Les stratégies du bailleur pour aborder le renouvellement du bail
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Les stratégies du bailleur pour aborder le renouvellement du bail
Les stratégies du bailleur pour aborder le renouvellement du bail commercial Louisa DAHMANI Master 2 Pratique du Droit des Affaires sous la Direction de Madame LAUGIER Promotion 2010-2011 1 Les opinions émises dans le mémoire n'engagent que leur auteur et non la Faculté Libre de Droit. 2 LES STRATÉGIES DU BAILLEUR POUR ABORDER LE RENOUVELLEMENT DU BAIL COMMERCIAL Louisa DAHMANI Master 2 Pratique du Droit des Affaires sous la Direction de Madame LAUGIER Promotion 2010-2011 3 REMERCIEMENTS Je remercie Madame BRUNEAU, intervenante en baux commerciaux et gestionnaire immobilier, pour m’avoir transmis sa riche expérience des baux commerciaux et pour avoir dirigé ce mémoire. Je tiens également à remercier l’équipe du cabinet Triplet et associés pour leur accueil, leur disponibilité et leur écoute. Je remercie tout particulièrement Maître Bailleul, avocate spécialisée en droit des baux commerciaux. Elle m’a offert un terrain propice à l’enrichissement de mes connaissances. Son écoute, sa disponibilité et son professionnalisme m’ont permis de développer cette étude J’exprime toute ma gratitude envers Madame Laugier, Directrice du Master 2 Pratique du droit des affaires et Maître de conférences, pour ses conseils et son soutien permanent. Je remercie Monsieur Martel et son équipe, Experts immobiliers, d’avoir accepté de participer à cette réflexion en mettant l’accent sur la pratique des baux commerciaux lillois. 4 SOMMAIRE INTRODUCTION GÉNÉRALE PREMIÈRE PARTIE. LES STRATÉGIES PRÉCONTRACTUELLES DU BAILLEUR COMMERCIAL CHAPITRE I. La connaissance préalable de l’environnement juridico-économique du bail commercial CHAPITRE II. Les stratégies contractuelles de détournement du droit au renouvellement et du déplafonnement DEUXIÈME PARTIE. LES STRATÉGIES DU BAILLEUR COMMERCIAL FACE AU RENOUVELLEMENT CHAPITRE I. La limitation statutaire des stratégies du bailleur commercial CHAPITRE II. Repenser le statut CONCLUSION GÉNÉRALE 5 LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS Act. Jurispr. : Actualité jurisprudentielle Adde : Ajouter Administrer : Revue Administrer AJ : Actualité jurisprudentielle du Recueil Dalloz AJDI : Actualité juridique, Droit immobilier (Dalloz, à partir de 1998) AJPI : Actualité juridique, Propriété immobilière (jusqu’à décembre 1997) al. : Alinéa Ann. Loyers : Annales des loyers art. : Article Ass. plén. : Assemblée plénière de la Cour de cassation BICC : Bulletin de la cour de cassation Bull. civ. : Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation C. : Code C. baux : Code des baux C. civ. : Code civil Code de commerce : Code de commerce CA : Cour d'appel Cass. ch. mixte : Arrêt de la chambre mixte de la Cour de Cassation Cass. ch. réun. : Arrêt rendu par les chambres réunies de la Cour de Cassation. CE : Conseil d’État CEDH : Cour européenne des droits de l’homme Chron. : Chronique Civ. : Chambre civile de la Cour de cassation Com. : Chambre commerciale de la Cour de cassation Comp. : Comparer concl. : Conclusions Contra : Solution contraire Conv. EDH : Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales C. pr. civ. : Code de procédure civile 6 Crim. : Chambre criminelle de la Cour de cassation D. : Dalloz Décr. : Décret Defrénois : Répertoire du notariat Defrénois Doctr. : Doctrine Esp. : Espèce et a. : et autre(s) et s. : et suivantes fasc. : fascicule Gaz. Pal. : Gazette du Palais ibid. : Au même endroit ICC : Indice Insee du coût de la construction ILC : Indice des loyers commerciaux Infra : Ci-dessous IR : Informations rapides (du Recueil Dalloz) J : Jurisprudence JCP : Juris-classeur périodique (Semaine juridique), édition générale JCP E : Juris-classeur périodique, édition Entreprise JCP N : Juris-classeur périodique, édition Notariale JO : Journal officiel L. : Loi LGDJ : Librairie générale de droit et de jurisprudence Loyers et copr. : Loyers et copropriété LPA : Les Petites Affiches Mod. : Modifié n° : Numéro not. : Notamment Nouv. : Nouveau obs. : Observations Ord. : Ordonnance p. : Page Pan. : Panorama 7 R. : Rapport annuel de la Cour de cassation rappr. : Rapprocher RCS : Registre du commerce et des sociétés RDI : Revue de droit immobilier (Dalloz) Rect. : Rectificatif Rép. civ. : Répertoire de droit civil Dalloz Rép. com. : Répertoire de droit commercial Dalloz Rép. min. : Réponse ministérielle Rép. pr. civ. : Répertoire de procédure civile Dalloz Req. : Requête Rev. bleue : Revue bleue Rev. Loyers : Revue des loyers et des fermages RTD civ. : Revue trimestrielle de droit civil (Dalloz) RTD com. : Revue trimestrielle de droit commercial Somm. : Sommaires Spéc. : Spécialement ss. : Sous Supra : Ci-dessus t. : Tome TGI : Tribunal de grande instance TI : Tribunal d’instance V. : Voir 8 INTRODUCTION GÉNÉRALE « Il a quelques fois accommodé à ses propres dépens de procès, même considérables ; et un trait rare, en fait de finances, c'est d'avoir refusé, à un renouvellement de bail, cent mille écus qui lui étaient dus par un usage établi : il les fit porter au Trésor Royal pour être employés au paiement de pensions les plus pressées des Officiers de Guerre ». Cet extrait de l’ouvrage de Bernard le Bouyer de Fontenelle intitulé « Eloge des membres de l’Académie Royale des Sciences » publié au XVIIIème siècle fait la louange de la grande générosité de Monsieur d’Argenson, propriétaire et ancien académicien, qui offrit l’indemnité reçue du renouvellement d’un bail au Trésor public.1 Pourtant, les auteurs du siècle suivant évoquaient plutôt « l’abus de puissance du bailleur2 » et relataient leur comportement déloyal à l’égard des preneurs, avec la complicité parfois des grandes firmes de l’époque. En effet, deux siècles plus tard, la loi du 17 mars 1909 relative au fonds de commerce avait eu pour conséquence d’augmenter leur valeur. Avec l’apparition des grandes entreprises, celles-ci proposaient aux propriétaires bailleurs des offres de relocation « à des prix défiant toute concurrence 3» se substituant aux locataires en place. Les auteurs rapportent que les bailleurs les expulsaient « sans bourse délier4 » pour profiter de la clientèle développée et des éventuels profits générés tout en s’assurant pour l’avenir de la solvabilité des nouveaux preneurs : « La morale n’avait pas gagné à la réforme de 1909 et les commerçants y avaient quelque peu perdu de leur sécurité 5». Face à ce rapport de force, la construction du statut des baux commerciaux s’est réalisée dans le sens d’une protection du preneur présumé être la partie économiquement faible du contrat de bail commercial6. En effet, au XIXème siècle et au début du XXème siècle, la 1 DE FONTENELLE (1657-1757), Éloge des membres de l’Académie royale des Sciences, « Éloge de Monsieur d’Argenson », Académie française des belles lettres de Londres, Nancy, Berlin et Rome, tome sixie, 1694-1727. 2 RTD Com. 2005 p. 256 « Bail commercial, accord sur les modalités ou le montant du loyer à payer en cas de renouvellement du bail », J. DERRUPPÉ. 3 Mbotaingar A., Statut des baux commerciaux et concurrence, Litec, décembre 2007. 4 ANZEMA, MUTELET, PRIGENT, Les baux commerciaux, Revue des loyers, octobre 2010, Lamy, p. 1. 5 Marion, Gaz. Pal. 1960, 2, doctr. p.65 6 Thèse de J. AUBERT, « La fixation des loyers commerciaux : la pratique judiciaire dans les ressorts de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence et du Tribunal de Grande Instance de Marseille », Université d’Aix-en-Provence, 1976, p. 13. Il nuance ce propos en soutenant que la règlementation sur le fonds de 9 valeur économique et patrimoniale du fonds de commerce est mise en valeur et reconnue par la loi7. C’est ainsi qu’après la Grande Guerre, la loi du 30 juin 19268 accordait au preneur le droit de demander le renouvellement, de réclamer le paiement d’une indemnité en cas de refus de renouvellement abusif ou d’enrichissement sans cause et de proposer une conciliation pour conclure un nouveau bail à l’expiration de la première. L’ensemble du dispositif était déjà frappé d’ordre public. Le décret du 30 septembre 19539 a scellé ce régime : « En instituant au profit du titulaire d’un bail commercial un droit de principe au renouvellement de celui-ci le décret vise à assurer aux commerçants la stabilité matérielle nécessaire à la pérennité du fonds qu’ils exploitent 10 ». C’est ainsi que ce bref aperçu historique révèle que le contrat de bail commercial a pour dessein depuis 1909 de compenser la perte du droit de propriété du bailleur, tout en préservant les intérêts économiques des preneurs. Dans ce contexte, l’évolution des rapports entre bailleurs et preneurs révèle une ambivalence. En effet, s’ils sont apparemment associés au développement prospère du local, il existe également un « conflit d’intérêt »11. D’une part, ils sont associés dans la mise en valeur du fonds de commerce exploité et a fortiori du local par le contrat de bail. Toutefois, cette association trouve ses limites au niveau du calcul du loyer. En effet, le bailleur souhaite rentabiliser le prix d’acquisition du local et optimiser sa valeur en augmentant les loyers ; le preneur souhaite a contrario limiter les frais liés à l’occupation du local et acquitter un faible loyer et assumer un minimum de charges et d’obligations. D’autre part, le statut est le lieu de confrontation permanente entre les droits respectifs des parties. Tout d’abord, le bailleur a un droit de propriété sur son immeuble. Le droit de propriété est un droit inviolable et sacré reconnu par les articles 2 et 17 de la Déclaration commerce et la propriété commerciale est le « résultat de l’action d’un groupe de pression, représentant une corporation riche, puissant, et dont la richesse était en pleine expansion ». 7 La loi du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement des fonds de commerce a consacré cette évolution. 8 Loi du 30 juin 1926 qui règle les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyers d’immeubles ou de locaux à usage commercial ou industriel. 9 Décret n° 53-960 réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne les baux à loyers d’immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal. S’agissant d’un décret-loi, les dispositions législatives ont été insérées dans le nouveau C. Com. par l’ordonnance du 18 septembre 2000 et les dispositions règlementaires dans un décret du 27 mars 2007. 10 Sol. Minist. JO déb. A.N 15 août 1994, p. 417, RL. 1994 p. 476. 11 Ibidem p. 2. 10 des Droits de l’Homme et du Citoyen12. Il est également un principe à valeur constitutionnelle13. A l’inverse, le preneur s’est vu accordé un « droit à la propriété commerciale » par le législateur. Cette notion génère de nombreux débats doctrinaux. Sans remettre en cause sa prégnance dans le statut des baux commerciaux, des auteurs regrettent cette expression puisqu’il ne s’agit pas de transférer le droit de propriété du bailleur sur la tête du preneur14. L’expression est toutefois largement reprise dans les manuels, les enseignements et en doctrine. Elle signifierait en substance que le preneur disposant d’un contrat de bail de neuf ans15 et d’un droit au renouvellement16, protège son fonds de commerce, le développe dans de très bonnes conditions et bénéficie en définitive du « droit à la propriété commerciale » ou du droit à l’exploitation commerciale de ces locaux pour son industrie de façon pérenne. De plus, cette protection est justifiée par le fait que son exploitation étant liée intimement à l’emplacement de son local, sa perte aurait des conséquences économiques graves. D’ailleurs, le Rapporteur de la loi à l’Assemblée Nationale a confirmé cette approche en 1964 : « Il est aujourd’hui reconnu que, pour assurer l’amortissement de ses investissements, le commerçant locataire doit être assuré d’une durée suffisante de son bail. […] C’est pourquoi la commission a jugé nécessaire de fixer à neuf ans la durée minimale du bail commercial 17». En conséquence, le noyau dur du bail commercial est l’ajustement entre ces deux prérogatives et entre les desseins économiques ambivalents des cocontractants. Dans cette perspective, le moment du renouvellement est au cœur de la réflexion puisque c’est à cette occasion qu’il peut heurter le droit de propriété absolu et perpétuel du bailleur et/ou consumer voire anéantir les efforts d’exploitation du preneur : « Le moment du renouvellement du bail est un temps où s’affrontent des intérêts contradictoires. Ceux du preneur souhaitant une augmentation modérée du loyer afin de préserver la santé financière de son activité et ceux du bailleur voulant conserver la rentabilité de son 12 Art. 2 de la DDHC : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. » Art. 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. » 13 Conseil constitutionnel, décision n° 81-132 du 16 janvier 1982. 14 Certains auteurs nuancent la portée de cette expression : voir supra note 3, p. 1. 15 Art. L. 145-34 du C. Com. 16 Décret n° 53-960 du 30 septembre 1953 (JO du 1er octobre 1953, p. 8618 et s.). 17 JO déb. AN 1964, p. 2194. 11 immeuble18 ». En effet, les ambitions économiques de chacune des parties au moment du renouvellement sont différentes. Ainsi, la loi a encadré leurs relations et il est intéressant d’analyser l’ensemble des dispositions et de déceler la marge de manœuvre dont dispose le bailleur pour optimiser le renouvellement éventuel de son bail commercial. De même, le preneur pourra prendre connaissance de cette étude pour contrecarrer ou anticiper la position du bailleur. C’est ainsi que le sujet de ce mémoire s’intitule : « Les stratégies du bailleur pour aborder le renouvellement du bail commercial ». À cet égard, il convient de délimiter ainsi l’objet de notre étude en définissant les termes du sujet. Tout d’abord, il s’agit de définir l’expression « les stratégies ». Selon le sens commun19, la stratégie est « l’art de coordonner l’action des forces militaires, politiques, et morales impliquées dans la conduite d’une guerre ou la préparation de la défense d’une nation ». Le second sens, que nous choisirons, définit la stratégie comme « l’art de coordonner des actions, de manœuvrer habilement pour atteindre un but ». La caractéristique de la stratégie est « l’habileté », soit l’adresse, l’ingéniosité, la ruse. L’adresse est l’habileté physique ou intellectuelle. L’ingéniosité se dit d’une personne pleine d’esprit d’invention, de subtilité. La ruse a une connotation péjorative puisqu’elle fait référence aux procédés habiles et déloyaux dont une personne se sert pour parvenir à ses fins. La stratégie peut donc être soumise aux activités les plus diverses dont la matière juridique fait partie. En effet, les dispositifs juridiques sont un réservoir de contraintes et de possibilités et ce d’autant plus dans une matière éminemment technique qu’est le droit des baux commerciaux. De nombreux outils juridiques sont donc mis à la disposition des parties pour envisager le renouvellement (dispositions législatives et réglementaires, stipulations contractuelles, jurisprudence, doctrine). Néanmoins, à côté de cette hiérarchie des normes classique, il y a des espaces libres de toute action ou de toute abstention qu’il faut aussi exploiter. Or, le contentieux relatif au renouvellement est important étant donné que la pratique révèle qu’il s’agit d’une matière non maîtrisée ou très peu maîtrisée par les 18 AJDI 2009, p. 289 « Les relations financières entre bailleur et preneur à bail commercial », DEJOIE ET PHAN THANH. 19 Encyclopédie Larousse, éd. 2011 12 professionnels du droit20 voire inconnue par certains preneurs. Ainsi, choisir une vision stratégique dans l’optique du renouvellement permet de déterminer les outils juridiques mobilisables et non mobilisables en fonction des objectifs économiques du bailleur en vue du renouvellement. En effet, le point de vue choisi est celui du « bailleur ». On rencontre le terme « balleour » dès le XIVème siècle pour désigner celui qui donne à bail. Toutefois, un tout autre sens familier était répandu pour l’associer au caractère trompeur d’une personne, à celui qui a l’habitude de dire des choses fausses21. Dans le contrat de bail, le bailleur est celui qui s’engage à procurer au cocontractant la jouissance d’une chose mobilière ou immobilière, contre une rémunération22. Il peut s’agir d’une personne physique ou morale. En outre, la loi n’exige pas qu’il ait la qualité de commerçant, contrairement au preneur titulaire d’un fonds de commerce23. La pratique distingue les bailleurs privés et les bailleurs institutionnels, ces derniers étant notamment des banques ou des compagnies d’assurance. L’autre partie au contrat de bail est le locataire ou preneur qui est celui qui obtient le droit d’utiliser la chose louée contre le versement d’une somme d’argent appelée loyer24. De plus, il faut se garder de confondre systématiquement le bailleur et le propriétaire de l’immeuble. Si dans la majorité des cas le propriétaire a la qualité de bailleur, il peut également déléguer sa prérogative de mise à disposition de la jouissance des locaux à un tiers. En effet, le propriétaire est celui qui dispose du droit réel sur la chose et de toutes les prérogatives qui s’y rattachent : le droit d’user et de détenir la chose sans en percevoir les fruits, le droit d’en percevoir les fruits et le droit d’en disposer. En revanche, le bailleur, s’il n’est pas le propriétaire, ne peut que mettre à disposition la jouissance des locaux sans outrepasser ces prérogatives. Le propriétaire dans ce cas n’interviendra pas au contrat de bail dans le cadre du renouvellement par exemple puisqu’il a délégué le fructus à une tierce personne, bien que les actes de disposition soient soumis à son agrément. De même, il y a des cas de démembrement de propriété qui ont pour conséquence cette même distinction et 20 Voir supra note 2 p. 21, par exemple, sur la délégation de la rédaction de la partie technique par des experts : « Les avocats sont rarement suffisamment spécialistes des problèmes d’évaluation des loyers commerciaux pour rédiger eux-mêmes des mémoires sur des locaux qu’ils ne connaissent parfois que par ouï-dire ». 21 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicale : http://www.cnrtl.fr/definition/bailleur 22 Lexique des termes juridiques, 16e édition, Dalloz. 23 Art. L. 145-1 du C. Com. 24 Supra note 12. 13 que l’on n’étudiera pas. C’est le cas de l’usufruit qui est un droit réel principal qui confère à son titulaire le droit d’utiliser la chose et d’en percevoir les fruits mais non celui d’en disposer lequel appartient au propriétaire25. Ainsi, dans le cadre d’un bail commercial, le propriétaire a la qualité de nu-propriétaire et le bailleur celle d’usufruitier. Toutefois, pour des raisons de commodité, ces options ne seront pas envisagées et l’on retiendra que les qualités de bailleur et de propriétaire se confondent dans une même personne. Par ailleurs, la perception du bailleur au sein de l’opinion publique est plutôt négative. À Lille, par exemple, un journaliste rapporte : « Depuis qu'il est propriétaire de 57 commerces, VastNed Retail passe pour le grand méchant loup de l'immobilier à Lille. 26» En défense, les bailleurs rappellent qu’ils détiennent un droit de propriété sur leurs biens et qu’à ce titre le législateur leur a offert des droits dont celui d’augmenter son loyer conformément à la valeur locative lors du renouvellement. C’est ainsi qu’il ne faut pas perdre de vue ce dessein économique du bailleur qui agit dans le but de générer un profit en mettant à disposition la jouissance de son bien. C’est pourquoi le terme de stratégie est approprié. En outre, le fil rouge de ce mémoire est l’expression « pour aborder ». Ce terme est polysémique. Dans le langage marin, il signifie arriver au rivage, atteindre la terre. Dans le langage commun, il s’agit soit de s’approcher d’une personne, soit d’arriver à un lieu, à un passage que l’on doit emprunter. Les expressions « aborder un problème, une question, un sujet » signifient « en venir à les traiter ». C’est ce dernier sens qui est privilégié dans cette étude. De plus, l’adjonction de la préposition « pour » dénote la destination, le but. Il s’agira donc d’envisager les stratégies du bailleur en vue du renouvellement, soit dès le début de la signature du contrat de bail jusqu’à la date du renouvellement. D’ailleurs, qu’est-ce que le « renouvellement » ? Dans le langage courant, renouveler signifie remplacer une personne ou une chose par une nouvelle. Dans un contrat de bail, le renouvellement intervient à l’échéance du terme contractuel du premier bail de neuf années ou au-delà27 pour procéder à la signature d’un nouveau bail. Il ne faut pas confondre le renouvellement du bail commercial et le cas spécifique de la tacite reconduction des baux de plus de 12 ans. En effet, ces derniers font 25 Voir note supra 12. « Qu’y a-t-il derrière les loyers de VastNed Retail ? », Nord Eclair, édition du 7 janvier 2011. http://www.nordeclair.fr/Locales/Lille/2011/01/07/qui-y-a-t-il-derriere-les-loyers-de-vast.shtml 27 Art. L. 145-4 du C. Com. 26 14 l’objet de ce qui est improprement qualifié de « tacite reconduction »28 29 , à savoir que le bail se poursuit tacitement, se proroge, se prolonge sous les conditions du bail expiré. Or, en cas de renouvellement, c’est un nouveau contrat de bail qui remplace le bail initial, conformément au sens du verbe. Juridiquement, le statut offre un « droit » au renouvellement au preneur et cette disposition est d’ordre public30. Toutefois, la jurisprudence a interprété restrictivement ces dispositions et considère qu’aucune des règles de fixation du loyer renouvelé n'est d'ordre public, et sont ainsi notamment exclues les dispositions de l'article L. 145-34 en matière de plafonnement31. S’agissant du mécanisme de renouvellement, le preneur ou le bailleur peut être à l’initiative de celui-ci : - Le bailleur peut notifier au preneur soit un congé avec offre de renouvellement, soit son refus exprès avec ou sans indemnité d’éviction ; - Le preneur peut prendre l’initiative de le demander ou de délivrer un congé pur et simple32. Cette présentation succincte du mécanisme du renouvellement montre qu'il ne faut pas considérer cet événement comme ponctuel et certain. En effet, le renouvellement est un processus qui s'anticipe avant la signature du contrat de bail, dont la période de neuf ans commence à s'écouler à sa signature et dont l'avenir définitif est incertain un an avant la fin du contrat de bail voire deux trois mois après. C'est ainsi que le renouvellement intègre parfaitement l'idée de stratégie et les parties ne doivent pas le négliger bien que la durée de neuf ans puisse paraître lointaine le jour de la signature du contrat. D'autres évènements sont à distinguer du renouvellement. C'est le cas de la révision dite « triennale » organisée par l'article L. 145-38 du Code de commerce. Elle consiste à ouvrir la possibilité au bailleur ou au preneur de demander, au moins trois ans après l'entrée en jouissance ou après le bail renouvelé, la révision légale du loyer à la hausse ou à la baisse 28 Art. L. 145-9 du C. Com. AJDI, 20011, p. 359, J-P BLATTER : « Aussi longtemps que le texte de l'art. L. 145-9 n'aura pas été modifié pour remplacer définitivement la tacite reconduction par la tacite prolongation, la confusion restera possible. » 30 Art. L. 145-15 du C. Com. e e 31 Civ. 3e. 4 mars 1998, AJDI 1998, p. 620 ; CA Versailles, 12 ch., 2 sect., 16 octobre 1997, Dalloz Affaires 1998, p. 100, obs. Y. R. ; 26 novembre 1998, RD imm. 1999, p. 162, obs. J. Derruppé ; CA Paris, e 16 ch. B, 12 février 1999, Gaz. Pal. 1999, 2, somm. p. 211, obs. J.-D. Barbier. 32 Art. L. 145-9 du C. Com. 29 15 pour atteindre la valeur locative dans la limite du respect d’un plafond sauf dérogation33. Toutefois, la révision du loyer ne sera pas le cœur de notre sujet bien qu'il sera parfois évoqué en soutien aux développements liés au renouvellement. De même, il convient de définir d'autres notions juridiques qui cohabitent avec le domaine du renouvellement et dont la compréhension préalable est nécessaire pour envisager le sujet de mémoire. Tout d'abord, le renouvellement suppose souvent l’octroi d’indemnités. Elles peuvent avoir plusieurs destinations. On appelle « indemnité d'éviction » l'indemnité due par le bailleur qui refuse le renouvellement pour compenser le « préjudice causé par le défaut de renouvellement34». L'originalité de cette indemnité est qu'elle est l'expression du droit de propriété du bailleur qui, en principe, ne doit pas justifier d’un motif de refus de renouvellement. À l'inverse, elle permet au preneur de réparer cette atteinte au droit au renouvellement accordé par le législateur. Ce concept illustre l'idée évoquée précédemment selon laquelle le droit des baux commerciaux est la confrontation permanente entre le droit de propriété du bailleur et le droit à la propriété commerciale du preneur. De plus, la loi a prévu des cas où le bailleur pourra se soustraire au paiement de l’indemnité d’éviction bien qu’il l’ait refusé35. Le législateur a également prévu une indemnité d'occupation. Chronologiquement, lorsque le locataire prétend à l'indemnité d'éviction, une instance judiciaire est en cours pour statuer sur son octroi ou pour en fixer le montant. Si la prétention est sérieuse, le locataire a un droit au maintien dans les lieux36 dans les conditions du bail expiré jusqu'à son paiement intégral. Mais, si le preneur est en définitive débouté de sa demande ou s'il se désiste, il doit payer au bailleur une indemnité d'occupation puisqu'il a occupé les locaux sans droit ni titre37. Ces indemnités ne doivent pas être confondues avec le pas-de-porte. Également appelé droit d’entrée, il s’agit de « la somme en capital versée par le locataire au bailleur lors de son entrée dans les lieux. Il est également appelé droit d’entrée ou denier d’entrée. Il peut être réglé en une ou plusieurs échéances38 ». Le pas-de-porte est né de la pratique et est 33 Pour plus de détails sur les règles de plafonnement et de déplafonnement, voir les art. L. 145-33 à L. 145-40 et R. 145-2 à R. 145-10 du C. Com. 34 Art. L. 145-14 du C. Com. 35 Voir le cas de l’art. L. 145-18 du C. Com. par exemple. 36 Art. L. 145-28 du C. Com. 37 Comm. 20 décembre 1962, Civ. 3e, 17 juillet 1997, Civ. 3e, 21 janvier 1998. 38 Voir supra note 2, note 210-10, sous l’entrée « pas-de-porte ». 16 souvent proportionnel à la qualité de l’emplacement. Il s'agit également d'un élément à envisager en vue du renouvellement. C'est pourquoi cette notion sera traitée dans ce mémoire. Enfin, l’étude s’inscrit dans le domaine spécifique des « baux commerciaux ». Il s’agit du contrat par lequel une partie, le bailleur, met à la disposition d’une autre partie, le preneur, la jouissance de locaux pendant une certaine durée en vue de son exploitation commerciale, artisanale ou industrielle moyennant le paiement de loyers. C’est un contrat synallagmatique : « le bailleur doit fournir la chose convenue et maintenir en possession, le preneur doit payer le prix et servir la chose comme le veut l’esprit de la convention39 ». L’article 1709 du Code civil définit plus généralement le louage de choses 40 et requiert un prix41 (les loyers), une durée et l’obligation du bailleur de faire jouir le preneur de la chose louée42. L’article L. 145-1 du Code de commerce exige quant à lui la réunion cumulative de quatre conditions pour conclure un bail de nature commerciale : l’existence d’un bail, l’existence d’un local, la nécessité d’un fonds en exploitation ou de l’exercice effectif d’une profession artisanale et la nécessité d’une immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers. Par ailleurs, une assimilation trompeuse peut être faite entre le droit au bail commercial et le fonds de commerce. Or, il s’agit de deux concepts juridiques de nature absolument différente puisque pour bénéficier du statut des baux commerciaux, le preneur doit justifier de l’existence d’un fonds en exploitation. En d’autres termes, le droit au bail est une des composantes du fonds de commerce, parmi d’autres éléments. Les professionnels du droit regrettent l’absence de définition légale du fonds de commerce. Nous retiendrons la définition proposée par le Professeur Cohen dans son ouvrage intitulé Traité des fonds de commerce : « universalité mobilière, composée principalement d’éléments incorporels, accessoirement d’éléments corporels et servant à l’exercice d’une profession commerciale ou artisanale »43 . C’est ainsi que le droit au bail n’est pas le fonds de commerce ; le fonds de commerce se compose notamment du droit au bail. 39 Encyclopédie nouvelle ou dictionnaire scientifique nouveau, volume 2, P. LEROUX et J. REYNAUD, p. 363. 40 Voir supra note 5 p. 2. 41 CA Lyon, 8e ch. 6 septembre 2005 : Il peut s’agir de loyers mais aussi de la prise en charge par le preneur d’obligations incombant au propriétaire (taxes, primes d’assurance, charges) à conditions qu’elles soient suffisamment importantes pour valoir loyers 42 Voir supra note 2, étude 101-03. 43 COHEN A., Traité des fonds de commerce, 2e édition, n° 15. 17 C’est ainsi que se clôt la délimitation du sujet de mémoire et la définition des termes du sujet et que s’ouvre la question des intérêts théoriques et pratiques que présente ce sujet de mémoire. D’une part, ce sujet présente un intérêt théorique. En effet, il faut partir du postulat que le renouvellement des baux commerciaux est un enjeu économique très important pour le bailleur. Or, il est peu voire mal maîtrisé par une partie des acteurs juridiques et économiques. S’ils sont présumés être la partie forte au contrat et sont de facto limités dans leur stratégie par le statut, la méconnaissance d’une règle subtile de procédure peut leur être économiquement grave. De plus, l’aborder comme un processus est intéressant : en mettant l’accent sur la période précontractuelle, le champ de la réflexion s’étend aux périodes de négociation et de rédaction d’actes ; en abordant les périodes contractuelle et post contractuelle, une réflexion contemporaine est proposée à partir de la loi et de la jurisprudence. De plus, aborder une matière éminemment juridique dans une optique stratégique permet de concilier les aspects juridiques et économiques. Enfin, ce sujet permet de développer la recherche universitaire à travers une optique Droit des affaires. En effet la plupart des mémoires sur le sujet dans la région sont rédigés par des praticiens civilistes (notamment dans le cadre du Master 2 Droit notarial dirigé par Monsieur le Professeur Kherkove à l’université Lille 2). D’autre part, ce sujet présente des intérêts pratiques. En effet, cette étude pourrait être à la base de la création d’un outil à destination des bailleurs et des preneurs. Les bailleurs pourraient l’employer comme un outil de gestion des risques ou de résolution des litiges alors que le preneur pourra prendre connaissance des stratégies du bailleur et anticiper éventuellement ses actions. De plus, les développements ont un ancrage local étant donné les difficultés rencontrées par la ville de Lille suite à l’augmentation exponentielle des loyers depuis quelques années44. A cet égard, une plate-forme juridique va bientôt être mise en place pour absorber une partie des litiges et favoriser l’information des acteurs des baux commerciaux lillois45. Cette étude pluridisciplinaire est en lien avec le stage effectué auprès d’un avocat spécialisé en droit des baux commerciaux en exercice depuis plus de vingt ans à Lille. De 44 Plus de vingt articles ont été recensés uniquement dans les archives des sites internet des quotidiens La Voix du Nord et Nord Éclair entre 2009 et 2011. 45 Proposition de Jacques Mutez, adjoint au commerce de la ville de Lille, Première conférence annuelle des loyers commerciaux, septembre 2011. 18 plus, il correspond au Master 2 Pratique du Droit des affaires et aux cours de gestion des risques suivis en partenariat avec l’EDHEC Business School. L’approche juridicoéconomique permet de faire d’une matière juridique un outil au service de la stratégie du bailleur lors du renouvellement. Dans ce contexte, la démarche consiste à se fonder sur les socles théoriques du statut des baux commerciaux pour révéler les opportunités et les risques pratiques pour le bailleur. Ses objectifs sont facilement identifiables au renouvellement : déplafonner le loyer, ne pas payer d’indemnité d’éviction, ne pas être piégé par un vice de procédure, trouver un preneur plus rentable et/ou solvable, augmenter la valeur de son local, transférer les charges sur le preneur etc. Toutefois, comme il a été évoqué précédemment, ils ne sont pas visés par l’ordre public de protection qui saupoudre le statut. Sa marge de manœuvre a été limitée, conditionnée et au-delà de la connaissance de ses droits, il sera pertinent de trouver les failles du statut ou de la jurisprudence pour en tirer profit, tant au sens courant qu’économique. À cet égard, on peut se demander si la marge de manœuvre du bailleur est d’un degré différent en présence de prévisions contractuelles et l’absence de telles prévisions ? Comment le bailleur peut-il anticiper les conséquences du renouvellement qui aura lieu en principe neuf ans plus tard ? Dans quelle mesure peut-il l’organiser contractuellement ? Comment peut-il s’assurer un déplafonnement du loyer de renouvellement ? Quelles sont les subtilités procédurales piégeuses ? Comment anticiper les augmentations de loyer ? Quel est le poids de l’intervention judiciaire ? Pour y répondre, la réflexion sera subdivisée en deux parties qui correspondent respectivement aux stratégies du bailleur à la signature du contrat de bail (PARTIE I) et aux stratégies du bailleur après la signature du contrat de bail (PARTIE II) 19 20 PREMIÈRE PARTIE. LA GESTION PRÉCONTRACTUELLE DES RISQUES LIES AU RENOUVELLEMENT 21 INTRODUCTION « Qui veut voyager loin ménage sa monture46». Cet adage reflète le comportement de certains bailleurs qui, loin d’être troublés par la perspective lointaine des neuf ans sonnant l’heure du renouvellement du bail, anticipent cette date clef. Après avoir interrogé un expert immobilier, un propriétaire bailleur et un agent immobilier, la distorsion entre la théorie du droit des baux commerciaux et la pratique des bailleurs est remarquable. Tout d’abord, les trois professionnels s’accordent à dire qu’il existe plusieurs profils de bailleurs. Globalement, ils en distinguent trois : - le bailleur dit « lymphatique » : il ne cherche pas à tirer profit du renouvellement par ignorance des dispositions légales ; - le bailleur dit « juste et dynamique » : il cherche à tirer un gain du renouvellement de manière raisonnable, en respectant une certaine éthique ; - le bailleur dit « fou » ou « gourmand » : fin stratège, rusé voire de mauvaise foi, il attend impatiemment tout évènement qui lui permettra de faire pression sur le locataire ou de multiplier son loyer par dix. Il ne s’agit pas de dénoncer l’approche stratégique d’un acteur économique fondamental qu’est le bailleur. Il s’agit uniquement de démontrer jusqu’où il peut monter une stratégie en amont grâce au statut pour obtenir un renouvellement à son avantage. Quoi qu’il en soit, les bailleurs, hormis les « lymphatiques », attendent le renouvellement pour « prendre une louche » et faire en sorte que leur loyer de renouvellement soit rehaussé et corresponde à la valeur locative. La valeur locative correspond au montant du loyer au mètre carré. Elle est calculée en fonction du loyer du bail et du montant du droit d’entrée ou du droit au bail divisé par la surface du bien loué. En d’autres termes, l’objectif est de faire en sorte que les locaux équivalents dans un même secteur génèrent un montant de loyer plus ou moins identique. Et, pour juguler les hausses trop importantes, le juge intervient en cas de désaccord lors du renouvellement pour corriger ces tendances. À Lille, on assiste à une explosion des loyers en centre-ville. Loin de dénoncer le fonctionnement du statut, les interrogés nous enseignent que les loyers ne correspondent 46 Racine, Les Plaideurs, 1, 1, 1669. 