conférence tango argentin

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conférence tango argentin
Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire
CONFÉRENCE TANGO ARGENTIN
Différents styles traversent l’histoire
SOMMAIRE
Origines et naissance du tango
La vieille garde
La nouvelle garde
L’âge d’or
L’avant-garde
Aujourd’hui
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Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire
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Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire
Origines et naissance du tango
A
ux confins du XIX et du XX siècle, l’élevage des bovins et l’invention des
bateaux frigorifiques conduisent l’Argentine et l’Uruguay vers un
développement économique sans précédent autour de l’industrie de la viande.
Buenos Aires et Montevideo sont alors des tours de Babel, le rendez-vous d’hommes
venus du monde entier. Ces villes se développent frénétiquement rejetant les
immigrants et les pauvres vers sa périphérie : dans les conventillos. Ils y inventent le
tango qui n’est autre que l’expression de leurs conditions de vie. 70% de la
population émigrante est masculine.
En 1880, Buenos Aires compte 250 000 habitants. 15 ans plus tard, la population est
multipliée par six. En 1904, 2500 conventillos abritent 140 000 personnes soit 14%
de la population urbaine.
Le poète Santos Enrique Discépolo dira plus tard : «Pour les Argentins, le tango est
un sentiment triste qui se danse. Expression profonde de l’âme populaire, à la fois
tendre et violente, cette poésie désespérée est née au début du siècle dans les basfonds de Buenos-Aires»
Cette activité économique autour de l’atlantique et de ses principaux ports provoque
un brassage culturel de sources multiples qui donneront naissance au tango sur les
rives du Rio de la Plata. Citons la contredanse européenne, la habanera cubaine, le
candombé africain, Le tango andalou… Ces danses influencent la milonga argentine,
ancêtre du tango dont l’une des premières créations, « dame la lata », attribué à
Juan Pérez, évoque l’univers des bordels.
Le Tango est une affaire d’hommes qui travaillent dans les abattoirs. Les premières
femmes qui s’y risquent sont les « Chinas Cuarteleras », prostituées venues des
provinces.
Le tango est d’abord joué d’instinct à la flûte, au violon, au tambourin et à guitare. Il
se répand hors des murs des conventillos vers les quartiers de la ville grâce à
l’orgue de Barbarie.
En 1900, après s’être cherché pendant environ 10 ans, le tango est mature. Une
période particulièrement créatrice s’ouvre à lui.
La Vieille Garde (1900-1920)
Cette période fixe les codes du tango encore en place aujourd’hui. Nous sommes
dans une époque d’euphorie économique. Les orchestres s’élargissent,
s’enregistrent avec l’invention du gramophone en 1907. Le tango joué devient un
tango écrit et non plus un tango improvisé. Entrée en scène du bandonéon. Les
orchestres se sédentarisent avec l’arrivée du piano, de la contrebasse. Le tango se
chante, s’internationalise, touche d’autres couches sociales, devient danse de salon.
Les compositions de cette époque, largement jouées encore aujourd’hui, forment le
socle du tango.
Don Juan de Ernesto Ponzio (1898),
Union Civica de Domingo Santa Cruz (1904),
La morocha de Enrique Saborido (1905),
Gran Hotel Victoria de Feliciano Latasa (1906),
Una noche de Garufa de Eduardo Arolas (1909) ...
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Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire
Un figure domine la première décennie du XX siècle : Angel Gregorio Villoldo,
Chanteur, pianiste, guitariste, journaliste, payador, (1864 – 1919) «surnommé le
père du tango » tant il est prolifique. Il signe notamment :
El Esquinazo (1902), (la sérénade)
El portenito (1903) (Le petit portègne)
Et par-dessus tout El Choclo (1903) (L’épis de maïs)
Les musiciens professionnels apportent leur technique. La vague 1910 est
particulièrement prolifique. Ses héros sont Canaro, Greco, Firpo.
En 1911 Vincente Greco puis Eduardo Arolas jouent un rôle important dans
l’introduction du bandonéon dans les orchestres de tango. Il destitue la flûte aux
accents aigues. La sonorité devient plus grave, plus lente, plus profonde. Cette date
marque le début des « Orquesta Tipica » qui suivront et évolueront jusqu’à nos jours.
Le violoniste Francisco Canaro (1888 – 1964) systématise la contrebasse dès 1917.
