conférence tango argentin
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Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire CONFÉRENCE TANGO ARGENTIN Différents styles traversent l’histoire SOMMAIRE Origines et naissance du tango La vieille garde La nouvelle garde L’âge d’or L’avant-garde Aujourd’hui - 1/14 - Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire - 2/14 - Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire Origines et naissance du tango A ux confins du XIX et du XX siècle, l’élevage des bovins et l’invention des bateaux frigorifiques conduisent l’Argentine et l’Uruguay vers un développement économique sans précédent autour de l’industrie de la viande. Buenos Aires et Montevideo sont alors des tours de Babel, le rendez-vous d’hommes venus du monde entier. Ces villes se développent frénétiquement rejetant les immigrants et les pauvres vers sa périphérie : dans les conventillos. Ils y inventent le tango qui n’est autre que l’expression de leurs conditions de vie. 70% de la population émigrante est masculine. En 1880, Buenos Aires compte 250 000 habitants. 15 ans plus tard, la population est multipliée par six. En 1904, 2500 conventillos abritent 140 000 personnes soit 14% de la population urbaine. Le poète Santos Enrique Discépolo dira plus tard : «Pour les Argentins, le tango est un sentiment triste qui se danse. Expression profonde de l’âme populaire, à la fois tendre et violente, cette poésie désespérée est née au début du siècle dans les basfonds de Buenos-Aires» Cette activité économique autour de l’atlantique et de ses principaux ports provoque un brassage culturel de sources multiples qui donneront naissance au tango sur les rives du Rio de la Plata. Citons la contredanse européenne, la habanera cubaine, le candombé africain, Le tango andalou… Ces danses influencent la milonga argentine, ancêtre du tango dont l’une des premières créations, « dame la lata », attribué à Juan Pérez, évoque l’univers des bordels. Le Tango est une affaire d’hommes qui travaillent dans les abattoirs. Les premières femmes qui s’y risquent sont les « Chinas Cuarteleras », prostituées venues des provinces. Le tango est d’abord joué d’instinct à la flûte, au violon, au tambourin et à guitare. Il se répand hors des murs des conventillos vers les quartiers de la ville grâce à l’orgue de Barbarie. En 1900, après s’être cherché pendant environ 10 ans, le tango est mature. Une période particulièrement créatrice s’ouvre à lui. La Vieille Garde (1900-1920) Cette période fixe les codes du tango encore en place aujourd’hui. Nous sommes dans une époque d’euphorie économique. Les orchestres s’élargissent, s’enregistrent avec l’invention du gramophone en 1907. Le tango joué devient un tango écrit et non plus un tango improvisé. Entrée en scène du bandonéon. Les orchestres se sédentarisent avec l’arrivée du piano, de la contrebasse. Le tango se chante, s’internationalise, touche d’autres couches sociales, devient danse de salon. Les compositions de cette époque, largement jouées encore aujourd’hui, forment le socle du tango. Don Juan de Ernesto Ponzio (1898), Union Civica de Domingo Santa Cruz (1904), La morocha de Enrique Saborido (1905), Gran Hotel Victoria de Feliciano Latasa (1906), Una noche de Garufa de Eduardo Arolas (1909) ... - 3/14 - Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire Un figure domine la première décennie du XX siècle : Angel Gregorio Villoldo, Chanteur, pianiste, guitariste, journaliste, payador, (1864 – 1919) «surnommé le père du tango » tant il est prolifique. Il signe notamment : El Esquinazo (1902), (la sérénade) El portenito (1903) (Le petit portègne) Et par-dessus tout El Choclo (1903) (L’épis de maïs) Les musiciens professionnels apportent leur technique. La vague 1910 est particulièrement prolifique. Ses héros sont Canaro, Greco, Firpo. En 1911 Vincente Greco puis Eduardo Arolas jouent un rôle important dans l’introduction du bandonéon