Pour les grands-parents, cela signifie qu`en cas d`adoption de leurs

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Pour les grands-parents, cela signifie qu`en cas d`adoption de leurs
Association des grands-parents du Québec
Commentaires sur le Projet de Loi 113 – Loi modifiant le Code civil et d’autres
dispositions législatives en matière d’adoption et de communication de
renseignements
1. De l’importance des relations personnelles des grands-parents avec leur(s)
petit(s) enfant(s) : Rappel des consécrations dans la législation québécoise
a) La présomption de l’article 611 C.c.Q. :
L'article 611 C.c.Q. consacre le principe que le maintien des relations personnelles de
l'enfant avec ses grands-parents est présumé être dans son intérêt.
Applications jurisprudentielles :
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Les petits-enfants doivent avoir un contact significatif avec leurs grandsparents, de façon à favoriser leur identification au sein de la famille. Droit de
la famille — 3189, (C.S., 1998-11-18), SOQUIJ AZ-99026010, B.E. 99BE-11
Ces relations ne doivent pas être interprétées comme une intrusion dans la
vie des parents ou des grands-parents, mais plutôt comme une possibilité
pour les enfants de connaître leurs ascendants et de développer avec eux des
liens affectifs. Protection de la jeunesse — 293, (T.J., 1987-07-17), SOQUIJ
AZ-88031022, J.E. 88-75, [1988] R.J.Q. 213
Les relations personnelles enfants-grands-parents ne peuvent sans motifs
graves être empêchées. Elles ne doivent pas être confondues avec les droits
d’accès des parents séparés, ni d’une façon générale en avoir la même
fréquence et la même étendue. Droit de la famille — 2216, (C.S., 1995-0531), SOQUIJ AZ-95021524, J.E. 95-1294, [1995] R.J.Q. 1734, [1995] R.D.F.
572 (rés.), EYB 1995-72408
Le Tribunal doit favoriser le développement des relations personnelles entre
un enfant et ses grands-parents. D'ailleurs, ces relations doivent être perçues
comme une possibilité pour les enfants de développer avec leurs grandsparents des liens affectifs précieux. Le Tribunal estime que même si la
demanderesse et les défendeurs ont connu dans le passé certains différends
qui sont regrettables, l'enfant a le droit de bénéficier de l'affection et de
l'amour que sa grand-mère paternelle veut lui apporter. » Droit de la famille 073212, 2007 QCCS 6113
Doctrine pertinente :
Selon le professeur Goubau :
« Au-delà de cette différence, la jurisprudence est cependant unanime sur le
fait que l'absence de relations cordiales entre les parties ne constitue pas un
1
motif grave. Et elle est quasi unanime sur le fait que l'existence de simples
tensions entre les parties ne constitue pas en soi un motif grave au sens de la
loi. Plusieurs jugements soulignent que même la présence d'un conflit grave
entre les parties ne constitue pas nécessairement un motif grave mais que
cette réalité doit être prise en considération au moment de l'aménagement
des modalités des relations personnelles. En réalité, ce n'est pas tant
l'existence d'un conflit qui importe, que l'impact actuel ou potentiel de celui-ci
sur l'enfant. »1
b) Les dispositions de la Loi sur la protection de la jeunesse
-
L’article 4 de cette Loi énonce le principe de référence aux grands-parents avant le
placement
de leur petit enfant en famille d'accueil. En effet,
il est nécessaire
d'envisager cette ressource avant de confier les enfants à une famille d'accueil dans les
cas où les parents ne peuvent assurer la sécurité ou le développement de l'enfant dans
leur milieu familial. Le législateur reconnaît ainsi la place importante qu’occupent les
grands-parents dans la famille élargie particulièrement lorsque les liens familiaux sont
fragilisés par les conflits et la rupture.