Il représente la tête de file du style traditionaliste. Sa carrière s’étala sur plusieurs
périodes de 1910 à sa mort.
Le pianiste Roberto Firpo, impose son instrument qui destitue la guitare. Il contribue
dès 1913 à structurer l’orchestre selon le schéma suivant : 2 bandonéons, 2 violons,
le piano et la contrebasse.
Les partitions connaissent des tirages de 30000 exemplaires, les auteurs signent
leurs productions, les orchestres s’endimanchent. Après 1907, l’industrie du disque
s’empare de cette musique et démultiplie sa diffusion auprès du grand public.
Deux morceaux emblématiques marquent les deux versant de la vieille garde : El
choclo de Villoldo (1903) et La Cumparsita de Gerardo Matos Rodriguez (1916),
repris et créé par le pianiste Roberto Firpo en 1916 au café « la Giralda » de
Montevideo.
Evénement historique : L’invention du tango chanté. Pascal Contursi (1888 – 1932)
pose une poésie sur une partition de Samuel Castriota pour donner « Mi Noche
triste » que chantera Carlos Gardel au théatre Esmeralda de Buenos Aires en 1917.
Le « tango cançion » est inventé du jour au lendemain et le succès pour Gardel est
immense. Dès lors, Carlos Gardel délaissant son répertoire de musique populaire dit
Criollo, se consacrera au tango.
Pascal Contursi écrira les paroles de la Cumparsita. Une ère poétique s’ouvre, une
ère qui connaîtra son apogée dans les années 30 – 40.
Le tango s’internationalise. La « tango mania » fait rage à Paris, dans les autres
capitales Européennes puis à New York. Dès lors, le tango n’appartient plus aux
seuls argentins.
L’invention de la radio, Le tango chanté, l’internationalisation du tango, l’ouverture
vers d’autres couches sociales et la mort de Villoldo marquent entre 1917 et 1920
une période de transition avec la période suivante dite : la nouvelle garde.
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Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire
La nouvelle garde « la Guardia Nueva »
Les deux décennies de la Guardia Nueva comportent deux périodes liés directement
à l’économie de l’argentine, une période de développent entre 1920 et 1929, une
période de marasme économique et de désillusion entre 1930 et 1939.
1920 : le tango est reconnu, distingué, enfin admis par la bonne société. Le tango
anime les bals des grandes maisons bourgeoises. Le tango subit un remodelage,
une édulcoration excluant ses références originelles des maisons closes. Le
violoniste Julio De Caro représente ce tango de salon. Les rythmes sont plus calmes,
les mélodies plus sentimentales avec peu ou pas de syncopes dérangeantes. La
musique n’est plus seulement un support à la danse mais une composition à part
entière.
La révolution decarienne.
Julio De Caro, de formation classique et musicien de jazz, invente un style
d’interprétation d’une richesse inédite. Il codifie l’architecture du tango instrumental
moderne. Chaque instrument y a un double rôle, particulier et collectif. Les solos se
succèdent entre violons et bandonéons alors que la contrebasse se charge de la
base formelle et que le piano construit ponts et ouvertures. Julio De Caro s’entoure
de musiciens qui joueront un rôle important dans les décennies suivantes, comme
Anibal Troilo, Ciriaco Ortiz, Osvaldo Fresedo. Tous savent jouer du jazz et interpréter
des duos et des quatuors de maestro permettant de mettre en valeur chaque
instrument.
Citons en 1921 la naissance de Piazzolla, la création de Desde del Alma de Rosita
Melo en 1922 et celle de Recuerdo de Pugliese, alors âgé de 18 ans en 1924. A
partir de 1925 le tango s’empare de tous les divertissements. Cabarets, cinéma. La
croissance exponentielle grâce au cinéma parlant.
La désillusion de 29
Jeudi noir de Wall Street : le 24 octobre 1929. Après avoir connu une prospérité
remarquable pendant les deux premières décennies du siècle, l’économie Argentine
sombre. On découvre que cette prospérité était factice, entièrement tributaire des
capitaux étrangers. Incapable de financer elle-même l’effort de reprise économique,
l’Argentine entre dans une période de troubles sociaux et politiques.
- 1928, 1929 : décomposition de la vie politique dans les scandales et la corruption
- septembre 1929 : Coup d’état militaire. Le général Uriburù se proclame président.