22 plus à la valeur locative mais sont uniquement fonction de la notoriété de la rue ou du quartier. La pratique du pas-de-porte entraîne le déclenchement d’un cercle vicieux puisqu’il est la base d’une surenchère dont seules les grandes enseignes sont capables de suivre. Dans ce contexte, la disparition du petit commerce de centre-ville est inévitable. La première partie de la réflexion sera centrée sur les stratégies mises en place par le bailleur lors de la phase de la négociation précontractuelle en vue du renouvellement : avant d’entamer une réflexion sur les stratégies de rédaction des clauses du bail commercial (CHAPITRE II), le bailleur doit prendre connaissance de l’environnement juridico-économique du contrat de bail commercial (CHAPITRE I). 23 CHAPITRE I. LA CONNAISSANCE PREALABLE DE L’ENVIRONNEMENT JURIDICO-ÉCONOMIQUE DU RENOUVELLEMENT INTRODUCTION Négocier, c’est « discuter avec quelqu’un de quelque chose en vue de l’obtenir »47. Appliquée à notre objet d’étude, la négociation précontractuelle du contrat de bail commercial suppose en principe un échange et des concessions entre le bailleur et le preneur en vue d’obtenir un renouvellement à son avantage. Or, la doctrine et les professionnels du droit enseignent deux choses : soit que le bailleur est la partie forte au contrat et impose les contrats de baux à ses conditions et ses avantages sans que le preneur n’ait de pouvoir de négociation ; soit que les preneurs économiquement faibles bénéficient de la protection juridique par le statut. Pourtant, ces idées communément reçues doivent être repensées. En effet, une catégorie de preneurs a acquis un pouvoir de négociation important qui justifie le comportement stratégique du bailleur. Dans ce nouveau cadre de négociation, l’une des stratégies du bailleur est de prendre du recul par rapport à ces idées reçues afin de mieux anticiper la négociation et de s’adapter à son adversaire : « l’anticipation rationnelle des stipulations conventionnelles suppose une parfaite connaissance des textes et de la réalité économique 48». Ainsi, il doit repenser le profil juridico-économique des preneurs (SECTION I) et définir les limites de l’ordre public de protection lié au renouvellement (SECTION II) pour découvrir dans quel domaine et à quel degré il peut déployer sa stratégie. 47 48 www.larousse.fr AJDI 2000, p. 484, « Baux commerciaux : statut ou liberté contractuelle ? », J. MONEGER. 24 SECTION I. REPENSER LE PROFIL DU PRENEUR Dans la mémoire collective, l’idée selon laquelle le bailleur est par essence la partie forte au contrat et le preneur la partie faible est encore très prégnante. Pourtant, l’évolution contemporaine de la sociologie des rapports entre bailleur et preneur démontre une augmentation de leur pouvoir économique et a fortiori de leur pouvoir de négociation dans le contrat de bail (Paragraphe 1). De plus, il est enseigné que le statut est conçu dans une perspective « pro-preneur ». Pourtant, une autre lecture permet de nuancer cette idée reçue (Paragraphe 2). Il ne s’agit pas de substituer des préjugés à de nouvelles opinions mais de nuancer la portée de ce qui est présenté comme des acquis du droit des baux commerciaux et de justifier le comportement stratégique du bailleur. Paragraphe 1. « Un bailleur puissant, un preneur faible » : un postulat remis en question La présentation des rapports locatifs est souvent réduite à la domination du bailleur perçu comme étant le « grand méchant loup de l’immobilier49». En effet, dans le passé cette opinion se justifiait pour des raisons législatives et économiques (A). Pourtant, la pratique contemporaine des baux commerciaux laisse poindre l’augmentation du pouvoir économique des preneurs (B). A. Un rapport de domination avéré dans le passé L’idée selon laquelle le bailleur était la partie économiquement forte au contrat et détenait un fort pouvoir de négociation à ce titre se justifiait d’une part au regard des desseins des différentes lois relatives aux baux commerciaux (1) et d’autre part, au regard de la configuration économique et sociale des bailleurs et des preneurs à l’époque de ces lois (2). 49 Voir supra note 26. 25 1. Le dessein perpétuel de protéger le preneur La première loi du 17 mars 190950 relative à la vente et au nantissement du fonds de commerce a permis de reconnaître la valeur économique du fonds de commerce et de protéger le patrimoine commercial du commerçant. Ainsi, elle n’était pas aboutie étant donné qu’elle ne protégeait pas les locataires dont la valeur de leur fonds s’amenuisait au fur et à mesure que courrait le bail. Et, en l’absence de droit au renouvellement sur ce local, les bailleurs, en situation privilégiée, soit récupéraient le local avec la clientèle, soit augmentaient les loyers aux motifs de l’augmentation de la valeur qu’avait prise la clientèle. Cette pratique a été dénoncée et a incité le législateur à revoir sa copie. En 1911, un député déposa un projet de loi pour permettre aux preneurs de compenser la perte de la clientèle en cas de reprise des locaux par le bailleur. Mais, la guerre ayant commencé en 1914, les débats furent interrompus. Pendant l’entre-deux guerres, la loi du 30 juin 192651 institua donc le droit au renouvellement, le paiement d’une indemnité d’éviction en cas de reprise sans motif légitime du bailleur et la cession du bail commercial entre autres. Le prolongement de cette loi fut le décret-loi du 30 septembre 1953. Il a fixé la durée minimale des baux commerciaux à neuf ans et les modalités de la révision triennale. Le Professeur Jacques Lafond expose en substance que la protection s’est déplacée du fonds de commerce vers le droit au bail reconnu comme une valeur économique autonome52. La volonté constante de protéger le preneur implique nécessairement que le législateur présume qu’il est la partie faible du contrat de bail. D’ailleurs, la configuration économique du marché confirmait cette nécessité de protéger le preneur (2). 50 Art. L. 141-1 et suivants du C. Com. Voir supra note 6. 52 Jacques Lafond, Code des baux, Litec, 2001, p. 438. 51 26 2. La justification de la protection du preneur par la configuration économique du marché À l’époque où ces lois ont été votées, la structure du marché justifiait en partie la nécessité de protéger le preneur. En effet, après la seconde guerre mondiale, la pénurie des locaux commerciaux a incité le législateur à favoriser le preneur au sein du contrat de bail. La loi de 1909 a commencé par protéger son fonds de commerce contre les abus des bailleurs. En 1953, les preneurs étaient en grande partie des boutiquiers indépendants très spécialisés dans leur domaine (chapelier, artisan boulanger, tailleur etc.). La prospérité de leur commerce dépendait principalement de leur emplacement et de la clientèle rattachée. Les « grands magasins » apparus à la fin du XIXème siècle sont concernés dans une moindre mesure étant donné leur faible nombre ou leur localisation ciblée. De plus, rares sont les petits commerçants qui avaient accès à l’éducation et donc à l’information de leurs droits et ce d’autant moins dans ce domaine très spécialisé. D’ailleurs, l’exposé des motifs du décret-loi de 1953 met en avant cette idée : les parties étaient dans « l’ignorance de leurs droits » et faisaient l’objet « d’intimidations et d’extorsions de fonds »53. A l’inverse, les bailleurs étaient considérés comme étant de riches propriétaires, la richesse supposant l’accès à l’éducation et à la connaissance de la loi. Dans ce cadre, sa protection n’a pas été jugée nécessaire étant donné son poids économique. Aujourd’hui, la tendance va plutôt vers un équilibre économique des parties en présence (B). B. L’évolution contemporaine du pouvoir de négociation de certains preneurs Le schéma enseigné « bailleur puissant, preneur faible » doit être nuancé aujourd’hui. En effet, suite à la mise en place du modèle libéral et aux conséquences de la crise économique (1), le profil économique du preneur a évolué pour tendre vers un quasiéquilibre des pouvoirs de négociation (2). 53 Voir supra note 47. 27 1. Les causes économiques du changement de profil des preneurs Le modèle économique occidental est celui du libéralisme. Il s’agit d’une doctrine économique fondée sur la liberté du marché dont les corollaires sont la liberté d’entreprendre, la liberté de circulation des marchandises et des hommes et la libre concurrence entre autres. Hormis les activités dépendantes de la prérogative étatique, les autres activités sont laissées à la libre initiative des agents économiques. Au fur et à mesure de son expansion, mais aussi de l’évolution des progrès technologiques et du développement du transport mondial, un processus de mondialisation a débuté au début des années 1950 en parallèle de l’avènement de la société de consommation. Petit à petit, on assiste dans les centres villes à un phénomène d’uniformisation : « Les banques, agences immobilières, grandes marques de vêtements fleurissent au détriment des magasins traditionnels. D'où la tendance à l'uniformisation des centres villes54 ». L’évolution subséquente étant la disparition du petit commerce, le profil économique du preneur de centre-ville a changé pour devenir celui d’un preneur professionnel ayant acquis un véritable pouvoir de négociation des conditions du bail commercial (2). 2. Le nouveau profil économique des preneurs Les effets de la mondialisation sur le commerce des villes françaises sont de plusieurs ordres. D’une part, on assiste à une disparition du commerce de proximité. D’autre part, on assiste une standardisation des modes de distribution. En effet, les artères commerçantes des grandes villes se composent principalement de franchises et de succursales de grandes enseignes nationales ou internationales : opticiens, banques, prêt-àporter, agences immobilière enseignes de téléphonie mobile entre autres. Certains auteurs ont mis en cause le mécanisme du renouvellement : à la fin du bail, les bailleurs préfèrent payer une indemnité d’éviction qu’ils répercutent sur le pas-de-porte en échange d’un preneur solvable et d’un loyer majoré plutôt que de renouveler le bail du 54 « Ces loyers qui affolent les commerçants », La Voix du Nord, édition du jeudi 28 mai 2009, N. Faucon. http://www.lavoixdunord.fr/Region/actualite/Secteur_Region/2009/05/28/art._ces-loyers-qui-affolent-lescommercants.shtml 28 preneur installé depuis neuf ans. Seules les grandes entreprises sont capables de supporter ce coût et ce d’autant plus dans une période de crise économique et immobilière ce qui favorise leur installation et leur expansion. Dès 2008, des petits commerçants lillois prennent conscience de cette évolution : « Si les loyers doublent, triplent ou quadruplent comme certains propriétaires le réclament, on ne peut pas tenir. On ne peut pas équilibrer nos comptes comme les grosses boîtes et on ne va pas répercuter cette augmentation sur les prix des produits.55 » Sur ce point, le Professeur Monéger ajoute : « les preneurs sont des commerçants, artisans ou des industriels normalement attentifs à leurs intérêt et aptes, compte tenu de l’importance de l’acte, à solliciter l’avis d’un avocat ou d‘un notaire, ou d’un professionnel de l’immobilier »56. C’est ainsi que les preneurs de centres villes développent de plus en plus leur capacité de négociation face à des bailleurs contraints par le temps et les revenus qu’ils perdent en raison de locaux vacants. La connaissance du statut des baux commerciaux qui n’était jusque là réservé qu’aux bailleurs ayant accès à l’éducation favorise l’augmentation du pouvoir de négociation des preneurs. Devant cette nouvelle grille de lecture des baux commerciaux, les stratégies du bailleur ont évolué. Le rapport de force a lieu en amont de la signature du contrat et non plus pendant son exécution ou à son terme. Les bailleurs déterminent jusqu’où le preneur a la capacité ou non de négocier les dispositions relatives au renouvellement. Et, s’il ne faut plus prendre pour acquis l’idée selon laquelle les preneurs sont la partie faible au contrat, il faut également discuter le postulat selon lequel il s’agit d’un statut « pro-preneurs » (Paragraphe 2). Paragraphe 2. Un statut « pro-preneurs » ? Le postulat de départ est que le statut aurait été pensé exclusivement en faveur de la protection des preneurs (A). Pourtant, une autre lecture des dispositions relatives au 55 « Les petits commerçants lillois veulent faire de la résistance », La Voix éco, édition du 21 mai 2008, C. Descampiaux. http://www.lavoixeco.com/actualite/Secteurs_activites/Commerces_et_Distribution/2008/05/21/art._ les-petits-commercants-lillois-veulent-f.shtml 56 Voir supra note 49. 29 renouvellement laisse entrevoir l’idée de conciliation des intérêts des parties plutôt qu’un statut rédigé uniquement en faveur des preneurs (B). A. Le postulat juridique : un statut exclusivement protecteur du preneur Le domaine de la protection est tel (1) que des auteurs ont hésité entre le qualificatif de « protection » ou de « privilège accordé (2). 1. Le domaine de la protection Juridiquement, il est indéniable que le statut des baux commerciaux tel qu’il a été pensé en 1926 et en 1953 a été pensé pour protéger le preneur et le mettre à l’abri de la puissance du bailleur. Les dispositions qui concernent le renouvellement sont nombreuses. Ainsi, le statut prévoit que le bail commercial doit être conclu pour une durée minimum de neuf années (L. 145-4 du Code de commerce), que le preneur bénéficie d’un droit au renouvellement (L.145-8), du plafonnement des loyers de renouvellement (L.145-34) et d’une indemnité d’éviction en cas de refus de renouvellement dans certaines conditions (L. 145-14 et s.). L’ensemble de ces dispositions et la mise à disposition de la jouissance des locaux, essence du contrat de louage, octroient la « propriété commerciale » au preneur. Des auteurs vont au-delà de cette idée de protection et découvrent un privilège (2). 2. Protection ou privilège ? En doctrine, le Professeur Aubert s’interrogeait sur le point de savoir s’il s’agissait réellement d’une protection ou d’un privilège. Selon lui, la meilleure manière de protéger un agent économique est la « capitis diminutio » qui consiste en l’interdiction de conclure certains actes ou de déléguer à un tiers ses pouvoirs comme en matière de tutelle par exemple. Or, l’amputation de la capacité juridique du commerçant est inconcevable en la matière. Il déduit que « c’est, en fait, le propriétaire de l’immeuble qui se voit imposer non pas une incapacité : il a toujours la possibilité d’accepter les offres de son locataire, mais une double obligation : celle de 30 renouveler le bail […] et de le renouveler au prix fixé par le locataire ou bien par le juge. ». En définitive, le preneur se verrait attribuer un « privilège » en raison des obligations qui pèsent sur le bailleur et non une protection.57 Qu’il s’agisse d’un privilège ou d’une protection, ce postulat de départ n’est pas totalement faux ; il ne l’est qu’en partie puisqu’une autre lecture des dispositions permet de démontrer que le statut a été rédigé dans l’intérêt commun des parties plutôt que dans le dessein exclusif de la protection du preneur (B). B. Une volonté absolue de protection remise en question Il faut d’abord s’interroger sur le point de savoir si le dessein profond des rédacteurs du statut des baux commerciaux était de protéger le preneur (1) avant de démontrer qu’en réalité la protection des preneurs est relative (2). 1. Une réelle volonté législative de protéger les preneurs ? Une étude de l’exposé des motifs du décret de 1953 sème le doute sur la volonté législative de protéger exclusivement les preneurs. L’un des grands penseurs de ce décret était André Mignon député qui a œuvré « en faveur d'une meilleure prise en compte des droits des propriétaires » et qui « défend de manière générale les intérêts de propriétaires de petits commerces, tout en étant en faveur d’une libéralisation du droit des baux »58. L’influence de la droite lors des débats a sans nul doute protégé le preneur mais a aussi concilié les intérêts des parties. Quoi qu’il en soit, le professeur Aubert critique cette protection, si relative soit elle. Selon lui, les locataires n’avaient pas besoin de cette protection : en 1923, il rapporte que le Président de la Commission de la Législation Civile à la Chambre des Députés a dit : « la propriété du fonds de commerce était celle qui s’était le plus développée, qu’elle constituait l’une des branches les plus importantes de la richesse nationale, et que dans les grands centres, et dans certains quartiers, la valeur du fonds de commerce était de beaucoup supérieurs à la valeur des immeubles ». 57 Voir supra note 6 pages 7 à 8. http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/biographies/IVRepublique/mignot-andre-19011915.asp 58 31 Et en 1950 l’auteur révèle que l’accroissement de la consommation passait « pour sa majeure partie dans les réseaux de commerçants détaillants. Ces commerçants détaillants constituent l’essentiel des bénéficiaires de la réglementation des baux commerciaux59 ». Ce témoignage du contexte dans lequel le décret-loi a été discuté révèle que la protection des preneurs est en réalité relative (2). 2. Une protection relative La pratique actuelle des baux commerciaux révèle que les preneurs ne bénéficient pas d’une protection absolue malgré les dispositions protectrices du statut. À Lille par exemple, les locataires commerciaux du quartier du Vieux Lille ont protesté contre les hausses des loyers déplafonnés60. Sur cet unique point, cet exemple local montre que la loi, telle qu’elle a été pensée, peut fragiliser les petits preneurs. En effet, le bailleur qui prouve une modification notable d’un ou de plusieurs éléments de la valeur locative fera supporter au preneur le déplafonnement des loyers du bail. Ce dernier, ayant développé en principe une clientèle stable depuis neuf années, ne peut qu’accepter et supporter ce nouveau coût pendant neuf ans supplémentaires sous peine de perdre ou d’amoindrir sa clientèle s’il préfère une nouvelle installation. Cet exemple montre de quelle manière le statut peut court-circuiter son droit au renouvellement et la protection sous-jacente. Quant au droit au renouvellement, il signifie uniquement que le locataire peut demander le renouvellement de son bail au preneur et qu’en cas de refus il pourra être indemnisé. Le droit de propriété du bailleur, même s’il suppose une indemnisation du preneur dans la majorité des cas, retrouve toute sa force. En définitive, les paradoxes relatifs à la question de la nécessité de la protection des preneurs ou non sèment le doute sur ce dessein. Sans occulter le poids de cet objectif de protection, force est de constater que le preneur ne peut pas se sentir en sécurité uniquement grâce au statut. C’est ainsi que l’ensemble des préconçus économiques et juridiques sur le droit des baux commerciaux et la position des preneurs doivent être 59 60 Voir note supra 4 pages 10-11. Voir supra note 55. 32 repensés. Face à cette nouvelle donne, le bailleur renforcera sa position de domination lors des négociations précontractuelles et ce d’autant plus s’il sait découvrir les espaces libres de tout ordre public (SECTION II) SECTION II. LA CONNAISSANCE PRÉALABLE DES CLAUSES ILLICITES Il ressort des développements précédents que le bailleur n’est plus forcément la partie forte au contrat. De plus, des auteurs relèvent souvent la force de l’ordre public de protection qui touche le droit au renouvellement (Paragraphe 1) pour démontrer que le contrat est ab initio verrouillé par la loi, empêchant le bailleur de retirer la prérogative principale du preneur. Or, des bailleurs ont tout de même tenté de rédiger des clauses pour évincer le droit au renouvellement mais ces tentatives ont été vigoureusement balayées par la jurisprudence (Paragraphe 2). Paragraphe 1. La place de l’ordre public frappant le droit au renouvellement L’ordre public est un outil fondamental de la protection des preneurs. Le Code civil émet une définition générale de l’ordre public à l’article 6 : « On ne peut déroger, par des conventions particulières aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs ». Le droit au renouvellement est frappé d’un ordre public de protection limitant les stratégies précontractuelles du bailleur (A), les sanctions ayant été édictées par la jurisprudence (B). A. Un ordre public de protection Pour qualifier les dispositions du bail commercial, les praticiens font référence à la notion de « statut » dont l’étymologie signifie « décret ». Selon le Professeur Monéger, « le statut légal, c'est aussi le palliatif de la convention, c'est l'affirmation des points fondamentaux assurant la naissance de la convention dans l'équilibre et le juste, permettant le maintien de l'harmonie entre les intérêts réunis et interdépendants, mais 33 opposés et se répondant les uns les autres ». L’expression « statut des baux commerciaux » implique l’idée de protection renforcée par le législateur. Un des outils de création d’un « statut » est l’ordre public qui est l’expression de la volonté des pouvoirs publics d’imposer une règle pour des raisons d’intérêt général, économiques (comme en droit de la consommation) ou pour des motifs de protection61. Le Professeur Labbée résume ainsi l’intérêt de l’ordre public : « la sécurité des contrats peut céder le pas devant des raisons sociales ou nationales graves62 ». À ce titre, on distingue classiquement l’ordre public de direction qui protège les intérêts généraux de la collectivité, de l’ordre public de protection qui protège les intérêts d’un groupe ciblé. Par exemple, le régime des locations à usage d’habitation principale et à usage mixte d’habitation principale et professionnelle issu de la loi du 6 juillet 1989 organise en son article 2 un ordre public de direction : aucune disposition ne peut faire l’objet d’une dérogation conventionnelle. Le statut des baux commerciaux se distingue en ce qu’il délivre une liste non exhaustive des dispositions touchées par l’ordre public à l’article L. 145-15 du Code de commerce. Cet article dispose : « sont nuls et de nul effet, quelle qu’en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit au renouvellement institué par le présent chapitre ou aux dispositions des articles L. 145-4, L. 145-37 à L. 145-41, du premier alinéa et des articles L. 145-47 à L. 145-5 63». Ainsi, le Professeur Blatter a retenu que « l’ordre public du statut des baux commerciaux n’est que partiel64 », la Cour de cassation pouvant exercer son pouvoir d’interprétation et de création. Dans la même veine, la réflexion du Professeur Blatter renforce l’idée selon laquelle le statut ne verrouille pas totalement mais partiellement les possibilités de négociation précontractuelle et a fortiori les stratégies du bailleur pour imposer certaines clauses. La jurisprudence est intervenue pour définir la nature de l’ordre public touchant le droit au renouvellement du preneur. L’arrêt rendu le 24 mai 2006 par la Troisième 61 G. Cornu, Vocabulaire juridique, P.U.F, éd. 2011. X. LABBEE, Les critères de la norme juridique, Presses Universitaires du Septentrion, septembre 2006, p. 33. 63 Art. L. 145-15 du C. Com. 64 AJDI 2003, p. 396, « L'ordre public du statut des baux commerciaux. Portée et limites en matière de rédaction », J.-P. Blatter. 62 34 Chambre civile de la Cour de cassation penche pour l’ordre public de protection65 s’agissant des dispositions relatives au droit au renouvellement. Elle avait déjà pris une décision semblable le 24 novembre 198166 sans la publier au Bulletin Civil des arrêts de la Cour de cassation. Cet ordre public de protection touche donc la communauté des preneurs. Aussi, la jurisprudence a fixé les règles relatives à la sanction du non-respect de l’ordre public de protection par le bailleur (2). B. Une sanction relative Que risque le bailleur qui stipulerait une clause anéantissant le droit au renouvellement du preneur ? L’article L. 145-15 du Code de commerce prévoit la nullité : « sont nuls et de nul effet ». Cependant, des auteurs se sont interrogés sur le point de savoir si cette nullité devait se limiter à la clause contraire aux dispositions d’ordre public ou si elle devait être plus étendue et affecter l’intégralité du contrat de bail. Une des solutions plausibles se trouve à l’article L. 145-45 du Code de commerce qui prévoit que la clause qui envisage la résiliation de plein droit du contrat de bail à l’ouverture d’une procédure collective est « réputée non écrite ». On considère qu’elle n’a jamais fait partie du contrat de bail de manière rétroactive et ne produit aucun effet. Mais cette disposition ne joue qu’en présence d’une procédure collective. En outre, l’article L. 145-15 du Code de commerce n’offre pas de solution assez explicite. Ainsi, on pourrait se tourner vers l’article 1172 du Code Civil qui dispose : « toute condition d'une chose impossible, ou contraire aux bonnes mœurs, ou prohibée par la loi, est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend ». Mais la nullité absolue serait une sanction trop sévère dans le cadre d’un contrat de bail qui présente des enjeux économiques importants. La jurisprudence a donc refusé dès 1972 cette approche, peu importe le caractère « déterminant » donné à la clause par les parties67. 65 Civ. 3e 4 mai 2006 no 05-15.151, Bull. civ. III, no 110, D. 2006. AJ 1531, obs. Y. Rouquet, AJDI 2006. 736, note J.-P. Blatter, JCP E 2007. 2780, note M.-P. Dumont-Lefrand, RD 2007 p. 1287. 66 Civ. 3e 24 nov. 1981, n° 80-14626, Société Immobilière et Forestière c/ État Français, inédit. 67 Civ. 3e 6 juin 1972 : Bull. civ. III, n° 369 ; DS 1973,151. ; Civ. 3 e 9 juill. 1973 : Bull. civ. III, n° 467 ; DS 1974, p. 24. ; Civ. 3e 14 juin 1983 : Bull. civ. III, n° 136. 35 Face à ce vide juridique, la jurisprudence a tranché en faveur de la nullité de la clause et non pas de la clause non écrite le 23 janvier 200868 au visa de l’article L. 145-15 : « Viole l'article L. 145-15 du Code de commerce, une cour d'appel qui déclare réputée non écrite une clause ayant pour effet de faire échec au droit au renouvellement […] alors que ce texte prévoit expressément à titre de sanction, la nullité de ladite clause ». Cette solution permet de préserver la nature du contrat de bail et la pérennité souhaitée dès sa conclusion : « Il est clair que la nullité totale du bail n'est pas une sanction raisonnable en matière de baux commerciaux.69». De plus, le locataire qui souhaite invoquer la nullité peut le faire par voie d’action ou par voie d’exception. S’il agit par voie d’action, le preneur est enfermé dans le délai de la prescription biennale qui court à compter de la signature du contrat. La jurisprudence a confirmé cette position70. Or, si le preneur n’a pas remarqué la nullité de la clause à la signature du bail, peu d’évènements vont le ramener à la lecture de son bail au cours des deux ans suivant la signature du bail. La portée de cette action devient très relative et le bailleur peut se sentir plutôt en sécurité. Or, le preneur qui aurait été négligent et qui encourrait la prescription, peut agir par voie d’exception71, conformément à l'adage « Quae temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum72». Toutefois, le preneur doit être défendeur à l’action : en 1999 la Cour de cassation a refusé l’action en nullité de la clause par voie d’exception demandée par le preneur73. Cette solution permet de rassurer le bailleur encore que la jurisprudence ait précisé que le preneur qui assigne uniquement en paiement de l’indemnité d’éviction (et non à la fois en nullité de la clause et en paiement de l’indemnité d’éviction) est recevable à agir74. Quels que soient les risques pour le bailleur de rédiger des clauses illicites, 68 Civ. 3e 23 janvier 2008, n° 06-19.129, Bull. civ.III, 2008, n° 11, RTD Civ. 2008, p. 292, Fages, Rép. Com. n° 383, Droit et pratique des baux commerciaux, 2011, n° 360-08. 69 J-Cl Bail à loyer, Fasc. 1265, Cote : 02,2002. 70 Civ. 3e 1er févr. 1978 : Bull. civ. III, n° 66. – 1er févr. 1983 : Bull. civ. III, n° 31 ; RD imm. 1984, p. 361. - 19 juill. 1984 : Bull. civ. III, n° 145. - 16 janv. 1991 : Rev. Layers 1991, p. 253. 71 CA Reims, 30 nov. 2000 : Juris-Data n° 2000-142786 ; JCP E 2001, p. 1406. 72 L'action est temporaire, l'exception est perpétuelle. 73 Civ. 3e 24 nov. 1999 : Juris-Data n° 1999-004065 ; Bull. civ. III, n° 223 ; D. 2000, AJ, p. 51, note Y. Rouquet ; AJDI 2000, p. 311, obs. Blatter ; Les Petites Affiches 18 sept. 2000, p. 10, note M. Kéita. 74 Civ. 3e 2 juin 1999 : D. affaires 1999, p. 1067, obs. crit. Y. Rouquet ; Rev. Administrer août-sept. 1999, p. 51, obs. B. Boccara, D. Lipman-Boccara et M.-L. Sainturat ; Rev. Administrer avril 2000, p. 27, note J.-D. Barbier 36 certains ont rédigé de manière astucieuse des clauses qui évinçaient directement ou indirectement le droit au renouvellement. Mais la jurisprudence veille (Paragraphe 2). Paragraphe 2. La traque jurisprudentielle des clauses illicites Selon le Professeur Blatter, l’ordre public et la liberté contractuelle forment « un couple qui se disputerait comme si l’un tentait d’absorber l’autre en l’éliminant75». En effet, l’imagination des bailleurs est sans limite et, loin de méconnaître les dispositions du statut sur l’ordre publié lié droit au renouvellement, certains ont tenté vainement d’y faire échec directement (A) ou indirectement (B). A. L’échec des clauses tendant directement à éliminer le droit au renouvellement. L’une des stratégies du bailleur est de négocier une clause qui fera perdre directement le droit au renouvellement du preneur. Une étude jurisprudentielle montre qu’en cas de litige, les tribunaux décèlent ces tentatives de fraude. Plusieurs clauses sont concernées : la clause limitant le nombre de renouvellements (1), la clause de divisibilité et d’indivisibilité (2), la clause de résiliation anticipée (3), la clause de renonciation concomitante à la signature du bail (4), la clause de reprise différée (5). Plus largement, d’autres clauses ont été déclarées nulles par la jurisprudence (6). 1. La clause limitant le nombre de renouvellements Par cette clause, le bailleur avait tenté de limiter l’étendue du droit au renouvellement en le limitant à une seule fois, interdisant au preneur de l’invoquer une deuxième fois. Deux très anciens arrêts76 ont retenu la nullité de la clause. 75 76 Supra note 64. Cass. Req. 4 nov. 1936, Gaz. Pal. 1936.2. p. 741. ; CA Amiens, 2 nov. 1934, Gaz. Pal. 1934, 1, p. 70. 37 2. La clause de divisibilité et la clause d’indivisibilité La première ruse du bailleur est de limiter le renouvellement aux locaux accessoires. Or, le Professeur Derruppé rappelle pertinemment que le renouvellement porte sur les locaux qui sont inscrits dans l’objet du bail77. Il en est de même de l’éviction des locaux accessoires du droit au renouvellement quand « leur privation est de nature à compromettre l’exploitation du fonds78 ». La seconde ruse du bailleur est de stipuler que la clause illicite, affectant l’ordre public du droit au renouvellement, et le bail sont indivisibles. Or, le Professeur Auque révèle que cet « arrangement » de nature à faire échec au droit au renouvellement doit être frappé de nullité79. 3. La clause de résiliation anticipée L’article L. 145-9 alinéa 3 autorise le bailleur à subordonner la durée du bail à un évènement dont la réalisation l’autoriserait à demander la résiliation. Toutefois, le bailleur ne peut l’invoquer qu’après l’expiration d’un premier bail de neuf ans et sous réserve que la condition ne soit pas potestative. Ainsi, les clauses par lesquelles le bailleur se réserve le droit de résilier le bail pour cause de démolition, de vente de l’immeuble 80 ou d’absence de levée d’option dans le délai imparti d’une promesse de vente81 sont nulles car elles portent atteinte au droit au renouvellement. 4. La clause de renonciation concomitante à la signature du bail Il est de jurisprudence constante que la clause faisant renoncer expressis verbis le preneur à son droit au renouvellement au jour de la signature du contrat est nulle82 83. 77 Derruppé, Brière de l'Isle, Maus et Lafarge, Les baux commerciaux : Dalloz 1979, n° 292 ; J-Cl. Notarial Formulaire V° Bail commercial, Fasc. 10, n° 89. 78 Art. L. 145-1 1° du C. Com. 79 F. Auque, Traité des baux commerciaux, théorie et pratique : LGDJ, 1996, n° 96 80 Civ. 24 juill. 1942 : S. 1943, 1, p. 130 ; Com. 16 mai 1950 : D. 1950. p. 468. 81 Voir supra note 79, n° 294. 82 Com. 5 fév. 1962 : JCP G 1962, IV, 42 ; Bull. Civ. III, n° 77; Civ. 3e 25 fév. 1976 : Bull. Civ. III n° 90; JCP G 1976, IV, 134 ; Civ. 3e 29 juin 1954 : AJPI 1954 p. 248. 38 Les bailleurs ont tenté de déjouer cette nullité en délivrant un congé postdaté par le preneur qui le signait le jour de la signature du bail pour le terme contractuel. Or, cette pratique a été dénoncée par la Haute Cour dès 198884. 5. La clause de reprise différée Cette pratique ancienne consistait pour le bailleur à stipuler qu’il consentait au renouvellement du bail tout en se réservant la faculté par avance d’exercer son droit de reprise pour reconstruire dans un délai déterminé85. 6. Les autres clauses illicites La jurisprudence foisonne d’exemples : elle a annulé la clause par laquelle le bailleur contracter un bail précaire uniquement dans le but d’évincer le droit au renouvellement86, la stipulation qui prévoyait un renouvellement du bail par période triennale à défaut de congé notifié par l’une des parties87 et la clause de nivellement88 sauf si elle prévoit le paiement d’une indemnité. Si la Haute Cour a annulé des clauses faisant échec directement au droit au renouvellement, elle a également annulé des clauses qui faisaient indirectement échec au droit au renouvellement (B). 