Extrait PDF - Le Polygraphe
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Maryz Courberand La Phrase cent pièges Illustrations : Pascal Jousselin Le Polygraphe, éditeur phrase-cent.pmd 3 19/04/2006, 16:18 6 phrase-cent.pmd 6 19/04/2006, 16:18 « Une langue demeure identique tant que sa structure est identique, et alors même qu’elle est l’objet d’usages différents. » Louis Hjelmslev, le Langage, 1966. Les pièges de la communication se cachent dans la phrase On a tous un jour ou l’autre à écrire : une lettre de motivation, un compte rendu de réunion, un rapport de stage… Alors commence l’angoisse. Non pas l’angoisse de la page blanche de l’écrivain, la panne d’imagination, mais l’angoisse de « mal écrire ». Et les idées reçues de jaillir : « Je n’ai jamais été bon en français », « je suis un matheux, pas un littéraire », « je fais des fautes », « je suis nul en orthographe »… Or il ne s’agit pas de « bien écrire » comme le font les gens de lettres, mais de bien communiquer, de transmettre un message et de se faire comprendre. Et les obstacles à la communication écrite ne sont pas forcément l’orthographe, les accords ou le style car, après tout, si vous avez recours à un correcteur, il les franchira sans peine. Mais s’il ne comprend pas une phrase, il ne pourra pas la corriger. Les pièges de la communication se cachent dans la phrase : ce sont prioritairement l’ambiguïté, le quiproquo et l’incompréhension. phrase-cent.pmd 7 19/04/2006, 16:18 7 Le plus souvent, ces pièges sont dus à un défaut de lien entre les mots : un excès de lien, une erreur de lien ou une absence de lien. Cet ouvrage, qui se veut autant ludique que pédagogique, donne des exemples de phrases ambiguës, incompréhensibles et de quiproquos, ainsi que des propositions de réécriture. Ses rubriques variées (« Astuces », « Règles », « Exercices », « Jargon », « Brillez en société »…) répondent à la curiosité de tous, quels que soient l’âge, le niveau scolaire et les besoins de chacun. Maryz Courberand 8 phrase-cent.pmd 8 19/04/2006, 16:18 L’ambiguïté ou l’excès de lien Dans une phrase, quand un mot se rapporte à plusieurs termes qui n’ont rien à voir ensemble, cela provoque une ambiguïté. Exemple : « Le prévenu avoue à son avocat qu’il a tué sa femme. » Cette phrase est ambiguë, car « sa » peut être relié à « prévenu » ou à « avocat ». La phrase prend donc deux sens possibles. Le lecteur ne sait lequel choisir. Et la communication est grippée : il y a un excès de lien entre « sa » et les mots de la phrase. En français, certains mots provoquent facilement ce genre d’ambiguïté : son, sa, il, leur, lui, la, les, etc. – principalement les représentants de la troisième personne. Pour lever ces ambiguïtés, il suffit de faire relire son texte par un œil attentif qui les repérera, car le rédacteur est souvent mal placé pour les voir : il manque de recul. Mais si vous n’avez pas d’« œil de lynx » sous la main, voici quelques astuces pour éviter ces pièges. phrase-cent.pmd 9 19/04/2006, 16:18 9 L’ AMBIGUÏTÉ , OU L ’ EXCÈS DE LIEN Les pronoms personnels sujets de 3e personne : il(s) et elle(s) Si vous écrivez… « Caty m’a montré sa nouvelle moto. Elle est bien carrossée. » … on comprendra que Caty est à votre goût, mais qu’en est-il de sa moto ? En effet, elle se rapporte prioritairement à « Caty », sujet de la phrase précédente, et non pas à « sa nouvelle moto ». Donc, si vous voulez décrire la moto… Écrivez plutôt 10 • « Caty m’a montré sa nouvelle moto, qui est bien carrossée. » • Ou : « Caty m’a montré sa nouvelle moto. Celle-ci est bien carrossée. » • Ou : « Caty m’a montré sa nouvelle moto. Cette dernière est bien carrossée. » Attention ! N’abusez pas de celui-ci ni de ce dernier. Dans la phrase « Caty m’a montré son nouveau Scooter. Celuici est génial ! », celui-ci est inutile ; on pourrait écrire, sans équivoque : « Caty m’a montré son nouveau Scooter. Il est génial ! », puisque il ne peut se rapporter qu’à « Scooter ». Règle Si votre phrase commence par il(s) ou elle(s), ces pronoms sujets de 3e personne doivent prioritairement représenter le sujet de la phrase précédente, de même personne et de même nombre. phrase-cent.pmd 10 19/04/2006, 16:18 L’ AMBIGUÏTÉ , OU L ’ EXCÈS DE LIEN Exercice Réécrivez les phrases suivantes pour leur donner un autre sens. 1. Les douaniers ont fouillé tous mes bagages. Ils sont complètement dérangés. 