-
L'article 91, alinéa 3, de la Loi, prévoit que le tribunal peut permettre des relations
personnelles entre l'enfant et ses grands-parents dans un contexte de protection. En
effet, le tribunal peut, dans l'intérêt de l'enfant, autoriser le maintien des relations
personnelles de l'enfant avec ses parents, ses grands-parents ou une autre personne,
selon les modalités qu'il détermine.
2. L’adoption ou l’évanouissement de la présence
biologiques dans la vie de leur(s) petit(s) enfants :
des
grands-parents
a) Le régime de l’adoption au Québec transforme les grands-parents
biologiques en étrangers :
L’adoption au Québec est plénière en ce qu’elle entraîne une rupture définitive du lien de
filiation d’origine. Comme l’explique le Professeur Alain Roy, cette coupure du lien de
filiation biologique conduit à l’effacement de tous les membres de la parenté d’origine de
l’enfant, en particulier de ses grands-parents biologiques.
La famille biologique se retrouve, donc, dans la position d'un tiers au sens de l'article 605
C.c.Q. La présomption de l’article 611 C.c.Q. ne s’applique plus aux grands-parents
biologiques vis-à-vis leur petit enfant adopté. Ainsi, un droit d'accès ne peut leur être
accordé que si la preuve permet de conclure qu'il est dans l'intérêt de l'enfant. L'incidence
de l'adoption sur le statut même des grands-parents est tellement radicale !!
1
GOUBAU, Dominique, "Relations grands-parents et petits-enfants: le juste équilibre entre l'intérêt légitime et
l'intrusion", dans Service de formation permanente, Barreau du Québec, Vol. 158, Développements récents en
droit familial, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2001, p.67
2
Dans l'affaire Droit de la famille-3682, J.E. 2000-1576 (C.S.), REJB 2000-20108, la juge
Johanne Trudel précise que « Si le parent biologique devient un tiers à l'égard de l'enfant,
après l'adoption, il en est de même des grands-parents. En effet, la nouvelle filiation de
l'enfant fait disparaître les droits qu'avaient les grands-parents biologiques sous l'article 611
C.c.Q. Ce sont les grands-parents de la famille d'adoption qui bénéficient désormais de ces
droits.»
Dans le cadre d’une adoption par le conjoint du parent, le lien entre ce parent et son enfant
est préservé. Toutefois, cette adoption rompt, celui qui relie l’enfant à son autre parent
d’origine et aux autres membres de sa parenté, y compris les grands-parents et d’éventuels
demi-frères et demi-sœurs.
Les auteures Françoise-Romaine Ouellette et Carmen Lavallée2 expliquent que l’adoption par
le conjoint « fait coïncider la filiation légale avec les relations qui se tissent au quotidien en
remplaçant le parent d’origine par le parent psychologique et social. L’intérêt de l’enfant
n’est cependant pas toujours servi au mieux par ce procédé. »
Par ailleurs, l’adoption de l’enfant à la suite d’un signalement à la DPJ qui a été effectué par
son grand-parent vient priver ce dernier de tout contact avec son petit enfant après son
adoption. À cause de la rupture définitive des liens d’origine, les grands-parents sont
tiraillés entre leur devoir de signaler une situation de négligence ou violence dont souffre
leur petit enfant et leur besoin de garder les liens d’attachement et contact, qui seront
désormais éteints après l’adoption par des tiers.
b) Les grands-parents biologiques sont exclus du processus de l’adoption :
Lors d’une procédure d’adoption, les grands-parents biologiques sont rarement avisés ou
invités par le tribunal à faire valoir leur point de vue. Il arrive même qu’ils soient informés
de l’adoption après avoir déposé une requête en vertu de l’article 611 C.c.Q.
