Bulletin des séances du Grand Conseil du Canton de Vaud N 67
Transcription
Bulletin des séances du Grand Conseil du Canton de Vaud N 67
6681 Bulletin des séances du Grand Conseil du Canton de Vaud No 67 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 ____________ Présidence de M. Raymond GUYAZ, président ____________ TABLE DES MATIERES REPONSE DU CONSEIL D'ETAT .............................................................. 6683 – à l’interpellation urgente Micheline Félix, du 27 octobre 1997, à propos de l’érosion « d’Objectif grandir » ............................................. 6683 – à la pétition pour l’arrêt définitif de la méthode « Objectif grandir » déposée au Grand Conseil le 2 février 1998 ........................................... 6683 – à l’interpellation Charles-Pascal Ghiringhelli du 5 mai 1998 « Objectif grandir » flux financiers douteux et noyautage de type sectaire ................................................................................................... 6683 – à la question écrite Charles-Pascal Ghiringhelli du 3 novembre 1998 : expertise du contrôle cantonal des finances auprès de la raison individuelle « Mandat Plus Prévention, Daniel Pellaux », (« Objectif grandir » ................................................................................................ 6683 6682 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 PROJET DE DECRET accordant un crédit d'ouvrage pour la première étape de la construction d'un centre d'enseignement professionnel et gymnase au lieu dit «Marcelin» à Morges (70) (2e débat) ........................... 6718 La séance est ouverte à 14 heures. Sont absents : Mmes et MM. Brigitte Beaud, Victor Béguelin, Alain Bourqui, Edna Chevalley, Jean-Luc Chollet, Yvan De Rham, Jacques Delacrétaz, Dominique Fasel, Michel Glardon, Frédéric Grognuz, Jacques-André Haury, Jean Heim, Christiane Jaquet-Berger, Jean-François Kurz, Etienne Lasserre, Pierre-Yves Maillard, Gilbert Musy, Anne Papilloud, Maryse Perret, Jacques Perrin, Pascal Petter, Fabienne Richard, Pierre Rochat, Armand Rod, JeanMarc Thibaud, Michel Tille, Paul-Arthur Treyvaud, Philippe Vuillemin. (28) Dont excusés : Mmes et MM. Brigitte Beaud, Victor Béguelin, Alain Bourqui, Edna Chevalley, Yvan De Rham, Jacques Delacrétaz, Dominique Fasel, Frédéric Grognuz, Jacques-André Haury, Gilbert Musy, Anne Papilloud, Jacques Perrin, Pascal Petter, Fabienne Richard, Pierre Rochat, Armand Rod, Michel Tille, Paul-Arthur Treyvaud, Philippe Vuillemin. (19) Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6683 REPONSE DU CONSEIL D'ETAT – à l’interpellation urgente Micheline Félix, du 27 octobre 1997, à propos de l’érosion « d’Objectif grandir » – à la pétition pour l’arrêt définitif de la méthode « Objectif grandir » déposée au Grand Conseil le 2 février 1998 – à l’interpellation Charles-Pascal Ghiringhelli du 5 mai 1998 « Objectif grandir » flux financiers douteux et noyautage de type sectaire – à la question écrite Charles-Pascal Ghiringhelli du 3 novembre 1998 : expertise du contrôle cantonal des finances auprès de la raison individuelle « Mandat Plus Prévention, Daniel Pellaux », (« Objectif grandir » Rappel de l’interpellation urgente Micheline FELIX « L’examen attentif des sites Internet a donc permis d’établir la filiation entre la méthode “Objectif grandir” et l’Eglise de scientologie comme un grand nombre de parents, d’enseignants et de politiciens le supposaient. A la suite de l’intervention très opportune de M. le député Daniel Bovet, j’ai déposé, en date du 17 juin, une interpellation portant sur la manière dont les nouveautés sont introduites dans l’enseignement. Une des questions que je posais était : A quel type d’évaluation scientifique, médicale ou pédagogique le Conseil d’Etat a-t-il soumis la méthode « Objectif grandir » ? N’ayant reçu, à ce jour, aucune réponse de la part du DIPC et considérant que ce type de question est plus que jamais d’actualité, je dépose une nouvelle interpellation, urgente celle-ci, car la population attend des réponses et non pas des rejets successifs de la responsabilité d’une instance à l’autre. Dans mon interpellation, je demandais une évaluation scientifique, médicale et pédagogique de cette méthode. Pour le médical c’est chose faite, puisque en date du 21 octobre 1997, la Société Vaudoise de Médecine, par la bouche de son président, le docteur Daniel Laufer, vient de condamner fermement la méthode « Objectif grandir ». Je cite : La technique d’OG est utilisée pour susciter le partage de vécus parfois extrêmement personnels et traumatisants. Cette méthode est très proche, pour ne pas dire identique de celle utilisée par certains groupements religieux ou sectes. En outre, elle sort nettement, à notre avis, d’un cadre purement pédagogique. 6684 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 Ce mode de « partage d’informations » au sein d’un groupe fermé ne prévoit pas de mesures de précautions du type de celles exigées lors d’une thérapie à but médical. L’utilisation du « cercle magique », associé à des directives de confidentialité, peut provoquer une relation maître-élève complexe avec de la part du second des conflits de loyauté qui peuvent s’exacerber. La gestion de ces problématiques est délicate et leur maniement nécessite de véritables compétences, une formation poussée et une possibilité permanente de supervision par des professionnels avertis. Dans ma précédente interpellation, je signalais l’importance excessive que prenaient les méthodes psychopédagogiques à l’école et je dénonçais à cette tribune l’amateurisme qui règne en matière de psychologie appliquée par des néophytes. Je suis heureuse de voir que la Société Vaudoise de Médecine confirme qu’il est nécessaire d’avoir une formation poussée et de véritables compétences pour se livrer à des analyses psychologiques dans les classes. S’agissant du domaine pédagogique, j’entends que le DIP a confié une analyse — après avoir introduit la méthode, il faut le souligner — au Centre vaudois de recherches pédagogiques. Or, cet organisme, très peu indépendant, jouit dans le corps enseignant d’une confiance limitée. Cet institut a toujours dit ce qu’on voulait qu’il dise et a toujours développé et distillé les consignes de l’autorité en place. J’en veux pour preuve le cas du nouveau français. Le rôle du CVRP s’il était vraiment un Centre de recherches pédagogiques était d’avertir le DIP que cette méthode était aléatoire et ne reposait pas sur des fondements solides. Or, le CVRP n’a fait que diffuser la méthode en la bénissant. Que pourra-t-il bien faire ou dire au sujet « d’Objectif grandir » ? Si je reprends la réponse que M. le chef du DIP a faite à l’interpellation de M. le Député Daniel Bovet qui est la dernière prise de position sur ce sujet que le Grand Conseil connaisse, quelques remarques s’imposent. Tout d’abord, je doute que le DIP puisse assumer cette réponse en l’état actuel des choses. Le fait que le chef du DIP y déclare « qu’Objectif grandir » se situe tout à fait dans la ligne d’EVM n’est pas fait pour me rassurer. Quant au soutien des Parents d’Elèves dont il est fait mention dans cette réponse, il faut bien préciser que la présidente de l’APE qui déclarait son plein soutien à « Objectif grandir » n’était plus présidente à l’heure de sa déclaration dans 24 H, et qu’elle collabore elle-même à une secte nommée Shri-Ram-Chamdra, de type oriental. Elle ne pouvait donc pas condamner des pratiques qui lui sont familières. Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6685 Enfin dans sa réponse, M. le chef du DIP énonce les règles de base « d’Objectif grandir » tout en les approuvant et en les prenant à son compte. Or, l’enseignante expérimentée que je suis ne peut pas tolérer les points 7, 8 et 10 : 7. Je ne serai pas questionné, donc je ne questionnerai pas. 8. Je ne serai ni critiqué, ni jugé, donc je ne critiquerai pas, je ne jugerai pas. 10. Après la séance, je ne reviendrai pas sur ce qui aura été dit, évoqué ou raconté par les autres participants. Il s’agit rien moins que de priver l’élève de sens critique, d’esprit d’analyse et de raisonnement. En l’empêchant de questionner et de réfléchir, on le prive du meilleur outil que l’école peut forger pour conduire un élève vers l’autonomie : c’est la capacité d’analyser, de comprendre en questionnant et de remettre en question ce qui est proposé par le raisonnement. A travers les comportements induits par cette méthode on perçoit bien l’usage que les sectes pourront faire de cette absence de sens critique qui leur permettra de rendre leurs adeptes soumis et dépendants. A la suite des découvertes faites sur Internet, les responsables d’OG jouent sur les mots en opposant et en distinguant les différentes méthodes, toutes issues de l’Eglise de scientologie et toutes diffusées par les mêmes personnes. A savoir : « Objectif grandir » « Clés pour l’adolescence », « Skills for Life » « Skills for Growing ». Pour moi, comme pour n’importe quel enseignant, il est évident que cette méthode doit être évaluée sur son contenu et sur ses objectifs et non sur ses appellations et son marketing. En conclusion, je juge utile de poser à l’autorité les questions suivantes : a) Le Conseil d’Etat assume-t-il, à ce jour, la réponse faite par le chef du DIP à M. le Député Daniel Bovet lors de la session de juin ? b) Le Conseil d’Etat assume-t-il les différents dépôts de plaintes qui ne vont pas manquer de survenir à une époque où les parents n’hésitent guère à porter leurs différends avec l’école devant les tribunaux et cela jusqu’au Tribunal Fédéral ? c) M. le chef du DIP qui est de religion catholique savait-il que l’Evêché de Sion en date du 22.1.94 avait fermement invité le DIP valaisan au discernement et demandé une étude approfondie avant la diffusion de ces programmes ? 6686 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 d) M. le chef du DIP savait-il qu’en date du 17 juillet 90, le Ministère de l’Education Nationale de France dont le ministre (devenu premier ministre depuis lors) partage l’identité politique de M. Schwaab, avait formellement ordonné l’arrêt des méthodes précitées ? e) Quelle attitude le DIP va-t-il adopter en regard des quelques 3'500 recyclages accomplis et projetés pour la diffusion de la méthode « Objectif grandir » ? L’esprit critique étant exclu de ces méthodes, comment va-t-on dissuader les adeptes de les utiliser, alors qu’on les a encouragé à s’y former ? Rappel de la pétition déposée au Grand Conseil le 2 février 1998 Monsieur le Président du Grand Conseil, Nous remettons aujourd’hui au Grand Conseil par votre intermédiaire une pétition munie de 2055 signatures pour demander l’arrêt définitif de la méthode « Objectif grandir ». Depuis de nombreux mois maintenant, la controverse autour de l’introduction de cette méthode dite « d’éducation générale et sociale » ne cesse de s’amplifier. Après des questions dans la presse, plusieurs interpellations à la tribune du Grand Conseil, des rebondissements dans de nombreux conseils communaux, force est de constater que, loin de calmer les esprits, l’information sur le contenu de cette méthode ne fait que renforcer les oppositions. Aujourd’hui, le DIPC, à la suite d’un premier rapport d’analyse très critique, a décidé de suspendre momentanément les nouvelles formations, tout en autorisant les enseignants formés à poursuivre l’application de la méthode sous supervision. Il a par ailleurs chargé un chercheur d’une étude scientifique de la méthode, et mis sur pied une commission intercantonale de relecture. Pourquoi dès lors demander l’arrêt complet « d’Objectif grandir » ? Parce que parents, les signataires rejettent une méthode qui les dévalorise systématiquement, qui invite leurs enfants à des confidences dans un cercle dont les règles de discrétion les exclut, qui, enfin, leur demande, en séance de parents et sous la conduite de l’enseignant, de s’expliquer sur la manière dont ils s’occupent de leurs enfants. Parce qu’enseignants, les signataires, bien que conscients de leur manque de moyens pour affronter les conflits et les difficultés nouvelles qu’ils rencontrent quotidiennement dans leurs classes, rejettent l’ambiguïté d’une méthode qui, à Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6687 côté d’activités « innocentes » d’animation de groupe, les appelle explicitement à travailler sur les sentiments et les émotions, à susciter les confidences des enfants sur leur « vécu » et ne peut que conduire à des dérives dont ils risquent d’être les victimes après leurs élèves. Parce que spécialistes de la santé, les signataires s’insurgent contre une méthode qui fait bon marché des effets psychologiques de confidences suscitées auprès des enfants, de la réception par leurs pairs de vécus traumatisants, et de l’utilisation de techniques telles que le jeu de rôles dont la pratique dans ce cadre s’assimile à une thérapie. Parce que de plus, les nombreuses zones d’ombre qui ont entouré l’introduction de cette méthode (pas d’évaluation scientifique préalable, matériel soumis à embargo donc indiscutable, manque voire absence d’information aux parents sur la mise en pratique dans la classe de leur enfant) ont gravement ébranlé la confiance nécessaire entre les partenaires de l’école. Sur ce plan, les signataires, soucieux de la réussite de la mise en place de la réforme Ecole Vaudoise en Mutation votée par le peuple il y a un an, estiment fondamental d’éviter l’amalgame entre « Objectif grandir » et EVM et attendent des Autorités un geste qui rétablisse confiance et clarté dans les relations entre l’école et les parents. Dès lors, les signataires demandent que soit lancée une réflexion sur les valeurs que veut transmettre l’école à travers sa tâche éducative et font leurs les premières conclusions du rapport du CVRP quant aux questions que devrait traiter une commission qui voudrait aborder le débat de fond : 1) Que l’école contribue à diminuer les risques de déviances est certes important, mais quelles déviances l’école doit-elle contribuer à prévenir ? Où est la frontière entre la prévention et la dérive de la normalisation sociale ? Quels sont les moyens d’intervention spécifiques à l’école et quelle collaboration peut-elle instituer avec d’autres intervenants ? 2) Une méthode spécifique est-elle nécessaire afin de viser les objectifs explicites aussi généraux que ceux « d’OG », ou n’est-ce pas plutôt à la formation de base de permettre à l’enseignant de travailler au travers des situations scolaires habituelles, par exemple sur la prise de confiance de l’enfant, le développement d’une bonne estime de soi, et ceci afin de réduire le risque de certaines déviances à moyen et long termes ? (rapport d’expertise de P.-A. DOUDIN, pages 4-5). Dans l’attente que le Grand Conseil se saisisse une dernière fois de cet objet, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de nos salutations les plus respectueuses. 6688 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 Rappel de l’interpellation Charles-Pascal Ghiringhelli Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, chers collègues, Il semble bon que certains enseignants puissent disposer de moyens leur permettant de diminuer les tensions personnelles et scolaires qui touchent leurs élèves. Ces moyens éventuels viennent en sus des qualités personnelles (attitude, conduite de la classe, etc) qui sont habituellement déployées par l’enseignant lui-même. Si la méthode « Objectif Grandir » a pu donner l’impression d’être l’un de ces moyens complémentaires, elle offre en tous les cas trois défauts majeurs : 1. Le sentiment de malaise provoqué chez des parents, exclus du dialogue, qui découvrent effarés que l’école prône et incite aux secrets leurs enfants sur leurs sentiments notamment à leurs endroits. Abondamment déjà, le Grand Conseil a pu discuter de cet aspect négatif de la méthode. 2. Les liens avérés, et que l’on cherche sciemment à occulter, entre le « détenteur » de la méthode et le groupement « Quest ». Les bases « philosophiques » que prône ce mouvement ne peuvent être transposées dans une école qui se veut publique, laïque et républicaine ! 3. Des flux financiers entre le Département, les enseignants, les formateurs, un club-service, qui laissent supposer que nous finançons indirectement un mouvement dont les vues ne sont pas partagées, et de loin, par la population vaudoise. Les Conseillers d’Etat ont reçu un dossier établissant : – La dangerosité de nature sectaire, des buts « philosophiques » que veut propager « Quest ». – Les liens entre le « détenteur » de la méthode, les formateurs, et le mouvement « Quest ». – Les flux financiers pour le moins inhabituels impliquant les divers « partenaires » afin de permettre la propagation de la méthode « Objectif Grandir ». Aussi est-il demandé au Conseil d’Etat de suspendre l’application de la méthode “Objectif Grandir” jusqu’à ce qu’un rapport soit fait au Grand Conseil sur ces divers éléments et sur le schéma d’agrégation des méthodes utilisées par le Département. Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6689 Rappel de la question Charles-Pascal Ghiringhelli Nous avons déjà eu l’occasion de dire la nécessité d’outils de prévention (mais pas n’importe quoi) au sein de l’école. Nous avons également eu l’occasion d’exposer le cheminement financier pour le moins curieux du programme de prévention d’Objectif grandir (OG). Or, encore une fois l’attitude de l’intéressé prête à discussion, savoir ce n’est que lorsque la problématique de ce programme a été rendue publique et l’étau se resserrer autour des prétendues compétences “scientifique” et financières de l’intéressé que celui-ci a jugé utile d’inscrire son activité commerciale au registre du commerce, soit en novembre 1997. Comment donc l’Etat a-t-il pu contrôler l’utilisation des deniers publics par Mandat Plus Prévention, avant même que cette activité commerciale ne soit inscrite au registre du commerce ? Dans le doute l’Etat, le cas échéant la Commission des finances, ne devrait-il pas demander une expertise au Contrôle cantonal des finances, avec pour mission : – de déterminer les montants alloués, – leur utilisation, – la vérification que ces fonds n’ont pas servi à alimenter la Fondation Lions Quest, voire Quest, – la durée, voire le renouvellement, de l’allocation, – le nombre de personnes (poste de travail généré) qui en ont bénéficié. L’Etat de Vaud ne devrait-il pas s’inspirer de l’audit « Bellanger » faite à Genève précisant la manière de diminuer le risque de récupération de dérives sectaires par des sociétés écrans ? Je remercie le Conseil d’Etat de sa prompte réponse. 