dans les orchestres de tango. Il destitue la flûte aux accents aigues. La sonorité devient plus grave, plus lente, plus profonde. Cette date marque le début des « Orquesta Tipica » qui suivront et évolueront jusqu’à nos jours. Le violoniste Francisco Canaro (1888 – 1964) systématise la contrebasse dès 1917. Il représente la tête de file du style traditionaliste. Sa carrière s’étala sur plusieurs périodes de 1910 à sa mort. Le pianiste Roberto Firpo, impose son instrument qui destitue la guitare. Il contribue dès 1913 à structurer l’orchestre selon le schéma suivant : 2 bandonéons, 2 violons, le piano et la contrebasse. Les partitions connaissent des tirages de 30000 exemplaires, les auteurs signent leurs productions, les orchestres s’endimanchent. Après 1907, l’industrie du disque s’empare de cette musique et démultiplie sa diffusion auprès du grand public. Deux morceaux emblématiques marquent les deux versant de la vieille garde : El choclo de Villoldo (1903) et La Cumparsita de Gerardo Matos Rodriguez (1916), repris et créé par le pianiste Roberto Firpo en 1916 au café « la Giralda » de Montevideo. Evénement historique : L’invention du tango chanté. Pascal Contursi (1888 – 1932) pose une poésie sur une partition de Samuel Castriota pour donner « Mi Noche triste » que chantera Carlos Gardel au théatre Esmeralda de Buenos Aires en 1917. Le « tango cançion » est inventé du jour au lendemain et le succès pour Gardel est immense. Dès lors, Carlos Gardel délaissant son répertoire de musique populaire dit Criollo, se consacrera au tango. Pascal Contursi écrira les paroles de la Cumparsita. Une ère poétique s’ouvre, une ère qui connaîtra son apogée dans les années 30 – 40. Le tango s’internationalise. La « tango mania » fait rage à Paris, dans les autres capitales Européennes puis à New York. Dès lors, le tango n’appartient plus aux seuls argentins. L’invention de la radio, Le tango chanté, l’internationalisation du tango, l’ouverture vers d’autres couches sociales et la mort de Villoldo marquent entre 1917 et 1920 une période de transition avec la période suivante dite : la nouvelle garde. - 4/14 - Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire La nouvelle garde « la Guardia Nueva » Les deux décennies de la Guardia Nueva comportent deux périodes liés directement à l’économie de l’argentine, une période de développent entre 1920 et 1929, une période de marasme économique et de désillusion entre 1930 et 1939. 1920 : le tango est reconnu, distingué, enfin admis par la bonne société. Le tango anime les bals des grandes maisons bourgeoises. Le tango subit un remodelage, une édulcoration excluant ses références originelles des maisons closes. Le violoniste Julio De Caro représente ce tango de salon. Les rythmes sont plus calmes, les mélodies plus sentimentales avec peu ou pas de syncopes dérangeantes. La musique n’est plus seulement un support à la danse mais une composition à part entière. La révolution decarienne. Julio De Caro, de formation classique et musicien de jazz, invente un style d’interprétation d’une richesse inédite. Il codifie l’architecture du tango instrumental moderne. Chaque instrument y a un double rôle, particulier et collectif. Les solos se succèdent entre violons et bandonéons alors que la contrebasse se charge de la base formelle et que le piano construit ponts et ouvertures. Julio De Caro s’entoure de musiciens qui joueront un rôle important dans les décennies suivantes, comme Anibal Troilo, Ciriaco Ortiz, Osvaldo Fresedo. Tous savent jouer du jazz et interpréter des duos et des quatuors de maestro permettant de mettre en valeur chaque instrument. Citons en 1921 la naissance de Piazzolla, la création de Desde del Alma de Rosita Melo en 1922 et celle de Recuerdo de Pugliese, alors âgé de 18 ans en 1924. A partir de 1925 le tango s’empare de tous les divertissements. Cabarets, cinéma. La croissance exponentielle grâce au cinéma parlant. La désillusion de 29 