83 Civ. 25 fév. 1976, Ann. L. 1976-1176 : le bailleur avait demandé à un artisan de renoncer au bénéfice de la « propriété commerciale ». 84 Civ. 3e 30 nov. 1988 : Loyers et copr. 1989, comm. n° 64 et 183. 85 Civ. 28 juill. 1943 : D 1943, p. 19 ; Civ. 20 mars 1943 : Gaz. Pal. 1943, 1, 239 ; Trib. Marseille, 13 avr. 1959 : cas similaire d’une clause ouvrant droit pour le bailleur de démolir et reconstruire en réinstallant le locataire dans des conditions plus rigoureuses que l’art. Art. L. 145-18 86 Civ. 9 janv. 1961, Ann. L. 1961-922 ; Com. 15 déc. 1966, Ann. L. 1967-1640. 87 Paris, 1er oct. 1996, Loyers et copr. 1996, n° 475, obs. P. et H. Brault ; Adm. Avril. 1997-37, obs. Boccara ; TGI Bobigny, 22 nov. 1995, G.P. 1996-1 somm. p. 131.. 88 Cass. civ., 3 févr. 1948 : Gaz. Pal. 1948, 1, p. 171 ; Cass. civ., 29 nov. 1961, Gaz. Pal. 1962. 1. 235 ; Paris, 3 oct. 1961, JCP 1962. II. 12759, note Boccara ; Paris, 30 oct. 1962, D. 1963, Somm. 37. 39 B. L’annulation des clauses tendant à faire échec indirectement au droit au renouvellement. Certains bailleurs ont tenté de contourner le droit au renouvellement en insérant des clauses qui, de manière plus subtile, l’affectaient indirectement. L’étude de la jurisprudence permet de distinguer les clauses qui concernent les conditions requises pour exercer le droit au renouvellement (1), des clauses « de déguisement89 » du bail commercial (2). D’autres types de clauses ayant le même effet ont été annulées (3). 1. Les clauses relatives aux conditions d’exercice du droit au renouvellement Plutôt que d’attaquer de front le droit au renouvellement, des bailleurs ont tenté de déjouer le statut en faisant en sorte que le preneur ne réponde pas aux conditions requises pour l’application du statut ou du droit au renouvellement90. Ces clauses concernent les baux dérogatoires (a), l’interdiction de s’immatriculer au RCS (b) et l’obligation d’exploiter personnellement le fonds (c). a. Les clauses concernant les baux dérogatoires À ce titre, on peut citer la clause qui interdit la mutation automatique du bail dérogatoire en bail commercial. Dans la même veine, un bailleur avait interdit dans une clause de prélocation cette mutation en réservant au preneur un droit de priorité au preneur qui souhaitait continuer ce bail dérogatoire91. De plus, une pratique courante est de réitérer la conclusion de baux dérogatoires avec le même preneur ou en utilisant un prête-nom. Cette pratique a été vivement dénoncée par la Cour de cassation ces dernières années92. 89 Voir supra note 71, LPA 2000, Keita. Sur la distinction, voir B. Boccara, Baux commerciaux : la distinction du champ d’application du statut et des conditions du droit au droit au renouvellement : JCP N 1979, 2932. 91 Com. 1er fév. 1966 : Bull. Civ. n° 66 90 40 b. Les clauses interdisant l’immatriculation du preneur au registre du commerce et des sociétés L’article L. 145-1 du Code de commerce exige que le preneur soit inscrit au R.C.S pour qu’il bénéficie d’un bail commercial. Il s’agit d’une condition sine qua none pour bénéficier du statut des baux commerciaux. Un bailleur a, contra legem, subordonné son inscription à une cause de résiliation du bail. Ladite clause a été annulée dans un arrêt de 199593. c. Les clauses exigeant que le preneur exploite personnellement le fonds L’article L. 145-8 du Code de commerce exige que le fonds transformé ait fait l’objet d’une exploitation effective au cours des trois dernières années qui ont précédé la date d’expiration du bail ou de sa reconduction. Depuis la loi du 16 juillet 1971, il n’est plus exigé que le preneur ait exploité personnellement le fonds. Or, des bailleurs ont stipulé que seul le preneur devait exploiter le fonds sous peine de résiliation du bailleur. La clause a été annulée par la jurisprudence94. En effet, la lecture littérale du texte ouvra la possibilité à une autre personne d’exploiter le fonds (le propriétaire, un locataire-gérant etc.). 2. Les clauses dissimulant un bail commercial La théorie de la simulation en droit français se présente comme « un accord entre cocontractants tendant à faire croire à l’existence d’une convention (acte simulé) ne correspondant pas à leur volonté véritable, exprimée par un autre acte, celui-ci secret. Si 92 Civ. 3e 30 avr. 1997 : Bull. Civ. III, n° 92, note J. Monéger; Civ 3e 4 fév. 1998 : Admn. Avr. 1998, p. 37 ; Civ. 3e 13 janv. 1999 : Juris Data n° 1999-00189 : AJDI 1999 p. 241 ; Admn. Mai 1999 p. 36 ; Civ. 3e 19 juil. 2000 : Juris Data n° 2000-007680 ; JCP E 2001, p. 465, note M. Keita. 93 Civ. 1ère 4 juill. 1995 : Juris Data n° 1995-003362 ; Loyer et copr. 1995. Comm. n° 523. 94 e 3 civ. 23 juill. 1986 : Bull. Civ. III n° 131 p. 102 ; JCP G 1986 IV, p. 293 ; Gaz. Pal. 1986, 2, pan. jurisp. P. 227, RD imm., 1987, p. 291. 41 la simulation […] sert à en maquiller la nature juridique, il y a un déguisement95 ». C’est notamment le cas d’une clause justifiant d’un faux motif de précarité pour échapper au droit au renouvellement du bail commercial96, ou encore le déguisement du bail commercial par un autre acte97 tel que l’acte de location-gérance. De même, le bailleur ne peut pas stipuler, pour des locaux à usage mixte, que les locaux à usage commerciaux seront soumis au statut des baux d’habitation98. C’est ainsi que le bailleur informé des débats autour des postulats économiques et juridiques est une partie d’autant plus avisée au contrat. Il peut asseoir sa position lors des négociations. Or, le bailleur peut aller plus loin dans la stratégie puisqu’il existe en réalité des espaces de liberté, extérieurs à l’ordre public, qui lui permettront, en toute légalité et conformément à la jurisprudence, de contourner stratégiquement le droit au renouvellement du preneur et le principe du déplafonnement du loyer renouvelé (CHAPITRE II). 95 Voir note supra 20, p. 573-574. Com. 15 déc. 1966 : Bull. Civ. III, n° 483 ; Civ. 3e, 25 mai 1977 : Bull. Civ. III, n° 220 ; CA Paris, 21 juin 1994 : Gaz. Pal. 1995, A, somm. p. 48. 97 Civ. 3e, 13 févr. 1985, Rev. Loyers 1985. 337 98 CA Versailles, 12e chambre, 10 juin 1993 : Juris-Data n° 1993-043810 96 42 CHAPITRE II. LES STRATÉGIES DE DÉTOURNEMENT DU DROIT AU RENOUVELLEMENT ET DU DÉPLAFONNEMENT INTRODUCTION « Est-il si vrai que cette liberté contractuelle est malmenée par la simple existence du statut ? 99» L’interrogation du Professeur Monéger est justifiée. En effet, le bailleur stratège ne perçoit pas le statut comme un obstacle au déploiement de sa stratégie. Ainsi, après avoir découvert jusqu’où l’ordre public de protection touchait le droit au renouvellement, il peut entreprendre une démarche inverse et rechercher les espaces stratégiques de liberté contractuelle toujours dans l’optique d’optimiser le renouvellement du bail : « le contrat organisateur, c'est le statut convenu, dans les limites que pose celui-ci avec l'appui de l'ordre public.100 » Le Droit est un vivier d’outils permettant aux parties d’atteindre l’objet du contrat qui est la jouissance du local en échange du paiement des loyers. La connaissance préalable de ces règles permet aux bailleurs de se prémunir d’un échec financier lors du renouvellement. « Science et connaissance, art et anticipation – les deux couples qui se cachent bien des choses, mais quand ils se comprennent rien au monde ne les surpasse. »101. Cette citation littéraire peut s’appliquer au comportement du bailleur stratège qui détient la science juridique des baux commerciaux et qui, de surcroît, se prémunit des risques en anticipant les évènements. Ainsi, fin négociateur, le bailleur aura la garantie de faire échec au droit au renouvellement du preneur (SECTION I) ainsi qu’aux règles du plafonnement (SECTION II) en toute légalité. 99 Supra note 48. Ibidem. 101 Vladimir Nabokov, écrivain américain, Extrait d'une lettre à Kirill Nabokov, 1930. 100 43 SECTION I. LES CLAUSES ELUDANT LE DROIT AU RENOUVELLEMENT DU PRENEUR A priori, le législateur a marqué le droit au renouvellement du sceau de l’ordre public de protection et aucun accord ne peut y suppléer. Or, « ces idées et ces normes ont distillé leur suc tout au long du siècle jusqu’à faire croire au caractère impératif de l’ensemble des normes statutaires102 »Pourtant, le droit commun et la jurisprudence reconnaissent en la matière la validité de la clause de renonciation (Paragraphe 1) et de la clause résolutoire (Paragraphe 2) qui permettent, dans des conditions optimales, de supprimer le droit au renouvellement. Paragraphe 1. La clause de renonciation : un moyen direct et efficace de faire échec au droit du renouvellement Le droit au renouvellement du preneur est frappé d’un ordre public de protection. La sanction est relative : seule la clause est réputée non écrite et le contrat de bail survit. Toutefois, l’un des moyens direct d’y échapper est la clause de renonciation. Elle est admise en matière de baux commerciaux à condition de respecter plusieurs conditions mises en exergue par la jurisprudence (A). Mais la rédaction de la clause peut être piégeuse : elle doit donc être soignée et suppose de prendre des précautions envers le cocontractant (B) afin d’éviter les soupçons de fraude. A. Les conditions d’admission de la renonciation du preneur La renonciation est un acte par lequel une personne renonce à un droit. Renoncer signifie se désister du droit qu’on a sur quelque chose. Selon le Professeur Le Gac-Pech, c’est un « acte abdicatif d'abandon d'un droit déjà entré dans le patrimoine, il peut s'agir d'un droit substantiel ou d'une action en justice103 ». Étant donné que le statut met en place un ordre public de protection, la jurisprudence a admis en 2006 que « le droit au 102 103 Supra note 48 S. Le Gac-Pech, Rompre son contrat, RTD Civ 2005 p. 223. 44 renouvellement est acquis dès la conclusion du bail par le seul effet de la loi et que l'ordre public de protection, qui s'attache au statut des baux commerciaux, ne faisait pas obstacle à une renonciation librement consentie104». Pour être valable, plusieurs conditions sont requises : la renonciation doit être certaine et non équivoque (1), expresse ou tacite (2) et doit porter sur l’existence d’un droit acquis (3). 1. Une renonciation certaine et non équivoque Tout d’abord, le principe directeur de la renonciation est qu’elle ne se présume pas. Ainsi, les juges du fond doivent révéler ses caractères certain et non équivoque105. Ce caractère a été retenu dans une espèce où des preneurs avaient consenti six baux dérogatoires successifs, les juges considérant que ce comportement révélait leur volonté de renoncer au statut du bail commercial106. 2. Une renonciation expresse ou tacite La renonciation peut être expresse et résulter d’une clause écrite ce qui est le cas le plus fréquent. Elle peut également être tacite. Selon Françoise Dreiffus-Netter, reprenant les propos de Jean Carbonnier, il s'agit « des actions qui n'ont pas été accomplies spécialement afin de porter à la connaissance d'autrui la volonté de contracter, mais d'où l'on peut raisonnablement déduire l'existence d'une telle volonté107 ». Pour Pierre Godé, il ne faut « retenir comme renonciation que des volontés certaines [...]. Elle [la jurisprudence] exige, pour qu'il y ait renonciation tacite, des actes qui l'impliquent ou le supposent108». Un arrêt rendu par la Cour de cassation en 1972 a retenu un cas de renonciation tacite en ces termes : « la renonciation à un droit n’est assujettie à aucune forme particulière de preuve, que si elle ne se présume pas, elle peut résulter de faits impliquant 104 Supra note 65. Civ. 3e 5 oct. 1999, AJDI 1999. 1161 ; Civ. 3e 25 févr. 2004, AJDI 2004. 552 ; Civ. 3e 24 nov. 2004, Bull. civ. III, no 211. 106 Civ. 5 oct. 1999. 107 F. Dreiffus-Netter, Les manifestations de volonté abdicatives, LGDJ, 1985, n° 56, p. 66. 108 P. Godé, Volonté et manifestations tacites, PUF, 1977, n° 71, p. 80. 105 45 sans aucun doute la volonté de renoncer 109». La renonciation peut donc être implicite si les juges excipent l’intention de son auteur de renoncer. 3. L’existence d’un droit acquis La renonciation à un droit suppose par essence qu’un droit soit acquis préalablement. Appliqué au droit au renouvellement, la renonciation doit être postérieure à la signature du bail. Un arrêt de la Cour de cassation du 4 mai 2006 a retenu dans ce sens : « Le droit au renouvellement d'un bail commercial est acquis dès la conclusion de ce bail par le seul effet de la loi et l'ordre public de protection qui s'attache au statut des baux commerciaux et ne fait pas obstacle à une renonciation librement consentie si celle-ci est postérieure à la naissance de ce droit, peu important que la prise d'effet du bail ait été reportée à une date postérieure à la renonciation110 ». Quoi qu’il en soit, la jurisprudence vérifie cette condition d’antériorité strictement dans les baux renouvelés : on ne peut pas stipuler pour le futur que le preneur refusera également le droit au renouvellement dans les éventuels baux renouvelés, les parties devront réitérer la clause de renonciation111. Il ne suffit pas pour le bailleur de respecter les conditions de fond de la renonciation pour que celle-ci ait toute sa force. Pour valider la clause, il devra également procéder à la bonne information du preneur et veiller à rédiger une clause de qualité (B). A. Une rédaction doublement prudente Étant donné qu’il s’agit d’un acte d’une grande portée de la part du preneur, le bailleur doit prendre des précautions sous peine d’être soupçonné de fraude et de supporter les conséquences de la nullité. Ainsi, il doit informer le preneur par un congé (1). Un exemple de clause de renonciation sera ensuite proposé (2). 109 Civ. 3e, 16 mai 1972, n° 71-10.036 : DS 1973, somm. p. 14. Supra note 65 111 CA Besançon, 15 févr. 1951 : Gaz. Pal. 1951, 1, p. 303 ; D. 1951, p. 244. - T. civ. Lyon, 16 avr. 1951 : JCP G 1951, IV, 139, Civ. 3e, 7 févr. 1996, n° 94-11.909, Bull. civ. III, no 40 ; 21 nov. 2001, AJDI 2002 p. 31, obs. M.-P. Dumont. 110 46 1. L’information du preneur par un congé D’une part, le bailleur doit s’assurer que le preneur ait été bien informé des effets de la clause. Ainsi, le preneur ne pourra pas invoquer un vice du consentement et redonner sa force au droit au renouvellement. Ensuite, la jurisprudence autorise le bailleur à ne pas donner congé au locataire à l’arrivée du terme du contrat de bail. Cette solution a été affirmée expressément par la 3e Chambre civile de la Cour de cassation le 8 avril 2010 : « Lorsque le locataire commercial renonce au droit au renouvellement, son bail cesse de plein droit au terme fixé sans que le bailleur ait à notifier un congé »112 Toutefois, pour s’assurer de la bonne information du preneur et éviter tout litige potentiel sur la fin du bail et son coût, il est conseillé de délivrer un congé au preneur par lettre recommandée accusé réception quelques mois avant la fin du bail. 2. Exemple de clause de renonciation Voici un exemple de clause de renonciation : « Le preneur affirme avoir pris connaissance de l’ordre public de protection prévu par l’article L. 145-34 du Code de commerce. Le preneur renonce fermement à invoquer le droit au renouvellement du contrat de bail. Le présent contrat prendra fin, sauf manquement à une clause résolutoire, au terme du contrat, soit le …. Le bailleur s’engage à donner congé trois mois avant la fin du bail, soit avant le [indiquer la date] ». Une autre méthode contractuelle permet d’échapper indirectement au renouvellement : la clause résolutoire (Paragraphe 2). 112 Civ. 3e, 8 avril 2010, n° 09-10.926. 47 Paragraphe 2. La clause résolutoire : un moyen indirect d’évincer le droit au renouvellement La clause résolutoire est un mécanisme qui permet d'obtenir la résiliation de plein droit du contrat de bail113 en cas de non-paiement du loyer ou d’inexécution de l’une des obligations du preneur114. La clause résolutoire est un enjeu de la négociation : « Compte tenu de l’intense développement de ce procédé de résiliation115, les applications de la clause dépendent de façon étroite de sa rédaction initiale ». Avant l’heure du renouvellement, elle peut être d’une grande utilité pour le bailleur : verrouillée, elle permet d’échapper à temps à un renouvellement aux conséquences incertaines ou de l’utiliser comme moyen de pression avant son arrivée. Elle peut permettre également d’empêcher au preneur d’invoquer son droit au renouvellement et de réclamer le paiement d’une indemnité d’éviction116. Face au foisonnement des hypothèses de fautes testées dans les contrats de baux, il convient de déterminer les conditions de validité de ces clauses et les pièges de leur mise en œuvre (A) puis de dresser un inventaire succinct de l’appréciation de ces clauses par la jurisprudence (B). A. Le respect des conditions de validité de la clause résolutoire Le bailleur doit respecter des conditions de fond (A) et de forme (B) pour que la clause produise tous ses effets en cas d’infraction du preneur. 1. Le respect des conditions de fond Les conditions de fond sont doubles : la commission d’une infraction à une clause expresse du bail (i) mentionnant expressément la sanction encourue (ii). 113 CA Paris, 5 janv. 1996, Loyers et copr. 1996, no 120, note Ph.-H. Brault : l'article L. 145-41 ne concerne que les baux commerciaux. 114 H. KENFACK, Actualité de la clause résolutoire, Loyers et copr. 2006, étude 19 ; C. DENIZOT, Pratique de la clause résolutoire stipulée dans les baux commerciaux, Rev. Bleue nov. 2007, p. 72. 115 Depuis la loi n° 89-1008, modifiant notamment l’ancien art. 25 du décret du 30 septembre 1953 devenu l’art. L. 145-41 du C. Com., d’autres fautes que le défaut de paiement peuvent être prévues. Voir également Civ. 3e, 27 octobre 1993, AJPI 1994.207. 116 Com. 18 déc. 1963, Bull. III n° 467. 48 a. Une infraction du locataire à une clause expresse du bail La clause résolutoire doit être expressément insérée dans le contrat de bail commercial et ce, de bonne foi117. Dans la même veine, l’infraction reprochée doit être prévue expressément dans la clause résolutoire118. Ensuite, les fautes qui peuvent être intégrées à la clause sont largement admises En effet, les obligations légales et contractuelles peuvent faire l’objet d’une clause résolutoire. Néanmoins, la jurisprudence exige que le bailleur, qui envisage un manquement à une obligation légale, la reproduise expressément dans la clause sous peine de ne pas pouvoir l’invoquer119. b. Une infraction expressément sanctionnée par la clause résolutoire Le bailleur doit stipuler expressément la sanction du manquement à ces obligations de manière précise120. Jean Debeaurin précise que le libellé « la violation de l’une ou l’autre des stipulations du présent bail » est trop large121. Outre le respect des conditions de fond, la clause résolutoire doit également respecter des conditions de forme (2) 117 R. MARTIN, Annale des loyers, 1989-1050. Civ. 3e 18 mai 1988, D. 1988. IR 154 ; 12 juin 2001, AJDI 2001. 983, obs. J.-P. Blatter , où la Cour rappelle que la clause résolutoire ne peut être mise en œuvre que pour une infraction à une stipulation expresse du bail ; Civ. 3e 19 mai 2004, AJDI 2005. 208, obs. M.-P. Dumont. 119 Pour un défaut d'exploitation v. : Civ. 3e 8 janv. 1985, D. 1985. somm. 236 ; CA Paris, 4 juill. o 2007, RG n 2006/1427. Pour une interdiction de sous-louer v. : Civ. 3e 11 juin 1986, Gaz. Pal. 1986, 2, pan. p. 179. Pour le défaut de paiement des intérêts de retard v. : Civ. 3e 13 déc. 2006, no 06-12.323, Bull. civ. o III, n 248 ; D. 2007. AJ 158, obs. Y. Rouquet ; Loyers et copr. 2007, 28, obs. Ph.-H. Brault. 120 Civ. 3e 8 janvier 1985, Civ. 3e, 18 mai 1988, D. 1988. IR. 154 ; 3 avr. 1996 : RJDA 1996. 896, e Civ. 3 15 sept. 2010, D. 2010. Actu. 2225, obs. Y. Rouquet. 121 J. DEBEAURIN, Annale des loyers, Guide des baux commerciaux, octobre-novembre 2010, p. 2823. 118 49 2. Le respect des conditions de forme Le bailleur doit notifier par acte extrajudiciaire une mise en demeure visant de façon précise les manquements auxquels le preneur doit remédier122. Elle est nécessaire même si l’infraction présente un caractère irréversible123. Aussi, l’ordre public de protection prévu par l’article L. 145-41 du Code de commerce commande l’effet de la clause : la clause ne peut produire ses effets qu’à l’expiration du délai d’un mois suite à la notification d’un commandement demeuré infructueux124 125 . Le bailleur doit mentionner ce délai126, sa volonté d’invoquer un manquement127 et indiquer précisément les infractions reprochées à peine de nullité. Par exemple, un arrêt de 2010 a considéré que la clause résolutoire était nulle en raison de la subordination de ses effets à un délai de quinze jours128. Après avoir envisagé les conditions de fond et de forme de la clause résolutoire, il est temps de déterminer l’interprétation de la jurisprudence dans une optique stratégique (B). B. Anticiper l’interprétation stricte de la jurisprudence La jurisprudence a dégagé une méthode d’interprétation propre aux clauses résolutoires (1). Son étude permet de déterminer les fautes qui peuvent faire l’objet de cette clause (2). 1. Méthodes d’interprétation En cas de litige, la clause sera soumise au juge. Encore une fois, le législateur a tenté de protéger le locataire en lui ouvrant la faculté de demander une suspension 122 Civ. 3e 15 mai 1973 ; Civ. 3e, 6 mars 1996, Civ. 3e 30 mai 1996 Bull. civ. III p. 81, Civ. 3e 4 février 1997. 123 Civ. 3e 24 nov. 2004, n° 003-15.807, Bull. Civ. III, n° 208, Rev. Loyers 2005/853, n° 42. 124 Civ. 28 nov. 1990. 125 La forme de cette mise en demeure est nécessairement un acte d'huissier avec commandement de payer ou sommation d'exécuter (Civ. 3e 30 mai 1996, JCP N 1996. II. 1592). 126 CA Versailles, 6 octobre 1982, Rev. Loyers 1983, p. 321 ; Civ 3e 6 mars 1996, n° 93-17.520, Bull. civ. III, n° 61, Rev. Loyers 1997, p. 41. 127 CA Paris 16e ch. sect. A, 7 mai 2008, n° RG : 06/01427, AJDI 2008 n° 291. 128 Civ. 3e 9 décembre 2010, D.2011, Actu. 9 obs. Rouquet. 50 judiciaire sur le fondement de l’article L. 145-41 alinéa 2 du Code de commerce lui-même connexe aux articles 1244-1 et 1244-3 du Code civil relatifs aux délais de grâce. En outre, la jurisprudence a dégagé plusieurs fils directeurs de son appréciation des clauses résolutoires ce qui laisse augurer une protection du locataire. Tout d’abord, les juges doivent observer une interprétation stricte des clauses. En effet, les clauses résolutoires semblent tomber sous le coup d’une présomption de stipulation en faveur du preneur. Et, les sanctions étant « dangereuses129» pour les preneurs, la jurisprudence demande à ce qu’elles soient interprétées strictement130. De plus, il a été précisé qu’il appartient au bailleur de la faire constater sans que le juge n’ait à apprécier la gravité du manquement reproché131. Son pouvoir se limite à la constatation qui dépend de la rédaction minutieuse de la clause en amont. Au niveau procédural, le bailleur doit délivrer une assignation en constatation de la clause résolutoire (et non pas en prononciation de la résiliation) qui intervient postérieurement en vue d’édicter l’éventuelle expulsion du locataire. Toutefois, la jurisprudence reste protectrice des intérêts du bailleur sur un point : elle considère que la clause selon laquelle le bailleur poursuivra la constatation de la clause « comme bon lui semble » n’enlève pas à la clause résolutoire son caractère d’automaticité132. En outre, il est intéressant d’étudier dorénavant le type de faute susceptible de faire l’objet d’une clause résolutoire (b). 2. Les fautes admises par la jurisprudence Au niveau rédactionnel, la clause résolutoire est en liaison avec l’ensemble des obligations mises à la charge du preneur. Il peut s’agir d’obligations légales telles que l’obligation de payer les loyers à échéance contractuelle ou encore de l’obligation d’exploiter les locaux en bon père de famille et conformément à la destination contractuelle. Mais il peut s’agir également d’obligations supplémentaires de nature contractuelles comme le défaut de paiement de charges ou d’intérêts de retard, la nonexécution des travaux et l’interdiction de sous-louer entre autres. De plus, elle peut prévoir 129 Voir supra note 69. Civ. 3e 11 juill. 1990, n° 88-19.994, Gaz Pal. 1991 , 1, pan. p. 36. 131 Civ. 3e, 9 nov. 2004, AJDI 2005. 382, note C. Denizot. 132 Civ. 3e, 21 fév. 2006 n° 05-15.776, Administrer 2006, n° 388, p. 41 obs. D Lipman-Boccara. 130 51 la faute du preneur qui refuserait de payer l’indemnité d’occupation due en cas de refus de renouvellement, sans quoi le bailleur ne pourra pas l’invoquer133. En outre, le bailleur sera attentif lors de la rédaction de la clause de destination du bail qui emporte résiliation de plein droit du bail en cas de manquement134. En effet, à l’inverse d’un bail tous commerces, le détail des activités autorisées permet de demander la résiliation dès la moindre addition d’activité. Il en est de même de la cession irrégulière du bail. Par exemple, un arrêt de 2006 a décidé que le preneur avait apporté un droit au bail à une société sans autorisation préalable alors que le contrat requerrait cette autorisation. La Cour de cassation a considéré que la résiliation était constatée135. Après avoir vu les moyens de s’assurer de l’éviction du droit au renouvellement du preneur à travers l’effet absolu de la clause de renonciation et relatif de la clause résolutoire, il convient d’étudier les clauses permettant d’optimiser le déplafonnement du loyer renouvelé (SECTION II). SECTION II. LES CLAUSES D’OPTIMISATION DU LOYER DE RENOUVELLEMENT Les règles relatives au plafonnement et au déplafonnement sont la pomme de discorde du contrat de bail au renouvellement : le preneur souhaite que le loyer soit plafonné ; le bailleur souhaite que le loyer de renouvellement soit déplafonné. L’ordre public de protection ne préserve qu’en partie la pérennité du bail et le droit au renouvellement puisqu’il ouvre la voie à la négociation concernant la durée maximale du bail, le loyer du bail initial et la fixation de loyer de renouvellement qui peuvent ainsi être modulés stratégiquement par le bailleur (Paragraphe 1). De plus, d’autres clauses sont susceptibles d’avoir une influence positive sur le déplafonnement éventuel du loyer de renouvellement (Paragraphe 2). 133 Civ. 3e 9 déc. 1980, n° 79-14.235, Rev. Loyers 1981 p. 79, note Viatte, Civ. 3 e, 24 févr. 1999, n° 97-11.554, Rev. Loyers 1999 p. 411, Administrer 1999, n° 315, p. 32, AJDI 1999, p. 655. 134 Civ. 3e 25 janvier 2006, n° 04-20.173, Rev. Loyers 2006/866, n° 335, p. 186. V. Civ. 3 e, 30 mai 2007, n° 06-12.853. 135 CA Paris, 14e ch, sect. A, 4 octobre 2006, n° RG : 06/01923, AJDI 2006, p. 906. 52 Paragraphe 1. La modulation contractuelle de la durée et du loyer du bail commercial L’ordre public de protection laisse deux espaces de liberté stratégiques aux bailleurs. Le premier concerne la fixation de la durée maximale du bail qui aura des influences sur le loyer de renouvellement (A). Le deuxième espace de liberté concerne la fixation des loyers du loyer du bail initial et le loyer de renouvellement (B). A. De l’opportunité de négocier un bail de plus de neuf ans Au préalable, il convient de préciser le domaine de la stipulation de la durée du bail commercial (1). Ensuite, ce sont les effets de la clause qui seront étudiés (2). 1. Le domaine de la stipulation de la durée du bail La stipulation de la durée du bail est une condition de validité du contrat de bail136. Le droit des baux commerciaux fixe un minimum soumis à l’ordre public de protection : « la durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans137 ». Cette définition négative de la durée du contrat est surprenante et rare en droit français. En tout état de cause, il est interdit de conclure des baux commerciaux de moins de neuf ans 138. En revanche, rien n’interdit aux bailleurs de conclure des baux de plus de neuf ans dans la limite du respect du principe de l’interdiction des baux perpétuels139. De nouveau, le statut laisse libre cours à la volonté des parties mais surtout à l’intérêt économique des bailleurs. Il y a une structure commerciale qui profite le plus de cette liberté : « le recours à une durée supérieure à neuf années est ainsi fort efficace et fort employé dans les centres commerciaux et les galeries marchandes en raison du pouvoir de négociation des sociétés foncières propriétaires des lieux et de la forte demande des preneurs140 ». En effet, on observe deux tendances : d’une part, sont conclus de plus en plus de baux dérogatoires pour « tester » la viabilité de l’activité et libérer la 136 Civ. 3e 5 déc. 2001, n° 00-14.294. L145-4 du C. Com. 138 Sauf l’exception des baux de courte durée prévus par l’art. L. 145-5 du C. Com. 139 Civ. 3e 19 fév. 1992, n° 90-16.148, Bull. Civ. III n° 61. 140 RTD Com. 2005 p. 256, note Monéger. 137 53 cellule sans contrainte juridique ; d’autre part, sont conclus des baux de dix ans. Ils peuvent imposer cette disposition étant donné la qualité de l’emplacement et la garantie pour le preneur de générer un profit. Au-delà de ces considérations, le principal intérêt pour tout bailleur est d’échapper à la règle du plafonnement (2). 2. Les effets des baux de plus de neuf ans sur le renouvellement La négociation de la durée du bail commercial de plus de neuf ans aura des conséquences importantes sur les loyers de renouvellement futurs. En effet, l’article L. 145-34 du Code de commerce relatif aux modalités de plafonnement des loyers de renouvellement écarte in fine de son champ d’application les baux de plus de neuf ans : « le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d’effet du bail à renouveler, si sa durée n’est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation de [l’Indice du Coût de la Construction ou de l’Indice des Loyers Commerciaux] ». Après quelques hésitations jurisprudentielles et doctrinales sur l’interprétation de l’expression « du bail à renouveler »141, il est admis qu’elle correspond au bail venu à expiration et en déduisent que les baux supérieurs à neuf ans sont un motif de déplafonnement142. Un arrêt de la 3 e Chambre civile de la Cour de cassation rendu le 13 novembre 1997143 retient cette solution et le Professeur Blatter considère qu’il s’agit du « revirement officiel et silencieux qui était d’ores et déjà acquis »144. La stratégie du bailleur consistera donc à négocier un bail de plus de neuf ans pour s’assurer à l’avenir le déplafonnement des loyers de renouvellement. Toutefois, le rédacteur du bail veillera à réitérer la durée supérieure à neuf ans pour les baux à renouveler sous peine de voir le contrat de bail renouvelé soumis à la durée d’ordre public de neuf ans145. Une autre stratégie consiste à négocier par avance le montant des loyers de renouvellement (B). 141 RDI, 1984.244 et 1985.428, J. Derrupé. Civ. 3e 7 juin 1989, Bull. civ. III, n° 132 ; Gaz. Pal. 1989.2.887, note BARBIER ; RDI 1989.512, obs. Derrupé. 30 janv. 1991, Bull. civ. III, n° 44 ; JCP 1991. éd. N.II.265. 20 mars 1991, Bull. civ. III, n° 95 ; JCP 1991. éd. N.II.334 ; RDI 1991.273, obs. DERRUPE ; D. 1991. Somm. 362, obs. ROZES ; Rev. Administrer juin 1991.26, note Barbier. 5 avr. 1995, AJPI 1995.587, note Blatter. 143 Civ. 3e 13 nov. 1997, Bull. Civ. III, n° 203, D.1997.IR.254, préc. Civ. 3e 7 juin 1989, Bull. civ. III, n° 132. 144 AJDI 1998 p. 180. Pour des précédents, voir note 153. 145 Civ. 3e 2 oct. 2002, AJDI 2003 p. 28, RD 2002 p. 3014, RTD Comm. 2003 p. 277. 142 54 B. Les stratégies relatives à la fixation des loyers du bail commercial L’expression « loyers » est employée au pluriel puisque le statut ne frappe pas d’ordre public la fixation du loyer du bail initial (1) et du loyer de renouvellement (2). 1. La fixation stratégique du loyer du bail initial La fixation du loyer initial par un pas-de-porte complément de loyer (a) ou par une clause recettes (b) peut avoir une influence positive au jour du renouvellement pour le bailleur. a. De l’intérêt financier d’insérer un pas-de-porte qualifié de complément de loyer Face à la surenchère d’un emplacement n°1, les bailleurs ont développé la pratique du pas-de-porte qui est « une somme d’argent versée en une ou plusieurs fois par le locataire au bailleur au moment de la conclusion du bail146 ». Les parties peuvent choisir de le qualifier de complément de loyer ou de supplément de loyer. Face à cette option, les bailleurs se tournent plutôt vers la qualification de complément de loyer destinée à compenser la différence entre le loyer demandé et celui du marché en raison de ses conséquences sur le renouvellement. En effet, l’article L. 145-34 du Code de commerce autorise le déplafonnement du loyer notamment lorsque les éléments qui ont permis de déterminer la valeur locative à l’origine subissent une modification en cours de bail. Ainsi, il est considéré que ce complément lui permettait d’obtenir une valeur locative normale pendant le bail expiré mais qui ne se retrouvera plus au moment du renouvellement : sur le fondement de l’article R. 145-8 du Code de commerce, est pris en compte «les modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé » et autorise le déplafonnement à ce titre. Toutefois, le bailleur devra prouver que la modification est notable et qu’elle lui ait été effectivement versée à lui et non pas au propriétaire cédant du fonds de commerce par 146 Voir supra note 22. 55 exemple147. Une autre technique consistera à donner un caractère mixte, indemnitaire (ou supplément de loyer) et complément de loyer au pas-de-porte. En effet, en raison de l’impossibilité de déterminer la part de chaque qualification, le déplafonnement devra être prononcé sur le même fondement148. Le bailleur peut également négocier la fixation d’une clause-recettes (b) b. La fixation du loyer initial par une clause recettes Une partie de la doctrine critique le fonctionnement du mécanisme du plafonnement du loyer initial. Selon elle, elle est inadaptée aux évolutions économiques puisque la valeur locative judiciaire ne correspond pas à la valeur locative de marché. Ainsi, la pratique a mis en place la clause recettes se composant d’un « loyer minimal garanti soumis à indexation et fixé contractuellement à l’origine du bail [et d’un] loyer qui varie en fonction du chiffre d’affaires du preneur au cours de l’année précédente et liquidé après application du taux conventionnellement prévu, ce loyer absorbant, s’il vient à le dépasser, le loyer minimal garanti indexé »149. En principe, les parties fixent discrétionnairement le loyer initial et peuvent insérer une clause recettes, validée par un arrêt du 2 octobre 1984150. Cette possibilité se fonde sur l’absence d’ordre public frappant les dispositions des articles L. 145-33 et L. 145-34 du Code de commerce151. Un arrêt du 10 mars 1993 dit « Théâtre Saint Georges » a fixé le sort de cette clause lors du renouvellement152. La Cour de cassation retient deux éléments : d’une part, elle estime que la clause recettes doit s’appliquer au-delà du renouvellement ; d’autre part, elle 147 148 Civ. 3e 5 juin 2002, n° 00-21.733, AJDI 2002.606. CA Paris 24 fév. 1978, Gaz. Pal. 1978, 1, 321 ; CA Paris, 18 oct. 1979, Gaz. Pal. 1980, somm. P. 77. 