2. Les électeurs ont voté pour les socialistes. Ils étaient pourtant très divisés. Lu çà et là « M. Dumont a été élu à la tête du parti. Il devrait subir un lifting cette année. » 11 Jargon Les pronoms personnels sujets de 3e personne Il(s) et elle(s) sont appelés « pronoms personnels sujets », car ils occupent toujours la fonction de sujet dans une phrase. Ils sont dits de 3e personne. 1. « Les douaniers ont fouillé tous mes bagages. Ceux-ci sont complètement dérangés. » 2. « Les électeurs ont voté pour les socialistes. Ces derniers étaient pourtant très divisés. » Propositions de réécriture phrase-cent.pmd 11 19/04/2006, 16:18 L’ AMBIGUÏTÉ , OU L ’ EXCÈS DE LIEN Les pronoms personnels objets directs de 3e personne : le, la, l’ et les Si vous écrivez… « Paul a acheté une maison à sa femme. Il l’a visitée et l’a trouvée spacieuse. » … on pensera que vous vous lancez dans le roman pornographique. En effet, les deux l’ peuvent représenter indifféremment « une maison » ou « sa femme ». Seule une réécriture de la phrase peut lever cette ambiguïté. Écrivez plutôt 12 • « Paul a acheté une maison à sa femme. Il a visité cette maison et l’a trouvée spacieuse. » • Ou : « Paul a acheté à sa femme une maison, qu’il a visitée et trouvée spacieuse. » Exercice Réécrivez les phrases suivantes pour lever l’ambiguïté. 1. Mon patron a lancé un nouveau produit. Je le trouve très puissant. 2. L’agent a demandé au voyageur de lui remettre son bagage. Il l’a détruit. 1. « Mon patron a lancé un nouveau produit. Je trouve celui-ci très puissant. » Si vous trouvez que votre patron est puissant, ne changez rien à la phrase. 2. « L’agent a demandé au voyageur de lui remettre son bagage, qu’il a détruit. » Si l’agent a « détruit » le voyageur, il faut alors écrire : « L’agent a demandé son bagage au voyageur, qu’il a détruit. » Propositions de réécriture phrase-cent.pmd 12 19/04/2006, 16:18 L’ AMBIGUÏTÉ , OU L ’ EXCÈS DE LIEN Brillez en société « Cher ami, vos antécédents sont équivoques. Vous en devenez abscons ! » Le mot (ou groupe de mots) auquel se rapporte un pronom, auquel il fait référence ou qu’il représente, est appelé son « antécédent ». L’antécédent d’un pronom doit être clairement identifiable, sinon votre discours devient obscur. Lu çà et là « La comptable est partie avec la caisse. La police la recherche depuis trois jours. » Jargon 13 Les pronoms personnels objets directs de 3e personne Le, la, l’ et les sont appelés « pronoms personnels objets directs », car ils occupent toujours la fonction d’objet direct dans une phrase. Ils sont dits de 3e personne. phrase-cent.pmd 13 19/04/2006, 16:18 L’ AMBIGUÏTÉ , OU L ’ EXCÈS DE LIEN Les pronoms personnels objets indirects de 3e personne : lui et leur Si vous écrivez… « Je promenais mon chien avec mon voisin quand je lui ai déclaré ma flamme. » … vous serez suspecté d’une inclination pour nos amies les bêtes. En effet, le pronom lui peut se rapporter à « mon chien » ou à « mon voisin ». Certes, il est rare de déclarer sa flamme à un chien. Le contexte lève donc l’ambiguïté. Mais il vaut mieux éviter ce genre de construction qui peut prêter à confusion. 