Le poète et philosophe Enrique Santos Discépolo se fait l'écho critique et acerbe des
désillusions du rêve d'immigrants pendant les années 30. Il compose
« Cambalache » où il écrit « Que el mundo fue y sera una porqueria ya lo sé ». Autre
tango des plus typiques de cette époque, son Yira Yira créé en 1930 par Gardel.
1935 : Mort de Gardel. Le contexte socio économique difficile et la disparition
tragique du chanteur plonge Buenos-Aires, l’Argentine et le tango dans un deuil
profond et de déclin du tango. La fin des années 30 est marquée par une relative
stagnation du tango. On assiste toutefois au retour de la Milonga avec des poèmes
d’Homero Manzi chantés sur des compositions de Sebastian Piana. « Milonga
sentimentale » en 1932 et « Milonga triste » en 1937.
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Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire
Juan d'Arienzo : "El Rey del Compás » (1900 - 1976).
A partir de 1934, il commence à développer un nouveau style d'interprétation qui
atteindra son apogée avec l'arrivée de Rodolfo Biagi au piano de 1935 à 1938.
L'inclusion de Rodolfo Biagi s'est traduit par un changement de tempo pour
l'orchestre de D'Arienzo, qui a remplacé le 4/8 par un 2/4 (le battement rapide des
tangos primitifs). Ce « nouveau » rythme (enjoué de surcroît) arrivait à point nommé.
Sur le plan des compositions nouvelles, le tango vit surtout sur sa seule force
d’inertie avant que surviennent les grands créateurs des années 40 lorsque la guerre
venant en Europe, l’argentine entrera dans une nouvelle phase de prospérité. Ce
sera l’âged’or du tango.
L'âge d'Or (1940-1955)
L’âge d’or du tango se développe en Argentine dans un contexte de prospérité
économique et de protectionnisme. La guerre en Europe enrichit l’Argentine qui en
devient le grenier de nourriture. Le pays doit en même temps fabriquer des produits
qui n’arrivent plus de l’étranger. Le travail abonde, les argentins ont de l’argent à
dépenser. A partir de 1946, le gouvernement Péroniste (1946 à 1955) protège les
créations nationales à coups de lois. Dopé par la prospérité économique, l’expansion
de la radio, du cinéma, de l’industrie du disque et l’arrivée de grands talents, le tango
connaît entre 1940 et 1955 la meilleure époque de son histoire, époque de diversité,
de quantité et de qualité.
Comment classifier les styles d’une période aussi riche et variée ? Et surtout selon
quel critère ?
Critère rythmique, Critère traditionaliste / Evolutionniste, Critère instrumental /
chanté, Critère Interprète / auteur, Critère de taille d’orchestre, Critère musique à
danser, à écouter
Critère de rythme
Très marqué : Juan d'Arienzo, Rodolfo Biagi, Enrique Rodriguez
Marqué : Miguel Calo, Tanturi, Angel D’Agostino
Peu appuyé : Carlos di Sarli, Osvaldo Fresedo, Anibal Troilo
Rubato : Alfredo de Angelis instrumental, Osvaldo Pugliese
Lyrique (Chanté) : Dans les années 40, 50, le chanteur est un héros. Les couples de
danseurs s’interrompent pour l’écouter avant que l’orchestre ne reprenne l’initiative.
Anibal Troilo réussit mieux que personne à intégrer comme un instrument
supplémentaire la voix du ténor ou du baryton à son orchestre.
Citons pour les principaux : Edmundo Rivero, Raul Beron, Jorge Casal, Lorge Vidal,
Fiorentino, Floreal Ruiz, Aldo Calderon, Alberto Martino, Angel Vargas, Alberto
Moran, Alberto Castillo et surtout Roberto Goyeneche…
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Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire
Traditionaliste / Evolutionniste
Les traditionalistes suivent la direction ouverte par Julio De Caro dans les années 20.
Répertoire quasi immuable composé des standards.
Canaro, D’Arienzo, Biagi avec son style bien « marcato ».
Les évolutionnistes cherchent un langage nouveau.
Anibal Troilo, Astor Piazzolla, Osvaldo Pugliese, Horacio Salgan.
Carlos Di Sarli (1903 1960)
Il se fait une spécialité de remettre en vogue d'anciens tangos et surtout d'anciennes
milongas et Vals. Ainsi il retrouve un tango oublié "A la gran muñeca" et en fait un
succès considérable. Son rythme doux et en même temps bien marqué est
particulièrement apprécié dans les milongas actuelles.