149 AJDI 1993 p. 710 Civ. 3e 2 oct. 1984 151 Civ. 3e 24 oct. 1979, Bull. civ. III, n° 189 ; D. 1980, IR p. 106 ; Civ. 3 e 11 févr. 1987, D. 1987, IR p. 39 ; CA Paris 9 sept. 1994, D. 1994, IR p. 227. 152 Civ. 3e 10 mars 1993, n° 91-13.418, Bull. Civ. III n° 30 p. 19, AJDI 1993 p. 710, RD Imm. 1993, p. 276, RD imm, 1994 p. 511, RD 1994 p. 47, RTD comm. 1993 p. 638, AJPI 1993.710, obs. B. Boussageon; JCP 1993. éd. E. II.460, note B. Boccara ; JCP 1993.11.22089, note F. Auque ; Loyers et copr. juin 1993, p. 1, chron. P. H. Brault ; Gaz. Pal. 1993.2.313, note J.-D. Barbier, D. 1994.47, obs. L. Rozès ; JCP 1993. II. 22089, note F. Auque ; Loyers et copr. juin 1993, comm. P. H. Brault ; Gaz. Pal. 3 juillet 1993, comm. J.-D. Barbier ; Rev. dr. imm. 1993, p. 276, comm. J. Derruppé et G. Brière de L'Isle. Confirmation : Civ. 3e 15 mars 2000, n° 98-16.771, RDI 2000, p. 402, obs. J. Derruppé, Loyers et copr. 2000, n° 141, obs. Brault Ph.-H., RD imm. 2000, p. 402, obs. Derruppé J. ; Civ. 3e 7 mars 2001, Bull. civ. III, n° 29 ; D. 2001, AJ p. 1874, obs. Y. Rouquet ; ibid. 2001, Somm. p. 3527, obs. L. Rozès. 150 56 retient qu’une telle stipulation contractuelle limite le pouvoir du juge qui, en présence d’une clause claire et non équivoque, ne peut que la constater et l’appliquer153. C’est ainsi que la clause recettes permet d’échapper aux dispositions relatives au montant du loyer de renouvellement qui, en l’absence de stipulation contraire, devrait correspondre à la valeur locative. Par exemple, un arrêt de la Cour d’appel de Versailles rendu le 9 janvier 1997154 avait ordonné une expertise en vue de la fixation du loyer minimum garanti de renouvellement à la valeur locative. La Haute Cour a cassé l’arrêt sous le visa de l'article 1134 du Code civil et a réaffirmé le principe posé par l’arrêt « Théâtre Saint Georges » le 27 janvier 1999155 en retenant que : « la fixation du loyer renouvelé d'un tel bail échappe aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 et n'est régie que par la convention des parties » La doctrine s’est interrogée sur le sort de cette décision : la stipulation d’un loyer variable fait elle sortir ce contrat du champ du statut ? Aucun arrêt à ce jour ne penche en faveur de cette solution. En pareil cas, le preneur perdrait son droit au renouvellement. La jurisprudence a franchi un nouveau pas dans un arrêt rendu le 10 mars 2004156. En effet, elle a censuré un arrêt rendu par la Cour d’appel de Rennes qui avait annulé la clause de fixation du loyer de renouvellement en arguant de la volonté de dissuader le preneur d’exercer son droit à renouvellement « à des conditions économiques sans rapport avec la progression des données commerciales ». Or, la Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel au visa de l’article 1134 du Code civil : « rien ne s'oppose à ce que les parties choisissent d'un commun accord de déterminer à l'avance par une stipulation du bail les conditions de fixation du prix du bail renouvelé ». 153 Voir particulièrement l’arrêt « Unibail », Civ. 3e 7 mai 2002 : « que la fixation du nouveau loyer ne pouvait résulter que de l’accord des parties et que le rôle du juge ne pouvait être que de constater cet accord, s’il existait, et constater l’absence d’un tel accord quant à la partie fixe du loyer », AJDI 2002.523, obs. J.-P. Blatter, Gaz. Pal. 2002, 2, p. 972, note Barbier J.-D., Rev. Admin. 2002, n° 346, p. 14, obs. Boccara B. et Lipman-Boccara; V. également CA Paris 17 mars 2000, Loyers et copr. 2000, n° 141, obs. Ph.-H. Brault. Gaz. Pal. 2002, 2, p. 972, note Barbier J.-D., Rev. Admin. 2002, n° 346, p. 14, obs. Boccara B. et Lipman-Boccara. 154 Versailles 12e ch. 1 9 janvier 1997, JCP G 1997.II.22797 Ph.-H. Brault, Loyers et copr. février 1997. 155 Civ. 3e 27 janv. 1999, n° 97-13.366, Bull. civ. III, n° 22, AJDI 1999. 699, obs. D. Cohen-Trumer ; 15 mars 2000, Loyers et copr. 2000, n° 141, obs. Ph.-H. Brault ; 7 mai 2002, AJDI 2002 p. 523 ; 13 nov. 2002, ibd. 2003 p. 36 ; 29 avr. 2002, AJDI 2002. 523, obs. J.-P. Blatter, RTD com. 1999 p. 368, obs. J. Monéger ; Dans ce sens, Civ. 3e 15 mars 2000, RDI 2000, p. 402, obs. J. Derruppé ; Civ. 3 e 7 mars 2001, Bull. civ. III, n° 29 ; D. 2001, AJ p. 1874, obs. Y. Rouquet ; ibid. 2001, Somm. p. 3527, obs. L. Rozès et Civ. 3e, 7 mai 2002, Bull. civ. III, n° 94 ; D. 2002, AJ p. 1906, obs. crit. Y. Rouquet ; AJDI 2002 p. 523, obs. J.-P. Blatter. 156 Civ. 3e 10 mars 2004, n° 02-14.998, Loyers et copr. 2004, n° 91, obs. Brault Ph.-H., D. 2004, p. 878, obs. Rouquet Y. 57 Ainsi, en présence d’une clause dépourvue d’ambigüité, la Haute Cour refuse de contrôler l’éventuelle atteinte indirecte au droit au renouvellement157. Cette décision a été critiquée par la doctrine158. C’est ainsi qu’il apparaît que la tendance jurisprudentielle va plutôt dans le sens d’une ouverture du statut à la volonté des parties dès que la disposition n’est pas frappée d’ordre public. Un autre moyen stratégique du bailleur pour échapper aux contraintes du dispositif légal du renouvellement est de fixer par avance le loyer de renouvellement (2). 2. La fixation stratégique du loyer de renouvellement Les parties peuvent négocier par avance le loyer du bail renouvelé159 « sans que l’ordre public ne leur ferme la voie160». La jurisprudence l’a admis tant sous le visa de l’article 1134 du Code civil concernant l’effet relatif des contrats, que sous le visa des textes d’ordre public du bail commercial. Ainsi, le bailleur peut fixer par avance le loyer de renouvellement dans une clause du bail d’origine161 ou dans un avenant sans faire échec au droit à la révision précédent le renouvellement162. Sur la teneur du loyer de renouvellement, il est évident que le bailleur refusera de convenir du loyer de bail renouvelé aux conditions du plafonnement163. En revanche, il tentera d’obtenir qu’il corresponde à la valeur locative hors tout plafonnement164. D’ailleurs, les composantes de cette valeur locative sont laissées à la libre appréciation des parties, l’intérêt étant d’échapper à la fixation judiciaire qui pourrait être défavorable au bailleur. En effet, le principal intérêt d’une telle stipulation pour le bailleur est d’éviter l’aléa judiciaire : les juges du fond peuvent, dans le cadre de leur appréciation souveraine, 157 Revue des Loyers 2004, p. 852. Ibidem. 159 Civ. 3e 10 oct. 2001, Defrénois 2002. 176, note S. Duplan-Miellet, il n’y a pas de forme précise requise ; CA Amiens, 8 févr. 2005, JCP 2005. II. 10060, obs. F. Auque ; Civ. 3e 10 mars 2004, Bull. civ. III, n° 52 ; D. 2004. AJ. 878, obs. Rouquet ; Defrénois 2004. 1325. 160 Voir supra note 103 et Civ. 3e 4 mars 1998, AJDI 1998, p. 620 ; CA Versailles 12e ch. 2e sect., 16 octobre 1997, Dalloz Affaires, 1998, p. 100, obs. Y. R. ; 26 novembre 1998, RD imm. 1999, p. 162, obs. Derruppé ; CA Paris, 16e ch. B. 12 fév. 1999, Gaz. Pal. 1999, 2, somm. p. 211, obs. J.-D. Barbier. 161 Civ. 3e 10 mars 2004, n° 02-14.998, Defrénois 2004, p. 1325 ; D.2004.878 ; D. 2004, 1090 ; Civ, e 3 , 27 oct. 2004, D. 2004.3071. 162 Civ. 3e 30 janv. 2002, n° 00-15.202, Bull. Civ. III, n° 21. 163 Civ. 3e 2 juillet 1997, Gaz. Pal. 1997, 2, somm. p. 462, obs. J.-D. Barbier ; CA Paris 16e ch. B, 29 juin 1995, Loyers et copr. 1996, comm. n° 78. 164 Civ. 3e 4 mars 1998, AJDI 1998, p. 620, obs. J.-P. Blatter. 158 58 appliquer un coefficient d’abattement ou de majoration selon les cas. C’est un risque que ne prendra pas le bailleur averti et ce d’autant plus que les valeurs judiciaires sont « en retrait par rapport à la valeur locative de marché puisqu’elle tient compte de l’ensemble des loyers pratiqués, locations nouvelles, renouvellements amiables et fixations judiciaires165». Ces « distorsions166 » les incitent donc à négocier et stipuler dans les contrats de baux que le loyer renouvelé sera fixé à la valeur locative de marché. L’une des ruses du bailleur est de préciser que les loyers pris en compte pour le calcul de la valeur locative seront limités dans le temps. En effet, alors qu’au niveau judiciaire sont pris en compte les loyers des neuf années précédentes, en matière contractuelle on peut les limiter aux valeurs actuelles des locaux et obtenir un loyer majoré. Par exemple, il peut être stipulé que les loyers pris en compte seront ceux des douze derniers mois. Aussi, le bailleur peut demander de faire référence uniquement aux locations nouvelles ce qui permet d’obtenir un véritable prix de marché. Il peut également la limiter à la prise en compte d’éléments stratégiques : la durée des activités, les surfaces167, les types de biens loués, la destination des lieux, les loyers des renouvellements amiables par exemple afin de valoriser au maximum le montant du loyer renouvelé. Pour aller plus loin et asseoir sa position, le bailleur peut envisager d’écarter expressément les loyers sous-évalués et de compenser par le montant des travaux ou par les pas-de-porte éventuels. Toutefois, une clause qui organiserait un loyer trop élevé serait considérée comme voulant supprimer le droit au renouvellement et sera entachée de nullité. Il en est de même d’une clause qui ne laisserait aucune échappatoire au preneur lors des deuxième et troisième renouvellements. Les risques que comporte une telle clause doivent être palliés par la signature par le preneur d’une reconnaissance de conseils donnés. De plus, il peut combiner la clause recette à une clause à dire d’expert168 en stipulant que sa décision sera irrévocable et qu’il devra s’en tenir aux éléments cités pour le calcul de la valeur locative. Il peut également la relier à une clause compromissoire qui est une convention par laquelle les parties à un contrat à soumettre à l'arbitrage les litiges qui pourraient naître 165 AJDI 2003 p. 921, Liberté contractuelle dans la rédaction des baux et modes alternatifs de règlement des conflits, BLATTER. 166 Le loyer déplafonné : Quelle valeur locative ?, Adm. n° 369, août-septembre 2004, p. 11 et s., par M.-L. Sainturat. 167 CA Paris 16e ch. B, 12 fév. 1999, Gaz. Pal. 1999 somm. p. 899. 168 Civ. 3e 4 mars 1998, Loyers et copr. 1998, n° 159, obs. Brault et Mutelet. 59 relativement à ce contrat et qui exclut ainsi l’intervention du juge169. Elle est admise par la jurisprudence170 et depuis la loi du 15 mai 2001171 dans les « contrats conclus à raison d’une activité professionnelle172». Les clauses relatives à durée du bail et au loyer du bail renouvelé peuvent avoir des conséquences très importantes au moment du renouvellement. Il est évident que les bailleurs s’attardent stratégiquement sur ces deux points pour s’assurer une majoration de loyer lors du renouvellement. D’autres clauses ont une influence stratégique (Paragraphe 2) Paragraphe 2. Les autres clauses stratégiques Les autres clauses qui ont une influence sur le renouvellement sont notamment la clause de destination (A) et la clause d’accession et de travaux (B) A. Clause de destination et déplafonnement « L’usage ou la destination des lieux est déterminée librement par le bailleur et par le preneur en vertu de la théorie de l’autonomie de la volonté ; théorie d’inspiration libérale qui régit les contrats173 » La destination des lieux loués est l’usage par lequel la chose a été donnée. La particularité du bail commercial est qu’au-delà de la stipulation de la commercialité des lieux loués, ces clauses dressent aussi la liste des activités commerciales autorisées. Or, dans une économie concurrentielle, les commerçants ont très souvent besoin d’adapter leur activité à l’évolution des besoins des consommateurs. La teneur de la clause de destination est importante étant donné qu’elle peut avoir un impact sur le loyer renouvelé. En effet, le bailleur qui démontre une modification notable de la destination des lieux174 pourra obtenir le déplafonnement du loyer à la valeur locative excluant les règles du plafonnement. Rares sont les bailleurs qui concluent 169 Art. 1442 du Nouveau Code de Procédure Civile. CA Paris 13 septembre 1994, Loyers et copr. 1994, n° 479, note Ph.-H. Brault ; J.-P. Blatter, AJDI 1998, p. 173. 171 Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. 172 Art. 2261 du Code civil. 173 La Semaine juridique, édition notariale et immobilière, n° 11, 13 mars 19, p. 19 à 27. 174 Art. L. 145-33 et L. 145-34 du C. Com. 170 60 aujourd’hui des baux dits « tous commerces » puisqu’ils autoriseraient l’exploitation de toutes les activités et ils ne pourraient donc pas invoquer un changement de destination lors du renouvellement. Il ne faut pas confondre la modification de la destination contractuelle et le changement d’affectation des locaux. Dans le second cas, ils relèvent de la modification des caractéristiques propres du local définis aux articles R. 145-3 et R. 145-4 du Code de commerce et plus particulièrement au changement d’affectation des surfaces affectés à la clientèle175 comme la transformation d’une surface à usage d’habitation en surface commerciale. Dans le premier cas, qui est l’objet de ce paragraphe, le bailleur obtiendra le déplafonnement du loyer s’il démontre une modification notable de la valeur locative et notamment de la destination des lieux176. L’article R. 145-5 du Code de commerce définit la destination en ces termes : « celle autorisée par le bail et ses avenants ou par le tribunal dans les cas prévus aux articles L. 145-47 à L145-55 ». Pour y arriver, la rédaction de la clause en amont sera stratégique : soit le bailleur ne permettra au preneur qu’une activité très réduite et très précise (vente d’articles de ski par exemple), soit il permettra d’exercer plusieurs activités qui seront très différentes (café et prêt-à-porter). En effet, si le bailleur rédige une clause dans laquelle il autorise de manière très large la modification de la destination et le montant du loyer subséquent, il ne pourra pas l’invoquer comme motif de déplafonnement177. De même, le bailleur est tenu par la teneur de cette clause et s’il a autorisé une activité à l’origine du bail mais que le preneur ne l’a exercé que plusieurs années après, il ne pourra pas revenir sur sa volonté et demander à ce titre le déplafonnement178. Dans ce cas d’espèce, le bailleur voulait profiter de l’augmentation de capacité du restaurateur après qu’il ait exercé l’activité autorisée par le bail. 175 CA Paris, 16e ch. A, 6 oct. 1999 n° 1997/18171 : l’abattage d’une cloison pour réunir une boutique et une salle à manger est un changement d’affectation relevant de l’art. R. 145-3 et R 145-4 et non de l’art. R 145-5 (relatif à la destination). 176 Art. L. 145-33 du C. Com. CA Paris, 14 oct. 1993, Administrer, mars 1994, p. 56 ; 27 mars 1997, Loyers et copr. 1997 n° 264. 177 Com. 4 nov. 1998, RDI 1999.161; Civ. 3e, 7 juill. 2004, Bull. Civ. III, n° 145. 178 Civ. 3e 12 oct. 1988, D.1988, p. 245. 61 Pour obtenir le déplafonnement, le bailleur devra en outre prouver une modification « notable »179 que les juges du fond apprécient souverainement. Un arrêt a retenu par exemple que l’adjonction de la vente de livres à un local destiné aux activités d’imprimerie, éditions, fournitures de bureau, papeterie a été jugé comme constituant une modification notable entraînant le déplafonnement180. En revanche la Cour d’appel de Nîmes a considéré en 2008 181 que la destination de librairie, papeterie et articles divers, pouvait s’étendre à la vente de disques vinyles, des CD, des cassettes vidéo et des photos. Elle estime qu’il existe « un lien entre diverses ces formes classiques et modernes de diffusion commerciale de culture populaire, ensuite, qu'il s'agit d'une évolution des usages du commerce et de la technologie, que la clientèle est identique, et enfin, qu'il s'agit seulement d'une adaptation mineure et nécessaire de la vente d'articles divers englobant les nouveaux supports182 ». Un autre arrêt a retenu que le simple développement du commerce dans le respect de la destination contractuelle ne suffisait pas à démontrer une modification notable183, tandis qu’un autre a refusé le déplafonnement du loyer d’une pharmacie qui avait ouvert son activité à la parapharmacie puisque la loi et les règlements l’y autorisaient184. L’appréciation de la modification notable est objective : les juges vont vérifier que les activités sont autorisées dans le bail et ne se réfèrent pas aux activités effectivement exercées par le preneur. De plus, un arrêt du 4 décembre 1998 rendu par a Cour d’appel de Paris a retenu que les modifications invoquées doivent être suffisamment notables pour que l’extension d’activité ait un véritable effet sur l’activité exercée185. Pourtant un arrêt rendu un mois avant par la Cour suprême retenait qu’il n’était pas nécessaire d’établir l’effet qu’elle a eu sur l’activité186. 179 Civ. 3e 3 mars 1981, Bull. civ. III, n° 43 ; Civ. 3e 8 janv. 1997, n° 95-11.482, Bull. civ. III, n° 5, Gaz. Pal. 1997, 1, 211, Loyers et copr. 1997, n° 175 ; Civ. 3e 26 nov. 1997, n° 96-11.191, Administrer, janv. 1998, p. 42 ; Civ. 3e 6 nov. 2001, Administrer, févr. 2002, p. 25 ; Civ. 3e 19 mars 2003, AJDI 2003 p. 348. 180 CA Paris 9 fév. 2001, AJDI 2001.341 181 CA Nîmes, 2e ch. A, 24 janv. 2008, Juris-Data n° 2008-357134. 182 AJDI 2009, p. 683. 183 CA Paris, 31 mars 1998, Loyers et copr. 1999 n° 68 184 Civ. 3e 21 mars 2007, Bull. civ. n° 40, AJDI 2007 p. 836. 185 CA Paris, 4 déc. 1998, Loyers et copr. 1999, n° 95. 186 Civ. 3e, 4 nov. 1998, n° 96-22.251, Priminter c/ Guillot et a. 62 Dans une optique stratégique, le bailleur peut aller plus loin et réclamer une indemnisation en raison du changement de destination par un supplément de loyer, puisque la jurisprudence ne lui interdit pas de requérir par la suite à ce titre le déplafonnement187. Dans la même veine de la clause de destination, les clauses d’accession et les clauses travaux sont également susceptibles d’influencer le montant du loyer renouvelé (B). B. Clause d’accession, clause travaux et déplafonnement Le statut des baux commerciaux ne régit pas la répartition des travaux entre les parties et les contrats compensent cette lacune. Ainsi, les parties prévoient fréquemment que les grosses réparations de l’article 606 du Code civil188 189 sont mises à la charge du bailleur et les menues réparations à la charge du preneur. En matière de baux commerciaux, l’enjeu se situe au niveau de la qualification des travaux et de leur sort lors du renouvellement. La jurisprudence et la doctrine distinguent les travaux d’aménagement (1), des travaux de conformité (2). 1. Le sort des travaux d’aménagement au renouvellement Les travaux d’aménagement sont ceux qui n’entraînent qu’un agencement intérieur. La partie règlementaire du Code de commerce permet de distinguer les travaux de modification des travaux d’amélioration. L’enjeu précontractuel se situe au niveau de l’absence de rédaction d’une clause transférant les travaux de modification sur la tête du 187 CA Paris, 2 nov. 1993, Gaz. Pal. 1994, A, somm., p. 177 ; Civ. 3e 16 déc. 1997, n°96-16.779, RDI 1998, 698 ; Administrer, janv. 1998, n°42, Loyers et copr. 1998, n° 126 ; Civ. 3e 24 févr. 1988, Gaz. Pal. 1988. 2. 798 ; V. cependant, pour la possibilité laissée par le bail au locataire de changer la destination au cours du bail avec prévision de modification du loyer, Civ. 3 e 7 juill. 2004, D. 2004. AJ. 2573. 188 Art. 606 du Code civil : « Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d'entretien ». Structure de l'immeuble et de ses accès, gros-œuvre, clos et couvert, balcons et terrasses, équipements indispensables à l'utilisation. 189 Cass. 3e Civ., 27 nov. 2002, n° 01-12.816, Bull. civ. III, n° 235 : la liste de l’art. 606 du Code civil énumère limitativement les grosses réparations. Toutefois, les juridictions du fond y ajoutent les réfections totales ou les remplacements des éléments d’équipement : pour la réfection totale de l’installation électrique mise à la charge du bailleur alors qu’il n’était contractuellement redevable que des réparations visées à l’art. 606 V. CA Paris, 16e ch. B, 28 sept. 2000, AJDI 2000, p. 1060 ; pour les travaux d’adaptation de la climatisation : CA Versailles, 2 oct. 2001, RJDA 2002, no 230, p. 196. 63 bailleur (a) et sur l’opportunité financière d’insérer une clause d’accession des travaux d’amélioration (b). a. Accession, travaux de modification et renouvellement D’une part, le sort des travaux entraînant une modification notable des caractéristiques des lieux loués est organisé et réglé par l’article R. 145-3 du Code de commerce. Ce type de travaux implique le plus souvent une augmentation de surface. Le juge doit s'attacher à examiner la proportion d'augmentation de surface, par rapport à la superficie initiale, de même que sa commodité d'accès et son influence favorable ou non pour le commerce considéré. En principe, la charge de ces travaux incombe au bailleur sauf clause contraire. À ce titre, le bailleur pourra invoquer une cause de déplafonnement du loyer lors du premier renouvellement successif à la réalisation des travaux. C’est ainsi que l’opportunité pour le bailleur est de ne pas prendre en charge contractuellement ces travaux puisqu’ils seront réalisés par le preneur et seront une cause de déplafonnement dès le premier renouvellement du bail commercial. Les conséquences des travaux de modification sur le renouvellement sont différentes des travaux d’amélioration (b). b. Accession, travaux d’améliorations et déplafonnement L’article 546 du Code civil détermine l’étendue du droit de propriété : « La propriété d’une chose, soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement, soit naturellement, soit artificiellement ; ce droit s’appelle droit d’accession ». L’article 551 dudit Code précise que : « Tout ce qui s’unit ou s’incorpore à la chose appartient au propriétaire […] ». Or, le droit des baux commerciaux ne régit que partiellement l’accession. S’agissant de l’accession des travaux d’amélioration, le bailleur trouvera un intérêt certain à insérer une clause expresse. Quant à leur sort lors du renouvellement, il est réglé en partie par l’article R. 145-8 du Code de commerce : « Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, 64 directement ou indirectement, notamment par l’acceptation d’un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge. » La jurisprudence a déterminé le régime de ces clauses. En premier lieu, le bailleur peut écarter le principe de l’indemnisation de l’article 555 du Code civil versée par le propriétaire au constructeur en instaurant le principe de la gratuité de la conservation des améliorations. Le risque pour le bailleur est qu’il ne pourra les invoquer qu’au second renouvellement190. L’objectif est que « le locataire puisse bénéficier au moins de la durée d’un bail entier pour amortir les travaux […] sans subir d’augmentation de loyer de ce fait.191 » Le bailleur stratège préfèrera participer aux frais et invoquer ce motif de déplafonnement dès le premier renouvellement192. En second lieu, en l’absence de participation financière du bailleur, le bailleur peut trouver une porte de sortie au regard de la date d’effet de l’accession dans la clause. - soit le bail indique que « le bailleur deviendra propriétaire des améliorations à la fin du présent bail » ou ne prévoit rien, et les travaux seront un argument de déplafonnement lors du deuxième renouvellement qui suit leur réalisation193. Le bailleur, même en cas de résiliation deviendra propriétaire des améliorations. En revanche, il devra attendre le départ effectif du preneur pour demander la remise des lieux dans leur état d’origine194. Un risque se profile si les aménagements sont détruits avant la fin du bail puisque le bailleur, ne pouvant invoquer de droit acquis sur ces améliorations la fin du bail n’étant pas intervenue, ne pourra pas réclamer d’indemnisation195. - soit elle prévoit une prise d’effet de l’accession « au départ des lieux du preneur » c’est-à-dire en fin de jouissance. Dans ce cas, le bailleur ne disposera de la propriété des améliorations qu’au jour du départ effectif du preneur. Or, dans ce cas 190 Civ. 3e 21 mars 2001, Bull. Civ. III, n° 35 ; AJDI 2001 p. 698 ; D. 2001, AJ p. 2039. Revue des loyers, 2004, n° 850, note M.-C. Martinet. 192 CA Paris, 7 juin 1994, Loyers et copr. 1994, n° 295. 193 Civ. 3e 30 mai 1990, n° 89-12.061, Bull. civ. III, n° 131, Loyers et copr. 1990. comm. n° 355. – 27 nov. 1990 : Gaz. Pal. 1991, I, p. 308. -CA Paris 5 sept. 2005, Loyers et copr. 2006. 194 Civ. 3e 26 nov. 1985, Gaz. Pal. 1986, 1, 114 – CA Paris, 11 oct. 2002, n° 2001/15798, AJDI 2003 p. 35. 195 Civ. 3e 2 avr. 2003, n° 01-17.017, Bull. Civ. III, n° 76. 191 65 il y aura « neutralisation du déplafonnement196» puisqu’au jour du renouvellement, le preneur n’aura pas effectivement quitté les lieux197. - Soit la clause prévoit une accession « au fur et à mesure » et cela ne pose pas de difficultés.198 C’est ainsi que la clause d’accession est très utilisée par les bailleurs pour s’assurer d’une cause de déplafonnement. La longue durée du bail conforte cette idée étant donné que l’évolution rapide du commerce amène très souvent les preneurs à réaliser des travaux. L’inflation règlementaire en matière de travaux de conformité a incité la jurisprudence à régler son régime (2). 2. Le sort des travaux de conformité Les travaux de mise en conformité des locaux à la destination contractuelle sont le troisième type de travaux rencontrés en pratique. Par exemple, l’ouverture d’un Établissement Recevant du Public est subordonnée au respect de normes incendies prescrites par l’autorité administrative qui suppose souvent la réalisation de travaux de conformité. À qui incombe leur réalisation ? En vertu de l’article 1714 du Code civil, le bailleur est soumis à une obligation de délivrance de laquelle on tire une obligation d’entretien et une obligation de garantie. La Cour d’appel de Paris a retenu en 2004 que les travaux de mise en conformité sont de l’essence même de l’obligation de délivrance du bailleur199. En principe, il incombe donc au bailleur de réaliser ces travaux. Mais, l’ordre public ne touche pas cette obligation et la jurisprudence admet qu’elle puisse faire l’objet d’une stipulation expresse contraire et de les mettre à la charge du preneur200. La clause, pour être valable, doit être claire, expresse, non équivoque201 et indiquer précisément quels types de travaux sont mis à la charge du preneur. 196 Voir supra note 18. Civ. 3e 21 mars 2001, n° 99-16.640, Bull. Civ. n° 35, D. 2001 p. 2039 ; AJDI 2001, 698 ; JCP E 2001, 1243. - CA Paris, 16e ch. A, 12 déc. 2001, Administrer, mars 2002, p. 23. - Civ. 3e 27 mai 2003, n° 0211.666, AJDI 2003, p. 668. 198 Droit et pratique des baux commerciaux, 2011, n° 260.400, Dalloz. 199 Civ. 3e 12 déc. 2001, Loyers et copr., 2002, n° 90 ; CA Paris, 23 janvier 2004, n° 2003/05683 ; e Civ. 3 , 18 mai 2005, n° 04-13.798, NP, AJDI 2005, 661. 200 Civ. 3e 17 avril 1996 ; Civ. 3e 10 mai 1989 ; Civ. 3e 17 octobre 1990. 201 Soc. 11 octobre 1962 197 66 Toutefois, la portée de cette clause doit être nuancée à deux titres. D’une part, la jurisprudence récente l’interprète de manière très restrictive. Ainsi, depuis une dizaine d’années, la Cour de cassation n’hésite pas à sanctionner de nullité les clauses d’acceptation des locaux « en l’état »202. D’autre part, elle refuse que lesdits travaux réalisés par le locataire, s’ils sont nécessaires à « la mise en conformité des lieux à leur destination contractuelle » constituent des améliorations au sens de l’article R. 145-8 du Code de commerce susceptibles d’être invoquées au renouvellement pour obtenir une augmentation de loyer203. Leur portée est donc très relative au regard du renouvellement comparé aux travaux d’aménagements. 202 Civ. 3e 7 octobre 1998, n° 96-22.437, Droit et pratique des baux commerciaux – rédaction des clauses extérieures au statut n° 260.180 ; Civ. 3e, 27 mars 2002, RJDA 6/02 n° 601 ; CA Paris 16e ch. section B 24 mai 2007, n° RG 06/15036, Administrer 2007 n° 403 p. 77 ; Civ. 3e 9 juill. 2008, n° 07-14.631, Bull. Civ. III, n° 121, AJDI 2008 p. 841, RD 2009.896 ; Civ. 3e 20 janvier 2009, n° 07-20.854, RTD comm. 2009 p. 694. 203 Civ. 3e, 30 juin 1999, n° 97-19.002, Defrénois 1999, 1199 ; Civ. 3e 31 oct. 1989, Bull. civ. III, n° 203 ; Civ. 3e 19 déc. 2000, n° 99-13.642, Administrer, mars 2001, p. 29 ; CA Paris 13 fév. 2004, Loyers et copr. 2004, n° 129 ; CA Paris 13 fév. 2004, Loyers et copr. 2004, n° 129 ; CA Poitiers, 17 févr. 2004, JCP E 2005, 649. 67 PARTIE II. LES STRATÉGIES DU BAILLEUR FACE AU RENOUVELLEMENT 68 INTRODUCTION Après avoir vu que le bailleur peut verrouiller en sa faveur le contrat de bail lors des négociations précontractuelles, son exécution peut commencer. Pour autant, la stratégie ne s’arrête pas cette période précontractuelle de libre négociation. Plusieurs évènements surviennent au cours de son exécution tels que la révision triennale, la réalisation de travaux par le preneur ou des incidents de paiement entre autres qui peuvent avoir des effets sur le renouvellement. Quoi qu’il en soit, neuf ans plus tard, l’heure du renouvellement retentit. Toutefois, les stratégies s’expriment différemment ou ne s’expriment pas : soit elles sont amputées ou, dans une moindre mesure, fortement limitées, en raison d’un dispositif légal qui dicte fortement le comportement du bailleur (CHAPITRE I), soit elles s’expriment mais d’une manière très relative à l’instar de la période précontractuelle, le tout incitant à proposer une refonte du statut (CHAPITRE II). 69 CHAPITRE I. LA LIMITATION STATUTAIRE DES STRATÉGIES DU BAILLEUR Contrairement à la phase précontractuelle où les bailleurs pouvaient asseoir leur domination, la procédure de renouvellement du bail limite ses possibilités de trouver un avantage. L’hypothèse étudiée dans ce chapitre suppose, dans la majorité des cas, que le bailleur n’ait pas prévu de clause contractuelle en sa faveur. L’article L. 145-8 du Code de commerce est un article cœur du statut puisqu’il consacre le droit au renouvellement du preneur : « le droit au renouvellement du bail ne peut être invoqué que par le propriétaire du fonds qui est exploité dans les lieux ». Face à ce droit consacré, les parties peuvent envisager schématiquement deux issues : renouveler le bail ou y mettre fin. Cependant, la loi prévoit des nuances, des possibilités de se rétracter, de se repentir ou de discuter du loyer renouvelé entre autres. Quelles que soient les hypothèses, la loi est beaucoup plus présente que pendant la période précontractuelle ce qui limite les ruses du bailleur qui profiterait d’un vide juridique pour asseoir sa position économique pendant neuf années supplémentaires. Dans ce contexte, selon que les parties envisagent d’aboutir au renouvellement (SECTION I) ou de mettre définitivement fin au bail commercial (SECTION II), le bailleur est soumis à la contrainte légale ou à l’aléa judiciaire ce qui limite considérablement son potentiel stratégique. SECTION I. ABOUTIR AU RENOUVELLEMENT : LE POIDS DES CONTRAINTES LÉGALES ET JUDICIAIRES Lorsque le bailleur souhaite renouveler le bail commercial, l’objectif affiché est d’obtenir le déplafonnement du loyer renouvelé. Au préalable de cette discussion sur le montant du loyer renouvelé, il faut une demande qui émane de l’une des parties. Que le bailleur soit actif et demande le renouvellement, ou passif et réponde positivement à la demande du preneur, il est exposé à des risques procéduraux importants (Paragraphe 1). De plus, bien qu’il puisse y échapper en respectant scrupuleusement ce dispositif strict, il n’en 70 reste pas moins que la preuve d’un motif de déplafonnement soit difficile à rapporter (Paragraphe 2). Paragraphe 1. Les risques de la procédure de renouvellement du bail commercial Si le droit au renouvellement appartient au preneur, sa mise en œuvre peut être du fait du bailleur (A) ou du preneur (B). Dans les deux cas, la procédure est contraignante et expose le bailleur à des risques concernant le devenir du loyer en cas de négligence de sa part sur les subtilités de la procédure. A. Le strict respect du formalisme du congé L’article L. 145-9 alinéa 1 du Code de commerce dispose : « Par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis aux dispositions du présent chapitre ne cessent que par l’effet d’un congé donné pour le dernier jour du trimestre et au moins six mois à l’avance ». À la lecture de cette disposition, il en est déduit que le principe en la matière est que le renouvellement du bail n’est pas automatique et peut être issu d’un congé à l’initiative du bailleur. Les risques liés au non-respect de la forme (1) et au contenu du congé doivent être étudiés (2) avant d’analyser ceux liés au non-respect du moment de sa délivrance (3). 1. Le risque lié au non-respect de la forme du congé Le congé est un acte au cœur de la procédure de renouvellement. La jurisprudence l’a défini comme un « acte juridique unilatéral qui, régulièrement délivré, met fin au bail et à l’obligation de payer le loyer par la seule manifestation de volonté de celui qui l’a délivré 204». Il faut se méfier du sens et de la portée de cette définition et garder à l’esprit que le congé met uniquement fin au précédent bail commercial et ouvre par la même occasion une période pendant laquelle les parties vont discuter de l’issue du 204 Civ. 3e 12 juin 1996 n° 1068 P : RJDA 10/96 n° 1164 ; Civ. 3e 4 fév. 2009 n° 07-20.980 FS-PBI : RJDA 10/09 n° 815. 71 renouvellement et plus particulièrement du loyer renouvelé et de la mise en place d’éventuelles nouvelles conditions. En tout état de cause, le bailleur qui ne respecterait pas les règles du congé se verrait exposé au principal risque que le contrat soit conclu aux conditions du bail précédent par tacite reconduction sans possibilité de modifier le loyer renouvelé. Aucune perspective de déplafonnement ne serait donc envisageable. L’article L. 145-9 alinéa 5 dispose : « le congé doit être donné par acte extrajudiciaire ». Malgré la force de l’intervention de l’huissier de justice dans cet acte, cet article n’est pas une disposition d’ordre public visé par l’article L. 145-15 du Code de commerce. Ainsi, le bailleur pourrait être tenté de délivrer une lettre simple, une lettre recommandée avec accusé réception, ou de faire une annonce verbale afin de troubler le preneur en faisant courir le délai de prescription et de l’empêcher indirectement d’engager une action judiciaire en contestation de loyer croyant que la procédure était régulière. Toutefois, sa stratégie est amputée par la jurisprudence. En effet, elle est intervenue pour frapper cette disposition d’ordre public. Ainsi, les parties ne peuvent pas se détourner de cette forme par voie contractuelle205 même si le contrat de bail conserve sa validité206. C’est ce que la jurisprudence a appliqué par exemple en 2000 en retenant que le congé donné par lettre recommandé avec avis réception est nul, nonobstant une clause contraire insérée au bail207. Plus précisément, la sanction est la nullité relative. Elle ne peut être soulevée que par le destinataire de l’acte208 (le preneur) même en l’absence de préjudice puisque qu’il s’agit d’un vice de fond au sens de l’article 119 du Code de procédure civile209. Le bailleur doit également respecter les règles relatives au contenu du congé (2). 