6690 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 Réponse du Conseil d’Etat Quelques étapes Depuis plusieurs mois, le moyen « Objectif grandir » (OG) a été l’objet d’interventions politiques et publiques, relayées par les médias. A relever : – En 1997, le Conseil d’Etat répond à l’interpellation de M. le Député Daniel BOVET, déposée le 11 mars de la même année. – Par la suite, une réponse orale à la « petite » question du 1er décembre 1997 de Mme la Députée Micheline FELIX à propos du rapport d’expertise demandé au Centre vaudois de recherche pédagogiques (CVRP) est apportée en séance du Grand Conseil par M. le Conseiller d’Etat Jean Jacques SCHWAAB, chef du DIPC. – En décembre 1997, le DIPC suspend provisoirement la formation de nouveaux maîtres à OG en l’attente d’éléments complémentaires lui permettant une analyse plus élaborée. – En janvier et février 1998, le DIPC donne deux nouveaux mandats, l’un à une Commission intercantonale et interdisciplinaire d’étude du matériel OG, l’autre au CVRP chargé d’analyser dans les classes, auprès des enseignants et des directeurs formés ainsi qu’auprès de certains parents concernés, les pratiques liées à OG. – En septembre et octobre de cette année, le Département de la formation et de la jeunesse (DFJ), comme s’y était engagé le DIPC, rend public, dès leur réception, les rapports demandés, en les mettant notamment à disposition sur Internet. – Enfin, en date du 6 novembre 1998, le DFJ, sur la base des rapports reçus, diffuse un communiqué de presse dans lequel il fait part de son intention de renoncer définitivement à de nouvelles formations OG, d’autoriser la poursuite de l’utilisation, sous conditions, de certains éléments d’OG auprès des enseignants déjà formés et de redéfinir une nouvelle politique de prévention et d’éducation pour la santé en milieu scolaire. Analyse des rapports et position du DFJ Les membres de la Commission intercantonale et interdisciplinaire d’étude du matériel OG n’ont pas réussi à s’entendre et à fournir un seul document répondant au mandat confié, à savoir Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6691 – OG peut-il continuer à être appliqué dans les classes du Canton de Vaud par les enseignants qui le souhaitent, avec ou sans correctifs ? Le cas échéant, quels sont les motifs qui demandent une réécriture et quelles doivent être les mesures d’accompagnement ? Deux rapports sont remis au DFJ, l’un plutôt favorable à OG, l’autre défavorable. Quant à l’évaluation du CVRP, elle relève tout à la fois les forces et les faiblesses d’OG, les satisfactions et les insatisfactions des personnes interrogées, en se consacrant à l’application pratique dans les classes. Aucun dérapage n’a été constaté dans ce cadre. Le DFJ conclut que les positions des personnes impliquées n’évolueront pas. Dans l’impossibilité de trancher et de concilier les différents points de vue exprimés, relevant qu’OG présente tout à la fois des qualités et des défauts et prenant en compte la polémique installée dans le canton, le DFJ décide de sortir de l’impasse et renonce à de nouvelles formations OG (annexe 1 : communiqué du 6 novembre 1998) espérant par là repartir sur de nouvelles bases, dans un climat redevenu serein, permettant notamment de rétablir le partenariat avec l’ensemble des parents d’élèves. Le Conseil d’Etat, à la lecture des rapports susmentionnés, constate que, malgré les divergences irréductibles, partisans et adversaires d’OG se rejoignent sur un certain nombre de points, à savoir – la reconnaissance à l’école de sa responsabilité subsidiaire dans le domaine éducatif tel que prévu à l’article 3 de la loi scolaire, – l’association des parents à toute action d’éducation pour la santé en milieu scolaire, – l’importance d’une prévention et d’une promotion de la santé efficaces, – l’approbation des objectifs explicites compétences personnelles et sociales), d’OG (développement des – la nécessité de passer à une deuxième génération de moyens visant les objectifs explicites mentionnés ci-dessus, – l’amélioration de la formation initiale et continue des enseignants, non seulement en prévention, mais également en matière d’animation de groupe et de gestion de conflits. Tout ce qui précède ne peut que conforter le DFJ dans sa volonté de redéfinir sa politique de prévention à l’école. 6692 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 Mesures à court terme L’ensemble des directrices et directeurs des établissements d’enseignement concernés ainsi que les présidentes et présidents des commissions scolaires sans direction, reçoivent de Mme la cheffe du DFJ, en date du 6 novembre 1998, une lettre les priant d’informer les enseignants des décisions prises et de superviser, en collaboration avec l’équipe de santé locale, l’éventuelle reprise ou la poursuite des activités OG, à l’exclusion du cercle magique (dit aussi de conversation) et des règles de fonctionnement qui y sont rattachées. De même, la poursuite ou la reprise des activités liées à OG devront être précédées d’une information aux parents. Enfin, les enseignants continueront à se montrer particulièrement prudents avec toute activité qui pourrait être considérée comme une ingérence dans les relations familiales. Le DFJ a d’ores et déjà entamé des démarches afin de renforcer prochainement en formation initiale et continue des enseignants les modules traitant de l’animation de la classe, de la gestion des relations et des conflits dans les classes. De même, il va procéder à un examen du matériel OG afin de recenser les techniques et les activités qui pourraient être poursuivies dans l’attente d’un nouveau support pédagogique. Le Conseil d’Etat souhaite toutefois ne pas agir dans la précipitation et se donner le temps d’une réflexion suffisante lui permettant d’agir au mieux des intérêts des élèves. Pour des écoles en santé En un siècle, les problématiques de la santé dans les écoles ont évolué et se sont étendues du champ médico-sanitaire à celui du psychosocial. Ces dernières années, plusieurs cantons (Jura, Genève, Valais, Fribourg, Tessin) ont entrepris et réalisé, à des degrés divers, à une refonte de la santé scolaire en termes de contenu et d’organisation. Dans le Canton de Vaud, un bilan des activités en santé scolaire a été réalisé en 1997 par l’Organisme médico-social vaudois (OMSV) et le Service de la santé publique, en collaboration avec le DFJ, en vue de fournir les données nécessaires à la redéfinition de la prévention en milieu scolaire. Ce bilan établit que l’essentiel des activités développées à ce jour doivent être maintenues mais conclut également à la nécessité de structurer les activités en santé scolaire, actuellement trop disparates, insuffisamment coordonnées et peu intégrées localement. Le projet général consiste à établir un programme de santé pour les élèves, conçu globalement, intégré dans la dynamique propre aux établissements scolaires et dans la communauté locale. La construction de ce Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6693 programme et l’adaptation des pratiques de promotion de la santé et de prévention en milieu scolaire passe par la création d’une structure centrale opérationnelle. Un groupe de conduite de la santé scolaire est chargé de conduire la réflexion sur l’avenir des activités de prévention. Les chefs du DFJ et du DSAS se sont déjà mis d’accord, par un protocole, sur un certain nombre de points. Le DFJ rappelle que la surveillance de la santé des élèves des écoles publiques est régie par la législation sanitaire (art. 44 ss de la Loi de 1985 sur la santé publique [LSP]) et le règlement de 1987 sur l’activité des médecins, médecinsdentistes et infirmières scolaires dans les établissements d’enseignement primaire et secondaire (RSV). Il se réfère également à un des buts de l’école qui est de seconder les parents dans leur tâche éducative (art. 3 de la Loi scolaire de 1984). Face aux nouveaux problèmes de société, et notamment tous ceux qui ont trait à la violence, et à leur répercussion sur l’école, le Conseil d’Etat entend réaffirmer sa volonté d’offrir une prévention en milieu scolaire de qualité. Si l’éducation pour la santé prend racine au sein de la famille, elle se prolonge par la collaboration entre la famille et l’école. L’école ne s’est jamais limitée à enseigner; elle constitue un lieu de socialisation et de vie dont l’organisation et le fonctionnement visent au développement harmonieux de l’enfant. Réponses à quelques points particuliers En ce qui concerne l’arrivée « d’Objectif grandir »dans les écoles vaudoises, la période test-évaluation et la question Lions Club - Quest, le Conseil d’Etat rappelle les réponses qu’il a déjà apportées dans sa réponse à M. le Député Daniel BOVET en 1997 (voir annexe 2). Au travers des différents éléments traités ci-dessus, le Conseil d’Etat estime avoir répondu à une bonne partie des questions qui lui ont été posées. En outre, le Conseil d’Etat n’a toujours reçu aucune preuve attestant une filiation entre OG et la scientologie. De même le Conseil d’Etat n’a recueilli aucune information lui permettant d’établir formellement l’appartenance du promoteur d’OG à la scientologie, ni à aucune autre secte. Il convient néanmoins de répondre aux questions précises des interventions parlementaires : 6694 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 Interpellation urgente Micheline FELIX du 27 octobre 1997 à propos de l’érosion « d’Objectif grandir » A quel type d’évaluation scientifique, médicale ou pédagogique le Conseil d’Etat a-t-il soumis la méthode « Objectif grandir »? Le Conseil d’Etat a déjà répondu en grande partie à cette question dans sa réponse à l’interpellation de M. le Député Daniel BOVET, en résumant au point f) de ladite réponse la démarche entreprise. Les membres de la Commission cantonale d’éducation pour la santé, dans laquelle figure des médecins et des infirmières, des responsables de prévention et des enseignants, comme le médecin cantonal et le délégué cantonal à l’éducation pour la santé, ont été régulièrement consultés et ont donné un préavis positif à la généralisation de la méthode. Il est à noter qu’à propos d’OG, les avis des médecins, puisque Mme la Députée cite l’avis personnel du président de la Société vaudoise de médecine, sont loin d’être unanimes. a) Le Conseil d’Etat assume-t-il, à ce jour, la réponse faite par le chef du DIP à M. le Député Daniel Bovet lors de la session de juin ? Dans sa réponse apportée à M. le Député Daniel BOVET (interpellation du 11 mars 1997), le Conseil d’Etat écartait les rumeurs faisant état de liens entre les auteurs d’OG et la scientologie. Depuis et dans l’état de ses connaissances, le Conseil d’Etat n’a recueilli aucune information permettant d’établir l’appartenance du promoteur d’OG à la scientologie. Les différentes rumeurs, après vérification, n’ont pu être confirmées. Depuis cette date, le DFJ a pris une série de décisions (moratoire sur les nouvelles formations OG, mandats de recherches au CVRP et à une Commission intercantonale et interdisciplinaire d’étude du matériel OG, suspension définitive des nouvelles formations OG) dont le détail a été précisé plus haut. b) Le Conseil d’Etat assume-t-il les différents dépôts de plaintes qui ne vont pas manquer de survenir à une époque où les parents n’hésitent guère à porter leurs différends avec l’école devant les tribunaux et cela jusqu’au Tribunal Fédéral ? Depuis le dépôt de l’interpellation de Mme la Députée Micheline FELIX en octobre 1997, le Conseil d’Etat constate qu’à ce jour aucune plainte concernant OG n’a été déposée devant un tribunal. Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 c) 6695 M. le chef du DIP qui est de religion catholique savait-il que l’Evêché de Sion en date du 22.1.94 avait fermement invité le DIP valaisan au discernement et demandé une étude approfondie avant la diffusion de ces programmes ? Le fait que l’ancien chef du Département de l’instruction publique et des cultes (ci-après DIPC) soit de confession catholique relève de sa vie privée et constitue un élément peu pertinent ici. Quoi qu’il en soit, celui-ci n’était pas au courant de l’invitation de l’Evêché de Sion dont il est question dans l’interpellation de Mme la Députée Micheline FELIX. En revanche, il est intéressant de constater que le “cercle magique” tant décrié a fait partie d’un programme de cathéchèse à l’intention des classes primaires du Valais, et ce avant l’introduction du programme valaisan d’Education générale et promotion de la santé (EGPS) dont OG était un des éléments. d) M. le chef du DIP savait-il qu’en date du 17 juillet 90, le Ministère de l’Education Nationale de France dont le ministre (devenu premier ministre depuis lors) partage l’identité politique de M. Schwaab, avait formellement ordonné l’arrêt des méthodes précitées ? Le Conseil d’Etat précise que l’interdiction du Ministère de l’Education Nationale de France, en 1990, portait sur la méthode Clefs pour l’adolescence, méthode dont l’utilisation n’a pas été autorisée dans le Canton de Vaud. e) Quelle attitude le DIP va-t-il adopter en regard des quelques 3'500 recyclages accomplis et projetés pour la diffusion de la méthode « Objectif grandir »? Le Conseil d’Etat ne comprend pas d’où Mme la Députée Micheline FELIX tire ce nombre de 3’500 recyclages accomplis et projetés. Il rappelle qu’avant la décision de renoncer à de nouvelles formations OG, ce sont un peu plus de mille enseignants qui ont été formés. Comme le confirme l’enquête du CVRP, la grande majorité de ces maîtresses et maîtres estiment que cette démarche leur a été profitable et a accru leurs compétences pédagogiques. En attendant la mise à disposition de nouveaux moyens pour l’éducation pour la santé, ils pourront continuer à s’inspirer d’une partie des propositions d’activités d’OG, à l’exclusion du “cercle magique” et de tout ce qui pourrait faire ingérence soit dans la personnalité profonde des élèves, soit dans l’intimité des familles. 6696 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 Pétition pour l’arrêt définitif de la méthode « Objectif grandir » déposée au Grand Conseil le 2 février 1998 1) Que l’école contribue à diminuer les risques de déviances est certes important, mais quelles déviances l’école doit-elle contribuer à prévenir ? Où est la frontière entre la prévention et la dérive de la normalisation sociale ? Quels sont les moyens d’intervention spécifiques à l’école et quelle collaboration peut-elle instituer avec d’autres intervenants ? Les signataires demandent que soit lancée une réflexion sur les valeurs que veut transmettre l’école à travers sa tâche éducative. Cette réflexion dépasse largement la problématique OG; certes, la polémique autour d’OG a relancé la question importante du partage des compétences entre l’institution scolaire et la famille. Cette préoccupation n’est pas spécifiquement vaudoise mais intéresse l’ensemble des cantons et une démarche romande a été lancée par Mme la cheffe du DFJ au sein de la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP/SR/TI). C’est ainsi qu’une réflexion concernant le mandat éducatif de l’école est actuellement menée par la Conférence des secrétaires généraux de la Suisse romande et du Tessin (CSG/SR-TI). 2) Une méthode spécifique est-elle nécessaire afin de viser les objectifs explicites aussi généraux que ceux d’“OG”, ou n’est-ce pas plutôt à la formation de base de permettre à l’enseignant de travailler au travers des situations scolaires habituelles, par exemple sur la prise de confiance de l’enfant, le développement d’une bonne estime de soi, et ceci afin de réduire le risque de certaines déviances à moyen et long termes ? (rapport d’expertise de P.-A. DOUDIN, pages 4-5). 3) Le Conseil d’Etat relève que le débat autour d’OG a montré l’importance de la formation des maîtres dans le domaine de l’animation, de la gestion des relations et des conflits dans la classe, des techniques d’entretien et de la maîtrise de ce type d’activités pédagogiques. La redéfinition de la formation initiale et continue des enseignants dans le cadre de la loi sur la Haute Ecole Pédagogique (HEP) permettra de donner sa juste place à cette dimension de la formation. Dans sa lettre du 6 novembre 1998 adressée à l’ensemble des directrices et directeurs des établissements d’enseignement de la scolarité obligatoire et aux présidentes et présidents des commissions scolaires sans direction, Mme la cheffe du DFJ signalait Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6697 qu’elle mandatait des responsables de formation et de prévention pour mettre sur pied des modèles de formation permettant de renforcer les compétences des enseignants dans les domaines relevés ci-dessus. Une telle réflexion est actuellement en cours. Interpellation Charles-Pascal Ghiringhelli du 5 mai 1998 : « Objectif grandir » : flux financiers douteux et noyautage de type sectaire. Question écrite Charles-Pascal Ghiringhelli du 3 novembre 1998 : expertise du contrôle cantonal des finances auprès de la raison individuelle « Mandat Plus Prévention, Daniel Pellaux », (« Objectif grandir ») M. le député Charles-Pascal Ghiringhelli écrit avoir remis aux conseillers d’Etat un dossier établissant plusieurs preuves. Mme la cheffe du DFJ signale qu’elle n’a jamais reçu un tel dossier et que, de plus, elle a écrit à M. CharlesPascal Ghiringhelli pour lui demander ledit dossier. Elle est toujours à ce jour sans dossier ni réponse. Enfin, en ce qui concerne « les flux financiers pour le moins inhabituels » ou le contrôle demandé à l’Etat de l’utilisation des deniers publics par Mandat Plus Prévention, le Conseil d’Etat précise qu’il n’a aucune raison particulière d’effectuer des vérifications. Le DFJ signale également que les contrats concernant les formations OG ont été signés entre les établissements scolaires intéressés et Mandat Plus Prévention. Le DFJ, sur présentation des factures acquittées, a remboursé 50 % aux établissements qui avaient préalablement présenté une demande de subside conformément à la circulaire d’information envoyée à l’ensemble des directeurs en date du 21 décembre 1995. La liberté était laissée aux communes et établissements pour se procurer, selon le génie et les coutumes propres à chaque région, le complément du financement. Il n’appartient pas au Conseil d’Etat de se prononcer sur l’attitude commerciale d’un privé. Il n’appartenait pas plus à l’Etat, étant donné la procédure décrite ci-dessus, de contrôler Mandat Plus Prévention. En revanche, le Conseil d’Etat peut indiquer que l’ancien DIPC a bénéficié de fr. 150’000.-- versés par le Fonds de la protection de la jeunesse et en faveur de l’enfance malheureuse et abandonnée et fr. 78’000.-- par l’Office fédéral de la santé publique à Berne, ce qui porte la part totale de l’investissement de l’Etat à fr. 228’000.--. Ces sommes, rappelons-le, ont été remboursées aux communes et non versées directement à Mandat Plus Prévention. Il n’appartient pas à l’Etat de vérifier quelle affectation est faite par Mandat Plus Prévention à cet argent. Le Conseil d’Etat rappelle encore une fois que les enquêtes demandées à son 6698 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 administration n’ont rien révélé, à ce stade et dans le cadre de recherches demandées, concernant OG. Le Conseil d’Etat répète également que l’Etat n’est pas concerné par la Fondation Lions-Quest. Plus de mille maîtres ont été formés à OG et se fondant sur l’enquête précitée du CVRP, on peut estimer à environ un tiers des maîtres formés ceux qui utilisent toute ou partie de leur formation en classe. Quant à la dernière intervention de M. le député Charles-Pascal Ghiringhelli par rapport à l’audit « Bellanger », le Conseil d’Etat signale que M. le Député Charles-Pascal Ghiringhelli fait allusion à des propositions genevoises, pour limiter les risques des dérives sectaires, à travers un projet de loi sur la référence à des pratiques religieuses ou au terme « église » – à des fins commerciales, – à un projet de loi modifiant le code de procédure pénale, – à une proposition de résolution du Grand Conseil genevois à l’Assemblée fédérale exerçant le droit d’initiative cantonale à propos de la modification du code civile (publicité des associations). A propos des travaux du groupe intercantonal sur les dérives sectaires, présidé justement par Me Bellanger, le projet est effectivement de mettre sur pied un centre intercantonal d’informations sur les croyances, éventuellement doté d’un futur observatoire des religions. Des études sont également menées sur une structure d’aide aux victimes des dérives sectaires (par exemple par l’octroi d’un mandat supplémentaire au Centre LAVI, afin de les autoriser à s’occuper des victimes) et de la mise en place de structures d’échanges et de coordination entre les différentes autorités cantonales, jouant le rôle de courroie de transmission à l’intérieur de son canton et vis-à-vis des autres cantons. Enfin, une extension du groupe des cantons romands vers les cantons alémaniques est envisagée et, dans le cadre de l’intervention de M. le Député Charles-Pascal Ghiringhelli, le Conseil d’Etat ne peut que faire état de ces travaux en cours. Il renseignera ultérieurement le Grand Conseil sur le développement de ces démarches. La discussion est ouverte. Mme Ursula Däppen : — En tant que membre du bureau de l’Union des commissions scolaires du Canton de Vaud dont la présidente a participé au groupe d’étude du matériel « Objectif grandir », mère de famille, parent d’élève et syndique d’une commune, je souhaite apporter quelques réflexions concernant la réponse du Conseil d’Etat aux différentes interventions portant sur « Objectif grandir ». Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6699 Au jour d’aujourd’hui, le Département de la formation et de la jeunesse est en possession de cinq évaluations de la méthode en question. Le rapport Doudin, psychologue au Centre vaudois de recherches pédagogiques, est défavorable à la méthode ; des deux rapports de la commission intercantonale et interdisciplinaire d’étude du matériel « Objectif grandir » l’un, favorable, est signé par 8 membres dont la majorité est impliquée dans le choix et l’introduction de la méthode, l’autre, défavorable, est signé par 6 membres non impliqués dans ledit choix, parmi lesquels on trouve 2 psychologues, une pédopsychiatre et 2 formateurs de maîtres. Le rapport du CVRP dont l’analyse porte sur l’utilisation en classe est un rapport nuancé qui met en évidence la nécessité pour les enseignants d’être aidés dans leur pratique en classe. Je vous cite les conclusions du rapport demandé par l’Etat du Valais à l’Institut de pédagogie curative de l’Université de Fribourg au professeur Lambert et à MM. Diesse et Moulin : « Pour atteindre son objectif ultime, la prévention primaire, c’est-à-dire développer chez l’enfant de manière harmonieuse l’ensemble de sa personnalité et les relations qu’il entretient avec son univers social et physique, toute méthode utilisable en milieu scolaire doit satisfaire au moins 5 critères : 1. Etre intégrée dans l’organisation quotidienne de la classe afin d’assurer le transfert des acquisitions réalisées par les élèves. 