Jeudi noir de Wall Street : le 24 octobre 1929. Après avoir connu une prospérité remarquable pendant les deux premières décennies du siècle, l’économie Argentine sombre. On découvre que cette prospérité était factice, entièrement tributaire des capitaux étrangers. Incapable de financer elle-même l’effort de reprise économique, l’Argentine entre dans une période de troubles sociaux et politiques. - 1928, 1929 : décomposition de la vie politique dans les scandales et la corruption - septembre 1929 : Coup d’état militaire. Le général Uriburù se proclame président. Le poète et philosophe Enrique Santos Discépolo se fait l'écho critique et acerbe des désillusions du rêve d'immigrants pendant les années 30. Il compose « Cambalache » où il écrit « Que el mundo fue y sera una porqueria ya lo sé ». Autre tango des plus typiques de cette époque, son Yira Yira créé en 1930 par Gardel. 1935 : Mort de Gardel. Le contexte socio économique difficile et la disparition tragique du chanteur plonge Buenos-Aires, l’Argentine et le tango dans un deuil profond et de déclin du tango. La fin des années 30 est marquée par une relative stagnation du tango. On assiste toutefois au retour de la Milonga avec des poèmes d’Homero Manzi chantés sur des compositions de Sebastian Piana. « Milonga sentimentale » en 1932 et « Milonga triste » en 1937. - 5/14 - Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire Juan d'Arienzo : "El Rey del Compás » (1900 - 1976). A partir de 1934, il commence à développer un nouveau style d'interprétation qui atteindra son apogée avec l'arrivée de Rodolfo Biagi au piano de 1935 à 1938. L'inclusion de Rodolfo Biagi s'est traduit par un changement de tempo pour l'orchestre de D'Arienzo, qui a remplacé le 4/8 par un 2/4 (le battement rapide des tangos primitifs). Ce « nouveau » rythme (enjoué de surcroît) arrivait à point nommé. Sur le plan des compositions nouvelles, le tango vit surtout sur sa seule force d’inertie avant que surviennent les grands créateurs des années 40 lorsque la guerre venant en Europe, l’argentine entrera dans une nouvelle phase de prospérité. Ce sera l’âged’or du tango. L'âge d'Or (1940-1955) L’âge d’or du tango se développe en Argentine dans un contexte de prospérité économique et de protectionnisme. La guerre en Europe enrichit l’Argentine qui en devient le grenier de nourriture. Le pays doit en même temps fabriquer des produits qui n’arrivent plus de l’étranger. Le travail abonde, les argentins ont de l’argent à dépenser. A partir de 1946, le gouvernement Péroniste (1946 à 1955) protège les créations nationales à coups de lois. Dopé par la prospérité économique, l’expansion de la radio, du cinéma, de l’industrie du disque et l’arrivée de grands talents, le tango connaît entre 1940 et 1955 la meilleure époque de son histoire, époque de diversité, de quantité et de qualité. Comment classifier les styles d’une période aussi riche et variée ? Et surtout selon quel critère ? Critère rythmique, Critère traditionaliste / Evolutionniste, Critère instrumental / chanté, Critère Interprète / auteur, Critère de taille d’orchestre, Critère musique à danser, à écouter Critère de rythme Très marqué : Juan d'Arienzo, Rodolfo Biagi, Enrique Rodriguez Marqué : Miguel Calo, Tanturi, Angel D’Agostino Peu appuyé : Carlos di Sarli, Osvaldo Fresedo, Anibal Troilo Rubato : Alfredo de Angelis instrumental, Osvaldo Pugliese Lyrique (Chanté) : Dans les années 40, 50, le chanteur est un héros. Les couples de danseurs s’interrompent pour l’écouter avant que l’orchestre ne reprenne l’initiative. Anibal Troilo réussit mieux que personne à intégrer comme un instrument supplémentaire la voix du ténor ou du baryton à son orchestre. Citons pour les principaux : Edmundo Rivero, Raul Beron, Jorge Casal, Lorge Vidal, Fiorentino, Floreal Ruiz, Aldo Calderon, Alberto Martino, Angel Vargas, Alberto Moran, Alberto Castillo et surtout Roberto Goyeneche… - 6/14 - Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire Traditionaliste / Evolutionniste Les traditionalistes suivent la direction ouverte par Julio De Caro dans les années 20. Répertoire quasi immuable composé des standards. Canaro, D’Arienzo, Biagi avec son style bien « marcato ». Les évolutionnistes cherchent un langage nouveau. Anibal Troilo, Astor Piazzolla, Osvaldo Pugliese, Horacio Salgan. Carlos Di Sarli (1903 1960) Il se fait une spécialité de remettre en vogue d'anciens tangos et surtout d'anciennes milongas et Vals. Ainsi il retrouve un tango oublié "A la gran muñeca" et en fait un succès considérable. Son rythme doux et en même temps bien marqué est particulièrement apprécié dans les milongas actuelles. Rodolfo Biagi (1906 - 1969) Pianiste, chef d'orchestre et compositeur, surnommé: "Mains magiques" "Manos Brujas". Rodolfo Biagi, ayant initialement choisi le violon, se tourna très tôt vers le piano, et accompagna dés 13 ans un film muet, sans l'accord de ses parents. A 15 ans il intègre l'orchestre de Miguel Orlando. En 1930, il enregistre avec Carlos Gardel. Il intégra successivement les orchestres de Bautista Guido et de Canaro, puis celui de Juan d'Arienzo. En 1938, il monte son propre orchestre, intégrant le chanteur Teófilo Ibañez , puis Jorge Ortiz. Le style de son orchestre est lui caractérisé par une rythmique très marquée, et des mélodies très simples. Moins apprécié aujourd'hui à cause du rythme trop syncopé de ses tangos, ses milongas et valses, par contre, sont toujours incontournables dans les bals, telle la célèbre Lagrimas y Sonrisas. Enrique Rodriguez (1901 - 1971) Bandonéoniste, Chef d'orchestre et compositeur. Après les cinémas de quartier, la radio et différents orchestres, il monte sa propre formation en 1936. Avec le chanteur Armando Moreno, il connut, en duo, un énorme succès. Pour le rythme, son style s'apparente à celui de Juan d'Arienzo. Son plus grand succès fut la valse « Tengo mil novias ». Angel D’Agostino 1900-1991 Pianiste et Chef d'orchestre. Angel d'Agostino forme son premier trio à 12 ans avec son voisin Juan d'Arienzo ! En 1934, il fonde son orchestre avec Annibal Troîlo au Bandoneon. En 1940 Angel Vargas devient le chanteur attitré de sa formation. Le "Duo des Anges" enregistra 93 titres. Miguel Calo (1907 - 1972) Pianiste, chef d'orchestre et compositeur. Miguel Calo commence par étudier le violon à l'âge de 14 ans, pour se tourner rapidement vers le Bandonéon. Il commence comme beaucoup par le cinéma muet. Il joue dans les l'orchestres d'Oswaldo Fresedo, Francisco Pracánico, Cátulo Castillo avant de créer le sien. En 1934, le pianiste Miguel Nijensohn intègrera sa formation. Il apporta a l'orchestre le "legato" permettant, en liant les phrases musicales, d'associer le style traditionnel de l'époque précédente, avec les tendances plus modernes qui allaient prévaloir dans les années 40. Il laisse la magnifique interprétation de "Sans soucis" de Enrique Delfino, et l'inoubliable "Al Compas del Corazon". - 7/14 - Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire Osvaldo Fresedo (1897 – 1984) Bandonéoniste, chef d’orchestre, compositeur. Le style de Fresedo est très élégant et melodique. Il est surnommé « El Pibe de la Parental » Les arrangements sont souvent simples avec un tempo assez lent. Il propose des tangos lyriques et instrumentaux. Il détient la plus longue carrière de tango avec, en 63 ans, plus de 1250 enregistrements. Ses tangos les plus célèbres sont Vida Mia, Sollozos, Pimienta, Cuartito Azul… Alfredo De Angelis (1912 – 1992) Pianiste, chef d'orchestre et compositeur. Il est surnommé "El Colorado de Banfield". Les chanteurs tiennent une place importante dans son orchestre, les plus célèbre étant Floreal Ruiz, Julio Martel, Carlos Dante, Oscar Larroca et seront souvent utilisés en duo. De Angelis fait partie des orchestres qui ont concentré leur intérêt sur les danseurs. Pendant sa longue carrière (1943-1977), il composera de très beaux tangos