vanessamayoraz

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vanessamayoraz
Courrier CFF
No 10 25.5.2011
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Courrier CFF No 10 25.5.2011
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Ange-gardien 24 heures sur 24
L’exploitation ferroviaire
ne s’arrête jamais:
24 heures sur 24 et sept
jours sur sept, les trains
roulent et arrivent à bon
port grâce, entre autres,
aux bons soins de
Vanessa Mayoraz et de
ses collègues de Neuchâtel et de Lausanne.
Les anciennes installations ont été
remplacées par l’informatique...
«On va prendre le 50043 à droite jusqu’à
Colombier!» La demande est venue du
régulateur du trafic, à Lausanne. Vanessa
Mayoraz effectue quelques manipulations à l’aide de la souris, et l’on aperçoit
sur son écran des couleurs clignoter, des
traits devenir verts, puis rouges. «Voilà: ce
train marchandises ne sera pas obligé de
freiner à chaque signal derrière un train
régional, il va pouvoir le dépasser», explique la cheffe circulation: «Je vais lancer
un petit coup de fil au mécanicien du
train, pour l’avertir. Il pourra ainsi adapter sa vitesse à la situation.»
La scène se déroule dans le centre de télécommande de Neuchâtel, qu’on appelait encore récemment le «poste directeur». Trois places de travail y sont desservies; chacune est équipée de dix
écrans. Tandis que sa collègue Sylvie
Gimmi gère le trafic de la gare même de
Neuchâtel, Vanessa Mayoraz s’occupe de
télécommander tout un secteur allant
d’Onens-Bonvillars à Saint-Blaise, et de
Neuchâtel en direction du Locle et des
Verrières. Un troisième collègue, Roman
Müller, s’occupe de l’administratif et de
préparer les spécialités des journées suivantes. L’atmosphère est feutrée, concentrée. Chacun des 700 trains quotidiens
qui entre dans leur espace ferroviaire est
surveillé et choyé par les deux cheffescirculation.
Sur leurs écrans, on distingue essentiellement des traits bleus, verts ou rouges, des
plans de voies, des nombres. Le tout sur
fond noir. On est loin du jeu «Train Simulator», avec belles images de locomo-
tives et de trains. Ici, les convois sont
simplement représentés par du rouge sur
le schéma des voies. Chaque train possède un numéro, attribué selon son type
(IC, trains marchandises, etc). Le numéro du train, c’est son nom, au sens de l’exploitation: ici on ne parlera pas de «l’ICN
de 14 heures 24», mais bien du train 629.
«L’évocation du numéro de train ne
m’empêche pas de visualiser dans mon
esprit le train: le 629 fait automatiquement naître l’image d’un ICN dans ma
tête», explique Vanessa Mayoraz. «Un
train, c’est une locomotive, de nombreux
wagons, plusieurs centaines de tonnes et
de voyageurs. Sur l’écran, c’est un simple
trait rouge. Il est donc important de garder à l’esprit qu’on ne gère pas des traits
rouges, mais des trains bien réels!»
Les trains, les vrais, Vanessa Mayoraz a
eu l’occasion de les voir de près lors de ses
débuts au CFF. Cette Valaisanne, fille de
cheminot, a commencé sa carrière aux
CFF en 1999 par un apprentissage
d’agente du mouvement. «J’ai travaillé
dans de nombreuses gares du Valais avant
de partir une année en Suisse allemande,
pour apprendre et parfaire mon allemand: le parcours traditionnel des agents
du mouvement de l’époque. A mon retour, à Saint-Maurice, j’ai été formée à
Iltis le programme informatique de gestion de l’exploitation.» Un logiciel qui a
contribué à révolutionner le métier
d’agent du mouvement.
Depuis le début de sa carrière, Vanessa
Mayoraz a vécu de près la transformation
fondamentale de son métier: d’une gare
... et c’est désormais à l’aide de sa souris que Vanessa Mayoraz
télécommande tout le canton de Neuchâtel
comme Saint-Maurice, dans laquelle il y
a encore deux ans on tournait les aiguilles
à la main en tirant sur de lourds leviers,
au secteur de télécommande de Neuchâtel, entièrement informatisé, que d’évolutions!
A la pointe de la technologie
Si ce sont désormais des logiciels à la
pointe de la technologie ferroviaire qui
sont utilisés par les collaboratrices et les
collaborateurs de l’exploitation, les procédures de base sont toujours les mêmes
qu’il y a dix, vingt, voire même cent ans.
