrir l’espoir de le faire un jour, ils ont personnalisé les rues du camp, ses quartiers, même ses boulangeries, ses pharmacies et ses écoles en leur attribuant les noms des villages dont ils ont été un jour chassés. Et avec le soulèvement qu’a connu la Syrie au mois de mars 2011, aussitôt transformé en guerre civile, beaucoup avaient préconisé que les Palestiniens en Syrie devaient être épargnés du conflit. En effet, les séquelles et les mauvais souvenirs laissés par les autres conflits régionaux – la guerre civile en Jordanie, la guerre civile au Liban, l’invasion irakienne du Koweït et l’invasion américaine de l’Irak où des centaines et des milliers de civils Palestiniens avaient payé un lourd tribut – sont des cicatrices permanentes que chacun porte sur son cœur et dans son esprit. Mais les appels au hiyad, c’est-à-dire à la neutralité, n’ont pas été pris en compte par les belligérants, et la direction palestinienne, incompétente et retranchée à Ramallah, a échoué à jouer un rôle décisif et n’a su évaluer la gravité de la situation ni fournir les moindres conseils et directives, qu’ils soient moraux ou politiques. Les conséquences et les résultats sont terrifiants. Plus de 3000 Palestiniens ont été tués, des dizaines de milliers de réfugiés Palestiniens ont fui la Syrie, des milliers d’autres sont devenus des déplacés internes et le malheureux périple qui les a toujours conduits loin de leur patrie a poursuivi son terrible cours. Yarmouk, un camp de réfugiés abritant plus de 200 000 habitants dont la plupart sont inscrits comme réfugiés par l’UNRWA, l’agence onusienne, a été dévasté et ne compte plus que 20 000 résidents. La majeure partie du camp n’est désormais que ruines. Des centaines de ses habitants ont soit été emportés par la famine, soit tués dans la guerre. Le reste a fui vers les autres régions de la Syrie, le Liban, la Jordanie, la Turquie et l’Europe. Le bon sens aurait été que les réfugiés retournent à Safed et aux villages comme Qaytiyya. Pourtant, peu d’appels et de demandes ont été lancés dans ce sens, et les demandes exprimées par des responsables Palestiniens ont été rejetées par Israël en disant qu’elles étaient vouées à l’échec. En fait, et alors que des pays comme le Liban ont accepté d’accueillir des réfugiés sur leur sol, le pays du cèdre a accueilli 1,72 million (1 citoyen sur 5 au Liban est un réfugié syrien), la Turquie 1,93 million, la Jordanie 629 000, l’Irak 249 000 et l’Égypte 132 000, Israël n’a fait aucune offre pour accueillir un seul réfugié. L’économie d’Israël est considérée comme la plus forte et la plus solide dans la région, pourtant, elle a été la plus avare en matière d’offrir un toit aux réfugiés. C’est là un double péché étant donné que même les réfugiés Palestiniens de la Syrie, auparavant expulsés de leurs propres maisons en Palestine, sont désormais des sans abri. Le tollé provoqué par la communauté internationale qui, à juste titre, a reproché à la Grèce de ne pas avoir fourni suffisamment d’efforts pour accueillir les centaines de milliers de réfugiés a, sans surprise, disparu lorsque la question venait à toucher Israël. La communauté internationale a préféré fermer l’œil sur cet état qui, en dépit de sa capacité financière, a ouvertement barricadé ses portes à des réfugiés désespérés et perdus. D’après les statistiques de l’ONU, vers la fin du mois d’août de l’année en cours, environ 239 000 réfugiés, principalement des Syriens, ont débarqué sur les îles grecques afin de pouvoir arriver au continent européen. La Grèce n’est pas le seul pays à travers lequel les réfugiés cherchent à se frayer un chemin vers l’Europe. Entre les mois de janvier et d’août de cette année, 114 000 réfugiés sont arrivés en Italie (venus principalement de la Libye) en quête de sécurité. L’année dernière, vers la même période, l’on a enregistré presque le même nombre de réfugiés voulant rejoindre l’Europe. Le vieux continent est à la fois moralement et politiquement responsable de ces réfugiés et a le devoir de les accueillir et de les prendre en charge, compte tenu de sa culpabilité et de son implication dans les guerres qu’a connues le MoyenOrient et dans les conflits actuels. Certains pays se sont mis au travail à l’instar de l’Allemagne, de la Suède et autres, tandis que des pays comme la Grande-Bretagne ont été complètement oublieux et carrément impitoyables envers les réfugiés. Pourtant, des milliers de citoyens européens ordinaires se sont montrés plus solidaires et, comme aurait réagi tout être humain avec un minimum d’empathie, ils se sont portés volontaires pour aider les réfugiés, à l’Est comme à l’Ouest de l’Europe. On ne peut pas en dire autant d’Israël qui, lui seul, a enflammé la plupart des conflits au Moyen-Orient au cours des dernières décennies. Au lieu de parler de cette question, les débats en Israël continuent de se focaliser sur les menaces démographiques tout en étant animés de connotations racistes sur la nécessité de préserver la prétendue identité juive. Curieusement, rares sont les médias qui ont réagi à cette tendance ou ont trouvé cette position particulièrement grave