Selon la jurisprudence, ils ne pourront pas revendiquer le droit de recevoir significations des
requêtes menant à l’adoption. La liste des personnes devant recevoir signification est
limitative et ne permet pas d’inclure un grand-parent. Voir Adoption — 12107, (C.Q., 201204-02), 2012 QCCQ 7470, SOQUIJ AZ-50879014, 2012EXP-3670, J.E. 2012-1964. Le
tribunal a déjà refusé d’admettre la signification aux grands-parents de l’enfant qui en
avaient la garde depuis cinq ans. Voir Droit de la famille — 68, J.E. 83-778 (C.S.). Aucune
requête en matière
d’adoption
n’a à être
signifiée aux grands-parents biologiques de
l’enfant : voir Droit de la famille — 253, [1986] R.J.Q. 131 (T.J.) et Droit de la famille —
781, [1990] R.D.F. 314 (C.Q.).
Par ailleurs, ils n’ont pas de droit de parole lors des audiences. Pour obtenir un tel droit, les
grands-parents doivent désormais satisfaire un lourd fardeau preuve afin de convaincre le
tribunal de la pertinence de leur intervention. Voir par exemple Droit de la famille — 310,
[1986] R.D.F. 537 (T.J.) où la Cour a refusé l’intervention d’une tante qui agissait en qualité
de tutrice à l’enfant. Voir également, Droit de la famille — 2293, [1995] R.D.F. 828 (C.Q.),
2
Françoise-Romaine Ouellette et Carmen Lavallée, « La réforme proposée du régime québécois de l’adoption et le
rejet des parentés plurielles » (2015) 60 : 2 RD McGill 295.
3
où le tribunal mentionne que le statut de grand-parent ne constitue pas en soi une source
de droit, de privilèges ou de prérogatives dans le cadre de la procédure d’adoption, surtout
au stade de l’ordonnance de placement.
c) L’absence totale du droit de visite des grands-parents après l’adoption
Pendant la procédure d’adoption, la Cour du Québec peut accorder des droits d’accès à un
grand-parent biologique lorsque l’intérêt de l’enfant le justifie. Voir Droit de la famille —
1873, [1995] R.J.Q. 1959 (C.Q.). Toutefois, la compétence de la Cour du Québec cesse dès
que le jugement final d’adoption est prononcé. J.F. (Dans la situation de), (C.Q., 1999-0304), SOQUIJ AZ-50066932, [1999] Q.J. No. 2912 (Q.L.). En effet, l’adoption de l’enfant
entraînera l’extinction des droits de visite des grands parents.
Comme le suggère l’auteure Goudeau, le droit d’accès des grands-parents ne doit pas
dépendre des relations parentales mais bien des relations personnelles entre deux
individus3.
d) Confidentialité de l’adoption – L’impossibilité pour un enfant adopté de
connaître ses origines
Sur l'importance, dans le développement de l'enfant et l'enrichissement dont il peut
bénéficier, du maintien de ses relations avec les grands-parents, le juge Jean-Pierre Sénécal
affirme que les contacts entre petits-enfants et grands-parents, constituent une grande
richesse, tant pour l'enfant, les grands-parents, que la société. Il ajoute : « Ils sont, à n'en
pas douter, une grande source de joie, d'affection, d'apprentissage et de connaissance
(réciproquement, d'ailleurs). Les contacts entre générations constituent en fait une source
d'apports mutuels unique, non seulement précieuse mais indispensable, et cela, encore une
fois, tant pour les personnes impliquées que pour la société toute entière. »
En vertu de la législation en vigueur, l’adoption fait régner le secret total sur les origines de
l’enfant adopté. Tous les renseignements demeurent confidentiels. Aucune information
identificatoire ne sera transmise et les retrouvailles avec d’autres membres de la famille ne
seront pas permises.
Alors que le mariage entre frères et sœurs est interdit dans notre loi, aucune mesure n’est
disponible permettant d’éviter cette problématique à cause de l’absence d’accès aux
informations permettant de reconnaître les membres de sa famille d’origine.
L'affaire A.P. c. L.D., [2001] R.J.Q. 16, est une des rares décisions québécoises abordant la
question du droit aux origines rendues par la Cour d'appel du Québec. Dans cet arrêt, la
Cour tient pour acquis l'intérêt de l'enfant de connaître ses parents biologiques et affirme
que « le droit fondamental à connaître ses parents ». Cette décision fait référence à l'article
7 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant qui prévoit que l'enfant doit
être enregistré et connaître ses parents de naissance dans la mesure du possible.