205 Civ. 3e 4 mars 1992 n° 429 ; RJDA 5/92 n° 434 ; Civ. 3e 13 janvier 1999 n° 42 : RJDA 3/99 .269. Civ. 1ère 7 avril. 1999 n° 97-10.067 : Loyers et copr. 1999 comm. n° 2111 à propos d’une résiliation triennale. 207 Civ. 3e 13 déc. 2000: Bull. civ. III, n° 187 ; D. 2001. AJ 551, obs. Rouquet; ibid. 2001.Somm. 3521, obs. Rozès. 208 Civ. 3e 20 déc. 1982, n° 81-13.495 : Bull. Civ. III n° 257 ; Civ. 3e 19 mai 1993 n° 91-16.254 ; e Civ. 3 18 mai 1994 n° 906 : RJDA 8-9/94 n° 915 ; CA Paris 29 mai 1998, 16e ch. B : D. aff. 1998 p. 1306 ; Civ. 3e 15 septembre 2010 n° 09-15.192 FS-PB : RJDA 1/11 n° 20. 209 Civ. 3e, 8 juin 1982, n° 1022 : Bull. Civ. III n° 146 ; Civ. 3e 13 décembre 2000 n° 1680 FS-PB ; CA Versailles 2 février 1995 12e ch. 1e section : RJDA 5/95 n° 552. 206 72 2. Contenu du congé : la fausse opportunité de proposer le montant du loyer renouvelé ultérieurement au congé Outre le fait que le bailleur doit impérativement préciser les motifs du congé (accepter le renouvellement) et les délais dans lesquels le preneur peut contester ce montant, il n’en est pas de même de la proposition de loyer. En effet, en principe le bailleur doit « faire connaître le loyer qu’il propose » selon les termes de l’article L. 145-11 du Code de commerce. Néanmoins, l’article R. 145-1 dudit Code lui permet de le notifier ultérieurement par acte extrajudiciaire, dans le mémoire ou par lettre recommandée avec accusé réception. En revanche, s’il ne propose aucun loyer, la sanction emporte des conséquences financières importantes au regard de l’article L. 145-11 du Code de commerce puisqu’il prévoit que « le nouveau prix est dû à compter de la demande qui est faite ultérieurement». Ainsi, si le bailleur n’a pas tous les éléments en raison du retard de publication de l’indice de plafonnement par exemple il fixera un loyer provisoire : le nouveau loyer sera retardé210, les intérêts également et l’ancien loyer sera appliqué jusqu’à la notification d’une demande chiffrée. Étant donné que la fixation du loyer renouvelé et l’acceptation du renouvellement du preneur sont deux phases distinctes, le preneur qui accepte le renouvellement sans proposition de loyer, c’est le loyer de l’ancien bail qui s’appliquera211 et ce en défaveur du bailleur. En outre, le bailleur peut tenter de troubler le preneur en délivrant un congé précoce mais cette tentative est également vaine (3). 3. La délivrance précoce d’un congé : la limitation de la seule véritable stratégie L’article L. 145-9 du Code de commerce précise que le congé doit être délivré six mois avant la fin de l’échéance contractuelle avec effet pour le dernier jour du trimestre civil, soit les 31 mars, 30 juin, 30 septembre et 31 décembre de l’année. Le bailleur doit donc être prévenant et anticiper ce délai. 210 211 CA Paris, 9 juillet 1975, Ann. L. 1976-1110 ; Poitiers, 15 mars 1992, Ann. L. 1992-1077. Civ. 3e 17 avr. 1996, no 94-17.181, AJPI 1996, p. 1014, Rev. Huissiers 1997, p. 496. 73 Comme la durée du bail, ce délai de six mois n’est qu’un minimum et le bailleur peut être tenté de délivrer un congé bien avant l’échéance contractuelle. Ainsi, il pourrait désorganiser les prévisions d’un preneur profane qui oublierait la prescription par exemple. De cette façon, il pourrait également augmenter ses possibilités de rétracter son offre212 en fonction de ses intérêts puisque la jurisprudence retient que tant que le preneur n’a pas accepté le principe du renouvellement et s’agissant d’un acte unilatéral, le bailleur peut rétracter son offre. Quoi qu’il en soit, la jurisprudence ne frappe pas de nullité le congé donné pour une date prématurée213. Elle limite pourtant ses effets puisqu’elle considère qu’il continue à produire ses effets à compter de la date à laquelle il aurait dû être donné214. De plus, la jurisprudence veille aux procédés frauduleux. Ainsi, un congé délivré sept années avant le terme du contrat sans offre de renouvellement ni indemnité d’éviction par le bailleur cédant a été annulé car délivré dans le seul but de faire obstacle au droit au renouvellement du preneur, non immatriculé lors de la signification et par collusion frauduleuse entre les bailleurs successifs 215. Enfin, si le bailleur a gardé le silence dans les six mois précédant la fin du bail et que le preneur ne réagit pas, le bail est conduit par tacite reconduction aux conditions du bail antérieur puisqu’à « défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail se poursuit par tacite reconduction » selon l’article L. 145-9 alinéa 2. Le bailleur a donc tout intérêt à respecter la procédure relative au congé. En définitive, ces illustrations montrent que le bailleur ne peut pas tenter de troubler le preneur en détournant les règles du congé sous peine de voir son congé annulé et le bail antérieur reconduit au prix antérieur. De même, le cadre légal limite ses possibilités lorsqu’il doit répondre à la demande du preneur (B). 212 CA Lyon, 25 avril 1967, Ann. L. 1968-1567. Civ. 3e 9 nov. 1981 : Gaz. Pal. 1981, 1, panor. p. 130 ; CA Paris, 16 e ch., sect. B, 16 déc. 2002 : Administrer mai 2003, p. 27, obs. Boccara. 214 Civ. 3e 10 janv. 2007: Bull. civ. III, n° 1 ; D. 2007. AJ 298, obs. Rouquet ; AJDI 2007. 480, note Zalewski ; Rev. loyers 2007. 135, obs. Rémy. 215 Civ. 3e 5 mars 2008, Bull. civ. III, n° 38 ; D. 2008. AJ 848, obs. Rouquet; AJDI 2008. 668, note Denizot ; à propos de cet arrêt, v. aussi Monéger, Loyers et copr. 2008, Repère n° 4 ; v. aussi Com. 2 mars 1960, Bull. civ. III n° 89 ; Com. 11 fév. 1965 ; Civ. 3e, 5 mars 2008, Loyers et copr. 2008, comm. 131. 213 74 B. L’adaptation forcée du comportement du bailleur face à la demande de renouvellement du preneur. La seconde alternative lors de l’approche du renouvellement est la demande de renouvellement à l’initiative du preneur. L’hypothèse étudiée est celle dans laquelle le bailleur répond positivement à cette demande. Toutefois, il doit encore veiller à ce que la procédure n’entache pas la seconde phase de la fixation du loyer renouvelé. La stratégie consiste plutôt ici à anticiper les risques du calendrier de la procédure. Ainsi, deux points sont à approfondir : l’exigence de réponse du bailleur dans les trois mois à compter de la demande du preneur (1) et l’expression de la réponse du bailleur (2). 1. La confirmation indirecte de la nécessité de respecter les règles procédures : le cas des actes croisés. La demande de renouvellement du preneur semble être un « subsidiaire au congé216». L’article L. 45-9 du Code de commerce indique de manière très pure que « les baux ne cessent que par l’effet d’un congé » sans distinguer selon qu’il émane du preneur ou du bailleur. Néanmoins, l’article suivant semble instaurer une hiérarchie par l’assertion selon laquelle c’est uniquement « à défaut de congé » que le locataire pourrait demander le renouvellement. Des auteurs concluent que dans « l’esprit du texte, la demande du locataire est superflue si le bailleur a pris l’initiative du congé »217. Quoi qu’il en soit, la pratique révèle l’utilité pour le preneur de demander le renouvellement malgré un congé du bailleur. En effet, si le congé du bailleur prend effet à une date postérieure à l’échéance contractuelle prévue pour l’expiration du bail (si le bailleur délivre un congé le 31 décembre 2010 prenant effet le 30 juin 2010 pour un bail qui devrait expirer contractuellement le 1er avril 2011), le preneur peut toujours demander le renouvellement pour que son bail se termine à l’échéance contractuelle et non pas postérieurement. L’utilité pour le preneur, eu égard à la longueur des procédures, est de provoquer un renouvellement plus rapide et de ne pas subir d’éventuels faits nouveaux qui auraient des incidences sur le déplafonnement du loyer. Par exemple, si une station de 216 217 Droit et pratique des baux commerciaux, Dalloz, p. 343. Ibidem. 75 métro était en construction à proximité du local depuis deux ans et que les travaux ont pris fin en avril mais que l’affluence de la nouvelle clientèle a eu des effets sur son commerce à proximité de la fin du bail, le bailleur pourrait l’invoquer en faveur du déplafonnement alors même que le bail devait être terminé. Or, la Cour de cassation a décidé que le nouveau bail prenait effet à l’expiration du bail et non pas postérieurement (dernier jour du trimestre civil) : « en présence d’un congé délivré par le bailleur pour une date postérieure à celle contractuellement prévue pour l’expiration de la location, le locataire conserve […] la faculté de faire échec à la poursuite de son bail au-delà du terme contractuel et d’en obtenir le renouvellement »218. Pour mémoire, on notera qu’un revirement partiel de jurisprudence a distingué ce cas de l’hypothèse d’un congé avec refus de renouvellement pour une date postérieure à l’échéance contractuelle dans laquelle le preneur ne peut pas délivrer de demande de renouvellement219. Ainsi, la stratégie du bailleur qui aurait consisté à délivrer un congé prenant effet postérieurement à l’échéance contractuelle pour se réserver des motifs éventuels de déplafonnement est freinée par la jurisprudence qui protège le preneur. De même, le bailleur doit être prudent quant à la forme de sa réponse (2). 2. La manipulation prudente de la forme de la réponse du bailleur L’article L. 45-10 alinéa 4 dispose : « Dans les trois mois de la signification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, dans les mêmes formes, faire connaître au demandeur, s’il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. À défaut d’avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent ». À la lecture de cette disposition, on note que le bailleur dispose de trois mois pour répondre à la demande du bailleur. Le choix d’imposer la forme du congé s’explique par le fait que l’objet même du congé est d’exprimer la volonté de l’une des parties. Le bailleur doit rester prudent dans son comportement pendant ce délai. On distingue classiquement l’acceptation expresse de l’acceptation tacite. 218 Civ. 3e 13 fév. 1980 n° 78-12.522 : Bull. Civ. III n° 38 ; Civ. 3e 3 nov. 1988, n° 87-15.941 et 21 déc. 1988 n° 87-18.501, JCP 1990, II, 21449 ; Civ. 3e 27 nov. 1990 Loyers et Copr. 1992, n° 76 ; Civ. 3e 18 déc. 1991, n° 90-10.109 Bull. Civ. III n° 323 ; Civ. 3e 1er octobre 1997, AJPI 1998, 108. 219 Civ. 3e 21 février 2007 n° 167 FS-PBR : RJDA 5/07 n° 455. 76 S’agissant de l’acceptation expresse, si elle ne pose pas de difficulté dans sa manifestation, son contenu doit être connu. En effet, le bailleur qui veut obtenir une modification du loyer (soit dans la majorité des cas) doit faire connaître dans sa réponse le montant qu’il propose. S’il ne le fait pas, il s’expose à un risque de taille puisque le nouveau loyer ne sera dû qu’à compter de la demande ultérieure comme le permet l’article R. 145-1 du Code de commerce précédemment évoqué. Ce décalage englobe le loyer dû et ses intérêts. Concernant l’acceptation tacite, celle-ci présente encore plus de dangers. La disposition légale précise expressément qu’en l’absence d’acceptation dans les trois mois le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent. Son silence équivaut à une « acceptation de principe de cette demande »220 221 . Ainsi, le bailleur est réputé avoir accepté le renouvellement qui aura lieu aux conditions du bail antérieur expiré ce qui n’est pas le dessein du bailleur. Si le montant du loyer peut être discuté et fixé ultérieurement, il n’en reste pas moins que si la prescription biennale est acquise, c’est le loyer du bail expiré qui s’appliquera en plus de ses conditions. De plus, la jurisprudence considère que le bailleur qui accepte le renouvellement ne peut plus alléguer des manquements du preneur antérieurs au renouvellement222. S’il conserve la faculté de se rétracter et de refuser le renouvellement, il en est de même puisque la jurisprudence lui interdit d’invoquer des causes de refus qu’il connaissait au moment de l’expiration du délai de trois mois223. En définitive, que le bailleur demande le renouvellement en vue d’obtenir le déplafonnement ou accepte la demande du renouvellement du preneur, son potentiel stratégique est limité par la loi et la jurisprudence. Une négligence de sa part peut être lourde de conséquences au regard du montant du futur loyer renouvelé. En cas de réussite de cette étape procédurale et de désaccord sur le montant du loyer, l’avancée de la procédure ne penche pas en faveur du bailleur qui doit apporter la preuve d’une cause de déplafonnement (Paragraphe 2). 220 Mémento Expert Francis Lefebvre, Baux commerciaux, 2011-2012, n° 70360. Civ. 3e 30 janvier 1991 n° 286 P ; Civ. 3e 17 juillet 1991 n° 90-10.102 : Bull. Civ. III n° 213 ; e Civ. 3 30 mai 1996 n° 976 : RJDA 8-9/96 n° 1026. 222 CA Paris 2 juillet 2008 n° 06-6576, 16e ch. A : Loyers et copr. 2008 comm. n° 249. 223 Civ. 3e 4 mai 1982, Gaz. Pal. 1982, 2, pan. p. 281. 221 77 Paragraphe 2. L’encadrement de la preuve d’une modification notable d’un motif de déplafonnement L’une des causes de déplafonnement des loyers des baux renouvelés est la preuve d’une modification notable d’un élément de la valeur locative. Ce domaine recouvre une large part du contentieux des baux commerciaux puisque le juge contrôle ce montant donnant à ce domaine un caractère « éminemment judiciaire224 ». Dans le sens commun, le déplafonnement est la suppression d’un plafond, de la limite supérieure, d’un seuil de quelque chose. Appliqué aux baux commerciaux, le déplafonnement consiste à fixer le loyer renouvelé au-delà des plafonds légaux préconisés par les articles L. 145-33 et L. 145-34 du Code de commerce. L’objectif du bailleur face au renouvellement est d’augmenter son loyer pour neuf années supplémentaires. Dans cet optique, la loi ne dénie pas la nécessité de faire corroborer les loyers à la réalité du marché de par la reconnaissance de la valeur locative. Toutefois, l’interprétation du juge est déterminante en la matière (B) ce qui oblige le bailleur qui n’a pas organisé contractuellement ce moment, à se soumettre à la liste légale limitative qui est rigide (A). Le tout démontre que le champ stratégique probatoire du bailleur est doublement limité légalement et judiciairement. A. L’encadrement légal du contenu de la preuve Sans entrer dans la discussion sur les motifs que la jurisprudence a admis ou non, il s’agit de démontrer plus largement que la loi a encadré strictement l’objet de la preuve : le bailleur doit impérativement prouver qu’il y a eu une modification notable d’une ou de plusieurs causes de déplafonnement listées limitativement et rigoureusement par les dispositions légales et règlementaires (1). De plus, il doit respecter les conditions temporelles fixées par la loi (2). 224 Mémento Expert Baux commerciaux Francis Lefebvre 2011-2012 n° 54000 p. 625 78 1. Le respect du contenu probatoire La condition nécessaire à l’intervention judiciaire est l’absence d’accord des parties (a). Dans ce cas, la loi a mis en place une liste limitative à laquelle doit se soumettre le bailleur (b). a. Un prérequis à l’appréciation légale de la valeur locative : l’absence d’accord des parties L’article L. 145-33 du Code de commerce dispose : « Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. À défaut d’accord cette valeur est déterminée d’après : 1° les caractéristiques du local considéré ; 2° la destination des lieux ; 3° les obligations respectives des parties ; 4° les facteurs locaux de commercialité ; 5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage. » Cette liste n’est prévue « qu’à défaut d’accord » entre les parties. Or le contentieux en la matière démontre que la plupart du temps, les parties contestent le montant du loyer renouvelé proposé par le bailleur. De plus, la Cour de cassation semble favoriser implicitement la multiplication du contentieux judiciaire. En effet, elle a reconnu le 10 mars 2010 le caractère facultatif de la saisine de la commission départementale de conciliation prévue à l’article L. 145-35 du Code de commerce, supprimant ainsi une étape fondamentale qui, si elle était imposée, inciterait à l’amiable plutôt qu’à la résolution judiciaire du conflit et ce d’autant plus que ces avis sont souvent repris par les juges du fond malgré leur caractère informatif. En l’absence d’accord entre les parties, la loi et le juge prennent le relais et le bailleur doit se référer à la liste légale limitative (b). b. La référence stricte à la liste légale limitative La preuve d’une modification notable d’une cause de déplafonnement est encadrée par une liste limitative légale. C’est une sorte de mémoire à destination des parties et de leurs avocats mais aussi des juges qui a le mérite de recouvrir tous les éléments susceptibles d’influer sur la valeur locative d’un local commercial. Il n’en reste pas moins que le bailleur ne puisse pas invoquer un élément extralégal. À l’inverse, la pratique 79 rapporte qu’il est inutile pour les avocats des preneurs d’invoquer « la veuve et l’orphelin » ou l’abus de faiblesse par exemple dans cette matière hautement technique. De plus, les bailleurs peuvent invoquer un ou plusieurs éléments, mais encore fautil que ceux-ci soit expressément énumérés dans la loi. C’est ainsi que la Cour de cassation adopte une interprétation restrictive et a considéré par exemple que les juges du fond avaient violé les textes alors qu’ils avaient admis le déplafonnement au motif de la commission d’une infraction pour non-respect de la destination du bail. Ce motif n’est pas inscrit dans la liste légale225 et il ne peut pas être invoqué. Le bailleur doit respecter strictement cette liste mais également la scène temporelle mise en place par la loi (2). 2. Le respect de la scène temporelle législative Le droit français a mis en place des baux de longue durée et a accordé de surcroît un droit au renouvellement au preneur pour les faire perdurer dans le temps et lui permettre de conserver un élément fondamental de son fonds de commerce. À ce titre, il n’était pas question pour le législateur d’ouvrir la porte à des motifs de déplafonnement obsolètes datant d’un voire de deux renouvellement antérieurs. C’est ainsi que la modification doit être survenue pendant la durée du bail commercial expiré et avant la prise d’effet du bail. C’est une solution classique retenue depuis le 19 novembre 1975226. Les juges prennent en compte toute la durée du bail expiré jusqu’au jour de son échéance contractuelle227. C’est là tout l’intérêt pour le preneur de demander le renouvellement face à un congé du bailleur prenant effet après la période précontractuelle comme il a été étudié précédemment. A contrario, les modifications du nouveau contrat de bail ne sont pas prises en compte, ni les modifications prévisibles ou futures. En cas d’incertitude sur la date de la modification d’une cause de déplafonnement, les juges de la Cour d’appel de Paris ont jugé qu’elle ne peut servir à fonder un déplafonnement du loyer. Encore une fois, les juges procèdent à une interprétation 225 Civ. 3e 8 janvier 1997, n° 95-11.482, Gaz. Pal. 1997, 1, 211 ; Civ. 3e 26 nov. 1997, n° 96-11.191, Administrer, janv. 1998, p. 42 ; CA Paris 16e ch. A. 21 février 2005, n° 2004/05531, AJDI 2005, 575. 226 Civ. 3e 19 novembre 1975, n° 74-13.168 227 Civ. 3e 27 juin 2001, n° 99-21.801, Administrer, nov. 2001, p. 32 ; Civ. 3e 26 sept. 2001, n° 0013.924, Administrer, janv. 2002 p. 26. 80 restrictive des conditions temporelles posées par le législateur ce qui ne favorise pas la condition du bailleur. Qu’en est-il des hypothèses où plusieurs renouvellements ont eu lieu ? La Cour de cassation considère que les motifs pris en compte lors d’un renouvellement ne peuvent plus l’être lors des renouvellements successifs. Par exemple, dans l’hypothèse où les parties en sont à leur troisième renouvellement consécutif, les modifications survenues pendant le bail n°1 ont été prises en compte pour le renouvellement n°2 et elles ne pourront plus être prises en compte lors du renouvellement n°3. La Cour d’appel de Paris est allée plus loin en considérant que, si le bailleur n’avait pas invoqué ces modifications lors de l’avant dernier bail (soit le bail n°2 dans l’exemple), il est présumé y avoir renoncé228. Deux précisions doivent être évoquées. La première concerne l’exception relative aux travaux d’amélioration. Le bailleur pourra les invoquer lors du second renouvellement qui suit les travaux sans considérer qu’il y a renoncé lors du premier renouvellement229sauf omission230. La seconde précision concerne l’appréciation de la date de modification des facteurs locaux de commercialité. Par exemple, lorsque les avocats plaident l’augmentation de la population d’un quartier, à un jour près le déplafonnement peut avoir ou ne pas avoir lieu. Que doit-on prendre en compte ? L’existence de la modification ou ses effets sur l’activité exercée par le preneur ? Aucune décision n’est claire mais la Cour de cassation a censuré une Cour d’appel qui a anticipé l’évolution probable de la population231. En outre, la casuistique rend d’autant plus aléatoire l’efficacité de la preuve apportée par un bailleur (B). B. La preuve d’un motif de déplafonnement à l’épreuve des tribunaux La preuve d’une cause de déplafonnement n’est pas en soi difficile à établir puisque la liste légale couvre une grande partie des cas. De plus, avec l’aide des investigations de l’avocat et éventuellement d’une expertise privée, la preuve d’une modification notable d’un élément de la valeur locative n’est pas insurmontable bien qu’elle demeure très 228 CA Paris 16e ch., 2 févr. 2001, AJDI 2001, 339. Civ. 3e 30 mai 1990 n° 89-12.061. 230 Civ. 3e 12 juillet 1999 n° 97-21.2000, Administrer, oct. 1999, p. 31 – Civ. 3e, 22 mars 1995, n° 93-14.282, Administrer, août-sept. 1995. 231 Civ. 3e 4 février 1997 n° 201 : Administrer juin 1997 p. 27, Loyers et copr. 1997 comm. n° 144. 229 81 technique. En revanche, l’intervention du juge dans la procédure peut être fatale pour un bailleur qui se verrait refuser le déplafonnement. En effet, les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain dans l’appréciation de la preuve des modifications notables qui leur sont soumises à plusieurs titres ce qui soumet le bailleur à une incertitude latente quant à l’efficacité de sa démonstration et aux conséquences sur son loyer. D’une part, les juges apprécient souverainement le caractère « notable » de la modification. Un raisonnement a contrario laisse percevoir qu’une simple modification serait insuffisante à prouver un déplafonnement du loyer. Toutefois, aucune définition juridique de la notion n’existe laissant l’appréciation souveraine des juges du fond s’exercer amplement232. En effet, alors qu’il a été prévu en matière de révision un pourcentage objectif (augmentation de plus de 25 % de la valeur locative), ce sont aux juges du fond qu’il appartient de reconnaître le caractère notable en matière de renouvellement. C’est pourquoi des décisions contraires peuvent être rendues233 ou plusieurs modifications peuvent être retenues comme formant une modification notable234. La Cour de cassation exerce tout de même un contrôle constant au niveau de l’importance et de la caractérisation des modifications et retient qu’elles doivent avoir « affecté l’équilibre de la convention »235. De la même manière, les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation sur l’effet potentiel de l’activité sur le commerce considéré. D’autre part, les juges du fond apprécient souverainement le lien de causalité entre la modification notable et l’intérêt pour le commerce effectivement exploité. La Cour de cassation contrôle cet élément236. Par exemple, le lien de causalité ne sera pas démontré s’il y a la démonstration d’une augmentation de la clientèle mais que l’activité exercée par le preneur n’en dépend pas. La jurisprudence a retenu dans ce sens que l’augmentation de 232 Civ. 3e 25 juin, 1975, n° 74-13.069, Bull. Civ. III n° 219 ; AJPI 1975,898 ; Civ. 3e, 25 janv. 1977 : Gaz. Pal. 1977 I pan. p. 164 ; Civ. 3e 3 juin 1992 n° 996 : RJDA 8-9/2 n° 811, Administrer juin 1993 p. 22 ; Civ. 3e 2 décembre 1998 n° 1753 PB : RJDA 2/99 n° 155 ; Civ. 3e 6 nov. 2001, n° 00-17.220, NP, AJDI 2002, 215 ; Civ. 3e 24 mars 2004 N° 366 FS-PB : RJDA 6/04 n° 679 ; Civ. 3e 5 mai 2004, n° 0310.477, Bull. civ. III, n° 90 : D. 2004, n° 21, 1526. 233 Déspécialisation : Civ. 3e 3 mars 1981 Gaz. Pal. 1981, 2, somm. p. 226 – Civ. 3e 6 oct. 1981, Gaz. Pal. 1982, 1, pan. p. 63. 234 Civ. 3e 6 nov. 2001, n° 00-17.967, Administrer, févr. 2002, p. 25 ; AJDI 2002 p. 216 ; Civ. 3e 30 juin 2004, n° 03-10.754, Bull. Civ. III, n° 138 ; D. 2004, AJ 2232 ; AJDI 2005, 131. 235 Civ. 3e 5 mai 2004, n° 03-10.477, Bull. civ. n° 90 ; AJDI 2005, 27. 236 Civ. 3e 30 juin 2004 N° 810 F-PBI : RJDA 10/04 1095. 82 40% de la population est sans influence sur l’activité d’entrepôt et de location de matériel pour le cinéma et la télévision237 par exemple. Enfin, d’autres éléments augmentent l’incertitude des bailleurs quant aux chances de succès de la procédure. C’est le cas de la possibilité offerte aux juges de solliciter un expert ayant connaissance du marché en vue de fixer le montant du loyer renouvelé. Il est un auxiliaire occasionnel du juge auprès de qui il doit rendre compte. À l’issue de ses recherches et des éventuelles discussions avec les parties, il dresse un rapport qui a la valeur d’un avis et qui ne lie pas le juge qui conserve son appréciation souveraine. À l’issue de sa mission, le juge peut soit adopter les conclusions de l’expert, soit les rejeter, soit demander une expertise complémentaire. Quoi qu’il en soit, l’influence du rapport d’expertise dans la procédure de fixation du loyer renouvelé est considérable puisque l’expert, grâce à sa position objective d’arbitre, apporte des éléments objectifs au juge. Un autre élément de caractère sociologique et économique augmente l’incertitude des bailleurs. Il s’agit de la tendance générale des décisions des juges du fond qui va plutôt vers un refus du déplafonnement des loyers ou, du moins, au contrôle de son augmentation. Par exemple, la ville de Lille assiste depuis quelques années à une augmentation considérable des loyers de renouvellement suite aux profondes mutations de la ville et aux déplafonnements accordés légalement par les juges tenus par la lettre du texte. Dans ce contexte, les praticiens constatent la « tendance baissière238 » des juges du fond. En réalité, le législateur souhaitait que les juges jouent leur rôle de régulateur économique étant donné leur ancrage local. La marge accordée à l’appréciation souveraine leur permet ainsi de juguler les « surloyers » pour plus d’équilibre dans le respect du cadre législatif et réglementaire. Ce contexte judiciaire augmente toutefois l’incertitude des bailleurs quant à leur chance de déplafonner le loyer et entrave toute stratégie. En définitive, le bailleur qui souhaite proposer le renouvellement ou accepter la demande de renouvellement du preneur est enfermé dans un cadre législatif et réglementaire strict. Toute tentative de détournement est anticipée et empêche le bailleur de ruser ou de troubler le preneur. Le poids de la procédure et de l’intervention du juge jouent leur rôle de garants de la sécurité juridique et de régulateurs de la vie économique. 237 CA Versailles, 21 oct. 1983, Gaz. Pal. Tables 1984, « Baux commerciaux », n° 63. « La justice adoucit le Vieux-Lille », 20 minutes, édition de Lille, 7 octobre 2010, Lien hypertexte : http://www.20minutes.fr/art./605739/lille-la-justice-adoucit-vieux-lille 238 83 De même, lorsque le bailleur souhaite refuser le renouvellement au preneur, son comportement est encadré strictement par la loi (SECTION II). SECTION II. REFUSER LE RENOUVELLEMENT : LES RISQUES PESANT SUR LE BAILLEUR La seconde option qui appartient au bailleur à la fin du bail commercial est de refuser le renouvellement et de mettre fin à sa relation juridique avec le preneur. Cette faculté se justifie au regard du droit de propriété du bailleur qui n’a donc pas besoin de motiver son refus. Toutefois, la concurrence avec la propriété commerciale du preneur a entraîné un aménagement du régime. Dans l’hypothèse où il refuse, le problème se déplace de la fixation du loyer renouvelé au paiement ou non d’une indemnité d’éviction. Ainsi, le bailleur a une option : il peut refuser le renouvellement de manière discrétionnaire et payer une indemnité d’éviction (Paragraphe 1) ou, pour échapper au paiement d’une indemnité d’éviction, invoquer notamment un motif grave et légitime (Paragraphe 2). Dans les deux situations, la stratégie du bailleur est contrecarrée par des dispositions législatives et réglementaires strictes qui encadrent la procédure et, surtout, la charge financière des parties. Paragraphe 1. Le refus de renouvellement et le paiement d’une indemnité d’éviction Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail commercial au preneur sans motif à condition de lui verser une indemnité d’éviction. Encore une fois, l’aspect procédural joue un rôle important même s’il est d’une vigueur moins forte que dans les cas où il accepte le renouvellement (A). De plus, l’enjeu financier est important puisque l’assiette de l’indemnité d’éviction peut dissuader le bailleur de refuser le renouvellement (B). 84 A. L’atténuation des risques liés à la procédure La faculté de refuser de renouvellement est organisée par l’article L. 145-14 du Code de commerce : « le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. ». La loi subordonne l’exercice discrétionnaire de cette faculté à une obligation : « Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions […] payer au locataire évincé une indemnité d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement ». A cet égard, il convient d’étudier le fondement de l’indemnité d’éviction (1) et le contenu atténué du congé portant refus de renouvellement (2). 1. Le fondement de l’indemnité d’éviction La rédaction de l’article L. 145-14 du Code de commerce a soulevé deux interprétations possibles. D’une part, certains auteurs ont expliqué l’indemnité d’éviction par la théorie de l’abus de droit. Selon eux, le bailleur, en refusant sans motif le renouvellement, abusait de l’exercice de son droit de propriété et devait indemniser le cocontractant du préjudice de l’éviction discrétionnaire. Or, l’abus de droit suppose l’intention de nuire et l’absence d’intérêt personnel qui ne sont pas présents dans l’hypothèse de l’article L. 145-14 du Code de commerce. De plus, l’abus de droit suppose en règle général un fait fautif et non pas une abstention. Une autre interprétation est plus plausible. Les fondements de l’article L. 145-14 du Code de commerce résident dans la volonté du législateur de concilier deux droits concurrents sur le local : le droit de propriété à valeur constitutionnelle du bailleur, et le droit à la propriété commerciale du preneur. Ainsi, le refus de renouvellement n’est qu’une faculté ouverte au bailleur ce qui implicitement revient à admettre qu’il peut recouvrer la disposition de son droit de propriété. En effet, le législateur ne pouvait pas porter atteinte au droit de propriété à valeur constitutionnelle du bailleur en exigeant qu’il accorde le renouvellement de manière automatique sous peine de violer ce droit mais également le principe absolu de l’interdiction des contrats perpétuels. De plus, il devait trouver un aménagement afin que la propriété commerciale du preneur exprime toute sa force au moment le plus opportun, soit à la fin du contrat de bail étant donné que le local commercial est un élément déterminant 85 de son fonds de commerce. C’est ainsi que la contrepartie par le paiement d’une indemnité d’éviction permet de concilier ces deux intérêts. Dans ce contexte, le droit de propriété du bailleur, en principe absolu, subit une atteinte frontale par l’exigence de payer une telle indemnité au locataire évincé justifié par le préjudice causé par l’éviction. Aucune contrepartie à l’atteinte au droit de propriété n’est envisagée ; pire, l’assiette de l’indemnité d’éviction peut être très importante. Ainsi, toute stratégie du bailleur est réduite à néant s’il n’a pas été prévu de clause réglant le montant de l’indemnité ou s’il ne trouve pas d’accord amiable puisqu’il sera le débiteur d’une indemnité d’éviction à compter du jour du refus de renouvellement239. S’agissant d’une dette personnelle au bailleur (et non au propriétaire de l’immeuble), en cas de vente, il ne sera pas déchargé de son obligation. Qu’en est-il des règles entourant la communication de l’exercice de cette faculté au preneur ? (2) 2. Le contenu léger du congé portant refus de renouvellement S’agissant de l’acte par lequel le bailleur manifeste sa volonté de refuser le bail avec offre d’indemnité d’éviction, il s’agit comme en matière d’acceptation d’un congé mettant fin au bail. Ce congé doit être donné dans les formes et les délais prévus par l’article L. 145-9 du Code de commerce à savoir, par acte extrajudiciaire et au moins six mois à l’avance pour le dernier jour du trimestre civil. Cette disposition est d’ordre public. S’agissant du motif du refus de renouvellement, il fait l’objet d’une interprétation jurisprudentielle différente de la lettre de la loi. Alors que l’article L. 145-9 dernier alinéa du Code de commerce exige à peine de nullité que le bailleur motive le congé, la jurisprudence estime que cette motivation n’est pas requise pour la validité du congé. Elle fonde sa décision sur le caractère discrétionnaire du refus et de l’option ouverte au bailleur240. Concernant le contenu du congé, le bailleur doit toutefois impérativement communiquer son offre d’indemnité d’éviction. Dans le cas contraire, si le bailleur n’indique ni l’offre d’indemnité d’éviction ni le motif de refus de payer une indemnité d’éviction, le congé sera frappé de nullité en l’absence de motif. C’est ce qu’a retenu la 239 240 Civ. 3e 14 novembre 1968, Bull. Civ. III, n° 462. CA Versailles, 28 avr. 1983, Rev. Loyers 1983, p. 434 – CA Paris 16e ch. B. 28 avr. 2000, AJDI 2000, 736. 