alors que le monde vit au moment-même une crise humanitaire sans précédent. Lors de ses récentes interventions, le premier ministre Israélien, Benjamin Netanyahu, a rejeté tous les appels pour recevoir en Israël des Syriens réfugiés, en soulevant, une fois de plus, la question et la raison démographique qui qualifie de « menace démographique » toute présence non juive sur la terre d’Israël, qu’elle appartienne à la catégorie des réfugiés, Africains ou Syriens, ou même à celle des autochtones, c’est-à-dire les Palestiniens qui appartiennent à cette terre. « Israël est un très petit état. Il n’a aucune profondeur géographique ou démographique, » a-t-il déclaré le 6 septembre dernier. Lorsque l’état d’Israël fut établi sur les ruines de la Palestine détruite, les juifs palestiniens représentaient une infime minorité. Il aura fallu de multiples campagnes de nettoyage ethnique qui ont d’abord créé le problème des réfugiés palestiniens, pour obtenir cette majorité juive dominante dans le nouvel Israël. Aujourd’hui, les Palestiniens arabes ne représentent que le cinquième d’une population israélienne estimée à 8,3 millions d’individus. Malgré cela, la plupart des Israéliens y voient une raison de s’alarmer ! Alors que les réfugiés de Qaytiyya, devenus réfugiés à maintes reprises, sont toujours privés de leur droit au retour, internationalement reconnu conformément à la Résolution onusienne 194 de décembre 1948, Israël a droit à un statut particulier. Il n’est ni blâmé ni obligé de rapatrier les réfugiés palestiniens, et il est actuellement dispensé de jouer un rôle, aussi petit et modeste soit-il, dans l’apaisement et le soulagement de la crise des réfugiés qui ne cesse de s’aggraver. La Grèce, la Hongrie, la Serbie, la Macédoine, le Royaume-Uni, l’Italie et d’autres pays Européens, ainsi que les riches pays Arabes du Golfe doivent faire l’objet d’une pression continue et acharnée jusqu’à ce que les réfugiés syriens retournent chez eux en toute sécurité. Alors, pourquoi devrait-on exempter Israël de cette ligne de conduite nécessaire et primordiale ? De plus, Israël doit subir des pressions plus vives et plus rigoureuses afin qu’il assume son rôle dans le règlement de la crise des réfugiés, en commençant par ceux de Qaytiyya qui sont en train de revivre le même destin désastreux d’il y a 67 ans. * Dr Ramzy Baroud écrit sur le Moyen-Orient depuis plus de 20 ans. Il est chroniqueur international, consultant en médias, auteur de plusieurs livres et le fondateur de PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en Palestine – Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Scribest. Visitez son site personnel. 10 août 2016 – The Palestine Chronicle – Traduction : Lotfallah Les Palestiniens sont dernier rempart contre sionisme le le Ramzy Baroud – La journée du Symposium des Australiens pour la Palestine : « Dans l’oeil de la tempête : la Palestine et les nouveaux médias » a eu lieu à Melbourne, en Australie, au Centre de conférence Telstra le jeudi 31 mars 2016. Les conférenciers Ali Abunimah et Ramzy Baroud (par la vidéo dont la transcription peut être lue plus bas) y sont intervenus. Bonjour à tous, je m’appelle Ramzy Baroud. Je suis un auteur et journaliste palestinien. Je suis né et j’ai grandi dans la Bande de Gaza. Je suis né dans le camp de réfugiés de Nuseirat. C’est le plus grand en superficie de la Bande de Gaza et le second en termes de population après le camp de réfugiés de Jabalia Les habitants de Nuseirat viennent de villages qui furent dépeuplés en 1948 après l’attaque, la guerre et le nettoyage ethnique de la Palestine il y a 68 ans. La plupart des villageois qui vivaient dans le sud de la Palestine furent soit expulsés, soit ont réussi à s’enfuir et à se réfugier à Gaza. Voilà d’où viennent la plupart des réfugiés. En 1948, il y avait environ 200 000 réfugiés dans la Bande de Gaza, aujourd’hui la population est d’environ 1,8 millions, dont la grande majorité sont des réfugiés et leurs descendants. Il y a bien sûr des camps de réfugiés en Cisjordanie, au Liban, en Syrie et à travers tout le MoyenOrient. Leur histoire est celle que nous, Palestiniens avons tous en commun. Nous, les Palestiniens somment unis par de nombreux aspects de notre vie, par la culture, par l’histoire, par le sang, par tant d’autres aspects, mais nous sommes aussi unis par notre histoire originelle, par ce que nous appelons notre …. (en arabe) notre souffrance, notre douleur, ce qui nous est arrivé en 1948. La Palestine a été ethniquement nettoyée et une nation totalement différente est venue d’Europe et d’autres parties du monde, et s’est emparée de notre patrie. Et pendant 68 ans le Moyen-Orient n’a pas connu de réelle stabilité à cause de ce péché originel, auquel personne n’a jamais essayé de remédier, pas de façon juste du moins. C’est comme une plaie purulente, qui a non seulement favorisé l’instabilité et les conflits et la guerre sur la terre de Palestine mais aussi au Moyen-Orient dans son ensemble, je doute qu’il y ait un seul conflit au Moyen-Orient qui ne soit d’une manière ou d’une autre lié à la Palestine. Et bien sûr, Israël est impliqué dans la plupart de ces conflits, Israël a envahi pas seulement la Palestine, et l’a nettoyée de ses habitants, mais a aussi envahi le Liban, envahi l’Égypte, occupé le Sinaï, envahi la Syrie, occupé le Golan, envahi la Jordanie et ainsi de suite. C’est un pays qui a été crée par la guerre, et le nettoyage ethnique et le sang, depuis lors il s’est juré de devenir cette nation guerrière, il s’est convaincue qu’il était intrinsèquement incapable de vivre en paix avec ses voisins. Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a répété cette fausse analogie, très récemment vraiment, en février plutôt, lorsqu’il a décrit Israël comme une villa dans la jungle, Ehud Barak a utilisé ce terme, d’autres l’ont utilisé, nous sommes une villa dans la jungle, Israël est ce paradis, qu’ils doivent construire des clôtures, des murs, dont ils doivent s’entourer à cause des bêtes sauvages. Vous savez, la terminologie israélienne est extrêmement, extrêmement avilissante pour ses voisins. Les Palestiniens sont des cafards, sont des bêtes, et tout ceci remonte à la fondation d’Israël. Cette terminologie n‘est pas nouvelle, elle n’est pas liée aux attentats suicides, elle n’est pas liée aux roquettes tirées de Gaza, à rien de tout ça. Leur perception, qu’ils ont apportée avec eux d’Europe est vraiment plutôt fasciste et raciste depuis le tout, tout début. C’est la même mentalité raciste et fasciste qui a fondamentalement inspiré le discours de dirigeants israéliens précédents, Golda Meir, par exemple, quand elle nia l’existence des Palestiniens, « non pas que nous soyons venus et ayons pris le pays de quelqu’un d’autre, » a-t-elle dit, « les Palestiniens n’existaient pas ». Ce postulat, vous savez, que les Palestiniens n’existent pas, a été répété et l’a encore été récemment, en fait dans les débats des primaires américaines, et ce n’est pas qu’ils ne reconnaissent pas que nous existons en tant qu’individus, que Ramzy Baroud n’est pas qui il dit être, ils ne nous voient pas tous comme constituant un peuple, une nation, nous avons été inventés, comme cela a été dit parfois, que nous sommes cette nation fabriquée, nous sommes des bédouins, des nomades, et ainsi de suite. Cela a contribué au processus de déshumanisation. Lorsque vous ne voyez pas votre ennemi comme un égal, tuer votre ennemi, parquer votre ennemi, l’emprisonner, torturer votre ennemi, le pulvériser, ce n’est pas un problème, vous savez, il n’y a pas de responsabilité morale à faire tout cela, parce que votre ennemi n’est pas un humain, n’est pas un être, n’est pas une nation, n’a pas d’identité. Voilà pourquoi il leur est si essentiel d’utiliser ce genre de terminologie avilissante, ils ne sont pas seulement méchants, mais calculateurs avec ce genre de langage. Les Palestiniens, par ailleurs, se sont défendus. Nous nous défendons depuis tant d’années, et nous continuerons de le faire, en partie parce que nous n’avons pas réellement d’autre option que de nous défendre. Mais l’autre raison c’est que les Palestiniens sont plutôt résistants, ils savent qui ils sont, ils sont très conscients de leur responsabilité, pas seulement à l’égard de la Palestine, mais à l’égard du monde dans son ensemble. Nous sommes pris dans cette situation où nous sommes les derniers défenseurs contre le sionisme. Nous voulons que le monde se joigne à nous dans ce combat, nous voulons que notre cause devienne universelle, et nous faisons beaucoup, beaucoup d’efforts pour y parvenir, et jusqu’à ce que cela se produise nous sommes l’avant-garde contre le sionisme, et nous les avons combattus de toutes les manières possibles, nous les avons combattus avec nos pierres lors de l’Intifada de 1987, nous les avons combattus avec notre poésie, notre art, nos graffiti sur les murs, nous les avons combattus avec nos grèves de la faim dans les prisons, nous les avons combattus avec notre entêtement et notre détermination, refusant d’être vaincus, en aucune circonstance, dans notre dictionnaire, dans notre culture, le mot défaite n’existe pas, concrètement. Le fait de dire je suis vaincu, je me rends n’existe pas. Et c’est le genre de mentalité qui donne tant de fil à retordre à Israël, parce que vous pouvez vaincre une armée si vous avez une force aérienne supérieure, vous pouvez vaincre un groupe d’hommes armés si vous avez une force de feu supérieure, mais vous ne pouvez pas vaincre un peuple, s’ils ont, s’ils sont déterminés, s’ils ont décidé, se sont mis d’accord collectivement qu’ils ne vont pas se soumettre en aucune circonstance, vous ne pouvez simplement pas les vaincre. Donc ce qu’Israël essaie de faire, et depuis longtemps c’est de les parquer, les emprisonner, de les mettre dans des bantoustans, de les emprisonner, de les humilier, les tuer, les expulser, faire tout ce qui est en leur pouvoir pour les criminaliser, pour vaincre les Palestiniens en tant que peuple. Ce ne sont pas nos dirigeants qui maintiennent notre unité, nos dirigeants, voyez ce qui s’est passé avec nos dirigeants à Ramallah, et ailleurs, ils sont déjà vendus, ce n’est pas grâce à d’eux que nous nous battons, ce n’est pas