Rodolfo Biagi (1906 - 1969)
Pianiste, chef d'orchestre et compositeur, surnommé: "Mains magiques" "Manos
Brujas". Rodolfo Biagi, ayant initialement choisi le violon, se tourna très tôt vers le
piano, et accompagna dés 13 ans un film muet, sans l'accord de ses parents. A 15
ans il intègre l'orchestre de Miguel Orlando. En 1930, il enregistre avec Carlos
Gardel. Il intégra successivement les orchestres de Bautista Guido et de Canaro,
puis celui de Juan d'Arienzo. En 1938, il monte son propre orchestre, intégrant le
chanteur Teófilo Ibañez , puis Jorge Ortiz. Le style de son orchestre est lui
caractérisé par une rythmique très marquée, et des mélodies très simples. Moins
apprécié aujourd'hui à cause du rythme trop syncopé de ses tangos, ses milongas et
valses, par contre, sont toujours incontournables dans les bals, telle la célèbre
Lagrimas y Sonrisas.
Enrique Rodriguez (1901 - 1971)
Bandonéoniste, Chef d'orchestre et compositeur. Après les cinémas de quartier, la
radio et différents orchestres, il monte sa propre formation en 1936. Avec le chanteur
Armando Moreno, il connut, en duo, un énorme succès. Pour le rythme, son style
s'apparente à celui de Juan d'Arienzo. Son plus grand succès fut la valse « Tengo
mil novias ».
Angel D’Agostino 1900-1991
Pianiste et Chef d'orchestre. Angel d'Agostino forme son premier trio à 12 ans avec
son voisin Juan d'Arienzo ! En 1934, il fonde son orchestre avec Annibal Troîlo au
Bandoneon. En 1940 Angel Vargas devient le chanteur attitré de sa formation. Le
"Duo des Anges" enregistra 93 titres.
Miguel Calo (1907 - 1972)
Pianiste, chef d'orchestre et compositeur. Miguel Calo commence par étudier le
violon à l'âge de 14 ans, pour se tourner rapidement vers le Bandonéon. Il
commence comme beaucoup par le cinéma muet. Il joue dans les l'orchestres
d'Oswaldo Fresedo, Francisco Pracánico, Cátulo Castillo avant de créer le sien. En
1934, le pianiste Miguel Nijensohn intègrera sa formation. Il apporta a l'orchestre le
"legato" permettant, en liant les phrases musicales, d'associer le style traditionnel de
l'époque précédente, avec les tendances plus modernes qui allaient prévaloir dans
les années 40. Il laisse la magnifique interprétation de "Sans soucis" de Enrique
Delfino, et l'inoubliable "Al Compas del Corazon".
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Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire
Osvaldo Fresedo (1897 – 1984)
Bandonéoniste, chef d’orchestre, compositeur. Le style de Fresedo est très élégant
et melodique. Il est surnommé « El Pibe de la Parental »
Les arrangements sont souvent simples avec un tempo assez lent. Il propose des
tangos lyriques et instrumentaux. Il détient la plus longue carrière de tango avec, en
63 ans, plus de 1250 enregistrements. Ses tangos les plus célèbres sont Vida Mia,
Sollozos, Pimienta, Cuartito Azul…
Alfredo De Angelis (1912 – 1992)
Pianiste, chef d'orchestre et compositeur. Il est surnommé "El Colorado de Banfield".
Les chanteurs tiennent une place importante dans son orchestre, les plus célèbre
étant Floreal Ruiz, Julio Martel, Carlos Dante, Oscar Larroca et seront souvent
utilisés en duo. De Angelis fait partie des orchestres qui ont concentré leur intérêt sur
les danseurs. Pendant sa longue carrière (1943-1977), il composera de très beaux
tangos tels que Pastora, Pregonera ou Remolino.
Le style de De Angelis est harmonieux, mélodieux, simple, suffisamment rythmé.
Bien qu'il soit plutôt conventionnel, certains de ses titres sont immédiatement
reconnaissables. La Pavadita, notamment, fait partie de ces tangos incontournables
dans une milonga.
Ses valses, chantées ou instrumentales, sont magnifiques. Rares sont les albums tel
que Adios Marinero qui comportent autant de belles valses.