3
Dominique Goubau, « Le droit des grands-parents aux relations personnelles avec leurs petits-enfants : une
étude comparative des systèmes québécois, français et belge », Les Cahiers de droit, vol. 32, n° 3, 1991, p. 557-641
4
Enfin, comme le précise la doctrine, l'anonymat autour des antécédents génétiques n'aura
pas pour effet de préserver et de protéger la structure familiale, bien au contraire. Le
développement de la psychologie a mis en évidence le rôle considérable que la connaissance
des origines joue dans le développement de la personnalité. Il a été démontré que chaque
être humain, a besoin, dès son enfance, de se situer par rapport à son passé et son avenir4.
3. Les modifications proposées par le Projet de Loi 113: Commentaires :
En termes généraux, en vertu du Projet de Loi 113 (ci-après « PL-113 »), l’enfant adopté
pourra enfin accéder à son dossier afin de connaître l’identité de ses parents biologiques.
D’un autre côté, Le parent d’origine pourra lui aussi accéder au dossier de l’enfant donné en
adoption lorsque celui-ci atteint la majorité.
Le PL-113 prévoit une période transitoire de 18 mois où les parents biologiques pourront
s'opposer au dévoilement de leur identité ou à la prise de tout contact. À défaut de refus,
les informations seront divulguées. La présomption du refus est alors renversée.
Permettre à l’enfant adopté d’accéder à son dossier biologique et, si son intérêt le
commande, d’entretenir des contacts avec sa parenté d’origine, constitue un pas dans la
bonne direction.
Par ailleurs, le PL-113 vient reconnaître l'adoption coutumière autochtone.
Bien qu’il représente une avancée en matière d’adoption, le PL-113 ne règle pas toutes les
problématiques liées au régime de l’adoption au Québec.
a) L’introduction
de
l’adoption
plénière
ouverte :
renseignements et relations interpersonnelles
L’échange
de
Le PL-113 (article 579 nouveau) prévoit qu’une entente visant à faciliter l’échange de
renseignements ou des relations interpersonnelles peut être conclue entre la famille
adoptive et la famille d’origine.
En fait, ce projet vient intégrer une adoption ouverte dans notre régime québécois
d’adoption. Il s’agit d’une adoption plénière pour laquelle une entorse plus ou moins grande
est faite au principe de confidentialité5. Elle se traduit, dans ce projet, par la possibilité de
conclure ententes permettant des relations personnelles post-adoption accordées aux
parents d’origine, ce dont l’Association se réjouit.
4
Voir V. PROVOST, « Le droit de connaître ses origines personnelles : une évidence qui n’en est (peut-être) pas une
», J.D.J., mars 2007
5
Lavallée Carmen, « Pour une adoption sans rupture du lien de filiation d'origine. Dans les juridictions de civil law
et de common law», Informations sociales 2/2008 (n° 146) , p. 132-140
5
-
Les limites de l’adoption ouverte
L’adoption plénière ouverte conduit tout de même à un effacement de la filiation d’origine,
au profit de la filiation adoptive, ce qui ne permet pas de satisfaire le besoin de maintenir le
lien d’origine, indispensable dans le développement identitaire de l’enfant.
L’enfant cesse d’appartenir à sa famille d’origine. L’article 577 alinéa 1 tel que proposé par
le PL-113 le prévoit expressément :
«L’adoption confère à l’adopté une filiation qui succède à ses filiations préexistantes.
Cependant, dans le cas d’une adoption par le conjoint du père ou de la mère de
l’enfant, la nouvelle filiation succède uniquement à celle qui était établie avec l’autre
parent, le cas échéant.