2. Poursuivre des objectifs cognitifs, affectifs et relationnels propres au contexte scolaire, à l’exclusion de ceux qui touchent directement au vécu personnel de l’enfant et à ses relations avec la famille. 3. Impliquer les familles dans une démarche de partenariat. 4. Se fonder sur une formation adéquate des enseignantes et des enseignants. 5. Avoir fait l’objet d’une expérimentation contrôlée selon les critères scientifiques présidant à l’évaluation des méthodes et de ses effets et, cela, avant sa généralisation à l’ensemble d’un réseau scolaire. Au terme de notre analyse, nous constatons que la méthode « Objectif grandir » ne remplit pas ces critères ». Et, pour terminer, « La poursuite d’« Objectif grandir » n’est pas possible. » Fin de citation. Je constate que l’absence de ces critères a entraîné une rupture de confiance entre l’école et les familles, confiance qu’il est urgent de rétablir ; or, la poursuite de l’utilisation d’« Objectif grandir » sous condition l’empêche. C’est pourquoi j’invite le Conseil d’Etat à mettre fin à toute utilisation de la pratique de cette méthode dans les classes du canton. 6700 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 Mme Micheline Félix : — Encore « Objectif grandir »...Cette fois, il y a du nouveau, le Conseil d’Etat répond ! Malheureusement, sa réponse ne nous satisfait pas. Il y a deux types d’opposants à « Objectif grandir » : les premiers sont les parents qui n’acceptent pas cette intrusion dans la sphère familiale, les autres sont les experts et les personnes les mieux formées au niveau universitaire, au niveau le plus élevé, qui ont protesté à plusieurs reprises, auxquelles on n’a jamais répondu et dont on a peu publié les rapports. M me Däppen vient de vous parler des rapports : il y en a eu cinq dont l’un, favorable, émane d’un promoteur de la méthode. Je vous cite deux de ces rapports qui ont connu un très grand retentissement. Le premier est le rapport Doudin. Ceux d’entre vous qui siégeaient ici lors de la dernière législature se souviennent peut-être de m’avoir entendu demander à M. Schwaab, alors chef du département, s’il allait nous remettre le rapport Doudin, à quoi il m’a répondu « non, madame, vous n’aurez pas le rapport Doudin ». Deux jours plus tard, je le recevais de manière anonyme et je pouvais vous le transmettre ; voilà comment l’information a été diffusée. J’ai appris, notamment lors de mes contacts au FIR, que ce même rapport Doudin était estimé dans les autres cantons et servait de base de réflexion et de référence à toutes les études qui ont été faites. Le second a été commandé à la chaire de pédagogie curative de l’Université de Fribourg ; c’est un modèle et si quelqu’un parmi vous s’intéresse à la question, ce rapport est excellent, rédigé en termes simples, compréhensibles de chacun, même du Conseil d’Etat ; (rires) mais, visiblement, il n’a été ni lu, ni compris, ni suivi de réflexions qui auraient pu amener à certains progrès. Alors pourquoi toute cette polémique ? Premièrement, la méthode en question est bourrée de critiques contre la famille. Il est inutile d’extraire le fameux cercle magique, toutes les pages, toutes les fiches sont pleines de critiques contre la famille et les rapports que je viens d’évoquer le disent. L’un des deux rapports dit : « La méthode « Objectif grandir » place la famille à l’origine d’un ensemble de problèmes pouvant survenir chez les enfants. (...) L’ensemble du programme laisse percevoir une représentation négative de la famille » et, alors que le département vous dit qu’il veut un partenariat – un partenariat supposerait le respect de chacune des deux parties –, eh bien, la méthode critique vivement la famille à chaque page. Voyons maintenant le besoin de faire parler les enfants ; les enfants qui ont des problèmes doivent absolument pouvoir les exprimer pour qu’on puisse venir à leur secours. Comme vous le savez sûrement – vous êtes tous des parents –, les enfants parlent plus volontiers aux autres enfants. Il y a dès lors une grande tentation d’utiliser les enfants de familles « normales » et qui n’ont pas de Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6701 problèmes pour susciter les aveux ou les récits des autres. Ces enfants de familles que vous direz peut-être privilégiées sont, à mon avis, plus vulnérables que les autres puisque protégés et risquent beaucoup de souffrir de cette situation. Les deux rapports dont je vous parle citent nommément ce risque de dérapage d’autant plus que les enseignants ne sont pas formés. Là, je fais une parenthèse : les enseignants d’« Objectif grandir » ont suivi trois jours de formation – actuellement, on vous forme tout le corps enseignant et tout le monde à coup d’heures ; vous pouvez apprendre l’allemand en 15 jours, la physique en 10 heures et, en l’occurrence, la psychologie en 3 jours. Eh bien, non, mesdames et messieurs, aucune matière ne peut être apprise en 3 jours. Et alors, le paradoxe que je dénonce, c’est que lorsque l’Université qui comprend, elle, des experts longuement formés, qui ont fait de longues études, qui sont reconnus souvent sur le plan international, lorsque ceux-ci s’expriment, eh bien, on ne les écoute pas et on donne constamment la parole à des gens dont on dit qu’ils sont formés mais qui ont suivi 3 jours de ceci, 2 heures de cela, etc. De plus, la Société vaudoise de médecine, la Société vaudoise des psychologues, la Société vaudoise des maîtres secondaires, tous, universitaires, professionnels, ont pris la peine d’écrire au département pour lui dire à quel point cette méthode est dangereuse et pour lui donner une argumentation de fond. On ne leur a pas répondu, on ne les a pas entendus et on a continué en faisant en outre, dans le rapport, des petites remarques totalement inacceptables. Je demandais des évaluations. La réponse du Conseil d’Etat dit qu’il y a eu évaluation, que l’on a consulté à gauche et à droite, mais personne n’a jamais reçu de rapport d’évaluation et les rapports, toujours eux, signalent qu’aucune évaluation de spécialiste n’a été faite, qu’aucun suivi n’a été fait, que l’adaptation française n’a été supervisée par aucun spécialiste. Pourtant, le rapport fribourgeois qui est une référence en la matière dit « toute méthode utilisable en milieu scolaire devrait avoir fait l’objet d’une expérimentation contrôlée selon les critères d’une méthode et ses effets et, cela, avant sa généralisation à l’ensemble du réseau ». Vous avez vu qu’il y a, en même temps que la réponse à mes interpellations, à celle de M. Ghiringhelli, une réponse aux parents. Or, ces parents n’étant pas représentés ici j’ai pris la liberté de les contacter. Ils m’ont dit trois choses. Tout d’abord, qu’ils refusaient cette réponse parce qu’ils ont demandé l’arrêt complet et définitif d’« Objectif grandir » et qu’on leur propose une suite. Ensuite, que si nous, les politiques, nous n’arrivons pas à stopper cette méthode malsaine, ils continueront, eux, qu’ils ne sont pas au bout de leurs peines mais qu’ils continueront car ils ne veulent pas de cette méthode et qu’ils n’ont pas les moyens de mettre leurs enfants en école privée. Enfin, que la loi vaudoise 6702 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 stipule clairement que l’école seconde la famille, non pas qu’elle la remplace, non pas qu’elle lui dit ce qu’elle doit faire. La loi devrait être respectée et ces parents vous demandent de le faire. Maintenant, que fait le département ? Le département recycle les déchets d’EVM – pardon, j’ai une année d’avance – (rires) ...recycle les déchets d’« Objectif grandir » et cherche dans ses fiches ce qu’il conviendrait d’y trouver alors que, à nouveau, le rapport dit textuellement : « Au vu de l’incohérence de la méthode et de ses nombreux effets pervers possibles, la solution qui consisterait à réunir un groupe de relecture afin d’arriver à une version expurgée de la méthode « Objectif grandir » n’est pas une solution acceptable. » Or, c’est ce que nous faisons. Eh bien, madame la cheffe du département, ce n’est pas un outil que vous préparez pour les enseignants. Vous nous dites que vous préparez des méthodes de deuxième génération... eh bien ce ne sont pas des outils, c’est un tourniquet que vous préparez puisque vous réemployez les épaves d’« Objectif grandir » et les gens qui ont été compromis dans cette méthode, qui sont tous déjà dans des commissions où ils vont pouvoir en recycler les restes. C’est la raison pour laquelle je refuse évidemment la réponse à mes interpellations. Je note en passant qu’il aura fallu deux ans – j’aurais bien attendu deux ans, volontiers même, si c’était pour arriver à un progrès ; malheureusement, la réponse qui m’est donnée aurait pu l’être quinze jours après le dépôt de mes questions. De la part des 2000 parents auteurs de la pétition et qui ont écrit pour que l’on stoppe, je vous demande aussi de ne pas accepter la réponse à leur pétition. Mon collègue Ghiringhelli et moi-même allons vous présenter une résolution à laquelle nous vous prions de faire bon accueil parce que nous cherchons, par ce biais, à mettre un peu d’ordre dans toute cette affaire. Mme Anne-Catherine Menétrey-Savary : — Je suis désolée d’intervenir, en particulier contre quelqu’un de mon groupe, mais il se trouve que, au cours des méandres de ma vie professionnelle, j’ai occupé successivement trois des terrains particulièrement concernés par cette affaire : l’enseignement d’abord, la psychologie scolaire ensuite et la prévention maintenant. J’aimerais aussi préciser que je n’ai aucun intérêt dans la méthode « Objectif grandir » ; je pourrais même dire que, d’une certaine manière, cette méthode, pour moi, c’est la concurrence ! Mais je suis absolument catastrophée par cette mauvaise querelle. Quel gâchis, mesdames et messieurs ! J’ai vu personnellement, non pas 5 mais 6 rapports d’évaluation. Quatre d’entre eux sont cités dans la réponse du Conseil d’Etat, une autre évaluation financée par la Fondation suisse pour la promotion de la santé était antérieure à l’arrivée d’« Objectif grandir » dans le Canton de Vaud, mais, comme par hasard, Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6703 personne n’en parle. Six rapports, mesdames et messieurs, et des flots de paroles ! J’aurais envie de reprendre un alexandrin de Racine : ce programme ne mérite « ni cet excès d’honneur ni cette indignité ». Les rapports sont tous plus ou moins nuancés. Je peux être d’accord avec beaucoup des choses qui sont dites, aussi bien négativement que positivement. C’est vrai que les parents n’ont pas été correctement informés dans de nombreux cas ; c’est vrai que les enseignants n’ont pas bénéficié d’une formation suffisante ; c’est vrai parfois qu’ils n’ont pas été appuyés dans leur formation continue. OK. Ces critiques ont été faites et il me paraît que le temps n’est plus aux controverses. Je voudrais cependant relever que le ton et le contenu de ces rapports n’a vraiment rien à voir avec le ton des propos qui ont été tenus dans cette salle et relayés par les médias. Cela, chers collègues, je ne peux pas le comprendre. Pourquoi tant de haine ? Il y a eu des déformations, des amalgames, des condamnations hâtives ; vous avez utilisé l’anathème, vous avez parlé, finalement, comme si vous étiez d’une secte : dénonçant un grand complot international, appelant à des formes d’exorcisme, dressant déjà les bûchers de l’Inquisition. Cela m’a fait penser, pour prendre une comparaison personnelle, à la manière dont j’écrase les araignées ! Elles sont mortes depuis longtemps que je tape encore dessus... je reconnais mes défauts mais j’essaie de ne pas les pratiquer en dehors des araignées ! (Quelques rires.) J’aimerais comprendre comment on a pu en arriver là. Vous voulez tuer à tout jamais ce programme. Bien ! Le canton s’en remettra, ce n’est probablement pas un drame. Mais quel incroyable gaspillage ! Ce qui me navre surtout, c’est que derrière ce programme, il y a des gens, en particulier un homme que vous avez accusé sans fournir la moindre preuve. Cet homme-là, vous l’avez détruit et je ne suis pas sûre que lui, il s’en remettra. Je trouve incroyable l’idée que, dans ce canton, on a une institution de traitement des toxicomanies qui appartient ouvertement à la scientologie, mais que, apparemment, cela ne dérange personne. Et là, tout d’un coup, avec Daniel Pellaux, qui va chercher sa méthode à l’étranger, alors... pensez donc ! Si vous vous étiez renseignés un peu plus exactement, vous auriez vu que ce programme est une commande faite par le Canton du Jura à Daniel Pellaux, que son modèle vient d’une organisation non gouvernementale anglaise et que le cercle magique, dont tout le monde parle avec combien d’horreur, a été introduit par les enseignants jurassiens. Alors, où sont les scientologues ? Cela dit, je comprends bien que l’on ne puisse pas continuer avec ce programme, mais j’en suis navrée. Il me paraît que la décision d’arrêter est une prime à la rumeur. Comment pouvez-vous dire, madame la députée, que le département n’a jamais répondu à vos demandes ? Décider d’arrêter la 6704 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 formation et d’interrompre le programme, c’est tout de même une réponse qui se pose un peu là ! Si j’ai bien compris, vous allez déposer une résolution qui vise à interdire complètement aux enseignants qui ont été formés de continuer à utiliser cette méthode. Je relève que le rapport du CVRP signale que 88% des enseignants formés souhaitent continuer et que 2% seulement ne le désirent pas. Un seul chiffre : ils ont aussi été interrogés pour savoir si l’application d’« Objectif grandir » avait révélé des problèmes relationnels dans la classe. Oui, a répondu près de la moitié ; 37% ont dit non. A la question « ces problèmes étaient-ils dus à « Objectif grandir ?» Oui, ont répondu 5% des enseignants ; 65% ont dit que non, que ces problèmes se seraient posés de toute manière. Alors, tuons cette vilaine araignée, puisque c’est ce que vous voulez ; encore une fois, je pense que le canton s’en remettra. Mais vous dites aussi que vous voulez faire de la prévention ; alors, quelle prévention ? Est-ce qu’on va maintenant s’acheminer vers des leçons sur le sida, sur la violence, sur les drogues ? Utiliser des films qui nous montrent l’horreur de toutes les maladies que l’on peut attraper en se comportant mal ? Des leçons où l’on évite soigneusement de parler de soi et de ce que l’on ressent ? Une prévention qui ne s’occupera plus des affaires de la famille – peut-être cela sera-t-il laissé aux ragots des cours de récréation ? En conclusion, je voudrais ajouter ceci : il ne faudra pas vous indigner si, un jour, une enseignante ne fait rien, ne dit rien, n’entreprend rien quand une fillette de 6 ans dit à plusieurs reprises – comme cela s’est produit récemment – « maman a tué papa ». Je suis d’accord, c’est un cas extrême, mais enfin c’est là que l’on aboutit avec ce genre de peur et je suis tout à fait convaincue que ce n’est pas de cette manière que l’on institue un véritable partenariat entre l’école et la famille. Je constate maintenant qu’« Objectif grandir » est cliniquement mort mais je ne pourrai en aucun cas voter une résolution consistant à écraser encore plus, avec la talon, quelque chose qui est déjà mort. (Applaudissements.) M. Olivier Français : — Si je me permets d’intervenir, c’est que je suis malheureusement tombé sur une fiche. En effet, dans la réponse du Conseil d’Etat, on parle de la santé et que j’ai pris tout bêtement cette fiche santé. Activité No1 : je vais vous lire le texte parce que je parle plutôt en tant que parent et que s’il y a un problème relationnel, il est lié à cette information dont Mme Menétrey a parlé et cela provoque justement une inquiétude chez ces fameux parents. Qu’est-ce qu’on demande ? Notre chef de classe, c’est notre président, tout va bien. Professeur, je prendrai Mme la conseillère d’Etat, elle doit réunir des Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6705 exemples. Un affreux qui ne prend aucun soin de sa santé – je vous laisse choisir qui vous voulez désigner dans la salle –, un tout endormi, très fatigué parce que chaque jour il regarde, etc., et je continue ; vous avez le tout fou – et vous pouvez dire que c’est moi –, une toute molle, un tout «crado» et une toute pleine de chips. Voilà l’exemple. Et cela, c’est l’activité No 1. Personnellement, je trouve cela détestable et je ne peux accepter, en tant que parent, que l’on prenne les enfants en otage avec de tels termes. Par contre, il est vrai que certaines choses sont intéressantes. Mais cela, c’est dans les activités complémentaires ; alors, comment voulez-vous travailler avec ces fiches ? Et dans ces activités complémentaires, là, cela devient intéressant et de la prévention active. La classe peut créer un panneau mural ou un collage illustrant tout ce que les enfants peuvent faire pour prendre soin de leur santé ; cela, d’accord. Mais si vous commencez avec une activité une et que vous présentez cela à des parents, ce n’est pas acceptable. Si ce cercle magique, comme cela a été dit – mais je viens de l’apprendre –, a été inventé par le Canton du Jura et non par l’auteur de la méthode, le déficit de la méthode qui date d’un certain temps déjà et les nombreux rapports qui ont été transmis – je n’en connais que quatre, mais pour la ville dans laquelle je vis, celle de Lausanne, un fameux rapport de la direction de la sécurité sociale et de l’environnement – j’ignore s’il est confidentiel ou pas –, la conclusion : au vu de ce qui précède et par extension nous attirons l’attention de nos autorités sur le fait que l’inspection communale du travail est souvent sollicitée pour des demandes de renseignements concernant les entreprises qui se présentent comme humanistes et philanthropiques et je vous passe ce qu’il y a avant où justement l’on dit que la personne en question n’a pas la formation ad hoc pour faire cette prévention. La prévention, aujourd’hui et demain, elle est difficile ; c’est d’ailleurs pour cela qu’on en débat et qu’elle fait tant parler l’hémicycle et la presse, parce qu’on ne peut pas laisser cela en main de n’importe qui (remarque dans la salle) ...oui, les enseignants, parfaitement, ce sont les enseignants, ce sont des professionnels qui doivent travailler et des psychologues. Le monde de la santé doit être dans ces fameuses commissions. Donc, que les parents, que la famille soient associés à la prévention me paraît fondamental et on doit travailler ensemble pour que, demain, cette prévention soit faite dans les meilleures conditions. Mme Raymonde Caffari-Viallon : — On a dit tout et son contraire sur « Objectif grandir ». On a sans doute placé des attentes largement excessives dans ce qui n’est qu’une méthode – cela vient d’être rappelé – qui repose sur une formation brève et sur un matériel, en pensant que cette méthode allait pouvoir répondre à tous les problèmes de prévention. Mais, en face, on a, de 6706 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 manière beaucoup plus excessive encore, « diabolisé » une méthode qui n’en méritait pas tant. A mon sens, « Objectif grandir » avait, et a toujours, un grand mérite, celui de vouloir répondre à un vrai problème, à savoir la prise en compte des difficultés émotionnelles que vit tout enfant au cours d’un développement normal ; elle voulait répondre à des besoins globaux de développement alors même que l’école, par vocation, par tradition aussi, tend à répondre essentiellement et en priorité à des besoins d’ordre cognitif. Il est important de ne pas négliger ces besoins globaux liés au développement des enfants. Je ne pense pas que l’on y parvienne de manière correcte et satisfaisante à travers une méthode, c’est-àdire à travers un concept préétabli d’activité avec les enfants. Il faut bien davantage tabler sur les compétences des enseignants, donc sur leur formation. Dans la réponse du Conseil d’Etat aux interpellations