une lutte d’élites en quoi que ce soit, c’est la lutte de gens qui résistent, des réfugiés, des paysans, des gens de la classe moyenne, des travailleurs, des mères, des pères, qui de toutes les manières possibles réellement, et dans tous les aspects de leur vie se défendent. Et nous avons besoin de vous. Nous avons besoin que vous preniez part à ce combat. Nous n’avons pas besoin que vous veniez affronter l’armée israélienne. Nous avons besoin que vous interveniez dans votre rôle et votre responsabilité d’être humain, de citoyen de ce monde, de quelqu’un qui souhaite voir la liberté et la justice régner au Moyen-Orient. Et ça n’est plus seulement l’affaire de la Palestine et des Palestiniens, et ni même seulement celle du Moyen-Orient dans son ensemble, mais celle du monde, parce que la Palestine est depuis longtemps cette plaie purulente, et cette plaie s’étend maintenant à d’autres parties du Moyen-Orient et maintenant elle atteint d’autres parties du monde. Elle touche Europe, l’Afrique, et d’autres endroits, et nous n’avons cessé de le répéter la Palestine est le cœur du problème, comme a pu le dire John Pilger, « Palestine is the Issue », et la Palestine demeurera toujours le cœur du problème, et quoiqu’on fasse pour se soustraire à ce truisme, cette réalité, si on ne peut trouver de solution à ce qui se passe en Palestine, on ne espérer stabiliser le Moyen-Orient. Quand je dis trouver une solution, je ne veux pas dire trouver une quelconque concoction comme l’aberration d’Oslo et qui a gâché 20 ans, de sang, de larmes, de terre, de bagarre et de conflit, et on savait dès le départ que ça n’apporterait rien de bon aux Palestiniens, tout ce que revendiquent les Palestiniens c’est une paix juste. Nous voulons la justice, nous ne voulons pas de processus de paix selon la terminologie et les prédictions d’Henry Kissinger, nous voulons la justice, nous voulons que notre peuple reçoive ses droits, sa liberté, sa dignité, nous sommes prêts, nous voulons nous battre et nous nous battons pour l’obtenir, et pour la majeure partie notre combat a dans les faits plutôt été un combat non-violent, si on veut bien y prêter attention, nos grèves, nos protestations, notre désobéissance civile, tout ça ne remonte pas seulement à 1948, mais à 1936, la grève des Palestiniens de 1936, et avant ça même. Nous voulons que vous soyez à nos côtés dans cette bataille. Nous voulons que vous compreniez que votre rôle maintenant est assez important, il ne s’agit pas de pure solidarité, mais cette bataille ne peut pas être menée par les Palestiniens seuls, parce que nous ne nous battons pas seulement contre Israël, mais aussi contre les bienfaiteurs d’Israël, c’est à dire les gouvernement occidentaux, de puissants gouvernements, contre de puissantes armées, contre les États-Unis qui sont un puissant partisan d’Israël depuis sa création en 1948. Nous en tant que Palestiniens à Gaza, en Cisjordanie, et ailleurs nous ne pouvons le faire sans vous, donc nous avons besoin que vous vous impliquiez, nous avons besoin que vous vous désolidarisiez moralement d’Israël, et par se désolidariser moralement, je ne parle pas de produits israéliens en soi, ce dont je parle c’est une promesse, un serment que vous devez faire, celui de vous ranger du bon côté de l’Histoire, quelles qu’en soient les implications, quoi que cela signifie, vous devez prendre la décision que vous êtes aux côté du peuple palestinien dans cette juste bataille pour la liberté, pas avec Israël, pas avec l’armée israélienne, et vous ne pouvez pas non plus être un témoin silencieux, parce que la neutralité n’est pas possible dans ces circonstances. Et aussi parce que nous comprenons que l’injustice quelque part est une menace pour la justice partout, comme a pu le dire Martin Luther King. Et ce qui se passe au Moyen-Orient prouve cette théorie que l’injustice qui a commencé en Palestine continue à s’envenimer, à se développer et a atteint d’autres parties du Moyen-Orient, et nous avons besoin que cela cesse. Et nous voulons que cela cesse de la façon la plus paisible possible, mais nous avons besoin d’être nombreux, nous avons besoin de gens à nos côtés, des millions et des millions, et qui crient du toit des immeubles de chaque capitale, de chaque ville, de chaque village, de chaque pays, de la même façon que nous avons fait front ensemble contre le gouvernement d’apartheid en Afrique du Sud, nous devons faire la même chose en Palestine. Et c’est possible, parce qu’aucune puissance de feu, aucune force aérienne, ou chars d’assaut ne sont assez puissants, assez gigantesques pour faire taire la voix de la société civile partout dans le monde. Nous avons besoin de vous, nous avons besoin de vous maintenant, plus que jamais car notre mouvement, notre mouvement de boycott atteint finalement le seuil où nous pourrions bientôt parler d’un nombre crucial, nous avons besoin de ce nombre crucial, donc chaque voix compte. Nous apprécions beaucoup votre solidarité à tous. Merci de m’avoir donné la possibilité de m‘adresser à vous aujourd’hui, et je souhaiterais vraiment pouvoir vous parler en personne, et je vous présente personnellement mes excuses de n’avoir pas pu me joindre à vous aujourd’hui, et merci, merci beaucoup pour votre soutien. Dieu vous bénisse, et tous mes vœux aux autres intervenants. Au revoir. * Dr Ramzy Baroud écrit sur le Moyen-Orient depuis plus de 20 ans. Il est chroniqueur international, consultant en médias, auteur de plusieurs livres et le fondateur de PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en Palestine – Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Scribest. Visitez son site personnel. 