modeles individus-centres de propagation de l`effet primaute

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modeles individus-centres de propagation de l`effet primaute
Master Recherche en Sciences Cognitives, EHESS, ENS, Paris 5
Semestre 4, Rapport de stage long
MODELES INDIVIDUS-CENTRES DE PROPAGATION DE
L'EFFET PRIMAUTE
Emmanuel Dubois
Directeurs de stage : Guillaume Deffuant et Sylvie Huet
Cemagref, Laboratoire d’Ingénierie des Systèmes Complexes, 24, rue des Landais, 63 172
Aubière France
Session juin 2007
Remerciements
Je tiens à remercier Sylvie Huet et Guillaume Deffuant pour m’avoir accueilli dans leur
laboratoire, pour leur encadrement rigoureux, pour leur sympathie, pour m’avoir enseigné la
recherche, et pour m’avoir permis de publier mon premier papier.
Je remercie Jean-Pierre Nadal pour m’avoir accueilli au LPS-ENS pour la préparation de
mon stage, pour son rôle de tuteur et son soutien.
Je remercie les membres du LISC et les stagiaires pour leur convivialité et pour m’avoir fait
découvrir leurs thèmes de recherches.
Je remercie Sylvia Krauth-Gruber et Verena Aiebisher pour nos échanges concernant les
théories en psychologie sociale.
Enfin, je remercie Diemo Urbig pour ses suggestions à propos du modèle que nous avons
élaboré dans cette étude.
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SOMMAIRE
APPROCHE ET CADRE DE L'ETUDE ................................................................................- 6 A. Effet primauté et modélisation.......................................................................................- 6 B. Diffusion de l'innovation .................................................................................................- 6 C. Modélisation et simulation individu-centrée.................................................................- 8 D. Formalisation et psychologie sociale..............................................................................- 8 E. Objectif global et étapes réalisées au cours du stage ....................................................- 9 PARTIE I : PSYCHOLOGIE SOCIALE, ATTITUDES ET EFFET PRIMAUTE .................- 10 A. Les travaux en psychologie sociale concernant l'effet primauté...............................- 10 A.1 Effet primauté et formation des impressions.................................................................- 10 A.2 Effet primauté et formation d'attitudes ..........................................................................- 11 B. Attitudes, aspects théoriques ........................................................................................- 12 B.1 Théories et modèles concernant la formation et le changement des attitudes...............- 12 B.1.a Différentes classes de modèles ...................................................................................- 12 B.1.b Modèles orientés sur les processus de persuasion ......................................................- 14 Elaboration Likelihood Model (Petty & Cacioppo, 1981, 1986).........................................- 14 Heuristic Systematic Model (Chaiken & coll., 1989)...........................................................- 15 B.1.c Modèles combinatoires ...............................................................................................- 16 Expectancy Value Model (Fishbein, 1961, 1963) ................................................................- 16 Information Integration Theory (Anderson, 1971, 1981, 1991) ..........................................- 17 Belief Adjustment Model (Hogarth & Einhorn, 1992).........................................................- 18 B.2 Mécanismes explicatifs de l'effet primauté : force d'attitude et résistance à la persuasion…
..............................................................................................................................................- 20 C. Articulation psychologie sociale et modélisation : modifications du modèle ..........- 24 C.1 Effet centralité et asymétrie entre caractéristiques du message.....................................- 24 C.2 Formalisation de la force d'attitude ...............................................................................- 25 Partie II : MODELISATION ET SIMULATION DE L'EFFET PRIMAUTE .......................- 25 A. Le modèle de Huet & Deffuant (2006).........................................................................- 25 B. Nouveau modèle, dynamiques individuelles...............................................................- 27 B.1 Modifications du modèle : un seuil linéaire avec l'attitude courante ............................- 27 B.2 Analyse des conditions pour le filtrage des caractéristiques positives et négatives ......- 29 B.3 Probabilité de montrer l'effet primauté à partir d'exemples simples .............................- 31 -
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C. Individus en interaction ................................................................................................- 33 C.1 Modèle d'interaction ......................................................................................................- 33 C.2 Simulations à partir d'exemples simples........................................................................- 34 Cas symétrique (g = 0, β = 1).............................................................................................- 34 Cas Asymétrique dû à la valeur élevée des caractéristiques négatives (g = 0, β = 4)........- 35 Cas asymétrique dû à la valeur de l'attitude initiale (g = 4, β = 1) ....................................- 35 DISCUSSION ET CONCLUSION.......................................................................................- 36 Discussion des résultats et comparaison avec le modèle précédent.....................................- 36 Sémantique de la formalisation ............................................................................................- 37 Futures recherches................................................................................................................- 38 Réflexion épistémologique concernant l’approche adoptée.................................................- 39 BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………………..-40-
ANNEXE : Primacy Effect with Symmetric Features Propagating in a Population (Dubois,
Huet, Deffuant, accepted to The Fourth Conference of The European Social Simulation
Association, ESSA 2007)………………………………………………………………….-43-
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APPROCHE ET CADRE DE L'ETUDE
A. Effet primauté et modélisation
La recherche présentée ici se centre sur un phénomène encore peu étudié dans le champ de la
modélisation de dynamiques d’attitudes, à savoir l’effet primauté. Observé dans plusieurs
études expérimentales en psychologie sociale et plus particulièrement dans les études
concernant la formation d’impressions et la formation d’attitudes (cf. infra, Partie I), cet effet
caractérise la prédominance des premières informations reçues concernant une personne ou un
objet, dans la formation de l’impression ou de l’attitude de l’individu récepteur. Récemment,
Huet & Deffuant (2006) ont proposé un modèle simple de cet effet en s’inspirant
essentiellement de la théorie de la dissonance cognitive (Festinger, 1957) d’une part, et des
travaux séminaux sur la diffusion des rumeurs (Allport & Postman, 1947) d’autre part. Le
modèle suppose que les individus filtrent (ignorent) les informations incongruentes (contraires
à leur attitude courante) concernant un objet si leur importance est inférieure à un seuil fixe
donné. Il peut dans certaines conditions exhiber un effet primauté, dans le sens où l'attitude
des individus diffère selon l'ordre de réception des informations, les premières informations
reçues définissant le signe de l'attitude finale. De plus, dans certains cas, le nombre
d'individus montrant un effet primauté augmente et dans d'autres cas diminue lorsque ces
individus interagissent, i.e. se transmettent les informations qu'ils possèdent. Ce modèle sera
détaillé formellement en partie II.
B. Diffusion de l'innovation
L'étude s'inscrit dans le cadre de l'analyse des dynamiques d'attitudes concernant des
individus en interaction, et plus particulièrement la diffusion de l'innovation1. Nous
considérons une attitude comme une tendance psychologique exprimée par l'évaluation d'une
entité particulière avec un degré favorable ou défavorable (Eagly & Chaiken, 1993, 1998).
D'après (Huet, 2006), les « Lois de l’imitation » (Tarde, 1890) caractérisent un point de départ
des recherches sur la diffusion de l’innovation. Puis, Rogers (1962) a synthétisé les travaux
existants au sein d’un modèle statique, basé sur un ensemble d’études empiriques. Depuis
1
La recherche concernant la diffusion de l'innovation au Cemagref rentre dans le cadre de la mise en place de
politiques de développement durable, dans le sens où chez les agriculteurs, de nouveaux outils plus respectueux
de l'environnement doivent être adoptés par les utilisateurs pour être efficients.
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lors, de nombreux chercheurs ont proposé différents modèles dynamiques de la diffusion de
l’innovation. Selon Huet, si l’on considère les hypothèses formulées sur la dynamique de
l’individu, deux classes de modèles peuvent être distinguées :
-La première classe est celle des « modèles à seuil ». Elle est initiée par Granovetter
(1978) et synthétisée par Valente (1995). Le seuil est un attribut de l’individu. Il représente,
au sein du groupe social de l’individu, la proportion d’adoptants2 entraînant l’adoption de
l’individu. Le groupe social peut être une population entière, une partie de la population ou
bien un voisinage au sein d’un réseau social. L’adoption se fait ici par imitation et intervient
plus ou moins rapidement selon les individus. Pour certains chercheurs (Blume, 1993, 1995 ;
Young, 1998) le seuil correspond à un niveau d’utilité de l’adoption pour l’individu.
L’adoption dépend alors d’un intérêt individuel (un impact économique, une préférence, …)
et d’un intérêt social déterminé par le comportement des individus en relation avec l’individu
considéré. Ces modèles sont formellement équivalents à celui du ferromagnétisme en
physique (i.e. modèle d’Ising).
-La seconde classe de modèles a été développée dans le cadre du projet européen
« Images » (Deffuant and al. 2001) . Ces modèles sont basés sur des « modèles à seuil » mais
redéfinissent le seuil comme un état interne que doit atteindre l’individu. Cet état ne dépend
pas directement, même partiellement, de l’observation de l’état de ses pairs, mais d’une utilité
que l’individu attribue à l’objet à adopter. Cette utilité est bâtie sur des opinions ou
connaissances portant sur l’objet. Opinions ou connaissances évoluent au gré d’interactions
entre individus. Les individus échangent des informations (i.e. connaissance objective) et/ou
des opinions portant sur des caractéristiques de l’objet à adopter. Ils sont dotés de filtres
cognitifs qui les amènent à considérer plus ou moins les opinions et informations auxquels ils
sont exposés. Ces filtres sont basés sur une notion de proximité entre l’information et/ou
l’opinion proposée à l’individu, et la façon dont l’individu se définit.
Différentes versions de ces modèles (Deffuant, 2002 ; Deffuant, Huet & coll., 2005 ;
Deffuant, Huet et coll. 2002 ; Deffuant, Neau & coll., 2001 ; Deffuant, Weisbuch et coll.,
2003 ; Deffuant, 2006) sont fondées sur des hypothèses psychologiques très générales,
notamment que l’opinion d’un interlocuteur n’est prise en compte par un individu que si elle
2
Correspond à l’adoption d’une mesure, une attitude positive envers un nouvel objet…
-7-
est suffisamment proche de la sienne. Il prendra par ailleurs d’autant plus en compte cette
opinion que son interlocuteur en est certain.
L’étude de l’effet primauté que nous allons décrire dans cet exposé rentre dans cette seconde
classe de modèles.
C. Modélisation et simulation individu-centrée
Cette étude s'inscrit dans le champ de la modélisation et de la simulation de systèmes sociaux,
et se focalise plus particulièrement sur les comportements collectifs émergents des
interactions individuelles. On privilégiera donc les modèles de type individus-centré, qui, en
spécifiant explicitement les individus et leurs interactions, permettent d'étudier précisément
les liens entre les caractéristiques individuelles et leurs effets collectifs.
Ces modèles offrent par ailleurs, selon Amblard (2003), de nombreuses possibilités, comme :
- Formaliser des théories sociales par des programmes informatiques (Troitzsch, 1997)
- Vérifier des théories sociales (Mosler, 2002 ; Hummon et Doreian, 2003)
- Concevoir des simulations prédictives pour l'aide à la décision (Gilbert et Troitzsch, 1999)
- Tester des scénarios par la simulation (Gilbert et Troitzsch, 1999)
- Utiliser des modèles comme artefacts pour l'aide à la négociation (Barreteau, 1998 ;
Barreteau et Bousquet, 2001 ; Rousseau, 2003)
Bien que cette étude puisse s’inscrire dans plusieurs de ces points (elle participe notamment à
la prédiction pour l’aide à la décision…), elle s’intègre plus particulièrement dans le premier
point, à savoir formaliser des théories provenant de la psychologie sociale afin d'envisager,
par simulation, de potentiels effets collectifs. En effet, nous ne prétendons pas ici vérifier des
théories sociales, car nous faisons des hypothèses au niveau des individus composants le
système, ainsi que sur la structure d'interaction qui les relient ; mais, actuellement, il n'existe
pas de données empiriques pour l’effet primauté au niveau des effets collectifs.
