Mary Ann Shadd Cary 1823-1893 - Fiducie du patrimoine ontarien

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Mary Ann Shadd Cary 1823-1893 - Fiducie du patrimoine ontarien
Mary Ann Shadd Cary 1823-1893
Le 21 février 1995, une plaque historique provinciale fut dévoilée par la Fondation du
patrimoine ontarien sur la propriété de la première église baptiste, située rue King Est, à
Chatham, en hommage à Mary Ann Shadd Cary. Le site permanent de la plaque est le centre
communautaire J.G. Taylor de Chatham.
Voici le texte de la plaque bilingue :
MARY ANN SHADD CARY 1823-1893
Les Afro-Américains arrivent au Canada en nombre croissant après l’adoption, en
1850 aux États-Unis, d’une loi sur les esclaves fugitifs. Certains s’établissent dans des
communautés ségrégées, d’autres, comme Mary Ann Shadd, préconisent la pleine
intégration dans la société. Enseignante et militante contre l’esclavage Shadd
immigre à Windsor en 1851. Elle lance le journal « Provincial Freeman » en 1853
pour encourager les personnes de race noire à accéder à l’égalité par l’éducation et
l’autonomie personnelle. Deux ans plus tard, elle déménage le journal à Chatham,
d’où il est publié jusqu’à la fin de la décennie. Devenue veuve en 1860, Shadd Cary
retourne aux États-Unis en 1863 où, à la suite de l’émancipation, elle travaille pour
l’égalité raciale. Elle serait la première femme de race noire à avoir publié un journal
nord-américain.
MARY ANN SHADD CARY 1823-1893
African Americans came to Canada in increasing numbers after the United States
passed the Fugitive Slave Act in 1850. Some settled in segregated communities:
others, like Mary Ann Shadd, promoted full integration into society. A teacher and
anti-slavery crusader, Shadd immigrated to Windsor in 1851. She started the
“Provincial Freeman” in 1853 to encourage Blacks to seek equality through
education and self-reliance. Two years later she moved to the newspaper to
Chatham, where it operated for the rest of the decade. Widowed in 1860, Shadd
Cary returned to the U.S. in 1863 to work for racial equality in the aftermath of
emancipation. She was the first Black woman known to have edited a North
American newspaper.
Mary Ann Shadd Cary 1823-1893
Plaques du mois à l’honneur, février 2002
Historique
Mary Ann Camberton Shadd est née à Wilmington, dans le Delaware, le 9 octobre 1823. Elle
était l’aînée des treize enfants de Harriet et Abraham Shadd. Sa famille était composée de Noirs
libres, même si le Delaware restait un état esclavagiste. En 1833, la famille Shadd déménagea à
West Chester, en Pennsylvanie, probablement parce qu’il n’existait d’établissements éducatifs
au Delaware pour les enfants de couleur. À l’âge de dix ans, Mary Ann commença à fréquenter
une école quaker à West Chester. Outre l’enseignement normal, les Quakers mettaient
l’accent sur la solidarité universelle des êtres humains, l’importance de l’éducation et le
caractère ignoble de l’esclavage. Les femmes quakers, qui participaient sur un pied d’égalité avec
les hommes aux débats intellectuels et politiques, offrirent un exemple impressionnant à la
jeune Mary Ann. À l’âge de seize ans, Mary Ann Shadd avait terminé son éducation à West
Chester. Elle retourna à Wilmington pour ouvrir une école pour les Noirs. Son père était
devenu un membre actif de l’American Moral Reform Society, dont le mandat incluait, entre
autres, l’abolition de l’esclavage et l’acceptation du concept de solidarité universelle des êtres
humains, concept qui était diamétralement opposé à celui d’identités raciales individuelles. Il est
clair que les convictions de son père et son éducation quaker ont profondément influencé les
idées et les activités de Mary Ann Shadd.
En janvier 1849, répondant à une demande de suggestions pour améliorer les conditions de vie
des Noirs dans le Nord, Mary Ann Shadd écrivit une longue lettre à Frederick Douglass, qui
était célèbre pour ses vues concernant l’abolition de l’esclavage. Elle insistait sur l’importance
de l’éducation mais, chose plus controversée, elle critiquait les congrès et discussions
perpétuels de la Reform Society (« Nous devrions agir davantage et parler moins ») et exprimait
ses frustrations à propos d’un clergé qui transformait « la superstition en vraie religion ». Aux
alentours de la même période, elle publia une brochure intitulée Hints to the Coloured People of
the North, dans laquelle elle prétendait que l’assimilation était le meilleur chemin de la liberté et
de l’égalité. Les écrits de Mary Ann Shadd dans la presse anti-esclavagiste en firent rapidement
un personnage quelque peu controversé.