3 août 2016 – Transmis par l’auteur – Traduction : Lotfallah De Nice au Moyen-Orient : le meilleur moyen de combattre Daesh Ramzy Baroud – Je me suis rendu en Irak en 1999. À l’époque, il n’y avait pas de soi-disant « djihadistes » épousant les principes du « djihadisme », quelle qu’en soit l’interprétation. À la périphérie de Bagdad se trouvait un camp d’entraînement militaire, non pas pour « al-Qaïda » mais pour les « Moudjahidin-e-Khalq », un groupe militant iranien en exil qui s’activait avec des fonds et des armes étrangères pour renverser la République iranienne. A l’époque, l’ancien président irakien Saddam Hussein, utilisait l’organisation en exil pour régler des comptes avec ses rivaux à Téhéran, tout comme ces derniers hébergeaient des milices anti-irakiennes pour atteindre le même but. L’Irak n’était pas vraiment en paix à ce moment-là. Mais la plupart des bombes qui explosaient dans ce pays étaient américaines. En fait, quand les Irakiens parlaient de « terrorisme », ils faisaient référence à « Al-Irhab al-Amriki » – le terrorisme américain. Les attentats suicides n’étaient pas une réalité quotidienne, où que ce soit en Irak. Mais quand les États-Unis ont envahi l’Afghanistan en 2001, puis l’Irak en 2003, l’enfer s’est déchaîné. Les 25 années qui ont précédé 2008 ont vu 1840 attaquessuicide, selon les données compilées par des experts du gouvernement américain et citées dans le Washington Post. De toutes ces attaques, 86% ont eu lieu après les invasions américaines de l’Afghanistan et de l’Irak. En fait, entre 2001 et la publication des données en 2008, 920 attentats suicides ont eu lieu en Irak et 260 en Afghanistan. Une vue plus complète a émergé en 2010 avec la publication d’une étude commanditée et plus détaillée menée par l’University of Chicago’s Project on Security and Terrorism. « Plus de 95% de tous les attentats suicides sont en réponse à l’occupation étrangère, » y est-il dit. « A partir du moment où les États-Unis ont occupé l’Afghanistan et l’Irak … le nombre des attentats-suicides dans le monde a augmenté de façon spectaculaire – d’environ 300 dans la période de 1980 à 2003, à 1800 entre 2004 et 2009 », a écrit Robert Pape dans Foreign Policy. Fait révélateur, il a également été conclu que « plus de 90% des attentats-suicides sur l’ensemble de la planète sont maintenant anti-américains. La grande majorité des attaquantssuicides sont originaires des régions sous domination de troupes étrangères, ce qui explique pourquoi 90% des kamikazes en Afghanistan sont des Afghans. » Lors de ma visite en Irak en 1999, « al-Qaïda » était simplement un nom dans les bulletins d’information de la télévision irakienne, faisant référence à un groupe de militants qui opéraient principalement en Afghanistan. Créé pour fédérer les combattants arabes contre la présence soviétique dans ce pays, ceux-ci n’ont guère été considérés à l’époque comme une menace potentielle à la sécurité mondiale. Il a fallu des années après que les Soviétiques aient quitté l’Afghanistan en 1988, pour que « al-Qaïda » se transforme en un phénomène mondial. Après les attentats du 11 septembre 2001, les réponses erronées des États-Unis » – l’invasion et la destruction de pays entiers – ont créé les conditions rêvées pour le militantisme et la terreur d’aujourd’hui. Après l’invasion américaine de l’Irak, « al-Qaïda » a étendu en peu de temps son ombre sur un pays déjà submergé par un nombre de morts qui dépassait les centaines de milliers. Il n’est pas difficile de suivre le fil de la formation d’ISIS, le plus meurtrier de tous ces groupes qui sont la plupart originaires d’al-Qaïda en Irak, lui-même forgé par l’invasion américaine. ISIS est né de l’unification des différents groupes de militants en octobre 2006, lorsque « al-Qaïda » en Mésopotamie a uni ses rangs avec « le Conseil Moudjahidin Shura en Irak », « Jund al-Sahhaba » et « l’État islamique d’Irak » (ISI). ISIS, ou « Daesh », existe en tant que tel depuis lors, sous diverses formes et avec des capacités qui varient, mais il est apparu sur le devant de la scène comme une organisation horriblement violente avec des ambitions territoriales, au moment où le soulèvement syrien s’est transformé en une plateforme mortelle pour les rivalités régionales. Ce qui existait comme un « État » à un niveau virtuel s’est alors transformé en un « État réel », avec des champs pétroliers et une loi martiale. Il est facile – peut-être, pratique – d’oublier tout cela. Relier les points qui doivent l’être peut être coûteux pour certains, car cela met en évidence une trajectoire de