spécial cancers du sein
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spécial cancers du sein
Directeur de la publication : Pr Claude Huriet Comité éditorial : Pr Daniel Louvard, Dr Marc Estève, Dr Catherine Noguès, Paul Caroly, Damien Salauze Directeur de la rédaction : Catherine Goupillon-Senghor Rédaction : Céline Giustranti, Catherine Tastemain Iconographie : Cécile Charré ISSN 1768-4463 Crédit photo : Christophe Hargoues – Pedro Lombardi – Michel Brisset/Institut Curie – Phovoir – Editions Archipel – D. R. Contact : [email protected] - Tél. : 01 56 24 55 24 Maquette et réalisation : Dominique Hamot Imprimeur : tcgraphite Pour plus d’informations : www.curie.fr ont eu l’idée d’associer à la morphine, une molécule bien connue, le modafilin : utilisée dans le traitement de la narcolepsie – maladie dont le principal symptôme est que les patients dorment trop – cette molécule stimule la vigilance. L’idée était simple, mais encore fallait-il y penser. Un brevet a été déposé, et des études cliniques ont été conduites chez des patients pour vérifier l’efficacité d’une telle association. « En associant le mofadinil – un narcoléptique déjà utilisé – à la morphine, la somnolence des patients disparaît presque et il devient même possible d’augmenter la dose d’antalgique pour mieux maîtriser la douleur » ajoute le Dr Marc Estève, à l’origine de cette découverte. Ce nouveau produit, résultat de la combinaison de la morphine d’une part et du modafilin d’autre part, associées de manière astucieuse pour respecter la durée des effets de l’une et de l’autre, sera disponible dans toutes les pharmacies d’ici quelques années. D’autres solutions existent pour soulager les patients des douleurs liées à la présence des métastases osseuses comme la cimentoplastie que les médecins de l’Institut Curie pratiquent en collaboration avec des neurochirurgiens de l’hôpital du Val-de-Grâce. Un « ciment-colle » est directement injecté dans les vertèbres fragilisées. Cette consolidation diminue la douleur tout en réduisant le risque de fracture. Depuis peu, la Kyphoplastie se développe pour « réparer » une vertèbre fracturée. L’introduction de ballonnet permet de reconstruire le volume vertébral afin d’injecter un ciment pour le consolider. Tout doit être fait pour que la douleur ne soit plus une fatalité pour les patientes et ainsi maintenir leur qualité de vie. Les Mardis d’Octobre Rose de 18h à 20h Institut Curie 12 rue Lhomond 75005 Paris Amphithéâtre Constant-Burg Entrée libre dans la limite des places disponibles Mardi 4 octobre Conférence « Les nouveautés dans la prise en charge des cancers du sein » en présence d’une oncologue médical et d’un radiothérapeute. Mardi 11 octobre Projection-débat Autour du film Le corps amazone (ou le choix CANCER ? MÊME PAS PEUR ! DE MARTINE CARRET UN CRI DE RÉVOLTE CONTRE L’IGNORANCE ET LES INÉGALITÉS DE PRISE EN CHARGE À 44 ans, Martine Carret apprend qu’elle est atteinte d’un cancer du sein agressif de nature héréditaire : celui-là même qui a emporté sa mère, sa grand-mère et deux de ses proches parentes. S’engage alors une bataille contre l’hydre qui la tenaille. Mais elle n’est pas seule, car ce sport de combat se joue en équipe : staff médical, compagnon, famille, amis, entourage professionnel… Cancer, même pas peur est aussi un cri de révolte. Alors que bien des familles savent depuis longtemps, parfois depuis plusieurs générations, qu’il existe un facteur héréditaire de prédisposition, encore trop peu de médecins connaissent les avancées récentes dans le domaine. Pour quelques spécialistes qui connaissent ces cancers héréditaires, combien de médecins les ignorent encore ? Or, la surveillance est cruciale et les méthodes de dépistage efficaces existent. Soigné à un stade précoce, un cancer du sein, même agressif et d’origine héréditaire, peut être guéri. Cet ouvrage raconte le combat d’une femme qui affronte sa maladie en toute conscience, décidée à vivre normalement, malgré les traitements. Jusqu’à pratiquer la plongée sous-marine entre deux chimiothérapies. Une femme qui lutte également pour les membres de sa famille et contre l’ignorance. Au-delà du parcours d’une femme malade, Cancer ? même pas peur ! est une enquête de journaliste, une enquête destinée à éveiller les consciences… et un témoignage de courage et d’espoir. Une partie du produit de la vente de ce livre sera versée au service d’oncogénétique de l’Institut Curie (Paris) dirigé par le Pr Dominique Stoppa-Lyonnet. Editeur : Archipel A l’occasion d’Octobre Rose, mois de la mobilisation contre le cancer du sein, l’Institut Curie propose des conférences, des débats, des tables-rondes… pour s’informer sur ce cancer. de ne pas se faire reconstruire après