Quoiqu’il puisse y avoir une reconnaissance de ses liens préexistants de filiation,
l’adopté cesse d’appartenir à sa famille d’origine, sous réserve des empêchements de
mariage ou d’union civile. »
De plus, l’adoption ouverte implique normalement que le parent d’origine consente à
l’adoption plénière de son enfant. Or, comme le souligne C. Lavallée, « la très grande
majorité des enfants québécois adoptables le sont à la suite d’une déclaration judiciaire
d’admissibilité à l’adoption et non pas à la suite d’un consentement parental. De plus, les
règles juridiques actuelles, fondées sur la confidentialité, rendent plus difficile l’implication
émotionnelle du parent dans la procédure. Si l’adoption ouverte peut constituer une solution
adéquate pour certains enfants, parce qu’elle permet parfois d’humaniser un peu plus le
processus, son incidence en droit québécois devrait rester faible. De plus, elle reste une
adoption plénière et, en ce sens, elle répond mal aux besoins des enfants dont l’intérêt
militerait en faveur de la survie de leur filiation d’origine. Dans une telle hypothèse,
l’adoption simple pourrait constituer une solution mieux adaptée, mais il faudrait la repenser
afin de l’adapter aux réalités vécues par ces enfants6 ».
-
Restrictions quant aux effets de l’entente sur les échanges de renseignements
Une entente visant à faciliter l’échange de renseignements ou des relations
interpersonnelles peut être conclue entre la famille adoptive et la famille d’origine (article
579 – PL-113). Ceci est une bonne nouvelle, en ce que le projet emploie le terme général
de « famille d’origine » ce qui peut permettre l’implication des grands-parents dans la
conclusion d’une telle entente.
Toutefois, l’entente n’aura d’effet que si deux conditions sont rencontrées : que l’enfant soit
âgé de 10 ans ou plus et qu’il y consent, à moins que celui-ci ne soit dans l’impossibilité de
manifester sa volonté. Ainsi, à titre d’exemple, si une entente prévoyant le droit des grandsparents de contacter l’enfant après son adoption est conclue alors que l’enfant a 5 ans, elle
6
Lavallée Carmen, « Pour une adoption sans rupture du lien de filiation d'origine. Dans les juridictions de civil law
et de common law», Informations sociales 2/2008 (n° 146)
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n’aura cependant aucune exécution qu’après 5 ans c’est-à-dire lorsque l’enfant aura 10
ans ; encore faut-il, de plus, qu’il y consente !
À cet égard, le PL-113 aurait dû s’inspirer du Rapport émis le groupe de travail sur le
régime québécois de l’adoption en 2007 et présidé par Mme Carmen Lavallée (ci-après
« Rapport de 2007 »). Ce rapport fait référence à la Loi ontarienne en matière d’adoption
laquelle ne fait pas de distinction selon l’âge de l’enfant. Le point de vue et les désirs de
l’enfant doivent, par contre, selon la loi, être considérés avant la conclusion de l’entente
toutes les fois qu’ils peuvent être raisonnablement déterminés. Le Rapport de 2007 explique
que ces dispositions doivent être les bienvenues et s’inscrivent tout à fait dans l’esprit de
l’article 12 de la Convention sur les droits de l’enfant lequel prévoit le droit de l’enfant,
capable de discernement, d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant.
-
Le droit d’obtenir des renseignements sur ses origines : sujet à l’approbation préalable
des adoptants !
L’adopté n’a le droit d’obtenir des renseignements sur ses origines que si ses parents
adoptifs y consentent (article 583 alinéa 1 – PL-113) et ce quelque soit son âge (L’article
énonce en effet « Tout adopté, y compris celui âgé de moins de 14 ans… »).
L’article suggère que le droit de l’enfant à connaitre ses origines est subordonné à la volonté
des adoptants et non à sa propre volonté ou encore à son intérêt suprême. Il aurait fallu, au
moins, de prévoir que le refus éventuel des adoptants devra être motivé et soumis à
l’intérêt de l’enfant.
b) Aucune consécration de l’adoption simple
Le PL-113 ne donne aucune place à l’adoption sans rupture des liens d’origine comme nous
le revendiquons depuis des années. L’enfant cesse d’appartenir à sa famille d’origine dès
son adoption.