D. Formalisation et psychologie sociale
L'objectif principal de l'étude est d'articuler des liens entre les théories provenant d'études
empiriques en psychologie sociale avec les principes de modélisation et de simulation des
systèmes sociaux. Il s'agit donc dans un premier temps de faire une revue des théories en
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psychologie sociale sur un sujet donné (en l’occurrence ici sur la formation d’attitudes et
l’effet primauté), afin à la fois de faire une hypothèse au niveau local, c'est-à-dire au niveau
du comportement individuel de l'agent (l'agent correspond ici à un individu artificiel), et à la
fois une hypothèse sur la structure des interactions entre agents. Il s'agira ensuite de
formaliser (de manière algébrique puis en langage informatique) la théorie faisant consensus
dans la communauté psychologique afin de l'implémenter dans un modèle existant.
L'objectif final est de produire un modèle simple rendant compte d'un comportement
individuel isolé conformément à une hypothèse psychologique du fonctionnement cognitif des
individus, puis d'appréhender de potentiels effets collectifs pour les comparer au modèle
existant.
Le recours à la psychologie dans la modélisation est souvent employé aussi dans un but de
complexification du modèle afin de le rendre plus proche de la réalité. Ce n'est pas ici notre
but, l'idée est de rester sur un modèle simple afin d'appréhender au mieux les relations entre
causes et effets3.
E. Objectif global et étapes réalisées au cours du stage
Le but principal de cette étude a été de repenser le modèle réalisé par Huet et Deffuant (2006)
afin de le rendre plus consistant avec la littérature en psychologie sociale et de tenter d'isoler
l'effet primauté de tout autre effet potentiel pouvant réorienter les dynamiques considérées. Ce
travail s'est effectué en plusieurs étapes :
1/ Appropriation du modèle : le travail fut dans un premier temps de s'approprier le
modèle existant concernant les effets collectifs de l'effet primauté, afin d'identifier et évaluer
la formalisation, puis d’appréhender les modifications potentielles.
2/ Littérature et théories psychologiques : ensuite, une étape poussée de littérature a
été effectuée dans le but de saisir les diverses théories en psychologie sociale, issues d'études
empiriques et pouvant rendre compte des mécanismes explicatifs de l'effet primauté au niveau
individuel.
3
Cette démarche d’économie d’hypothèses caractérise les modèles « KISS » (Keep It Simple, Stupid)
-9-
3/ Formalisation : à partir des théories retenues, le but fut de caractériser une nouvelle
formalisation4 du modèle au niveau local (hypothèse que l'on fait sur le comportement d'un
individu) plus acceptable psychologiquement.
4/ Etude analytique : suivant la formalisation retenue, nous avons réalisé une étude
analytique de la dynamique du modèle au niveau individuel (sans interactions entre agents).
5/ Codage et simulation : une étape de codage informatique des modifications puis de
simulation fut ensuite effectuée pour appréhender l'effet des interactions entre individus.
6/ Confrontation des modèles : enfin, les résultats obtenus avec le nouveau modèle ont
été confrontés aux résultats de l'ancien afin de mieux cerner les causes des formes de
dynamiques obtenues. Ce travail s'est achevé par la rédaction d'un article : "Primacy Effect
with Symmetric Features Propagating in a Population" (Dubois, Huet, Deffuant, accepté pour
: The Fourth Conference of the European Social Simulation Association, ESSA 2007).
Le plan de l'exposé va suivre ce cheminement, nous allons dans un premier temps faire une
revue de la littérature concernant l'effet primauté et la formation des attitudes, afin d'identifier
les théories qui nous mènerons à la nouvelle formalisation du modèle. Nous décrirons ensuite
le modèle retenu, puis son étude analytique et par simulation. Nous discuterons enfin les
résultats à la fois par rapport aux études expérimentales en psychologie sociale, et à la fois par
rapport au modèle précédent.
PARTIE I : PSYCHOLOGIE SOCIALE, ATTITUDES ET EFFET PRIMAUTE
A. Les travaux en psychologie sociale concernant l'effet primauté
A.1 Effet primauté et formation des impressions
L'expérience typique qui révèle l'existence d'un effet primauté dans le processus de formation
d'impressions a été réalisée par Asch (1946). Il s'agit de se former une opinion d’une personne
au vu des informations à disposition la concernant. L'expérience consiste à présenter une liste
4
Plusieurs tentatives de formalisation ont été effectuées, nous expliciterons seulement le modèle retenu.
- 10 -
de traits de personnalité caractéristiques d’une personne lambda, puis de demander aux
participants d'évaluer la personnalité de cette personne. Les participants sont repartis en deux
groupes, un groupe reçoit la liste suivante : intelligent, travailleur, impulsif, critique, entêté,
envieux. L'autre groupe reçoit la même liste mais avec l'ordre de présentation inversé, à savoir
avec les traits négatifs en première position, soit : envieux, entêté, critique, intelligent,
travailleur, impulsif.
Les résultats montrent une évaluation de la personne beaucoup plus favorable pour le groupe
ayant reçu la liste avec les traits positifs en première position. L'ordre de présentation affecte
donc l'évaluation et celle-ci semble plus influencée par les premiers éléments.
A.2 Effet primauté et formation d'attitudes
Parallèlement aux études sur la formation d'impressions, les études sur la persuasion et le
jugement s'intéressent notamment à la formation d'attitudes concernant un objet ou un sujet
d'actualité (ex : "pour ou contre le nucléaire?"). Les études adoptent en général un paradigme
très similaire dans lequel il s'agit de présenter à des participants deux messages de type
con/pro, i.e. un argumentaire contenant des arguments positifs pour un objet donné et un
argumentaire contenant des arguments négatifs. Les études s’intéressant aux effets d’ordre
font varier l'ordre de présentation (con/pro et pro/con) qui est distribué à deux groupes de
sujets. Un effet d'ordre est observé lorsque l'attitude finale des participants des deux groupes
diffère. Et en effet, ces études mettent en évidence l'existence d'un effet primauté, mais aussi
d'un effet de récence suivant certaines conditions.
La recherche classique concernant les effets d'ordre en persuasion est celle de Miller et
Campbell (1959), dans laquelle le paradigme est similaire hormis le fait qu'ils font varier
l'intervalle de temps (immédiat ou une semaine de latence) entre le premier et le second
message (Int-1) et entre le second message et l'évaluation de l'attitude des participants (Int-2).
Leurs résultats montrent la présence d'un effet primauté lorsque Int-1 est court et Int-2 long.
Et inversement, ils observent un effet de récence lorsque Int-1 est long et Int-2 court. Ces
observations suggèrent que l'oubli du contenu du message peut moduler l'apparition d'un effet
primauté ou de récence. De plus, ils ont montré que les participants de la condition "Int-1 long
et Int-2 court" se rappelaient plus les éléments présentés en seconde position. Selon Miller &
Campbell, l'effet de récence serait fonction de la modulation de la capacité de rappel.
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Notre modèle s'inscrit dans le champ des dynamiques d'attitudes, donc sur la formation des
attitudes (envers un objet) et non des impressions (envers une personne). Bien que les
recherches actuelles tendent à suggérer que les mécanismes de formation ne diffèrent pas
entre attitudes et impressions, les paradigmes eux, diffèrent et impliquent des résultats
sensiblement différents (cf. Infra, Discussion et conclusion). Nous allons donc nous focaliser
sur l'état de l'art concernant les attitudes.
B. Attitudes, aspects théoriques
B.1 Théories et modèles concernant la formation et le changement des attitudes
B.1.a Différentes classes de modèles
On peut différencier deux types complémentaires d'approches théoriques de la formation des
attitudes et leur changement :
- Modèles quantitatifs combinatoires : ce sont des modèles qui visent à prédire
comment certains types de messages affectent l'acceptation des individus. Il y a une forte
description quantitative de la manière dont les individus combinent les informations avec
d'autres et avec leur attitude initiale pour se former ou changer leurs attitudes.
- Théories sur les processus (modèles qualitatifs des processus de persuasion) : les
modèles combinatoires n'explicitent pas comment les variables de persuasion influencent
l'attitude des individus. Les théories sur les processus de persuasion fournissent une
description qualitative des processus cognitifs impliqués dans l'acceptation de la
communication persuasive. Les mécanismes impliqués peuvent être la compréhension de
l’argumentation, l’élaboration cognitive de l’argumentation, des inférences à partir
d’heuristiques…
Les théories sur les processus tentent donc d'expliquer la tendance à accepter l'information
mais restent silencieuses quant à la manière dont ces informations sont intégrées par rapport
aux anciennes. Les modèles combinatoires par ailleurs prédisent comment l'intégration se
déroule mais ne font pas référence aux processus impliqués.
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Il est à noter que la formalisation de notre modèle tentera d'avoir à la fois une approche
combinatoire, et une approche théorique (cf. infra, partie I C.2 et partie II).
Aussi on peut distinguer deux classes de modèles combinatoires :
- Modèles "On-line" : ces modèles soulignent le processus par lequel une attitude est
formée après l'acquisition d'une première information, puis révisée et mise à jour "On-line",
i.e. à chaque fois qu'une nouvelle information est reçue. L'attitude finale est ensuite stockée en
mémoire et occupe un espace mnésique différent des informations qui la composent.
L'information originale peut donc être oubliée ou inaccessible sans altérer le rappel de
l'attitude. Ce traitement peut être forcé expérimentalement5 (i.e. en demandant aux
participants d'évaluer leur attitude après chaque réception d'information) ou intervenir par la
volonté implicite ou explicite de l'individu (nous verrons plus tard dans cet exposé que ce type
de traitement est souvent associé à une motivation à traiter l'information).
- Modèles "Off-line" ou "Memory-based" : dans ce cas, les individus conservent les
informations caractérisant un objet en mémoire et ne se forment pas une attitude à chaque
réception d'information. La formation de l'attitude se déroule a posteriori, les individus
accèdent aux informations stockées et émettent leur jugement. L'attitude finale serait donc
relativement dépendante des capacités mnésiques des individus à se rappeler les informations
reçues.
De la même manière que pour les modèles "On-line" de formation, le traitement peut-être
forcé expérimentalement5 (ex : les participants sont informés que l'expérience consiste à
évaluer la structure des phrases énoncées et non à se former une attitude) ou intervenir de
manière spontanée (ex : l'individu n'est pas motivé a se former une attitude sur tel ou tel
sujet).
Cette distinction entre "On-line" et "Off-line" est importante car il est nécessaire de faire un
choix pour la formalisation de notre modèle, sur la façon dont l'individu intègre l'information.
On privilégiera une approche "On-line" (cf. infra, Partie II) car elle semble bien correspondre
à la situation de diffusion d'innovation que nous adoptons.
5
Hastie & Park (1986), Mackie & Asuncion (1990), Tormala & Petty (2001) cités dans Bizer & coll. (2006)
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Du fait d'un nombre important de modèles existants, nous allons seulement expliciter les
modèles et théories les plus pertinents pour la communauté psychologique et pour notre
propos.
B.1.b Modèles orientés sur les processus de persuasion
Deux modèles principaux émergent de la littérature en psychologie sociale, il s’agit de
l’Elaboration Likelihood Model (Petty & Cacioppo, 1981, 1986) et de l’Heuristic Systematic
Model (Chaiken & coll., 1989).
Elaboration Likelihood Model (Petty & Cacioppo, 1981, 1986)
Le point central de ce modèle est la notion de continuum d'élaboration (qui varie de faible à
forte élaboration). Une forte élaboration est entendue comme une analyse poussée, un
traitement cognitif approfondi du message. Ce modèle distingue entre deux "routes" pour la
persuasion :
- Route centrale : les processus impliqués dans cette voie sont ceux qui requièrent une
forte analyse et sont donc prédominants sous des conditions qui favorisent une forte
élaboration du message. Ces processus induisent un examen minutieux de la communication
persuasive afin de déterminer la valeur de chaque argument. Si les "pensées" favorables sont
le résultat du processus d'élaboration, le message aura plus de chance d'être accepté, et refusé
si la détermination de la valeur des arguments génère des "pensées" non favorables.
