Championnat du monde de Mafikeng

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Championnat du monde de Mafikeng
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Mars 02
N°1
GVV
MAFIKENG
Championnat du Monde
de Vol à Voile à Mafikeng.
En ce jour du 9 décembre 2001 à 21h
20, alors que bien du monde est occupé
à préparer le sapin de Nöel, à se creuser la tête pour savoir si cette année les boules
et les guirlandes seront plutôt rouges ou plutôt bleues, si le cadeau de Nöel de la petite
sera plutôt la dernière création de Matel, la très populaire poupée Barbie, le dernier
dessin animé de Walt Disney ou la dernière console de jeux vidéos ou les trois. A ce
même moment, alors que démarre au cinéma Prado à Bulle le film génial de JeanPierre Jeunet « Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain ». Pierre-Alain et moi volons à
10’000 mètres d’altitude cap plein sud, destination Johannesburg pour un destin
particulier.
Dès notre arrivée, nous touchons un bus blanc VW et nous partons pour un petit
aérodrome en herbe à Orient où nous attend le Gugus (planeur DG 800s HB 3309
blanc).Nous accrochons la remorque et nous partons vers Mafikeng qui se situe à 350
km au nord-ouest de Johannesburg
Mafikeng est une ville de 65’000 habitants, principalement noirs, qui se situe à 40 km
au sud des frontières du Botswana, sur un haut plateau à 1260m/mer. On y trouve une
belle université, un immense stade de 50’000 places à l’abandon, un magnifique golf,
un casino, très peu de « townships » ou du moins pas trop visibles et beaucoup de
petites maisons très modestes construites par le gouvernement. Les blancs habitent
généralement des quartiers clôturés et gardés, avec de belles demeures équipées de
piscines.
L’aéroport se situe à 20 km au nord de la ville avec une piste en dur de 4600 m x 50 m.
Il est également équipé d’une tour de contrôle, de trois immenses hangars, où nous
avons réussi à ranger les septante
planeurs de la compétition. Un service
du feu est en permanence en fonction.
Des immenses réservoirs placés en
altitude avec prises d’eau multiples
étaient à notre disposition pour le plein
des planeurs. Pour assurer les
remorquages, sept Cessna, un ULM
« Samba »et un Pawnee ont fait
l’affaire. Deux grandes tentes abritaient
les locaux des équipes avec mise à
disposition
de
connections
informatiques. Les serpents ont
également trouvé les lieux très
confortables dans les locaux du Japon. Une
petite piscine était à notre disposition et après
une journée à plus de 30 degrés, c’était bien
agréable d’y plonger.
Le directeur de la compétition est M. Dick
Bradley. M. Brian Spreckley est responsable des
épreuves et Mme Carol Clifford s’occupe de
l’administration.
Notre équipe suisse était constituée d’un « team
capitain » M. Andreas Wittmer, de quatre pilotes
dont M. Ruedi Schild (GVV Dittingen) en Nimbus
4 avec immatricule de concours JB, Daniel Schmid (GVV Birrfeld) en ASH 25 avec
Andreas Keller copilote en classe ouverte (25m) immatriculé IQ, Edi Inäbnit (GVV Berne)
en Discus (classe standard) immatriculé IE et Philippe Progin (GVV Gruyère) en DG800s
(15m course) immatriculé GU et de cinq dépanneurs, dont Pierre-Alain Desmeules était
le plus efficace. (J’ai largement testé).
Nous avons volé cinq jours d’entraînement dans des conditions vraiment pas géniales
avec des plafonds bas et des vols de 220 à 380 km. Le dernier jour d’entraînement, la
rentrée fut pénible et, depuis le km 30 mon calculateur m’annonçait que je me trouvais
tantôt 20 m en dessus du plan, tantôt 30 m en dessous. Résultat des courses j’ai
terminé 20 m avant la piste dans un champ fauché plein de bosses où le train
d’atterrissage s’est rentré. Après avoir ressorti le train, nous avons tiré le planeur sur la
piste avec un 4x4 et après un bon lavage (il était un peu poussiéreux), nous avons
constaté que toutes les charnières des portes du train rentrant avaient cédé. Ce n’est
pas très solide ces trucs-là ! Il en faut beaucoup plus pour arrêter McGayver (PA
Desmeules). Au fait, la piste fait 4600 m mais ils n’étaient pas du bon coté. Le lendemain
à 10 h 30, tout était prêt pour le briefing.