Ricardo Tanturi (1905 – 1973)
Pianiste, chef d’orchestre, compositeur. Il est surnommé « El Caballero del tango ».
Sa carrière devient déterminante en 1939 avec l’arrivée du chanteur Alberto Castillo.
Il propose une très belle version de Una Emocion en 1943 avec le chanteur Enrique
Campos. Tanturi propose un tango simple, précis et entraînant agréable à danser.
Ses compositions les plus connues sont Eso Sos Vos, Mozo Guapo, Pocas Palabras
Anibal Troilo (1914 – 1975)
Musicien, bandonéoniste, chef d'orchestre et compositeur. Anibal Troilo, surnommé
"Pichuco" par son père (prénom d'un ami proche), découvre sa vocation pour le
bandonéon à l'âge de 10 ans alors que sa mère aurait souhaité qu'il suive des études
de pharmacien. Il joue en public dès l'âge de 11 ans, se produit dans différentes
formations dont l'orchestre des "señoritas" (1927), Alfredo Gobbi puis Juan Maglio
"Pacho" (1929). Il intègre ensuite le sexteto de Elvino Vardano & Osvaldo Pugliese
(1930), la Orquesta Tipica Victor (1931), Julio de Caro (1932), ..., Angel d'Agostino
(1934), Juan d'Arienzo (1935), ...
Il écrit son premier tango en 1933, Medianoche. Il créé en 1937 sa propre formation,
Tipica Pichuco, avec Francisco Fiorentino comme chanteur. Il fait ses débuts à la
radio El Mundo en 1940 et intègre le jeune Astor Piazzolla à sa formation.
Depuis la mort de Carlos Gardel (1935) les chanteurs étaient cantonnés aux refrains,
Troilo va leur redonner une place importante dans l'orchestre. Outre l'emblématique
Fiorentino, passeront parmi beaucoup d'autres : A. Marino, F. Ruiz, R. Beron, E.
Rivero, R. Rufino, R. Goyeneche, ...
Pour "El Gordo" (Le Gros), son second surnom, tous les instruments étaient d'égale
importance, même les voix étaient considérées comme des instruments et ne
devaient en aucun cas masquer le rythme. Véritable musicien, il a su s'entourer
d'artistes de qualité, de chanteurs de renoms et des meilleurs paroliers.
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Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire
Troilo a toujours joué à l'intention des danseurs, alternant la ligne mélodique et la
ligne rythmique. Son succès auprès des milongueros a été constant et durable,
sûrement l'orchestre le plus populaire de son temps dans son pays.
Son répertoire est très riche et il a composé plus de 40 tangos dont : Barrio de
Tango, Pa'que Bailen los Muchachos, Sur, Che Bandonéon, Romance de Barrio, ...
Les tangos chantés avec Fiorentino sont très beaux et dansables (la 1ère minute est
souvent instrumentale), tout comme ses instrumentaux et ses vals.
Osvaldo Pugliese (1905 – 1995)
Pianiste, chef d'orchestre et compositeur. Osvaldo Pugliese reçoit ses premières
leçons de musique de son père, flûtiste amateur. Il entre au Conservatoire, débute
avec le violon mais lui préfère rapidement le piano. Il joue en public dès l'âge de 15
ans dans les cafés et compose à 18 ans le magnifique Recuerdo. Il participe à la
première formation à intégrer une bandonéiste, Francisca Paquita Bernardo, joue
ensuite dans l'orchestre de Roberto Firpo et en 1927 devient le pianiste de Pedro
Maffia. Avec le violoniste Elvino Vardano, il quitte P. Maffia et fait une grande tournée
à travers le pays.
Après l'échec de la tournée, il s'associe avec le violoniste Alfredo Gobbi dans une
formation où on retrouve le jeune bandonéiste Anibal Troilo. En 1934, il devient le
pianiste de Pedro Laurenz et rejoint Miguel Caló en 1936. Jusqu'en 1938, O.
Pugliese intègre des formations qui ne durent pas. Son contact auprès des chefs
Maffia et Laurenz, anciens de Julio de Caro, renforcent un peu plus l'influence de ce
dernier sur sa vision esthétique du tango.