tels que Pastora, Pregonera ou Remolino. Le style de De Angelis est harmonieux, mélodieux, simple, suffisamment rythmé. Bien qu'il soit plutôt conventionnel, certains de ses titres sont immédiatement reconnaissables. La Pavadita, notamment, fait partie de ces tangos incontournables dans une milonga. Ses valses, chantées ou instrumentales, sont magnifiques. Rares sont les albums tel que Adios Marinero qui comportent autant de belles valses. Ricardo Tanturi (1905 – 1973) Pianiste, chef d’orchestre, compositeur. Il est surnommé « El Caballero del tango ». Sa carrière devient déterminante en 1939 avec l’arrivée du chanteur Alberto Castillo. Il propose une très belle version de Una Emocion en 1943 avec le chanteur Enrique Campos. Tanturi propose un tango simple, précis et entraînant agréable à danser. Ses compositions les plus connues sont Eso Sos Vos, Mozo Guapo, Pocas Palabras Anibal Troilo (1914 – 1975) Musicien, bandonéoniste, chef d'orchestre et compositeur. Anibal Troilo, surnommé "Pichuco" par son père (prénom d'un ami proche), découvre sa vocation pour le bandonéon à l'âge de 10 ans alors que sa mère aurait souhaité qu'il suive des études de pharmacien. Il joue en public dès l'âge de 11 ans, se produit dans différentes formations dont l'orchestre des "señoritas" (1927), Alfredo Gobbi puis Juan Maglio "Pacho" (1929). Il intègre ensuite le sexteto de Elvino Vardano & Osvaldo Pugliese (1930), la Orquesta Tipica Victor (1931), Julio de Caro (1932), ..., Angel d'Agostino (1934), Juan d'Arienzo (1935), ... Il écrit son premier tango en 1933, Medianoche. Il créé en 1937 sa propre formation, Tipica Pichuco, avec Francisco Fiorentino comme chanteur. Il fait ses débuts à la radio El Mundo en 1940 et intègre le jeune Astor Piazzolla à sa formation. Depuis la mort de Carlos Gardel (1935) les chanteurs étaient cantonnés aux refrains, Troilo va leur redonner une place importante dans l'orchestre. Outre l'emblématique Fiorentino, passeront parmi beaucoup d'autres : A. Marino, F. Ruiz, R. Beron, E. Rivero, R. Rufino, R. Goyeneche, ... Pour "El Gordo" (Le Gros), son second surnom, tous les instruments étaient d'égale importance, même les voix étaient considérées comme des instruments et ne devaient en aucun cas masquer le rythme. Véritable musicien, il a su s'entourer d'artistes de qualité, de chanteurs de renoms et des meilleurs paroliers. - 8/14 - Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire Troilo a toujours joué à l'intention des danseurs, alternant la ligne mélodique et la ligne rythmique. Son succès auprès des milongueros a été constant et durable, sûrement l'orchestre le plus populaire de son temps dans son pays. Son répertoire est très riche et il a composé plus de 40 tangos dont : Barrio de Tango, Pa'que Bailen los Muchachos, Sur, Che Bandonéon, Romance de Barrio, ... Les tangos chantés avec Fiorentino sont très beaux et dansables (la 1ère minute est souvent instrumentale), tout comme ses instrumentaux et ses vals. Osvaldo Pugliese (1905 – 1995) Pianiste, chef d'orchestre et compositeur. Osvaldo Pugliese reçoit ses premières leçons de musique de son père, flûtiste amateur. Il entre au Conservatoire, débute avec le violon mais lui préfère rapidement le piano. Il joue en public dès l'âge de 15 ans dans les cafés et compose à 18 ans le magnifique Recuerdo. Il participe à la première formation à intégrer une bandonéiste, Francisca Paquita Bernardo, joue ensuite dans l'orchestre de Roberto Firpo et en 1927 devient le pianiste de Pedro Maffia. Avec le violoniste Elvino Vardano, il quitte P. Maffia et fait une grande tournée à travers le pays. Après l'échec de la tournée, il s'associe avec le violoniste Alfredo Gobbi dans une formation où on retrouve le jeune bandonéiste Anibal Troilo. En 1934, il devient le pianiste de Pedro Laurenz et rejoint Miguel Caló en 1936. Jusqu'en 1938, O. Pugliese intègre des formations qui ne durent pas. Son contact auprès des chefs Maffia et