dont nous discutons maintenant, je lis que l’on va définir une nouvelle politique de prévention et d’éducation pour la santé en milieu scolaire. J’aimerais que M me la conseillère d’Etat me rassure et m’explique comment on va faire et comment on va permettre aux enseignants de disposer des outils nécessaires non pas dans une mallette, mais à travers leur formation professionnelle et personnelle de manière qu’ils puissent jouer pleinement leur rôle de prévention et prendre en compte dans leur activité d’enseignant les besoins globaux liés au développement des enfants. M. Georges Glatz : — Tous les députés de cet hémicycle ont reçu une lettre, datée du 2 mars, du Groupement romand d’étude sur l’alcoolisme et les toxicomanies. Dans cette lettre, il est affirmé à propos d’« Objectif grandir » que ce programme correspond, je cite, « à un concept de prévention fondé sur le développement des compétences sociales, seule garantie d’un apprentissage à la capacité des choix des individus ». Permettez-moi d’affirmer que cette phrase me semble assez ambiguë ; en effet, la seule garantie d’un apprentissage à la capacité des choix des individus est, peut-on croire, du moins on le laisse supposer, d’adhérer à ce concept de prévention fondé sur le développement des conséquences sociales qu’est « Objectif grandir ». C’est une vision un peu manichéenne. Quelle place fait-on de tout ce qui contribue à la formation du caractère, au développement de l’individu dans ses liens privilégiés avec la famille ? On a l’air de nous dire que, savoir choisir serait en fait le résultat d’un apprentissage donné par des tiers en dehors de la famille plutôt que le résultat de l’intégration de la personnalité tout au long de son développement dans le cadre des étayages familiaux. Que fait-on également des communautés d’appartenance ainsi que des expériences normales de la vie sociale et familiale ? Dans le Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6707 courrier que l’on nous a adressé, on veut presque nous faire croire que l’homme, sans cette méthode, serait perdu. Personnellement, je suis inquiet de constater que ceux qui défendent la méthode « Objectif grandir » prônent de tels arguments inadéquats et si réducteurs. Sans en avoir l’air, cette façon de procéder s’attaque directement au fondement du socle familial et c’est un danger que je ne peux passer sous silence. Que la prévention s’exerce dans les écoles, oui, deux fois oui, mais que cela ne se passe pas au détriment de la famille dans l’exercice de son rôle premier qui est l’éducation. Que cela se fasse en collaboration avec les parents, avec leur adhésion et leur concours. Or, malheureusement, force est de constater qu’avec « Objectif grandir », l’on n’a pas choisi cette voie. D’où la situation actuelle malsaine parce que les passions se sont déchaînées et ont empêché l’émergence de la raison. Je dirai donc, en conclusion : que la prévention s’exerce, mais avec le concours des parents. M. Charles-Pascal Ghiringhelli : — Désolé, madame Menétrey, je n’écrase pas les araignées ; c’est le meilleur moyen de ne pas avoir trop de mouches chez soi. Vous savez qu’il y a toutes sortes de mouches, même certaines qui se nourrissent de m... Par contre, il peut être parfois convenable de la prendre par une de ses pattes, d’ouvrir la fenêtre et de l’éloigner de l’espace de vie qui est le sien ; et c’est finalement assez plaisant de la voir voguer ainsi au vent. Qu’est-ce qu’une secte ? En général une secte utilise un schéma qui commence à être de plus en plus connu des gens de la prévention, qui passe par un même processus et qui est, à peu de choses près, le suivant : on recherche tout d’abord avec l’adepte ou le futur adepte qu’il ait un sentiment d’appartenance à un groupe très fort et on banalise la réalité par une compréhension plutôt émotionnelle et une évacuation des réflexes rationnels. Deuxième stade, une fois que l’adepte a commencé à mordre à l’hameçon, on passe à une dévalorisation du cercle familial, des proches, des parents – il n’est pas nécessaire d’être une tenniswoman de renommée internationale et bâloise de surcroît pour s’en rendre compte. Ensuite, travail sur des notions consensuelles, genre lieux communs, avec utilisations de codes ; on commence à mettre en place des locutions et des termes propres à ce genre de pratique. Et une fois que l’on a ainsi déstabilisé le futur membre, on lui présente, paf, LA solution aux maux de la société dont il est la principale, pratiquement l’unique victime. Parfois, si c’est encore nécessaire – et là, l’épisode des araignées est peut-être évocateur –, on met en avant les revendications infondées du savoir scientifique, parce que, évidemment, le malheur ne vient que des gens qui essaient d’être raisonnables. Madame la conseillère d’Etat, vous avez reçu – hélas de manière confidentielle – un document émanant d’un cadre d’une organisation humanitaire reconnue 6708 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 de tous, jusqu’à présent a été appréciée, et qui vous donne exactement la preuve, sur une douzaine de pages environ, que, dans des sectes – certains ont dit scientologie, cela peut en être d’autres – et dans les termes même d’« Objectif grandir » repris de « Clés pour l’adolescence » de Quest international – qui n’est pas en Angleterre, madame Menétrey, mais dans l’Ohio aux Etats Unis et considéré là-bas comme organisation de type sectaire – qui reprend ces éléments-là et prouve que le schéma est curieusement similaire à ce type de pratique. Alors, comprenez, mesdames et messieurs, que des professionnels s’inquiètent. Comment, nous, cénacle de députés, avons été finalement approchés par ce problème d’« Objectif grandir » ? Des parents se sont tout d’abord inquiétés de pratiques dont ils ignoraient l’existence qu’ils ont peu à peu découverte – déficit d’information. Si cela n’avait été qu’un déficit d’information, facile à corriger, déficit d’information d’une excellente méthode, on fait de l’information ; mais ce déficit d’information s’est doublé d’une recherche de savoir d’où cela venait, qui l’avait fait, comment, quelle valeur. Et c’est là où, tout à coup, nous nous rendons compte que les opinions des spécialistes, des gens qui cherchent à faire l’analyse de cet élément, pour le moins divergent. Si nous voulons avoir une bonne prévention aussi dans le milieu scolaire, la règle première est le partenariat, donc, le consensus, l’adhésion des enfants, l’adhésion de leurs parents, les géniteurs, l’adhésion de la communauté scientifique, en majorité en tout cas, sur un large spectre scientifique. Et une fois que nous aurons ces adhésions-là pour un programme de prévention bien charpenté, nous pourrons, ensemble, de concert, aller de l’avant. Je crois que dans ce pays romand, nous avons les compétences et de quoi créer cette adhésion. Nous avons notamment une recherche universitaire de pointe, qu’elle soit à Fribourg, à Neuchâtel ou à Lausanne ; Genève, par exemple, qui, d’emblée – suite à un rapport genevois je suis d’ailleurs entré en matière sur « Objectif grandir » –, permettrait effectivement de mettre en place une prévention qui ne soit pas bricolée par un instituteur, mais qui soit un peu plus étayée lorsqu’elle est soumise à des professionnels et donne le sentiment effectivement qu’elle a été charpentée de manière suffisamment solide, sérieuse, pour pouvoir être utilisée et reconnue de tous, notamment des enfants bien sûr et des parents, les premiers concernés, comme étant une bonne méthode. Anecdote : prenez le rapport du CVRP. Alors qu’« Objectif grandir » a pour mission de faire de la prévention par rapport à des problèmes de violence – qu’elle soit intra- ou extrafamiliale –, des problèmes d’environnement extrêmement néfastes pour les enfants, qu’est-ce que l’on constate chez les enseignants qui ont utilisé, semble-t-il, non sans trop de « débonheur » cette méthode, que cela les a aidé à diminuer la tension dans les classes. Vous avez Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6709 une méthode qui vise la prévention de la violence et le résultat de tout cela, vous avez fini par l’utiliser pour autre chose ; alors, tant mieux si c’est utilisé pour autre chose. Mais si, finalement, c’est pour diminuer la tension dans la classe, ce n’est pas le but de la méthode et cela prouve bien que lorsqu’on a bricolé quelque chose et qu’on a signalé un objectif, mais qu’on ne l’atteint pas, c’est que l’on n’est pas crédible quant au fil rouge que l’on s’est donné. La résolution que les deux interpellateurs souhaitent vous faire adopter est la suivante. « Le Grand Conseil du Canton de Vaud demande l’arrêt complet et définitif des pratiques de la méthode « Objectif grandir » afin de ne pas porter préjudice à un nouveau mode de prévention qui devrait s’élaborer en coordination avec la recherche universitaire romande. » Et je pèse ces trois mots : recherche, universitaire, romande. Il semblait qu’en octobre l’on s’acheminait vers une évaluation romande et tout à coup, parce qu’un rapport vient de l’Université de Fribourg et déplaît à ceux qui auraient voulu continuer à bricoler avec les fiches d’« Objectif grandir » et les relire, eh bien, on oublie que l’on peut faire une réflexion dans ce domaine sur le plan romand – elle est d’ailleurs déjà amorcée puisque plusieurs rapports existent – et on en revient à une petite commission bien vaudoise de gens déjà asservis à une méthode largement critiquée par des professionnels. Ce n’est pas très sérieux. La prévention est, certes, indispensable dans plusieurs domaines de notre société ; elle a sa place dans l’école, c’est certain. Elle ne peut se faire que de concert avec tous les partenaires, parents, enseignants, médico-sociaux, etc. Elle ne peut se faire que sur une recherche fondée et bien charpentée. Voilà pourquoi nous vous demandons de voter cette résolution pour donner un signal clair de ce souhait de prévention, mais de prévention bien faite, afin que nous puissions enfin bâtir sur des bases moins irrationnelles et que l’on arrête de se jeter à la figure des choses qui, finalement, sont des anathèmes inutiles. A ma connaissance, il n’a jamais été dit par les interpellateurs que la méthode « Objectif grandir » était issue de la scientologie ; non, « Objectif grandir » ne vient pas de la scientologie, mais s’identifie à un processus sectaire ; voilà ce qui a été dit. J’aimerais dire aussi à M me la conseillère d’Etat – j’en profite puisqu’elle prétend que je ne lui ai jamais envoyé le rapport dont je parle dans ma motion, que je n’ai pas dit que je lui avais envoyé – qu’en date du 26 avril elle a reçu un courrier d’un des parents signataire de la pétition du contenu total du dossier qui mettait déjà les difficultés en exergue ; alors, il faudrait peutêtre, madame la conseillère d’Etat, que votre cheffe de l’information soit muée en une meilleure documentaliste. Et je pense qu’il serait également nécessaire que, de manière générale, lorsque des éléments aussi sensibles apparaissent, 6710 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 lorsque l’on touche la sphère familiale – et c’est peut-être le meilleur enseignement que nous pouvons tirer de cet épisode un peu triste dans notre canton d’« Objectif grandir » –, toute méthode de prévention doive impérativement, au départ, bénéficier d’une très large information aux parents. Nous savons que les enseignants sont confrontés à une difficulté très importante qui, à la fois, est celle d’être en face d’enfants bénéficiant d’un cadre protégé, voire surprotégé par certains parents qui n’admettent même aucune intervention préventive à l’école et, sur le banc d’à-côté, d’autres élèves qui, par contre, n’ont aucun encadrement familial. Or, il est difficile, dans une même classe, de pouvoir répondre à la fois au souci de parents qui souhaitent un minimum d’intervention scolaire dans le domaine de la prévention et d’autres parents qui, eux, démissionnent largement de leur rôle. C’est un défi que nous avons aussi à résoudre sur le plan politique. Mme Claire Garin : — J’ai été frappée par une partie de l’intervention de mon collègue Ghiringhelli parlant de la baisse de la violence dans les classes où la méthode est appliquée – je précise que je n’ai plus d’enfant en âge scolaire et que j’ai suivi tous ces débats un peu de loin ; je m’en suis rapprochée vu l’engagement militant de ma collègue Micheline Félix. On a déjà parlé à plusieurs reprises dans cet hémicycle des problèmes de la violence à l’école qui préoccupent beaucoup de monde, qui sont très graves, qui s’aggravent et qui vont aller en s’aggravant. Je pense que c’est un bénéfice secondaire absolument intéressant que cette méthode diminue la violence dans les classes, même si ce n’est pas son but premier. Deuxièmement, je voudrais dire que, appartenant au même groupe politique que les deux personnes qui se sont longuement exprimées sur ce sujet, j’ai été convaincue par les arguments de Mme Menétrey et je crois que je ne suis pas la seule. Je vous recommanderai donc de refuser la résolution déposée, qui, d’ailleurs, ne nous a pas été soumise par écrit et à laquelle nous n’avons pas eu le temps de beaucoup réfléchir, ce que je regrette. Je vous engage donc à refuser cette résolution. M. Alain Gilliéron : — Je vais essayer de conserver le bon ton de cette discussion. Je déclare mes intérêts : maître de classe terminale 8e et 9e et, accessoirement, président de la Commission d’enseignement du parti radical. J’aimerais inviter Mme Félix et M. Ghiringhelli à regarder les objectifs, à réfléchir et à s’abstenir de rallumer la mèche plutôt que viser à démolir et assouvir un désir de combat personnel. Réfléchir à la situation actuelle qui n’est de loin pas simple dans le domaine de la prévention. Si tout allait bien, madame la marquise, on pourrait imaginer perdre un temps précieux de recherche en preuves ou toute autre chasse aux sorcières fussent-elles scientologues. Mais force est de constater que les dérives comportementales Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6711 sont monnaie courante à l’heure actuelle dans nos écoles ; elles couvrent tous les degrés de la scolarité, de l’enfantine au gymnase et, surtout, deviennent de plus en plus difficiles à résoudre. On peut citer, par exemple, l’élève de première année qui casse tout dans la classe et n’a aucune limite ; l’élève de quatrième qui arrive quotidiennement en classe avec des marques qui ne sont pas le fait de taches de vin à la naissance ; ou bien l’élève de sixième qui fume et boit plus que de raison ; ou encore celui de neuvième pour qui l’école est le seul refuge en matière d’affection et de considération. Et tout cela augmenté de la problématique du racket, de la violence verbale et de la violence physique. Les enseignantes et les enseignants n’ont que faire des états d’âme de Mme Félix et de M. Ghiringhelli ; ils ont déjà bien à faire avec ceux qui sont réellement les leurs actuellement. Le Département de la formation et de la jeunesse a interrompu, au vu de la suspicion régnante, la formation « Objectif grandir », dont acte, décision qui me paraît tout à fait crédible et judicieuse. Mais, de grâce, laissez maintenant les praticiennes et les praticiens – excusez-moi, monsieur Ghiringhelli, les bricoleurs, parce que nous sommes des bricoleurs – travailler à la mise en place d’un concept qui doit pouvoir répondre aux besoins, lesquels sont immenses. L’école doit répondre aux exigences de la société en formant des jeunes quels que soient leur avenir et leurs capacités professionnelles. Elle ne peut mener cette mission à bien si d’éternelles remise en question lui sont envoyées en pleine figure, comme c’est le cas à l’heure actuelle : moratoire EVM, démolition d’« Objectif grandir », le bon scolaire généralisé... autant de gentillesses qui visent à faire prendre à notre école publique un virage à 180°. Face à tant d’amour et tant de sollicitude et malgré le fait qu’il me coûte de renoncer à une résolution qui parle de plus de prévention à l’école – c’est quand même un comble ! –, vu l’esprit de cette résolution, je ne peux la cautionner et vous demande de la refuser. (Applaudissements.) M. Jean-Louis Cornuz : — Deux points pour m’introduire : je ne suis pas très favorable à « Objectif grandir », en revanche je suis un ferme partisan d’EVM. Si je prends la parole, c’est que je suis quelque peu étonné d’entendre parler de violence à l’école ; mais c’est ce que vous désirez, c’est ce que nous désirons tous, nous faisons tout pour encourager cette violence. Regardez les films présentés sur les écrans de TV, les bons films, les bonnes émissions sont généralement relégués après minuit, par contre, vous avez au moins une fois par semaine, et je suis modeste, des films vous montrant des poursuites automobiles, des gens qui se tirent les uns sur les autres à la mitraillette, des bâtiments incendiés, etc., etc. Il en va de même des jeux vidéos ; ce sont des jeux où, une fois sur deux en tout cas, il s’agit de tuer ; un camp de Romains, 6712 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 des Gaulois qui tirent dessus ou vice versa, ou un homme qui tire sur des personnages au fur et à mesure qu’ils montent à une perche ; j’ai vu cela, ce sont les jeux que l’on propose à nos jeunes. Et pas seulement cela : officiellement, je fais faire, je le répète, les devoirs de latin de mon petit-fils – je prie mes camarades de m’excuser, si j’ai déjà cité ces textes ; je suis tombé sur un texte qu’il devait traduire du latin au français ; treize phrases. Je me permets de vous lire non pas les treize phrases mais quelques-unes. La première phrase à traduire est la suivante : le roi est tué par son serviteur ; ensuite : l’empereur est tué par le philosophe, l’adolescent est tué par son camarade, le vieillard courageux est tué par le soldat, (rires) la servante est tuée par le serviteur du consul, le compagnon de l’adolescent est tué par le roi, la jeune fille est tuée par le paysan... (rumeurs et rires) Les six autres phrases sont du même acabit, elles se tiennent toutes par le verbe interficitur qui veut dire est tué. Pourquoi faire des exercices de ce genre ? Cela m’échappe. C’est un livre imprimé à Lausanne et mis en usage dans nos classes ; il faut être tombé sur la tête pour faire faire des exercices de ce genre à des élèves. Du temps de ma fille, j’avais déjà été frappé, mais c’était au gymnase ; elle était donc déjà plus âgée ; des textes de la basse latinité étaient choisis où étaient décrits des martyrs de jeunes chrétiennes qui étaient d’abord violées, ensuite de quoi on leur coupait les seins, etc. etc. (Rumeur.) Vous parlez d’une valeur éducative fâcheuse et discutable pour des adolescentes de 17 ans ! Alors, cette violence, vous la voulez puisque vous ne prenez aucune mesure contre. Chaque fois que, par hasard, on en parle – parce qu’il n’y a pas seulement la violence, de temps en temps c’est interrompu par des scènes de viol, de gens qui se sautent mutuellement, etc. etc. –, chaque fois que quelqu’un a pris la parole, cela a tout de suite été écarté : « mais voyons, voyons, la liberté d’expression, vous ne songez pas à y toucher, pas de censure, etc. » Eh bien, continuons comme ça, mais réjouissons-nous que nos jeunes soient violents, on les y encourage, on le leur demande, on leur montre comme c’est beau... C’est comme ça. (Brouhaha.) M. Michel Mouquin : — J’ai envie de commencer par une boutade : remplaçons le cercle magique par la Table ronde et tout sera réglé. (Rires.) J’ai l’impression que l’on se perd, aujourd’hui. Qu’est-ce qu’« Objectif grandir » ? C’est une méthode externe aux structures scolaires que nous gérons ici, au parlement. Revenons à notre travail : la gestion de l’instruction publique dans le cadre du département, écartons tout ce qui est externe et arrêtons de nous perdre dans des discussions absolument ridicules et qui durent depuis des années dans cet hémicycle. Sortons de ce cercle « Objectif grandir » pour enfin travailler dans le Département de la formation et de la jeunesse, que celui-ci Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6713 fasse ce qu’il doit faire, c’est-à-dire instruire nos jeunes dans un cadre serein et qui ne soit pas sans arrêt perturbé par des histoire de sectes ou de programme. Faisons le travail qui est le nôtre. « Objectif grandir » n’a rien à faire dans l’instruction publique, qu’on l’en sorte. Terminé. (Brouhaha et quelques bravos.) Mme Anne-Catherine Menétrey-Savary : — Merci, monsieur Mouquin, pour ces propos vraiment constructifs ! Je voudrais juste compléter