Il monte sa propre formation en 1939 et la dirige comme une société coopérative (les
revenus sont reversés à parts égales à chaque muscien-associé) à l'instar de ses
idées politiques communistes ; il sera d'ailleurs victime de la censure et même
d'emprisonnement. A ces occasions, les autres musiciens plaçaient un œillet rouge
sur le clavier vide pour marquer son absence... Absence, Ausencia, nom de l'album
symbolique de Pugliese où on retrouve sur la pochette une rose rouge sur le clavier
du piano.
Il intègre le chanteur Roberto Chanel en 1943, puis Alberto Morán plus dramatique et
sensuel. Viendront ensuite Jorge Vidal (49/50), Jorge Maciel et Miguel Montero.
Il enregistrera ses derniers titres en 1989.
Son titre emblématique, La Yumba, est à l'origine une onomatopée à deux temps
"Yum/Ba Yum/Ba" (lire "Jum/Ba") que le chef scandait pour donner la mesure à ses
musiciens.
Sa musique, très appréciée des danseurs, est souvent reprise dans les spectacles
ou tout simplement écoutée par des mélomanes. Citons parmi beaucoup d'autres :
Recuerdo, Gallo Ciego,
Emancipation, Chiqué, ... Pugliese est considéré comme avant-gardiste, pionnier
dans l'utilisation de la syncope et du contretemps notamment avec ses titres
Negracha et Malandraca qui inspireront Astor Piazzolla.
A partir de La Yumba, les rythmes sont fortement pulsés, suggérant une marche
puissante, très enracinée, suivie de passages plus aériens lorsque la musique
devient plus mélodique où les danseurs peuvent jouer avec les ralentissements et les
suspensions.
Peu de milongas mais son interprétation de Desde el Alma est l'une des plus belles.
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Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire
Horacio Salgan 1916…
Horacio Salgan représente la dernière évolution de l’Orquesta Tipica del Tango.
Excellent pianiste, compositeur et arrangeur, ses créations sont remarquables.
Créateur avec le guitariste Ubaldo de Lio, avec lequel il joue depuis plus de 40 ans,
du mythique Quinteto Real.
Il est le compositeur de A fuego lento en 1953.
En 1955 les institutions péronistes s’effondrent. Les militaires reprennent le pouvoir.
Les manifestations populaires sont interdites obligeant la musique et la danse à de
profonds changements. A la fin des années 50, le rock et la télévision jouent contre
le tango. Une nouvelle période moins faste s’ouvre alors.
L’avant-garde
Quand le régime péroniste s'effondre et que l'armée reprend le pouvoir en 1955, le
monde du tango issu des fastes d’une période dorée subit un bouleversement.
Quantité de salles de danse ferment, nombre d'orchestres se dissolvent. Les
meilleurs orchestres de l’âge d’or réduisent leurs formations. On dénombrait plus de
600 orchestres Portègnes du temps de Peron, ils sont tout au plus une dizaine en
1976 ! Les jeunes se détournent du tango au profit du rock'n'roll ou d'autres genres
de musiques populaires. La mémoire du tango est toutefois perpétuée dans des
salles nouvellement ouvertes, les tanguerías.
Les évènements politiques provoquent un mouvement d’exode, mouvement inverse
de tous ceux qu’avait connus l’Argentine jusqu’alors. Cette nation d’immigration se
transforme en terre d’émigrants. C’est à l’étranger que le tango pourra respirer un air
de liberté.
Ce renouveau obligera en même temps le tango à renouer avec ses racines les plus
profondes. Le tango de l’exil redevient l’expression nostalgique d’un attachement à
la (seconde) patrie perdue.
Le tango de concert est la grande innovation des années soixante, il se développera
par la suite en une toute nouvelle forme qu’on appellera le tango nuevo. Le tango
n’avait jamais été une musique destinée à être véritablement écoutée. Ecrite pour
être dansée ou, par la suite pour être chantée, cette musique n’avait jamais encore
véritablement occupé à elle seule les devants de la scène. Gardel a fait passer le
tango des pieds aux lèvres, quarante ans plus tard la nouvelle génération impose le
tango à l’oreille. On s’engage dans la seule voie que le tango n’avait pas tout à fait
exploré : la musique pure. C’est Astor Piazzolla, par qui le « scandale » arrive. Il
délaisse le rythme traditionnel et le remplace par une respiration plus nuancée, il
rompt avec la continuité rythmique de chaque pièce.