une ablation du sein) en présence de membres du collectif des Amazones, d’une psychooncologue et d’une chirurgienne. Mardi 18 octobre Table-ronde « Quand la maladie rend créative » en présence d’un sociologue, d’une psychologue et de femmes ayant été touchées par le cancer du sein. Mardi 25 octobre Conférence-débat « La qualité de vie pendant et après un cancer » en présence de spécialistes des soins de support, de l’accompagnement des malades et des proches, et de l’aide sociale. A la Maison des Patients 11 rue Gaston Latouche, Saint-Cloud Sur inscription au 01 47 11 23 40 Mercredi 12 octobre 10h-12h Rencontre Rencontre sur « le retour au travail après un cancer » avec un psychologue et un psychosociologue. Mardi 18 octobre 10h-19h Une journée pour parler du lymphodoeme ou syndrome du gros bras. Pour en savoir plus : programme complet www.cancersdusein.curie.fr 29 LETTRE D’INFORMATION DE L’INSTITUT CURIE OCTOBRE 2011 SPÉCIAL CANCERS DU SEIN La fusion en 2010 de l’Institut Curie et du Centre René Huguenin a fait de ce nouvel ensemble hospitalier le 1er centre de prise en charge du cancer du sein en France sinon en Europe. Des hommes et des femmes qualifiés, praticiens, cancérologues, gynécologues, chirurgiens, généticiens, anatomopathologistes personnels soignants, acteurs des soins de support, interviennent à toutes les étapes de la prise en charge de cette pathologie majeure et complexe, pluridisciplinaire, et souvent lourde de conséquences pour les femmes concernées. Les progrès dans la qualité de la prise en charge ont été importants ces dernières années. Des référentiels ont été établis, pour le suivi spécifique des femmes à risque génétique, comme pour l’ensemble des cancers du sein, garantissant un suivi et des traitements adaptés à chacune. La mise en place de Réunions de Concertation Pluridisciplinaires, de consultations d’annonce, avec remise de Plans Personnalisés de Soins, garantit à toutes une homogénéité dans les décisions thérapeutiques, une inclusion optimale dans les nouveaux protocoles de traitement, un respect des délais dans les différentes étapes du traitement et la personnalisation de la prise en charge par l’identification d’un médecin référent. Des progrès ont été faits également dans le suivi spécifique liée à l’âge et aux différentes étapes de la vie des femmes, celle de la douleur, le soutien psychologique, et l’après-cancer. Enfin, les nombreux programmes de recherche clinique ou de transfert développés en sénologie à l’Institut Curie avec les scientifiques du Centre de Recherche sont porteurs de nouveaux progrès, d’une connaissance approfondie des cancers du sein et de retombées profitables pour les patientes. Dr Florence Lerebours Oncologue médicale, spécialiste des cancers du sein LES THÉRAPIES CIBLÉES CONFIRMENT LEUR EFFICACITÉ Tout l’intérêt des « grands messes » médicales tel que le congrès annuel de l’American Society of Oncology (ASCO) est de permettre au praticien qui s’y rend de mieux appréhender les progrès réalisés dans le domaine qui l’intéresse et d’avoir une vue d’ensemble de l’état de l’art en oncologie. L’étude qui a peut être le plus marquée ce 47e congrès concerne l’Aromasine® (exemestane), qui empêche la production d’œstrogènes. Elle réduit de 65% le risque de cancer du sein ou de récidive chez des femmes ménopausées. En ce qui concerne le traitement antiangiogénique Avastin® (bevacizumab), les résultats, encore très hétérogènes, plaident en faveur de la recherche d’un biomarqueur permettant d’identifier les patientes pour lesquelles il présente un réel avantage. Cette année aura aussi été marquée par la confirmation de l’intérêt les thérapies ciblées. Contrairement aux médicaments « classiques » utilisés en chimiothérapie - qui détruisent les cellules tumorales mais aussi d’autres, d’où les effets secondaires -, on a là des molécules qui vont freiner la progression tumorale en bloquant des facteurs de croissance bien précis ou des oncogènes spécifiques d’une tumeur. Pour le Dr Etienne Brain, oncologue médical, spécialiste des tumeurs du sein, à l’Institut Curie (Saint-Cloud), plusieurs études dont une sur les cancers du sein présentées à l’ASCO, illustrent bien les améliorations que l’on peut attendre de ces thérapies. Chez des patientes ayant un cancer du sein surexprimant le récepteur HER2, l’association Herceptin® (trastuzumab, un anticorps monoclonal bloquant un récepteur membranaire) et Tyverb® (lapatinib, un inhibiteur de tyrosine kinase), administrée avant l’opération et surtout sans chimiothé- Chiffres clé 6167 femmes traitées pour un cancer du sein dont environ 2500 nouveaux cas de cancer du sein plus de 16 000 mammographies et 2000 IRM mammaires par an 4400 chirurgies mammaires