la violence enracinée dans l’intervention étrangère. Pour de nombreux commentateurs et politiciens occidentaux, il est beaucoup plus facile – bien que moins sûr – de discuter la question d’ISIS dans des contextes peu pertinents, par exemple, l’Islam, que de reconnaître une quelconque responsabilité morale. Je plains les chercheurs qui ont passé des années à étudier la thèse d’ISIS comme théologie religieuse ou ISIS et l’apocalypse. C’est laisser de côté la forêt pour parler des arbres… Qu’est-ce que cela a apporté de bon ? Les interventions militaires et politiques américaines ont toujours été accompagnées d’intrusions dans les programmes éducatifs des pays envahis. La guerre en Afghanistan a été couplée à une guerre contre ses « madrasas » [écoles] et « ulémas » indisciplinés. Rien de tout cela n’a fonctionné. Ou alors en se retournant contre ses auteurs, en aggravant le sentiment d’une menace parmi des dizaines de millions de musulmans dans le monde entier. ISIS (Daesh) est un nom mais qui peut être changé à tout instant, au profit de quelque chose de tout à fait différent. Ses tactiques aussi peuvent changer, en fonction du temps et des circonstances. Ses adeptes peuvent infliger la violence à l’aide d’une ceinture de suicide, d’une voiture bourrée d’explosifs, d’un simple couteau ou d’un camion lancé à toute vitesse. Ce qui importe vraiment est que ISIS (Daesh) est devenu un phénomène, une idée qui ne se limite plus à un seul groupe et ne nécessite pas d’adhésion officielle, de transfert d’argent ou d’armes. Ce fait n’est pas ordinaire, mais il devrait dans une approche plus pertinente représenter l’essentiel de la lutte contre ISIS (Daesh). Quand un chauffeur de camion français-tunisien a percuté une foule célébrant [le 14 juillet] dans les rues de Nice, la police française a rapidement établi des liens entre lui et Daesh, ou tout autre groupe militant. Aucun indice n’a été immédiatement révélé, mais, étrangement, le président François Hollande n’a pas tardé à déclarer son intention d’une réplique militaire. Quelle inanité et quelle myopie ! Quel objectif a donc atteint l’aventurisme militaire de la France ces dernières années ? La Libye s’est transformée en une oasis de chaos – où Daesh contrôle désormais des villes entières – et l’Irak et la Syrie restent les lieux d’une violence débridée. Qu’en est-il du Mali ? Peut-être que les Français ont-ils plus de chance là-bas ?… Écrivant pour Al Jazeera, Pape Samba Kane décrit la terrible réalité que vit le Mali à la suite de l’intervention française en janvier 2013. Leur ainsi-nommée « Opération Serval » a été transformée en « Opération barkhane » et le Mali n’est en rien devenu un endroit paisible, et il n’est plus question que les forces françaises quittent le pays. Les Français, selon Kane sont maintenant des occupants, pas des libérateurs, et malgré toutes les justifications fournies – comme celles soulignées ci-dessus – nous savons tous ce que signifie dans la réalité une occupation étrangère. « La question que les Maliens doivent se poser est la suivante », écrit Kane, « Est-ce qu’ils préfèrent avoir à lutter contre les djihadistes pendant une longue période, ou avoir leur souveraineté bafouée et leur territoire occupé ou partitionné par un ancien état colonialiste, afin de satisfaire une caste alliée à la puissance coloniale ? » Pourtant, les Français, comme les Américains, les Britanniques et d’autres, continuent de vouloir à leur propre péril occulter cette réalité évidente. En refusant de reconnaître le fait que Daesh n’est qu’une composante d’une montée beaucoup plus grande et inquiétante de violence directement enracinée dans les interventions étrangères, ils permettront à la violence de se perpétuer, et de façon généralisée. Battre Daesh exige aussi que nous soyons capables de réfléchir aux conditions qui ont conduit à sa création : pour vaincre la logique des George W. Bush, Tony Blair et John Howard de ce monde. Quelle que soit la façon dont les membres ou sympathisants Daesh sont violents, c’est en définitive un groupe d’hommes en colère, aliénés, radicalisés qui cherchent à échapper à leur situation désespérée par de méprisables actes de vengeance, même si cela implique de mettre fin à leur propre vie. Bombarder les camps Daesh peut permette de détruire certaines de leurs installations militaires, mais cela ne va en rien éradiquer l’idée même qui leur a permis de recruter des milliers de jeunes gens partout à travers le monde. Ils sont le produit de la pensée violente qui a été engendrée non seulement au Moyen-Orient, mais avant tout, dans diverses capitales occidentales. Daesh aura fait long feu et mourra quand ses dirigeants auront perdu leur attrait et la capacité de recruter des jeunes en quête de réponses et d’actes de vengeance. L’option de la guerre, à ce jour, a prouvé être la moins effective. Daesh survivra et se métamorphosera si nécessaire, aussi longtemps que la guerre restera à l’ordre du jour. Pour mettre fin à Daesh, nous devons mettre fin à la guerre et aux occupations étrangères. C’est aussi simple que cela.. * Dr Ramzy Baroud écrit sur le