86 Cour d’appel de Paris le 29 septembre 2004241. Mais la jurisprudence fait encore preuve de souplesse à l’égard du bailleur puisqu’elle admet que la reproduction de l’article L. 145-14 du Code de commerce suffise à combler l’exigence d’une offre d’indemnité d’éviction puisque ces articles organisent le calcul de l’indemnité d’éviction242. Il ressort de ce développement que le bailleur ne peut déployer aucune stratégie puisque la loi subordonne la validité de ce refus au strict respect de règles procédurales. Bien que celles-ci soient allégées, il n’en reste pas moins que leur existence suffise à encadrer rigoureusement le comportement du bailleur. De même, la loi encadre l’assiette de l’indemnité d’éviction due par le bailleur (B) B. L’importance de l’assiette légale de l’indemnité d’éviction L’indemnité d’éviction se compose d’une indemnité principale et d’indemnités accessoires (1) qui sont compensés par l’éventuelle indemnité d’occupation due par le preneur qui continue à occuper les lieux (2). Malgré cette compensation, les indemnités alourdissent la charge financière du bailleur due en réparation du préjudice lié à l’éviction du preneur. 1. Composition de l’indemnité principale : la valeur marchande du fonds de commerce L’indemnité principale se compose toujours de la valeur du droit au bail qui est un élément fondamental du fonds de commerce (a). Pour compléter le calcul de l’assiette de l’indemnité, une distinction est à opérer selon les possibilités de réinstallation du preneur (b). a. La valeur du droit au bail En vertu de l’article L. 145-14 du Code de commerce, l’indemnité d’éviction comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce. L’un des éléments les plus importants du fonds de commerce est le droit au bail. Des auteurs le définissent 241 CA Paris, 29 sept. 2004, AJDI 2005, 33. Civ. 3e 29 avr. 2002, n° 01-01.497, Loyers et copr. 2002, n° 204 ; AJDI 2002, 522 ; Civ. 3e, 29 sept. 1999, n° 97-21.171, Loyers et copr. 1999, n° 291. 242 87 comme étant « l’élément qui mesure l’intérêt pour un exploitant d’être situé à un emplacement donné pour exploiter un commerce donné moyennant un loyer donné243 ». Dans le cadre de l’indemnité d’éviction, il s’agit de calculer la perte du droit au bail par le preneur évincé qui représente le préjudice à indemniser. Pour ce faire, les experts passent par le calcul de la valeur du droit au bail, c’est-à-dire, sa valeur sur le marché des baux commerciaux. Si celle-ci est plus importante que le fonds de commerce, la jurisprudence considère, à la faveur du preneur, que c’est la valeur la plus haute qui doit être retenue244. Plusieurs méthodes sont utilisées et le juge apprécie souverainement la méthode la plus cohérente à appliquer245. Toutefois, la pratique choisit fréquemment la méthode dite de « différentiel de loyer » ou de « capitalisation de l’économie de loyer » les expressions étant synonymes. Elle consiste à multiplier la différence entre la valeur locative de marché et le loyer du local concerné. La valeur locative de marché est le loyer maximal hors charges hors taxes pour un loyer libre de location dans l’environnement voisin du local considéré. Des coefficients de pondération seront appliqués afin de prendre en compte à la hausse ou à la baisse les différences entre les locaux. Ensuite, il faut calculer la différence avec le loyer payé s’il avait été renouvelé. Le bail étant expiré, les motifs de déplafonnement sont pris en compte comme si le bail était renouvelé ce qui conduit à rechercher l’impact d’un éventuel déplafonnement sur le loyer. Celui-ci pèsera en revanche sur le bailleur puisqu’en présence d’un motif de déplafonnement, il s’imputera sur l’indemnité d’éviction qu’il doit payer. À côté de ce calcul de la valeur du droit au bail présent dans tout calcul de l’indemnité d’éviction on rencontre le calcul de l’indemnité de déplacement ou de remplacement selon les cas (b). b. Indemnité de remplacement ou indemnité de déplacement Au-delà de la valeur du droit au bail, l’indemnité d’éviction se compose également d’une indemnité de déplacement ou de remplacement. Si le fonds de commerce est amené à disparaître dans sa totalité il s’agit d’une indemnité de remplacement (i) et, a contrario, 243 Droit et pratique des baux commerciaux, Dalloz, n° 550-130, p. 565. Civ. 3e 20 mai 1980, Gaz. Pal. 1982, pan. p. 516 ; - 3e Civ, 16 déc. 1997, n° 96-16.779, RDI 1998, 698 ; Administrer, avr. 1998, p. 39 ; - CA Paris, 12 oct. 1995, Gaz. Pal. 1996, 2, somm. 576. 245 Civ. 3e 15 octobre 2008, n° 07-17.727, Bull. Civ. III, n° 151 ; D. 2008, 1J 2667 ; Rev. Loyers 2008, 542 ; Administrer déc. 2008 ; Loyers et copr., 2008, n° 281 ; RJDA 2008 n° 1232 ; Civ. 3e 25 nov. 2008, Ann. Loyers 2009, 44. 244 88 s’il est susceptible d’être transféré dans un autre local on la qualifiera d’indemnité de déplacement (ii). À ces deux indemnités s’ajoutent des indemnités accessoires qui alourdissent la charge du bailleur. i. Indemnité de remplacement et indemnités accessoires L’indemnité d’éviction sera qualifiée « indemnité de remplacement » lorsque l’éviction fera perdre au preneur son fonds de commerce et, in extenso, son activité. Elle a pour fonction d’indemniser cette perte. Par exemple, la jurisprudence l’a qualifiée ainsi lorsque la clientèle locale du preneur était importante et qu’il rencontrera des difficultés pour trouver un local de remplacement246. S’agissant de l’assiette de l’indemnité de remplacement, elle se compose de la valeur marchande du fonds de commerce. Pour atteindre sa valeur, la loi fait référence aux « usages de la profession »247. Plusieurs méthodes de calcul existent. Certaines d’entre elles font la moyenne du chiffre d’affaires sur les trois dernières années248, d’autres sur la rentabilité du fonds sur la base de l’excédent brut d’exploitation249 ou sur une moyenne des deux. Il appartient au juge de retenir la méthode qu’il juge la plus cohérente 250. Enfin, le juge (ou l’expert) peut également se référer à plusieurs autres éléments comme les bénéfices normaux issus de l’activité commerciale, le chiffre d’affaires moyen hors t.v.a. ou, plus simplement, le prix d’achat d’un fonds de commerce équivalent 251 bien que cette dernière soit ancienne. En outre, l’indemnité de remplacement peut s’accompagner d’indemnités accessoires. Tout d’abord, l’indemnité de remploi peut s’ajouter à la dette du bailleur. Elle est destinée à indemniser le preneur des frais engagés pour le rachat d’un fonds de commerce et, notamment, de couvrir les droits fiscaux (dont les droits de mutation) pour acheter un nouveau fonds, les frais d’agence, de négociation et de conseil. Les tribunaux 246 CA Paris, 12 sept. 1996 Gaz. Pal. 30 mars 1997, p. 26. Civ. 3e 31 mars 1978, n° 75-15.046, Bull. Civ. III, n° 143, Gaz. Pal. 1978, 2, somm. 267 ; CA e Paris, 16 ch. A., 20 mai 2009, Administrer oct. 2009, somm. 60. 248 CA Paris 26 oct. 1993, Administrer, mai 1994 p. 51. 249 L’excédent brut d’exploitation comprend le résultat d’exploitation, les dotations aux amortissements et la rémunération du dirigeant. 250 Civ. 3e, 2 févr. 1982, Gaz. Pal. 1982. 2, pan. 195 ; CA Paris, 6 nov. 1992, D. 1993, IR 41 ; CA Paris 4 fév. 2009, Administrer, mai 2009, 38 251 Com. 27 déc. 1961, D 1962, p. 146 ; 3e Civ. 13 déc. 1968, JCP 1969, IV, 26. 247 89 prévoient en général un forfait à hauteur de 10% de la valeur de l’indemnité principale. Toutefois, l’indemnité n’est due qu’en cas d’absence de preuve de non-réinstallation252. Ensuite, il peut s’agir d’indemnités accessoires de nature diverse. Les frais de déménagement et de réinstallation éventuels sont cités par l’article L. 145-14 du Code de commerce. Toutefois, cette disposition légale n’est pas limitative et plusieurs postes existent à ce titre selon le préjudice réel éprouvé par le preneur. Ainsi, le juge pourra retenir : les frais de déménagement, les frais de réinstallation et plus particulièrement des aménagements semblables à ceux qu’il perd253, le montant des travaux d’adaptation des nouveaux locaux254, les frais de double loyer correspondant à l’indemnité d’occupation due s’il continue à occuper les lieux après le refus de renouvellement et le loyer du nouveau local, les pertes sur stocks255, le trouble commercial256 ou encore les indemnités de licenciement du personnel257 et le pas-de-porte du nouveau bail258. À l’inverse, et de manière alternative, il peut s’agir d’une indemnité de déplacement (ii). ii. Indemnité de déplacement et indemnités accessoires Comme son nom l’indique, l’indemnité d’éviction sera qualifiée d’indemnité de déplacement lorsque le preneur pourra transférer son activité à proximité sans perdre sa clientèle et sans avoir besoin de créer un nouveau fonds de commerce. La charge de la 252 Pour la preuve que le preneur va se réinstaller dans un nouveau fonds, voir : Civ. 3e 2 déc. 1998, n° 97-11.791, Bull. Civ. III, n° 228 ; BPIM 1/99, n° 66, p. 26 ; Gaz. Pal. 28-30 mars 1999. Pour la preuve de la non-réinstallation, voir : Civ. 3e 9 mai 1968, D.1969, somm. 110 ; CA Paris 5 févr. 1981, D. 1981, IR 377 ; Civ. 3e 9 octobre 1991, n° 90-11.879, Loyers et copr. 1991 n° 474 ; Civ. 3e 16 juin 1993, n° 91-19.996, JCP 1993, IV, n° 2090, Loyers et copr. 1993 comm. 438 ; Civ. 3e 2 déc. 1998, n° 97-11.791, Bull. civ. III, n° 228, D. 1999 IR 23, JCP 1999 IV, n° 1114. 253 Civ. 3e 6 nov. 1969, D.1970, somm. 105. 254 Civ. 3e 2 févr. 2000, n° 98-13.018, AJDI 2000, 433 ; Rev. Loyers 2000, p. 256, Administrer, mai 2000, p. 28 ; Civ. 3e 15 octobre 2008, n° 07-17.727, Bull. civ. III n° 151, D. 2008, AJ 2667, Rev. Loyers 2008, 542, Administrer déc. 2008, 58, loyers et copr. 2008, n° 281, RJDA 2008, n° 123. 255 CA Paris, 16e ch. B. 27 octobre 1994, Gaz. Pal. 1995, 2, somm. 395 – TGI Paris, 18e ch. 2e sect., 13 Juillet 1989, Gaz. Pal. 1991, 2, somm. 340 ; TGI Paris, 18e ch. 1re sect., 26 sept. 1995, AJPI 1995, 1104. 256 Il peut résulter du préjudice subi du temps nécessaire passé à l’acquisition d’un nouveau fonds au détriment de son activité (CA Paris, 20 avril 2005, AJDI 2005, 737) et peut correspondre à plusieurs mois de bénéfices (TGI Paris, 6 mars 1989, AJPI 1990, 146). Il couvre aussi la perturbation du fonds, sa fragilisation et l’incertitude de la conservation de la clientèle à compter de la réception du congé. 257 Civ. 15 mars 1977, Gaz. Pal. 1977, 1, somm. 165 ; 3e Civ. 2 févr. 1982, Rev. Loyers 1982, p. 248 ; CA Paris 5 févr. 1997, Loyers et copr. 1998, n° 13. 258 Civ. 3e 20 juin 1979, Bull. civ. III, n° 136, Rev. Loyers 1979 p. 478 ; Com. 14 nov. 1962, D. 1963, 305, Gaz. Pal. 1963, 1, p. 44. 90 preuve de la possibilité de transférer son activité dans un local incombe cependant au bailleur259. L’indemnité de déplacement se compose de la valeur du droit au bail. La jurisprudence a précisé qu’elle doit notamment correspondre au local duquel il a été évincé260 et non pas au local qu’il devra acquérir dans le cadre d’une indemnité de déplacement.261 Dans le cadre de l’indemnité de déplacement, des indemnités accessoires peuvent également être ajoutées à l’assiette principale. De manière générale, les postes de préjudice correspondent à ceux de l’indemnité de remplacement (frais de déménagement, frais d’actes, adaptation des nouveaux locaux). Elles ont la même fonction de réparer le préjudice lié au rachat d’un fonds de commerce. Elle peut être calculée sur la base du taux retenu par les usages de la profession en cas de perte de fonds262 ou uniquement sur les frais liés à la recherche et de prise à bail des nouveaux locaux voire de la seule commission d’agence263. Elles comprennent également les indemnités de déménagement évalués par devis ou sur facture, les frais de réinstallation, le trouble commercial, les frais de double loyer, la perte sur salaire ou encore les frais de mailing, la modification des en-têtes des papiers à lettre, les frais de transfert du siège social entre autres. Plus particulièrement, ces indemnités peuvent couvrir le préjudice subi du fait de la perte partielle de la clientèle. Enfin, la jurisprudence considère logiquement que l’indemnité de déplacement ne peut pas être supérieure à l’éventuelle indemnité de remplacement de sorte que le risque financier est plus important pour le bailleur264. Le statut prévoit également, et à la faveur du bailleur, que l’indemnité d’éviction sera compensée par une éventuelle indemnité d’occupation due par le preneur (2). 259 CA Paris, 11 avriL. 1995, Loyers et copr. 1995, p. 279. CA Paris, 22 févr. 1995, Gaz. Pal. 1995, 2. Somm. 392 ; CA Paris 16e ch. A 8 déc. 2004, Gaz. Pal. 15-16 avr. 2005. 261 Pour les méthodes de calcul de la valeur du droit au bail, voir infra p. 73-74. 262 CA Paris, 7 oct. 1994, Gaz. Pal. 1995, 2, somm. 347 ; TGI Paris, 13 sept. 1994, Rev. Loyers 1995, p. 367. 263 TGI Nanterre, 10 juin 1994, Gaz. Pal. 1994, 2, somm. 657 ; TGI Paris, 10 janv. 1997, Gaz. Pal. 1997, 1, somm. 181. 264 Civ. 3e 22 févr. 1968, Bull. Civ. III, n° 45 ; Civ. 3e 22 févr. 1968, Bull. Civ. III n° 69; JCP 1968, II, n° 15604. 260 91 2. La compensation par l’indemnité d’occupation du preneur En vertu de l’article L. 145-28 du Code de commerce, « aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé à quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. » Ainsi, l’éviction consécutive au refus de renouvellement discrétionnaire du bailleur ne peut, pour des raisons pratiques, avoir d’effet automatique et contraindre le preneur à quitter les lieux le jour du congé. Ainsi, si théoriquement la relation contractuelle a cessé à compter du jour du refus de renouvellement, il n’en reste pas moins que le preneur dispose du droit de rester dans les lieux jusqu’au complet paiement de l’indemnité d’éviction. L’indemnité d’occupation doit correspondre à la valeur locative265 et se calcule par référence à un loyer déplafonné266. Toutefois, à la défaveur du bailleur, la pratique judiciaire révèle que les juges appliquent un coefficient d’abattement en raison de la précarité de l’occupation267 qui peut aller de 10% à 30 % selon la longueur de la procédure et les inconvénients268. En définitive, le preneur quittera les lieux après paiement intégral de l’indemnité d’éviction du bailleur. Pour faciliter le règlement, les parties peuvent convenir que les créances seront compensées selon les règles de l’article 1289 du Code civil. La jurisprudence reconnaît que la compensation peut produire ses effets dès lors qu’une décision juridictionnelle a reconnu la réciprocité des dettes269. L’étude du refus de renouvellement sans indemnité d’éviction révèle que le bailleur sort affaibli de la lutte entre droit de propriété et droit à la propriété commerciale. Les montants définitifs des indemnités d’éviction, qu’elles soient de remplacement ou de déplacement, peuvent atteindre des montants exorbitants incitant parfois le bailleur à 265 Civ. 3e 21 juin 1972, Bull. civ. III n° 415 ; Civ. 3e 29 mars 2000, n° 98-11.518, AJDI 2000, 554, Loyers et copr. 2000, n° 200 ; Civ. 3e 29 nov. 2000, n° 99-12.730, JCP E 2001 n° 17, p. 711. 266 Civ. 3e 14 nov. 1978, Gaz. Pal., 1979, 1, pan. p. 113 ; Civ. 3e 13 avr. 1983, JCP 1983, IV, p. 189; e 3 Civ. 30 juin 1999, n° 96-21.449, D. 1999, p. 31. 267 Civ. 3e 6 oct. 1976, AJPI 1977, 468 ; CA Paris, 6 févr. 1998, Loyers et copr. 1998, n° 68. 268 CA Paris, 1e ch. B. 6 févr. 1998, Loyers et copr. 1998, n° 68 ; CA Paris 27 juin 1997, Loyers et copr. 1998, comm. 273 ; pour un abattement de 50% voir par exemple TGI Nanterre, 25 juin 1996, AJPI, 1997, 257. 269 Civ. 3e, 1er juill. 1998, n° 96-13.692, Bull. Civ. III, n° 148, D. 1998 IR 205, D. Affaires 1998, 1729, RDI 1998, 698, Loyers et copr. 1999, n° 70. 92 revenir sur sa décision en exerçant un droit de repentir. Quoi qu’il en soit, la stratégie du bailleur n’a pas de place puisque l’intervention légale et judiciaire occupe toute la place. De même, pour échapper au paiement total de l’indemnité d’éviction, le bailleur est limité par le respect strict des cas énumérés par la loi (Paragraphe 2) Paragraphe 2. Refus de renouvellement et absence de paiement d’une indemnité d’éviction De prime abord, il peut paraître surprenant que le bailleur puisse refuser le renouvellement sans payer d’indemnité d’éviction. Toutefois, étant donné que l’indemnité d’éviction se justifie par la réparation du préjudice de l’éviction, le bailleur ne sera pas débiteur de celle-ci s’il argue de motifs légitimes d’éviction du preneur. La loi et la jurisprudence règlent minutieusement les cas dans lesquels le bailleur peut invoquer des motifs graves et légitimes (A) ou invoquer un droit de reprise (B) en étant, selon les cas, plus ou moins déchargé du paiement d’une indemnité réparatrice. Encore une fois, le comportement du bailleur est très encadré et empêche toute ruse de sa part. A. Les cas limités de refus de renouvellement sans indemnité d’éviction L’article L. 145-17 I du Code de commerce dispose : « Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d’aucune indemnité : 1°. S’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant. […] 2°. S’il est établi que l’immeuble doit être totalement ou partiellement démoli comme étant en état d’insalubrité reconnue par l’autorité administrative ou s’il est établi qu’il ne peut plus être occupé sans danger en raison de son état. » À la lecture de cet article, on en déduit que le critère de distinction entre le refus de renouvellement avec ou sans paiement d’indemnité d’éviction est la présence de motifs légitimes qui justifient l’éviction du preneur. Les deux cas légaux précités emportent absence d’indemnité d’éviction de manière absolue. Pour y accéder, le bailleur doit respecter le formalisme particulier de la mise en demeure (1) et répondre strictement à l’un des deux cas légaux (2). 93 1. Le refus de renouvellement pour motifs graves et légitimes à l’épreuve du juge Le propriétaire du local commercial peut refuser le renouvellement sans payer d’indemnité d’éviction s’il justifie de motifs graves et légitimes à l’encontre du locataire sortant. Pour ce faire, il doit délivrer une mise en demeure (a) et soumettre la validité du motif à l’appréciation souveraine du juge (b). a. La force de la mise en demeure préalable La loi du 30 juillet 1960 a modifié l’article 9 du 30 décembre 1953 codifié à l’article L. 145-17 du Code de commerce en insérant le mécanisme de la mise en demeure : « Toutefois, s’il s’agit, soit de l’inexécution d’une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l’exploitation du fonds, […] l’infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle est poursuivie ou renouvelée plus d’un mois après mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser. »270 La mise en demeure doit notamment avoir lieu s’il s’agit de l’inexécution des obligations du preneur. Il peut s’agir de la violation d’obligations contractuelles ou légales ou du comportement du preneur qui serait contraire au respect de l’ordre public et des bonnes mœurs. La particularité de cette mise en demeure est qu’elle intervient au moment du refus de renouvellement sans indemnité et non pas en réaction à un manquement à une clause résolutoire en cours de bail par exemple. Or, des auteurs ont craint que des bailleurs astucieux tentent de laisser courir la reconduction du bail pour échapper à la formalité supplémentaire de la mise en demeure et préférer invoquer une clause résolutoire après le renouvellement. Toutefois, le succès de cette ruse est entravé par le pouvoir du juge qui, s’il ne peut que constater une clause résolutoire, peut également relever l’abus de droit du bailleur qui détourne volontairement les prescriptions légales. Le second cas concerne la cessation sans raison sérieuse et légitime de l’exploitation du fonds qui ne présente pas de difficultés particulières. 270 CA Paris, 5e ch., 16 sept. 2009, N° RG : 08/10240, AJDI 2010, p. 33. 94 La nécessité d’une mise en demeure préalable est dotée d’une grande portée au regard de ses effets : « Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa »271. En effet, si le bailleur ne délivre pas une mise en demeure valable, le congé sera valable mais il devra payer une indemnité d’éviction272. La bonne communication par le bailleur des motifs de son refus est une condition sine qua none de la validité de la mise en demeure et, in extenso, de l’absence d’indemnité d’éviction. Ainsi, la mise en demeure doit impérativement être transmise par acte extrajudiciaire et reproduire l’alinéa 2 de l’article L. 145-17273. Toutefois, sur la forme de l’acte, la jurisprudence s’est assouplie. Elle a admis que la mise en demeure puisse être faite dans le congé portant refus de renouvellement274 ou concomitamment275 voire postérieurement au congé276. Sur le contenu de la mise en demeure, le bailleur doit mentionner les infractions reprochées sous peine de devoir payer une indemnité d’éviction277 et de rendre le motif de refus irrecevable. De plus, elle doit reproduire le premier paragraphe de l’article L. 145-17 du Code de commerce. L’objectif de cette exigence est de prévenir le locataire des risques qu’il encourt278 s’il ne se conforme pas à ses obligations. L’omission de la mention a une portée affaiblie puisque l’acte ne sera nul que s’il ne cause un grief au locataire en vertu de l’article 114 du Code de procédure civile. En revanche, la sommation n’est pas nécessaire dans plusieurs cas : motifs de dénégation du droit au statut279, motifs irréversibles280 ou délictuelles281. 271 Art. L. 145-17 I C. Com. Civ. 3e 15 mai 2008, n° 07-12.669, Bull. Civ. III, n° 82, Loyers et copr. Sept. 2008, p. 371, Loyers et copr. Juill.-août 2008, comm. 163. 273 CA Paris, 30 nov. 2001, Administrer, mars 2002, 22. 274 CA Bordeaux, 2e ch. 17 oct. 2007, n° 06/03928 ; Civ.3e 7 avril 2002, Administrer, juill. 2002, p. e 15 ; Civ. 3 24 mars 1999, n° 97-16.708, Sté Brasserie des Arts c/ Cts Colombo inédit, AJDI 2000, 45, RDI 1999, 469. 275 Civ. 3e 16 déc. 1987, Gaz. Pal. 1988, 1, pan., p. 35 ; Civ.3e 5 mai 1999, n° 97-15.484, Bull. Civ. III, n° 104. 276 CA Paris, 16e ch. A, 12 janv. 2005, Loyers et copr. 2005, 95. 277 Civ. 5 mars 1980, Rev. Loyers 1980 p. 313. 278 CA Paris, 16e ch., 25 janvier 1968, Rev. Loyers, 1968, p. 197. 279 Pour la cessation définitive de l’exploitation voir CA Aix en Provence, 4e ch. Sect. C, 14 déc. 2006, N° RG : 03/15111 ; 3e Civ. 8 janv. 2008, n° 06-14.190. Pour le changement de destination des lieux voir CA Montpellier, 1ère ch. Sect. B, 9 oct. 2007, n° RG : 0604404. Pour le défaut d’inscription au RCS voir Civ.3e 5 mars 2008, n° 05-20.200, Bull. Civ. III, n° 41, AJDI 2008, p. 579 ; Civ.3e 23 févr. 1994, n° 92-15.473, Rev. Loyers 1994, p. 444. 272 95 Enfin, le délai d’un mois doit être impérativement respecté282. Et, si le juge est tenu par ce délai et ne peut l’aménager, il n’en reste pas moins que s’il constate que l’infraction a perduré au-delà du délai d’un mois, il apprécie souverainement la persistance de sa gravité pour en tirer les conséquences sur le refus de renouvellement283. En outre, les motifs légitimes sont appréciés souverainement par les juges du fond ce qui renforce l’aléa judiciaire, constant de la résolution judiciaire du renouvellement(b). b. L’appréciation souveraine des motifs graves et légitimes Le juge dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation de la gravité et de la légitimité des motifs de refus284. Il s’agit d’une question de pur fait échappant au contrôle de la Cour de cassation. D’une part, le juge peut déclarer recevables les motifs graves et légitimes invoqués par le bailleur. La jurisprudence est casuistique dans ce domaine mais de grandes tendances peuvent être dégagées. Il a été jugé que constituent des motifs graves et légitimes l’abus de jouissance285, la cession irrégulière du bail286, les infractions aux clauses du bail287, un changement de destination des lieux288, une inexploitation289, des 280 Pour une cession irrégulière ou une sous-location auquel le bailleur n’a pas été appelé voir 3e Civ. 9 juillet 2003, n° 02-11.621, Bull. Civ. III n° 147 ; CA Paris 13 févr. 2004, n° 2003/19749, AJDI 2004, p. 379. 281 Pour les crimes et délits commis par le locataire voir 3 e Civ. 5 mars 1980, n° 78-16.198, Rev. Loyers 1980, p. 313 ; CA Paris, 16e ch. Sect. A, 16 janv. 2002, n° RG : 1999/15335 ; 3e Civ. 6 mars 1996, n° 94-12.162, AJPI 1996, 582. 282 Civ. 3e 23 fév. 1994, n° 92-13.588, Bull. Civ. III, n° 32, Loyers et copr. 1994, 293. 283 CA Rennes, 1er avr. et 12 juill. 1960, Ann. Loyers, 1961, p. 304. 284 Civ. 3e, 16 déc. 1998, n° 96-22.232, Bull. civ. III, n° 245. 285 CA Paris, 16e ch. Sect. A, 16 janvier 2002 ; 3e Civ. 20 juin 1979, Rev. Loyers 1980, p. 42 ; CA e Paris 16 ch. Sect. A, 26 avr. 2006, n° 05/01903. 286 CA Paris 16e ch. Sect. A 14 janvier 1997, n° RG : 95/11149 ; CA Montpellier, 1ere ch. Sect. B, 14 février 2006. 287 Pour un abandon du commerce voir Com. 31 janv. 1949, Bull. Civ. III, n° 51 ; pour un cinéma classé commerce de luxe et projetant, sans autorisation, des films érotiques voir CA Paris 29 janvier 1987 D. 1987, IR 33. 288 Pour un cinéma classé commerce de luxe et projetant sans autorisation des films érotiques voir CA Paris 29 janvier 1987 D. 1987, IR 33.Ca Paris 16e ch. Sect. B, 22 nov. 2007, n° RG : 06/17666; 2 mars 2006 RG : 05/08364 ; pour l’utilisation à usage de chenil d’un local destiné à l’usage de débit de boissons voir Civ. 3e, 3 avril 2001, n° 99-19.768 Gaz. Pal. 2002, somm. p. 162. 289 Com. 6 juill. 1960 D. 1961, somm. 57 ; Com. 8 févr. 1965, D. 1965. 292 ; CA Montpellier 1re ch. Sect. B., 5 juin 2007, n° RG : 06/03501. 96 loyers impayés après un commandement de payer d’un mois290, des violences sur la personne du bailleur291. Plus largement la jurisprudence a retenu que des motifs extracontractuels pouvaient constituer des motifs graves et légitimes de refus de renouvellement sans indemnité. En effet, le motif grave et légitime ne doit pas forcément être rattaché à une clause du contrat mais peut seulement avoir un lien suffisant avec l’exécution du bail commercial. L’interprétation de la jurisprudence est souple à cet égard. À titre d’illustration, on peut citer le cas de la production de documents gravement inexacts en cours d’opérations d’expertises292 ou la production auprès d’un nouveau bailleur d’un bail qui s’avère être faux sur lequel la signature du précédent bailleur a été limitée293. D’autre part, étant donné que la preuve du motif grave et suffisant est subordonnée à l’appréciation souveraine des juges du fond, ces derniers peuvent retenir que les motifs invoqués sont irrecevables. À titre d’exemples, on peut citer l’exercice d’activités complémentaires non autorisées294, l’accumulation de retards de loyers et charge expliquée par un contexte financier difficile, le preneur ayant toujours régularisé sa dette295, l’exécution de travaux sans les autorisations requises mais rendus nécessaires par l’obligation d’adapter le fonds à la nouvelle activité connue et acceptée par le bailleur296 ou encore l’inexécution de réparations nécessaires au bon entretien de l’immeuble lorsque la vétusté et la négligence du bailleur sont en partie responsables297. De plus, le bailleur peut échapper au paiement d’une indemnité d’éviction s’il invoque un motif de reprise (2). 2. La reprise d’un immeuble insalubre ou dangereux L’article L. 145-17 2° du Code de commerce autorise le refus de renouvellement sans indemnité d’éviction en cas de reprise d’un immeuble insalubre ou dangereux. Cet article fait perdre le droit locatif au preneur en cas de perte de l’immeuble vétuste ou 290 Civ. 3e 12 juill. 1989, n° 88-12.539, Loyers et copr. 1989, n° 484 ; Civ. 3e 17 févr. 1993, n° 8912.597, Loyers et copr. 1993, n° 225 ; CA Paris 16e ch. A, 2 mars 2005, Rev. Loyers 2005, p. 261. 291 Civ. 3e 28 mars 1995, n° 93-16.657, Rev. Loyers 1995, p. 414. 292 Civ. 3e 19 déc. 2001, n°00-14.425, Bull. Civ. III n°156 ; BRDA 2/2002, n°10. 293 Civ. 3e 11 juin 2008, n°07-14.551, Bull. Civ. III, n°103. 294 Civ. 3e 1er avril 1998, n°96-14.638, Bull. Civ. III, n°77, Gaz. Pal. 28 août 1998, pan. 228. 295 CA Paris, 21 fév. 2007, Juris-Data n°2007-329400. 296 Civ. 3e 28 sept. 2004, n°03-12.189, NP, AJDI 2005, 213. 297 Civ. 3ème 17 avr. 1985, n°83-12.399, Bull. Civ. III, n°304, J-Cl loyer ZF 10-1, n°1 97 insalubre. Avant d’étudier le cas particulier du droit de priorité du preneur (b), on reviendra sur les formalités procédurales que le bailleur doit accomplir (a). a. Les formalités procédurales Le droit des baux commerciaux est éminemment procédural. Ainsi, le refus de renouvellement sans indemnité pour reprise d’un immeuble insalubre ou dangereux doit être communiqué au preneur par la signification d’un congé. S’agissant du moment de la délivrance du congé, il ne peut pas intervenir en cours d’exécution du bail mais uniquement à son échéance ou éventuellement pendant sa période de tacite reconduction. Toutefois, si un péril imminent a lieu en cours de bail, le bailleur ne pourra pas faire usage de l’article L. 145-27 du Code de commerce mais uniquement de l’article 1722 du Code civil qui ouvre la voie à la résiliation sans indemnité sous réserve que le péril n’est pas issu de la faute du bailleur298. Concernant la forme du congé, il doit remplir classiquement les conditions de l’article L. 145-9 dernier alinéa du Code de commerce, à savoir, être signifié par un acte extrajudiciaire. Enfin, si le refus de renouvellement est validé, le locataire devra quitter les lieux sans percevoir d’indemnité. En revanche, si l’insalubrité ou l’état de péril a été causé par le bailleur, il devra l’indemnité d’éviction au preneur. Ensuite, à la différence du congé portant refus de renouvellement sans indemnité d’éviction, le refus pour ce motif doit être motivé (b). b. La motivation spéciale Il est exigé, comme c’est le cas en matière de refus de renouvellement pour motifs graves et légitimes, que le congé soit motivé. En revanche, les motivations répondent à des conditions particulières selon qu’il s’agisse d’un cas de reprise pour insalubrité de l’immeuble ou en raison de l’état de péril. D’une part, en cas d’insalubrité, la motivation du congé s’accompagne d’une décision administrative interdisant définitivement l’occupation. Le bailleur ne peut donc pas invoquer un élément sans apporter la preuve de cette décision. En effet, dès 1966, la 298 Civ. 3e 21 juin 1995, RJDA 1995, n°951 98 jurisprudence décide que ce refus ne peut être valable que si l’autorité administrative a reconnu cet état d’insalubrité et que le bien-fondé d’un arrêté d’insalubrité échappe au contrôle des juridictions judiciaires299. Pour des raisons pratiques, il est admis que le bailleur invoque dans le congé le refus de renouvellement mais délivre postérieurement la décision administrative constatant l’insalubrité300. D’autre part, s’il s’agit d’un état de péril, une décision administrative n’est pas nécessaire. Ainsi, le bailleur pourra l’établir par tous moyens, la preuve étant soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond. Si les travaux ne nécessitent pas que l’immeuble soit libéré, le refus ne sera pas validé. De plus, l’état de péril ne doit pas avoir été causé par un défaut d’entretien du bailleur sous peine de devoir une indemnité d’éviction. Par ailleurs, le bailleur doit impérativement respecter le droit de priorité du preneur (c). c. Le cas particulier du droit de priorité du locataire en cas de reconstruction L’article L. 145-17 II du Code de commerce ouvre un droit de priorité au locataire uniquement en cas de reconstruction de l’immeuble. Il ne découle pas du congé mais dépend de l’initiative du preneur qui doit notifier sa demande au propriétaire de l’immeuble. Il est règlementé aux articles L. 145-19 et L. 145-20 du Code de commerce. Il ne s’agit pas d’un texte frappé d’ordre public de sorte que le preneur peut y renoncer contractuellement. La condition principale de l’exercice du droit de priorité est la reconstruction de l’immeuble. A contrario, s’il n’y a pas de reconstruction ou s’il s’agit de construire des immeubles d’habitation, le locataire ne pourra pas s’en prévaloir. Au niveau procédural, le preneur doit notifier son intention d’exercer son droit de priorité par acte extra-judiciaire dans les trois mois de son départ. Une fois les locaux reconstruits, le bailleur est tenu de proposer un nouveau bail au preneur par acte extrajudiciaire. S’agissant du contenu de la notification, le bailleur doit mentionner qu’il est « prêt » à proposer un nouveau bail sans en préciser les contours, conformément aux prévisions de l’article L. 145-12 du Code de commerce. En outre, il doit mentionner qu’il 299 300 Civ. 9 juill. 1973, Bull. Civ. III n°468 Civ. 17 avr. 1985, Bull. Civ. III n°63 99 dispose d’un délai de trois mois pour exprimer son intention d’accepter ou de refuser ou de saisir la juridiction compétente à peine de forclusion. En effet, si les parties ne concluent pas d’accord au sujet de la réintégration, il dispose de nouveau d’un délai de trois mois pour saisir la juridiction compétente. Il convient de préciser qu’il s’agit d’un nouveau bail qui est conclu et qu’à ce titre le contenu de l’ancien bail ne s’applique pas. Enfin, si le bailleur méconnaît le droit de priorité du locataire, il ne sera tenu qu’au paiement de dommages et intérêts. En effet, il ne devra pas payer une indemnité d’éviction en vertu de l’article L. 145-19 dernier alinéa du Code de commerce. Cependant, rien n’interdit au juge de se référer à l’article L. 145-14 du Code de commerce pour calculer le montant des dommages et intérêts. Les risques financiers pour le bailleur sont donc importants puisque les dommages et intérêts pourront atteindre le montant d’une indemnité de déplacement. Dans les deux cas d’ouverture présentés, le bailleur peut être tenté de détourner la loi pour se soustraire au paiement mais il sera vigoureusement sanctionné (B). B. La sanction des tentatives de fraude du bailleur Face à ces deux opportunités pour le bailleur de ne pas payer d’indemnité d’éviction, il pourrait être tenté de détourner la loi aux fins de se soustraire à ce paiement. En premier lieu, il pourrait être tenté de feindre un motif grave et légitime. Son objectif serait ainsi de faire perdre les droits locatifs du preneur. Or, la loi et la jurisprudence veillent âprement à sanctionner cette fraude. C’est ainsi que la loi a consacré une sanction à l’article L. 145-27 du Code de commerce: « Au cas où il viendrait à être établi à la charge du bailleur qu’il n’a exercé les droits qui lui sont conférés aux articles L. 145-17 et suivants qu’en vue de faire frauduleusement aux droits du locataire, notamment par des opérations de location et de revente, que ces opérations aient un caractère civil ou commercial, le locataire a droit à une indemnité égale au montant du préjudice subi ». Le bailleur sera tenu d’une indemnité en fonction du préjudice subi. En second lieu, il pourrait être tenté de méconnaître le droit de priorité du preneur alors qu’il avait manifesté dans les délais son intention de l’exercer. Par exemple, si le preneur reloue le local à une autre personne au mépris du droit de priorité, aucune réintégration n’est envisageable puisque la cause principale du congé est valable. En revanche, le bailleur sera tenu de verser des dommages et intérêts en vertu de l’article L. 100 145-9 dernier alinéa du Code de commerce. Toutefois, les tribunaux pourront fixer les dommages et intérêts à partir des références de l’article L. 145-14 du Code de commerce et et l’assiette des dommages et intérêts peut être très importante. De plus, le locataire dispose d’une action en responsabilité en vertu de l’article L. 145-27 du Code de commerce précité. 