Laurenz, anciens de Julio de Caro, renforcent un peu plus l'influence de ce dernier sur sa vision esthétique du tango. Il monte sa propre formation en 1939 et la dirige comme une société coopérative (les revenus sont reversés à parts égales à chaque muscien-associé) à l'instar de ses idées politiques communistes ; il sera d'ailleurs victime de la censure et même d'emprisonnement. A ces occasions, les autres musiciens plaçaient un œillet rouge sur le clavier vide pour marquer son absence... Absence, Ausencia, nom de l'album symbolique de Pugliese où on retrouve sur la pochette une rose rouge sur le clavier du piano. Il intègre le chanteur Roberto Chanel en 1943, puis Alberto Morán plus dramatique et sensuel. Viendront ensuite Jorge Vidal (49/50), Jorge Maciel et Miguel Montero. Il enregistrera ses derniers titres en 1989. Son titre emblématique, La Yumba, est à l'origine une onomatopée à deux temps "Yum/Ba Yum/Ba" (lire "Jum/Ba") que le chef scandait pour donner la mesure à ses musiciens. Sa musique, très appréciée des danseurs, est souvent reprise dans les spectacles ou tout simplement écoutée par des mélomanes. Citons parmi beaucoup d'autres : Recuerdo, Gallo Ciego, Emancipation, Chiqué, ... Pugliese est considéré comme avant-gardiste, pionnier dans l'utilisation de la syncope et du contretemps notamment avec ses titres Negracha et Malandraca qui inspireront Astor Piazzolla. A partir de La Yumba, les rythmes sont fortement pulsés, suggérant une marche puissante, très enracinée, suivie de passages plus aériens lorsque la musique devient plus mélodique où les danseurs peuvent jouer avec les ralentissements et les suspensions. Peu de milongas mais son interprétation de Desde el Alma est l'une des plus belles. - 9/14 - Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire Horacio Salgan 1916… Horacio Salgan représente la dernière évolution de l’Orquesta Tipica del Tango. Excellent pianiste, compositeur et arrangeur, ses créations sont remarquables. Créateur avec le guitariste Ubaldo de Lio, avec lequel il joue depuis plus de 40 ans, du mythique Quinteto Real. Il est le compositeur de A fuego lento en 1953. En 1955 les institutions péronistes s’effondrent. Les militaires reprennent le pouvoir. Les manifestations populaires sont interdites obligeant la musique et la danse à de profonds changements. A la fin des années 50, le rock et la télévision jouent contre le tango. Une nouvelle période moins faste s’ouvre alors. L’avant-garde Quand le régime péroniste s'effondre et que l'armée reprend le pouvoir en 1955, le monde du tango issu des fastes d’une période dorée subit un bouleversement. Quantité de salles de danse ferment, nombre d'orchestres se dissolvent. Les meilleurs orchestres de l’âge d’or réduisent leurs formations. On dénombrait plus de 600 orchestres Portègnes du temps de Peron, ils sont tout au plus une dizaine en 1976 ! Les jeunes se détournent du tango au profit du rock'n'roll ou d'autres genres de musiques populaires. La mémoire du tango est toutefois perpétuée dans des salles nouvellement ouvertes, les tanguerías. Les évènements politiques provoquent un mouvement d’exode, mouvement inverse de tous ceux qu’avait connus l’Argentine jusqu’alors. Cette nation d’immigration se transforme en terre d’émigrants. C’est à l’étranger que le tango pourra respirer un air de liberté. Ce renouveau obligera en même temps le tango à renouer avec ses racines les plus profondes. Le tango de l’exil redevient l’expression nostalgique d’un attachement à la (seconde) patrie perdue. Le tango de concert est la grande innovation des années soixante, il se développera par la suite en une toute nouvelle forme qu’on appellera le tango nuevo. Le tango n’avait jamais été une musique destinée à être véritablement écoutée. Ecrite pour être dansée ou, par la suite pour être chantée, cette musique n’avait jamais encore véritablement occupé à elle seule les devants de la scène. Gardel a fait passer le