17 décembre
C’est la journée d’ouverture officielle avec toutes les équipes en uniforme sous un
soleil de plomb (36°), avec d’interminables discours, un défilé militaire avec hommes
en armes et au pas de l’oie, ce qui a particulièrement plu à Pierre-Alain. Ensuite, nous
avons également défilé. La journée s’est terminée par la présentation d’un magnifique
meeting avec T6 en patrouille, Pitts, Yak, Spitfire etc. et même une course entre une
voiture, une moto et un Pitts à ras la planète.
18 décembre
Les choses sérieuses commencent. La première épreuve est lancée dans des conditions
marginales et presque tous les concurrents se retrouvent très rapidement en mode de
survie avant de se poser dans la nature. Seule la classe ouverte (les grandes plumes)
réussit à valider la manche en parcourant plus de 100 km.
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19 décembre
La météo n’est pas géniale avec un plafond à 2300 m (hauteur de travail 800 m) et un
vent de 50 à 60 km/h. Pour la classe standard et la classe ouverte, la journée est
neutralisée après avoir remorqué la moitié des planeurs standard. Pour ma classe
(15m), c’est une épreuve AAT (Assigned Aera Task), circuit de vitesse sur un parcours
passant par des zones imposées de 3 heures. Après 60 km de vol, nous atteignons la
limite climatique et, pour la suite, c’est en thermique bleu (sans nuage) que nous devons
poursuivre avec un vent de face toujours aussi fort. La galère totale qui se termine par
une vache près d’une ferme. Pendant que Pierre-Alain se déplace vers mon champ, le
propriétaire m’invite à visiter en voiture son terrain de chasse où vivent en harmonie
avec la nature, des gazelles, des impalas, des kudus, des élans etc. Seul le pilote
Américain Gary Ittner boucle l’épreuve.
20 décembre
Le ciel est totalement bleu avec un vent de SSO de 20 à 30 km/h VZ 1 à 2m (thermique bleu).
Pour toutes les classes, ce sont des épreuves AST (Assigned Speed Task) circuit de
vitesse sur parcours imposé de 380 à 400 km. Après deux points de virage passés et
280 km, je me retrouve au côté du pilote Ittner à 60 m en dessous et à 120 m sol. Il n’y
a toujours pas de nuages pour marquer les thermiques. Je choisis d’aller sur les toits
en tôle, ça frétille mais le thermique ne démarre pas et c’est une nouvelle vache. Mon
collègue a réussi à voler quatre km de plus et a trouvé un magnifique thermique. A
peine suis-je sorti du planeur qu’une foule d’enfants et d’adolescents hystériques
m’arrivent dessus, suivis des adultes moins rapides. Après cinq minutes, c’est environ
deux cents personnes qui se bousculent et crient. Les plus petits grimpent à pieds nus
sur les ailes, un autre écrase une banane sur la verrière, d’autres passent par-dessus
le fuselage en marchant sur la queue ou s’appuient violemment contre les gouvernes
des ailerons. Quand j’ai téléphoné à Pierre-Alain par Natel (Dieu merci ça fonctionnait
bien partout), il m’a demandé si j’étais dans une discothèque et c’est avec beaucoup
de peine que j’ai réussi à lui transmettre mes coordonnées GPS pour me retrouver.
Pour éviter la casse de la machine, je leur ai lancé « don’t touch please ». Quelques
adolescents comprenaient quelques mots d’anglais et les traduisirent à un vieux sage
du village. Lorsqu’il eut compris ce que je voulais, il enleva son ceinturon, le fit tourner
sur sa tête et éloigna la foule du planeur. Pierre-Alain arriva difficilement sur les lieux
car le village n’existait pas sur la carte au 1:1’000’000 de même que les pistes d’accès
défoncées. Seul le GPS nous a aidés. La perspective de passer une nuit chez l’habitant
ne m’enchantait guère. Après quelques détours pour retrouver une colonne à essence,
c’est le retour vers Mafikeng.
21 décembre
Météo presque identique au jour précédant mais avec des VZ de 1 à 3m. Pour les
standards, épreuves AST de 360 km, 409 km pour les 15m et 459 km pour les ouvertes.
J’ai toujours de la peine à trouver les thermiques dans le bleu, mais cela s’améliore. Je
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termine l’épreuve à 109 km/h de moyenne au 22ème rang. Le meilleur de la journée
tourne à 137 km/h.