certains points. M. Glatz a cité une résolution du GREAT que vous avez tous reçue, qui, selon lui, laisse entendre que seul ce programme peut éduquer les enfants. Mais il n’a pas tout cité. Le texte dit ceci : « Cette méthode cherche à développer la collaboration avec les familles et à construire un partenariat avec le réseau des intervenants pédagogiques et sanitaires. » – si l’on veut citer, il faut le faire jusqu’au bout. Autre précision : l’organisme à l’origine de ce programme est bel bien Tacade, qui se trouve en Angleterre, et non pas aux Etats-Unis ; à ne pas confondre avec QUEST qui fait d’autres programmes dont nous avons parlé aussi mais qui n’a rien à voir avec celui-là. Maintenant, M. Ghiringhelli dit que les opposants n’ont jamais accusé les auteurs de s’être inspirés de la scientologie ; alors, je ne vois pas pourquoi ils ont fait faire des enquêtes policières pour savoir si M. Pellaux en est membre, preuve qui n’a jamais pu être apportée. La résolution du GREAT dit encore ceci : « Le groupe prévention affirme également que ces méthodes visent à construire l’autonomie de ceux auxquels elles s’adressent et qu’elles démontrent ainsi une attitude inverse de l’esprit sectaire. » Dernière remarque enfin, à propos de la nouvelle prévention qui devrait être faite par les universités et les universitaires. Je travaille en fait pour un institut de recherche scientifique, avec de grands esprits de chercheurs. Eh bien, je peux vous dire qu’aucun de ces grands esprits n’a jamais fait le moindre programme de prévention et qu’une fois qu’ils ont bien cherché et trouvé des choses intéressantes, ils viennent voir les praticiens pour leur demander de les traduire en termes de prévention pour que ce soit applicable sur le terrain. Mme Doris Cohen-Dumani : — J’aimerais peut-être juste vous rappeler comment l’on en est arrivé à choisir une méthode telle qu’« Objectif grandir ». Il y a quelques années, M. le professeur Michaud a fait une enquête sur les problèmes des adolescents, laquelle avait déterminé qu’un certain nombre d’entre eux avaient des problèmes qui allaient parfois jusqu'à des envies de suicide. Il avait réuni autour de lui une cinquantaine de personnes de plusieurs milieux dont des infirmières, des enseignants, des médecins, des psychiatres, des policiers même et, à la fin de ce travail multidisciplinaire, comme vous 6714 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 pouvez le constater, une des conclusions a été qu’il fallait absolument trouver, dans ce canton, une méthode basée sur l’enseignement, les compétences sociales. D’où le choix peu de temps après d’« Objectif grandir ». Ce n’est donc pas arrivé comme ça, brutalement, mais après mûre réflexion. Cette méthode correspondait à une attente très grande des enseignants et c’est pourquoi le département a souhaité la généraliser. Mais, on oublie de dire qu’elle correspondait aussi à une attente très grande des parents et que l’Association des parents d’élèves avait pris une position très nette en faveur de dite méthode. Maintenant, on peut se poser la question : a-t-on pris suffisamment de précautions au départ sur la méthode elle-même, sur son contenu, sur la relecture des fiches, a-t-on pris suffisamment de temps pour former les enseignants ? Là, je crois que le recul a manqué, et l’on constate aujourd’hui que cette formation a été beaucoup trop brève. Et puis, on en est arrivé à revoir tout cela et on a nommé une commission d’experts. Cette commission, malheureusement, n’a pas réussi à fournir un seul rapport et, pour compliquer notre appréciation, nous a livré deux rapports contradictoires. Malgré tout, on est arrivé à un consensus et on a éliminé, on a trié, et on a dit qu’un certain nombre de fiches étaient inadéquates et qu’il fallait les éviter – je réponds ici à M. Français qui parlait de fiches criticables. On a ensuite établi un certain nombre de garde-fous et on a souhaité garantir l’information des parents. Ce qui me fait souci aujourd’hui, c’est qu’à force de dire que ce programme est mauvais, qu’une secte est là-derrière, des parents s’inquiètent, que la confiance vis-à-vis du programme est drôlement rompue et que le contrat que l’on pouvait avoir entre parents, enseignants, école, en a pris un bon coup. Est-ce à dire que l’on devrait suivre la résolution de M. Ghiringhelli qui, peut-être, pour des motifs louables, nous dit qu’il faut prévoir autre chose ? Mais, alors, en attendant, quid, on laissera pourrir la situation ? Je m’insurge contre ceux qui disent que l’école n’est pas là pour éduquer les enfants. Regardez un peu ce qui se passe en France : on constate que les parents, je ne dis pas en général, mais un certain nombre d’entre eux en tout cas, ont complètement démissionné, de l’éducation de leurs enfants et que, dans les écoles, des enfants arrivent qui n’ont absolument aucun élément d’éducation. Cela, c’est un fait, qu’on le veuille ou pas, que l’on s’insurge ou pas contre cette situation. Or, on ne peut pas abandonner complètement les enseignants à cette situation-là sans leur livrer des éléments, des outils, pour leur permettre de gérer cette défection des parents. Alors, maintenant, qu’allons-nous faire à partir du moment où l’on abandonnerait complètement « Objectif grandir » ? A l’avenir, on prévoit effectivement de mettre en place d’autres méthodes – ce ne sera peut-être pas une seule, évitons de généraliser, à Lausanne, nous offrons le choix entre Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6715 plusieurs méthodes –, essayons d’offrir le choix ; avec le programme « élève pairs », on constate que l’influence des élèves à l’égard de leurs camarades est primordiale pour les élèves eux-mêmes. Essayons donc de prévoir autre chose pour demain, mais ne laissons pas les enseignants complètement démunis car si on les laisse démunis et avec des promesses, je puis vous assurer qu’ils auront énormément de mal à gérer les situations d’enfants difficiles ; et il y en a plus qu’on ne le croit aujourd’hui. M. Philippe Martinet : — L’intervention de mon collègue Mouquin m’inspire une réaction : effectivement, recentrons-nous sur notre travail politique. Or, le travail politique à courte échéance, c’est la résolution proposée et c’est un travail législatif qui nous attend dans assez peu de mois puisque nous allons travailler en septembre sur le document de la Haute école pédagogique, que j’ai vu circuler dans plusieurs travées. Dès lors, nous avons consacré une heure à quelque chose qui n’est pas la pierre, une construction, une réalisation très concrète, mais il me paraît que ce temps n’est pas du tout perdu car il s’est dit nombre de choses intéressantes En conclusion, pour ce qui est de l’aspect politique, la résolution, malgré les aspects constructifs qu’elle développe notamment en terme de rebondissement après « Objectif grandir », pose un problème dans le premier terme de son texte. Il est dit en effet d’interdire en quelque sorte les pratiques – or, on peut citer le rapport fribourgeois qui l’a déjà été longuement, pour relever qu’au contraire, les experts fribourgeois ont dit qu’il y avait tellement de choses banales dans les fiches d’« Objectif grandir » qu’il était probablement assez peu utile ; donc, si l’on interdit des pratiques jugées banales, il faut croire que la marge de manœuvre des enseignants va être extrêmement restreinte, comme l’a bien dit Mme Cohen-Dumani. Dès lors, vu qu’il n’y a pas un avant ou un après « Objectif grandir » et que chaque enseignant bricole – cela a été dit, et c’est vrai que la pédagogie est au carrefour de plusieurs sciences d’où une part d’improvisation permanente –, interdire les pratiques est une expression tout simplement impossible à gérer pour les enseignants, ce qui me fera refuser la résolution. Quant au travail législatif, j’aimerais qu’à l’aube de ce débat tout à fait intéressant l’on réfléchisse à la transformation du rôle d’enseignant entre un exécutant qui applique une méthode, qui suit des manuels, qui va avancer chaque année au fil des chapitres selon un cadre clairement défini et ce personnage un peu nouveau qui va organiser les apprentissages à partir d’enfants extraordinairement différents – cela a été dit par M. Ghiringhelli – ce professionnel qui doit beaucoup improviser, qui est forcément critiqué par les spécialistes qui se développent dans toutes les sciences humaines et 6716 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 d’éducation et que l’on regarde le projet de Haute école pédagogique avec ces yeux-là. Il y a un accent à mettre sur la formation des maîtres et au moment où l’on octroiera ou pas les crédits, j’aimerais que l’on s’en souvienne. M. Georges Glatz : — J’aimerais répondre à M me Menétrey. Lorsqu’on dit, dans un autre courrier, que l’on cherche à développer la collaboration avec les familles, permettez-moi de vous faire part de mon expérience personnelle : j’ai un fils de 11 ans qui est allé dans une école où la méthode « Objectif grandir » – le cercle magique avec – était pratiquée. Il est rentré et m’a dit : « je n’ai pas le droit de t’en parler ». Et vous dites que c’est ainsi que l’on collabore avec les familles ! Eh bien, moi, j’ai vécu cette expérience et je ne le tolère pas. Je ne veux pas dire non plus qu’il faille brûler la méthode, il y a peut-être des choses à en retirer, mais qu’on le fasse en collaboration avec les parents ; c’est ce que je préconise. Il ne s’agit pas de dresser les parents contre la méthode, mais que les enfants fassent des confidences devant leurs camarades et n’aient pas le droit d’en parler à la maison... d’autant qu’il peut être dangereux de faire certaines confidences à des camarades, vous le savez aussi bien que moi. Cela, encore une fois, je ne l’admets pas. Quant aux commissions qui ont traité de ce sujet, on lit dans la presse que certains commissaires ont des intérêts personnels ; alors, que l’on fasse une commission indépendante, que l’on demande à des gens comme le Dr. Salem, qui sont reconnus et qui ont l’autorité et la liberté de parole, de s’exprimer. Que des systémiciens nous disent ce qu’ils pensent de cette méthode. Mme Francine Jeanprêtre, conseillère d’Etat : — On peut en convenir, voilà un débat qui a toujours passionné cet hémicycle, un débat qui a donné beaucoup d’ambiance dans le Canton de Vaud, ce qui a provoqué chez moi un sentiment assez mitigé lorsque je côtoyais mes collègues à la Conférence des directeurs de l’instruction publique romande. Eux-mêmes ne rencontraient pas cette polémique dans leur canton et je crois que c’est sous la contrainte, comme cela a été dit, d’un climat que je qualifierai de pourri, que j’ai dû prendre la décision de mettre un terme à l’expérience, certes à contrecœur parce que j’estimais aussi que c’était un vaste gaspillage, d’arrêter la méthode « Objectif grandir ». Mais il n’y avait pas d’autre issue malgré le bien-fondé reconnu de tous qu’il y a à se préoccuper de nos enfants, des écoliers, le bien-fondé qu’il y a à se pencher sur les problèmes actuels de la violence et d’exercer au mieux la prévention. Je vous rappelle – et c’est au niveau de la loi scolaire que cela se passe – que l’éducation des enfants se fait en complémentarité entre les parents et l’école et que, vraisemblablement, c’est quelque chose qui passe encore mal. Ce que je ne voudrais pas, c’est que cette méthode « Objectif grandir », que l’on a Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6717 « diabolisée » – il faut qualifier ainsi les choses – mais qui a été retirée, ne débouche sur plus rien ; de la prévention on continuera à en faire. Avec le recul, – c’est ma seule critique à « Objectif grandir » –, peut-être peut-on dire que la méthode a été introduite trop vite, pas assez soigneusement. Mais il est vrai aussi que nous avions là un produit clé en main, pas cher, alors qu’une demande réelle existait. C’est une constante et cela va l’être de plus en plus : les enseignants ont besoin de soutien, d’appui dans des domaines nouveaux qui leur échappent pour l’instant, qui n’ont pas trait à la transmission du savoir et des connaissances mais plutôt à la gestion de cette problématique nouvelle, telle, par exemple, la violence qu’ils découvrent à la fois dans leur classe, dans leur préau et peut-être aussi en amont, la violence exercée dans les familles. Cette méthode « Objectif grandir » qui avait d’infinies qualités, tout le monde en a parlé et les fiches les plus sensibles ont été retirées, venait en appui aux enseignants qui cherchaient à faire de l’animation dans leur classe mais qui cherchaient aussi à entretenir un dialogue avec les enfants. Maintenant, j’aimerais que l’on puisse tourner la page. La résolution telle que lue à cette tribune ne m’a même pas été présentée, je ne sais pas de quoi il retourne – je n’en suis pas vexée et je crois qu’elle a été publiée aujourd’hui dans La Presse Riviera ; peu importe – et j’aimerais que l’on se tourne vers l’avenir. Il y a deux pistes intéressantes ; la prévention on va la continuer, c’est une mission que l’on doit prendre en compte très sérieusement et nous allons créer vraisemblablement, en collaboration avec mon collègue M. Charles-Louis Rochat, un office de la santé scolaire qui sera inclus dans le Département de la formation et de la jeunesse étant entendu que la santé s’entend dans un contexte large – selon la définition de l’OMS, il s’agit de la santé physique et psychique. Je veux dire qu’il s’agit du bien-être ou du mal-être des enfants ; il ne s’agit pas des déviants, il s’agit du bien-être des enfants et de sa prise en compte. Nous allons aussi, parce que la problématique est romande – et cela, c’est une proposition que j’ai faite au sein de la Conférence des directeurs d’instruction publique et qui est en voie de réalisation –, essayer de trouver une piste romande pour mettre en place un concept qui, on peut l’espérer, pourrait donner satisfaction à chacun. J’aimerais dire, et il faudra que nous en restions là dans ce débat, que j’ai tourné une page à contrecœur, certainement, mais parce qu’il n’était politiquement plus possible d’avancer dans ce débat qui se rallume à chaque occasion ; et j’espère que c’est la dernière fois que nous l’abordons. Il y a, au niveau vaudois, une voie qui se met en place ; il y a, au niveau romand, une voie qui se met en place aussi ; on trouvera de la coordination, on réunira les forces pour réfléchir. Pour l’instant, je vous engage, par rapport aux informations que je viens de vous donner, à faire confiance à cette démarche 6718 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 sachant pertinemment que je suis très attachée, de même que toutes celles et ceux qui ont travaillé à ce concept de prévention, à ce que nous puissions garder et garantir à la fois l’appui que nous devons fournir aux maîtres, le partenariat – et j’insiste là-dessus – que nous devons entretenir avec les parents, leur collaboration, mais toujours en visant ce but qui est le bien des enfants – et peut-être y a-t-il eu là un problème au niveau de l’information. C’est pour cela aussi que je vous invite à ne pas soutenir la résolution qui vous est proposée. La discussion est close. La résolution est refusée par 71 voix contre 57 et 14 abstentions. ____________ PROJET DE DECRET accordant un crédit d'ouvrage pour la première étape de la construction d'un centre d'enseignement professionnel et gymnase au lieu dit «Marcelin» à Morges (70) Deuxième débat Il est passé à la discussion du projet de décret, article par article en deuxième débat. Article premier. — M. Daniel Brélaz : — Le groupe des Verts remercie le Conseil d’Etat de la réponse aux nombreuses questions posées le 2 mars 1999, réponse donnée dans un délai record. Il se doit toutefois de constater que, vu justement le délai cidessus, cette réponse ne peut lever un certain nombre de doutes fondamentaux que nous devons absolument maîtriser en cas de débat populaire. En ce sens, le groupe des Verts tient à préciser qu’il se distancie très clairement des propos vexatoires tenus par un certain nombre de députés lausannois à l’intention de nos amis morgiens lors du premier débat. Il doit néanmoins constater que, sur quelques-unes des questions posées, la réponse manque de solidité, probablement parce que certains points n’ont jamais été abordées ou par manque de temps. Je précise ces points. Si l’on prend les clauses démographiques, l’on s’aperçoit que le système de la pointe incriminée à hauteur de 2008, 2009, et les renseignements fournis dans Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6719 le document écrit du Conseil d’Etat ne tiennent pas du tout compte des classes qui devraient s’être libérées à ce moment-là dans le secondaire inférieur. Celles-ci pouvant être estimée à au moins une vingtaine, il va de soi qu’avant d’aller trouver le peuple, il serait bon de s’assurer que des solutions de type réaffectation du gymnase du Belvédère ancien – actuellement des 10e année scolaire – est possible avec, pour trois, quatre à cinq ans, l’utilisation de locaux du secondaire inférieur par les actuels élèves de 10 e année. Ce genre de point doit être clarifié. Il est parfaitement plausible que d’autres éléments fassent que, après le passage de la pointe démographique et scolaire qui nous a été mentionnée, on ait des besoins en formation plus importants, par exemple parce que suivant les vœux de M. le député Gilliéron – qui est le seul à n’avoir reçu aucune réponse à sa question dans le document en huit points – et suite à des clarifications sur proposition de M. le député Gilliéron, on s’aperçoit que l’Etat décide fermement et pas seulement en option de faire un effort supplémentaire dans le domaine de l’apprentissage et que cela génère des locaux supplémentaires ; mais seulement si c’est décidé de manière ferme. Il se peut aussi qu’autour de la formation scolaire et professionnelle, parce que, petit à petit, nous nous rapprocherions des normes que l’on constate dans le reste de la Suisse et particulièrement de la Suisse romande, des besoins supérieurs en formation se révèlent. Mais cela ne peut résulter que de volontés politiques clairement affirmées et, en l’état des connaissance, si c’est le statu quo qui l’emporte, on peut craindre que cette argumentation face à une prise en compte globale des locaux scolaires ne soit pas convaincante pour un peuple auquel on prêche par ailleurs de très lourdes économies dans les domaines les plus divers. Un deuxième domaine devrait être fortement valorisé avant d’être présenté au peuple. C’est l’explication sommaire par laquelle on nous dit que, par effet de synergie entre le secteur professionnel et le secteur secondaire supérieur, on va se trouver avec 22 millions d’économies, sans que l’on reçoive aucune explication claire du pourquoi – on peut éventuellement imaginer des locaux communs ou d’autres raisons. Ce chapitre doit absolument être étayé dans l’optique où nous ne nous contentons pas d’un débat parlementaire mais ou nous avons affaire à un débat contradictoire au niveau du peuple. Dans la même optique, la comparaison avec la solution autour de Grand-Pré, dans le quartier de Malley, doit également être solidifiée. Si l’on ne change presque rien dans les paramètres, par exemple, un coût de location de 50 000 francs inférieur chaque année au sens des réflexions du rapport du Conseil d’Etat, on aboutit au résultat – cela vaut ce que cela vaut, mais c’est l’arithmétique, comme dans le rapport – que le projet Grand-Pré est préférable financièrement à celui de Marcelin, même en tenant compte des coûts de location ; ce qui signifie qu’il y a d’autres bons motifs. Mais là aussi, des opposants – il semble 6720 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 en exister – relativement décidés peuvent nous amener à ce que ce projet, que le groupe des Verts ne conteste pas dans son principe ni dans son emplacement, soit refusé par le peuple par insuffisance d’argumentation convaincante et de solidité du dossier. Dans ces conditions, prendre le risque supplémentaire, avec la théorie des dominos qui pourrait s’ensuivre, d’envoyer ce projet devant la population vaudoise comme premier de la liste des plus de 20 millions doit également être pris en considération dans une réflexion politique. Il est vraisemblable que si ce projet va devant le peuple et que le district de Morges l’accepte à une belle majorité mais que le reste du canton contribue à un résultat négatif ou, pire encore, fortement négatif, l’on ait ensuite des effets de culture des dominos sur tous les objets suivants – c’est le risque que j’ai tenté d’éviter à l’époque où je vous proposais la clause des quarante pour le référendum financier, sans succès malheureusement. La situation ici est qu’il vaut mieux envoyer devant le peuple un projet dont les chances de passer sont élevées, comme, notamment, le projet du Département de l’économie sur le renforcement des structure de promotion économique du canton ; dans un climat de chômage, on peut penser en effet que ce projet-là a de très bonnes chances. Ensuite, si tel ou tel projet tombe – il y en aura fatalement sur la liste des plus de 20 millions qui seront refusés par le peuple –, cela n’a pas du tout les mêmes conséquences : c’est un accident de parcours. Par contre, si c’est le premier qui fait gyrophare, il faudra ensuite longtemps pour sortir de la dynamique. Pour toutes ces considérations et dans un objectif de renvoi constructif à la fois pour clarifier le débat face au peuple et pour apporter des réponses essentielles à nos électeurs auxquels nous devrons expliquer, dans le cadre de notre gestion, pourquoi ce projet s’impose, le groupe des Verts à une large majorité m’a chargé de déposer la motion d’ordre suivante : « Renvoi au Conseil d’Etat avec mission de préciser notamment les points suivants : planification scolaire tenant compte des locaux vides dans le secondaire inférieur après le passage de la « pointe » démographique et d’éventuelles augmentations de besoins en formation ; explication claire des raisons de l’effet de synergie de 22 millions estimé pour le projet Marcelin ; comparaison Grand-Pré avec une méthode d’amortissement comparable et une analyse de sensibilité. Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6721 Face à ce projet et face à ce renvoi, on pourra bien sûr m’objecter que nous aurons besoin de classes louées pendant une année supplémentaire, et que pendant une année de plus, une dizaine de locaux scolaires devront être trouvés compte tenu des perspectives démographiques de ces quatre prochaines années. Nous estimons, face à la préparation insuffisante du dossier, non pas pour affronter le Grand Conseil mais pour affronter une votation populaire et les risques de la dynamique créée par un éventuel échec, que cela ne pèse pas suffisamment par rapport au reste du développement et, en ce sens, nous maintenons la motion d’ordre que je viens de déposer. La discussion sur la motion d’ordre est ouverte. M. Jean-Jacques Ambresin : — M. le député Brélaz demande une explication plus complète s’agissant des 22,5 millions que nous économiserions en construisant un centre d’enseignement professionnel et un gymnase à Marcelin. Sur ce point-là, je peux le suivre. Quant au besoin de locaux ou à la solution Grand-Pré, je suis beaucoup plus réservé. Enfin, s’agissant de la théorie des dominos, M. Brélaz a au moins le mérite de dire les choses clairement. Mais que pourrait penser l’électeur qui se dit « on nous présente un projet qui a de fortes de chances de passer pour nous mettre sur la bonne voie et, ensuite, on viendra nous « refiler » des projets plus discutables, mais qui, après un premier vote positif, passeront plus facilement. » Selon radio-couloir, j’ai entendu dire que nombre de députés diraient oui quand même à ce projet. Alors, quels sont les défauts qui empêchent un oui tout court ? Déjà lors du premier débat, j’ai essayé de comprendre ce que voulait précisément M. Brélaz qui vient de le dire un peu mieux aujourd’hui. Mais enfin, si j’essaie de faire l’inventaire des reproches que j’ai pu entendre – je passe sans m’y arrêter sur une éventuelle rivalité, querelle de prestige entre Lausanne et Morges qui n’a rien à faire ici – concernant le surdimensionnement des locaux à la suite de prévisions démographiques erronées, on peut discuter puisqu’il est admis qu’un 2% d’erreur est incompressible, si je puis dire. On nous a bien précisé, dans le document distribué lundi, qu’à la rentrée 2000, il y aurait 11 locaux vides à Lausanne, 9 l’année suivante – cas échéant, ces locaux pourront toujours servir de marge de manœuvre et ne sauraient être considérés comme une solution à long terme. Je constate d’ailleurs que depuis plus de trente ans, nous ne cessons de construire des locaux scolaires – quand je dis « nous » j’entend aussi bien l’Etat que les communes – et que, en dépit de cet effort soutenu, il n’y a toujours pas pléthore, bien au contraire. S’agissant en particulier des locaux spéciaux, leur insuffisance oblige les directeurs à se livrer à des acrobaties d’horaire ou à continuer à recourir à des solutions de fortune. Je constate donc 6722 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 qu’en dépit de cet effort, nous avons toujours des besoins en locaux et je ne vois pas, en tout cas en l’état actuel des renseignements dont nous disposons, ce qui pourrait provoquer tout à coup un retournement de situation. Quant à parler de 2008, 2009, voire au-delà, je me tiendrai sur une réserve prudente laissant à nos successeurs le soin d’examiner la situation d’ici une dizaine d’années ; aujourd’hui, cela me paraît un peu prématuré. Ces locaux seraient-ils trop chers ? Evidemment que si nous n’appliquons qu’une seule couche de peinture là où il en faudrait deux, nous ferons quelques économies, mais je ne crois pas que ce soit là qu’elles seront sérieuses. Les économies se font en amont, elles se font au moment où l’on établit le programme qui sera remis aux architectes chargés d’élaborer le projet ; c’est là que l’on fait les économies, ce n’est pas par un amendement linéaire et arbitraire de 8, de 4 millions ou je ne sais trop ce que l’on va nous proposer tout à l’heure, ce n’est pas par ce genre de bricolage que l’on réussit à diminuer sérieusement les coûts. J’ajoute enfin que, personnellement, je n’ai aucun intérêt dans cette affaire. Que ce projet se réalise ou non, et s’il doit se réaliser que ce soit sous cette forme-ci plutôt que sous cette forme-là, cela ne va rien changer à mon existence. C’est la raison pour laquelle, si nous sommes en train de nous tromper comme certains semblent le sous-entendre, alors, qu’ils viennent le dire ! Comme dit la formule : que celui qui a des objections en fasse part ici et maintenant ou qu’il se taise à tout jamais. Parce que moi, si l’on me dessille, d’accord, je dirai que je me suis trompé et que je n’avais rien vu jusqu’à présent, mais si c’est... « ah, on ne sait pas, la démographie... les locaux... », si tout reste confus, alors, non, moi, je ne peux pas. Donc, sous réserve de cette éventuelle révélation fracassante qu’on voudra bien nous faire maintenant, je voterai ce projet et vous encourage à en faire de même. Mme Eliane Rey : — J’aimerais revenir sur plusieurs points dans le cadre de la motion d’ordre déposée par M. Brélaz. Quelques mots d’abord sur les perspectives démographiques. Selon les prévisions, le besoin maximal de classes pour les gymnasiens et gymnasiennes, le sommet de la courbe se situe en 2008/2009, années correspondant à un nombre record de naissances en 1991. A partir de là, les perspectives montrent pour le Canton de Vaud qu’une tendance à la baisse se dessine suivant en cela une diminution du nombre de naissances annoncées dès 1992. On nous dit que la population des jeunes de 17 ans devrait encore légèrement baisser à partir de 2015, ce qui montre qu’il faut être très attentif au fait de ne pas multiplier les infrastructures lourdes et fixes pour répondre à des besoins de durée temporaire. Il paraît évident que dans ce processus de baisse progressive des besoins, des classes se libéreront au fur et à mesure et que l’on risque de se Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6723 trouver en situation de surcapacité. Evidemment, les choses seraient plus simples si l’on savait à quel niveau la courbe se stabilise. Mais une tendance à la baisse semble bel et bien se dessiner à partir de 2008, 2009, et devoir se poursuivre au-delà de 2015. Non seulement nous avons besoin de prévisions scolaires et démographiques, qui d’ailleurs figurent dans cet exposé des motifs, mais surtout il conviendrait de savoir quelle réponse sera apportée à cette évolution des besoins dans le cadre des différentes régions, c’est-à-dire quelles sont clairement les capacités actuelles, le cas échéant, les réserves de classes disponibles ? Or, il règne un certain flou à ce sujet. Quels sont les projets d’extension et les capacités futures escomptées, les bassins de recrutement pour chaque établissement, les possibilités de déplacement des élèves et leurs limites ? Cela nous permettrait de situer ce projet dans une perspective d’ensemble, d’y voir plus clair dans le cadre d’une gestion coordonnée. Par ailleurs, la variante Grand-Pré est évoquée dans le document qui nous a été remis. L’Administration a fait un gros travail pour nous fournir des informations supplémentaires. Toutefois, il me paraît que, pour des projets de cette envergure, il conviendrait de nous indiquer clairement si des solutions autres qu’une construction nouvelle existent, les inventorier toutes, en indiquer les coûts, avantages et inconvénients et, ainsi, nous fournir des comparaisons. Cela devrait être fait dès le crédit d’ouvrage afin de ne pas arriver au moment du crédit de construction, comme c’est le cas aujourd’hui, avec encore trop d’interrogations qui touchent des problèmes de fond. Car, de ces informations peuvent dépendre l’acceptation ou le refus d’une construction nouvelle. A mon sens, les informations sur les variantes possibles sont indispensables car elles font partie intégrante du processus décisionnel quant à une nouvelle construction. On se plaint souvent que l’Administration n’a pas d’idées nouvelles ; c’est donc méritoire d’avoir proposé un projet novateur. Malheureusement, les synergies sont floues et insuffisamment développées dans l’exposé des motifs. Je le rappelle, le Grand Conseil s’est prononcé sur la base d’un projet d’une nature sensiblement différente puisqu’il était question, lors de la demande du crédit d’ouvrage, d’intégrer une section commerciale. En outre, faut-il le rappeler, la formation professionnelle sera gérée selon un système de contrat de prestations tandis que les gymnases le seront selon la voie traditionnelle. Cela ne sera-t-il pas de nature à compliquer les choses ? D’autre part, à quel statut seront affiliés les professeurs venant du gymnase et enseignant à la formation professionnelle et vice et versa ? (Rumeur.) Nous avons affaire à un projet complexe et vu les aspects qui lui sont reliés, il convient de le renvoyer au Conseil d’Etat afin que tous les éléments importants soient réunis et que le processus décisionnel puisse se fonder sur des informations complètes et vitales. En conclusion, c’est à l’unanimité que le 6724 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 groupe libéral vous invite à accepter la motion d’ordre ainsi que toute autre qui serait déposée ultérieurement visant à renvoyer le projet au Conseil d’Etat pour information complémentaire ou nouvelle proposition, conformément à l’article 114, alinéa 2, de notre loi sur le Grand Conseil. M. Robert Jordan : — La semaine dernière, je me suis opposé à l’entrée en matière pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce que nous avons voté, en 1994, un crédit d’étude qui devait aboutir à un devis général avant une demande de crédit d’ouvrage programmée pour août 1997 ; à l’époque déjà la commission était mise sous pression : il fallait faire vite. Aujourd’hui, on a près de dix-huit mois de retard et l’étude pour laquelle vous avez voté un crédit de 6 550 000 francs n’est pas terminée ; il manque la mise en soumissions et, pourtant, c’est de nouveau l’urgence. C’est là que la chatte a mal au pied ! On travaille avec des devis estimatifs, on annonce des prix au m3 CFC de la construction proprement dite de 487 francs 30 cts, alors que l’on sait que bon nombre de communes construisent des collèges pour moins de 400 francs/m3. En 1994, le conseiller d’Etat Jacques Martin acceptait l’idée d’une comparaison de coût entre un chantier mené traditionnellement et le système dit de l’entreprise générale. Aujourd’hui, c’est soi-disant trop compliqué. On vante pourtant les mérites de ce mode de faire dans le rapport de commission du Centre sportif « Aux Iles » à Yverdon ; je cite : « La baisse de prix résulte principalement du fait que les architectes ont simplifié la conception du bâtiment sans pour autant en diminuer les surfaces. La mise en soumission en entreprises générales a contribué également à offrir des prix bas. Les chiffres du premier projet étaient, eux, basés sur des estimations. Il en résulte pour le canton une économie d’environ 300 000 francs. » Soit dit en passant, à Yverdon, le bâtiment est devisé à 357 francs/m3. Le besoin de voter le crédit en toute connaissance de cause au niveau financier, c’est-à-dire soumissions rentrées, le besoin une fois les chiffres en main d’en vérifier les montants compte tenu des standards de construction actualisés à nos moyens financiers, font que je vous propose d’accepter la motion d’ordre Brélaz et de renvoyer cet exposé des motifs au Conseil d’Etat, charge à lui d’ordonner que l’on termine l’étude dans le sens prévu dans l’exposé des motifs de 1994. M. Francis Rossier : — Je note une certaine incohérence dans les propos de M. Brélaz. D’une part, il nous dit qu’il ne remet pas en question le site de Marcelin et, d’autre part, il demande de chiffrer hypothétiquement un projet à Grand-Pré. Alors que veut M. Brélaz ? Il se fait simplement l’avocat de la Ville de Lausanne et se veut simplement l’ardent défenseur de la concentration en ville de Lausanne. Mesdames et messieurs, je vous invite à refuser cette motion d’ordre. Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6725 M. Daniel Brélaz : — Si vous analysez le document du Conseil d’Etat, monsieur Rossier, vous vous apercevez qu’il situe les deux variantes, y compris une location forte – décrite d’ailleurs comme mauvaise – dans le cas de Grand-Pré, à un poil l’une de l’autre au point de vue financier. Et je dis simplement, monsieur Rossier, que si vous changez un tout petit peu le montant de la location, cela donne un autre résultat au point de vue financier. Dans ce sens, je demande effectivement que l’on fasse une comparaison, mais une comparaison qui inclue les aspects dynamiques puisqu’on nous dit, ici ou là et dans toutes sortes de milieux, que la variante de Marcelin a un grand nombre d’avantages, par sa plus grande fonctionnalité, sa plus grande modernité, et autres. Cependant, ce qui ressort de la réponse du Conseil d’Etat telle qu’elle est ne pose aucun problème pour une interprétation du type de celle faite par Mme Rey, notamment, pour démontrer qu’on a écarté là une variante peut-être bien plus viable. Je demande donc une simple explication. Tout ce que le groupe des Verts a fait dans sa réflexion, c’est de dire que ce projet est apte à affronter et à obtenir peut-être une majorité au Grand Conseil, mais qu’il lui paraît beaucoup plus douteux, dans le flot verbal d’un combat contradictoire, qu’il l’obtienne du peuple compte tenu des éléments que j’ai décrits. Ce sera le cas pour tous les projets à venir ; c’est seulement malheureux que cela tombe sur ce projet et qu’en plus je sois Lausannois et que vous puissiez faire l’interprétation que vous faites, monsieur Rossier. Mais, encore une fois, ce n’est pas du tout dans cet esprit que le groupe des Verts a réfléchi. Maintenant, en ce qui concerne la proposition de notre collègue Jordan qui voulait aussi faire une motion d’ordre, je n’ai pas de problème à penser que, dans les trois à six mois, il faudrait, si ma proposition est acceptée, refaire un rapport et que l’on ait la possibilité de faire la mise en soumission. Le dossier, en effet, sera encore plus solide s’il arrive soumissions rentrées. Cela dit, je comprends le point de vue du département qui avait dix-huit mois de retard et qui s’est dit que, s’il attendait les soumissions, il perdrait encore une année et qui, pour gagner du temps, ne l’a pas fait. Personnellement, j’entre dans une autre logique à plus long terme et, en ce sens-là, je dis clairement que si on a les six mois, on peut faire la mise en soumission. M. André Bugnon : — Il est certain que, dans une logique d’acceptation de ce projet, devant le nombre de doutes exprimés à cette tribune et pour garantir le maximum de chances à sa réalisation, il vaudrait mieux suivre la motion d’ordre et avoir un compléments d’informations. Cela dit, je suis étonné de cet éventail de doutes et cela me fait penser à l’adage qui dit que, lorsqu’on veut tuer son chien, on trouve qu’il a la rage. 6726 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 S’agissant des prix, bien sûr que l’on doit faire le plus d’économies possibles et on peut remettre en question systématiquement le coût de réalisation d’une construction en comparant le prix au m3 ou au m2. Si on prend le tableau des informations complémentaires qui nous a été remis, on voit que le gymnase du Nord vaudois à coûté 1 450 000 francs la classe – je précise que lorsqu’on parle de classe, c’est une division mathématique du coût total de la construction, par le nombre de classes, les aménagements extérieurs, les salles de gym, sont compris dans ce calcul. A l’Est vaudois, 1 280 000 francs, au CESSOUEST à Nyon, 1 546 000 francs et le projet du CES Morges, 1 096 000 francs la classe. C’est donc le projet le meilleur marché plus de dix ans après la première réalisation, avec une TVA de 7,5% qui n’existait pas auparavant et une inflation qui s’est tout de même élevée à 10% entre 1989 et 1999. Et on dit encore que c’est trop cher. Alors, je mets en garde les défenseurs de ce point de vue contre les constructions trop bon marché. Rappelez-vous, vers les années 70, il y avait ces fameuses constructions sous l’égide du CROCS, où l’on faisait des choses formidables, très bon marché ; eh bien, pratiquement tous les collègues système CROCS ont été refaits et si l’on fait le calcul du coût de l’investissement initial et de toutes les réfections intervenues, ces classes sont maintenant les plus chères du canton par rapport à une construction traditionnelle pensée pour durer une quarantaine ou une cinquantaine d’années. C’est un élément de prudence par rapport au trop bon marché que je peux évoquer. Quant à la clause du besoin, c’est vrai qu’il faut faire attention aux fameuses courbes ascendante et descendante de la population. Si on nous proposait de construire 70 classes, selon une analyse qui établit un manco de 70 classes, je serais aussi là pour demander de garder une marge de manœuvre. Mais, en prévoyant 40 classes pour le gymnase alors que la région en a besoin de 21 actuellement, plus 9 selon la prévision démographique, donc 30 classes correspondant aux besoins régionaux, on a encore 30 classes de réserve sur l’ensemble du plan vaudois. Alors, dans la crainte d’une courbe descendante, ne construisons peut-être pas les 30 autres classes qui nous mèneraient à 70 et là, faisons peut-être de la location pour assurer un repli éventuel. Mais la demande qui est faite ici répond à peine à plus de la moitié des besoins inventoriés puisqu’on demande 40 classes sur 74. Toutes les études complémentaires que l’on demandera et pour lesquelles on dépensera 1 million supplémentaire pour obtenir des soumissions rentrées ne régleront pas le problème. On arrivera peut-être à la conclusion qu’il y a une surévaluation de 4 ou 5 classes pour l’ensemble du canton, mais il restera quand même un besoin de 65 classes ; construisons donc les 40 demandées à Morges. Je suis étonné de tous les arguments avancés à cette tribune pour « retoquer » ce projet et je suis Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6727 sûr qu’une bonne partie d’entre eux, malgré une étude complémentaire approfondie du département, réapparaîtront lorsque le débat reviendra devant cet hémicycle, s’il doit y revenir. Mme Marlyse Dormond : — Je serai moins longue que prévu, M. Bugnon ayant donné plusieurs des arguments que je voulais relever. Concernant les coûts, j’ai l’impression de me retrouver dans le même débat que nous avons eu concernant la Policlinique médicale universitaire où l’on mettait en cause tous les calculs qui avaient déjà été faits et refaits. Par contre, n’ayant pas pu être présente lors du premier débat, je tiens à donner mon point de vue. En effet, j’ai été assez consternée par les déclarations que j’ai lues dans la presse concernant la situation de cet établissement et venant de certaines personnes lausannoises. Je me distance totalement de ce genre de prise de