101 CHAPITRE II. REPENSER LE RENOUVELLEMENT DES BAUX COMMERCIAUX INTRODUCTION Comme le relevait le Professeur Derruppé : « le sentiment de frustration de certains bailleurs à l'égard de la propriété commerciale les conduit à exploiter avec malice toutes les failles du statut des baux commerciaux pour retrouver ou conserver les avantages dont ils s'estiment injustement dépouillés. Le preneur mal informé, mal représenté ou simplement négligent risque gros, ou, plutôt, purement et simplement son exploitation. Les droits menacés sont ceux qui constituent l'essence du statut des baux commerciaux et qui, paradoxalement, selon l'illustre auteur, paraissent les mieux garantis »301. Si la stratégie du bailleur est fortement limitée à l’heure du renouvellement, il n’en reste pas moins que certaines d’entre elles perdurent mais sont contrecarrées par la jurisprudence (SECTION I). En outre, l’ensemble de ces développements confirme l’idée de déséquilibre entre les parties et révèle les lacunes du statut et les praticiens réclament à cet égard une refonte du statut et notamment du droit au renouvellement (SECTION II) SECTION I. LA PERSISTANCE DES STRATEGIES DU BAILLEUR Le bailleur qui souhaite accepter le renouvellement et faire perdurer la relation qu’il entretient depuis neuf ans avec son cocontractant ne perd pas de vue la plus-value de loyer qu’il peut obtenir pour neuf années supplémentaires. Il n’y a pas de distinction à opérer selon que le congé émane du bailleur ou du preneur. Le bailleur peut dans les deux cas adopter une stratégie de dissuasion (Paragraphe 1) ou une stratégie passive d’attente du dépassement du délai de douze ans (Paragraphe 2) mais celles-ci sont relatives et souvent subordonnées au manque d’information du preneur. 301 Les pièges du bail commercial en 1984, Études de Juglart, LGDJ 1986, p. 111 102 Paragraphe 1. La relativité des stratégies de dissuasion Malgré le carcan législatif présenté précédemment, certains bailleurs résistent pour dissuader et affaiblir le preneur en brandissant une clause résolutoire non respectée (A) ou en ayant recours à une expertise privée (B). A. Brandir une clause résolutoire La clause résolutoire peut être employée comme un moyen de pression pendant la négociation des conséquences du renouvellement (1) et après un refus de renouvellement (2). 1. L’utilisation judicieuse de la clause résolutoire comme moyen de pression avant l’éventuel renouvellement La clause résolutoire rédigée en amont peut devenir un outil de négociation lors du renouvellement. Pour faire jouer la clause résolutoire, le bailleur ne doit pas avoir renoncé à son bénéfice302. En effet, en cas d’infraction par le preneur, le bailleur peut toujours renoncer à son utilisation. Ce mécanisme de la renonciation peut devenir un outil stratégique de domination lors des négociations des conséquences du renouvellement. En effet, si la clause résolutoire est verrouillée et envisage de multiples fautes, il pourra invoquer l’une d’entre elles (et ce d’autant mieux si elle fait l’objet d’une appréciation subjective telle que l’obligation d’entretien par exemple) afin de faire pression sur le preneur. Ces méthodes informelles sont importantes à développer pour comprendre l’état d’esprit du bailleur. D'ailleurs la jurisprudence fait état de nombreux arrêts dans lesquels elle encadre cette faculté de renoncer par le bailleur. Ainsi, elle a retenu que la renonciation ne pouvait résulter du renouvellement d’un bail moyennant un certain loyer dès lors qu’il y a un pourvoi en cours relatif à la clause résolutoire303. Le bailleur qui y renoncerait en échange d’une renégociation des clauses du bail renouvelé en sa faveur par exemple, ne pourra 302 303 CA Paris, 9 nov. 1995, Administrer févr. 1996, no 275, p. 35, note B. Boccara. Civ. 3e, 5 juin 2002, BICC, 1er octobre 2002, n° 931, p. 9, Bull. n° 127, AJ 2534, obs. Y. Rouquet. 103 donc plus y renoncer si une instance est pendante. Toutefois, en cas de litige, les juges du fond veillent : en 1962, les juges ont considéré que la réclamation de nouveaux loyers avec menace de faire jouer la clause ne valait pas renonciation304. C’est le caractère plus ou moins équivoque et certain de son intention qui est le critère. Les cas où la renonciation a été admise sont plus nombreux : délivrance d’un congé avec offre de renouvellement305 et du prix déplafonné tenant compte de travaux reprochés au locataire306, encaissement des loyers sans réserve et fixation du loyer de renouvellement307 ou, assignation en exécution de l’obligation violée par le preneur308. Ainsi, avant d’engager une procédure judiciaire, le bailleur face à l’arrivée imminente du renouvellement, peut asseoir sa position et informer le preneur des dangers que présenteraient la perte totale et définitive du local et son expulsion, par rapport à une augmentation des loyers pendant au moins trois années suivantes jusqu’à neuf années. Ainsi, le preneur sera plus enclin à accepter un loyer du bail renouvelé fixé amiablement, hors toute notion de plafonnement et hors toute contestation judiciaire plutôt que de perdre son local définitivement pour manquement à une clause résolutoire. C’est ainsi que le bailleur s’assure de voir le loyer renouvelé à ses conditions. De plus, il peut brandir la clause résolutoire après un refus de renouvellement (2). 2. L’utilisation judicieuse de la clause résolutoire après un refus de renouvellement La deuxième opportunité de négocier une clause résolutoire en faveur du bailleur est la durée pendant laquelle elle peut être invoquée. En effet, la jurisprudence retient que le bailleur peut mettre en œuvre la clause résolutoire pendant la période contractuelle mais aussi postérieurement au bail qui a pris fin suite à un refus de renouvellement. En effet, pour la période comprise entre le refus de renouvellement et l’expulsion effective du locataire, le preneur a le droit au maintien dans les lieux aux conditions du bail expiré, soit 304 Com. 9 octobre 1962, Bull. Civ. III n° 320. CA Douai, 5 juin 1975, Rev. Loyers 1976 p. 19. 306 CA Versailles, 2e ch., 19 février 1996. 307 Ch. Com. 26 nov. 1986. 308 Civ. 14 décembre 1971, Bull. 3-444. 305 104 sous l’empire des stipulations relatives à la clause résolutoire309 négociées neuf ans auparavant. C’est encore un moyen pour le bailleur qui, selon ses intérêts, voudra expulser plus tôt le locataire et obtenir des dommages et intérêts qui compenseraient une éventuelle indemnité d’éviction importante. Les mêmes effets dissuasifs peuvent se produire par le recours à une expertise privée (B). B. Recourir à une expertise privée Le bailleur peut également avoir recours à une expertise privée. Il peut y procéder en sus de la dissuasion par la clause résolutoire ou de façon autonome. Par exemple, il pourra, avant le renouvellement, faire appel à un expert spécialisé dans la fixation des loyers de renouvellement pour lui demander de démontrer la réalité de l’augmentation des loyers du secteur. Présenté au preneur, son rapport lui permettra d’influer sur sa décision et d’imposer subrepticement une négociation amiable qui le fera échapper au risque d’un déplafonnement absolu et judiciaire. Le bailleur, préfèrera proposer un loyer renouvelé compris entre le maximum d’un éventuel loyer déplafonné et le maximum d’un loyer plafonné, en se protégeant du risque de l’aléa judiciaire. Toutefois, cette expertise n’a pas la force de celle demandée par un juge en référé. D’ailleurs, la jurisprudence a refusé de recevoir les demandes d’expertises in futurum. La pratique révélait que les bailleurs « jou [aient] sur deux tableaux » et demandaient, en cours de l’instance en fixation du loyer du bail renouvelé, la désignation judiciaire d’un expert en référé310 pour qu’il fixe le montant éventuel de l’indemnité d’éviction et qu’il envisage selon ses intérêts d’exercer son droit d’option. La jurisprudence a rejeté en 2008311 la demande du bailleur ayant délivré congé avec offre de renouvellement avant d’exercer son droit de repentir au motif qu’il n’existait pas de litige potentiel, condition posée par l’article précité. Toutefois, la Cour de cassation a précisé sa portée en rappelant 309 Civ. 3e 21 nov. 1969, n° 67-14.593, D.1970, somm. p. 135 ; Civ 3e, 9 avr. 1970, n° 68-14.192, Rev. Loyers 1970, p. 359 Civ. 3e, 9 déc. 1980, n° 79-14.235, Bull. Civ. III n° 191, Gaz. Pal. 1981, 1, jur., p. 410, note Ph.-H. Brault ; Civ. 3e, 1er mars 1995, n° 93-10.172, Bull. civ III n° 66, Administrer 1995, n° 269, p. 27, note J.-D. Barbier. 310 Art. 145 du Code de Procédure Civile 311 Civ. 3e 16 avril 2008, n° 07-15.486, Bull. civ. III, n° 72; AJDI 2008.843, obs. Blatter; D. 2008. AJ 1205, obs. Rouquet ; Loyers et copr. 2008, n° 133, obs. Brault. 105 que le motif légitime qui doit exister relève de l’appréciation souveraine des juges du fond et qu’en l’espèce la demande de désignation d’un expert pour qu’il fixe la valeur marchande du fonds de commerce était recevable puisqu’il avait un motif légitime : il avait déjà exercé son droit d’option le jour de la saisine du juge des référés312. En définitive, le bailleur peut réaliser une expertise privée in limine litis afin de dissuader le preneur de contester sa proposition de loyer renouvelé. Une autre technique, passive cette fois, lui permet de s’assurer le déplafonnement du loyer renouvelé mais celleci est très relative (Paragraphe 2). Paragraphe 2. La stratégie passive du preneur : une opportunité et une incertitude Une autre ruse des bailleurs, souvent méconnue des preneurs profanes est d’attendre que le bail ait atteint le délai de douze années. Ce délai dépassé, ses effets sont ambivalents : il peut s’agir d’une opportunité puisque le bailleur s’assure le déplafonnement du loyer de renouvellement (A) mais il s’agit surtout d’une ruse incertaine et relative (B). A. L’opportunité d’attendre l’arrivée du délai de douze années Par le biais du mécanisme de la tacite reconduction (1), le déplafonnement du loyer est automatique passé le délai de douze ans du bail commercial (2). 1. Le mécanisme de la tacite reconduction Le bail commercial est conclu pour une durée minimale de neuf ans. Mais à l’issue des neuf ans, en l’absence de manifestation de la volonté des parties, il peut se proroger jusqu’à la douzième année voire au-delà. Contrairement à la stipulation expresse d’un bail de plus de neuf ans, la stratégie du bailleur dans le cas d’un bail de plus de douze est, à l’inverse, la passivité. En effet, l’article L. 145-34 du Code de commerce renferme une disposition qui peut sembler subtile et surprenante : « Les dispositions de l’alinéa ci312 . Civ. 3e, 8 avril 2010, n° 09-0.226, AJDI 2010 p. 720, note Rouquet. 106 dessous ne sont plus applicables lorsque, par l’effet d’une tacite reconduction, la durée du bail excède douze ans. ». Elle a été conçue pour attirer l’attention des preneurs et de dissuader la conclusion de baux trop long. Pourtant, des preneurs négligents ou profanes tombent dans l’un de ces pièges des baux commerciaux. C’est ainsi qu’en l’absence de résiliation pendant le cours du bail, de congé notifié dans les formes et délais requis ou de demande de renouvellement, le bail se poursuit par tacite reconduction. Ce mécanisme se rencontre à l’article L. 145-9 du Code de commerce qui dispose : « Par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux […] ne cessent que par l’effet d’un congé […]. A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se poursuit par tacite reconduction au-delà du terme fixé par le contrat […] » Cette disposition a de beaux jours devant elle étant donné que la Cour de cassation a considéré qu’elle ne violait pas le principe constitutionnel d’égalité des citoyens devant la loi et les charges publiques invoqué par un preneur313. La Haute Cour a considéré que la question n’était pas sérieuse puisque tous les locataires peuvent demander tout au long de la tacite prolongation le renouvellement et échapper au déplafonnement automatique. 2. Les effets de la tacite reconduction sur le renouvellement Trois enseignements peuvent être tirés de la combinaison des articles L. 145-34 et L. 145-9 du Code de commerce. D’une part, le contrat de bail initial ne prend pas fin à l’arrivée de son terme. En effet, le contrat initial se prolonge au-delà de son terme à défaut de congé ou de demande de renouvellement du bailleur. Il faut impérativement un acte émanant de l’une ou l’autre partie pour que le contrat prenne fin. Le bailleur a tout intérêt à ne pas agir et à attendre patiemment l’arrivée de la douzième année. Le corollaire de cet enseignement est qu’un nouveau contrat de bail n’est pas formé à l’arrivée du terme du bail initial en l’absence de ces actes 314. À ce titre, une partie de la 313 En effet, depuis le 1er mars 2010, tout justiciable peut, au cours d’une instance judiciaire, invoquer l’inconstitutionnalité d’une disposition législative, au moyen d’une question prioritaire de constitutionnalité. La question, si elle est sérieuse, est transmise à la Cour de cassation par le juge du fond. e 314 Cass. 3 civ. 19 février 1975, Bull. cass. III, n° 70 19 févr. 1975 : Ann. Loyers 1975, p. 904 ; e e Cass. 3 civ. 18 mars 1998, AJDI 1998, p. 358, note J.-P. Blatter ; Cass. 3 civ. 30 juin 1999, D. 1999, inf. rap. p. 211. 107 doctrine et de la jurisprudence315 regrettent le terme de « reconduction » employée par le législateur étant donné que la reconduction suppose la formation d’un nouveau contrat. Or, ce n’est pas le cas dans les contrats de baux de plus de neuf ans dont le déroulement se poursuit par l’effet d’une « tacite prolongation »316. Enfin, le contrat de bail initial se prolonge indéfiniment et devient un contrat à durée indéterminée. Les parties pourront le rompre à tout moment en respectant un délai de préavis raisonnable évalué à six mois environ317. De plus, le bailleur n’a aucune obligation d’informer le preneur de l’arrivée fatale de la douzième année. La stratégie du bailleur consistera en définitive à attendre l’arrivée des douze ans et à délivrer un congé avec offre de renouvellement avec effet pour la douzième année. Toutefois, le succès de cette stratégie est très relatif (B). B. La relativité de la stratégie passive La vigilance est de mise pendant la période de tacite reconduction, soit entre la neuvième et la douzième année. D’une part, si le bailleur délivre un congé avec offre de renouvellement ayant effet après la douzième année et que le preneur délivre une demande de renouvellement avant l’échéance de la douzième année ayant effet pour la douzième année, c’est la demande de renouvellement du preneur qui prévaut318. En effet, un arrêt rendu le 1er octobre 1997 retient que le congé du bailleur n’interdit pas au preneur de réagir à temps et délivrer une demande de renouvellement avant l’arrivée fatidique de la douzième année. La sanction pour le bailleur est de voir le loyer du bail renouvelé fixé selon les règles du plafonnement319. Par exemple, si le bail initial atteint la douzième année le 1er novembre 2011, le bailleur doit attendre l’arrivée de cette date pour délivrer congé qui prendra effet le 30 juillet 2012. Si le bailleur délivre le congé avant le 1er novembre, le preneur peut 315 Pour la jurisprudence voir : Civ. 3e, 10 juin 1998, Bull. cass. III, n° 119 ; Civ. 3e, 23 juin 1998, e Loyers et copr. 1998, comm. 233, Civ. 3 , 18 mai 2010, n° 09-15.352 ; 18 janv. 2011, n° 09-71.933. 316 AJDI 1999 p. 1218. e 317 Civ. 3e, 8 avriL. 1992, Gaz. Pal. 1993, 1, pan. jur. p. 4 ; Cass. 3 civ. 14 octobre 1992, Rev. e Administrer mai 1993, p. 41 ; Cass. 3 civ. 5 mars 1997. 318 e Civ. 3 , 3 nov. 1988, Loyers et copr. 1989, comm. 24 ; Cass. 3e, 21 déc. 1988, Loyers et copr. 1989, comm. 131 ; Civ. 3e, 27 nov. 1990, Loyers et copr . 1992, comm. 75 ; Civ. 3e, 18 déc. 1991, JCP éd. G 1992, IV, n° 610 ; Civ. 3e, 21 déc. 1993, AJPI 1994, p. 121, obs. J.-P. Blatter. 319 Civ. 3e, 1er octobre 1997, n° 95-21.806, AJDI 1998 p. 109. 108 demander le renouvellement jusqu’au 30 octobre 2011 pour le 1er novembre. Il ne s’agira pas d’un bail de plus de douze ans et le bailleur perdra le bénéfice du déplafonnement sauf s’il apporte la preuve d’une modification notable. D’autre part, la patience du bailleur n’est pas une garantie de déplafonnement. En effet, il peut être confronté à un preneur professionnel qui dispose d’un service juridique aguerri sur ces questions. De plus, à l’heure où l’information des preneurs, même des plus petits, s’est accrue, les chances de succès des bailleurs stratèges s’amoindrissent. D’ailleurs, la ville de Lille s’inscrit dans cette tendance. En effet, face à l’augmentation des loyers du centre-ville et du Vieux Lille, elle a créé un Guide des baux commerciaux à destination des preneurs afin de les informer de leurs droits et des pièges des baux commerciaux. De plus, une plate-forme juridique va être mise en place les mois prochains afin de les accompagner tout au long de leur bail commercial. Quoi qu’il en soit, ces initiatives politiques démontrent implicitement qu’il existe véritablement un déséquilibre entre les parties ce qui amène à penser que le renouvellement doit être repensé (SECTION I). SECTION II. PROPOSITIONS DE REFONTE DU DROIT AU RENOUVELLEMENT Le statut des baux commerciaux français est qualifié de système sui generis. Ainsi, à l’heure où on assiste plutôt à une convergence des droits nationaux, il est d’abord intéressant de sonder le droit comparé du renouvellement des baux commerciaux (PARAGRAPHE I) puis d’exposer les propositions des auteurs et praticiens français pour rénover le statut (PARAGRAPHE II). Paragraphe 1. Droit au renouvellement et droit communautaire Le juge communautaire est déjà intervenu pour exprimer sa position sur les baux commerciaux (A). Comparé au droit communautaire et international, le système français se distingue (B). 109 A. Les baux commerciaux et le juge communautaire Le droit communautaire influe de plus en plus sur les droits nationaux. Sans porter atteinte à la souveraineté des États, l’objectif reste celui d’harmoniser les droits. C’est ainsi que la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme (Conv. EDH ciaprès) et la Cour du même nom prennent position sur l’organisation des rapports locatifs. À cet égard, la décision rendue le 22 février 2005 a attiré l’attention des praticiens. En effet, la CEDH a retenu que le principe de proportionnalité inscrit dans la Conv. EDH ne peut conduire « à priver les propriétaires d’un bénéfice après paiement des charges et frais liés à la location de leur immeuble, malgré une politique de logement nécessitant de une limitation de l’augmentation des loyers 320 321 » . Il semblerait donc que le juge communautaire n’altèrerait pas le droit de propriété absolu du bailleur. D’un autre côté, le juge communautaire protège les preneurs en refusant par exemple que les bailleurs les obligent d’adhérer à une association de commerçants322. La Conv. EDH ne semble pas remettre en question la pensée française du renouvellement. Les autres droits nationaux laissent quand à eux une plus grande place à la liberté contractuelle (B). B. La pensée du renouvellement en Europe Les auteurs distinguent classiquement deux catégories de pays européens : les premiers adoptent un régime ultra libéral ou n’ont pas encadré les baux commerciaux, les seconds se sont relativement inspiré du droit français323. La première catégorie de pays se compose globalement de l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Suisse, la Hongrie, la République tchèque. À cette catégorie s’ajoute les pays membres de l’Organisation pour l’Harmonisation de Droit des Affaires en Afrique (ciaprès OHADA) a été créée par le Traité relatif à l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique signé le 17 octobre 1993. Elle regroupe aujourd'hui 16 pays d’expression française. Le régime des baux commerciaux repose largement sur la liberté contractuelle. 320 Statut des baux commerciaux et concurrence, Abdoulaye Mbotaingar, Litec, déc. 2007 CEDH, 22 févr. 2005, (Ré. n°35014/97, Hutten-Czapoza c/Pologne) : Rev. Europe 2005, p. 31 322 Civ. 3e 12 juin 2003 Bull. Civ. III n°126, p. 113 323 M.-P. Bagneris, Le loyer du bail commercial, droit français comparé et perspectives dans l’Union Européenne, Rev. internationale de droit comparé, n°49, 1997, p. 720-721 321 110 Par exemple, en Suisse le code des obligations organise une application générale à tous types de baux. La seconde catégorie de pays se compose globalement de la Suède, le Danemark, la Grande-Bretagne, l’Irlande, la Grèce, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas. Le droit des baux commerciaux y est relativement encadré : loi de 1951 en Belgique, loi de 1994 en Espagne, arrêté de 1992 au Danemark ou Landlord Tenant Act en 1954 en Grande-Bretagne. À propos du renouvellement, on ne peut pas parler d’un droit aussi protecteur qu’en France. En Belgique, le renouvellement est limité à trois fois et le bailleur ne peut le refuser que dans le cas prévus par une liste limitative324. De plus, le bailleur peut refuser le renouvellement s’il démontre qu’un tiers lui propose un meilleur prix et que son preneur ne s’aligne pas sur celui-ci ce qui est interdit en France par l’article L. 145-15 du Code de commerce. En Grande-Bretagne, si le renouvellement est automatique, ce n’est pas sur le fondement de la protection du preneur mais sur la liberté contractuelle puisque c’est seulement en cas de dénonciation par l’une des parties que le bail ne sera pas renouvelé. D’ailleurs, le Lord Tenant Act permet de se délier très facilement du contrat de bail dont la durée est fixée librement. Dans le même esprit, l’Espagne organise un droit au renouvellement uniquement si le preneur se maintient dans les lieux sans réaction contraire du bailleur, le bail initial se poursuivant dans le cas contraire par tacite reconduction. Par ailleurs, la durée du bail est libre. Enfin, dans les pays OHADA, le droit au renouvellement est subordonné à l’exploitation du fonds pendant deux ans325. Sauf clause contraire, le bail renouvelé durera trois ans et les cas de reprise sont proches de ceux du droit français (faute du preneur, reconstruction/rénovation, habitation ou exploitation par le bailleur). Face à ces éléments de droit comparé, les auteurs disent du statut français qu’il affirme sa particularité. Toutefois, il a été démontré en première partie que la liberté contractuelle a une grande place pour qui sait découvrir les failles du statut. Il n’en reste pas moins que la volonté est de réformer le statut pour affirmer non plus la protection du preneur mais la liberté contractuelle (Paragraphe 2). 324 B. Louveaux, Le droit du bail commercial, Coll. Droit actuel, De Boeck Université 2002, spéc. n°118 et s. 325 Art. 91 et s. Livre III, Titre I de l’Acte Uniforme du 17 avriL. 1997 111 Paragraphe 2. Propositions de refonte du statut des baux commerciaux Les auteurs et praticiens qui souhaitent rénover le statut arguent principalement de l’obsolescence du système qui n’a pas été rénové en profondeur par la LME de 2008 (A). Ainsi, ils émettent des propositions pour enrayer l’augmentation des loyers et faire correspondre le contrat de bail aux besoins contemporains des commerçants (B). Si les propositions ne touchent pas directement le droit au renouvellement, elles auront des conséquences sur celui-ci indirectement. Des barrières statutaires anachroniques326 A. Le titre est emprunté au Professeur Mbotaingar qui a étudié les relations entre le droit des baux commerciaux et le droit de la concurrence. Il en déduit que le statut des baux commerciaux est dépassé au regard de l’évolution du marché et de la société : « les barrières statutaires empêchent les entreprises de se mouvoir facilement sur le marché. […] Le cloisonnement statutaire enlise les entreprises locataires en ne facilitant pas leur adaptation ». Dans la même veine, la Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises (CGPME ci-après) part de ce postulat pour émettre plusieurs propositions de réformes : « Les nouvelles technologies de l’information et de la communication, avec l’apparition du e-commerce et l’ouverture internationale du secteur ont obligé les différents distributeurs existants à faire évoluer leur manière de commercer. Depuis quelques temps, la tendance n’est plus à l’homogénéisation mais plutôt de répondre à une demande individuelle et surtout de proximité. »327 Dans ce contexte propice au changement du statut, plusieurs propositions sont formulées (B). B. Les solutions alternatives La principale proposition est de limiter le nombre de renouvellements (1) à laquelle s’ajoutent des propositions connexes (2) ayant une influence sur le renouvellement. 326 327 Expression du Professeur Mbotaingar, supra note 320 Les Baux commerciaux, Propositions de l’Union du Commerce et des services, 2011 112 1. La proposition de limiter le nombre de renouvellements Il faut d’abord envisager le contenu et le domaine de la proposition (a) avant de dégager ses limites (b). a. Contenu et domaine de la proposition On a constaté précédemment qu’en droit comparé, notamment en Belgique328 des législations limitaient le nombre de renouvellements. Cette solution est justifiée par l’idée que les preneurs ne devraient plus bénéficier d’un loyer réduit après avoir exploité un fonds pendant dix-huit années pour des baux de neuf ans. Selon le Professeur Kandérian, il s’agirait donc de « plafonner le plafonnement »329. Toutefois, le Professeur Robine propose raisonnablement d’exclure cette disposition des baux dits « tous commerces » qui permettent par essence aux preneurs d’adapter leur activité à tout moment330. Cependant, cette proposition présente des limites (2). b. Limites de la proposition Le Professeur Mbotaingar émet des réserves. Selon lui, cette méthode ne permet pas de résorber les déséquilibres des loyers. De plus, elle créerait une « injustice » entre les anciens baux et les nouveaux baux. Dans cette optique, le droit transitoire ne permettrait certainement pas de suppléer cette carence de la proposition étant donné la disparité des durées des baux commerciaux (baux n’ayant pas encore fait l’objet d’un renouvellement, baux ayant connu un ou deux renouvellement, baux en cours d’exécution). Pour y remédier, le Professeur Boccara331 préconisait de supprimer toute référence au plafonnement à l’égard de tous les baux. Mais la classe politique ne sont pas prêts à 328 Article 13 de la loi du 27 mars 1990, en ce sens B. Louveaux, Le droit du bail commercial, Droit actuel, 2002, p. 365, spéc. n°369 329 F. Kandérian, L’évolution contemporaine du statut des baux immobiliers d’exploitation, Litec 2003, n°321, spéc. n° 408. 330 .F. Robine, La valeur locative et les loyers commerciaux, in L’impact économique de la propriété immobilière, AJPI 1996, p. 29 et s. – Adde : J. Monéger qui parle de « déspécialisation par anticipation », Code des baux, 18ème éd. Dalloz 2007 331 B. Boccara, Un statut des baux commerciaux pour quelles raisons ?, AJDI 2000, p.494 113 mettre en œuvre une telle réforme refusée en bloc par les locataires332. La prochaine élection présidentielle qui aura lieu en mai 2012 confirme l’idée selon laquelle la réforme n’aura pas lieu en cette période électorale tant le sujet est sensible. C’est ainsi que des solutions alternatives sont proposées (2). 2. Les autres propositions La doctrine (a) et les praticiens (b) ont développé plusieurs séries de propositions. a. Les propositions doctrinales Le problème majeur du renouvellement étant la distorsion des loyers et subséquemment de la concurrence, des auteurs préconisent un contrôle plus lourd de la Cour de cassation. On a révélé précédemment que l’intervention des juges du fond avait créé un domaine largement casuistique. C’est ainsi que les auteurs subordonnent cette intervention à la consécration de définitions communes par la Cour de cassation. Or, à ce jour, la Haute Cour tend à préserver l’appréciation souveraine des juges du fond. Le Premier Président de la Cour de cassation Bellet ouvre toutefois cette perspective lorsqu’il précise : « Le fait devient le droit si nous le contrôlons ». Une solution corollaire serait de redéfinir la valeur locative pour qu’elle prenne en compte la rentabilité de l’activité lors du renouvellement et non pas uniquement à la conclusion du bail. La Cour de cassation aurait le rôle de définir cette valeur locative objective. Institutionnaliser la clause-recettes serait une technique efficace. Elle permettrait, en plus de fixer le loyer initial, de préciser les conditions et les modalités dans lesquelles sera déterminé le loyer lors du renouvellement : « Qu’il s’agisse d’un bail assorti de loyer variable ou d’un bail ordinaire, le problème est le même. Écarter le plafonnement est bien, mais insuffisant. Il faut y ajouter une référence à la valeur locative réelle déterminée selon des techniques qui auront fait leurs preuves 333 ». Enfin, une dernière alternative avait été avancée par le Rapport Pelletier. Il proposait de réévaluer la valeur locative des loyers manifestement « décrochés », c'est-à332 J. Derruppé, Faut-il supprimer le statut des baux commerciaux ? Synthèse, AJDI 2000, P. 511 ; Rapp. Pelletier, Documentation Française 2004, spéc. n°74 333 J. Derruppé, op. citato 114 dire manifestement surévalués ou sous-évalués, au nom de l’équité. Actuellement, les juges fixent la valeur locative selon la méthode de calcul « qui leur apparaît le meilleur 334». Ainsi, sur les méthodes de comparaison des références, il serait plus équitable de faire la moyenne des différents types de loyers en prenant en compte leur spécificité et de leur rapport avec le local concerné. Ensuite, ce sont les praticiens impliqués au quotidien par les problèmes liés au renouvellement qui émettent des propositions de réforme (b). b. Les propositions des praticiens L’expert immobilier près la Cour d’appel de Douai et du Tribunal de Grande Instance de Lille, Jean-Jacques Martel, préconise d’institutionnaliser la valeur de renouvellement. Celle-ci serait définie par comparaison exclusive des références de renouvellement et serait affectée d’un coefficient de renouvellement établi sur plusieurs critères macro ou micro-économiques. En définitive, « L’institutionnalisation du loyer de renouvellement privilégierait le travail sur le capital, limiterait la spéculation et la concurrence déloyale, récompenserait la longévité de l’exploitation et respecterait l’intuitu personae du contrat 335 ». La CGPME a également pris position en 2011 et a émis plusieurs propositions. Elle réclame également la modification des critères de détermination de la valeur locative. Plus précisément, elle demande que le calcul des prix pratiqués dans le voisinage soit modifié. Pour ce faire, elle propose de faire référence à l’article 19 de la loi du 6 juillet 1989 qui exige que le bailleur apporte au minium trois références ou de six dans les communes de plus d’un million d’habitants. La Confédération propose que la moitié des baux pris en compte pour le calcul du loyer de renouvellement aient la même destination que le bail faisant l’objet du renouvellement. Une autre proposition, réclamée depuis plusieurs années, est la suppression du déplafonnement pour les baux de plus de 9 ans en raison de l’insécurité juridique pour les preneurs. Curiosité du statut présenté comme protecteur des preneurs, cette disposition semble en effet inutile à l’heure où l’information accrue des preneurs tend à neutraliser son application. 334 Civ. 3e 3 juin 2004 Bull. Civ. 2004 n°111 p. 101, Defrénois, 2005-02-15, n°3, article 38097, p. 255-257. 335 AJDI 2010, p. 681. 115 Ces propositions ont toutes pour dessein de pallier les déséquilibres engendrés par le statut et faire en sorte que le renouvellement ne soit plus un objet litigieux. 116 CONCLUSION GÉNÉRALE L’étude approfondie des stratégies du bailleur dans la perspective du renouvellement révèle deux tendances correspondant à la chronologie du contrat de bail. Le statut des baux commerciaux est présenté comme un statut protecteur du preneur. Or, l’étude de la période précontractuelle révèle que la matière est propice au déploiement de la stratégie des bailleurs qui, par l’insertion de clauses, peuvent asseoir leur position en vue du renouvellement. En revanche, au jour du renouvellement, et en l’absence de clause, un carcan législatif oriente le comportement du bailleur. La place du juge est quasi omniprésente de sorte que la résistance des bailleurs qui tentent de contourner la voie judiciaire est relative. En définitive, une refonte globale est nécessaire afin d’harmoniser le cadre législatif aux droits nationaux de la zone européenne. 117 BIBLIOGRAPHIE OUVRAGES GÉNÉRAUX - ANZEMA, MUTELET, PRIGENT Les baux commerciaux, Revue des loyers, Lamy, octobre 2010. - BLARY-CLEMENT (E.) DEKEUWER-DEFFOSSEZ (F.) Droit commercial, activités commerciales, commerçants, fonds de commerce, concurrence, consommation, Domat, droit privé, Montchrestien, 10e éd. 2010. - CORNU G. Vocabulaire juridique, 9e éd. PUF 2011. - LABBEE X. Les critères de la norme juridique, Presses Universitaires du Septentrion, septembre 2006. - LEGEAIS (D.) Droit commercial, 16e éd. 2005 - ASTEGIANO-LA-RIZZA A., COLOMER P., DENIZOT C., DUMONTLEFRAND M.-P., MAUBLANC J.-P., REILLE F., REYGROBELLET A., SCHMIDT F. Droit et pratique des baux commerciaux, Dalloz, éd. 2011. - Mémento Expert Francis Lefebvre, Baux commerciaux, Éditions F. Lefebvre, 20112012. OUVRAGES SPÉCIALISÉS - AUBERT J. La fixation des loyers commerciaux : la pratique judiciaire dans les ressorts de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence et du Tribunal de Grande Instance de Marseille, Thèse soutenue à l’Université d’Aix-en-Provence, 1976. - AUQUE F. 118 Traité des baux commerciaux, théorie et pratique, LGDJ, 1996. - BLATTER J.-P. Baux commerciaux, Le Moniteur Dalloz, Paris, 4 éd. 2006 - COHEN A. Traité théorique et pratique des fonds de commerce, 2e édition, 1948. - DEBEAURIN J. Annale des loyers, Guide des baux commerciaux, Edilaix, octobre-novembre 2010. - DERRUPE F. 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Pal. 1998, 2, Doctr. p. 1457 et s. - BLATTER, J.