- Route périphérique : les processus impliqués cette fois n'engagent pas l'élaboration
du message par un traitement cognitif approfondi des arguments. Ces processus examinent
souvent des caractéristiques environnementales du message, qui induisent des heuristiques de
traitement, comme la crédibilité perçue de la source, les slogans attractifs du message…
La route qui va être empruntée dans une situation de persuasion est déterminée par la quantité
d’élaboration, elle-même dépendante de la motivation6 et de l'habilité7. De plus, lorsque
6
Pertinence personnelle du message, "need for cognition" : variable rendant compte de la quantité d'engagement
de l'individu, et de son appréciation pour l'effort cognitif
7
Capacité d'évaluation critique, disponibilité des ressources cognitives, connaissance appropriée pour le
traitement des arguments
- 14 -
l’élaboration est forte, Petty (1994) suppose que l’impact des indices externes (expertise de la
source…) est moindre car l’attention est portée sur le contenu du message.
Selon la situation, en cas d'élaboration modérée, un mixte des deux routes est possible.
Heuristic Systematic Model (Chaiken & coll., 1989)
Bien que ce modèle diffère sur plusieurs points avec l’Elaboration Likelihood Model (voir
Eagly & Chaiken, 1993 ; Petty, 1994) la perspective est assez similaire. Selon Chaiken & coll.
(1989), il existe aussi deux voies de persuasion, à savoir un traitement systématique et un
traitement heuristique des informations.
Traitement systématique : il s’agit d’une orientation analytique et compréhensive selon
laquelle les individus ont accès et traitent toutes les informations utiles à leur jugement.
Traitement heuristique : cette démarche requiert moins d’efforts et de capacités
cognitives que le traitement systématique. Les individus se focalisent sur une partie seulement
des informations disponibles qui leur permettent d’utiliser des règles inférentielles, des
heuristiques cognitives, pour former leur jugement (ex : quantité d'informations composant le
message).
Selon ce modèle, la dominante motivationnelle pour les individus est de se former ou de tenir
une attitude valide et/ou précise, et les traitements systématique et heuristique peuvent tous
les deux contribuer à ce but. Dans ses dernières versions (Chaiken et coll., 1989 ; Eagly &
Chaiken, 1993), l'Heuristic Systematic Model est envisagé comme un modèle à motivation
multiples. En plus d'une motivation pour la précision et la validité, ils suggèrent qu’il existe
une motivation pour la défense, i.e. le désir de former et de défendre une position attitudinale.
Le but est de confirmer la validité de sa position et infirmer la validité des positions
contraires.
Comme dans le modèle de Petty et Cacioppo, les processus systématiques et heuristiques
peuvent intervenir en même temps.
Ces deux modèles supportent qu’il existe deux modes de persuasion ; que la motivation et
l'habilité à traiter l'information sont cruciales au déclenchement de la voie centrale ou
systématique. De plus, les deux modèles considèrent que la persuasion s’effectuant par cette
- 15 -
voie centrale entraine des attitudes plus résistantes à des messages opposés à l’attitude des
individus. Nous verrons par la suite que cette dernière remarque va être pertinente pour notre
propos.
Plus récemment, Kruglanski & Thompson (1999), proposent un modèle de persuasion
("Unimodel") comportant une seule route. Ils restent cependant en accord avec Petty &
Cacioppo et avec Chaiken & coll. sur le fait qu’il existe des processus centraux ou
systématiques, et des processus heuristiques, mais selon-eux, ces deux modes de persuasion
sont appréhendés comme des cas particuliers d'un même processus sous-jacent. Leur
argument est que la distinction entre indices externes (heuristiques) et arguments du message
relève du contenu de l’information pertinent pour une conclusion, plutôt que d'une différence
dans le processus même de persuasion. Les arguments et indices seraient alors être inclus dans
un même processus de persuasion plus abstrait.
Dans tous les cas, ce débat n’altère pas notre questionnement sur la formalisation de l’effet
primauté. Nous verrons dans le point suivant (B.2) qu’une explication de l’effet primauté a été
élaborée à partir de l’Elaboration Likelihood Model sur des points en accord avec l’Heuristic
Systematic Model, et le fait qu’il existe deux voies ou alors un seul mécanisme sous-jacent
plus abstrait, n’interfère pas avec cette explication. Nous nous intéressons dans cette étude
seulement au traitement du contenu du message et non au traitement à l'aide d'heuristiques.
B.1.c Modèles combinatoires
Expectancy Value Model (Fishbein, 1961, 1963)
L'idée centrale de ce modèle est qu'une attitude est fonction des croyances de l'individu, elles
mêmes représentées comme la somme des valeurs attendues des attributs d'un objet. Ces
attributs ont une espérance et une valeur. L'espérance de chaque attribut est la probabilité
subjective que l'objet se caractérise effectivement par cet attribut, et la valeur correspond à
l'évaluation de cet attribut. Le modèle peut se représenter ainsi :
Attitude = Σ Esperance * Valeur
En d'autres termes, l'attitude équivaut à la somme sur les attributs de la probabilité que
l'attribut caractérise l'attitude en question, multipliée à la valeur de l'attribut.
- 16 -
Malgré un effort de développement, ce modèle reste néanmoins assez spécifique des relations
entre croyances et attitudes.
Information Integration Theory (Anderson, 1971, 1981, 1991)
Anderson propose un modèle plus général que celui de Fishbein dans le sens où il considère
que les attitudes sont formées et modifiées par la combinaison d'informations à valences
différentes (positives ou négatives). L’attitude finale dépend de chaque information
considérée et de son poids.
Deux opérations sont impliquées dans la formation ou le changement des attitudes :
- Evaluation : Réfère à la détermination de la signification de l'information et son
importance ou pertinence pour évaluer l'attitude envers un objet. Cette opération est
représentée par la détermination de deux composants :
1. Valeur : Il s'agit de la position de l'information sur la dimension d'évaluation (i.e.
Con/Pro).
2. Poids (importance) : Il s'agit de l'impact psychologique de l'information sur le
jugement (i.e. force de l'argument, crédibilité de l'émetteur…)
Le poids dépendrait de quatre déterminants, à savoir la pertinence (relation entre
l'information et la dimension du jugement, la saillance (facteurs attentionnels), la
fiabilité (probabilité que l'information soit valide), et la quantité d'information.
- Intégration : Réfère à la combinaison des informations. Anderson postule que
l'intégration peut-être résumée sous un modèle algébrique. Le modèle se formule ainsi :
Att= w0 Att0 +w1 s1 + w2 s2 + … + wk sk
Att : Attitude en question
Att0 : Attitude précédente stockée en mémoire
s : Valeur d'une information stockée en mémoire
w : Poids reflétant l'importance de l'information pour la détermination de l'attitude
k : Nombre d'informations rappelées en mémoire
- 17 -
L'application expérimentale de ce modèle se fait typiquement par la présentation à des
participants, d'informations à propos d'un objet. L'attitude de chaque individu est mesurée
après l'exposition de toutes les informations, ce qui ne permet pas, en outre, d'appréhender un
possible traitement "On-line".
Belief Adjustment Model (Hogarth & Einhorn, 1992)
Ce modèle ressemble à celui d'Anderson, mais avec une optique de caractérisation plus claire
d'un traitement On-Line, i.e. pas à pas. Les auteurs supposent que les individus appréhendent
les tâches de belief-updating par un processus séquentiel d'ancrage et d'ajustement8 par lequel
l'attitude courante (l'ancre) est ajustée par l'impact d'informations successives.
Leur modèle se pose ainsi :
Sk = Sk-1 + wk[s(xk)-R]
Sk : degré de croyance en une hypothèse, impression ou attitude après avoir évalué k
informations ( 0 ≤ S k ≤ 1 ).
Sk-1 : ancre ou opinion initial. La force initiale de la croyance est notée S0.
s(xk) : évaluation subjective de la k-ième information (des personnes différentes peuvent
accorder différentes évaluations à la même information xk).
R : point de référence à partir duquel la k-ième information est évaluée. Il dépend de la nature
de la tâche à réaliser (cf. infra).
wk : poids d'ajustement pour la k-ième information ( 0 ≤ wk ≤ 1 ).
A partir de cette version générale, Hogarth & Einhorn déclinent le modèle en deux, suivant
que le traitement de l'information est de type On-line ou Off-line. De plus, ils différencient
deux types de tâche à effectuer par les sujets :
- Tâche d'évaluation : Dans ce cas, les individus sont invités à produire des évaluations
de type Vrai/faux (implique R= 0). Ici, s(xk) Є [-1;1]
- Tâche d'estimation : Par opposition à l'évaluation, l'estimation est caractérisée par la
possibilité d'émettre un jugement sur une échelle (ici s(xk) Є [0;1]). L'estimation a pour but de
8
L’étude de ce processus a été développée par Kahneman & Tversky (1974) qui constitue selon-eux une des
trois heuristiques principales auxquelles les individus sont soumis en situation d’incertitude.
- 18 -
refléter la position de chaque nouvelle information relativement à l'attitude courante. Elle est
sensible à l'ancre courante (implique R= Sk-1) et à l'opinion suggérée par l'information reçue.
On peut noter que lorsque R= Sk-1, leur formalisation induit obligatoirement un effet de
récence lorsque le traitement est On-line, i.e. à chaque nouvelle information reçue, le poids
des premières informations décroit. Quand R= 0, l'effet de récence est obtenu seulement si les
différentes informations reçues ont des valences différentes (positives et négatives).
L'effet de primauté est obtenu seulement sous certaines conditions, à savoir quand le
traitement est Off-line et que l'attitude initiale S0 des individus est élevée.
Pour valider ce modèle, Hogarth & Einhorn ont monté plusieurs expériences dans lesquelles
ils font varier la complexité des stimuli (simple : adjectif, nombre… ; complexe : grande
quantité d'informations, stimuli non familiers…), la longueur des listes d'informations et le
type de réponse (après chaque information reçue ou après l'intégralité des informations
reçues9). Leurs résultats semblent à première vue conforter leur modèle et aller à l'encontre de
nos espérances (cf. infra). Dans certains cas ils obtiennent un effet primauté, mais seulement
lorsque l'évaluation de l'attitude se fait à postériori (ce qui favorise un traitement Off-line sans
pour autant l'induire de manière certaine). De plus, lorsque l'évaluation est demandée après
chaque information reçue (ce qui favorise un traitement On-line), ils obtiennent
principalement un effet de récence et jamais d'effet primauté. Ces résultats ne sont pas isolés,
ils sont notamment confortés selon Petty et coll. (2001), par Luchins (1957), Dreben et coll.
(1979), Kashima & Kerekes (1994).
Néanmoins, il est possible de critiquer ces travaux au regard d'études récentes concernant les
effets d'ordre dans la formation des attitudes (Haugtvedt et coll., 1994 ; Petty et coll., 2001).
Leurs expériences montrent que la motivation à traiter l'information (liée au concept
d'élaboration du point de vue de l'elaboration likelihood model, cf. supra) semble avoir un
impact crucial sur les effets d'ordre. Un effet primauté apparait lorsque la motivation est forte,
alors qu'un effet de récence émerge lorsqu'elle est faible (cf. infra, point B.2, pour une
explication de ce phénomène). Or, les expériences d'Hogarth & Einhorn ne semblent pas
utiliser des stimuli qui impliquent les participants et qui les motivent à se former une attitude
(exemple de thème expérimental : l'amélioration de la force de frappe d'un joueur de baseball
9
On ne peut pas parler d'un traitement On-line versus Off-line puisque dans la seconde condition, les auteurs
demandent simplement aux participants de fournir leur attitude finale, ce qui n'empêche pas un traitement Online à l'insu de l'expérimentation.
- 19 -
après un nouveau programme d'entrainement). Leurs résultats peuvent être réinterprétés au vu
de la littérature récente, une faible motivation à traiter le contenu de l'information est souvent
associée à un effet de récence10. Les résultats restent alors consistants mais leur interprétation
diffère indubitablement. Rien ne permet de dire donc, qu'un effet primauté n'est jamais obtenu
lorsqu'un individu procède à un traitement On-line, d'autant plus que les recherches de Mackie
& Asuncion (1990) suggèrent qu'une forte élaboration de l'information (associée donc à l'effet
primauté) induit un traitement On-line de l'information.
Dans notre formalisation nous allons nous efforcer de prendre en compte la composante
motivationnelle pour appréhender l'apparition de l'effet primauté. Pour cela, nous allons entrer
plus en profondeur dans les explications actuelles des mécanismes sous-jacents à cet effet.