position. J’estime et je trouve un peu curieux que les Lausannois ne trouvent pas absolument insupportable que des jeunes des Ormonts se déplacent jusqu’à Burier pour le gymnase ou jusqu’à Lausanne pour l’université, mais, par contre, trouvent totalement insupportable que des Lausannois aillent à Morges, à douze minutes de train ! Cela ne tient pas la route, c’est d’un égoïsme épouvantable, c’est du « lausanno-centrisme » auquel je ne peux pas adhérer. Je trouve très positif que l’on fasse des centres d’enseignements que l’on décentralise certaines choses ; c’est la meilleure manière d’avoir une cohésion cantonale, cohésion à laquelle nous tenons beaucoup et que nous avons évoquée à plusieurs reprises dans d’autres débats. Pour le reste, je crois aussi que lorsqu’on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. Je suis persuadée que ce projet est bon, je refuserai la motion et voterai le projet et je vous demande d’en faire de même. M. Philippe Leuba : — Ma préopinante, Mme Dormond, a cité l’exemple de la Policlinique pour dire combien il fallait accepter le projet qui nous est soumis. Je me permets de vous rappeler que lors du débat sur la Policlinique, nous avons eu une motion d’ordre renvoyant le projet au Conseil d’Etat et que, ô miracle, ce dernier est revenu avec un projet sensiblement meilleur marché ayant compris que le Grand Conseil n’accepterait probablement pas sa première proposition. C’est très exactement ce que nous demandons aujourd’hui, à savoir de s’inspirer de l’exemple de la Policlinique et de renvoyer le projet de Marcelin au Conseil d’Etat. Je fais miennes une partie des questions posées par le groupe des Verts, au travers de la bouche de M. le député Brélaz ; j’en ajouterai une ou deux. De l’extrême gauche à la droite de cet hémicycle, chacun s’accorde pour dire qu’il y a un domaine qui doit permettre de dégager un certain nombre d’économies : c’est celui des standards dans les constructions publiques de 6728 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 l’Etat de Vaud. Quand on vient nous dire qu’il faut se méfier de ne pas construire trop cher, certes, monsieur Bugnon, vous avez raison, ne construisons pas trop cher – le bon marché l’est toujours trop ; il n’en demeure pas moins que lorsqu’on voit les constructions actuelles de l’Etat, on a de la peine à prendre en compte la réalité de ce danger-là. Et je crois que, aujourd’hui, d’après les standards en vigueur dans les constructions publiques, on est loin de la construction trop bon marché. Je constate encore que nulle part dans l’exposé des motifs il n’est fait allusion à la révision de ces fameux standards alors que l’on a dit, répété, dans cet hémicycle, en débat public, chaque fois qu’il y a un débat sur les finances publiques, que les standards des constructions publiques doivent impérativement être révisés et que l’on construit trop cher. Et ce ne sont pas seulement des propos de Café du commerce. Je constate en effet que, dans le projet qui nous est soumis, pour 77 classes, c’est un devis d’un peu plus de 73 millions qui nous est proposé, ce qui fait à peu près 1 million la classe. Vous ne convaincrez personne que le coût de construction d’un établissement de ce type-là doit correspondre à 1 million par classe, même s’il y a des locaux attenants. Je constate également que, pour la partie du gymnase, il y a 40 classes et 33 classes annexes pour des besoins d’enseignement spécialisé ; il me semble aussi que l’on s’inscrit là dans le cadre de standards beaucoup trop élevés compte tenu de la situation financière de la collectivité publique que nous sommes en principe censés gérer. Mme Linette Vullioud, rapporteur : — J’aimerais tout d’abord rappeler que cet exposé des motifs a obtenu l’accord unanime du Conseil d’Etat, que c’est un projet qui peut et doit aller de l’avant. Vous avez parlé d’urgence ; je vous rappellerai qu’en 1990 déjà, la Municipalité de Lausanne demandait au canton de réaliser une école professionnelle le plus rapidement possible. Concernant la motion d’ordre, je vous invite à la refuser et à ne pas renvoyer ce projet au Conseil d’Etat car nous ne ferons que reporter les problèmes, augmenter les dépenses et les frais d’étude, notamment enclassement, déplacement des élèves, loyers et équipements complémentaires, salles de gymnastique, mise en conformité pour la sécurité dans les locaux provisoires. Je vous rappelle que la commission a accepté ce projet par 14 oui contre 3 non. Pour mémoire, des centres de compétences sont déjà réalisés à Montreux, Vevey et Yverdon. Où se trouve l’équilibre des régions dans ce canton ? Lausanne est-elle partenaire avec les régions qui entrent en matière pour le financement de certains projets ? Pour gérer avenir et promotion économique, je vous prie d’élever le débat et de refuser la motion d’ordre. Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6729 M. Robert Jaggi : — Il y a une discussion relativement large dans cet hémicycle et il me paraît, comme l’a dit M. Leuba, de l’extrême gauche à l’extrême droite, qui concerne les coûts des constructions scolaires. Il est évident que ces coûts sont liés aux standards, ce qui signifie que si l’on travaille de cette manière, on devrait se poser la question différemment, à savoir que ce sont les standards que nous devons attaquer et, là-dessus, je suis entièrement d’accord. Nous avons donc certainement une part de responsabilité aussi ; peut-être devons-nous venir avec une motion de telle manière que ces standards soient révisés puisqu’ils sont de toute évidence trop beaux et trop brillants. Néanmoins, c’est un autre débat que celui que nous avons maintenant. Le projet qui nous est proposé, tant école professionnelle que gymnase, par sa mixité, par la cohabitation des élèves, par la souplesse, est un bon projet, bien étudié et, de toute évidence, nous n’aurons pas beaucoup de précisions supplémentaires sur la démographie scolaire d’ici six mois ou une année. Ce qui signifie que cet autre débat des standards ne devrait pas nous pousser à renvoyer ce projet au Conseil d’Etat puisque, en fait, cela engendrera des retards, des coûts supplémentaires, et que nous n’aurons de toute manière pas résolu le coût direct de la construction en question. Je vous propose donc de ne pas accepter la motion d’ordre. Mme Francine Jeanprêtre, conseillère d’Etat : — Je vous invite à refuser la motion d’ordre afin de pouvoir poursuivre maintenant l’étude de ce projet pour lequel j’avais senti un accord assez général. Repousser ce projet – et je l’ai déjà dit en premier débat – impliquerait un report d’une année environ, c’est-à-dire que nous ne pourrons pas ouvrir aux dates prévues à la fois l’école professionnelle et le gymnase, cela avec un coût supplémentaire de location de 2 millions. Il me semble qu’à ce stade-là, vous manifestez, peut-être par le fait que vous êtes un peu tétanisés à l’idée de ce vote populaire, des exigences que je qualifierais de disproportionnées par rapport à la connaissance du dossier et à la connaissance parfaite, je pense, que nous avons pu vous fournir pour la séance de commission, hier. Je crois en effet que nous avons pu, dans un minimum de temps, vous donner un maximum d’informations utiles et je ne vois pas, en l’état actuel, ce que nous pourrions vous apporter de plus par rapport à ce que vous souhaitez. Je tiens à dire qu’il faut toujours comparer ce qui est comparable. Quand vous comparez la réalisation d’une école, imaginez le comparatif avec la construction que nous allons entreprendre. Vous portez aussi un jugement hâtif que je qualifierais de méfiance par rapport au travail fourni et je tiens à souligner que ce sont deux conseillers d’Etat, M. Schwaab et M. Martin, il y a cinq ans, qui sont venus devant cet hémicycle pour demander un crédit d’étude de 6,5 millions, que la 6730 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 discussion s’est déjà engagée alors mais que jamais la localisation à Morges n’a été remise en question, que l’acceptation du projet a été bonne et que cette approche nouvelle, pédagogique, et surtout économique – parce qu’il y a une dimension économique dans ce projet – était très présente et qu’elle l’est encore plus maintenant. Un concours a été lancé, 162 projets sont rentrés, un projet a été retenu qui est un gage de qualité ; nous avons un bureau d’ingénieur, le bureau Steiner, qui a serré au maximum à ce stade le projet et son coût et je pense aussi qu’il y a une certaine méfiance vis-à-vis des corporation artisanales qui vont s’exprimer à travers ce projet. Il ne faut pas perdre de vue non plus que, dans des constructions qui ne sont pas forcément comparables avec celle-ci, il y a des constructions bon marché, qui devaient être bon marché parce qu’elles n’étaient pas forcément appelées à durer et d’autres qui ont été tellement serrées du point de vue des exigences financières imposées, que des entreprises n’ont pas pu s’y retrouver, que l’une ou l’autre ont été mises en grandes difficultés, voire même ont fait faillite. La démographie, on en a parlé. Mais la statistique a ses limites. On vous a montré, graphiques à l’appui, ce que l’on pouvait cerner comme réalité actuellement ; il y a toujours une marge d’incertitude dans ce domaine que l’on doit prendre en compte, ce que nous avons fait, en disant très clairement que c’était plus ou moins à 2 classes près que les calculs ont été établis. J’insiste sur cet aspect : l’approche financière et économique a été très bien étudiée et n’oubliez pas que si vous vouliez une autre approche sur un double site, l’approche financière serait beaucoup plus lourde – nous avons calculé que réaliser cette double construction sur deux sites différents entraînerait une plusvalue de près de 20 millions. Il faut être bien conscient que, à la fois le projet pédagogique, à la fois l’aspect financier, à la fois l’aspect des décentralisations des gymnases et des écoles professionnelles, à la fois les transports – on ne vous a pas fourni l’horaire des trains mais on vous a donné les temps des trajets –, tout a été bien étudié et on est allé très loin dans le sens de vos exigences. J’aimerais encore insister sur le fait qu’il ne s’agit pas non plus d’une guerre entre Lausannois et la campagne, (murmures) ... Morges bien sûr n’étant pas la campagne, mais l’esprit lausannois étant très présent dans la discussion, si vous me permettez... J’aimerais encore souligner que ce projet bien étudié ne vous apportera pas de renseignements supplémentaires si ce n’est une attente de plus qui coûtera quelque chose. Je pourrais imaginer entrer en matière sur une réduction, une restructuration du projet au cas où une telle proposition serait faite, étant entendu qu’une fois les soumissions rentrées, nous pourrions effectivement réévaluer certains points. Mais je crois que nous avons tous le souci, ici et dans l’immédiat et par rapport à un calendrier qui vous a été clairement présenté, des jeunes gymnasiens, des jeunes apprentis que nous Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6731 devons absolument enclasser de façon présentable à des dates qui vous ont été présentées. Je vous prie donc de ne pas entrer en matière sur la motion d’ordre. La motion d’ordre Daniel Brélaz est refusée par 88 voix contre 49 et 8 abstentions. M. Robert Jordan : — Je reviens sans avoir vraiment changé d’idée pour vous proposer un amendement qui aurait pour effet d’abaisser le crédit accordé au Conseil d’Etat de 8 millions de francs, soit 100 000 francs par classe. Les comparaisons au m3 des CFC de construction CESSNOV, CESSEV, ne semblent pas vous avoir troublés. Elles sont pourtant de taille. En effet, en construisant sur la base de ces coûts, on abaisserait le prix final de Marcelin respectivement de 12 500 000 francs ou de 18 millions de francs. J’ai là un comparatif CFC2 qui, malheureusement, n’a pas été distribué à tous les députés ; moi, je l’ai, ce comparatif, il est là : on a construit au CESSNOV pour 404 francs le m3, au CESSEV pour 335 francs le m3, et on construit ici pour 487 francs le m3. (Rumeurs.) Si l’on prend la moyenne de 100 francs de différence, cela nous donne environ 15 millions. Mais permettez une comparaison plus détaillée, avec le complexe scolaire Ste-Clair à Vevey. Un coût CFC2 de 383 francs le m3 contre 487 francs à Marcelin, cela donnerait aussi une différence de 15,5 millions. Je vous fais grâce des prix de classes au m2 où l’on arrive à des différences énormes mais plus difficiles à comparer. Vous avez parlé, madame la conseillère d’Etat, d’un collège de province ; soit, mais les chiffres sont parlants et ne sont pas le fruit de l’imagination du provincial Jordan mais bien un constat réel. Le complexe scolaire de St-Clair à Vevey n’est certainement pas un cas isolé. Les communes font un effort, l’Etat ne devrait-il pas prendre exemple, peut-être revoir ses standards ? Je vous propose donc l’amendement suivant : « Article premier. — Un crédit d’ouvrage de 65 540 000 francs est accordé ... suite inchangée. » Cette diminution de 8 millions est tout à fait supportable et n’aura aucune incidence sur le programme de construction pour autant que le Service des bâtiments fasse un petit effort et y mette de la bonne volonté. M. René Challande : — J’aimerais revenir sur les derniers propos de M me la conseillère d’Etat qui se dit prête à admettre une recalculation, un redimensionnement du projet. Dès lors, avant d’accepter un amendement linéaire un peu abrupt et qui consiste à tailler à la hache, ce qui est toujours délicat dans un projet car si, sur le plan comptable, c’est facile, pratiquement c’est beaucoup plus difficile. 6732 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 Aussi, avant de pouvoir m’exprimer sur cet amendement, j’aimerais que M me la conseillère d’Etat précise ses propos, lorsqu’elle dit qu’elle pourrait reconsidérer le projet. M. Michel Berney : — L’investissement prévu pour le projet Marcelin fait partie du plan d’investissement cantonal. A ce titre, il fait partie également de l’investissement global limité à ce jour à 200 millions. Dire oui à un tel projet, qu’il soit d’ailleurs devisé à 73 millions ou à moins, ce n’est pas augmenter la charge financière globale du canton mais opérer un choix. C’est opérer un choix de priorité entre ce projet et d’autres et choisir parmi les investissements celui ou ceux qui sont les plus urgents et les mieux adaptés à la situation financière critique dans laquelle nous nous trouvons. Choisir un tel investissement, pour ce qui me concerne, c’est donner une certaine priorité à la formation quelles que soient les questions encore ouvertes. Dès lors, pour ce qui me concerne, je choisis cette priorité. Néanmoins, choisir cette priorité n’est pas le faire à n’importe quel prix. La sagesse aurait voulu – et cela aurait été mon désir – que le département aille jusqu’à l’étape des soumissions rentrées. Ce n’est aujourd’hui pas le cas. Toutefois, après avoir écouté tous les débats, les avis de gauche et de droite de cet hémicycle, j’ai opté pour la confiance au département qui a étudié ce dossier et qui, entre autres, déclare dans l’exposé des motifs qu’après soumissions rentrées le projet devrait probablement se révéler inférieur aux 73 millions annoncés. Fort de cette conclusion et de cette constatation, je m’oppose à l’amendement proposé et vous invite à en faire de même en optant pour la confiance. M. Francis Thévoz : — J’étais volontaire au silence absolu et à plus de concision cet après-midi, mais il est tout de même intéressant de voir le temps que nous avons passé aux problèmes fondamentaux de l’enseignement – qu’enseigner ? comment prévenir ? – et que maintenant, à un autre chapitre du même domaine, quelle maison, quelle caserne ou quel palace ou encore quelle chaumière faut-il donner à nos élèves, en amalgamant tout. J’aimerais dire deux choses. Je hais profondément le langage monocentriste lausannois ; je le hais profondément. Et puisque vous avez parlé de la Policlinique médicale, c’était pour moi le plus bel exemple, au cœur de Lausanne, au cœur de la cité hospitalière du Canton de Vaud, d’un immense rassemblement pour tirer des malades ambulatoires si possible de Nyon, de Payerne et d’Yverdon. Voilà un très bel exemple de monocentrisme lausannois : la Policlinique médicale qui était chère, qui est encore très chère et, quand ce grand trou aura été là une année, devant des gens qui ne seront plus assez nombreux pour travailler – il n’y a plus assez d’infirmières, il n’y a Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6733 plus assez d’aides infirmières –, et qu’elles seront là, devant ce trou, plus une seule ne comprendra où sont les priorités du Grand Conseil. Raison pour laquelle, malgré que j’aie l’air lausannois et monocentriste lausannois, ce que je ne suis pas, je regrette d’être obligé de dire que c’est désolant de construire des bâtiments lorsqu’on n’exploite pas à fond ce qui existe et je rejoins M. Brélaz sur ce point. Quant à l’amendement Jordan, je vous prie de le soutenir parce que même amendé et surtout sans amalgame avec les adjudications des travaux – on nous brasse dans la tête que si les crédits sont limités, des entreprises vont faire faillite... mais, ça va ! Tous ceux qui adjugent des travaux savent très bien que ce sont des lots et que l’on propose des lots précis à des entreprises précises qui, lorsqu’elles sont bien gérées font leur travail, sont en concurrence sur un lot, savent comment elles font leurs offres ; et il y a quand même une autre qualité, madame, j’ai un très grand respect pour les artisans, les maçons, ceux qui font les trous et ceux qui construisent y compris ceux qui vendent les meubles dans votre école, mais, bon sang, cela n’a rien à voir ! Quand on limite un crédit au Conseil d’Etat pour une construction, on doit avoir le maximum d’informations – et je ne les ai pas – pour dire qu’il est suffisant mais pas excessif ; cela c’est de la politique correcte. Une fois ces crédits votés, les entreprises de la construction – celui qui va faire les fouilles, celui qui va construire les murs – connaissent très bien les problèmes et si personne n’arrive à ces prix, eh bien, il est évident qu’on prend le meilleur marché ou celui qui est le meilleur et le meilleur marché et que, ensuite, si l’on n’a pas assez d’argent, madame, et que le bâtiment est adjugé et fait comme il doit l’être, on vote des crédits complémentaires. Ce ne serait pas la première fois que cela nous arriverait et il est normal que cela aille comme ça. (Rumeur.) C’est tout différent que voter un crédit vague, imprécis, mal délimité. M. Alain Parisod : — Ne faisons effectivement pas prendre plus de retard à ce projet que l’on peut juger tout à fait nécessaire et important. Malheureusement, puisque la volonté populaire veut que, dépassant un certain montant on doive affronter le référendum financier, mon souci, lorsqu’il faudra présenter un projet de 73 millions, est que le peuple dise non – et je peux vous le garantir. A l’heure actuelle où l’on parle tellement d’économies, ce sera refusé. Et je dis que nous devons démontrer que nous avons étudié ce projet qui est intéressant et dans lequel on doit absolument faire les économies nécessaires. M. Jordan nous a donné un certain nombre de chiffres que je n’ai pas vérifiés mais je suis persuadé qu’ils sont relativement justes et valables et que nous devons absolument démontrer notre volonté d’économie. C’est 6734 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 pourquoi je vous invite à voter l’amendement Jordan et à diminuer ce projet de quelques millions puisqu’on arriverait à 65 540 000 francs. M. Martial Gottraux : — C’est assez curieux : M. Thévoz est dans l’incertitude concernant la justification du crédit qui lui est demandé, par contre il est, semble-t-il, dans une certitude totale concernant l’amendement et la somme qui sera investie après celui-ci. Allez comprendre... Et surtout, allez comprendre alors que nous avons précisément l’assurance de la part du Conseil d’Etat que la somme qui nous est demandée pourra être revue à la baisse à la suite de la rentrée des soumissions ; cela a été dit précédemment, ce qu’on nous demande ici est un ordre de grandeur et un ordre de grandeur que le Conseil d’Etat lui-même s’est engagé à réviser à la baisse de la façon la plus serrée possible lors de la rentrée des soumissions. Donc, à ce stade-là, ne faisons pas de procès d’intention même si, lorsqu’on nous demande un crédit aussi élevé, tout le monde est dans la même position que M. Thévoz, personne ne peut, nous non plus, le garantir à 1 ou 