Un bateau en guise d`atelier - Pas d`Education, pas d`Avenir

Transcription

Un bateau en guise d`atelier - Pas d`Education, pas d`Avenir
internatiOnal
s’ouvrir au monde
© VPLP-Design
Un bateau en guise
d’atelier
La navigation et l’art sont ses deux passions. Vainqueur du Vendée Globe
en 1990, Titouan Lamazou est aussi l’auteur de nombreux ouvrages et
d’expositions retraçant ses voyages. Attiré depuis toujours par le large et les
rencontres, l’artiste navigateur a fait le choix d’une vie nomade… Une vie qu’il
envisage désormais à bord de son bateau-atelier ; un navire ouvert sur le
monde, qui accueillera des artistes et des chercheurs avec qui des enfants des
deux hémisphères pourront dialoguer grâce aux technologies numériques.
Les Idées en mouvement :
Comment est né votre projet de
bateau-atelier ?
Titouan Lamazou : Raconter
sa genèse revient à faire mon portrait… Ce projet correspond avant
toute chose à mon idéal de vie : une
vie nomade. Il marque en outre un
trait d’union entre deux pans de
ma personnalité : le voyageur maritime et l’artiste. J’ai imaginé ce bateau-atelier il y a longtemps, vers
1990, lorsque j’ai remporté la première édition du Vendée Globe. Je
voulais à l’époque construire un
navire, non pas pour aller plus vite
que les autres, mais pour travailler.
Et j’ai officiellement présenté mon
idée en 1998, à l’occasion de ma pre­
mière grande exposition (« Compositions de voyage ») au musée
des Arts décoratifs de Paris. Avec
les années, ce projet a mûri et évolué. Il est désormais beaucoup plus
abouti ; ce qui me permet d’être
légitime pour le présenter.
Dédié à la création, le bateauatelier accueillera des artistes en
résidence, des chercheurs, des philosophes… Leurs travaux seront
exposés dans les pays « escales ».
Avec le temps, un autre axe est
devenu pour moi prépondérant :
la transmission au jeune public.
Certains disent qu’il y a trois principales étapes dans la vie : celle où
l’on découvre, celle où l’on applique/célèbre et enfin celle où l’on
transmet. Je continue à découvrir
des choses, à en développer d’au­
tres, mais j’arrive aussi à une période où je souhaite transmettre.
Une question d’âge probablement…
Comment envisagez-vous ce volet
éducatif ?
N’étant pas spécialiste des
questions éducatives, c’est SciencesPo Toulouse qui se charge du
développement de cet axe pédagogique. Celui-ci a été testé dernièrement lors de mon voyage au Mali
en avril (lire page suivante). Des
élèves toulousains et touaregs ont
notamment pu dialoguer grâce à
Internet. Le pays étant en guerre,
mes déplacements étaient assez
contrôlés et les technologies numériques pas toujours performantes. Nous n’avons pas pu
communiquer directement avec
une école de Tombouctou, ce qui
aurait été plus intéressant. Nous
nous sommes contentés d’une visioconférence dans mon hôtel où
j’ai pu accueillir quelques élèves
Quelques mots du concept
L
ong de 50 m, le catamaran
dessiné par Titouan Lamazou est un « espace de rencontre et de découverte dédié au
dialogue des cultures et des civilisations ». Destiné à parcourir le
monde et à accueillir à son bord
artistes, intellectuels et scientifiques, il offre un espace de vie habitable (parties communes et cabines) de 400 m 2 ainsi qu’un
« espace de création multidisciplinaire » avec, au centre du navire,
160 m2 modulables pouvant servir
tour à tour de studio de photographie ou d’enregistrement musical,
de bureau d’écrivain, d’atelier de
peintre, de lieu de réflexion et
d’échanges… Une salle multimédia et un centre de communication satellitaire doivent également
permettre de dialoguer avec le
monde extérieur.
.6 Les idées en mouvement
Chaque artiste accueilli est invité à produire une œuvre qui sera
ensuite présentée au public, lors
d’une escale, dans le cadre d’un
événement tel qu’une exposition,
un spectacle ou une conférence.
L’idée est d’identifier plusieurs
ports d’attache en fonction des
voyages afin d’y présenter les
œuvres produites et d’organiser
d’autres événements en lien avec
le projet. Lors de ces escales, le bateau-atelier compte ouvrir ses
portes au grand public.
Concernant le volet éducatif,
l’objectif est de développer des partenariats avec des groupes scolaires,
des établissements ou encore des
associations pour offrir aux enfants
une ouverture sur l’art et la découverte d’autres communautés. Les
artistes accueillis à bord devront
s’engager à participer à ce volet en
échangeant avec des enfants et
adolescents.