B.2 Mécanismes explicatifs de l'effet primauté : Attitude strength et résistance à la
persuasion
Selon Eagly & Chaiken (1993), plusieurs interprétations concernant l'apparition de l'effet
primauté dans les études en persuasion ont été émises :
- Inhibition proactive : l'apprentissage du premier message interfère avec celui du second
(Hovland, 1951 ; Anderson 1965 ; Anderson & Hubert, 1963 ; Underwood & Freund, 1968).
- Tendance à une baisse d'attention au second message due à un déclin d'intérêt concernant le
thème du message (Hovland & coll., 1953 ; Anderson, 1965).
- L'individu devient plus critique vis-à-vis du second message à cause de son acceptation du
premier, ou de son engagement (Hovland, Campbell & brock, 1957 ; Hovland et coll., 1953 ;
Lund, 1925).
- Changement de signification : l'idée est que la perception du second message est altérée par
le premier (Asch, 1946 ; Luchins, 1942 ; Sherif, 1935 ; Helson, 1964).
10
Cette réinterprétation des résultats est confortée par Petty et coll. (2001)
- 20 -
Par ailleurs, dans l'étude sur les effets d'ordre en persuasion que nous avons cité dans la partie
précédente, Haugtvedt et coll. (1994) proposent la perspective d’Attitude strength pour
appréhender l'effet primauté. La "force d'attitude" est évaluée quant à sa durabilité et son
impact (Krosnick & Petty, 1995). Par durabilité, on entend que les fortes attitudes ont
tendance à être plus persistantes dans le temps (Bassili, 1996) et plus résistantes à la
persuasion (Bassili, 1996 ; Eagly & Chaiken, 1995; Haugtvedt & Petty, 1992 ; Tormala &
Petty, 2002). De fortes attitudes peuvent aussi allouer une meilleure correspondance entre
attitude et comportement. Dès lors, quand la force de l'attitude augmente, les individus sont
amenés à produire des élaborations congruentes à leur attitude (Pomerantz, Chaiken
&.Tordesillas, 1995) et à avoir une meilleure consistance entre attitude et comportement
(Fazio & Zana, 1978 ; Rucker & Petty, 2004 ; Tormala & Petty, 2002 ; cités dans Bizer &
coll., 2006).
Pour notre propos, nous allons seulement conserver la conséquence de l'Attitude strength sur
la résistance à une contre argumentation. Nous pouvons alors créer un raccourci et qualifier la
force de l'attitude par son degré de résistance face à une attaque. Dans les paradigmes de
persuasion, le premier message permet la formation d'une attitude, et la quantité de
changement en réponse au second message (incongruent au premier) qualifie "la force de
l'attitude" (Haugtvedt & Petty, 1992). Cette perspective est dérivée de l'Elaboration
Likelihood Model (Petty & Cacioppo, 1986) qui, comme nous l'avons détaillé, envisage le rôle
crucial de l'élaboration dans la création de fortes attitudes. L'élaboration d'un message initial
permet une meilleure intégration de l'information dans la structure de connaissances
existantes ; et/ou permet de tenir compte des transformations d'information dans la structure
de croyances pour un objet donné (Greenwald, 1968).
Le processus d'élaboration peut aussi permettre à la nouvelle information de se mettre en
contact avec plus de nœuds d'informations existants, augmentant la probabilité que les
élaborations et informations qui supportent l'attitude deviennent accessibles en mémoire
(Haugtvedt & Petty, 1992 ; Petty Cacioppo, 1986).
Contrairement à un raisonnement naïf selon lequel l'élaboration poussée d'un message tend à
rendre l'individu plus rationnel (qui traite toutes les informations qu'il reçoit de manière
équitable), elle peut amener les individus à être plus résistants à des informations
incongruentes à leur attitude, et favoriser l'émergence d'un effet primauté.
Une littérature abondante sur la résistance à la persuasion conforte la vision proposée par
Haugtvedt. Ces travaux montrent des effets similaires, à savoir que plus la force de l'attitude
est élevée, plus la résistance va être élevée, les individus qui élaborent fortement les
- 21 -
informations d'un premier message qu'ils reçoivent vont développer une résistance à des
attaques "contre-attitudinales". Néanmoins, dans ces études il n'est pas fait mention du terme
effet primauté car elles ne s'intéressent pas aux effets d'ordre mais simplement à la résistance.
Les paradigmes utilisés comportent deux messages avec le second de valence plus faible
d'une part, et ne font pas varier l'ordre de présentation d'autre part.
L'étude de Haugtvedt utilise le type de messages Con/Pro et permet de tester convenablement
les notions de force d'attitude et de résistance dans le cadre de l'étude des effets d'ordre.
Comme nous l'avons mentionné précédemment, les résultats de son étude tendent à conforter
sa perspective, à savoir qu'un effet primauté apparait seulement lorsque les individus sont
motivés à se former une attitude, et un effet de récence se produit lorsque les individus ne sont
pas motivés.
Cette perspective semble intéressante et considérablement partagée par les psychologues,
nous conserverons cette vision dans notre formalisation.
Par ailleurs, en utilisant le terme résistance, Haugtvedt ne fait pas d'hypothèses sur les
processus qui sous-tendent le développement et l'accentuation de la force de l'attitude. Par
exemple, l'attitude des individus pourrait être résistante quand ils considèrent qu'ils ont assez
d'information sur le sujet et ont une forte confiance en leur opinion, et donc ignorent les
informations ultérieures qui vont à l'encontre de l'attitude ; ou alors les individus pourraient
développer une contre-argumentation active face aux messages qui vont à l'encontre de leur
attitude courante…
Les études sur la résistance à la persuasion proposent des modèles faisant intervenir plusieurs
mécanismes contribuant à la résistance. Les modèles principaux sont fondés sur la théorie de
l'inoculation11 (McGuire, 1961) selon laquelle deux composants majeurs contribuent à la
résistance : la menace12 et la contre-argumentation. Le principe de l'inoculation est que les
attitudes peuvent devenir résistantes au changement par l'exposition à des formes atténuées
"d'attaques attitudinales" avant leur exposition à des attaques plus prononcées.
Des études récentes ont mené à des modèles plus affinés, Pfau et coll. (1997, 2001) ont
confirmé la présence de menace et de contre-argumentation dans le processus de résistance, et
sont allés plus loin en tentant de déterminer le rôle et l'influence de ses composants. Les
résultats de leurs investigations suggèrent que l'inoculation déclencherait la menace, qui elle11
Il s'agit d'une analogie à l'inoculation biologique selon laquelle les défenses contre un virus sont créées par
l'injection d'une forme affaiblie du virus.
12
La menace consiste à prévenir des défis imminents lancés à une attitude existante, elle va déclencher la
motivation qui va agir sur l'attitude et déclencher la résistance.
- 22 -
même augmenterait le niveau d'implication de l'individu13. Ceci développerait la contreargumentation ou la certitude14 quant à l'attitude courante qui mènerait à la résistance.
De plus, Pfau et coll. (2003, 2004) montrent la présence d'un mécanisme additionnel crucial
dans le processus de résistance : l'accessibilité de l'attitude. Il s'agit du degré de facilité
d'activation de l'attitude en mémoire (Fazio, 1986, 1995 ; Fazio, Chen, McDonel & Sherman,
1982 ; Fazio, Powell & Herr, 1983 ; Roskos-Ewoldsen, 1997*). Ils font ici référence à des
modèles de mémoire en réseau faisant intervenir les attitudes (Anderson, 1983 ; Green, 1984 ;
Smith, 1994*). Selon ces modèles, l'information est représentée en mémoire par des nœuds
connectés par des voies associatives. La force de ces voies varie suivant la connectivité des
nœuds, qui détermine l'accessibilité des items en relation entre-eux (Anderson, 1983 ; Wyer &
Srull, 1989*).
Le degré d'accessibilité pourrait être augmentée par l'inoculation, la menace ou encore la
certitude en l'attitude, ce qui favoriserait la résistance au message opposé.
Néanmoins, pour la nouvelle formalisation de l'effet primauté, nous resterons au niveau
supérieur, à savoir au niveau de l'Attitude strength (cf. partie II), afin de simplifier l'analyse.
De plus, ce modèle a été élaboré à partir d'études sur la résistance à la persuasion, et nous ne
pouvons pas faire d'analogie parfaite avec l'effet primauté du fait des différences de
paradigme.
Concernant les hypothèses au niveau de la structure d’interactions entre les individus, nous
avons choisi de conserver la formalisation qui a été développée dans le modèle précédent à
partir des travaux sur la diffusion des rumeurs (Allport & Postman, 1947). Cette formalisation
reste très simple (cf. Partie II) et vouloir être plus proche de la réalité demanderait une
complexification du modèle qui ne serait pas forcément pertinente pour notre propos. De plus,
si on décidait de faire ce type de modification, il faudrait le faire dans une seconde étape
seulement, afin de pouvoir correctement comparer les résultats du nouveau modèle avec
l’ancien.
13
Krosnick & coll. (1993).
Babad, Ariav, Rosen & Salomon (1987) ; Bassili (1995, 1996) ; Krosnick & Abelson (1992) ; Swann, Pelham
& Chidester (1988) ; Wu & Shaffer (1987).
*
Cités dans Pfau & coll, 2004
14
- 23 -
Il est à noter que cette étude ne s'intéresse pas du tout à l'effet de récence, alors qu'il semble
étroitement lié à l'effet primauté (Miller & Campbell, 1959 ; Haugtvedt & coll., 1994 ; Petty
et coll., 2001). Néanmoins, le but de cette étude est d'isoler un effet répondant à une
hypothèse unique. Le fait est que les théories psychologiques n'expliquent pas l'effet de
récence comme répondant à un mécanisme cognitif placé sur un même continuum que l'effet
primauté. Plusieurs explications qui ne s'excluent pas mutuellement peuvent rendre compte de
l'effet de récence. Dans certains cas, il serait lié à un traitement Off-line de l'information (par
exemple, les individus ne sont pas motivés à se former une attitude sur le sujet et attendent
que l'expérience leur demande une évaluation), c'est-à-dire une formation d'attitude seulement
lorsque toutes les informations ont été distribuées. L'explication de l'effet de récence ici se
rapprocherait de celle proposée dans des travaux en psychologie cognitive sur la mémoire. Il
s'expliquerait par une accessibilité plus importante aux informations les plus proches dans le
temps. Dans d'autres cas, l'effet de récence peut-être compatible avec un traitement On-line, la
séparation entre deux informations pouvant être un signal pour les individus, qui engendrerait
une hausse d'attention pour le message à venir.
C. Articulation psychologie sociale et modélisation : modifications du modèle
C.1 Effet centralité et asymétrie entre caractéristiques du message
Asch (1946) montre l'existence d'un effet de centralité dans la formation des impressions.
Avec un paradigme similaire à l'expérience exhibant l'effet primauté, il montre que lorsque la
liste présentée aux deux groupes de participants diffère seulement d'un trait spécifique
(intelligent, habile, travailleur, chaleureux/froid, déterminé, pratique, prudent), l'évaluation
finale peut être considérablement différente entre les groupes. Et, par exemple, si la paire
chaleureux/froid est remplacée par poli/impoli, les évaluations des deux groupes ne diffèrent
pas significativement.
Certains traits semblent être plus centraux dans la formation d'impressions, mais les études
concernant l'effet primauté s'attachent à utiliser des traits de même importance.
Un point majeur du modèle précédent (Huet & Deffuant, 2006) était qu'une asymétrie entre la
valeur des caractéristiques de l'objet était nécessaire à l'obtention de l'effet de primauté. Or,
les différentes expériences en psychologie ne postulent pas cette nécessité et observent
effectivement l'effet primauté lorsque les caractéristiques ont la même importance.
- 24 -
Nous nous sommes donc attachés dans notre hypothèse au niveau local à retrouver l'effet
primauté avec une série d'informations d'égales importances, et ce en accord avec la
perspective d'Attitude strength.