14 Écrivez plutôt « Je promenais mon chien avec mon voisin, à qui j’ai alors déclaré ma flamme. » Jargon Les pronoms personnels objets indirects de 3e personne Lui et leur sont appelés « pronoms personnels objets indirects », car ils occupent toujours la fonction d’objet indirect dans une phrase. Ils sont dits de 3e personne. phrase-cent.pmd 14 19/04/2006, 16:18 phrase-cent.pmd 15 19/04/2006, 16:18 Propositions de réécriture 1. « Mes voisins viennent dîner avec leurs enfants, à qui je vais préparer de la purée et du jambon. » Si c’est purée pour tout le monde, écrivez plutôt : « Je vais préparer de la purée et du jambon. » Si d’aventure c’est purée pour les parents, vous pouvez toujours écrire : « À ceux-là, je vais préparer de la purée et du jambon, et à ceux-ci du poisson pané » (par exemple), ceux-ci représentant « les enfants » (voir p. 20). 2. « Les conseillers municipaux ont reçu les sans-abri, à qui la Mairie va attribuer un logement. » Sinon, la phrase signifie plutôt que la Mairie attribuera un logement aux conseillers. 1. Leur, pronom personnel, ne prend jamais de « s » : « Je leur demande de se taire. » 2. Leur(s), déterminant possessif (voir p. 18), peut se mettre au pluriel : « Ils viennent avec leur voiture, leur chien et leurs enfants. » 15 Attention ! Il ne faut pas confondre leur(s) et leur. Réécrivez les phrases suivantes pour lever l’ambiguïté. 1. Mes voisins viennent dîner avec leurs enfants. Je vais leur préparer de la purée et du jambon. 2. Les conseillers municipaux ont reçu les sansabri. La Mairie va leur attribuer un logement. Exercice L’ AMBIGUÏTÉ , OU L ’ EXCÈS DE LIEN L’ AMBIGUÏTÉ , OU L ’ EXCÈS DE LIEN 17 phrase-cent.pmd 17 19/04/2006, 16:18 Le quiproquo ou l’erreur de lien Si le lecteur comprend autre chose que ce que le rédacteur du texte a voulu dire, voire le contraire, il y a quiproquo. Exemple : « Catholiques, les habitants vivaient dans la pauvreté. » Cette phrase peut provoquer un quiproquo : si le rédacteur voulait seulement qualifier « les habitants » de catholiques, le lecteur, lui, peut voir un lien de cause à effet entre le fait d’être catholique et le fait d’être pauvre. Il comprendra que c’est parce qu’ils sont catholiques que les habitants sont pauvres. Le lecteur et le rédacteur n’ont pas la même interprétation de la phrase. Ils relient les mots différemment. La communication est faussée. Ce genre de quiproquo est souvent dû au fait que le rédacteur, en voulant « faire du style », construit de trop longues phrases, ou exprime plusieurs idées dans la même phrase, ou encore fait l’économie de certains termes. Faire relire son texte par quelqu’un, devant soi et à voix haute est un bon moyen de mettre en évidence ces malentendus. Quand cela n’est pas possible, il reste à découvrir quelques petites règles élémentaires que voici. phrase-cent.pmd 25 19/04/2006, 16:18 25 LE QUIPROQUO , OU L ’ ERREUR DE LIEN Le participe passé employé comme épithète détachée Si vous écrivez… « Attiré par la médecine, j’ai fait des études de droit. » … vous passerez pour quelqu’un d’incohérent. En effet, mis en tête de phrase, « attiré par la médecine » peut être senti comme la cause de l’idée exprimée par « j’ai fait des études de droit » : c’est parce que vous étiez attiré par la médecine que vous avez fait des études de droit. Curieux… Écrivez plutôt 26 • « Bien qu’attiré par la médecine, j’ai fait des études de droit. » • Ou : « Attiré par la médecine, j’ai pourtant fait des études de droit. » Astuce. Une seule idée par phrase. N’essayez pas d’exprimer plusieurs idées dans la même phrase, car elles peuvent se télescoper malgré vous. Jargon Le participe passé « Attiré » est une forme du verbe « attirer » : son participe passé. Il s’emploie dans les temps composés (« j’ai attiré son attention ») et au passif (« la souris est attirée par le fromage »), mais aussi en tant qu’adjectif (« attiré par son parfum, je l’ai suivie »). phrase-cent.pmd 26 19/04/2006, 16:18 LE QUIPROQUO , OU L ’ ERREUR DE LIEN Exercice Réécrivez les phrases suivantes. 1. Né dans une famille de trois enfants, j’avais un chien qui s’appelait Médor. 2. Situé dans le jardin du Luxembourg, le Sénat est composé de 331 sénateurs. 