Avant de donner l’autorisation à un train
de se rendre d’un point A à un point B
en toute sécurité, il faut toujours effectuer trois étapes essentielles: tout d’abord
placer tous les aiguillages en bonne posi-
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PORTRAIT
Nom: Vanessa Mayoraz
Age: 27 ans
Métier: cheffe circulation des trains
Au CFF depuis: 1999
Lieu de travail: à la télécommande
de Neuchâtel et depuis le 26 juin
au Centre d’Exploitation Ouest de
Lausanne
Habite à: Collombey (VS)
Etat civil: célibataire
Aime: le travail en équipe, les randonnées et la Méditerranée
Déteste: la paperasse à établir après
une perturbation
«J’aime l’esprit d’équipe qu’il faut avoir dans le métier
de cheffe circulation»: avec Roman Müller, à Neuchâtel
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«C’est vrai, à Lausanne, le contact direct avec les trains me manquera»: Vanessa
Mayoraz sur le quai de la gare de Neuchâtel
Suite de la page 9
tion. Cela se faisait à l’époque en levant
ou en abaissant des leviers, qui commandaient, à l’aide des systèmes de câbles, les
aiguillages. Une fois ceux-ci en bonne
position, un autre levier permettait de
verrouiller le parcours. Concrètement, sur
un ancien poste de commandes, un système de tringles bloquait tous les autres
leviers concernés par le parcours que l’on
établissait. Impossible ainsi de tourner
une aiguille concernée par l’itinéraire que
l’on avait verrouillé. Ensuite, et uniquement une fois que le parcours était verrouillé, l’agent du mouvement pouvait, à
l’aide d’un autre levier, commander le signal et le mettre à voie libre.
Aujourd’hui encore, la technologie ferroviaire moderne effectue ces trois étapes
immuables. A la différence près que là où
il y fallait deux à trois minutes pour le
faire il y a cinquante ans, l’informatique
le fait en quelques secondes!
A l’époque, il n’aurait jamais été possible
de faire passer autant de train qu’aujourd’hui avec les anciennes installations!
De Neuchâtel à Lausanne
Le 26 juin prochain, le travail de Vanessa
Mayoraz et de ses collègues de Neuchâtel
franchira une étape importante: leurs activités seront intégrées au Centre d’exploitation ouest de Lausanne (CE
Ouest). Une nouvelle évolution dans le
métier que la jeune Valaisanne prend
avec sérénité: «J’ai été nommée à Lausanne et je suis en fait à Neuchâtel en
formation, pour me familiariser avec le
secteur», précise Vanessa Mayoraz. «Pour
certains collègues, travailler à Lausanne
nécessitera davantage de temps de parcours, et puis, c’est vrai, on ne verra plus
les trains depuis notre place de travail.
Mais il y aura d’autres améliorations: les
assistants information, par exemple».
Les quelque 270 collaboratrices et collaborateurs qui, d’ici 2017, géreront et télécommanderont l’ensemble du trafic romand depuis Lausanne sont répartis en
secteurs et en teams. Chaque team est
formé d’un régulateur, dont le travail est
de gérer le trafic, et de prendre les décisions nécessaires au bon déroulement de
celui-ci. C’est lui qui, par exemple, de-
Des traits rouges, des traits bleus, des numéros: la future place de travail de
Vanessa Mayoraz au centre d’exploitation ouest de Lausanne
mande à la cheffe circulation de dépasser
un train à un endroit donné, si cela peut
améliorer la fluidité du trafic. Les chefs
circulation sont chargés de télécommander les installations et peuvent donc agir
à distance sur les aiguillages ou les signaux. L’assistant information, un nouveau poste, a pour but de s’occuper de
tout ce qui concerne la bonne information sur le secteur. Autre avantage: «Tandis qu’à Neuchâtel, la nuit, une seule personne travaillait, à Lausanne, nous ne serons plus jamais seuls», poursuit Vanessa
Mayoraz.
Les horaires irréguliers n’effraient pas la
cheffe circulation: «Travailler le dimanche me permet ensuite d’aller skier
ou de partir en randonnée un jour de semaine, où il y a moins de monde! Et puis
je ne suis pas obligée d’aller faire mes
courses à la Migros le samedi!» Ce que
Vanessa Mayoraz apprécie également
beaucoup dans son travail, c’est la variété
de celui-ci: «Aucune journée ne ressemble à une autre, et il est rare que,
comme aujourd’hui, tout roule absolument parfaitement.»
Stress et responsabilités
Et le stress? La jeune Valaisanne le gère
avec sérénité: «Lorsqu’on est pris dans
une grosse perturbation, on n’a pas vraiment le temps de penser à autre chose, il
faut agir. Et puis je ne prends pas du travail à la maison: lorsque j’ai fini mon tour
de service, je confie la situation au collègue et peux ainsi penser à autre chose. Ce
qui ne m’empêche pas, après une vraiment grosse perturbation, de rentrer chez
moi vraiment très fatiguée!»
«Aucune journée ne ressemble à
une autre»
Face aux responsabilités, notamment en
matière de sécurité, Vanessa Mayoraz est
lucide: «Oui, c’est vrai, de grosses responsabilités reposent sur nos épaules,
mais la technique nous aide, et lorsque
nous devons effectuer des manipulations
qui pourraient avoir des conséquences
sur la sécurité, nous utilisons des checklists et des processus très précis. Mais
n’importe quel cheminot avec une
conscience professionnelle ne manie pas
des touches de sécurité à la légère.»