Moyen-Orient depuis plus de 20 ans. Il est chroniqueur international, consultant en médias, auteur de plusieurs livres et le fondateur de PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en Palestine – Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Scribest. Son site personnel. : 6 avril 2016 – Transmis par l’auteur – Traduction : Lotfallah Avec la victoire du Brexit, Israël a-t-il perdu son « cheval de Troie » dans l’UE ? Ramzy Baroud – Après des mois de campagne, le Royaume-Uni a décidé de quitter l’Union européenne (UE). Bien que, les résultats étaient assez serrés – 51,9% ont voté pour « Berxit [congé] » contre 48,1% pour « Remain [rester] » – les conséquences de la décision seront d’une grande portée. Non seulement les Britanniques vont négocier leur sortie de l’UE (d’où le terme « Brexit ») au cours des deux prochaines années, mais la décision est susceptible d’ouvrir la voie à un bouleversement sans équivalent dans l’histoire de l’Union. Mais le Brexit est-il bon pour la Palestine ? À l’ombre du soi-disant débat Brexit, c’est une discussion toute différente qui a eu lieu : « Le Brexit est-il bon pour Israël ? », ou comme un commentateur israélien, Carlo Strenger, l’a formulé dans le quotidien israélien « Haaretz » : « qu’est-ce que (Brexit) signifie pour les juifs ? » Dans une dernière initiative totalement racoleuse de dernière minute, le Premier ministre britannique, David Cameron – qui, à son crédit, a eu la dignité de démissionner après le vote – a lancé le lundi 20 juin un appel passionné devant un public juif. Il déclara devant le public pro-israélien de l’organisation caritative « Jewish Care », que si le RoyaumeUni restait dans l’UE, ce serait réellement bon pour Israël. Il a présenté son pays comme celui qui sauvegarde les intérêts israéliens dans l’Union européenne. Le résumé de son message était : la Grande-Bretagne a gardé un œil vigilant sur Bruxelles et a contrecarré toute discussion qui pouvait être considérée comme hostile à l’État juif. « Quand l’Europe discute de son attitude envers Israël, voulez-vous de la Grande-Bretagne – le plus grand ami d’Israël – avec son opposition au boycott, contre la campagne pour le désinvestissement et les sanctions, ou vous voulez-vous que nous restions en dehors de la pièce, impuissants à influer sur le débat qui a lieu ? » a-t-il devant l’auditoire. On pouvait s’y attendre, Cameron a intégré l’Iran dans sa diatribe, promettant que si la Grande-Bretagne restait dans l’UE, son pays serait en meilleure position pour « empêcher l’Iran d’obtenir des armes nucléaires. » Alors que la campagne « Leave » a été fortement critiquée pour son manque d’éthique en exploitant des campagnes alarmistes pour influencer les électeurs, les commentaires de Cameron devant l’audience de « Jewish Care » – qui était un exemple achevé et éhonté de manipulation jouant sur la peur des soi- disant « menaces existentielles » d’Israël – a reçu peu de couverture dans les médias. En effet, la Grande-Bretagne a joué ce rôle terrible pendant des décennies, imposant que soit mise en sourdine toute discussion sérieuse sur Israël et la Palestine, et en faisant en sorte que des voix plus courageuses comme celle de la Suède, parmi d’autres, soient mises en retrait par rapport au sentiment ardemment et inconditionnellement pro-Israël qui irradiait en permanence de Westminster. Qui peut oublier la défense impassible de Cameron de la dernière guerre d’Israël contre Gaza en 2014, qui a tué plus de 2200 civils palestiniens ? Sans équivoque, Cameron, avec son Parti conservateur, a été un « allié fidèle du Premier ministre [israélien] Benjamin Netanyahu, » comme l’a rappelé le commentateur israélien Raphael Ahren, dans le « Times » d’Israël. Son amour pour Israël peut aussi être plus apprécié par rapport à, toujours selon Ahren, « l’actuel chef du parti travailliste, Jeremy Corbyn, qui est un critique sévère d’Israël et a appelé les archi-ennemis d’Israël, le Hamas et le Hezbollah, ’nos amis’. » Depuis que Corbyn a été élu à la tête du Parti travailliste par un score écrasant en septembre de l’année dernière, une controverse apparemment fabriquée de toutes pièces et alléguant l’existence d’un antisémitisme rampant au sein de l’organisation, a fortement gêné le Parti pour recentrer ses énergies sur la contestation des politiques néolibérales du Parti conservateur, et pour ralentir l’élan du « Independence Party » d’extrême-droite de Nigel Farage. Cette « crise » artificielle est en grande partie le travail du lobby israélien au Royaume-Uni, selon l’enquête du journaliste d’investigation, Asa Winstanley. Il s’agit d’une « chasse aux sorcières » qui a atteint un degré d’incongruité sans précédent. « Cela a atteint un tel niveau d’absurdité que toute utilisation du mot ’sioniste’ est considéré comme antisémite, » écrit-il, « sauf évidemment lorsqu’il est utilisé par les auto-proclamés sionistes eux-mêmes ». En effet, de nombreux membres du Parti travailliste [Labour] étaient soit eux-mêmes impliqués dans cette « chasse aux sorcières », soit ont succombé à la pression en prenant des mesures scandaleuses pour se