tango des pieds aux lèvres, quarante ans plus tard la nouvelle génération impose le tango à l’oreille. On s’engage dans la seule voie que le tango n’avait pas tout à fait exploré : la musique pure. C’est Astor Piazzolla, par qui le « scandale » arrive. Il délaisse le rythme traditionnel et le remplace par une respiration plus nuancée, il rompt avec la continuité rythmique de chaque pièce. Astor Piazzolla (1921-1992) Musicien prodige, remarqué par Gardel, arrangeur de Troilo. Dans les années 50, il se lance dans la composition d’œuvres classiques qui déconcertent. En argentine, il est mis au ban de la société Tanguera. A l’inverse, en Europe, et notamment en Italie, le jury du « Premio de la Critica Discográfica » lui discerne un premier prix du meilleur disque de musique instrumentale avec la mention : « Pour la valeur des compositions et la surprenante créativité des arrangements qui donne au tango une dimension complètement nouvelle. » - 10/14 - Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire De retour au pays, Piazzolla enfin reconnu, fonde l'Octeto de Buenos Aires, puis le bien nommé Quinteto Tango Nuevo en 1960. Le tango nuevo va relancer l'intérêt pour la musique du Rio de la Plata à travers le monde. Piazzolla est l'incontestable chef de file de ce renouveau pour lequel œuvrent également les musiciens tels que Horacio Salgan et son Quinteto Real, Leopoldo Federico ou Eduardo Rovira et des poètes comme Horacio Ferrer. Horacio Salgán Il est un des maîtres du tango de notre époque. Pianiste exceptionnel, Salgán est l’inventeur d’un style d’interprétation et de composition qui lui ont valu une place tant dans le courant évolutif que classique du tango. Influencé par le jazz, sa musique témoigne que l’on peut renouveler le tango tout en s’inscrivant dans la continuation de la tradition. Dans les années soixante-dix, d'autres nombreux artistes se réfugient en France, graves troubles politiques, puis dictature militaire obligent : Susana Rinaldi, Juan Cedron, Juan José Mosalini, Juan Carlos Caceres… Ces derniers, ainsi que d'autres chanteurs, musiciens et danseurs se produisent de 1981 à 1993 aux Trottoirs de Buenos Aires dans le quartier des Halles : Haydée Alba, le Sexteto Mayor… C'est aussi depuis Paris que partent en tournée mondiale des spectacles à succès tels que Tango argentino (1983). Melting-pot actuel Le tango est aujourd’hui un grand melting-pot où se côtoient tout et son contraire : En plus de l’existant déjà très riche (Canaro, D’arienzo, Di Sarli, Biagi, Calo, De Angelis, De Caro, Fresedo, Gobbi, Tanturi, Varela, Pugliese…), les orchestres modernes reprennent les œuvres produites pendant plus d’un siècle dans tous les styles. Il est par exemple possible de trouver des interprétations récentes de « El Choclo » dans des styles allant de la vieille garde jusqu’à la musique électro. Même certains standards de jazz comme « Around Midnight » sont « tangoifiés » notamment par Gotan project et Adrian Iaies. A l’inverse, certains tangos sont « jazzifiés » notamment par Al Di Meola. Les oeuvres classique comme les créations nouvelles subissent de larges influences o Recherches des origines (Caceres) o La tradition selon l’époque et le type de formation (Duo, Trio, Quatuor, Sexteto, Orquesta tipica…) (Color tango, El Aranque, Los Tubatango, Los Muchachos de Antes, Luis Rizzo Trio, Mosalini, Alfredo Marcucci….) o Le lyrique (Julia Migenes) o Religueuse (Misatango) o Le Classique (Yoyoma, arttango) o Le Populaire et univers poétique (Melingo) o Influences culturelles (Russe, Nord africaine, finlandaise) o Le jazz (Salinas, Daniel Binelli, Angeleri César, Adrian Iaies) o La musique de film (Goran Bregovic, Luis Bacalov…) o L’électro fusion et l’électro alternatif (Gotan, Carlos Libedinski… ) o Tango and Beatles ! - 11/14 - Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire Tango or not tango ! Le tango montre qu’il est vivant et qu’il a su évoluer depuis ses