C.2 Formalisation de la force d'attitude
En accord avec la perspective d'Attitude strength et avec la théorie de la dissonance
cognitive15 (Festinger, 1957), nous supposons que le seuil filtrant les caractéristiques
incongruentes n'est pas fixé, mais évolue linéairement avec la valeur absolue de l'attitude
courante de l'individu (cf. partie II). Dans ce cas, nous avons étudié les conditions dans
lesquelles le modèle exhibe l'effet primauté et effectivement ici, l'effet intervient même
lorsque les caractéristiques positives et négatives ont la même importance.
De ce fait, plus l'attitude va être forte, plus l'individu va être résistant à des messages qui vont
à l'encontre de sa pensée.
De plus, la formalisation que nous adoptons pour l'intégration des informations est consistante
avec l'Information Integration Theory (cf. infra), nous faisons l'hypothèse d'une sommation
des informations reçues. Par souci de simplifier l'analyse, nous allons associer les poids
(impact psychologique de l'information sur le jugement, cf. supra) à la valeur 1, ils vont donc
être invisibles dans notre modèle.
Partie II : MODELISATION ET SIMULATION DE L'EFFET PRIMAUTE
A. Le modèle de Huet & Deffuant (2006)
Le modèle considère un individu recevant des informations par l'intermédiaire d'un média à
propos des caractéristiques d'un objet lambda. L’objet est défini par un ensemble de
caractéristiques F = (1,2..., d ) , qui sont associées à une valeur réelle positive ou négative
(u ,..., u ,..., u ) avec u
1
j
d
j
∈ℜ .
Un individu peut avoir une vue partielle de l'objet, il peut connaître
et intégrer les valeurs réelles de certaines caractéristiques et ne rien connaître des autres.
15
Il s'agit d'une théorie classique en psychologie sociale, selon laquelle lorsque deux cognitions inconsistantes
sont présentes en même temps, l'individu va chercher à réduire cette dissonance en modifiant son attitude ou son
comportement (exemple : « je fume et il est dangereux pour la santé de fumer », une possibilité de réduction de
la dissonance va être de conserver seulement des éléments congruents au comportement, comme « mon grandpère à 80 ans, en bonne santé et a toujours fumé »).
- 25 -
Un individu i est caractérisé par :
• g : une attitude initiale (supposée la même pour tous les individus).
• Li : Un sous-ensemble de F contenant les caractéristiques de l'objet retenues par l'individu
(vide au départ).
• Gi = g + ∑ u j : Attitude globale à propos de l'objet. Cette formule est en correspondance
j∈Li
avec l'Information Integration Theory, dans une version clairement On-line, i.e. Gi est
recalculée à chaque nouvelle caractéristique reçue.
Le modèle est basé sur le principe de congruence. Une caractéristique est congruente quand
elle est du même signe que l'attitude globale de l'individu à propos de l'objet, et incongruente
sinon. Cela signifie que, quand Gi u j ≥ 0 , la caractéristique j est dite congruente pour
l'individu i, et incongruente sinon. La dynamique du
modèle comprend trois aspects
principaux :
1. L'exposition aux caractéristiques : Il est supposé que, à chaque pas de temps, un média
envoie une caractéristique choisie de manière aléatoire à un individu, lui aussi choisi de
manière aléatoire.
2. Réception sélective: les dynamiques de filtrage sont déterminées par un seuil
d’incongruence Θ qui est une constante positive. Soumis à une caractéristique j, l'individu
va réagir comme suit :
•
Si j est congruente "retient la caractéristique”.
•
Si j est incongruente :
o Si u j > Θ "retient la caractéristique”;
o Sinon “ignore la caractéristique”.
Ici, "retient la caractéristique" signifie que j est ajoutée à Li (Si Li ne contient pas déjà j),
"ignore la caractéristique" signifie que celle-ci est filtrée (non ajoutée à Li).
3. Calcul de l'attitude : Un individu recalcule son attitude globale chaque fois qu'il retient
une nouvelle caractéristique (traitement On-line).
Pour obtenir une sensibilité de l’attitude à l’ordre de présentation, il faut appliquer certaines
contraintes au modèle :
- Un individu a une attitude initiale g>0
- 26 -
- L’objet est décrit par une caractéristique négative supérieure en valeur absolue au
seuil Θ, et par des caractéristiques positives inférieures à Θ (le même raisonnement
peut-être fait avec les signes inversés).
Dans ce cas, l’attitude finale des individus peut dépendre de l’ordre de réception. Si g est
suffisamment faible et que l’individu reçoit une caractéristique négative en premier, l’attitude
globale à propos de l’objet va devenir négative, et les caractéristiques positives vont devenir
incongruentes. Comme elles sont inférieures à Θ, elles ne seront pas retenues.
Par contre, si les caractéristiques positives sont reçues en premier, elles seront nécessairement
acceptées.
A partir de cas spécifiques (exemple : un objet décrit par 2 caractéristiques négatives U et 3
positives u, avec 2U - 3u = 0, i.e. objet neutre), ils comparent les proportions d’individus
ayant une attitude finale négative en condition « non-interaction » (les individus reçoivent des
informations par un média et ne communiquent pas) avec la condition « interaction » (les
individus reçoivent des informations par le média et par leur pairs, cf. point C. pour les
détails). Enfin ils testent ces comparaisons pour différentes valeur de l’attitude initiale g.
Leurs résultats montrent que la proportion d’individus soumis à l’effet primauté peut dans
certains cas être augmentée par les interactions, à savoir lorsque 0<g<U.
Cette proportion peut-être aussi diminuée, lorsque U<g<2U et que les individus sont dotés
d’un filtre d’émission, i.e. transmettent seulement des caractéristiques congruentes à leur
attitude courante (voir Huet & Deffuant, 2006 pour une explication détaillée).
B. Nouveau modèle, dynamiques individuelles
B.1 Modifications du modèle : un seuil linéaire avec l'attitude courante
Le modèle est assez similaire à celui étudié précédemment. Cependant des changements sont
effectués afin d'une part d'isoler l'effet primauté de l'effet de centralité (cf. supra) et d'autre
part de formaliser une hypothèse au niveau local plus consistante avec la littérature en
psychologie sociale, à savoir ici avec la perspective d'Attitude strength.
- 27 -
Dans le modèle précédent, Θ est une constante positive. Ceci implique que l'effet primauté
apparait seulement quand les caractéristiques sont asymétriques. En effet, Nous avons besoin
par exemple que les caractéristiques positives soient filtrées quand elles sont incongruentes,
alors que les négatives ne le sont pas. Pour obtenir ceci, les caractéristiques positives doivent
être inférieures à Θ, tandis que les négatives doivent être supérieures (en valeur absolue).
Comme nous l’avons vu dans la première partie, ces contraintes semblent trop fortes car les
études psychologiques montrent que l'effet primauté peut émerger quand les caractéristiques
ont la même valeur. L’effet primauté ne nécessite pas la centralité de certaines
caractéristiques.
Afin de réduire ces contraintes, nous supposons maintenant, en accord avec la perspective
d'Attitude strength, que le seuil Θ est linéaire avec la valeur courante de l'attitude globale
pondérée par un nouveau paramètre α. Nous obtenons donc :
Θ = α Gi
(1)
• α : la tendance de l'individu à prendre en compte ce qu'il connait déjà au dépend de
nouvelles informations externes (supposée la même pour tous les individus). α varie entre
0 et 1.
On peut interpréter le paramètre α comme mesurant la tendance des individus à privilégier
leur propre attitude. Quand α est petit, les individus considèrent toutes les caractéristiques, car
le seuil est très petit. Au contraire, quand α est grand, les individus considèrent rapidement
seulement les caractéristiques qui sont cohérentes avec leur propre attitude. De plus, nous
discuterons dans la discussion que la sémantique d’α
peut-être beaucoup plus riche,
notamment en l’associant avec les théories de résistance à la persuasion et à l’Elaboration
Likelihood Model. Cette association n’est en effet pas automatique car la correspondance
entre les paradigmes expérimentaux et notre situation de diffusion d’innovation n’est pas
parfaite.
Ce nouveau modèle affaiblit considérablement les conditions d'obtention de l'effet primauté.
L'attitude globale Gi peut augmenter en valeur absolue aussi longtemps que les
caractéristiques congruentes sont retenues, ce qui augmente linéairement le seuil, et renforce
la tendance à ignorer les caractéristiques incongruentes. En conséquence, cela renforce la
- 28 -
probabilité d’observer un effet primauté. De ce fait, comme nous le montrerons
analytiquement, l'effet primauté peut émerger, même avec des caractéristiques symétriques.
B.2 Analyse des conditions pour le filtrage des caractéristiques positives et négatives
Pour simplifier l'analyse, nous supposons que toutes les caractéristiques positives ont la même
valeur u + = 1 , et toutes les caractéristiques négatives la même valeur u − = − β (β ≥0). Nous
obtenons des caractéristiques symétriques quand β = 1.
Nous allons maintenant étudier les conditions qui amènent un individu à filtrer les
caractéristiques d'un signe ou de l'autre. Supposons qu'un individu ait retenu n+
caractéristiques positives et n− négatives. Dans ces conditions, nous avons :
G = n + − βn − + g
(2)
Les conditions dans lesquelles les caractéristiques négatives vont être filtrées sont :
o l'attitude globale G est positive, ce qui implique que les caractéristiques négatives
sont incongruentes.
o le seuil est supérieur à β.
Ces conditions peuvent être écrites comme suit :
n+ − β n− + g ≥
β
α
(3)
La même dérivation peut-être effectuée pour les conditions de filtrage des caractéristiques
positives :
n+ − β n− + g ≤ −
(4)
1
α
Quand g = 0 et β = 1. Dans ce cas, les formules (3) et (4) peuvent être simplifiées. Elles
deviennent égales à 1/α si on considère respectivement n− = 0 et n+ = 0. La Fig. 1 montre les
- 29 -
états possibles pour g = 0 and β = 1. Notons que dans ce cas, la figure est totalement
symétrique.
Fig. 1. Etats d'un individu suivant le nombre de caractéristiques positives (en ordonnées) et de négatives (en abscisses) pour
for β = 1, α = 0.5 et g = 0. Dans la zone blanche, il n'y a pas d'effet primauté. Dans les zones grises, soit les caractéristiques
positives ou négatives sont ignorées, ce qui implique un effet primauté. Les points et lignes noires représentent des exemples
de trajectoires individuelles.
Lorsqu'un individu passe d'une zone de non-filtrage à une zone de filtrage (zones grises), il ne
peut pas revenir dans la zone de non-filtrage. Cela signifie qu'une fois que les individus
filtrent une information, ils retiennent seulement les caractéristiques congruentes, et filtrent
toutes les autres. En d'autres mots, ils exhibent un effet primauté. Leur attitude finale est
déterminée par les caractéristiques reçues avant qu'ils ne commencent à filtrer un type de
caractéristique (positive ou négative).
Au contraire, les individus qui restent dans la zone de non-filtrage retiennent toutes les
caractéristiques qu'ils reçoivent, positives ou négatives. Ils ne montrent pas d'effet primauté.
La largeur de cette zone dépend de la valeur d'α. Cependant, il est facile de sortir de cette
zone en recevant par exemple plusieurs caractéristiques de même signe consécutivement.
Ainsi, quand le nombre de caractéristiques positives et négatives, diffusées aléatoirement par
le média, augmente infiniment, la probabilité qu'un individu reste dans une zone de nonfiltrage tend vers zéro.
Considérons maintenant un cas avec des caractéristiques asymétriques. La Fig. 2 montre les
zones de filtrage et de non-filtrage quand la valeur des caractéristiques négatives est 4 fois
plus importantes que celle des positives (β = 4). Nous observons sur la Fig. 2 une zone de
filtrage des caractéristiques négatives plus petite que celle des positives. Le fait que les
caractéristiques négatives aient une valeur plus élevée crée une asymétrie en leur faveur.
Considérons l'effet d'une valeur strictement positive de l'attitude initiale g. La Fig. 3 montre
l'état des individus pour g = 4 (et β = 1). Comme pour la Fig.2, nous observons sur la Fig. 3
- 30 -
un comportement asymétrique du modèle individuel. La zone de filtrage des positives est plus
petite que celle des négatives. L'attitude initiale positive favorise les caractéristiques positives.