Comme le fait le Régime actuel de l’adoption au Québec, le PL-113 n’offre pas la possibilité
d’avoir une adoption dite « simple » au Québec, à l’instar d’autres pays comme la Belgique
et la France. En effet, l’adoption simple permet la coexistence des liens de filiation
biologiques et adoptifs. Le jugement d’adoption simple n’efface pas le passé de l’enfant.
L’enfant n’est pas envisagé comme une cassette vierge sur laquelle on peut tout effacer et
réimprimer ce que l’on désire. En fait, l’acte de naissance original demeure, mais on y
inscrit le nom des nouveaux parents adoptifs. Au terme de la procédure d’adoption, l’enfant
hérite tout simplement d’un nouveau lien de filiation qui viendra s’ajouter au premier. Cette
alternative adéquate permettrait, selon le Professeur Alain Roy, de « concilier deux besoins
nullement contradictoires : d’une part, le besoin de stabilité de l’enfant, à court et moyen
terme, auquel une vraie famille d’adoption est à même de répondre et, d’autre part, le
besoin de l’enfant de conserver ses repères identitaires et de maintenir, dans la mesure du
possible, des liens affectifs avec les membres de sa famille d’origine, dont ses grandsparents biologiques ».
Bien que l’adoption plénière de l’enfant du conjoint puisse s’avérer la solution pour un
enfant qui n’aurait de filiation établie qu’à l’égard d’un seul de ses parents ou qui aurait été
7
complètement abandonné par toute une branche familiale, elle ne l’est surtout pas dans le
cas du décès d’un parent. En fait, l’adoption plénière par le nouveau conjoint du parent
survivant aura pour effet de faire disparaître toute trace juridique du passage du parent
décédé dans la vie de l’enfant, par conséquent, toute trace de ses grands-parents, frères et
sœurs etc. C’est pourquoi, nous pensons, que dans ce contexte, une adoption sans rupture
du lien d’origine pourrait mieux servir l’intérêt de l’enfant, tout en consolidant le nouveau
lien parental. Prenons l’exemple de la législation française 7 qui limite le recours à l’adoption
plénière de l’enfant du conjoint uniquement lorsque le lien de filiation n’est établi qu’à
l’égard de l’un de ses parents (parent déchu de son autorité parentale ou décédé sans avoir
laissé d’ascendants au premier degré ou que ces derniers se sont manifestement
désintéressés de l’enfant).
Enfin, nous rappelons les modifications proposées à l’article 573 du Code civil du Québec par
l’avant-projet de loi intitulé Loi modifiant le Code civil et d’autres dispositions législatives en
matière d’adoption et d’autorité parentale de 2009 n’ont malheureusement pas été repris
dans le PL-113. Ces modifications se lisent comme suit :
« Le tribunal peut décider que l’adoption n’a pas pour effet de rompre le lien
préexistant de filiation afin de préserver des liens d’appartenance significatifs pour
l’enfant avec sa famille d’origine. Il peut en être ainsi, notamment, dans les cas
d’adoption d’un enfant plus âgé, d’adoption par le conjoint du père ou de la mère de
l’enfant, ou d’adoption par un ascendant de l’enfant, un parent en ligne collatérale
jusqu’au troisième degré ou par le conjoint de cet ascendant ou parent. Il s’assure
que l’adoptant et les parents d’origine connaissent les effets d’une telle adoption ».