origines et à travers ses différents styles. Quelle serait la constante profonde qui permettrait de dire que telle ou telle musique nouvelle est ou n’est pas « tango » ? Le danseur et maestro Ricardo Calvo disait lors d’une conférence à Prayssac en 2005 : « 2 conditions sont nécessaires. Le Tango qu’il soit musique ou danse ne se prend pas. Il se reçoit. Ainsi nul ne peut vraiment se l’approprier et affirmer qu’il est ou n’est pas tango. D’ailleurs Piazzolla lui-même ne prétendait pas produire du tango mais seulement de la musique de Buenos Aires… (qui est la ville du tango). Ensuite, si cet art se reçoit avec « la emocion », alors peut-être qu’il s’agit de tango !. » Ricardo résumait en disant : « Tant qu’il sera reçu d’une part et avec émotion d’autre part le tango sera le tango. » Aujourd’hui l’histoire du tango s’écrit avec ce que chacun de nous y apporte. Nous sommes les créateurs actuels de l’histoire du tango de demain dans le nord. Alors et pour que le Tango se perpétue à la fois dans la tradition et dans l’évolution, gardons nous de vouloir le saisir. Appliquons nous, à le recevoir et à le cultiver avec « La Emocion » ! Jean Minicilli – Janvier 2007 - 12/14 - ANNEXE 1 : Schéma de synthèse Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire 1890 : Naissance Carlos Gardel 1997 : « El Entrerriano » de Homero Esposito Vieille Garde Traditionaliste : F. Canaro 1903 : « El Choclo » de Angel Villoldo 1905 : « La Morocha » de Angel Villoldo 1906 : « Gran Hotel Victoria » De Carlos Pesce 1909 : « Una Noche de Garufa » de Grabriel Clausi Le tango à Paris Vieille Garde Evolutionniste : R. Firpo 1913 : « Ojos Negro » de Pedro Numa Cordoba 1916 : «La Cumparsita » est créée à Montevideo 1917 : « Mis noche triste » par Gardel/Contursi 1919 : Mort de Villoldo Tango Chanté : C. Gardel Nouvelle Garde: Julio de Caro 1921 : Naissance de Piazzolla 1922 : « Desde el Alma » (Rosita Melo) 1924 : « Recuerdo » (Pugliese) 1929 : Coup d’état de Général Uriburu. Dépression politique 1932 : « Milonga sentimentale » de Piana / Manzi 1935 : Mort de Gardel 1936 : « Milonga Triste » de Piana / Manzi 1936 à 1940 : vide créatif L’Age d’or : Rythmique, dramatique, chanté. (Evolutionnistes, Traditionalistes) Période des grands orchestres D’arienzo, Pugliese, Troilo, Calo,Gobbi, Fresedo, Di Sarli, Salgan, Piazzolla… 1941 : « El Floreo » de Pugliese 1942 : « Pecacito de cielo » 1943 : « La Yumba » de Pugliese 1944 : « Yoyo Verde » 1945 : « Porteno y Bailarin » 1947 : « Sur » 1948 : Le poète Homero Manzi réécrit la poésie de « Desde del Alma » 1953 : « A Fuego Lento » (H. Salgan) Tango Nuevo : A. Piazzolla Le tango nuevo à Paris 1957 : « Onda nueva » de Piazzolla 1959 : « Adios Nonino » 1960 : Piazzolla crée le Quinteto Tango Nuevo 1969 : « Chiquilin de bachin, balada para un loco » 1970 : « Milonga del angel, Tristeza en doble A, Tango del Angel, Café 1930, Oblivion » Tango Moderne Le tango à Paris 1982 : Le couple Elvira / Virulazo en tournée à Paris dans « tango argentino » 1989 : Ouverture « des trottoirs de Buenos Aires » à Paris. Tango Electro Fusion & Alternatif 2001 : « Ciudad triste » par J.J. Mosalini 2001 : « Toca Tango » par J. C. Caceres Influence Tango & Hip Hop 2002 : « El Tango » par Gidon Kremer Influence Tango & Jazz 2006 : « Lunatico » Gotan Project Grand Melting-pot actuel J.M. - 13/14 - ANNEXE 2 :l’histoire Principales sources Le Tango Argentin : Différents styles traversent Principales Sources : Sites Internet d’où j’ai copié collé photos et extraits : 9 9 9 9 http://www.tangolibre.qc.ca http://webplaza.pt.lu/rabe/tango/links http://www.tejastango.com http://www.todotango.com Livres et revues : 9 9 9 9 9 Tango du noir au blanc par Michel Plisson chez Actes sud La Salida + n° hors série 150 tangos traduits Tango passion du corps et de l’esprit par Nardo Zalko chez Milan Eds Tango de Jean-Luc Thomas chez Solar Invitation au tango par Pedro Lombardini Editions du Collectionneur - 14/14 -