En 1850, le Congrès des États-Unis adopta la Fugitive Slave Act, soit une loi visant à réduire les
tensions entre le Nord et le Sud. Cependant, cette loi servit aussi à renforcer le système
esclavagiste, car elle préconisait que les marshals fédéraux aident à renvoyer les esclaves qui
s’étaient échappés à leurs anciens maîtres. En fait, toute personne dont la peau était noire
(légalement libre ou non) risquait d’être accusée de s’être échappée et d’être envoyée dans un
état esclavagiste. Cette loi poussa de nombreux Afro-américains à venir se réfugier au Canada.
Lors d’un congrès sur l’émigration noire, organisé à Toronto, en septembre 1851, Mary Ann
Shadd rencontra plusieurs personnages influents, comme Henry Bibb, un célèbre conférencier
et le rédacteur en chef du journal anti-esclavagiste Voice of the Fugitive. Mme Shadd décida de
rester au Canada et déménagea peu après à Windsor où les Noirs de la localité l’invitèrent à
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ouvrir une école. Cette école ouvrit ses portes plus tard à l’automne, dans d’anciennes
casernes qui abritaient de nombreux Noirs défavorisés de la région. Mary Ann Shadd contacta
l’American Missionary Society pour obtenir son soutien financier, en insistant clairement dans sa
demande sur le fait que la promotion d’une éducation ségrégée ne représentait pas son
objectif :
En réponse à votre lettre du 4 novembre, je vous implore de ne pas considérer es efforts
comme une tentative d’instauration de l’esprit de castre. Je suis radicalement opposée à pareille
chose, dans toute circonstance. Je considère toute tentative visant à obtenir le soutien de votre
société pour un projet de ce type, un acte répréhensible.
Ce dédain pour la ségrégation, éducative, communautaire ou autre, représentait le principe
fondamental des convictions politiques et morales de Mme Shadd. L’Association accepta de lui
verser 125 $ par an pour le fonctionnement de son école (la moitié de ce qu’elle avait
demandé). Au début de l’année 1852, l’école de Mary Ann Shadd comptait vingt-trois enfants
durant la journée et dix adultes le soir.
L’opposition à Mme Shadd et à ses convictions profondes commença à se manifester dans la
région de Windsor, sous l’égide de Henry Bibb et de son épouse Mary. Ils comptaient parmi les
représentants locaux de la Refugee Home Society (RHS). Créée en 1852, cette société était un
regroupement de deux groupes anti-esclavagistes, un canadien et l’autre basé au Michigan. La
RHS avait pour mission de créer une autre communauté noire dans la région de Windsor en
achetant 50 000 acres de terres et en revendant des parcelles de 25 acres aux réfugiés. Le
journal de M. Bibb, Voice of the Fugitive, était le porte-parole officiel de la société. Mme Shadd
était en désaccord avec la RHS sur plusieurs points. Elle prétendait que la société forçait les
Noirs à mendier pour recevoir la charité des Blancs affluents, et qu’en promouvant la
ségrégation des communautés, écoles et églises, la société renforçait le racisme et la méfiance.
Henry Bibb usa de son influence dans les cercles anti-esclavagistes pour discréditer les idées de
Mme Shadd et il la critiqua ouvertement dans son journal. Elle riposta en publiant un certain
nombre d’articles anonymes dans un journal moins connu, le Western Evangelist. Au début du
mois de décembre 1852, Mme Shadd organisa une réunion des résidents de Windsor, afin de
créer un journal qui reflèterait sa propre idéologie politique et contrerait les idées de Henry
Bibb. Abraham Shadd, qui vivait maintenant à Windsor, s’attacha à obtenir un soutien pour ce
journal aux États-Unis.
Au début de 1853, la lutte entre M. Bibb et Mme Shadd était devenue extrêmement amère.
Compte tenu de l’influence de M. Bibb, l’American Missionary Association retira son soutien à
l’école de Mme Shadd, école qui ferma ses portes le 23 mars 1853. Le lendemain, le premier
numéro du Provincial Freeman parut. Samuel Ward (un conférencier anti-esclavagiste célèbre) en
était le rédacteur en chef. Cependant, l’influence de Mme Shadd était manifeste, comme en
témoignait un message imprimé juste en dessous du bloc-générique : « Les lettres doivent être
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envoyées, affranchies, à l’attention de Mary A. Shadd, Windsor, Canada Ouest. » Le numéro de
quatre pages contenait des articles, des essais, de la poésie, de la prose et des lettres. Le journal
promettait d’être impartial et réimprima donc des lettres de Samuel Ward et du pasteur
Charles Foote, agent en chef de la Refugee Home Society, publiant ainsi les deux points de vue
sur la RHS. Mme Shadd travailla sans relâche pour le Freeman, dressant une liste d’abonnés et
d’agents itinérants dans tout le Canada et aux États-Unis. Elle décida de suivre les conseils qui
lui avaient été donnés initialement et transféra le journal de Windsor à Toronto, ville où la
population noire était mieux éduquée.
En 1854, le journal de M. Bibb avait disparu. Par conséquent, le Provincial Freeman était le seul
journal noir au Canada. Mme Shadd constitua la Provincial Freeman Association et vendit des
actions par le biais de la société pour financer le journal. Le deuxième numéro fut publié le 25
mars 1854. Tout le monde savait bien que Mme Shadd était de facto l’éminence grise du journal.