22 décembre
C’est toujours la tempête de ciel bleu. Au briefing, la météo est très optimiste car le
vent nous vient du nord aujourd’hui. On nous annonce un plafond pour la première fois
à 4000 m et des VZ de 3 à 4 m. Au menu du jour, on nous donne des AST de 470 km
pour les standards, 614 km pour les courses (nous partons les premiers) et 531 km
pour les ouvertes.
Dès le largage, le doute s’installe avec les VZ de 0,3 à 0,5m à 2500m. Les premiers
cumulus font leur apparition. La ligne est ouverte à 12 h 30. Il ne faut pas traîner parlà. La route est longue et en plus, chaque jour à 17h, les VZ diminuent de 50% et à 17
h 30 tout passe sur off. Je passe la ligne à 12 h 40 et après 30 km je me retrouve déjà
à 1900 m à tourner dans du 0,8m. 20 km plus loin, enfin la journée démarre avec des
2m puis 3 à 4m avec des bases de 3500m. Enfin du vrai vol plaisir ! A 17 h, je rejoins
le dernier nuage à 95 km de Mafikeng et là je monte soigneusement à la base avec
une VZ de1,2 m à 2550 m. Je quitte en finesse à 130 km/h et je sais déjà qu’il me faut
encore trouver un thermique pour rentrer. Je retrouve plusieurs grandes plumes en
spirales devant moi au km 50 mais la VZ est de 0,1 à 0,2 m puis plus rien. Pour tous
ceux qui étaient dans le coin, c’est la vache au km 30.
23 décembre
Le briefing avait été avancé par les organisateurs en prévision d’une bonne journée.
L’orage gronde déjà au loin. Seuls les standards sont lancés malgré quelques gouttes
de pluie qui tombe sur l’aéroport. Les chefs d’équipe ont envoyé les dépanneurs sur le
chemin du premier point de virage avec les remorques. C’est l’hécatombe et même
Laurent Aboulin se vache après 17 km.
24 décembre
AST de 350 km pour tous. Je termine au milieu du classement avec une moyenne de
103 km/h.
25 décembre
Jour de pause bien mérité où Pierre-Alain emmène le Gugus en balade et pour ma
part je profite d’essayer le planeur lituanien LAK 17, un 15-18 m très prometteur.
26 décembre
AAT de 3h pour les standards, AAT de 3 h 30 pour les 15 m et grandes plumes. Tout le
monde rentre.
27 décembre
AST de 415 km pour les standards, AAT de 3 h 30 pour les courses et AST de 483 km
pour les libres.
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28 décembre
AAT de 3 h 30 pour les standards, AST de 480
km pour les courses et AAT de 4h pour les
libres.
29 décembre
AST pour tous avec 335 km en standard, 464
km en course et 424 km en libre.
30 décembre
AAT de 3 h 30 pour tout le monde.
Le matin, le ciel est passablement gris. La journée doit s’améliorer. Pourtant un fort
risque d’orage subsiste. Des VZ de 3 à 3,5 m sont annoncées.
Il y a de très grandes étendues de nuages gris noir prêts à exploser. Les thermiques ne
sont pas faciles à trouver. Par contre, quand on les a centrés, ils sont très puissants et
vigoureux avec des bases à 3500m. Pendant ce vol, j’ai parcouru 85 km en prenant de
temps à autre quelques grosses gouttes d’eau, sans trouver de thermiques, et en
passant de 3500 m à 1800 m (150 m sol dans cette partie de la région) avant de
retrouver une ascendance de 0.8m/s qui évolue de 4,5m jusqu’à 3500m. Edi est avec
moi, mais il lui a manqué quelques mètres pour raccrocher. Je termine au 9ème rang
et c’est mon meilleur résultat journalier de cette compétition.
31 décembre
Le ciel est bleu et la météo prévoit une forte stabilité. Les libres sont remorqués et se
maintiennent en l’air avec difficulté pendant presque 2h avant que le chef de concours
Brian Spreckley neutralise la journée pour le plus grand bonheur des nouveaux
champions du monde que sont Laurent Aboulin (France) en Standard, Werner Meuser
(Allemagne) en 15 m et Brian Goudrian (Afrique du Sud) en grande plume.
Notre équipe suisse obtient les résultats suivants :
Grande plume :
15 m
Standard
Daniel Schmidt avec Keller
Ruedi Schild
Philippe Progin
Edi Inäbnit
10ème
14ème
20ème
27ème
Un grand merci à Pierre-Alain pour son aide précieuse et à vous tous pour votre soutien.
Philippe Progin
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