Fig. 2. Etats d'un individu suivant le nombre de caractéristiques positives (en ordonnées) ou négatives (en abscisses) pour β =
4, α = 0.5 et g = 0. Notons que la zone de filtrage des négatives est plus petite que celle des positives. Le fait que les
caractéristiques négatives ont plus d'importance que les positives crée une asymétrie favorisant les négatives.
Zone d’ignorance
des caractéristiques
négatives
Zone d’ignorance
des caractéristiques
positives
2
0
2
n-
Fig. 3. Etats d'un individu suivant le nombre de caractéristiques positives (en ordonnées) ou négatives (en abscisses) pour β =
1, α = 0.2 et g = 4. Notons ici une forte asymétrie favorisant les caractéristiques positives.
B.3 Probabilité de montrer l'effet primauté à partir d'exemples simples
Nous allons considérer des exemples simples de diffusion d'informations qui qualifient un
objet lambda, pour des individus isolés, afin d'appréhender de manière claire les effets de la
formalisation. Pour cela, nous supposons que l'objet contient 4 caractéristiques (2 positives, 2
négatives). De ce fait, nous obtenons 6 ordres de présentation (par le média) possibles.
Nous considérons premièrement le cas où β = 1 et g = 0. Le tableau 1 révèle la liste des
caractéristiques retenues pour les différents ordres de présentation, et pour les différentes
valeurs d'α. La dernière ligne correspond à la probabilité d'émergence de l'effet primauté,
- 31 -
quand tous les ordres de présentation ont la même probabilité d'apparition (ce qui est le cas
quand les caractéristiques sont seulement diffusées par le média).
Par exemple, pour α= 0.5 et pour l'ordre de présentation [++--], l'individu reçoit + en premier,
son attitude devient 1 et sa liste de caractéristiques retenues est L ={+}. Il reçoit ensuite + qui
est congruente donc son attitude devient 2 et L={++}. Puis il est exposé à - qui est
incongruente. Au même moment, Θ = 0.5 * 2 = 1, donc la caractéristique est ignorée (car
elle n'est pas strictement supérieure à Θ). L'attitude finale de l'agent est 2, avec L={++}; les
dernières caractéristiques sont filtrées ; l'individu révèle un cas d'effet primauté.
Tableau 1. Liste des caractéristiques retenues pour un individu isolé avec g = 0 et β = 1. Les
cellules grisées indiquent un effet primauté.
α
Ordre de présentation [0;0,5[ [0,5;1[
1
++--
++--
++
++
--++
--++
--
--
+--+
+--+
+--+
++
-++-
-++-
-++-
--
-+-+
-+-+
-+-+
--
+-+-
+-+-
+-+-
++
proba. effet primauté
0
1/3
1
En suivant la même méthode, nous pouvons déterminer l'état final de la population pour β =
4. Les résultats sont présentés dans le tableau 2.
Tableau 2. Détermination de l'état final d'une population d'individus isolés pour g = 0 et β =
4
α
Proba. effet
primauté
[0;1/8[
[1/8;1/7[
[1/7;1/4[
[1/4;1/3]
[1/3;1]
0
1/6
1/2
2/3
5/6
- 32 -
Nous pouvons aussi déterminer l'état final de la population pour g = 4 and β = 1. Les résultats
sont présentés dans le tableau 3.
Tableau 3. Détermination de l'état final d'une population d'individus isolés pour g = 4 et β =
1
α
Proba.
primauté
effet
[0;1/6[
[1/6;1/5[
[1/5;1/4[
[1/4;1]
0
1/6
2/3
1
Après avoir étudié le cas individuel et le cas d'une population isolée, nous pouvons comparer
ces résultats à un cas de population en interaction (2 à 2).
C. Individus en interaction
Nous supposons maintenant que les individus communiquent entre-eux, en addition à la
réception de messages par le media. Nous allons en premier lieu définir ce modèle, puis
simuler des exemples simples et étudier comment les interactions modifient la probabilité de
sensibilité à l'effet de primauté, par rapport au cas "sans interaction".
C.1 Modèle d'interaction
Par souci de simplification, nous supposons que chaque individu peut communiquer avec
n'importe quel autre. Les échanges se déroulent comme suit : A chaque pas de temps et pour
N fois (considérant une population de N individus), nous choisissons une paire d'individus de
manière aléatoire. Le premier communique aléatoirement au second une de ses
caractéristiques retenues. Plus précisément, à chaque itération, l'algorithme se caractérise
ainsi:
Répété
•
N fois:
Diffusion du media : Choisir un individu k aléatoirement avec la
probabilité f, choisir une caractéristique j aléatoirement, envoyer
la caractéristique j à l'individu k.
- 33 -
•
Interactions: choisir un couple d'individus (i,j) aléatoirement ; i
envoie à j une de ses caractéristiques retenues, choisie de manière
aléatoire.
C.2 Simulations à partir d'exemples simples
Nous considérons les exemples de la section précédente, toujours avec un objet de 4
caractéristiques (2 positives, 2 négatives) et les différentes valeurs de g et β.
Les simulations ont été réalisées avec une population de 1000 agents. Chaque résultat
(proportion d'individus soumis à l'effet primauté) est obtenu avec 100 réplicas. Un réplica
dure 200 itérations. Cette durée est largement suffisante pour s'assurer que tous les individus
ont été exposés à toutes les caractéristiques. La fréquence de diffusion du media f est 0.1.
Nous allons comparer la probabilité d'individus isolés montrant un effet primauté avec la
proportion d'individus soumis à l'effet primauté dans la population en interaction.
Cas symétrique (g = 0, β = 1)
Nous avons exécuté les simulations avec des valeurs pertinentes de α = {0.1; 0.5; 1} choisies
dans le tableau 1. En effet, avec ces valeurs, nous obtenons toutes les situations possibles. Les
résultats sont indiqués sur la Fig.4.
% of sensitive to primacy effect
100
80
60
40
20
0
0,1
alpha
0,5
non interaction case
1
interaction case
Fig. 4. Comparaison entre individus isolés et en interaction pour g = 0, β = 1. La barre d'erreur prend le min et le max
Nous observons à partir de la Fig. 4 que la proportion d'effet primauté dans la "condition
interaction" ne diffère pas de celle de la "condition isolé"16. Ce résultat peut facilement être
16
Les proportions d'individus correspondantes à la condition isolée sont les proportions déduites analytiquement.
Par souci de vérification, elles ont aussi été retrouvées par simulation d'individus isolés.
- 34 -
compris. En effet, dans le modèle, la situation est totalement symétrique entre les
caractéristiques positives et négatives. De ce fait, le nombre de filtrage des négatives est le
même que le nombre de filtrage des positives, ce qui implique que dans la condition
interaction, la probabilité de communiquer une caractéristique négative est la même que celle
de transmettre une caractéristique positive. De ce fait, la probabilité de recevoir les différents
ordres de présentation est la même avec ou sans discussions.
Nous pouvons faire l'hypothèse que lorsqu'on introduit une asymétrie dans ce modèle, les
interactions dans la population vont modifier la probabilité de l'effet de primauté.
Cas Asymétrique dû à la valeur élevée des caractéristiques négatives (g = 0, β = 4)
Nous avons commencé par investiguer une asymétrie due à β avec β = 4. Nous avons choisi
des valeurs pertinentes de α = {0.1; 0.13; 0.2; 0.3; 0.4} (voir tableau 2). La Fig. 5 illustre les
résultats. Comme prévu, nous obtenons une augmentation significative de l'effet primauté par
les interactions (plus particulièrement pour α = 0.3). La raison est que les premiers individus
qui reçoivent des caractéristiques négatives vont filtrer les positives, et donc communiquer
seulement les négatives. De ce fait, parmi les individus, les discussions ont plus tendance à
être à propos des caractéristiques négatives, ce qui renforce l'effet primauté.
100
% of sensitive to primacy effect
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
0,1
alpha
0,13
0,2
0,3
non interaction case
0,4
interaction case
Fig. 5. Comparaison entre individus isolés et en interaction pour g = 0, β = 4 et un objet décrit par 4 caractéristiques. Les
barres d'erreur prennent le min et le max.
Cas asymétrique dû à la valeur de l'attitude initiale (g = 4, β = 1)
- 35 -
Pour dernier cas, nous avons considéré les valeurs pertinentes d' α = {0.1; 0.18; 0.2; 0.3} (voir
tableau 3). Les résultats sont donnés par la Fig. 6.
100
% of sensitive to primacy effect
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
0,1
0,18
0,2
non interaction case
alpha
0,3
interaction case
Fig. 6. Comparaison entre individus isolés et en interaction pour g = 4, β = 1. Les barres d'erreurs prennent le min et le max
De nouveau, nous observons un renforcement de l'effet primauté par les interactions. En effet,
dans ce cas, la valeur positive de g favorise un filtrage initial des caractéristiques négatives.
De ce fait, dans les discussions, les caractéristiques négatives sont moins échangées que les
positives. Cela augmente la tendance observée chez les individus isolés à filtrer les
caractéristiques négatives.
DISCUSSION ET CONCLUSION
Discussion des résultats et comparaison avec le modèle précédent
La première contribution de ce modèle est que nous obtenons l'émergence d'un effet primauté
même lorsque les caractéristiques négatives et positives sont de même importance. Pour
obtenir ce résultat, nous avons fait l'hypothèse d'un seuil de filtrage qui évolue linéairement
avec l'attitude courante de l'individu. Cette hypothèse est en accord avec la perspective
d'Attitude strength et de la résistance à la persuasion, théories actuelles concernant les effets
d'ordre dans la formation des attitudes. De ce fait, le modèle s'ajuste mieux aux études en
psychologie sociale.
La seconde contribution du modèle est la comparaison entre individus isolés et en interaction.
De la même manière que les résultats obtenus avec les modèles précédents, nous avons trouvé
que les interactions peuvent augmenter significativement la proportion d'individus soumis à
- 36 -
l'effet primauté. Plus particulièrement, dans ce nouveau modèle, nous avons souligné la
nécessité d'une asymétrie dans le modèle pour obtenir un impact de l'interaction sur l'effet
primauté. Cette asymétrie peut se faire au niveau de la valeur des caractéristiques positives et
négatives, ou alors au niveau de la valeur de l'attitude initiale, qui, lorsqu'elle est non nulle,
favorise la réception d'un type de caractéristiques. Il est important de noter que l'absence
d'effet d'interaction dans un cas symétrique reste donc un cas particulier.
Sémantique de la formalisation
Nous avons suggéré dans le développement du modèle que la sémantique du paramètre α
pouvait être plus riche mais que les défauts de correspondance entre notre situation et les
paradigmes expérimentaux nous empêchaient d’évaluer ces hypothèses. En effet, ce
paramètre fait évoluer le seuil d'incongruence entre 0 et l'importance de l'attitude courante de
l'individu. Lorsque α est très faible, l'individu est peu résistant aux informations incongruentes
et reçoit toutes informations qui lui sont transmises. Par contre lorsque α est très élevé, la
résistance et le filtrage deviennent systématiques.
On peut rattacher ce paramètre à une agrégation des mécanismes liés aux processus de
résistance (cf. partie I B.2) et plus particulièrement à des études sur les effets d'ordre faisant
varier le concept de motivation17 à penser (Haugtvedt et coll., 1994 ; Petty & coll., 2001). En
effet, ces études montrent que les individus sont plus facilement soumis à l'effet primauté
lorsqu'ils sont motivés à penser, i.e. à se forger une attitude à propos de l'objet considéré18.
De plus cet effet garde cette forme seulement lorsque les caractéristiques sont "chunkées"
(clairement séparées dans le temps et/ou dans l'espace), sinon l'effet s'inverse se produit,
l'effet primauté apparait lorsque les individus sont moins motivés. Ceci expliquerait certaines
divergences de résultats entre les études sur la formation d'impression par rapports à la
formation d'attitudes. En effet, les paradigmes de formation d'impressions utilisent des listes
d'informations non séparées, ce qui n'est pas le cas pour les paradigmes de persuasion. Dans
notre cas, les caractéristiques sont clairement "chunkées" puisqu'elles n'interviennent pas à la
suite et ne proviennent pas forcément de la même source. Au vu de la littérature, il semble que
17
Rappelons que le concept de motivation est lié à la quantité d'élaboration allouée au message selon
l'Elaboration Likelihood Model.