MON OUTIL DE TRAVAIL
6 QUESTIONS
«Outre les écrans et
la souris, j’utilise un
téléphone sophistiqué, puisqu’il me
permet à l’aide d’un
écran tactile, de sélectionner et de
joindre rapidement
mes interlocuteurs.»
Coop ou Migros?
Plutôt la Migros parce que
c’est plus près de chez
moi et qu’ils ont un très bon
thé froid à la pêche!
Röstis ou sushis?
Plutôt les röstis. Mais je
préfère les pâtes sous toutes
les formes. Ma spécialité?
Les pâtes carbonara!
Temps présent ou
Top chefs?
Temps présent. Je préfère
les reportages et les séries
TV. Ma préférée? NCIS!
Facebook ou apéro
après le travail?
J’ai un profil sur Facebook,
mais rien ne remplacera
jamais un vrai apéro...
Vacances à la mer ou à la
montagne?
La mer! Je suis née à la
montagne en Valais, mais je
préfère la chaleur du bord
de mer!
Achat de vacances au
guichet ou sur internet?
Sur internet. J’aime bien
chercher et dénicher
des vacances par moimême.
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LE JARG ON DE
L’EXPLOITATION
Le train 50043: chaque
train circulant sur le réseau
CFF se voit attribuer un numéro: de 1 à 26 999 pour
les trains voyageurs réguliers, (par exemple de 500
à 1099 pour les trains
Intercity), de 30 000 à
31 900 pour les trains spéciaux, de 40 000 à 69 999
pour les trains marchandises... Le 50 043, est
donc un train Cargo
Express. Chaque train est
introduit dans le système
RCS.
RCS («Rail Control
System»): le cerveau
logiciel de l’exploitation.
C’est dans ce programme
informatique que l’on
introduit toutes les données
de l’horaire annuel, tous
les trains spéciaux, toutes
les particularités d’exploitation (travaux sur une voie,
etc.). Ce système reçoit
également en temps réel
les informations sur la position des trains sur le terrain. Il compare ensuite les
écarts entre la situation
planifiée et la situation
réelle, et renseigne les
opérateurs et les régulateurs sur les conflits qui
pourraient survenir.
«Un avantage à Lausanne: même la nuit, nous ne sommes pas seuls!» Discussion avec Yanik Perron, régulateur
du secteur Jura, à Lausanne
Saviez-vous que Vanessa Mayoraz vivait
dans un univers-temps un peu différent
du nôtre? «Je travaille davantage dans
l’anticipation qu’auparavant», confirmet-elle. «Les informations fournies par les
systèmes informatiques nous permettent
de travailler et de réfléchir sur les événements qui se passeront dans les 10 à 50
minutes qui vont suivre. Dans l’idéal, il
faut toujours avoir un bon quart d’heure
d’avance sur la réalité. Ce qui n’empêche
pas qu’il faut ensuite pouvoir, en 30 secondes, prendre des décisions et remettre
en question ce que l’on avait échafaudé
un quart d’heure auparavant!» Et la
ponctualité? «C’est la raison d’être de
notre travail, bien sûr: nous devons justifier chaque retard de plus de trois minutes», poursuit Vanessa Mayoraz.
Sur le secteur de Neuchâtel, l’après-midi
se déroule sans anicroche. Une situation
bien plus agréable qu’au début de l’hiver
dernier: «Avec ces fortes chutes de neige,
presque plus rien ne circulait, de nombreux trains étaient bloqués, un de mes
pires souvenirs», poursuit la jeune Valaisanne.
Lorsqu’elle évoque sa profession avec des
amis, hors des CFF, Vanessa Mayoraz
remarque que celle-ci ne laisse pas indif-
férent: «C’est vrai, on compare ce métier
à celui d’aiguilleur du ciel. Et souvent,
le public ne se rend pas comptes de tout
ce qui se passe dans les coulisse du chemin de fer, de tout ce qu’il faut pour
que leur train circule en toute sécurité.»
Et de conclure: «D’ailleurs, le jour où
je n’aurai plus de plaisir à expliquer mon
métier, il faudra que je pense à faire autre
chose!»
Jean-Philippe Schmidt (texte),
Sandro Campardo (photos)
Iltis: le logiciel qui permet
de gérer et télécommander
les installations des gares
et de la pleine voie (aiguillages, signaux). Grâce
aux numéros des trains, et
aux indications qu’il reçoit
de RCS, le programme est
capable de gérer par luimême les trains: le train
719, par exemple, est programmé pour entrer sur la
voie 1 à Lausanne. Les
chefs circulation interviennent pour gérer des conflits
de correspondance et pour
tout ce qui n’est pas planifié selon l’horaire.