2 millions près. Ce serait absurde de vouloir le prétendre. Mme Francine Jeanprêtre, conseillère d’Etat : — Je vous rappelle que la proposition de diminuer le crédit en question de 10% environ a déjà été faite lors du premier débat et que vous avez voté négativement et assez clairement par 85 voix contre 40 à peu près – je n’ai plus les chiffres exacts en tête. J’ai cependant dit tout à l’heure que j’entrerai en matière ayant entendu qu’une proposition de diminuer le crédit pouvait arriver. Je tiens tout de même à attirer votre attention sur le fait que l’étude ayant été bien menée – et je l’ai dit de façon constante –, j’ai parfaite confiance dans les chiffres qui vous sont présentés. Cela dit, les soumissions n’étant pas rentrées, il existe encore peutêtre un espoir que l’on arrive à un prix plus bas ; vous en serez informés. Mais j’aimerais vous dire très clairement que si – et vous en aurez la responsabilité – vous votez l’amendement qui vous est proposé, il faudra vraisemblablement vous attendre à une modification du projet dans sa première étape parce qu’on ne pourra pas trouver les 8 millions, comme ça, si nous sommes dans la fourchette une fois les soumissions rentrées. J’aimerais vous dire aussi qu’à ce stade, cela impliquera quelques choix, plus ou moins douloureux, peut-être des suppressions comme les abris de protection civile (exclamations de toutes parts) ou des renvois comme une cafétéria (brouhaha) ... ou des surfaces sportives – je vois que cela fait toujours sont effet, lorsqu’on parle de la protection civile ! Nous n’avons pas de marge de manœuvre spectaculaire pour réduire le projet au cas où nous serions dans la fourchette avec les soumissions rentrées, il faut en être bien conscient et c’est là que je voulais attirer votre attention. Il faudra donc modifier le projet lors de la première étape et je ne Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6735 peux pas vous cacher que l’on devra vraisemblablement différer, en tout cas reporter dans la deuxième étape, des réalisations comme les salles de gymnastique éventuellement, des surfaces sportives, la cafétéria et, éventuellement, réduire certains équipements. Soyons donc clairs, je veux qu’il y ait transparence à ce stade : si vous souhaitez la voie de la diminution du crédit, réalisez aussi que nous devrons reporter à une autre étape quelques réalisations. M. Philippe Martinet : — Je n’aime pas du tout cette confusion entre cette approche de « bon élève » que le Grand Conseil essaie de jouer autour de l’idée de la compression des coûts et un travail sur le redimensionnement du projet. Il me semble en effet qu’il y a là une véritable confusion. On a déjà le renvoi d’une salle polyvalente de sport qui permet de douter que l’on respecte l’ordonnance fédérale sur le sport pour les apprentis et on nous parle maintenant d’un autre renvoi, hypothétique mais tout de même, d’une autre salle de sport lié au redimensionnement du projet. Je trouve tout cela assez inquiétant et, encore une fois, confus. Je préférerais donc que l’on prenne acte de l’intervention de M. Bugnon tout à l’heure insistant sur le fait que l’on ne doit pas pousser les entreprises à un dumping tel que c’est ensuite le respect des conventions collectives de travail et tout simplement les règles permettant aux ouvriers d’être payés correctement qui seraient en jeu. Personnellement j’ai été convaincu que nous pouvions « aller un bout » avec ce projet en espérant qu’un certain nombre de compléments d’information nous seraient fournis d’ici la votation et je me suis abstenu sur la motion d’ordre que j’avais souhaitée il y a une semaine, mais de là à vouloir un amendement qui nous conduit on ne sait où ni quant au programme ni quant à la réalisation du projet, il y a un pas. Je vous invite donc à refuser l’amendement Jordan. L’amendement Robert Jordan est refusé par 83 voix contre 43 et18 abstentions. M. Eric Golaz : — Nous nous acheminons, tranquillement mais sûrement, vers le vote final et on peut espérer qu’une certaine majorité se dégage dans ce Grand Conseil. Sera-t-elle qualifiée, c’est évidemment là toute la question et vous aurez compris qu’une certaine frange de mon groupe estime que le crédit demandé est excessif compte tenu des coûts qui ont été calculés. A partir de là, j’entends déjà Mme la conseillère d’Etat nous dire que, très probablement, une partie de ce crédit pourrait être « rabotée » mais que le montant qui a été articulé tout à l’heure est vraiment trop important. Alors, pour arriver à rassembler le plus grand nombre de votes favorables au projet – et uniquement en visant ce but-là parce qu’il faut bien dire que ce n’est rien de 6736 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 voter ce projet ici, il faudra le défendre et lorsqu’on expliquera, si cela passe, qu’il y a 92 députés en sa faveur, ce sera évidemment beaucoup plus difficile de l’expliquer que s’ils sont 120 ou 130 – à partir de là, je dépose un amendement demandant une réduction de 5%, un montant de 4 millions étant ainsi retiré du montant global demandé. (Brouhaha.) « Article premier. — Un crédit d’ouvrage de 69 540 000 francs est accordé ... suite inchangée. » M. Pierre Salvi : — Le juste prix, quel est le juste prix ! Quand on arrivera au nombre de millions exactement correct où l’on a le plus de chances d’avoir des députés plutôt pour que plutôt contre de manière que le peuple, éventuellement, soit d’accord, alors on sera bon... Mais c’est une belle déculottée, passez-moi l’expression ! Notre parlement est là pour se prononcer sur la pertinence de la proposition qui lui est faite, à savoir faut-il oui ou non un gymnase, le faut-il dans ces formes ? Les détails d’exécution, passez-moi encore une fois l’expression : on s’en fiche. Que ce projet coûte 77 millions ou 74, à la fin, on le verra lorsque les soumissions seront rentrées, lorsque les travaux auront été menés à chef et en espérant que, le cas échéant, les surprises qui peuvent toujours intervenir ne seront pas trop funestes. En ce qui me concerne, j’accepte les 77 millions, je prends acte de l’engagement du gouvernement de dire que, considérant que les soumissions doivent rentrer et que la concurrence économique, la concurrence tout court que vont se livrer les entreprises va faire que, probablement, le montant baissera, c’est bien, mais pour le surplus, préjuger du résultat, ne me paraît pas souhaitable. Dernier point : en tant que membre d’un exécutif – je pense qu’il y en a dans la salle –, on n’ose pas espérer que le conseil communal dise, par exemple, « on va vous le voter à ce prix-là, s’il vous faut un peu plus, vous reviendrez, il n’y aura pas de problème ». Il me semble que ce n’est pas très responsable. Je dis donc non à cet amendement. M. Philippe Leuba : — Je souscris à ce que vient de dire M. le député Salvi à la fin de son intervention. Il ne me paraît pas raisonnable de modifier un projet, que ce soit par un amendement de 10 millions ou de 4,5 millions ; j’attends l’amendement suivant de 2,3 millions avant le dernier de 110 000 francs sur la dernière couche de peinture au dernier étage de ce fameux gymnase de Marcelin. Toute cela, toute la discussion depuis que nous avons entamé ce débat cet après-midi démontre que le projet ne résiste pas à une analyse sérieuse. Je regrette personnellement qu’il n’ait pas été renvoyé au Conseil d’Etat ; c’était en effet la seule manière de le sauver ainsi que la construction d’un gymnase à Morges. Aujourd’hui, le débat de ce parlement illustre parfaitement que Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6737 personne, ou à peu près, ne croit au bien-fondé de l’ensemble du projet et, dès lors, nous allons au-devant d’un refus populaire parce que vous n’aurez pas voulu répondre aux questions de M. Brélaz, parce que vous n’aurez pas voulu répondre aux questions des autres intervenants qui étaient en faveur de la fameuse motion d’ordre. Je le regrette mais je prends acte. M. Nicolas Imhof : — Non, monsieur Salvi, je ne suis pas d’accord avec vous. Nous ne sommes pas seulement là pour dire si nous voulons un gymnase sous cette forme-là, parce que, là, je répondrais oui ; c’est aussi de notre responsabilité de voir si nous le voulons à ce prix-là. Et, personnellement, en fonction des renseignements apportés par le député Jordan, je réponds non. Je ne suis pas convaincu du prix, je ne pourrai donc pas voter le crédit. Mais alors, que va-t-il se passer ? Entre ceux qui ont voté la motion d’ordre, entre ceux – pas forcément les mêmes – qui ont voté l’amendement Jordan ensuite, nous avons deux petites minorités qui vont peut-être se retrouver ; on arrive alors éventuellement avec une faible majorité, éventuellement qualifiée, à soutenir ce gymnase, mais, quoi qu’il en soit, au terme de ce débat, on peut déjà trouver le titre pour nos collègues de la presse – comme j’en ai fait partie il y a quelques années, je le donne maintenant, cela les obligera à en trouver un autre : ce ne sera qu’une victoire à la Pyrrhus. M. Jacques Chollet : — Je regrette personnellement la tournure que prennent les événements dans cet hémicycle. Je considère que ce dossier est bon, dynamique. J’étais membre de la commission et je peux dire qu’il a été répondu à toutes les questions et que le dossier, encore une fois, me paraît bon, même très bon. L’attitude de certains ici et leur marchandage me surprend. On l’a dit, soit le dossier est mauvais soit il est acceptables, mais marchander à 8 millions, 5%... moi, je n’oserai plus venir à la tribune avec des arguments pareils ! Je suis venu pour les prisons en proposant un peu le même type d’argumentation à la baisse, heureusement, un mois après, cela a été accepté. Les coûts de construction vont être compensés par des suppressions de prestations. Si nous ne construisons pas Marcelin, ce n’est pas loin de 5 millions qu’il faudra débourser en 2006, 2008, en locations pour des locaux inadéquats et sans infrastructures d’accompagnement. Toutes les comparaisons montrent que les solutions en location ne sont pas moins coûteuses en frais de fonctionnement. Je regrette tout ce temps perdu en marchandages à la tribune et en propositions légères. Cette construction est justifiée, elle répond à un besoin incontestable, qui a été chiffré, et je suis convaincu que la rentrée des soumissions nous apportera des résultats bien meilleurs que les marchandages que nous venons d’entendre, tout en maintenant le potentiel du projet. Je vous invite à refuser l’amendement. 6738 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 M. Daniel Brélaz : — En préambule sur le vote final, puisqu’on en parle abondamment, les Verts tiennent à faire par ma bouche une déclaration très claire : une grande majorité d’entre nous pense que nous sommes un peu les passagers embarqués sur ce que nous considérons, à tort ou à raison, comme un potentiel Titanic. Nous avons l’impression que ce que nous proposions – mais qui maintenant a été refusé – nous donnait une possibilité de rendre le navire plus apte à traverser d’éventuelles tempêtes référendaires. Il se trouve que nous préférons, à la fin de l’exercice, nous retrouver dans le rôle du pénitent qui se serait heureusement trompé et qui arriverait à bon port ; mais nous craignons bien sûr que l’autre hypothèse ne soit vraie. La majorité très nette – plus de deux tiers – du groupe des Verts votera donc pour le projet au vote final et je ferai partie de cette majorité – cela dit pour que ce soit très clair pour tous ceux qui ont quelque procès d’intention éventuel ou potentiel à mon égard. Je tiens aussi à dire très clairement que nous sommes maintenant dans une mauvaise dynamique et que, après le souk, quel que soit le montant finalement voté par le Grand Conseil, qu’il y ait amendement ou pas, on sera dans une situation où, si le projet ne passe pas, ceux qui sont contre diront « ils n’ont même pas voulu faire d’économies » et s’il passe, on dira « ce projet était tellement mal étudié qu’on pouvait enlever 5 millions sans problème... vous savez ce qu’il vous reste à faire ! ». Et voilà, on en est là. On va essayer de sauver les meubles, mais je vous dis très clairement que ces meubles ont déjà en grande partie pris l’eau ! M. Marcel Glur : — Notre collègue Jordan est venu tout à l’heure avec un amendement en comparant les prix des classes – je veux bien, on peut comparer ce qui est comparable – et notre collègue Imhof est venu rallonger en faisant cette même comparaison. J’aimerais simplement rappeler qu’un exposé des motifs est toujours pendant, avec 6 millions à la clé pour la toiture du CESSEV, pour du bon marché, peut-être, mais il faudrait peut-être aussi comparer ce qui est comparable jusqu’au terminal parce que neuf, c’est toujours meilleur marché ou bien plus cher, mais à long terme on voit que le bon marché est toujours trop cher. Par conséquent, je vous demande de refuser ce qui est proposé. M. Michel Golay : — Nous avons ici un projet qui est bon. Il est en revanche farci d’imprécisions et de questions restées ouvertes. J’aimerais, madame la conseillère d’Etat, vous suggérer de retirer cet objet et de revenir devant le Grand Conseil à la prochaine session. Car, si l’on veut sauver un tel projet, c’est en répondant aux questions restées ouvertes, en obtenant ici une majorité importante et non pas une majorité qualifiée passée à ras-les-pâquerettes. Parce que si jamais le Grand Conseil, aujourd’hui, vote, il Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6739 y aura très, très peu de différence entre les 91 qui représentent la majorité qualifiée et le nombre de oui que vous compterez dans la salle. Et le peuple, lorsqu’il se prononcera, se souviendra de la divergence qui existe au sein du parlement. J’aimerais donc à nouveau vous suggérer, madame la conseillère d’Etat, cette éventualité qui ne fait que reporter quelque peu une décision en utilisant une partie du crédit d’étude qui reste disponible puisque, sur ce créditlà, 1 million est encore à votre disposition pour affiner les problèmes et clarifier les questions. M. Michel Renaud : — Je vous propose de refuser l’amendement Golaz. J’ai l’impression que l’on s’égare de plus en plus au fur et à mesure que la température monte dans cette salle. Finalement, quels sont les principaux problèmes que l’on peut essayer de tirer de cette longue discussion ? D’une part, un petit manco dans un projet par ailleurs fort bien étudié ; c’est dû au souci du Conseil d’Etat d’essayer de faire avancer le projet rapidement et, par conséquent, de l’avoir présenté au Grand Conseil avant de l’avoir mis en soumissions, c’est vrai. On en a débattu au premier débat, on en débat à nouveau longuement, c’est un des éléments. Ensuite, peut-on dire a priori que, pour arriver devant notre Grand Conseil, ce projet a été mal étudié ? Je ne le crois pas. Est-ce que l’un ou l’autre des amendements qui ont été déposés sont raisonnables ? Est-ce que nous avons les éléments objectifs qui nous permettrait de dire que l’on pourra diminuer quand même de 6%, 7% environ le coût final – parce que c’est à peu près les propositions qui nous sont faites, dans le dernier amendement en discussion ? Cinq millions sur 70, c’est un peu plus. Moi, je ne le crois pas, je crois surtout que nous ne pouvons pas, nous, ici et à présent, nous déterminer sur le crédit total qui nous est demandé. Mais cela nous empêche-t-il de prendre la décision aujourd’hui ? Finalement, cela doit-il être mis en balance avec la conviction d’une majorité des députés, conviction qui se dégage tout de même semble-t-il à la suite des deux débats que nous avons eus, de la nécessité de réaliser ce projet ? On en arrive là au deuxième élément qui fait que ce projet déclenche un pareil débat, après son importance bien sûr, à savoir que c’est le premier objet à devoir passer devant le peuple après le vote de ce Grand Conseil, lequel n’a pas vraiment envie, une fois de plus, que le peuple, peut-être, ne soit pas d’accord avec lui. On essaie donc de lui donner des garanties mais, en fait, cela entraîne un certain nombre d’éléments pervers et, pour les quelques-uns qui souhaiteraient voir le projet capoter, on dit donner plus de sécurité. Moi, je crois que nous avons tous les éléments et que les amendements déposés ne changeront pas grand-chose. Je fais confiance au Conseil d’Etat quant à sa possibilité d’obtenir un coût un peu moins élevé, si on arrive à le faire pendant les travaux. 6740 Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 Cela dit, c’est un ouvrage de grande importance qui ne va pas être réalisé en six mois et rien ne nous permet de dire aujourd’hui que l’on continuera à avoir des coûts très bas et que l’on pourra à coup sûr arriver tellement au-dessous du crédit demandé. Je crois que la température est trop montée, que nous devons assumer nos responsabilités, savoir si l’on veut donner cet outil indispensable à la formation dans ce canton et que l’on vote maintenant ce projet. C’est ce que je ferai et je vous incite vivement à en faire de même. M. Philippe Martinet : — L’amendement est une manière de faire pression, d’avoir des coûts maîtrisés, d’avoir véritablement un projet économique. A cette approche un peu de l’ordre de la gesticulation, je préférerais demander que le Conseil d’Etat prenne quelques engagements quant à sa façon de gérer la suite du projet et notamment les trois points suivants. Premièrement, qu’il considère qu’il n’a pas épuisé les réponses aux questions, que ce soient celles des Verts, celles de M. Leuba ou d’autres, et que l’on ait donc encore un complément d’information qui nous permettrait, le cas échéant, de faire campagne pour ce projet. Deuxièmement, qu’il fasse l’effort – et il semble que ce soit possible dans les trois mois – de faire rentrer les soumissions et qu’il quittance, devant le Grand Conseil et si possible même devant le peuple, qu’il a une parfaite maîtrise financière du projet. Enfin, troisièmement, que la Commission de gestion a posteriori veille et contrôle peut-être plus spécialement ce projet pour indiquer qu’il a été parfaitement maîtrisé d’un bout à l’autre. Je préfére ces pistes-là à un marchandage et un « rabiotage » du projet. C’est pourquoi je refuserai l’amendement Golaz. Mme Francine Jeanprêtre, conseillère d’Etat : — Au terme de ce débat, on ne peut pas entrer en matière sur une sorte de marchandage qui serait uniquement fait pour trouver, ce que je souhaite sincèrement, la plus vaste acceptation possible. Mais je crois vous avoir dit, et d’autres ici, que ce projet a été bien étudié et que j’en assume la responsabilité de même que le Conseil d’Etat. Je crois que nous avons tout en main pour pouvoir partir en campagne, même si c’est un premier objet, une première, car c’est un bon projet, un projet pour les jeunes et nous avons toute la dynamique nécessaire pour affronter ce premier référendum. Il n’est en tout cas pas question pour nous d’être tétanisés par cette échéance. Il faut savoir qu’au mois de mai, nous n’aurons pas les soumissions rentrées ; il faut savoir aussi que nous avons l’espoir de découvrir de bonnes surprises une fois les soumissions rentrées et il faut savoir encore que vous serez informés sur ce fait et aussi sur les questions en suspens. En ce qui concerne la politique de l’apprentissage, monsieur Martinet, la réponse que mon département a Séance du mardi après-midi 9 mars 1999 6741 donnée, les propositions qu’il a faites, sont en ce moment au Département des finances et devront être soumises au Conseil d’Etat. J’aimerais encore vous dire que pour affronter ce fameux 13 juin, il eût été bon, c’est vrai, que nous ayons ici, dans cet hémicycle, la plus large acceptation, comme je l’ai déjà dit. J’aimerais donc que l’on ne fasse pas état de mouvements d’humeur, d’orgueil ou que sais-je. Il s’agit de conviction. Nous aurons besoin, nous, Conseil d’Etat, de députés convaincus pour affronter la campagne, aussi bien que pour aller dans la campagne, au sens géographique du terme, défendre le projet. Ce ne sera peut-être pas facile, mais je dirai que c’est un beau challenge et nous allons le relever ensemble. L’amendement Eric Golaz est refusé à une majorité évidente. L’article premier est adopté tel qu’admis en premier débat avec quelques avis contraires et abstentions. L’article 2 est adopté tel qu’admis en premier débat. L’article 3 est adopté. Le projet de décret est adopté en deuxième débat La discussion générale n’est pas utilisée Le projet de décret est adopté définitivement par 104 voix contre 27 et 16 abstentions. ____________ La séance est levée à 16 h 55. ____________