Cependant, elle choisit de masquer le contrôle qu'elle exerçait en utilisant des termes collectifs
comme les « propriétaires » et « notre journal ». Ses éditoriaux et articles étaient identifiés à
l’aide d’un astérisque. Ce journal, qui préconisait l’abolition de l’esclavage, favorisait l’émigration
et appuyait le mouvement pour la sobriété, servait également de tribune aux droits de la femme
et réimprimait des articles écrits par des féministes de l’époque comme Jane Swisshelm et
Fanny Fern.
La communauté noire de Toronto ne manifesta pas envers le Provincial Freeman l’enthousiasme
espéré. Le problème, selon Mme Shadd, provenait de ses éditoriaux et de ses idées non
conventionnelles sur le rôle des sexes. Elle abandonna son poste de rédactrice de facto et, le 30
juin 1855, William P. Newman, un pasteur baptiste de Toronto, en devint le nouveau rédacteur.
Cependant, Mary Ann Shadd continua de tenir les rênes. Elle décida de transférer le journal à
Chatham, ville dans laquelle les Noirs représentaient 25 % de la population. La publication du
journal fut suspendue pendant environ trois mois, durant le déménagement de l’équipement
dans l’immeuble Charity’s Brick, situé sur la rue King Est, à Chatham. M. Newman resta à
Toronto en tant que rédacteur et Mme Shadd garda son titre officiel d’agente. Elle n’écrivit plus
d’éditoriaux, mais exprima ses vues sous forme de « lettres à la rédaction ».
Mary Ann Shadd déploya des efforts inlassables pour assurer la survie du journal. Elle entama
une tournée à la fin de 1855 pour trouver des fonds dans tout le Canada Ouest et dans la
partie nord des États-Unis. Son absence semble avoir créé une grande instabilité au sein du
personnel du journal et on assista à de nombreux départs et arrivées à ce moment-là. En
janvier 1856, Mary Ann épousa Thomas F. Cary de Toronto. Ils se connaissaient depuis déjà
plusieurs années. M. Cary était le propriétaire d’une boutique de coiffure. Il était également
associé dans une affaire de glace. Il était un des premiers investisseurs du Provincial Freeman. De
douze ans son aîné, il avait trois enfants d’un premier mariage. En février, le titre de propriété
du journal passa de Mary Ann à son frère Isaac et à eux autres Afro-Américains, H. Ford
Douglass et Louis Patterson. Cette décision était probablement motivée sur le plan financier.
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Lorsque Mme Shadd Cary revint après une tournée de conférences au printemps 1856, elle, H.
Ford Douglass et Isaac Shadd étaient tous trois mentionnés comme rédacteurs du journal.
Deux hommes de couleur connus s’associèrent au Freeman à cette époque. Martin Delany, un
ardent défenseur de l’émigration, de Pittsburgh, qui vivait à Chatham, commença à écrire des
articles. Osborne Perry Anderson commença comme agent des abonnements avant de devenir
imprimeur. Mme Shadd Cary, qui avait retrouvé ses fonctions de rédactrice, s’attaqua à ses
anciens et nouveaux ennemis. Elle écrivit des articles contre l’élection du président américain
James Buchanan; elle s’éleva contre la tournée dans tout le Canada de Harriet Beecher Stowe,
l’auteure de La Case de l’Oncle Tom. Une fois de plus, elle accusa la Refugee Home Association de
corruption.
En 1857, la publication du journal était devenue erratique. Il semblerait qu’il n’ait été publié que
deux fois par mois, du moins pendant une partie de 1858. En novembre 1860, Thomas Cary
mourut. Mary Ann était enceinte de son deuxième enfant. Le fait qu’elle devait élever seule cinq
enfants ne lui laissait guère de temps pour sauver le Freeman.
En décembre 1863, Martin Delaney offrit à Mary Ann Shadd un emploi. Il s’agissait de recruter
des Noirs pour l’armée de l’Union. Elle travailla tout d’abord dans le Connecticut, puis plus tard
en Indiana. Compte tenu de l’abolition de l’esclavage à la fin de la guerre, Mme Shadd Cary décida
de retourner aux États-Unis et d’œuvrer à l’amélioration de l’éducation des personnes de sa
race. En 1868, elle obtint un brevet d’enseignement à Détroit. L’année suivante, elle vint
s’établir avec sa famille à Washington, D.C., où elle entama une carrière d’enseignante. À l’âge
de 46 ans, elle s’inscrivit à la faculté de droit de l’université Howard. Bien que l’on trouve son
nom parmi la classe de 1871-1872, elle n’obtint son baccalauréat en droit qu’en 1881. Quatre
ans plus tard, Mary Ann Shadd donna sa démission d’enseignante pour entamer sa carrière de
juriste, profession qu’elle exerça jusqu’à sa mort, le 5 juin 1893.
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