réalisées en 2010 29 rapie, donne des résultats étonnants : après deux mois de traitement, 30% des malades voient leur tumeur se résorber complètement. « C’est assez exceptionnel », estime Etienne Brain. En résumé, l’efficacité des thérapies ciblées se confirme donc, elles ont pour attrait d’être moins « lourdes » pour le patient et plus facilement administrable. Elles n’en conservent pas moins des effets secondaires qu’il est parfois difficile de contrôler, bien qu’ils soient rarement sévères, et des résistances apparaissent déjà. Tout cela incite évidemment à développer les recherches dans ce domaine. Mais dans quel sens ? Etienne Brain plaide en faveur d’une accentuation de la recherche fondamentale ayant pour objectif la caractérisation moléculaire des pathologies : « on a toutes une série de clés (les anticorps, les inhibiteurs...), encore faut-il trouver la serrure qui correspond à chacune d’elle ». L’enjeu dorénavant est donc, pour chaque pathologie, de découvrir et de définir les serrures les plus efficacement « attaquables ». UN PROGRAMME PERSONNALISÉ DE SUIVI POUR LES FEMMES À RISQUE DE CANCERS DU SEIN OU DE L’OVAIRE Dans le cadre d’un appel à projet de l’Institut National du Cancer, l’Institut Curie conduit, une expérience pilote pour la prise en charge des femmes à risque de cancers du sein et de l’ovaire. « A terme, ce dispositif devra être généralisé sur le plan national » explique le Dr Catherine Noguès, chef du service d’oncogénétique clinique et directrice médicale de l’Institut Curie (Saint-Cloud), en charge de ce projet. En France, près de 50 000 femmes de 25 à 70 ans pourraient être prédisposées au cancer du sein. Parmi ces femmes, environ 50 % sont porteuses d’une mutation d’un des deux gènes majeurs de prédisposition au cancer du sein ou de l’ovaire identifiés : les gènes BRCA 1 et 2. Pour d’autres, si l’histoire familiale est évocatrice d’un risque accru de cancer, aucune mutation n’a en revanche pu être mise en évidence. « Notre dispositif s’adresse à toutes les femmes dont le contexte familial est évocateur d’un risque accru de cancer du sein ou de l’ovaire (quelle soient ou non porteuses d’une mutation d’un des deux gènes de prédisposition connus) soit 400 à 450 femmes chaque année pour l’Institut Curie (Paris et Saint-Cloud) » explique Catherine Noguès. Ce programme débute par une consultation spécifique, au cours de laquelle le médecin explique aux femmes leur projet personnalisé de suivi et leur remet un carnet de surveillance répertoriant les examens à effectuer, leur échéance et des fiches d’information. « Selon un rythme adapté à son ACCOMPAGNER LES PATIENTES DANS L’APRÈS-CANCER ujourd’hui, la prise en charge des patientes ne s’arrêtent plus à la fin des traitements. La période dite de l’après-cancer, qui suit la phase intensive des traitements, représente un moment fort de la reconstruction des patientes pendant laquelle elles ont besoin d’être accompagnées. L’amélioration du retour à une vie normale nécessite le repérage des séquelles post-thérapeutiques, la mise en place d’un suivi médical, l’identification des besoins de soins de support et l’information sur les règles de vie limitant le risque de rechute. A Pour que le lymphœdème ne soit plus une fatalité Le lymphœdème ou « gros bras » est une complication qui peut survenir lors du traitement d’un cancer du sein, suite à l’ablation ou à l’irradiation des ganglions se trouvant sous l’aisselle. Même si actuellement, la technique chirurgicale du ganglion sentinelle permet de réduire la fréquence du lymphœdème, il n’en reste pas moins que nombre de femmes ont ou auront un lymphœdème à la suite du traitement de leur cancer du sein. Ce qui se traduit par un gonflement du bras du côté du sein traité. « Ce gros bras nécessite un traitement adapté afin d’éviter les complications infectieuses et les répercussions physique et/ou psychologique » explique le Dr Claude Boiron, responsable des Soins de Support à Institut Curie (Saint-Cloud). « C’est la raison pour laquelle, nous avons souhaité accueillir sur un même lieu les patientes pour évaluer leur situation et leur proposer un traitement personnalisé en lien avec les professionnels de ville » ajoute Claude Boiron. Sur une demi-journée, les femmes concernées rencontrent les différents professionnels dont elles ont besoin. Tout d’abord, une évaluation médicale est effectuée par le Dr Claude Boiron et un masseur kinésithérapeute. A la suite de cette consultation, le traitement le mieux adapté leur est alors proposé. Il se déroule dans la mesure du possible en lien avec un masseur kinésithérapeute en ville. Si la patiente présente un surpoids, une diététicienne conseille et informe alors sur les règles