Astor Piazzolla (1921-1992)
Musicien prodige, remarqué par Gardel, arrangeur de Troilo. Dans les années 50, il
se lance dans la composition d’œuvres classiques qui déconcertent. En argentine, il
est mis au ban de la société Tanguera. A l’inverse, en Europe, et notamment en
Italie, le jury du « Premio de la Critica Discográfica » lui discerne un premier prix du
meilleur disque de musique instrumentale avec la mention : « Pour la valeur des
compositions et la surprenante créativité des arrangements qui donne au tango une
dimension complètement nouvelle. »
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Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire
De retour au pays, Piazzolla enfin reconnu, fonde l'Octeto de Buenos Aires, puis le
bien nommé Quinteto Tango Nuevo en 1960. Le tango nuevo va relancer l'intérêt
pour la musique du Rio de la Plata à travers le monde. Piazzolla est l'incontestable
chef de file de ce renouveau pour lequel œuvrent également les musiciens tels que
Horacio Salgan et son Quinteto Real, Leopoldo Federico ou Eduardo Rovira et des
poètes comme Horacio Ferrer.
Horacio Salgán
Il est un des maîtres du tango de notre époque. Pianiste exceptionnel, Salgán est
l’inventeur d’un style d’interprétation et de composition qui lui ont valu une place tant
dans le courant évolutif que classique du tango. Influencé par le jazz, sa musique
témoigne que l’on peut renouveler le tango tout en s’inscrivant dans la continuation
de la tradition.
Dans les années soixante-dix, d'autres nombreux artistes se réfugient en France,
graves troubles politiques, puis dictature militaire obligent : Susana Rinaldi, Juan
Cedron, Juan José Mosalini, Juan Carlos Caceres… Ces derniers, ainsi que d'autres
chanteurs, musiciens et danseurs se produisent de 1981 à 1993 aux Trottoirs de
Buenos Aires dans le quartier des Halles : Haydée Alba, le Sexteto Mayor… C'est
aussi depuis Paris que partent en tournée mondiale des spectacles à succès tels que
Tango argentino (1983).
Melting-pot actuel
Le tango est aujourd’hui un grand melting-pot où se côtoient tout et son contraire :
En plus de l’existant déjà très riche (Canaro, D’arienzo, Di Sarli, Biagi, Calo, De
Angelis, De Caro, Fresedo, Gobbi, Tanturi, Varela, Pugliese…), les orchestres
modernes reprennent les œuvres produites pendant plus d’un siècle dans tous les
styles. Il est par exemple possible de trouver des interprétations récentes de « El
Choclo » dans des styles allant de la vieille garde jusqu’à la musique électro. Même
certains standards de jazz comme « Around Midnight » sont « tangoifiés »
notamment par Gotan project et Adrian Iaies. A l’inverse, certains tangos sont
« jazzifiés » notamment par Al Di Meola.
Les oeuvres classique comme les créations nouvelles subissent de larges influences
o Recherches des origines (Caceres)
o La tradition selon l’époque et le type de formation (Duo, Trio, Quatuor,
Sexteto, Orquesta tipica…) (Color tango, El Aranque, Los Tubatango, Los
Muchachos de Antes, Luis Rizzo Trio, Mosalini, Alfredo Marcucci….)
o Le lyrique (Julia Migenes)
o Religueuse (Misatango)
o Le Classique (Yoyoma, arttango)
o Le Populaire et univers poétique (Melingo)
o Influences culturelles (Russe, Nord africaine, finlandaise)
o Le jazz (Salinas, Daniel Binelli, Angeleri César, Adrian Iaies)
o La musique de film (Goran Bregovic, Luis Bacalov…)
o L’électro fusion et l’électro alternatif (Gotan, Carlos Libedinski… )
o Tango and Beatles !
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Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire
Tango or not tango !
Le tango montre qu’il est vivant et qu’il a su évoluer depuis ses origines et à travers
ses différents styles. Quelle serait la constante profonde qui permettrait de dire que
telle ou telle musique nouvelle est ou n’est pas « tango » ?