18
Par exemple, Petty & coll. (2001) demandent aux participants d'évaluer un programme de réforme d'examens.
La motivation à penser était manipulée en signalant aux participants que cette mesure était en cours
d'implémentation pour l'année suivante dans leur propre université, ou alors dans une université éloignée et 10
ans plus tard.
- 37 -
lorsque les individus sont motivés, ils s'engagent dans une formation d'attitude forte et rapide
dès qu'ils reçoivent les premières caractéristiques. Ils deviennent donc plus résistants aux
prochaines caractéristiques incongruentes.
Néanmoins, cette interprétation d' α comme un degré de motivation est seulement une
hypothèse à cette étape car le transfert des études de Haugtvedt et coll. (1994) et Petty & coll.
(2001) à notre modèle n'est pas direct. En effet, ces expériences utilisent deux groupes de
caractéristiques de même signe (un message pro contenant des caractéristiques positives et un
message con contenant des caractéristiques négatives). Dans notre modèle, toutes les
caractéristiques sont séparées et nous considérons tous les ordres possibles. De ce fait,
d'autres expériences sont nécessaires pour confirmer ou réfuter cette hypothèse.
Aussi, comme nous l'avons observé, les individus reçoivent toutes les informations lorsque α
est faible, ce qui impliquerait que, lorsque les individus n'élaborent pas activement le contenu
des informations, ils aboutissent à un traitement rationnel. Ce résultat peut paraitre contre
intuitif. Les expérimentations montrent souvent l'apparition d'un effet de récence dans cette
configuration. Nous n'avons pas formalisé l'effet de récence car selon les psychologues, un
autre mécanisme, indépendant de l'effet primauté, est responsable de son apparition. Pour de
futures recherches, il serait pertinent de formaliser l'effet de récence et de tenter de coupler le
modèle obtenu avec notre modèle.
Cela dit, nos résultats pour un α faible ne sont pas irréalistes. Certaines études dont celle de
Petty et coll. (2001) montrent que l'effet de récence, lorsque les individus ne sont pas motivés,
n'est pas systématique, et l'attitude des individus tend vers 0. Comme les messages dans
l'expérimentation sont censés avoir la même importance, on peut suggérer que leurs valences
s'annulent du fait que les individus prennent en compte toutes les informations. Ce qui
correspondrait à nos résultats
Futures recherches
-Au niveau de la psychologie sociale :
Comme nous venons de le voir dans la sous-partie précédente, d'autres expériences sont
nécessaires pour tester l'hypothèse d' α comme degré de motivation.
De plus, il pourrait être intéressant d'investiguer l'impact des interactions sur l'effet primauté
avec des individus réels.
-Au niveau de la modélisation :
- 38 -
Il serait intéressant de construire un modèle agrégé (i.e. modèle des comportements globaux
statistiquement robuste) par rapport à ce modèle agent en vue de mieux cerner les dynamiques
observées au niveau collectif.
De plus, comme nous l'avons explicité, il pourrait être envisageable d'intégrer une
formalisation de l'effet de récence dans le modèle afin de rendre compte de tous les
comportements des individus, même si cela produirait une complexification du modèle plus
ou moins forte.
Réflexion épistémologique concernant l’approche adoptée
Cette étude est caractérisée par son aspect interdisciplinaire dans le sens où la psychologie
sociale est mobilisée pour formuler nos hypothèses sur un modèle informatique. Néanmoins il
pourrait être aussi très intéressant de définir des expérimentations sur des individus réels à
partir des résultats de nos modèles, et d'articuler étroitement ces deux méthodes (ex : Latané
& Bourgeois, 2001).
D'autre part, la formalisation de modèles informatiques à partir de théories sociales impose un
effort de rigueur particulier. Dans les théories en psychologie sociale, formulées en langue
naturelle, certains sens cachés ou implicites subsistent souvent à l'insu du théoricien. Le
travail de formalisation s'attache à définir les concepts de manière explicite, et des formules
mathématiques qui sont facilement testables dans un programme informatique. Cependant, le
risque reste la perte de sens par des simplifications outrancières menant à des modèles
irréalistes. Cette approche offre donc un large potentiel, mais est à envisager avec prudence.
Aussi, réfuter clairement des théories en psychologie sociale reste difficile car les
"expérimentations humaines" sont couteuses et difficilement répétables. Le recours à la
modélisation permet d'envisager plus objectivement et formellement les théories considérées
(sauf si le passage de la théorie à la formalisation comporte des erreurs ou des raccourcis
intempestifs) et de tester des hypothèses avec des variations de paramètres et des répétitions
de mesures à volonté puisque ce processus est rapide et peu couteux.
La modélisation et la simulation peuvent donc être un outil précieux pour le développement
théorique en psychologie sociale. Et, de la même manière, les théories psycho-sociologiques,
dès lors qu'elles envisagent souvent le comportement individuel en milieu social et pas
directement un comportement agrégé comme en sociologie par exemple, fournissent des
hypothèses de niveau local qui s'ajustent particulièrement bien dans une approche agent.
- 39 -
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- 42 -
ANNEXE
Primacy Effect with Symmetric Features Propagating in a Population
Dubois Emmanuel, Huet Sylvie, Deffuant Guillaume
Accepted to The Fourth Conference of The European Social Simulation
Association, ESSA 2007
- 43 -
Primacy Effect with Symmetric Features Propagating
in a Population
Emmanuel Dubois1, Sylvie Huet1 and Guillaume Deffuant1
1
Cemagref, Laboratoire d’Ingénierie des Systèmes Complexes, 24, rue des Landais, 63 672
Aubière France
{emmanuel.dubois, sylvie.huet, guillaume.deffuant}@cemagref.fr
Abstract. We propose a modification of existing primacy effect models in
order to fit better social psychology observations. We keep the main principle,
inspired by Festinger theory of cognitive dissonance: individuals tend to ignore
features which are slightly incongruent with their global attitude toward an
object. Only congruent and strongly incongruent features are thus considered.
In the new model, we suppose that the threshold for ignoring incongruent
features is linear with the global attitude. This hypothesis is inspired by recent
social psychology studies about “attitude strength” being able to explain
primacy effect. Moreover, and also in agreement with the social psychology
literature, this new model exhibits a primacy effect when congruent and
incongruent features are of equal importance (the previous model does not). We
also study the conditions in which, interactions among individuals enhance the
propagation of primacy effect.
Keywords: Primacy effect, attitude model, individual based model.
1 Introduction
It is generally agreed that attitudes exert selective effects at various stages of
information processing [8]: information may be filtered by the individuals, i.e. they
ignore it. Here, “attitude is a psychological tendency that is expressed by evaluating a
particular entity with some degree of favour or disfavour” [8]. Festinger, in his theory
of cognitive dissonance [9], proposes some mechanisms for this selection: people
seek out information that supports their attitudes and avoid information that
challenges them, in order to minimize their cognitive dissonance. Such selection
mechanisms can lead to an attitude formation which depends on the order of
information delivery. This is typically the case of the primacy effect: individuals
define their attitude with the first few bits of information they catch, and then only
consider information which reinforces this attitude.
More recent researches [20, 21] show that when individuals have a low motivation
to process information, a recency effect or an exhaustive processing of information
occur, when individuals have a high motivation to process, a primacy effect is
observed.
Several researches in social modelling include links between attitude and
information transmission [1][10][12][14][16]. The belief-adjustment model [22]
focuses on the impact of information presentation on attitude. It is particularly
devoted to the recency effect and doesn’t take into account the motivation. The
bounded confidence models [23][24][17][18] implement reception and emission
filters on attitudes or opinions. In the model of innovation diffusion of [4], bounded
confidence dynamics are coupled with information propagation. However, none of
these models focuses specifically on the primacy effect.
Recently, Huet and Deffuant proposed a simple agent based model of individual
primacy effect [5][6][11][12], which abstracts from the researches in social
psychology. The model is very simple: it supposes that individuals filter incongruent
features if their importance is below a given fixed threshold. They show that, for
some choice of positive and negative features, the model exhibits primacy effects:
depending on the order of feature reception, the agents have different final attitudes.
Moreover, in some cases, the number of agents which show primacy effect is
significantly increased and in other cases significantly decreased when agents interact
with each other.
Discussing this model with social psychologists, we realised that, despite its
interesting first results, it does not fit experiments on the primacy effect. Indeed, these
experiments show that the primacy effect can take place even when congruent and
incongruent features are of equal importance. Unfortunately, the model shows a
primacy effect only if the features of one sign are of higher importance, and their
value is well chosen relatively to the threshold. Clearly these constraints are too high.
It seems that the primacy effect takes place much more easily in real subjects.
In this paper, we suppose that the threshold for filtering incongruent features is not
fixed, but evolves linearly with the absolute value of the global attitude. We study the
conditions in which this model exhibits a primacy effect, and show that it can take
place even when positive and negative features are of equal importance. Therefore
this new model fits better the social psychology literature.
Moreover, we study how the primacy effect propagates when individuals interact,
and receive randomly the features from a media. We observe that, when the features
are asymmetric, interactions increase the number of individuals showing a primacy
effect.
First, we describe the individual dynamics in details, and show why it shows
primacy effect even with symmetric features. Second, we study the effect of
interactions, and analyse when there is a propagation of the primacy effect. Finally,
we conclude and point out some next steps of this research.
2 Individual dynamics: a filtering threshold linear with the global
attitude
In this section, we consider an isolated individual: he receives an object's description
from a media and doesn’t exchange with others. Firstly, we detail the individual
dynamic. Then we analyze the filtering conditions of information. Finally, we
determine proportion of individuals subjected to primacy effect in a population of
isolated, or non-interacting, individuals
2
2.1
The model
The model is very similar to the one studied in [6] and [11]. The basis of our
modelling is dissonance theory [9] on the one hand, and Allport’s work on rumour
diffusion [1] on the other hand. We notice that individuals avoid incongruent
information, and, keep only important information.
We consider an individual which is told by a media about the features of an object.
We define this object by a set of features F = (1,2..., d ) , which are associated with
(
)
positive or negative real values u1 ,..., u j ,..., ud with u j ∈ ℜ . An individual can have
a partial view of the object, in which case it has a real value for some features and nil
for others. To simplify we use feature instead of feature value.
An individual i is characterised by:
• g: an initial attitude (suppose the same for all individuals in the following).
• Li : a subset of F containing the features currently retained by the individual
(empty at the beginning).
• Gi = g +
u j : global attitude about the object (related to information integration
∑
j∈Li
theory of Anderson [3]).
The model is based on the congruency principle. A feature is congruent when it has
the same sign as the individual’s global attitude to the object, incongruent otherwise.
This means, when Gi u j ≥ 0 , feature j is said congruent for individual i, and
incongruent otherwise. The dynamics of the model have three main aspects:
1. Exposure to feature values: we suppose that, at each time step, a media sends a
randomly chosen feature to the individual.
2. Selective retaining: The dynamics of filtering are determined by an
incongruence threshold Θ . Being told about feature j, the individual will react as
follows:
• If j is congruent “retain the feature”.
• If j is incongruent:
o
if u j > Θ “retain the feature”;
o otherwise “ignore the feature”.
Here, “retain the feature” means that j is added to Li (if Li does not include j yet),
“ignore the feature” means that the feature is filtered (not added to Li).
3. Computation of attitude: an individual computes its global attitude each time it
retains a new feature.
In [6] [11], Θ is a constant positive number. In [5], Θ is dynamic depending on
the current attitude value plus a constant. Both cases imply that the primacy effect
appears only when the features are asymmetric. Indeed, we need for instance that
positive features are filtered when incongruent, whereas negative features are not. To
achieve this, positive features should be lower than Θ, and negative features higher
(in absolute value). See [5],[6], [11] for details.
3
These constraints seem much too strong, because psychological studies (see
[2][15] classics) show that the primacy effect can also occurs when the opposite
features have the same absolute value.
In order to weaken the constraints on the primacy effect, we suppose now that
threshold Θ is linear with the current value of the global attitude with factor α.