hygieno-diététiques nécessaires à une perte de poids. Si besoin, une assistante sociale peut accompagner les patientes afin d’obtenir une aide à domicile ou un réaménagement professionnel. Enfin, en cas de retentissement psychologique du lymphœdème, un soutien peut être proposé soit à l’hôpital, soit à l’extérieur en lien avec les réseaux de santé en cancérologie. Sport sur ordonnance Le sport, c’est bon pour la santé. Une évidence que confirme bon nombre d’études, que ce soit pour limiter le risque de cancer mais aussi réduire les rechutes. Une activité physique dynamique et régulière (pas forcément sport) avec en parallèle la mise en place de bonnes règles d’hygiène alimentaire diminue sérieusement le risque de rechute chez les patientes atteintes de cancer du sein. Depuis septembre, les patientes ayant terminé les traitements d’un cancer du sein, se voient donc proposer systématiquement dans le cadre de leur plan personnalisé de surveillance un projet d’activité physique. Tout commence par un bilan physique individuel avec des professeurs d’activité de l’association Siel Bleu (Sport, Initiative Et Loisirs). « En fonction des capacités de chacune, ces professionnels font des propositions quant à la meilleure façon de bouger davantage, sans forcément faire du sport. Des activités physiques collectives adaptées sont désormais proposées à l’Institut Curie moyennant une petite participation financière, la grande partie étant directement prise en charge par l’Institut » explique le Dr Laure Copel, responsable de l’unité Mobile d’accompagnement et de soins continus de l’Institut Curie (Paris). Une initiative qui pourrait s’étendre car les études préliminaires montrent également un effet bénéfique chez les patients atteints de cancer du côlon. risque personnel, chaque femme se verra proposer un suivi personnalisé, dans lequel elle-même et son MIEUX TRAITER LA DOULEUR médecin en ville prendront une part active, en lien avec les cancérologues de l’Institut Curie » explique Christine Rousset-Jablonski, gynécologue à l’Institut Curie. Cette nouvelle organisation assure une prise en charge cohérente et optimale avec une surveillance plus précoce, plus fréquente et plus spécialisée des femmes à risque de cancers du sein et de l’ovaire pour anticiper l’éventuelle survenue d’une tumeur. « Cette formalisation du parcours de soin et le suivi en alternance ne peut se concevoir sans une forte implication des réseaux de soins partenaires, notamment Gynécomed, et des médecins de ville auxquels nous proposons des formations et un accompagnement permanent » complète Catherine Noguès. L’institut dispose d’une expérience de plus de 20 ans dans le suivi de ces femmes et a mis en place les premières consultations d’oncogénétique en France en 1991. Avec ce programme, l’institut franchit une nouvelle étape en proposant un programme structuré pour l’ensemble de la prise en charge des femmes à risque. Qu’elles entraînent une simple gêne ou un handicap majeur, les douleurs dues à un cancer du sein ne doivent jamais être négligées. Elles peuvent découler directement de la maladie ou être la conséquence des traitements. De même que les causes sont multiples, leur prise en charge dépend de leur nature et de leur intensité. « 25 à 30 % des femmes traitées pour un cancer du sein présentent des douleurs qualifiées de douleurs neuropathiques. » explique le Dr Marc Estève, anesthésiste et directeur médical de l’Institut Curie (Paris-Orsay) « Il s’agit de douleurs engendrées par un déséquilibre entre la sensibilité à la douleur et la sensibilité tactile. » Un nombre important de patientes sont vues en consultation douleur pour ce motif. La sensibilité tactile qui freine la sensation douloureuse, est lésée par les traitements chirurgicaux, la radiothérapie ou la chimiothérapie. Une douleur apparaît alors. « Il ne s’agit non pas d’une nous les orientons vers des techniques telles que l’hypnothérapie, la sophrologie... » ajoute-t-il. douleur “ classique ” liée à la stimulation du nerf de la douleur » précise le Dr Marc Estève. « Nous leur conseillons de pratiquer l’automassage. Ce qui n’est pas évident pour certaines femmes qui n’osent plus toucher leur sein. Or plus elles toucheront ces régions douloureuses moins elles auront mal. Parfois nous leur préconisons une aide thérapeutique (molécules antiépileptiques) ou L’analgésie sans les effets sédatifs La morphine est depuis longtemps utilisée pour lutter contre les douleurs chroniques. L’effet sédatif qu’elle induit, notamment à haute dose, fait que les patients se sentent « groggy », ce qui nuit bien évidemment à leur qualité de vie. Pour éviter à leurs malades cet effet sédatif trop important, deux anesthésistes de l’Institut Curie