Le danseur et maestro Ricardo Calvo disait lors d’une conférence à Prayssac en
2005 : « 2 conditions sont nécessaires. Le Tango qu’il soit musique ou danse ne se
prend pas. Il se reçoit. Ainsi nul ne peut vraiment se l’approprier et affirmer qu’il est
ou n’est pas tango. D’ailleurs Piazzolla lui-même ne prétendait pas produire du tango
mais seulement de la musique de Buenos Aires… (qui est la ville du tango). Ensuite,
si cet art se reçoit avec « la emocion », alors peut-être qu’il s’agit de tango !. »
Ricardo résumait en disant :
« Tant qu’il sera reçu d’une part et avec émotion d’autre part le tango sera le tango. »
Aujourd’hui l’histoire du tango s’écrit avec ce que chacun de nous y apporte. Nous
sommes les créateurs actuels de l’histoire du tango de demain dans le nord. Alors et
pour que le Tango se perpétue à la fois dans la tradition et dans l’évolution, gardons
nous de vouloir le saisir. Appliquons nous, à le recevoir et à le cultiver avec « La
Emocion » !
Jean Minicilli – Janvier 2007
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ANNEXE 1 : Schéma de synthèse
Le Tango Argentin : Différents styles traversent l’histoire
1890 : Naissance Carlos Gardel
1997 : « El Entrerriano » de Homero Esposito
Vieille Garde Traditionaliste : F. Canaro
1903 : « El Choclo » de Angel Villoldo
1905 : « La Morocha » de Angel Villoldo
1906 : « Gran Hotel Victoria » De Carlos Pesce
1909 : « Una Noche de Garufa » de Grabriel Clausi
Le tango à Paris
Vieille Garde Evolutionniste : R. Firpo
1913 : « Ojos Negro » de Pedro Numa Cordoba
1916 : «La Cumparsita » est créée à Montevideo
1917 : « Mis noche triste » par Gardel/Contursi
1919 : Mort de Villoldo
Tango Chanté : C. Gardel
Nouvelle Garde: Julio de Caro
1921 : Naissance de Piazzolla
1922 : « Desde el Alma » (Rosita Melo)
1924 : « Recuerdo » (Pugliese)
1929 : Coup d’état de Général Uriburu.
Dépression politique
1932 : « Milonga sentimentale » de Piana / Manzi
1935 : Mort de Gardel
1936 : « Milonga Triste » de Piana / Manzi
1936 à 1940 : vide créatif
L’Age d’or :
Rythmique, dramatique, chanté.
(Evolutionnistes, Traditionalistes)
Période des grands orchestres
D’arienzo, Pugliese, Troilo, Calo,Gobbi,
Fresedo, Di Sarli, Salgan, Piazzolla…
1941 : « El Floreo » de Pugliese
1942 : « Pecacito de cielo »
1943 : « La Yumba » de Pugliese
1944 : « Yoyo Verde »
1945 : « Porteno y Bailarin »
1947 : « Sur »
1948 : Le poète Homero Manzi réécrit la poésie
de « Desde del Alma »
1953 : « A Fuego Lento » (H. Salgan)
Tango Nuevo : A. Piazzolla
Le tango nuevo à Paris
1957 : « Onda nueva » de Piazzolla
1959 : « Adios Nonino »
1960 : Piazzolla crée le Quinteto Tango Nuevo
1969 : « Chiquilin de bachin, balada para un loco »
1970 : « Milonga del angel, Tristeza en doble A,
Tango del Angel, Café 1930, Oblivion »
Tango Moderne
Le tango à Paris
1982 : Le couple Elvira / Virulazo en tournée à
Paris dans « tango argentino »
1989 : Ouverture « des trottoirs de Buenos
Aires » à Paris.
Tango Electro
Fusion & Alternatif
2001 : « Ciudad triste » par J.J. Mosalini
2001 : « Toca Tango » par J. C. Caceres
Influence Tango & Hip Hop 2002 : « El Tango » par Gidon Kremer
Influence Tango & Jazz
2006 : « Lunatico » Gotan Project
Grand Melting-pot actuel
J.M.
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ANNEXE
2 :l’histoire
Principales sources
Le Tango Argentin : Différents styles
traversent
Principales Sources :
Sites Internet d’où j’ai copié collé photos et extraits :
9
9
9
9
http://www.tangolibre.qc.ca
http://webplaza.pt.lu/rabe/tango/links
http://www.tejastango.com
http://www.todotango.com
Livres et revues :
9
9
9
9
9
Tango du noir au blanc par Michel Plisson chez Actes sud
La Salida + n° hors série 150 tangos traduits
Tango passion du corps et de l’esprit par Nardo Zalko chez Milan Eds
Tango de Jean-Luc Thomas chez Solar
Invitation au tango par Pedro Lombardini Editions du Collectionneur
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