Notons enfin que plusieurs pays consacrent un système dualiste en matière d’adoption,
c’est-à-dire que les deux formes d’adoption, simple et plénière, y coexistent est possible et
favorable. Il en est ainsi en France, en Belgique, en Grèce, en Italie, au Luxembourg, au
Portugal ainsi que dans d’autres pays d’Europe centrale, tels que la Roumanie, la Bulgarie et
la Pologne8.
c) L’absence de disposition relative au droit de visite des membres de la
famille d’origine :
Le PL-113 ne fait aucunement mention d’un éventuel droit de visite pouvant être accordé
aux membres de la famille d’origine après l’adoption (en dehors d’une possible entente en
7
Article 350 du Code civil Français
Certains d’entre eux ont choisi de limiter l’admissibilité à l’adoption simple aux majeurs. D’autres encore ont
plutôt choisi de créer une forme hybride d’adoption pour répondre à des besoins particuliers. Ces adoptions, à michemin entre l’adoption simple et l’adoption plénière, ont en commun d’assouplir, d’une manière ou d’une autre,
certains effets radicaux de l’adoption plénière. C’est le cas de l’Allemagne, qui ne connaît en principe que
l’adoption plénière pour les mineurs et l’adoption simple pour les majeurs. Elle impose néanmoins une forme
d’adoption hybride, sans rupture des liens d’origine, dans certains cas d’adoption de l’enfant du conjoint ou
d’adoption intrafamiliale.
8
8
vertu de l’article 579). En transférant tous les droits de l’autorité parentale aux adoptants,
la loi laisse entre les mains de ces derniers le soin de décider si l’enfant doit continuer à
entretenir ou non des liens avec sa famille d’origine.
Lorsque le parent biologique inscrit un refus de contact, comme le propose le PL-113, qu’en
est-il du droit, et besoin !, des grands-parents à garder contact avec leur petit enfant, et
vice versa ?
d) L’accès au dossier ayant trait à l’adoption : l’article 16 du Code de
procédure civile
Le PL-113 propose d’ajouter à la liste des personnes qui peuvent être autorisées par le
tribunal à accéder au dossier de l’adoption toute personne ayant justifié d’un intérêt
légitime. Bien que cette disposition soit importante pour les grands-parents, il demeure
désormais de leur devoir de prouver cet « intérêt légitime » et en convaincre le tribunal. Les
grands-parents souffriront encore d’un lourd fardeau de preuve pour obtenir un tel droit.
Les enfants, les petits-enfants et autres descendants des adoptés décédés auront aussi un
lourd fardeau de preuve pour obtenir le droit d’en savoir plus sur l’origine de leur parents ou
grand-parent décédé.
e) L’exclusion des grands-parents du processus de l’adoption maintenue
Aucune modification n’a été apportée au Code de procédure civile afin d’impliquer
davantage les grands-parents dans le processus de l’adoption, et du moins en être
informés.
Le Code de procédure civile ne prévoit pas la convocation des grands-parents lorsqu’il y a
une demande d’adoption avec rupture du lien de filiation. Nous soutenons qu’il est
important que le tribunal puisse entendre toutes les parties afin d’être vraiment en mesure
de rendre une décision dans l’intérêt de l’enfant.
f) Les modifications apportées à la Loi sur la protection de la jeunesse
Dans le cadre d’une demande de placement de l’enfant, seuls les parents ou le tuteur et les
adoptants sont informés de l’entente. Par ailleurs, après que l’ordonnance de placement ait
été prononcé, l’enfant âgé de 14 ans et plus doit faire la demande afin d’obtenir un
sommaire de ses antécédents sociobiologiques.
Dans un contexte médical, un établissement qui exploite un centre de protection de
l’enfance et de la jeunesse est tenu de communiquer au médecin les renseignements
permettant d’identifier ou de prendre contact avec l’enfant ou le parent d’origine recherché
que si ces derniers consentent à cette communication. Ainsi, les informations médicales
peuvent être bloquées en cas de refus. Il aurait fallu que l’on prévoie que le refus éventuel
doit être éventuel et assujetti à l’intérêt de l’enfant.
L'Association des grands-parents du Québec remercie madame Ouafa
Younes, étudiante en droit et chercheure,pour son travail bénévole
de recherche et de rédaction pour la production de ce document.
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