3. Connue dans le monde entier, la tour Eiffel s’élève à plus de 320 m. Brillez en société « Ne détachez pas vos épithètes, ça ne vous va pas du tout. » Dans la phrase citée en exemple, le participe passé « attiré » est employé comme un adjectif épithète se rapportant au sujet de la phrase : je (j’). L’épithète « attiré » est dite « détachée », car placée en tête de phrase et séparée du sujet par une virgule. Souvent, l’idée exprimée par l’épithète détachée est en relation de cause, temps, concession, etc. avec l’idée exprimée par la phrase. Cette épithète peut être un participe passé, un participe présent (voir p. 28) ou un adjectif : « Serviable, elle m’aida à porter mon sac. » 27 1. « Je suis né dans une famille de trois enfants. J’avais un chien qui s’appelait Médor. » 2. « Le Sénat est situé dans le jardin du Luxembourg. Il est composé de 331 sénateurs. » 3. « La tour Eiffel s’élève à plus de 320 m. Elle est connue dans le monde entier. » Propositions de réécriture phrase-cent.pmd 27 19/04/2006, 16:18 LE QUIPROQUO , OU L ’ ERREUR DE LIEN Le participe présent employé comme épithète détachée Si vous écrivez… « Possédant un doctorat en biologie, j’ai une grande capacité d’écoute. » … on pensera que la biologie augmente l’acuité auditive. En effet, « possédant un doctorat en biologie » ainsi détaché en tête de phrase peut être senti comme la cause de l’idée exprimée par « j’ai une grande capacité d’écoute ». Bizarre… Écrivez plutôt 28 • « Je suis docteur en biologie et je possède une grande capacité d’écoute. » • Ou, mieux : « Je suis docteur en biologie. Je possède une grande capacité d’écoute. » Astuce. Faites des phrases courtes. Ne tentez pas le diable en faisant de longues phrases dans lesquelles les idées entrent parfois dans de curieuses relations. Une phrase est plus claire si elle présente une unité de sens. Jargon Épithète et attribut Ce sont des fonctions de l’adjectif (ou du participe). Un adjectif a la fonction d’épithète quand il se rapporte directement à un nom, sans l’intermédiaire d’un verbe : « Une société anonyme. » Si un verbe sert d’intermédiaire, alors l’adjectif a une fonction d’attribut : « Cette société est anonyme. » phrase-cent.pmd 28 19/04/2006, 16:18 LE QUIPROQUO , OU L ’ ERREUR DE LIEN Exercice Réécrivez les phrases suivantes. 1. Demeurant à Paris, j’ai fait toutes mes études à Lyon. 2. Étant père de trois enfants, je cherche un emploi de gardien. Lu çà et là « Disposant de beaucoup de gibier, la Pologne est une destination très accessible en voiture. » Jargon Le participe présent employé comme épithète détachée « Possédant » est une forme du verbe « posséder » appelée « participe présent ». Dans cet exemple, « possédant » est employé comme un adjectif épithète se rapportant au sujet je (j’). Cette épithète est dite « détachée » car elle est placée en tête de phrase et séparée du sujet par une virgule. 1. « Je demeurais à Paris, mais j’ai fait toutes mes études à Lyon. » Ou, selon le sens voulu : « J’ai fait toutes mes études à Lyon et je demeure actuellement à Paris. » 2. « Je cherche un emploi de gardien. Je suis père de trois enfants. » Propositions de réécriture phrase-cent.pmd 29 19/04/2006, 16:18 29 LE QUIPROQUO , OU L ’ ERREUR DE LIEN Intermède L’usage, la règle et le sentiment de la langue 30 phrase-cent.pmd Des phrases construites avec une épithète détachée telles que « Connue dans le monde entier, la tour Eiffel s’élève à plus de 320 m » ne sont pas toujours senties comme des quiproquos. Le lien de cause à effet entre la notoriété de l’édifice et sa hauteur n’est pas évident pour tous les lecteurs. Pourquoi l’estil pour certains et pas pour d’autres ? En fait, c’est une question d’usage, de règle et de sentiment linguistique. Selon Maurice Grevisse et André Goosse, auteurs de la fameuse grammaire le Bon Usage, « l’épithète détachée est employée dans des contextes où il y a, entre l’idée exprimée par cette épithète et l’idée exprimée par le verbe, une relation, selon les cas, de temps, de cause, de concession, de condition ». C’est donc une question d’usage : on use de cette construction pour exprimer ce genre de relation. Toujours selon le Bon Usage, certains grammairiens ont voulu réglementer cet usage en interdisant « que l’on mette en tête de phrase une épithète détachée qui n’exprimerait pas la cause ». Ils ont donc voulu restreindre l’usage de cette construction à l’expression de la seule relation de cause entre l’épithète et l’idée exprimée par la phrase. C’était aller contre l’usage, car il existe de nombreux cas où cette relation de cause n’existe pas ; parfois même, la relation, quelle qu’elle soit, est très ténue. Ainsi dans les phrases : « Assis par terre, j’attendais le bus », « Pensif, il regardait les nuages par la fenêtre », « Marchant d’un pas léger, il m’adressa tout à coup la parole », etc. On ne peut donc pas édicter de règle stricte. C’est au rédacteur et au lecteur d’accorder, s’ils le peuvent, leur « sentiment linguistique » : la façon dont ils ressentent ce genre de phrases. 30 19/04/2006, 16:18 LE QUIPROQUO , OU L ’ ERREUR DE LIEN 31 phrase-cent.pmd 31 19/04/2006, 16:18 LE QUIPROQUO , OU L ’ ERREUR DE LIEN Le pronom « en » Si vous écrivez… « Je suis enfin sorti de ma dépression et j’espère que vous en sortirez aussi. » … vous souhaitez à votre interlocuteur de sortir de... votre propre dépression ! En effet, en remplace « de ma dépression ». Écrivez plutôt « Je suis enfin sorti de ma dépression et j’espère que vous sortirez aussi de la vôtre. » Astuce. Remplacez en. 32 Quand vous utilisez en dans une phrase, relisez-la en lui substituant ce qu’il remplace. Si la phrase n’est plus cohérente avec votre propos, il vaut mieux la réécrire. Jargon Les pronoms en et y En est un pronom. Il peut donc remplacer un nom (ou un groupe de mots). Ce nom est généralement introduit par de ou des. Exemple : « Ce chien est méchant, méfiez-vous-en » signifie « Ce chien est méchant, méfiez-vous de ce chien. » En remplace « de ce chien ». En est souvent associé au pronom y qui remplace un nom introduit par à, dans, chez… Exemple : « Vas-tu à l’école ? – Oui, j’y vais », y remplaçant « à l’école ». phrase-cent.pmd 32 19/04/2006, 16:18 LE QUIPROQUO , OU L ’ ERREUR DE LIEN Exercice Réécrivez la phrase suivante. • « Je suis ravi de vous avoir rencontré et vous en souhaite tout autant. » Lu çà et là « Tout le monde en cuisine ! » Ce titre d’article joue sur l’homonymie entre « en » pronom et « en » préposition, qui veut dire « dans ». Signifie-t-il « tout le monde dans la cuisine » ou « tout le monde cuisine des choux, des carottes, des navets, etc. » ? Le contenu de l’article le dira. Brillez en société « Saviez-vous qu’il existe des pronoms adverbiaux ? » Le pronom en viendrait d’un adverbe latin inde, qui signifiait « de là ». Le pronom y viendrait lui aussi d’un adverbe latin. D’où leur qualification, par certains grammairiens, de « pronoms adverbiaux ». • « Je suis ravi de vous avoir rencontré et j’espère que, vous aussi, vous êtes ravi de cette rencontre. » Proposition de réécriture phrase-cent.pmd 33 19/04/2006, 16:18 33 L’ INCOMPRÉHENSION , OU L ’ ABSENCE DE LIEN Intermède Attention, ellipse ! En grammaire, on appelle « ellipse » le fait d’omettre certains termes d’une phrase en principe nécessaires à sa « bonne construction ». Mais il y a ellipse et ellipse. 54 1. Volontaire, l’ellipse donne un style à la phrase, un rythme, va à l’économie. Elle est très fréquente et ne gêne pas la compréhension du texte. C’est une sorte de sous-entendu que le lecteur devine aisément par la situation ou par le contexte de la phrase. Exemples : • « À bon chat, bon rat. » (À tout bon chat correspond un bon rat.) • « Avec ou sans toi. » (Avec toi ou sans toi.) • « Je t’aime. – Moi aussi. » (Moi aussi, je t’aime.) 2. Bien que volontaire, l’ellipse oblige parfois le lecteur à faire quelques efforts pour deviner le sous-entendu du rédacteur. C’est notamment le cas des phrases commençant par une énumération, très fréquentes dans les titres d’articles de presse (voir aussi p. 53). Exemples : • « Expositions, spectacles, films… Un musée vraiment pas comme les autres. » • « Marianne l’indomptable, l’intime, l’éternelle… On a tous un souvenir d’elle. » 3. Involontaire, l’ellipse devient parfois un obstacle à la communication. Elle force le lecteur à faire preuve d’imagination pour comprendre ce que le rédacteur a voulu dire. Exemple : • « Hormis la naissance de ma sœur, ma vie s’écoulait tranquillement. » phrase-cent.pmd 54 19/04/2006, 16:18 L’ INCOMPRÉHENSION , OU L ’ ABSENCE DE LIEN 55 phrase-cent.pmd 55 19/04/2006, 16:18 L’ INCOMPRÉHENSION , OU L ’ ABSENCE DE LIEN Intermède Le paradoxe de la virgule 66 phrase-cent.pmd La virgule joue plusieurs rôles qui paraissent paradoxaux : – elle sépare des termes de même fonction. Dans la phrase « j’aime Paris, Venise, Rome », la virgule sépare trois compléments d’objet direct ; – elle sépare aussi des termes qui sont de fonctions différentes. Dans la phrase « j’aime Paris, il aime Venise », la virgule sépare le complément d’objet direct « Paris » du sujet « il » ; – son absence indique aussi que deux termes sont indissociables et de fonctions différentes. C’est pourquoi aujourd’hui (car il n’en a pas toujours été ainsi), on ne sépare jamais par une virgule le sujet du verbe ni le verbe de son complément d’objet, pour montrer qu’ils sont de fonctions différentes et liés. 66 19/04/2006, 16:18 L’ INCOMPRÉHENSION , OU L ’ ABSENCE DE LIEN 67 phrase-cent.pmd 67 19/04/2006, 16:18 L’ INCOMPRÉHENSION , OU L ’ ABSENCE DE LIEN La syllepse Si vous écrivez… « La société ALM entre en Bourse. Ils ont affiché d’excellents résultats cette année. » … on se demande qui sont ces ils qui affichent de bons résultats. En effet, si votre phrase commence par « la société » (nom féminin singulier), il est plus correct que le sujet de la deuxième phrase soit elle, qui représente « la société » et non pas ils. Même si, dans votre esprit, cette société rassemble de nombreux salariés. Écrivez plutôt 68 • « La société ALM entre en Bourse. Elle a affiché d’excellents résultats cette année. » • Ou : « La société ALM entre en Bourse. Ses résultats ont été excellents cette année. » Jargon La syllepse grammaticale Certains accords ne sont apparemment pas corrects, mais suivent une sorte de « logique de sens ». Ce phénomène, régulier, est appelé « syllepse grammaticale ». Exemples : « Ce mannequin est exceptionnelle », ou encore « on est rentrés tard », « un bon nombre sont contents », « une pile de journaux froissés », « Les Misérables est une grande œuvre », etc. La phrase donnée en exemple n’est donc pas « incorrecte ». C’est une syllepse : ils représente « la société ». Cependant, l’accord ou la représentation par le sens gêne parfois la lecture. phrase-cent.pmd 68 19/04/2006, 16:18 L’ INCOMPRÉHENSION , OU L ’ ABSENCE DE LIEN Exercice Réécrivez les phrases suivantes. 1. Le personnel est en grève. Ils manifestent contre la fermeture de l’usine. 2. Le journal a déposé le bilan. Ils ne vendaient pas assez de publicité. Brillez en société « Il y a syllepse et syllepse… » Dans certains ouvrages de rhétorique, à côté de la syllepse grammaticale, on trouve aussi la « syllepse oratoire » ou « syllepse de sens ». C’est le fait d’employer un mot à la fois dans son sens propre et dans son sens figuré. Ainsi le verbe « réfléchir » dans ce mot célèbre de Jean Cocteau : « Les miroirs feraient bien de réfléchir un peu avant de renvoyer les images. » Lu çà et là « L’équipe de France déclare forfait. En effet, ils ont tous été éliminés. » 1. « Le personnel est en grève. Il manifeste contre la fermeture de l’usine. » 2. « Le journal a déposé le bilan. Ses commerciaux ne vendaient pas assez de publicité. » Propositions de réécriture phrase-cent.pmd 69 19/04/2006, 16:18 69