Therefore, we have:
Θ = α Gi
(5)
One can interpret parameter α as the tendency of individuals to privilege their own
attitude. When α is very small, individuals consider all features, because the threshold
is very small. On the contrary, when α is high, individuals rapidly only consider
features that fit their own view. α varies from 0 to 1. Moreover, we argue in the
discussion that α may be related to recent psychological studies. In the following
study, we consider a very simple case where α has the same value for all individuals.
This new model significantly weakens the conditions on the primacy effect. The
global attitude Gi can grow in absolute value as long as congruent features are
retained, which increases linearly the threshold, and reinforces the tendency to ignore
incongruent features (and consequently to show primacy effect). Therefore, as we
shall verify analytically, the primacy effect can take place, even with symmetric
features.
2.2
Analysis of the conditions for filtering positive or negative features
To simplify the analysis, we suppose that all positive features have the same value
u + = 1 , and all negative features the same value u − = − β (β ≥ 0). We get symmetric
features when β = 1. We are now studying the conditions which lead an individual to
filter the features of one sign or the other.
Suppose that an individual retained n+ positive features and n− negative features. In
these conditions, we have:
G = n+ − β n− + g
(6)
The conditions in which negative features will be filtered are:
o the global attitude G is positive, which implies that negative features are
incongruent;
o the threshold is higher than β.
These conditions can be written as follows:
n+ − βn− + g ≥
β
α
(7)
The same derivation can be made about the conditions for filtering positive
features. It yields:
4
n+ − βn− + g ≤ −
1
(8)
α
When g = 0 and β = 1. In this case formulae (3) and (4) can be simplified. Both
become equal to 1/α if respectively consider n− = 0 and n+ = 0. Fig. 1 shows the
possible states for g = 0 and β = 1. We note that in this case, the figure is totally
symmetric.
Fig. 2. States of an individual regarding the number of negative (x-axis) or positive features (on
y-axis) for β = 1, α = 0.5 and g = 0. In the white area, there is no primacy effect. In the grey
areas, either positive or negative features are ignored, which implies a primacy effect. Black
dots and lines represent three different examples of individual trajectories.
When an individual goes from the non-filtering zone to a filtering zone, it cannot
come back into the non-filtering zone. This means that once individuals are in a
filtering zone, they retain only congruent features, and filter all incongruent ones. In
other words, they exhibit the primacy effect. Their final attitude is designed by the
first features they receive before they begin to filter a type of feature (positive or
negative).
On the contrary, individuals staying in the non-filtering zone retain any feature,
negative or positive, they receive. They do not show the primacy effect. The width of
this zone depends on α . However it is easy, due to consecutive reception of several
same sign features for example, to go out of this zone and fall into a filtering zone.
Thus, when the number of positive and negative features, randomly diffused by the
media, grows infinitely, the probability that an individual remains in the non-filtering
zone, i.e. to retain all the features, tends to zero.
Let's consider now a case of asymmetric features. Fig. 2 shows the filtering and
non-filtering zones when negative features are 4 times more important than positive
features (β = 4). We notice on figure 2 that the negative filtering zone is smaller than
the positive filtering zone. The fact the negative features have a higher value creates
an asymmetry in their favour.
Let's consider now the effect of a strictly positive value of the initial attitude g. Fig.
3 shows the individuals states for g = 4. As on figure 2, we notice on figure 3 an
5
n+
asymmetric behaviour of the individual model. The positive filtering zone is smaller
than the negative one. The initial positive attitude favours the positive feature.
Positive features are
ignored
2
0
2
n-
Fig. 2. States of an individual regarding the number of negative (x-axis) or positive features (on
y-axis) for β = 4, α = 0.5 and g = 0. We notice the negative filtering zone is smaller than the
positive filtering zone. The fact the negative features are of higher importance than the positive
features creates an asymmetry favouring negative features.
Fig. 3. States of an individual regarding the number of negative (x-axis) or positive features (on
y-axis) for β = 1, α = 0.2 and g = 4. We notice here a strong asymmetry favouring positive
features.
2.3
Probability to show primacy effect in simple examples
We consider simple examples in which we suppose that the object includes 4
features. As we have 4 features with two possible values (two positive values and two
negative ones), 6 orders of feature presentation by the media are possible.
We first consider the case of β = 1, g = 0. Table 1 shows the final list of retained
features for the different orders of presentation, and different values of α. The last line
is the probability that an individual shows the primacy effect, when all orders of
6
presentation have the same probability (which is our hypothesis when features are
only diffused by the media). This probability is the same for a unique individual or a
population of such individuals when they do not interact each other, i.e. when they are
isolated.
Consider the presentation order ++-- and α = 0.5, as an example (first line third
column table 1). We are following our individual state in time. Firstly, it receives +;
its attitude goes from 0 to 1 and its list of retained features becomes L ={+}. Secondly
it also receives + which is also congruent since its current attitude is positive, so its
attitude becomes 2, and L={++}. Then it is exposed to - which is incongruent. Then,
Θ = 0.5 × 2 = 1, thus the feature -1 is ignored since it is not higher than Θ. The
attitude of the agent is 2, with L={++}. The last feature is also filtered since it is
incongruent; the individual shows the primacy effect.
Table 4. Final list of retained features for an isolated individual with g = 0 and β = 1.
Grey cells indicate a primacy effect.
α
Order of presentation [0;0,5[ [0,5;1[
1
++--
++--
++
++
--++
--++
--
--
+--+
+--+
+--+
++
-++-
-++-
-++-
--
-+-+
-+-+
-+-+
--
+-+-
+-+-
+-+-
++
Primacy effect proba.
0
1/3
1
Following the same method, we can determine the final state of a population
composed of isolated individuals for β = 4. Results are presented in table 2.
Table 5. Final state of an isolated individual g = 0 and β = 4
α
Primacy effect
proba.
[0;1/8[
[1/8;1/7[
[1/7;1/4[
[1/4;1/3[
[1/3;1]
0
1/6
1/2
2/3
5/6
We can also determine the population final state for g = 4 and β = 1. The results
are presented in table 3.
Table 6. Final state of a non-interacting population of individuals for g = 4 and β = 1
α
Primacy effect
proba.
[0;1/6[
[1/6;1/5[
[1/5;1/4[
[1/4;1]
0
1/6
2/3
1
7
After having studied the individual case and the case of a non-interacting
population, we are now comparing the latter to the case of a population of interacting
individuals.
3 Interacting individuals
We suppose now that individuals communicate with each other. Thus, they can
receive a given feature from a peer or from the media. We firstly define the
interaction model. Then we simulate simple examples in order to compare the
interacting population dynamic with isolated individuals. To simulate the interactions,
the model is implemented in the Java language.
3.1
The model of interaction
For sake of simplicity, we suppose that each individual can communicate with any
other. The principle is that, at each time step and for N times (considering a
population of N individuals), we choose a pair of individuals at random, and the first
communicates to the second one of its retained features at random. More precisely, at
each time step, the algorithm is as follows:
N times repeat:
• Media diffusion: choose individual k at random with
probability f, choose feature m at random in the
object, send feature m to individual k.
•
3.2
Interactions: choose couple of individuals (i,j) at
random; i tells j about one of its retained
features, chosen at random.
Comparing interacting population with isolated individuals
We consider the parameter values of section 2.3, with an object of 4 features (2
positive and 2 negative) and the different values of g and β.
We performed simulations with an interacting population of 1000 agents. Each
result is obtained with 100 replicas. For a replica, we perform 200 iterations. This
duration is largely sufficient to insure that all individuals have been exposed to all
features. The delivery frequency by the media f is 0.1.
We then compare the probability of isolated individual to show primacy effect with
the proportion of individuals showing the primacy effect in the interacting population.
8
Symmetric case (g = 0, β = 1)
We performed simulations with the relevant values of α = {0.1; 0.5; 1} chosen from
table 1. Indeed with these values, we get all possible situations. Fig. 4 shows the
results.
% of sensitive to primacy effect
100
80
60
40
20
0
0,1
alpha
0,5
non interaction case
1
interaction case
Fig. 4. Comparison between the interacting and the isolated individuals for g = 0, β = 1. The
error bar takes the min and max.
We observe on Fig. 4 that the proportion of primacy effect in an interacting
population is the same as for isolated individuals. This result can easily be
understood. Indeed, in the model, the situation is totally symmetric between positive
and negative features. Therefore, the number of negative filtering is the same as the
number of positive filtering, which implies that in the interactions within the
population, the probability to communicate a negative feature is the same as the
probability to transmit a positive feature. Therefore, the probability of receiving the
different orders of features is the same with or without discussions.
We can make the assumption that when introducing asymmetry in this model, the
interactions in the population will modify the probability of primacy effect.
Asymmetric case due to a higher value of negative features (g = 0, β = 4)
We first investigate an asymmetry due to β = 4. We chose relevant values of α =
{0.1; 0.13; 0.2; 0.3; 0.4} (see table 2). The results are shown on Fig. 5. As expected, it
shows a clear increase of the primacy effect by the interactions (more particularly for
α = 0.3). The reason is that the first individuals which receive negative features filter
positive ones afterwards, and then communicate only negative features while the
individuals receiving firstly positive features do not filter negative ones and
communicate about both features. Therefore, among the individuals, the discussions
are more likely to be about negative features, which reinforces the primacy effect. For
some values of α, the asymmetry is enhanced, in which case the effect of the
discussions is more significant.
9
100
% of sensitive to primacy effect
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
0,1
0,13
0,2
0,3
non interaction case
alpha
0,4
interaction case
Fig. 5. Comparison between the interaction and the non interaction case for g = 0 and an object
described by 4 features β = 4. Error bars take the min and max.
Asymmetric case due to the initial value of attitude (g = 4, β = 1)
For this final case, we considered the relevant values of α = {0.1; 0.18; 0.2; 0.3}
(see table 3). The results are shown on Fig. 6.
100
% of sensitive to primacy effect
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
0,1
0,18
0,2
non interaction case
alpha
0,3
interaction case
Fig. 6. Comparison between the interaction and the isolated individual primacy effect for g = 4,
β = 1. The error bars take the min and max.
Again, for some values of α, we observe a reinforcement of the primacy effect by
the interactions. Indeed, in this case, the positive value of g favours an initial filtering
of negative features. Therefore, in the discussions, the negative features are less likely
than the positive ones. This increases the tendency we observed for isolated
individuals to filter negative features.
4 Discussion, conclusion
The first contribution of this paper is a new model of primacy effect. In this new
model, primacy effect takes place also when positive and negative features are of the
same importance. To do so, the individual incongruence filtering threshold evolves
10
linearly with the global current attitude weighted by α. Thus, the new model fits
better recent social psychology experiments.
Indeed α is a coefficient of taking into account the current attitude in filtering
threshold determination. It can be related to a motivation degree to process the
information [19] [21] since it modulates the threshold between 0 and the current
attitude of the individual. When α is low, individual have a low resistance to
incongruent features and retain almost all transmitted features. On the contrary, when
α is very high, resistance and filtering become systematic and often generate the
primacy effect.
Nevertheless this interpretation of α as a motivation degree is only a hypothesis at
this stage, because interpreting experiments of [21] in the framework of our model is
not direct. Indeed, the experiments use two groups of same sign features. For
example, they present to subjects a positive feature group and next a negative feature
group. In our model, we suppose that all features are separated and we consider all the
possible presentation orders. Therefore, other experiments would be necessary to
confirm or falsify our hypothesis about α.
The second contribution of this paper is the comparison between isolated and
interacting individuals. In the line of the results we obtained with previous models, we
found that interactions can increase significantly the primacy effect. More
particularly, in the new model, we underlined the necessity of an asymmetry between
positive and negative features to obtain such an impact of interactions on the primacy
effect. We observed that the asymmetry can also be due to an a priori bias toward one
or the other type of features (the value of parameter g), even though the object's
features have equal importance. We intend to provide more complete results in the
future, probably through the design of an aggregated model.
To conclude, we would like to stress the experiments in social psychology that this
work suggests. Besides already mentioned experiments related to the interpretation of
α, we would need to measure the attitude after each feature presentation, to further
evaluate the hypotheses of the model. Finally, it would be interesting to investigate
the impact of interactions on the primacy effect.
Acknowledgments. We warmly thank Diemo Urbig for his crucial suggestions about
the model.
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