-P. 119 La loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie et les baux commerciaux, AJPI 2008, p. 649. Baux commerciaux - Décret du 30 septembre 1953. - Renouvellement. Loyer. - Déplafonnement. - Durée du bail expiré, AJDI 1998 p. 180. Le temps de l’action ou le moment de s’abstenir, AJDI déc. 1999, p. 1218 et s. L'ordre public du statut des baux commerciaux. Portée et limites en matière de rédaction, AJDI 2003, p. 396 et s. La liberté contractuelle dans la rédaction des baux et modes alternatifs de règlement des conflits, AJDI 2003 p. 921. Déplafonnement du loyer du bail excédant douze ans suite à tacite reconduction : QPC, AJDI, 2011, p. 359. - DEJOIE ET PHAN THANH Les relations financières entre bailleur et preneur à bail commercial, AJDI 2009, p. 289. - DENIZOT C. Pratique de la clause résolutoire stipulée dans les baux commerciaux, Rev. Bleue, nov. 2007, p. 72. Actualité jurisprudentielle de la déspécialisation, AJDI 2009, p. 683. - DERRUPPÉ J. Bail commercial, accord sur les modalités ou le montant du loyer à payer en cas de renouvellement du bail, RTD Com. 2005, p. 256. RDI, 1984.244 et 1985.428. - DREIFFUS-NETTER F. Les manifestations de volonté abdicatives, LGDJ, 1985, n°56 p. 66. - KENFACK H. Actualité de la clause résolutoire, Loyers et copr. 2006, étude 19. - LE GACH PECH S. Rompre son contrat, RTD Civ 2005, p. 223. - MONEGER J. Baux commerciaux : statut ou liberté contractuelle ?, AJDI 2000, p. 484. 120 - MARTINET M.-C. Ordre public et espaces de liberté,, Rev. loyers 2004, n° 850, p. 534. - SAINTURAT M.-L. Le loyer déplafonné : Quelle valeur locative ?, Administrer n° 369, aoûtseptembre 2004, p. 11 et s. RAPPORTS ET DOCUMENTS OFFICIELS - Loi du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement des fonds de commerce - Loi du 30 juin 1926 réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyers d’immeubles ou de locaux à usage commercial ou industriel. - Loi du 22 avril 1927 tendant à interpréter et à compléter les dispositions de la loi du 30 juin 1926 sur le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial ou industriel. - Loi du 12 juillet 1933 ayant pour objet de permettre aux commerçants, industriels ou artisans, d'introduire une action en revision du prix de leur loyer en vue d'obtenir une réduction pour les baux antérieurs au 1er juillet 1932. - Loi du 13 juillet 1933 modifiant les dispositions de la loi du 30 juin 1926, modifiée par la loi du 22 avril 1937, réglant les rapports entre locataires et bailleurs en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial ou industriel. - Loi du 2 février 1937 tendant à compléter la loi du 30 juin 1926 modifiée par les lois des 22 avril 1927 et 13 juillet 1933, réglant les rapports entre locataires et bailleurs en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial ou industriel. - Décret du 25 août 1937 tendant à compléter la loi du 30 juin 1926 modifiée par les lois des 22 avril 1927, 13 juillet 1933 et 2 février 1937, réglant les rapports entre locataires et bailleurs en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial ou industriel. - Décret du 1er juillet 1939 ayant pour objet de permettre aux commerçants, industriels et artisans d'introduire une action en révision du prix de leur loyer, 121 lorsque, par le jeu d'une clause d'échelle mobile, ce prix se trouve modifié de plus d'un quart. - Loi n° 46-744 du 18 avril 1946 modifiant la loi du 30 juin 1926, modifiée par les lois des 22 avril 1927, 13 juillet 1933, 2 février 1937 et par le décret du 25 août 1937 réglant les rapports entre locataires et bailleurs en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial ou industriel. - Loi n° 48-1309 du 25 août 1948 permettant la révision du prix de certains baux à loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial et industriel. - Loi du 31 décembre 1948 relative à la prorogation de certains baux de locaux ou d'immeubles à usage commercial industriel ou artisanal modifiée et complétée par les lois des 29 décembre 1949, 31 mars 1950, 24 mai 1951, 31 décembre 1952 et 15 juillet 1953. - Loi n° 51-685 du 24 mai 1951 relative à la prorogation de certains baux de locaux ou d'immeubles à usage commercial, industriel ou artisanal. - Loi n° 53-71 du 5 février 1953 modifiant la loi du 25 août 1948 précitée. - Décret du 30 septembre 1953 réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyers d’immeubles ou de locaux à usage commercial ou industriel, JO du 1er octobre 1953, p. 8618 et s. - Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 relative à la modernisation de l’économie. - Rapport de la Commission Pelletier, Propositions pour une modernisation du régime juridique des baux commerciaux et professionnels, avril 2004. JURISPRUDENCE. Cour de cassation 1936 - Cass. Req. 4 nov. 1936, Gaz. Pal. 1936.2. p. 741 1942 - Civ. 24 juill. 1942 : S. 1943, 1, p. 130 ; Com. 16 mai 1950 : D. 1950. p. 468. 122 1943 - Civ. 28 juill. 1943 : D 1943, p. 19 ; Civ. 20 mars 1943 : Gaz. Pal. 1943, 1, 239 1948 - Civ. 3 févr. 1948 : Gaz. Pal. 1948, 1, p. 171 1949 - Com. 31 janv. 1949, Bull. Civ. III, n° 51 1954 - Civ. 3e 29 juin 1954 : AJPI 1954 p. 248 1960 - Com. 2 mars 1960, Bull. civ. III n° 89 - Com. 6 juill. 1960 D. 1961, somm. 57 1961 - Civ. 9 janv. 1961, Ann. L. 1961-922 - Civ. 29 nov. 1961, Gaz. Pal. 1962. 1. 235 - Com. 27 déc. 1961, D 1962, p. 146 1962 - Com. 5 fév. 1962 : JCP G 1962, IV, 42 ; Bull. Civ. III, n° 77 - Com. 9 octobre 1962, Bull. Civ. III n° 320. - Com. 14 nov. 1962, D. 1963, 305, Gaz. Pal. 1963, 1, p. 44. 1963 - Comm. 18 déc. 1963, Bull. III n° 467.1965 1965 - Com. 8 févr. 1965, D. 1965. 292 - Com. 11 fév. 1965 1966 - Com. 15 déc. 1966 : Bull. Civ. III, n° 483 - Com. 15 déc. 1966, Ann. L. 1967-1640 1968 - Civ. 3e 22 févr. 1968, Bull. Civ. III, n° 45 - Civ. 3e 9 mai 1968, D.1969, somm. 110 - Civ. 3e 14 novembre 1968, Bull. Civ. III, n° 462 - Civ. 3e 22 févr. 1968, Bull. Civ. III n° 69; JCP 1968, II, n° 15604 123 - Civ. 3e 13 déc. 1968, JCP 1969, IV, 26 1969 - Civ. 3e 6 nov. 1969, D.1970, somm. 1 - Civ. 3e 21 nov. 1969, n° 67-14.593, D.1970, somm. p. 135 1970 - Civ 3e 9 avr. 1970, n° 68-14.192, Rev. Loyers 1970, p. 359 - Civ. 3e 14 décembre 1971, Bull. 3-444 1972 - Civ. 3e 6 juin 1972 : Bull. civ. III, n° 369 ; DS 1973,151. - Civ. 3e 21 juin 1972, Bull. civ. III n° 415 1973 - Civ. 3e 15 mai 1973 - Civ. 3e 9 juill. 1973, Bull. civ. III, n° 467 ; DS 1974, p. 24 1975 - Civ. 3e 25 juin, 1975, n° 74-13.069, Bull. Civ. III n° 219 ; AJPI 1975,898 - Civ. 3e 19 novembre 1975, n° 74-13.168 - Civ. 3e 19 février 1975, Bull. cass. III, n° 70 19 févr. 1975 : Ann. Loyers 1975, p. 904 1976 - Civ. 3e 25 fév. 1976 : Bull. Civ. III n° 90; JCP G 1976, IV, 134, Ann. L. 1976-1176 - Civ. 3e 6 oct. 1976, AJPI 1977, 468 1977 - Civ. 3e 25 janv. 1977 : Gaz. Pal. 1977 I pan. p. 164 - Civ. 3e 15 mars 1977, Gaz. Pal. 1977, 1, somm. 165 - Civ. 3e 25 mai 1977 : Bull. Civ. III, n° 220 1978 - Civ. 3e 1er févr. 1978 : Bull. civ. III, n° 66. - Civ. 3e 31 mars 1978, n° 75-15.046, Bull. Civ. III, n° 143, Gaz. Pal. 1978, 2, somm. 267 - Civ. 3e 14 nov. 1978, Gaz. Pal., 1979, 1, pan. p. 113 1979 - Civ. 3e 24 oct. 1979, Bull. civ. III, n° 189 ; D. 1980, IR p. 106 124 - Civ. 3e 20 juin 1979, Bull. civ. III, n° 136, Rev. Loyers 1979 p. 478 - Civ. 3e 20 juin 1979, Rev. Loyers 1980, p. 42 1980 - Civ. 3e 13 fév. 1980 n° 78-12.522 : Bull. Civ. III n° 38 - Civ. 3e 5 mars 1980, n° 78-16.198Rev. Loyers 1980 p. 313. - Civ. 3e 20 mai 1980, Gaz. Pal. 1982, pan. p. 516 - Civ. 3e 9 déc. 1980, n° 79-14.235, Bull. Civ. III n° 191, Gaz. Pal. 1981, 1, jur., p. 410, note Ph.-H. Brault, Rev. Loyers 1981 p. 79, note Viatte 1981 - Civ. 3e 3 mars 1981 Gaz. Pal. 1981, 2, somm. p. 226 - Civ. 3e 3 mars 1981, Bull. civ. III, n° 43 - Civ. 3e 24 nov. 1981, n° 80-14626, Société Immobilière et Forestière c/ État Français, inédit - Civ. 3e 9 nov. 1981 : Gaz. Pal. 1981, 1, panor. p. 130 - Civ. 3e 6 oct. 1981, Gaz. Pal. 1982, 1, pan. p. 63 1982 - Civ. 3e, 2 févr. 1982, Gaz. Pal. 1982. 2, pan. 195, Rev. Loyers 1982, p. 248 - Civ. 3e 4 mai 1982, Gaz. Pal. 1982, 2, pan. p. 281 - Civ. 3e, 8 juin 1982, n° 1022 : Bull. Civ. III n° 146 - Civ. 3e, 20 déc. 1982, n° 81-13.495 : Bull. Civ. III n° 257 1983 - Civ. 3e 1er févr. 1983 : Bull. civ. III, n° 31 ; RD imm. 1984, p. 361. - Civ. 3e 13 avr. 1983, JCP 1983, IV, p. 189. - Civ. 3e 14 juin 1983 : Bull. civ. III, n° 136 1984 - Civ. 3e 19 juill. 1984 : Bull. civ. III, n° 145 1985 - Civ. 3e 8 janv. 1985, D. 1985. somm. 236 - Civ. 3e 13 févr. 1985, Rev. Loyers 1985. 337 - Civ. 17 avr. 1985, Bull. Civ. III n°63, n°83-12.399, Bull. Civ. III, n°304, J-Cl loyer ZF 10-1, n°14 - Civ. 3e 26 nov. 1985, Gaz. Pal. 1986, 1, 114 125 1986 - Civ. 3e 11 juin 1986, Gaz. Pal. 1986, 2, pan. p. 179 - Civ. 3e 23 juill. 1986 : Bull. Civ. III n° 131 p. 102 ; JCP G 1986 IV, p. 293 ; Gaz. Pal. 1986, 2, pan. jurisp. p. 227, RD imm., 1987, p. 291 1987 - Civ. 3e 11 févr. 1987, D. 1987, IR p. 39 - Civ. 3e 16 déc. 1987, Gaz. Pal. 1988, 1, pan., p. 35 1988 - Civ. 3e 24 févr. 1988, Gaz. Pal. 1988. 2. 798 - Civ. 3e 18 mai 1988, D. 1988. IR 154 ; 12 juin 2001, AJDI 2001. 983, obs. J.-P. Blatter - Civ. 3e 12 oct. 1988, D.1988, p. 245 - Civ. 3e 3 nov. 1988, n° 87-15.941 et 21 déc. 1988 n° 87-18.501, JCP 1990, II, 21449, Loyers et copr. 1989, comm. 24 - Civ. 3e 30 nov. 1988 : Loyers et copr. 1989, comm. n° 64 et 183 - Civ. 3e 21 déc. 1988, Loyers et copr. 1989, comm. 131 ; Civ. 3e, 27 nov. 1990, Loyers et copr. 1992, comm. 75 1989 - Civ. 3e 10 mai 1989 ; Civ. 3e 17 octobre 1990 - Civ. 3e 31 oct. 1989, Bull. civ. III, n° 203 - Civ. 3e 7 juin 1989, Bull. civ. III, n° 132 ; Gaz. Pal. 1989.2.887, note Barbier ; RDI 1989.512, obs. Derruppé. 30 janv. 1991, Bull. civ. III, n° 44 ; JCP 1991. éd. N.II.265. 20 mars 1991, Bull. civ. III, n° 95 ; JCP 1991. éd. N.II.334 ; RDI 1991.273, obs. Derruppé ; D. 1991. Somm. 362, obs. Rozès ; Rev. Administrer juin 1991.26, note Barbier. - Civ. 3e 12 juill. 1989, n° 88-12.539, Loyers et copr. 1989, n° 484 1990 - Civ. 3e 30 mai 1990, n° 89-12.061, Bull. civ. III, n° 131, Loyers et copr. 1990. comm. n° 355– 27 nov. 1990 : Gaz. Pal. 1991, I, p. 308 - Civ. 3e 27 nov. 1990 Loyers et Copr. 1992, n° 76 - Civ. 3e 11 juill. 1990, n° 88-19.994, Gaz Pal. 1991, 1, pan. p. 36 126 1991 - Civ. 3e 16 janv. 1991: Rev. Layers 1991, p. 253 - Civ. 3e 30 janvier 1991, n° 286 P ; Civ. 3e 17 juillet 1991 n° 90-10.102 : Bull. Civ. III n° 213 - Civ. 3e 9 octobre 1991, n° 90-11.879, Loyers et copr. 1991 n° 474 - Civ. 3e 18 déc. 1991, n° 90-10.109 Bull. Civ. III n° 323, JCP éd. G 1992, IV, n° 610 1992 - Civ. 3e 19 fév. 1992, n° 90-16.148, Bull. Civ. III n° 61 - Civ. 3e 4 mars 1992 n° 429 ; RJDA 5/92 n° 434 - Civ. 3e 8 avril 1992, Gaz. Pal. 1993, 1, pan. jur. p. 4 - Civ. 3e 3 juin 1992 n° 996 : RJDA 8-9/2 n° 811, Administrer juin 1993 p. 22 - Civ. 3 civ. 14 octobre 1992, Rev. Administrer mai 1993, p. 41 e 1993 - Civ. 3e 17 févr. 1993, n° 89-12.597, Loyers et copr. 1993, n° 225 - Civ. 3e 10 mars 1993 dit « Théâtre Saint Georges », n° 91-13.418, Bull. Civ. III n° 30 p. 19, AJDI 1993 p. 710, RD Imm. 1993, p. 276, RD imm, 1994 p. 511, RD 1994 p. 47, RTD comm. 1993 p. 638, AJPI 1993.710, obs. B. Boussageon; JCP 1993. éd. E. II.460, note B. Boccara ; JCP 1993.11.22089, note F. Auque ; Loyers et copr. juin 1993, p. 1, chron. P. H. Brault ; Gaz. Pal. 1993.2.313, note J.-D. Barbier, D. 1994.47, obs. L. Rozès ; JCP 1993. II. 22089, note F. Auque ; Loyers et copr. juin 1993, comm. P. H. Brault ; Gaz. Pal. 3 juillet 1993, comm. J.-D. Barbier ; Rev. dr. imm. 1993, p. 276, comm. J. Derruppé et G. Brière de L'Isle - Civ. 3e 19 mai 1993 n° 91-16.254 ;; - Civ. 3e 16 juin 1993, n° 91-19.996, JCP 1993, IV, n° 2090, Loyers et copr. 1993 comm. 438 - Civ. 3e 27 octobre 1993, AJPI 1994.207 - Civ. 3e 21 déc. 1993, AJPI 1994, p. 121, obs. J.-P. Blatter 1994 - Civ. 3e 23 fév. 1994, n° 92-13.588, Bull. Civ. III, n° 32, Loyers et copr. 1994, 293, Rev. Loyers 1994, p. 444 - Civ. 3e 18 mai 1994 n° 906 : RJDA 8-9/94 n° 915 127 1995 - Civ. 3e 1er mars 1995, n° 93-10.172, Bull. civ. III n° 66, Administrer 1995, n° 269, p. 27, note J.-D. Barbier - Civ. 3e 22 mars 1995, n° 93-14.282, Administrer, août-sept. 1995 - Civ. 3e 28 mars 1995, n° 93-16.657, Rev. Loyers 1995, p. 414 - Civ. 3e 5 avr. 1995, AJPI 1995.587, note Blatter - Civ. 3e 21 juin 1995, RJDA 1995 n°51 1996 - Civ. 3e 7 févr. 1996, n° 94-11.909, Bull. civ. III, no 40 - Civ 3e 6 mars 1996, n° 93-17.520, Bull. civ. III, n° 61, Rev. Loyers 1997, p. 41 - Civ. 3e 6 mars 1996, n° 94-12.162, AJPI 1996, 582 - Civ. 3e 3 avr. 1996 : RJDA 1996. 896 - Civ. 3e 17 avr. 1996, no 94-17.181, AJPI 1996, p. 1014, Rev. Huissiers 1997, p. 496 - Civ. 3e 30 mai 1996 Bull. civ. III p. 81, RJDA 8-9/96 n° 1026 - Civ. 3e 12 juin 1996 n° 1068 P : RJDA 10/96 n° 1164 1997 - Civ. 3e 8 janv. 1997, n° 95-11.482, Bull. civ. III, n° 5, Gaz. Pal. 1997, 1, 211, Loyers et copr. 1997, n° 175 - Civ. 3e 4 février 1997, n° 201 : Administrer juin 1997 p. 27, Loyers et copr. 1997 comm. n° 144. - Civ. 3e 5 mars 1997 - Civ. 3e 2 juillet 1997, Gaz. Pal. 1997, 2, somm. p. 462, obs. J.-D. Barbier - Civ. 3e 1er octobre 1997, n° 95-21.806, AJDI 1998 p. 109. - Civ. 3e 16 octobre 1997, Dalloz Affaires, 1998, p. 100, obs. Y. R. - Civ. 3e 13 nov. 1997, Bull. Civ. III, n° 203, D.1997.IR.254 - Civ. 3e 26 nov. 1997, n° 96-11.191, Administrer, janv. 1998, p. 42 - Civ. 3e, 16 déc. 1997, n° 96-16.779, RDI 1998, 698 ; Administrer, avr. 1998, p. 39, Loyers et copr. 1998, n° 126 1998 - Civ. 3e 4 mars 1998, AJDI 1998, p. 620. J.-P. Blatter, Loyers et copr. 1998, n° 159, obs. Brault et Mutelet - e Civ. 3 18 mars 1998, AJDI 1998, p. 358, note J.-P. Blatter 128 - Civ. 3e 1er avril 1998, n°96-14.638, Bull. Civ. III, n°77, Gaz. Pal. 28 août 1998, pan. 228. - Civ. 3e, 10 juin 1998, Bull. cass. III, n° 119 - Civ. 3e 23 juin 1998, Loyers et copr. 1998, comm. 233 - Civ. 3e 7 octobre 1998, n° 96-22.437, Droit et pratique des baux commerciaux – rédaction des clauses extérieures au statut, n° 260.180 - Com. 4 nov. 1998, n° 96-22.251, RDI 1999.161 - Civ. 3e 26 novembre 1998, RD imm. 1999, p. 162, obs. Derruppé - Civ. 3e 2 déc. 1998, n° 97-11.791, Bull. Civ. III, n° 228 ; BPIM 1/99, n° 66, p. 26 ; Gaz. Pal. 28-30 mars 1999, PB : RJDA 2/99 n° 155, D. 1999 IR 23, JCP 1999 IV, n° 1114 - Civ. 3e 16 déc. 1998, n° 96-22.232, Bull. civ. III, n° 245 1999 - Civ. 3e 13 janvier 1999 n° 42 : RJDA 3/99 .269 - Civ. 3e 27 janv. 1999, n° 97-13.366, Bull. civ. III, n° 22, AJDI 1999. 699, obs. D. Cohen-Trumer - Civ. 3e 24 févr. 1999, n° 97-11.554, Rev. Loyers 1999 p. 411, Administrer 1999, n° 315, p. 32, AJDI 1999, p. 655 - Civ. 3e 24 mars 1999, n° 97-16.708, Sté Brasserie des Arts c/ Cts Colombo inédit, AJDI 2000, 45, RDI 1999, 469 - Civ. 1ère 7 avril 1999 n° 97-10.067 : Loyers et copr. 1999 comm. n° 2111 - Civ. 3e 5 mai 1999, n° 97-15.484, Bull. Civ. III, n° 104 - Civ. 3e 2 juin 1999: D. affaires 1999, p. 1067, obs. crit. Y. Rouquet ; Rev. Administrer août-sept. 1999, p. 51, obs. B. Boccara, D. Lipman-Boccara et M.-L. Sainturat ; Rev. Administrer avril 2000, p. 27, note J.-D. Barbier - Civ. 3e 30 juin 1999, n° 96-21.449, D. 1999, p. 31 - Civ. 3e 30 juin 1999, n° 97-19.002, Defrénois 1999, 1199 - Civ. 3e 12 juillet 1999 n° 97-21.2000, Administrer, oct. 1999, p. 31 - Civ. 3e, 29 sept. 1999, n° 97-21.171, Loyers et copr. 1999, n° 291 - Civ. 3e 24 nov. 1999 : Juris-Data n° 1999-004065 ; Bull. civ. III, n° 223 ; D. 2000, AJ, p. 51, note Y. Rouquet ; AJDI 2000, p. 311, obs. Blatter ; Petites affiches 18 sept. 2000, p. 10, note M. Kéita 129 2000 - Civ. 3e 2 févr. 2000, n° 98-13.018, AJDI 2000, 433 ; Rev. Loyers 2000, p. 256, Administrer, mai 2000, p. 28 - Civ. 3e 15 mars 2000, n° 98-16.771, RDI 2000, p. 402, obs. J. Derruppé, Loyers et copr. 2000, n° 141, obs. Brault Ph.-H., RD imm. 2000, p. 402, obs. Derruppé J. - Civ. 3e 15 mars 2000, RDI 2000, p. 402, obs. J. Derruppé. - Civ. 3e 29 mars 2000, n° 98-11.518, AJDI 2000, 554, Loyers et copr. 2000, n° 200 - Civ. 3e 13 déc. 2000: Bull. civ. III, n° 187 ; D. 2001. AJ 551, obs. Rouquet; ibid. 2001.Somm. 3521, obs. Rozès. - Civ. 3e 19 déc. 2000, n° 99-13.642, Administrer, mars 2001, p. 29 - Civ. 3e 6 nov. 2001, n° 00-17.220, NP, AJDI 2002, 215 - Civ. 3e 29 nov. 2000, n° 99-12.730, JCP E 2001 n° 17, p. 711 2001 - Civ. 3e 7 mars 2001, Bull. civ. III, n° 29 ; D. 2001, AJ p. 1874, obs. Y. Rouquet ; ibid. 2001, Somm. p. 3527, obs. L. Rozès - Civ. 3e 21 mars 2001, n° 99-16.640, Bull. Civ. III, n° 35 ; AJDI 2001, p. 698 ; D. 2001, AJ, p. 2039, AJDI 2001, 698 ; JCP E 2001, 1243 - Civ. 3e 3 avril 2001, n° 99-19.768 Gaz. Pal. 2002, somm. p. 162 - Civ. 3e 27 juin 2001, n° 99-21.801, Administrer, nov. 2001, p. 32 - Civ. 3e 26 sept. 2001, n° 00-13.924, Administrer, janv. 2002 p. 26 - Civ. 3e 10 oct. 2001, Defrénois 2002. 176, note S. Duplan-Miellet - Civ. 3e 6 nov. 2001, n° 00-17.967, Administrer, févr. 2002, p. 25 ; AJDI 2002 p. 216 - Civ. 3e 21 nov. 2001, AJDI 2002 p. 31, obs. M.-P. Dumont - Civ. 3e 5 déc. 2001, n° 00-14.294 - Civ. 3e 12 déc. 2001, Loyers et copr., 2002, n° 90 - Civ. 3e 19 déc. 2001, n° 00-14.425, Bull. Civ. III n°156 ; BRDA 2/2002, n°10 2002 - Civ. 3e 30 janv. 2002, n° 00-15.202, Bull. Civ. III, n° 21. - Civ. 3e 27 mars 2002, RJDA 6/02 n° 601 - Civ. 3e 7 avril 2002, Administrer, juill. 2002, p. 15 130 - Civ. 3e 29 avr. 2002, n° 01-01.497, AJDI 2002. 523, obs. J.-P. Blatter, RTD com. 1999, p. 368, obs. J. Monéger, Loyers et copr. 2002, n° 204 ; AJDI 2002, 522 - Civ. 3e 7 mai 2002 « Unibail » : AJDI 2002. 523, obs. J.-P. Blatter, Gaz. Pal. 2002, 2, p. 972, note Barbier J.-D., Rev. Administrer 2002, n° 346, p. 14, obs. Boccara B. et Lipman-Boccara. Gaz. Pal. 2002, 2, p. 972, note Barbier J.-D., Rev. Admin. 2002, n°346, p. 14, obs. Boccara B. et Lipman-Boccara - Civ. 3e 5 juin 2002, BICC, 1er octobre 2002, n° 931, p. 9, Bull. n° 127, AJ 2534, obs. Y. Rouquet - Civ. 3e 2 oct. 2002, AJDI 2003 p. 28, RD 2002 p. 3014, RTD Comm. 2003 p. 277. - Civ. 3e 13 nov. 2002, ibd. 2003 p. 36 - Civ. 3e 27 nov. 2002, n° 01-12.816, Bull. civ. III, n° 235. 2003 - Civ. 3e 19 mars 2003, AJDI 2003 p. 348. - Civ. 3e 2 avr. 2003, n° 01-17.017, Bull. Civ. III, n° 76 - Civ. 3e 27 mai 2003, n° 02- 11.666, AJDI 2003, p. 668 - Civ. 3e 12 juin 2003 Bull. Civ. III n° 126, p. 113 - Civ. 3e 9 juillet 2003, n° 02-11.621, Bull. Civ. III n° 147 2004 - Civ. 3e 10 mars 2004, Bull. civ. III, n° 52, n° 02-14.998, Loyers et copr. 2004, no 91, obs. Brault Ph.-H., D. 2004, AJ p. 878, obs. Rouquet Y., Defrénois 2004. 1325 - Civ. 3e 24 mars 2004 N° 366 FS-PB : RJDA 6/04 n° 679 - Civ. 3e 5 mai 2004, n° 03-10.477, Bull. civ. n° 90 ; AJDI 2005, 27, D. 2004, n° 21, 1526 - Civ. 3e 19 mai 2004, no 02-20.243, AJDI 2005.208, obs. M.-P. Dumont - Civ. 3e 30 juin 2004, n° 03-10.754, Bull. Civ. III, n° 138 ; D. 2004, AJ 2232 ; AJDI 2005, 131, n° 810 F-PBI : RJDA 10/04 1095. - Civ. 3e 7 juill. 2004, Bull. Civ. III, n° 145. D. 2004. AJ. 2573 - Civ. 3e 28 sept. 2004, n°03-12.189, NP, AJDI 2005, 213. - Civ, 3e, 27 oct. 2004, D. 2004.3071 - Civ. 3e 9 nov. 2004, AJDI 2005. 382, note C. Denizot - Civ. 3e, 24 nov. 2004, n° 003-15.807, Bull. Civ. III, n° 208, Rev. Loyers 2005/853, n° 42 131 2005 - Civ. 3e, 18 mai 2005, n° 04-13.798, NP, AJDI 2005, 661 2006 - Civ. 3e, 25 janvier 2006, n° 04-20.173, Rev. Loyers 2006/866, n° 335, p. 186. V. 3e, 30 mai 2007, n° 06-12.853 - Civ. 3e 21 fév. 2006 n° 05-15.776, Administrer 2006, n° 388, p. 41 obs. D LipmanBoccara - Civ. 3e 4 mai 2006 no 05-15.151, Bull. civ. III, no 110, p. 93, D. 2006. AJ 1531, obs. Y. Rouquet, AJDI 2006. 736, note J.-P. Blatter, JCP E 2007. 2780, note M.P. Dumont-Lefrand ; RD 2007 p. 1827. - Civ. 3e 13 déc. 2006, no 06-12.323, Bull. civ. III, no 248 ; D. 2007. AJ 158, obs. Y. Rouquet ; Loyers et copr. 2007, 28, obs. Ph.-H. Brault 2007 - Civ. 3e 10 janv. 2007 : Bull. civ. III, n° 1 ; D. 2007. AJ 298, obs. Rouquet ; AJDI 2007. 480, note Zalewski ; Rev. loyers 2007. 135, obs. Rémy - Civ. 3e 21 février 2007 n° 167 FS-PBR : RJDA 5/07 n° 455 - Civ. 3e 21 mars 2007, Bull. civ. n° 40, AJDI 2007 p. 836 2008 - Civ. 3e 8 janv. 2008, n° 06-14.190 ; 1ère ch. Sect. B, 9 oct. 2007, n° RG : 0604404 - Civ., 3e 23 janvier 2008, n° 06-19.129, Bull. Civ.III, 2008, n° 11, RTD Civ. 2008, p. 292, Fages, Rép. Com. n° 383, Droit et pratique des baux commerciaux, 2011, n° 360-08.J-Cl Bail à loyer, Fasc. 1265, Cote : 02,2002 - Civ. 3e 5 mars 2008, Bull. civ. III, n° 38 ; D. 2008. AJ 848, obs. Rouquet; AJDI 2008. 668, note Denizot ; Monéger, Loyers et copr. 2008, Repère n° 4 - Civ. 3e 5 mars 2008, n° 05-20.200, Bull. Civ. III, n° 41, AJDI 2008, p. 579. - Civ. 3e 16 avril 2008, n° 07-15.486, Bull. civ. III, n° 72; AJDI 2008.843, obs. Blatter; D. 2008. AJD1205, obs. Rouquet ; Loyers et copr. 2008, n° 133, obs. Brault - Civ. 3e 11 juin 2008, n°07-14.551, Bull. Civ. III, n°103 - Civ. 3e 9 juill. 2008, n° 07-14.631, Bull. Civ. III, n° 121, AJDI 2008 p. 841, RD 2009.896 132 - Civ. 3e 15 octobre 2008, n° 07-17.727, Bull. Civ. III, n° 151 ; D. 2008, 1J 2667 ; Rev. Loyers 2008, 542 ; Administrer déc. 2008 ; Loyers et copr., 2008, n° 281 ; RJDA 2008 n° 1232 - Civ. 3e 25 nov. 2008, Ann. Loyers 2009, 44 2009 - Civ. 3e 20 janvier 2009, n° 07-20.854, RTD comm. 2009 p. 694 - Civ. 3e 4 fév. 2009 n° 07-20.980 FS-PBI : RJDA 10/09 n° 815 2010 - Civ. 3e 8 avril 2010, n° 09-0.226, AJDI 2010 p. 720, note Rouquet - Civ. 3 18 mai 2010, n° 09-15.352 ; 18 janv. 2011, n° 09-71.933 - Civ. 3 15 sept. 2010, n° 09-15.192 FS-PB : RJDA 1/11 n° 20, D. 2010. Actu. e e 2225, obs. Y. Rouquet - Civ. 3e 9 décembre 2010, D.2011, Actu. 9 obs. Rouquet Cour d’appel 1934 - CA Amiens, 2 nov. 1934, Gaz. Pal. 1934, 1, p. 70 1951 - CA Besançon, 15 févr. 1951 : Gaz. Pal. 1951, 1, p. 303 ; D. 1951, p. 244 1960 - CA Rennes, 1er avr. et 12 juill. 1960, Ann. Loyers, 1961, p. 304 1962 - CA Paris, 3 oct. 1961, JCP 1962. II. 12759, note Boccara 1963 - CA Paris, 30 oct. 1962, D. 1963, Somm. 37 1967 - CA Lyon, 25 avril 1967, Ann. L. 1968-1567 1968 - CA Paris, 16e ch., 25 janvier 1968, Rev. Loyers, 1968, p. 19 1975 - CA Douai, 5 juin 1975, Rev. Loyers 1976 p. 19 133 - CA Paris, 9 juillet 1975, Ann. L. 1976-1110 1978 - CA Paris, 24 fév. 1978, Gaz. Pal. 1978, 1, 321 1980 - CA Paris, 18 oct. 1979, Gaz. Pal. 1980, somm. p. 77 1981 - CA Paris 5 févr. 1981, D. 1981, IR 377 1982 - CA Versailles, 6 octobre 1982, Rev. Loyers 1983, p. 321 1983 - CA Versailles, 28 avr. 1983, Rev. Loyers 1983, p. 434 - CA Versailles, 21 oct. 1983, Gaz. Pal. Tables 1984, « Baux commerciaux », n° 63 1987 - CA Paris 29 janvier 1987 D. 1987, IR 33 1992 - CA Poitiers, 15 mars 1992, Ann. L. 1992-1077 - CA Paris, 6 nov. 1992, D. 1993, IR 41 1993 - CA Versailles, 12e chambre, 10 juin 1993 : Juris-Data n° 1993-043810 - CA Paris, 14 oct. 1993, Administrer, mars 1994, p. 56 ; 27 mars 1997, Loyers et copr. 1997, n° 264. - CA Paris 26 oct. 1993, Administrer, mai 1994 p. 51. - CA Paris, 2 nov. 1993, Gaz. Pal. 1994, A, somm., p. 177 1994 - CA Paris 13 septembre 1994, Loyers et copr. 1994, n° 479, note Ph.-H. Brault ; J.P. Blatter, AJDI 1998, p. 173 - CA Paris, 7 juin 1994, Loyers et copr. 1994, n° 295 - CA Paris, 21 juin 1994 : Gaz. Pal. 1995, A, somm. p. 48 - CA Paris, 9 sept. 1994, D. 1994, IR p. 227 - CA Paris, 7 oct. 1994, Gaz. Pal. 1995, 2, somm. 347 - CA Paris, 16e ch. B. 27 octobre 1994, Gaz. Pal. 1995, 2, somm. 395 1995 134 - CA Versailles 2 février 1995 12ème ch. 1e section : RJDA 5/95 n° 552 - CA Paris, 22 févr. 1995, Gaz. Pal. 1995, 2. Somm. 392 - CA Paris, 11 avril, 1995, Loyers et copr. 1995, p. 279. - CA Paris 16e ch. B, 29 juin 1995, Loyers et copr. 1996, comm. n° 78 - CA Paris, 12 oct. 1995, Gaz. Pal. 1996, 2, somm. 576 - CA Paris, 9 nov. 1995, Administrer févr. 1996, no 275, p. 35, note B. Boccara 1996 - CA Versailles, 2e ch., 19 février 1996 - CA Paris, 12 sept. 1996 Gaz. Pal. 30 mars 1997, p. 26 - CA Paris, 1er oct. 1996, Loyers et copr. 1996, n° 475, obs. P. et H. Brault ; Adm. Avril 1997-37, obs. Boccara 1997 - CA Versailles 12e ch. 1, 9 janvier 1997, JCP G 1997.II.22797 ; Ph.-H. Brault, Loyers et copr. février 1997 - CA Paris 16e ch. Sect. A 14 janvier 1997, n° RG : 95/11149 - CA Paris 5 févr. 1997, Loyers et copr. 1998, n° 13 - CA Paris 27 juin 1997, Loyers et copr. 1998, comm. 273 - CA Versailles 12e ch. 2e sect. 16 octobre 1997, Dalloz Affaires, 1998, p. 100, obs. Y. R. 1998 - CA Paris, 1ère ch. B. 6 févr. 1998, Loyers et copr. 1998, n° 68 - CA Paris, 31 mars 1998, Loyers et copr. 1999 n° 68 - CA Paris 29 mai 1998, 16ème ch. B : D. aff. 1998 p. 1306 - CA Versailles 26 novembre 1998, RD imm. 1999, p. 162, obs. Derruppé - CA Paris, 4 déc. 1998, Loyers et copr. 1999, n° 95 1999 - CA Paris, 16e ch. B. 12 fév. 1999, Gaz. Pal. 1999, 2, somm. p. 211, obs. J.-D. Barbier - CA Paris, 16e ch. A, 6 oct. 1999 n° 1997/18171 2000 - CA Paris, 17 mars 2000, Loyers et copr. 2000, no 141, obs. Ph.-H. Brault. - CA Paris 16e ch. B. 28 avr. 2000, AJDI 2000, 736 135 - CA Paris, 16e ch. B, 28 sept. 2000, AJDI 2000, p. 1060 - CA Reims, 30 nov. 2000 : Juris-Data n° 2000-142786 ; JCP E 2001, p. 1406 2001 - CA Paris 16e ch., 2 févr. 2001, AJDI 2001, 339 - CA Paris 9 fév. 2001, AJDI 2001.341 - CA Versailles, 2 oct. 2001, RJDA 2002, n° 230, p. 196. - CA Paris, 16e ch. A, 12 déc. 2001, Administrer, mars 2002, p. 23 2002 - CA Paris, 16e ch. Sect. A, 16 janv. 2002, n° RG : 1999/15335 - CA Paris, 11 oct. 2002, n° 2001/15798, AJDI 2003 p. 35 - CA Paris, 16e ch., sect. B, 16 déc. 2002 : Administrer mai 2003, p. 27, obs. Boccara 2004 - CA Paris, 23 janvier 2004, n° 2003/05683 - CA Paris 13 fév. 2004, n° 2003/19749, AJDI 2004, p. 379, Loyers et copr. 2004, n° 129 - CA Poitiers, 17 févr. 2004, JCP E 2005, 649 - CA Paris, 29 sept. 2004, AJDI 2005, 33 - CA Paris 16e ch. A 8 déc. 2004, Gaz. Pal. 15-16 avr. 2005 2005 - CA Paris, 16e ch. A, 12 janv. 2005, Loyers et copr. 2005, 95. - CA Amiens, 8 févr. 2005, JCP 2005. II. 10060, obs. F. Auque. - CA Paris 16e ch. A. 21 février 2005, n° 2004/05531, AJDI 2005, 575. - CA Paris 16e ch. A, 2 mars 2005, Rev. Loyers 2005, p. 261 - CA Paris 5 sept. 2005, Loyers et copr. 2006. 2006 - CA Montpellier, 1ere ch. Sect. B, 14 février 2006. - CA Paris, 2 mars 2006 RG : 05/08364 - CA Paris 16e ch. Sect. A, 26 avr. 2006, n° 05/01903 - CA Paris, 14e ch, sect. A, 4 octobre 2006, n° RG : 06/01923, AJDI 2006, p. 906. - CA Aix en Provence, 4e ch. Sect. C, 14 déc. 2006, N° RG : 03/15111 2007 - CA Paris, 21 fév. 2007, Juris-Data n°2007-329400 136 - CA Paris 16e ch. section B 24 mai 2007, n° RG 06/15036, Administrer 2007 n° 403 p. 77 - CA Montpellier 1re ch. Sect. B., 5 juin 2007, n° RG : 06/03501 - Ca Paris 16e ch. Sect. B, 22 nov. 2007, n° RG : 06/17666 - CA Paris, 4 juill. 2007, RG no 2006/1427 - CA Bordeaux, 2e ch. 17 oct. 2007, n° 06/03928 2008 - CA Nîmes, 2e ch. A, 24 janv. 2008, Juris-Data n° 2008-357134 - CA Paris 16e ch. sect. A, 7 mai 2008, n° RG : 06/01427, AJDI 2008 n° 291. RTD - CA Paris 2 juillet 2008 n° 06-6576, 16e ch. A : Loyers et copr. 2008 comm. n° 249 2009 - CA Paris 4 fév. 2009, Administrer, mai 2009, 38 - CA Paris, 16e ch. A., 20 mai 2009, Administrer oct. 2009, somm. 60. Tribunaux de grande instance 1989 - TGI Paris, 18e ch. 2e sect., 13 Juillet 1989, Gaz. Pal. 1991, 2, somm. 340 1994 - TGI Paris, 13 sept. 1994, Rev. Loyers 1995, p. 367. - TGI Nanterre, 10 juin 1994, Gaz. Pal. 1994, 2, somm. 657 1995 - TGI Paris, 18e ch. 1re sect., 26 sept. 1995, AJPI 1995, 1104 1996 - TGI Nanterre, 25 juin 1996, AJPI, 1997, 257 1997 - TGI Paris, 10 janv. 1997, Gaz. Pal. 1997, 1, somm. 181. 137 TABLE DES MATIERES INTRODUCTION GÉNÉRALE PREMIÈRE PARTIE. LA GESTION PRÉCONTRACTUELLE DES RISQUES LIES AU RENOUVELLEMENT INTRODUCTION CHAPITRE I. LA CONNAISSANCE PRÉALABLE DE L’ENVIRONNEMENT JURIDICO-ÉCONOMIQUE DU RENOUVELLEMENT INTRODUCTION SECTION I. REPENSER LE PROFIL DU PRENEUR Paragraphe 1. « Un bailleur puissant, un preneur faible » : un postulat remis en question A. Un rapport de domination avéré dans le passé 1. Le dessein perpétuel de protéger le preneur 2. La justification de la protection par la configuration économique du marché B. L’évolution contemporaine du pouvoir de négociation de certains preneurs 1. Les causes économiques du changement de profil des preneurs 2. Le nouveau profil économique des preneurs Paragraphe 2. Un statut « pro-preneurs » ? A. Le postulat juridique : un statut exclusivement protecteur du preneur 1. Le domaine de protection 2. Protection ou privilège ? B. Une volonté absolue de protection remise en question 138 1. Une réelle volonté législative de protéger les preneurs ? 2. Une protection relative SECTION II. LA CONNAISSANCE PRÉALABLE DES CLAUSES ILLICITES Paragraphe 1. La place de l’ordre public frappant le droit au renouvellement A. Un ordre public de protection B. Une sanction relative Paragraphe 2. La traque jurisprudentielle des clauses illicites A. L’échec des clauses tendant directement à éliminer le droit au renouvellement 1. La clause limitant le nombre de renouvellements 2. Les clauses de divisibilité et d’indivisibilité 3. La clause de résiliation anticipée 4. La clause de renonciation concomitante à la signature du bail 5. La clause de reprise différée 6. Les autres clauses illicites B. L’annulation des clauses tendant à faire échec indirectement au droit au renouvellement. 1. Les clauses relatives aux conditions d’exercice du droit au renouvellement a. Les clauses concernant les baux dérogatoires b. Les clauses interdisant l’immatriculation du preneur au registre du commerce et des sociétés c. Les clauses exigeant que le preneur exploite personnellement le fonds 2. Les clauses dissimulant un bail commercial 139 CHAPITRE II. LES STRATÉGIES DE DÉTOURNEMENT DU DROIT AU RENOUVELLEMENT ET DU DÉPLAFONNEMENT SECTION I. LES CLAUSES ELUDANT LE DROIT AU RENOUVELLEMENT DU PRENEUR Paragraphe 1. La clause de renonciation : un moyen direct et efficace de faire échec au droit du renouvellement A. Les conditions d’admission de la renonciation du preneur 1. Une renonciation certaine et non équivoque 2. Une renonciation expresse ou tacite 3. L’existence d’un droit acquis B. Une rédaction doublement prudente 1. L’information du preneur par un congé 2. Exemple de clause de renonciation Paragraphe 2. La clause résolutoire : un moyen indirect d’évincer le droit au renouvellement A. Le respect des conditions de validité de la clause résolutoire 1. Le respect des conditions de fond a. Une infraction du locataire à une clause expresse du bail b. Une infraction expressément sanctionnée par la clause résolutoire 2. Le respect des conditions de forme B. Anticiper l’interprétation stricte de la jurisprudence 1. Méthodes d’interprétation 2. Les fautes admises par la jurisprudence 140 SECTION II. LES CLAUSES D’OPTIMISATION DU LOYER DE RENOUVELLEMENT Paragraphe 1. La modulation contractuelle de la durée et du loyer du bail commercial A. De l’opportunité de négocier un bail de plus de neuf ans 1. Données juridiques 2. Les effets des baux de plus de neuf ans sur le renouvellement B. Les stratégies relatives à la fixation des loyers du bail commercial 1. La fixation stratégique du loyer du bail initial 1. De l’intérêt financier d’insérer un pas-de-porte qualifié de complément de loyer 2. 2. La fixation du loyer initial par une clause recettes La fixation stratégique du loyer de renouvellement Paragraphe 2. Les autres clauses stratégiques A. Clause de destination et déplafonnement B. Le sort des travaux d’aménagement au renouvellement 1. Accession, travaux de modification et renouvellement 2. Accession, travaux d’amélioration et renouvellement C. Le sort des travaux de conformité DEUXIEME PARTIE. LES STRATÉGIES DU BAILLEUR FACE AU RENOUVELLEMENT CHAPITRE I. LA LIMITATION STATUTAIRE DES STRATÉGIES DU BAILLEUR 141 SECTION I. ABOUTIR AU RENOUVELLEMENT : LE POIDS DES CONTRAINTES LÉGALES ET JUDICIAIRES Paragraphe 1. Les risques de la procédure de renouvellement du bail commercial A. Le congé : un acte juridique risqué 1. Le risque lié au non-respect de la forme du congé 2. Contenu du congé : la fausse opportunité de proposer le montant du loyer renouvelé ultérieurement au congé 3. La délivrance précoce d’un congé : la limitation de la seule véritable stratégie B.L’adaptation forcée du comportement du bailleur face à la demande de renouvellement du preneur. 1. La confirmation indirecte de la nécessité de respecter les règles procédures : le cas des actes croisés. 2. La manipulation prudente de la forme de la réponse du bailleur Paragraphe 2. L’encadrement de la preuve d’une modification notable d’un motif de déplafonnement A. L’encadrement légal du contenu de la preuve 1. Le respect du contenu probatoire a. Un prérequis à l’appréciation légale de la valeur locative : l’absence d’accord des parties b. La référence stricte à la liste légale limitative 2. Le respect de la scène temporelle législative B. La preuve d’un motif de déplafonnement à l’épreuve des tribunaux SECTION II. REFUSER LE RENOUVELLEMENT : LES RISQUES PESANT SUR LE BAILLEUR Paragraphe 1. Le refus de renouvellement et le paiement d’une indemnité d’éviction 142 A. L’atténuation des risques liés à la procédure 1. Le fondement de l’indemnité d’éviction 2. Le contenu léger du congé portant refus de renouvellement B. L’importance de l’assiette légale de l’indemnité d’éviction 1. Composition de l’indemnité principale : la valeur marchande du fonds de commerce a. La valeur du droit au bail b. Indemnité de remplacement ou indemnité de déplacement 2. i. Indemnité de remplacement et indemnités accessoires ii. Indemnité de déplacement et indemnités accessoires Compensation éventuelle avec l’indemnité d’occupation Paragraphe 2. Refus de renouvellement et absence de paiement d’une indemnité d’éviction A. Les cas limités de refus de renouvellement sans indemnité d’éviction 1. Le refus de renouvellement pour motifs graves et légitimes à l’épreuve du juge a. La force de la mise en demeure préalable b. L’appréciation souveraine des motifs graves et légitimes 2. La reprise d’un immeuble insalubre ou dangereux a. Les formalités procédurales b. La motivation spéciale B. La sanction des tentatives de fraude du bailleur CHAPITRE II. REPENSER LE RENOUVELLEMENT DES BAUX COMMERCIAUX SECTION I. LA PERSISTANCE DES STRATEGIES DU BAILLEUR Paragraphe 1. La relativité des stratégies de dissuasion A. Brandir une clause résolutoire B. Le recours à une expertise privée 143 Paragraphe 2. La résistance passive du bailleur : une opportunité et une incertitude A. L’opportunité d’attendre l’arrivée du délai de douze années 1. Le mécanisme de la tacite reconduction 2. Les effets de la tacite reconduction sur le renouvellement B. La relativité de la stratégie passive SECTION II. PROPOSITIONS DE REFONTE DU DROIT AU RENOUVELLEMENT Paragraphe 1. Droit au renouvellement et droit communautaire A. Les baux commerciaux et le juge communautaire B. La pensée du renouvellement en Europe Paragraphe 2. Propositions de refonte du statut des baux commerciaux A. Des barrières statutaires anachroniques B. Les solutions alternatives 1. Limiter le nombre de renouvellement a. Contenu et domaine de la proposition b. Limites de la proposition 2. Les autres propositions a. Les propositions doctrinales b. Les propositions des praticiens Conclusion générale Bibliographie Table des matières 144