Les considérations écologiques
ayant supplanté celles de la performance, le navire a naturellement
été conçu pour être autosuffisant
en énergie. Pour atteindre l’objectif
zéro émission, les solutions les
plus innovantes sont mobilisées :
l’optimisation de la principale
source d’énergie du navire, à savoir
le vent, au moyen d’une aile articulée plus efficace qu’un gréement
traditionnel ; la production d’énergie grâce au revêtement photovoltaïque présent notamment sur le
pont du bateau et d’une surface de
1 000 m2 ; ou encore l’utilisation
d’éoliennes et d’hydroliennes pour
convertir la force de l’air et de l’eau
en énergie électrique.
●●M.G.
le mensuel de la Ligue de l’enseignement
n° 220
de l’école Mitiki qui ont échangé
avec les petits Toulousains. Dans
les mois et années à venir, d’autres
tests avec d’autres établissements
scolaires pourront être réalisés,
dans d’autres zones du globe, et
sur de plus longues périodes…
Le choix de Tombouctou n’est pas
anodin. Il correspond à un projet
que vous développez actuellement
sur le peuple des Touaregs.
Pouvez-vous nous le présenter ?
Un peuple m’attire plus que les
autres : celui des nomades. Où
qu’ils se trouvent, tous sont con­
frontés à la même situation, à savoir la disparition progressive de
leur culture et de leur mode de vie
à cause des frontières érigées ici et
là au beau milieu du désert. Ayant
vécu à Tombouctou en 1998 puis
en 2000, j’y ai conservé de bonnes
relations parmi les Touaregs. La
guerre survenue en 2012 (conflit
qui a notamment opposé l’armée
malienne aux rebelles touaregs) a
vu la ville de Tombouctou confisquée par les islamistes. Je me suis
alors inquiété et j’ai appris que les
Touaregs de Tombouctou s’étaient
enfuis au Burkina-Faso, dans des
camps du Haut Commissariat
pour les réfugiés, ainsi qu’en Mauritanie et au Niger où je me suis
rendu par la suite. Pour ce projet,
il s’agissait tout d’abord de retrouver ces connaissances. Depuis, il
prend la forme d’un vaste portrait
du Sahara.
Quand est prévue la première
sortie du bateau ?
Arrivé à maturité, le projet est
aujourd’hui viable. Nous allons débuter la phase d’avant-projet qui
consiste à réaliser les plans du bateau, son business plan, penser à
son fonctionnement, au planning
du navire sur trois à cinq ans… Si
tout se passe bien, nous pourrons
démarrer dans trois ans environ.
●●Propos recueillis par
Mélanie Gallard
titouan Lamazou en quelques dates
• 1955 : naissance à Casablanca. Il passe son enfance dans le sud-ouest
de la France puis son adolescence en Tunisie.
• 1972 : est reçu aux Beaux-Arts de Marseille à l’âge de 17 ans, qu’il quitte
au début de la troisième année pour partir en bateau-stop vers les Canaries puis les Antilles dans le but de réaliser un carnet de voyage. Il croisera
le chemin d’Éric Tabarly qui lui enseignera le métier de navigateur.
• 1979 : part en expédition avec Jean-Louis Étienne au Groenland.
• 1990 : vainqueur de la première édition du Vendée Globe et publie un
roman, Le Trésor de l’Atlas (éditions Denoël), après avoir séjourné un an
dans le petit village berbère Aït Bou Guemez, au pied du haut Atlas.
• 1992 : fonde avec Florence Arthaud le Trophée Jules Verne qu’il remporte
l’année suivante.
• 1993 : naufrage du Tag Heuer après seulement quelques semaines de
navigation, le plus grand navire de compétition de l’époque. Après cet
échec, il choisit de s’éloigner de la compétition.
• 1998 : exposition « Compositions de voyage » au musée des Arts décoratifs à Paris.
• 1998 puis 2000 : publie ses Carnets de voyage 1 et 2.
• 2007 : entreprend tout un travail sur les femmes avec Femmes du monde
et Zoé Zoé, Femmes du monde (2007), Femmes du Brésil (2008),
Afghanes (2009), Femmes – photography (2010).
• 2007-2008 : exposition « Zoé Zoé, Femmes du monde » au musée de
l’Homme à Paris.
• 2014 (jusqu’en juillet) : exposition « Femmes berbères du Maroc », à la
Fondation Pierre Bergé – Yves Saint-Laurent à Paris.
juin-juillet 2014