défendre contre des accusations injustifiées. En conséquence, le Labour assiégé et désorganisé avait lui-même également exhorté ses partisans à rester dans l’UE et, lui aussi, a été battu dans le scrutin. Quant à Israël, Brexit signifiait à la fois incertitude et opportunité. L’UE est le principal partenaire commercial d’Israël, et une Union économique plus faible signifie tôt ou tard une diminution des échanges avec Israël, et donc des pertes financières. Mais Israël a également été très critique vis-àvis de l’UE, les dirigeants israéliens lançant régulièrement toutes sortes d’accusations contre le supposé antisémitisme européen, et Netanyahu a lui-même appelé à l’émigration massive des juifs d’Europe vers Israël. Une partie des raisons pour lesquelles Tel Aviv fulmine à l’égard de l’UE, c’est l’accord nucléaire avec l’Iran dont l’UE est co-signataire. L’autre raison est une décision datant de novembre dernier, d’imposer une nouvelle réglementation sur les produits fabriqués dans les colonies juives construites illégalement sur les terres palestiniennes. Selon les nouvelles directives, les marchandises produites dans ces colonies doivent être étiquetées « made in colonies », une décision qui a eu pour effet de renforcer les appels dans toute l’Europe pour le boycott complet d’Israël. Cette décision, comme d’autres, fait apparaître l’UE comme un allié de moins en moins fiable aux yeux d’Israël, et précisément pour cette raison David Cameron a désespérément essayé de vendre l’idée à la dernière minute avant le vote, de son rôle d’avant-garde contre d’autres membres de l’UE prétendument indisciplinés qui refusent de se plier à des règles bien établies. Pourtant, curieusement, l’un des groupes les plus forts qui a aussi exploité la peur et fait campagne pour que la GrandeBretagne quitte l’UE, est « Regavim », une ONG de droite qui défend les intérêts des colonies juives illégales en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est. Sans surprise, « Regavim » a utilisé des tactiques alarmistes, agitant un croque-mitaine palestinien au milieu de ce débat historique. Parmi ses outils de campagne se trouvait une fausse vidéo caricaturant un combattant palestinien masqué « soi-disant de la bande de Gaza dirigée par le Hamas, exhortant les citoyens britanniques à rester dans l’Union européenne, car elle soutient les Palestiniens », a rapporté Al-Monitor. Selon Meir Deutsch de « Regavim », le but de l’organisation était de « nuire à l’UE dans ’son intervention dans le conflit interne entre Israël et les Palestiniens’. » Maintenant que, selon la logique implacable de Deutsch, l’UE est dûment « punie », Israël cherche un autre rempart dans l’Union européenne pour défendre ses intérêts. L’analyste israélien Sharon Pardo, tout en regrettant la perte d’un « ami » dans l’Union, a affirmé qu’une telle perte n’était pas une « catastrophe » car l’Allemagne et la République tchèque sont encore mieux disposées [à l’égard d’Israël] que la Grande-Bretagne. Israël est particulièrement préoccupé par son statut au sein du Conseil des Affaires étrangères de l’UE, maintenant que le Royaume-Uni s’en va. « L’Allemagne a de bonnes chances d’en prendre la tête et le fait que l’Allemagne est un proche allié d’Israël aura clairement des implications », selon Pardo, qui a ajouté : « L’Allemagne est l’adulte responsable ici. » Alors qu’à la suite du Brexit, Israël est susceptible de réagir rapidement pour assurer ses intérêts à la fois financiers et politiques, l’Autorité palestinienne va certainement réagir bien plus lentement et sans une véritable stratégie. Le départ du Royaume-Uni de l’UE pourrait ne pas avoir d’impact immédiat sur le conflit en Palestine, en particulier pendant les mois à venir qui seront consacrés aux négociations et à la transition. Mais à terme, cela pourrait représenter pour les Palestiniens une opportunité. Alors que la pression doit être maintenue sur Westminster pour qu’il mette fin à son soutien inconditionnel d’Israël, une UE peut-être mieux disposée [vis-à-vis de la Palestine] peut émerger, débarrassée d’une Grande-Bretagne résolument proisraélienne. Le soutien du Royaume-Uni pour Israël dans l’Union, et le soutien de toutes les initiatives américaines allant dans la même direction, ont sérieusement entravé les chances [de l’UE] d’être autre chose qu’une simple chambre d’enregistrement des politiques des États-Unis et du Royaume-Uni, non seulement en Palestine, mais aussi à travers tout le Moyen-Orient. Alors qu’il est encore trop tôt pour faire de fortes prévisions politiques après le Brexit, on ne peut qu’espérer que les efforts des pays en faveur de la paix comme l’Irlande et la Suède seront renforcés, et que plus de nations amicales se joindront pour freiner Israël et son occupation militaire et exiger la justice pour la Palestine. * Dr Ramzy Baroud écrit sur le Moyen-Orient depuis plus de 20 ans. Il est chroniqueur international, consultant en médias, auteur de plusieurs livres et le fondateur de PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en Palestine – Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur