Extrait PDF - Le Polygraphe

Transcription

Extrait PDF - Le Polygraphe
Maryz Courberand
La Phrase
cent
pièges
Illustrations :
Pascal Jousselin
Le Polygraphe, éditeur
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« Une langue demeure identique tant
que sa structure est identique, et alors
même qu’elle est l’objet d’usages différents. »
Louis Hjelmslev, le Langage, 1966.
Les pièges de la communication
se cachent dans la phrase
On a tous un jour ou l’autre à écrire : une lettre de motivation, un compte rendu de réunion, un rapport de stage…
Alors commence l’angoisse. Non pas l’angoisse de la page
blanche de l’écrivain, la panne d’imagination, mais l’angoisse de
« mal écrire ».
Et les idées reçues de jaillir : « Je n’ai jamais été bon en français », « je suis un matheux, pas un littéraire », « je fais des
fautes », « je suis nul en orthographe »…
Or il ne s’agit pas de « bien écrire » comme le font les gens de
lettres, mais de bien communiquer, de transmettre un message
et de se faire comprendre.
Et les obstacles à la communication écrite ne sont pas forcément l’orthographe, les accords ou le style car, après tout, si
vous avez recours à un correcteur, il les franchira sans peine.
Mais s’il ne comprend pas une phrase, il ne pourra pas la corriger.
Les pièges de la communication se cachent dans la phrase : ce
sont prioritairement l’ambiguïté, le quiproquo et l’incompréhension.
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Le plus souvent, ces pièges sont dus à un défaut de lien entre les mots : un excès de lien,
une erreur de lien ou une absence de lien.
Cet ouvrage, qui se veut autant ludique que
pédagogique, donne des exemples de phrases
ambiguës, incompréhensibles et de quiproquos,
ainsi que des propositions de réécriture.
Ses rubriques variées (« Astuces », « Règles »,
« Exercices », « Jargon », « Brillez en société »…)
répondent à la curiosité de tous, quels que
soient l’âge, le niveau scolaire et les besoins de
chacun.
Maryz Courberand
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L’ambiguïté
ou l’excès de lien
Dans une phrase, quand un mot se rapporte à plusieurs
termes qui n’ont rien à voir ensemble, cela provoque une ambiguïté. Exemple :
« Le prévenu avoue à son avocat qu’il a tué sa femme. »
Cette phrase est ambiguë, car « sa » peut être relié à « prévenu » ou à « avocat ». La phrase prend donc deux sens possibles. Le lecteur ne sait lequel choisir. Et la communication est
grippée : il y a un excès de lien entre « sa » et les mots de la
phrase.
En français, certains mots provoquent facilement ce genre
d’ambiguïté : son, sa, il, leur, lui, la, les, etc. – principalement les
représentants de la troisième personne.
Pour lever ces ambiguïtés, il suffit de faire relire son texte par
un œil attentif qui les repérera, car le rédacteur est souvent mal
placé pour les voir : il manque de recul.
Mais si vous n’avez pas d’« œil de lynx » sous la main, voici
quelques astuces pour éviter ces pièges.
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L’ AMBIGUÏTÉ ,
OU L ’ EXCÈS DE LIEN
Les pronoms personnels sujets de 3e personne : il(s) et elle(s)
Si vous écrivez…
« Caty m’a montré sa nouvelle moto.
Elle est bien carrossée. »
… on comprendra que Caty est à votre goût, mais qu’en est-il
de sa moto ?
En effet, elle se rapporte prioritairement à « Caty », sujet de
la phrase précédente, et non pas à « sa nouvelle moto ». Donc, si
vous voulez décrire la moto…
Écrivez plutôt
10
• « Caty m’a montré sa nouvelle moto, qui est bien carrossée. »
• Ou : « Caty m’a montré sa nouvelle moto. Celle-ci est bien
carrossée. »
• Ou : « Caty m’a montré sa nouvelle moto. Cette dernière est
bien carrossée. »
Attention !
N’abusez pas de celui-ci ni de ce dernier.
Dans la phrase « Caty m’a montré son nouveau Scooter. Celuici est génial ! », celui-ci est inutile ; on pourrait écrire, sans équivoque : « Caty m’a montré son nouveau
Scooter. Il est génial ! », puisque il ne peut se
rapporter qu’à « Scooter ».
Règle
Si votre phrase commence par il(s) ou
elle(s), ces pronoms sujets de 3e personne
doivent prioritairement représenter le sujet
de la phrase précédente, de même personne
et de même nombre.
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L’ AMBIGUÏTÉ ,
OU L ’ EXCÈS DE LIEN
Exercice
Réécrivez les phrases suivantes
pour leur donner un autre sens.
1. Les douaniers ont fouillé tous
mes bagages. Ils sont complètement dérangés.
2. Les électeurs ont voté pour les
socialistes. Ils étaient pourtant
très divisés.
Lu çà et là
« M. Dumont
a été élu à la tête
du parti.
Il devrait subir
un lifting
cette année. »
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Jargon
Les pronoms personnels sujets de 3e personne
Il(s) et elle(s) sont appelés « pronoms personnels sujets », car ils
occupent toujours la fonction de sujet dans une phrase. Ils sont
dits de 3e personne.
1. « Les douaniers ont fouillé tous mes bagages. Ceux-ci sont complètement
dérangés. »
2. « Les électeurs ont voté pour les socialistes. Ces derniers étaient pourtant très
divisés. »
Propositions de réécriture
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L’ AMBIGUÏTÉ ,
OU L ’ EXCÈS DE LIEN
Les pronoms personnels objets directs de 3e personne : le, la, l’ et les
Si vous écrivez…
« Paul a acheté une maison à sa femme.
Il l’a visitée et l’a trouvée spacieuse. »
… on pensera que vous vous lancez dans le roman pornographique.
En effet, les deux l’ peuvent représenter indifféremment
« une maison » ou « sa femme ». Seule une réécriture de la
phrase peut lever cette ambiguïté.
Écrivez plutôt
12
• « Paul a acheté une maison à sa
femme. Il a visité cette maison et
l’a trouvée spacieuse. »
• Ou : « Paul a acheté à sa femme
une maison, qu’il a visitée et trouvée spacieuse. »
Exercice
Réécrivez les phrases suivantes pour lever l’ambiguïté.
1. Mon patron a lancé un nouveau produit. Je le trouve très
puissant.
2. L’agent a demandé au voyageur de lui remettre son bagage.
Il l’a détruit.
1. « Mon patron a lancé un nouveau produit. Je trouve celui-ci très puissant. »
Si vous trouvez que votre patron est puissant, ne changez rien à la phrase.
2. « L’agent a demandé au voyageur de lui remettre son bagage, qu’il a détruit. »
Si l’agent a « détruit » le voyageur, il faut alors écrire : « L’agent a demandé
son bagage au voyageur, qu’il a détruit. »
Propositions de réécriture
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L’ AMBIGUÏTÉ ,
OU L ’ EXCÈS DE LIEN
Brillez en société
« Cher ami, vos antécédents sont
équivoques. Vous en devenez
abscons ! »
Le mot (ou groupe de mots)
auquel se rapporte un pronom,
auquel il fait référence ou qu’il
représente, est appelé son « antécédent ». L’antécédent d’un pronom doit être clairement identifiable, sinon votre discours devient
obscur.
Lu çà et là
« La comptable
est partie
avec la caisse.
La police la
recherche depuis
trois jours. »
Jargon
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Les pronoms personnels objets directs de 3e personne
Le, la, l’ et les sont appelés « pronoms personnels objets directs »,
car ils occupent toujours la fonction d’objet direct dans une phrase.
Ils sont dits de 3e personne.
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L’ AMBIGUÏTÉ ,
OU L ’ EXCÈS DE LIEN
Les pronoms personnels objets indirects de 3e personne : lui et leur
Si vous écrivez…
« Je promenais mon chien avec mon voisin
quand je lui ai déclaré ma flamme. »
… vous serez suspecté d’une inclination
pour nos amies les bêtes.
En effet, le pronom lui peut se rapporter à
« mon chien » ou à « mon voisin ». Certes, il est
rare de déclarer sa flamme à un chien. Le
contexte lève donc l’ambiguïté. Mais il vaut
mieux éviter ce genre de construction qui
peut prêter à confusion.
14
Écrivez plutôt
« Je promenais mon chien avec mon voisin, à qui j’ai alors
déclaré ma flamme. »
Jargon
Les pronoms personnels objets indirects de 3e personne
Lui et leur sont appelés « pronoms personnels objets indirects »,
car ils occupent toujours la fonction d’objet indirect dans une
phrase. Ils sont dits de 3e personne.
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Propositions de réécriture
1. « Mes voisins viennent dîner avec leurs enfants, à qui je vais préparer de la
purée et du jambon. » Si c’est purée pour tout le monde, écrivez plutôt : « Je
vais préparer de la purée et du jambon. » Si d’aventure c’est purée pour les
parents, vous pouvez toujours écrire : « À ceux-là, je vais préparer de la purée
et du jambon, et à ceux-ci du poisson pané » (par exemple), ceux-ci représentant « les enfants » (voir p. 20).
2. « Les conseillers municipaux ont reçu les sans-abri, à qui la Mairie va attribuer
un logement. » Sinon, la phrase signifie plutôt que la Mairie attribuera un
logement aux conseillers.
1. Leur, pronom personnel, ne prend jamais de « s » : « Je leur
demande de se taire. »
2. Leur(s), déterminant possessif (voir p. 18), peut se mettre au
pluriel : « Ils viennent avec leur voiture, leur chien et leurs
enfants. »
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Attention !
Il ne faut pas confondre leur(s) et leur.
Réécrivez les phrases suivantes pour lever
l’ambiguïté.
1. Mes voisins viennent dîner avec leurs enfants.
Je vais leur préparer de la purée et du jambon.
2. Les conseillers municipaux ont reçu les sansabri. La Mairie va leur attribuer un logement.
Exercice
L’ AMBIGUÏTÉ ,
OU L ’ EXCÈS DE LIEN
L’ AMBIGUÏTÉ ,
OU L ’ EXCÈS DE LIEN
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Le quiproquo
ou l’erreur de lien
Si le lecteur comprend autre chose que ce que le rédacteur du
texte a voulu dire, voire le contraire, il y a quiproquo. Exemple :
« Catholiques, les habitants vivaient dans la pauvreté. »
Cette phrase peut provoquer un quiproquo : si le rédacteur
voulait seulement qualifier « les habitants » de catholiques, le
lecteur, lui, peut voir un lien de cause à effet entre le fait d’être
catholique et le fait d’être pauvre. Il comprendra que c’est parce
qu’ils sont catholiques que les habitants sont pauvres.
Le lecteur et le rédacteur n’ont pas la même interprétation
de la phrase. Ils relient les mots différemment. La communication est faussée.
Ce genre de quiproquo est souvent dû au fait que le rédacteur, en voulant « faire du style », construit de trop longues
phrases, ou exprime plusieurs idées dans la même phrase, ou
encore fait l’économie de certains termes.
Faire relire son texte par quelqu’un, devant soi et à voix
haute est un bon moyen de mettre en évidence ces malentendus.
Quand cela n’est pas possible, il reste à découvrir quelques
petites règles élémentaires que voici.
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LE
QUIPROQUO , OU L ’ ERREUR DE LIEN
Le participe passé employé comme épithète détachée
Si vous écrivez…
« Attiré par la médecine,
j’ai fait des études de droit. »
… vous passerez pour quelqu’un d’incohérent.
En effet, mis en tête de phrase, « attiré par la
médecine » peut être senti comme la cause de
l’idée exprimée par « j’ai fait des études de
droit » : c’est parce que vous étiez attiré par la
médecine que vous avez fait des études de droit.
Curieux…
Écrivez plutôt
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• « Bien qu’attiré par la médecine, j’ai fait des
études de droit. »
• Ou : « Attiré par la médecine, j’ai pourtant fait des études de
droit. »
Astuce. Une seule idée par phrase.
N’essayez pas d’exprimer plusieurs idées dans la même phrase,
car elles peuvent se télescoper malgré vous.
Jargon
Le participe passé
« Attiré » est une forme du verbe « attirer » : son participe passé.
Il s’emploie dans les temps composés (« j’ai attiré son attention »)
et au passif (« la souris est attirée par le fromage »), mais aussi en
tant qu’adjectif (« attiré par son parfum, je l’ai suivie »).
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LE
QUIPROQUO , OU L ’ ERREUR DE LIEN
Exercice
Réécrivez les phrases suivantes.
1. Né dans une famille de trois enfants, j’avais un chien qui
s’appelait Médor.
2. Situé dans le jardin du Luxembourg, le Sénat est composé de
331 sénateurs.
3. Connue dans le monde entier, la tour Eiffel s’élève à plus de
320 m.
Brillez en société
« Ne détachez pas vos épithètes, ça ne vous va pas du tout. »
Dans la phrase citée en exemple, le participe passé « attiré » est employé comme un adjectif épithète se rapportant au sujet de la
phrase : je (j’). L’épithète « attiré » est dite
« détachée », car placée en tête de phrase et
séparée du sujet par une virgule. Souvent,
l’idée exprimée par l’épithète détachée est en
relation de cause, temps, concession, etc. avec
l’idée exprimée par la phrase. Cette épithète
peut être un participe passé, un participe présent (voir p. 28) ou un adjectif : « Serviable,
elle m’aida à porter mon sac. »
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1. « Je suis né dans une famille de trois enfants. J’avais un chien qui s’appelait
Médor. »
2. « Le Sénat est situé dans le jardin du Luxembourg. Il est composé de 331 sénateurs. »
3. « La tour Eiffel s’élève à plus de 320 m. Elle est connue dans le monde entier. »
Propositions de réécriture
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QUIPROQUO , OU L ’ ERREUR DE LIEN
Le participe présent employé comme épithète détachée
Si vous écrivez…
« Possédant un doctorat en biologie,
j’ai une grande capacité d’écoute. »
… on pensera que la biologie augmente l’acuité auditive.
En effet, « possédant un doctorat
en biologie » ainsi détaché en tête de
phrase peut être senti comme la cause
de l’idée exprimée par « j’ai une
grande capacité d’écoute ». Bizarre…
Écrivez plutôt
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• « Je suis docteur en biologie et je possède une grande
capacité d’écoute. »
• Ou, mieux : « Je suis docteur en biologie. Je possède une
grande capacité d’écoute. »
Astuce. Faites des phrases courtes.
Ne tentez pas le diable en faisant de longues phrases dans
lesquelles les idées entrent parfois dans de curieuses relations.
Une phrase est plus claire si elle présente une unité de sens.
Jargon
Épithète et attribut
Ce sont des fonctions de l’adjectif (ou du participe). Un adjectif a
la fonction d’épithète quand il se rapporte directement à un nom,
sans l’intermédiaire d’un verbe : « Une société anonyme. » Si un
verbe sert d’intermédiaire, alors l’adjectif a une fonction d’attribut : « Cette société est anonyme. »
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QUIPROQUO , OU L ’ ERREUR DE LIEN
Exercice
Réécrivez les phrases suivantes.
1. Demeurant à Paris, j’ai fait toutes
mes études à Lyon.
2. Étant père de trois enfants, je
cherche un emploi de gardien.
Lu çà et là
« Disposant
de beaucoup
de gibier,
la Pologne est
une destination
très accessible
en voiture. »
Jargon
Le participe présent employé comme épithète détachée
« Possédant » est une forme du verbe « posséder » appelée « participe présent ». Dans cet exemple, « possédant » est employé
comme un adjectif épithète se rapportant au sujet je (j’). Cette
épithète est dite « détachée » car elle est placée en tête de phrase
et séparée du sujet par une virgule.
1. « Je demeurais à Paris, mais j’ai fait toutes mes études à Lyon. » Ou, selon le
sens voulu : « J’ai fait toutes mes études à Lyon et je demeure actuellement à
Paris. »
2. « Je cherche un emploi de gardien. Je suis père de trois enfants. »
Propositions de réécriture
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LE
QUIPROQUO , OU L ’ ERREUR DE LIEN
Intermède
L’usage, la règle et le sentiment de la langue
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Des phrases construites avec une épithète détachée telles
que « Connue dans le monde entier, la tour Eiffel s’élève à plus
de 320 m » ne sont pas toujours senties comme des quiproquos.
Le lien de cause à effet entre la notoriété de l’édifice et sa
hauteur n’est pas évident pour tous les lecteurs. Pourquoi l’estil pour certains et pas pour d’autres ? En fait, c’est une question d’usage, de règle et de sentiment linguistique.
Selon Maurice Grevisse et André Goosse, auteurs de la
fameuse grammaire le Bon Usage, « l’épithète détachée est
employée dans des contextes où il y a, entre l’idée exprimée
par cette épithète et l’idée exprimée par le verbe, une relation, selon les cas, de temps, de cause, de concession, de condition ». C’est donc une question d’usage : on use de cette construction pour exprimer ce genre de relation.
Toujours selon le Bon Usage, certains grammairiens ont voulu
réglementer cet usage en interdisant « que l’on mette en tête
de phrase une épithète détachée qui n’exprimerait pas la
cause ». Ils ont donc voulu restreindre l’usage de cette construction à l’expression de la seule relation de cause entre l’épithète
et l’idée exprimée par la phrase. C’était aller contre l’usage, car
il existe de nombreux cas où cette relation de cause n’existe
pas ; parfois même, la relation, quelle qu’elle soit, est très ténue.
Ainsi dans les phrases : « Assis par terre, j’attendais le bus »,
« Pensif, il regardait les nuages par la fenêtre », « Marchant
d’un pas léger, il m’adressa tout à coup la parole », etc.
On ne peut donc pas édicter de règle stricte. C’est au rédacteur et au lecteur d’accorder, s’ils le peuvent, leur « sentiment
linguistique » : la façon dont ils ressentent ce genre de phrases.
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QUIPROQUO , OU L ’ ERREUR DE LIEN
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QUIPROQUO , OU L ’ ERREUR DE LIEN
Le pronom « en »
Si vous écrivez…
« Je suis enfin sorti de ma dépression
et j’espère que vous en sortirez aussi. »
… vous souhaitez à votre interlocuteur de sortir de... votre
propre dépression ! En effet, en remplace « de ma dépression ».
Écrivez plutôt
« Je suis enfin sorti de ma dépression et j’espère que vous
sortirez aussi de la vôtre. »
Astuce. Remplacez en.
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Quand vous utilisez en dans une phrase, relisez-la en lui substituant ce qu’il remplace. Si la phrase n’est plus cohérente avec
votre propos, il vaut mieux la réécrire.
Jargon
Les pronoms en et y
En est un pronom. Il peut donc remplacer un nom (ou un groupe
de mots). Ce nom est généralement introduit par de ou des.
Exemple : « Ce chien est méchant, méfiez-vous-en » signifie « Ce
chien est méchant, méfiez-vous de ce chien. » En remplace « de
ce chien ». En est souvent associé au pronom y qui remplace un
nom introduit par à, dans, chez… Exemple : « Vas-tu à l’école ? –
Oui, j’y vais », y remplaçant « à l’école ».
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QUIPROQUO , OU L ’ ERREUR DE LIEN
Exercice
Réécrivez la phrase suivante.
• « Je suis ravi de vous avoir rencontré et vous en souhaite tout
autant. »
Lu çà et là
« Tout le monde en cuisine ! »
Ce titre d’article joue sur l’homonymie entre « en » pronom
et « en » préposition, qui veut dire « dans ».
Signifie-t-il « tout le monde dans la cuisine » ou « tout le
monde cuisine des choux, des carottes, des navets, etc. » ?
Le contenu de l’article le dira.
Brillez en société
« Saviez-vous qu’il existe
des pronoms adverbiaux ? »
Le pronom en viendrait d’un adverbe
latin inde, qui signifiait « de là ». Le pronom y viendrait lui aussi d’un adverbe latin.
D’où leur qualification, par certains grammairiens, de « pronoms adverbiaux ».
• « Je suis ravi de vous avoir rencontré et j’espère que, vous aussi, vous êtes ravi
de cette rencontre. »
Proposition de réécriture
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L’ INCOMPRÉHENSION ,
OU L ’ ABSENCE DE LIEN
Intermède
Attention, ellipse !
En grammaire, on appelle « ellipse » le fait d’omettre certains termes d’une phrase en principe nécessaires à sa « bonne
construction ». Mais il y a ellipse et ellipse.
54
1. Volontaire, l’ellipse donne un style à la phrase, un rythme,
va à l’économie. Elle est très fréquente et ne gêne pas la
compréhension du texte. C’est une sorte de sous-entendu
que le lecteur devine aisément par la situation ou par le
contexte de la phrase. Exemples :
• « À bon chat, bon rat. » (À tout bon chat correspond un
bon rat.)
• « Avec ou sans toi. » (Avec toi ou sans toi.)
• « Je t’aime. – Moi aussi. » (Moi aussi, je t’aime.)
2. Bien que volontaire, l’ellipse oblige parfois le lecteur à faire
quelques efforts pour deviner le sous-entendu du rédacteur. C’est notamment le cas des phrases commençant par
une énumération, très fréquentes dans les titres d’articles
de presse (voir aussi p. 53). Exemples :
• « Expositions, spectacles, films… Un musée vraiment pas
comme les autres. »
• « Marianne l’indomptable, l’intime, l’éternelle… On a
tous un souvenir d’elle. »
3. Involontaire, l’ellipse devient parfois un obstacle à la
communication. Elle force le lecteur à faire preuve d’imagination pour comprendre ce que le rédacteur a voulu dire.
Exemple :
• « Hormis la naissance de ma sœur, ma vie s’écoulait tranquillement. »
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L’ INCOMPRÉHENSION ,
OU L ’ ABSENCE DE LIEN
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L’ INCOMPRÉHENSION ,
OU L ’ ABSENCE DE LIEN
Intermède
Le paradoxe de la virgule
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La virgule joue plusieurs rôles qui paraissent paradoxaux :
– elle sépare des termes de même fonction. Dans la phrase
« j’aime Paris, Venise, Rome », la virgule sépare trois
compléments d’objet direct ;
– elle sépare aussi des termes qui sont de fonctions différentes. Dans la phrase « j’aime Paris, il aime Venise », la virgule
sépare le complément d’objet direct « Paris » du sujet « il » ;
– son absence indique aussi que deux termes sont indissociables et de fonctions différentes. C’est pourquoi
aujourd’hui (car il n’en a pas toujours été ainsi), on ne
sépare jamais par une virgule le sujet du verbe ni le verbe
de son complément d’objet, pour montrer qu’ils sont de
fonctions différentes et liés.
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L’ INCOMPRÉHENSION ,
OU L ’ ABSENCE DE LIEN
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L’ INCOMPRÉHENSION ,
OU L ’ ABSENCE DE LIEN
La syllepse
Si vous écrivez…
« La société ALM entre en Bourse.
Ils ont affiché d’excellents résultats cette année. »
… on se demande qui sont ces ils qui affichent de bons résultats.
En effet, si votre phrase commence par « la société » (nom
féminin singulier), il est plus correct que le sujet de la deuxième
phrase soit elle, qui représente « la société » et non pas ils. Même
si, dans votre esprit, cette société rassemble de nombreux
salariés.
Écrivez plutôt
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• « La société ALM entre en Bourse. Elle a affiché d’excellents
résultats cette année. »
• Ou : « La société ALM entre en Bourse. Ses résultats ont été
excellents cette année. »
Jargon
La syllepse grammaticale
Certains accords ne sont apparemment pas corrects, mais suivent
une sorte de « logique de sens ». Ce phénomène, régulier, est
appelé « syllepse grammaticale ». Exemples : « Ce mannequin
est exceptionnelle », ou encore « on est rentrés tard », « un bon
nombre sont contents », « une pile de journaux froissés », « Les
Misérables est une grande œuvre », etc.
La phrase donnée en exemple n’est donc pas « incorrecte ». C’est
une syllepse : ils représente « la société ». Cependant, l’accord ou
la représentation par le sens gêne parfois la lecture.
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L’ INCOMPRÉHENSION ,
OU L ’ ABSENCE DE LIEN
Exercice
Réécrivez les phrases suivantes.
1. Le personnel est en grève. Ils manifestent contre la fermeture
de l’usine.
2. Le journal a déposé le bilan. Ils ne vendaient pas assez de
publicité.
Brillez en société
« Il y a syllepse et syllepse… »
Dans certains ouvrages de rhétorique, à côté de la syllepse grammaticale, on trouve aussi la « syllepse
oratoire » ou « syllepse de sens ».
C’est le fait d’employer un mot à la
fois dans son sens propre et dans
son sens figuré. Ainsi le verbe « réfléchir » dans ce mot célèbre de
Jean Cocteau : « Les miroirs feraient
bien de réfléchir un peu avant de
renvoyer les images. »
Lu çà et là
« L’équipe
de France
déclare forfait.
En effet, ils ont
tous été
éliminés. »
1. « Le personnel est en grève. Il manifeste contre la fermeture de l’usine. »
2. « Le journal a déposé le bilan. Ses commerciaux ne vendaient pas assez de
publicité. »
Propositions de réécriture
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