Départdesjeunesàl`étranger: lesentreprisess`alarment

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Départdesjeunesàl`étranger: lesentreprisess`alarment
L’EMPRISE RUSSE SUR
LA CRIMÉE S’AMPLIFIE
GERARD MORTIER,
RIDEAU NOIR
PSG: les grandes ambitions
de Laurent Blanc
INTERNATIONAL – LIRE PAGE 2
SPORT – LIRE PAGE 15
CULTURE – LIRE PAGE 12
Mardi 11 mars 2014 - 70e année - N˚21506 - 2 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr ---
Télécoms:
restructuration
à hauts risques
B
ien dans sa manière, Arnaud
Montebourg n’y est pas allé
par quatre chemins. Depuis
que Vivendi a décidé de vendresa filiale SFRet déclenchéde grandes manœuvres sur le marché français des télécommunications,sa religion est faite.
Le ministre du redressement productif l’a affirmé dans un entretien
au Parisien, dimanche 9 mars. Il estime que c’était « une erreur » d’avoir
autorisé, il y a quatre ans, l’arrivée
d’un quatrième acteur – Free, en l’occurrence – dans le secteur de la téléphonie mobile. « La concurrence par
la destruction s’arrêtera si on revient
à trois opérateurs mobiles tout en
maintenant les prix bas », assure-t-il.
Leministreaffiche doncsans grande ambiguïté sa préférence entre les
deux candidats au rachat de SFR. Si
Numericable l’emporte, note-t-il, il
resteraquatreopérateursde téléphonie mobile. En revanche, si c’est Bou-
Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice : Natalie Nougayrède
Départ des jeunes à l’étranger:
les entreprises s’alarment
t Lemouvement d’expatriation desjeunes cadres s’accélère, selon lachambre de commerce et d’industrie de Paris
I
l ya un changement majeurde comportement parmi les jeunes générations,
avec une nette accélération de leur
mobilité », relève un rapport de la chambre de commerce et d’industrie de Paris-
Ile-de-France, qui sera rendu public mercredi12 mars.« Chômage et morositépoussent les jeunes au départ », ajoutent les
auteurs. Le baromètre 2014 réalisé par
l’IFOP pour le cabinet Deloitte avait déjà
montré un doublement de la part des jeunes diplômés qui voient désormais leur
avenir à l’étranger : 27 %, contre 13 % en
2012. La CCIP souligne également que les
expatriés sont moins pressés de rentrer.
38 % envisagent désormais « un séjour de
plus de dix ans ». Le député UMP Luc Chatel défendra, le 8 avril, la création d’une
commission à l’Assemblée nationale sur
ce phénomène. p LIRE CAHIER ÉCO P. 3
Municipales
Maires PS,
maires UMP,
quelles
différences ?
À FUKUSHIMA ,
DES VIVANTS PARMI LES FANTÔMES
t Trois ans après la catastrophe nucléaire
au Japon, la région tente de revivre,
entre territoires interdits et zones
en voie de décontamination LIRE PAGE 4
t Fiscalité, transports,
sécurité : bilan comparé
A u-delà des discours d’estrades
électorales, une grande convergence apparaît entre la gauche et la
droite en matière de gestion municipale. Plus les villes sont grandes,
plusl’actionparaît standardisée.La
crise économique et la montée en
puissance de l’intercommunalité y
ont contribué, de même que la professionnalisationde laclassepolitique locale. p LIRE PAGES 6 ET 8
ÉDITORIAL
Malgré l’impopularité du gouvernement et les divisions à droite,
les risques d’alternance sont faibles, estime pour sa part Martial
Foucault, directeur du Cevipof.
Trente ville de plus 30 000 habitants pourraient toutefois baculer
à droite. p LIRE PAGE 18
A Iwaki, le 8 mars,
le recueillement des
familles face à la mer. AFP
AUJOURD’HUI
Le mystère
du vol MH370
« Longues peines » :
le dur chemin
vers la liberté
Les causes de la disparition
du Boeing de Malaysia Airlines restent inconnues,
trois jours après les faits.
Des morceaux de carlingue
auraient été repérés. La piste terroriste est envisagée.
Comme Philippe El Shennawy, les condamnés à plus
de 15 ans de prison rencontrent les pires difficultés
pour obtenir une libération
conditionnelle. Enquête.
INTERNATIONAL – PAGE 3
FRANCE – PAGE 9
14-18 LE JOURNAL
DU CENTENAIRE
LES FILMS DU POISSON ET SAMPEK PRODUCTIONS PRÉSENTENT
‘‘ Infiniment émouvant ’’ ‘‘ Une merveille ’’
Les causes
de la guerre
a Selon les historiens,
la responsabilité allemande
est privilégiée ou relativisée
SUPPLÉMENT
LES INROCKUPTIBLES
‘‘ Un petit miracle ’’
PREMIÈRE H H H
STUDIO CINÉ LIVE H H H
‘‘ Bouleversant ’’
ARTE
LA COUR DE BABEL
un film de
Julie Bertuccelli
LE REGARD DE PLANTU
© ILLUSTRATION : CHRISTOPHE BLAIN
UK price £ 1,80
ygues Telecom, les consommateurs
n’aurontplus le choix qu’entreOrange, toujours numéro un du marché,
un ensemble Bouygues-SFR et Free
Mobile.
Un opérateur de moins, cela va
mettrefin à la cassesociale, veut croire M. Montebourg. De fait, l’arrivée
de Free Mobile, avec ses offres « low
cost », en janvier 2012, a provoqué
une féroce guerre des prix dont les
opérateurs historiques ne sont toujours pas remis. Leurs résultats
financiers ont été sévèrement affectés et l’emploi a durement souffert.
Le ministre escompte, enfin, que
la restructuration du secteur va permettre de remuscler les trois acteurs
restants et leur donner les moyens
de construire partout en France – et
pas seulement dans les grandes
métropoles – un réseau fixe à très
haut débit en fibre optique, comme
le gouvernement s’y est engagé.
Onaimerait que le ministre ait raison. Mais rien n’assure que la restructuration en cours débouchera
sur un paysage plus réjouissant
qu’actuellement. A quoi ressemblait, en effet, le marché des télécoms avant l’irruption de Free Mobile ? A un oligopole : trois opérateurs
aux profits obèses, qui maintenaient des prix trop élevés et qui
s’étaient entendus pendant des
années sur leurs tarifs, avant d’être
sanctionnés par une amende record
(534 millions d’euros) de l’Autorité
de la concurrence, en 2005.
Or rien ne garantit que l’on ne
retombera pas dans ces travers, au
grand dam des consommateurs.
L’exemple de l’Autriche est éloquent : jusqu’à l’an dernier, quatre
opérateurs y ferraillaient férocement, avant que l’un d’entre eux se
fasse absorber par un concurrent.
Depuis, les prix ont augmenté de
près de 20 % !
Quant à l’emploi, c’est l’évidence
que les sociétés concernées par la
réorganisation en cours comptent
beaucoup de doublons dans leurs
équipes. En dépit des engagements
pris aujourd’hui par les uns ou les
autres, rien n’indique que l’ensemble de toutes ces équipes resteront
en place à l’avenir. Mais il sera alors
trop tard pour se désoler. p
AU CINÉMA LE 12 MARS
LIRE CAHIER ÉCO P. 4, 5 ET 10
Algérie 150 DA, Allemagne 2,40 ¤, Andorre 2,20 ¤, Autriche 2,50 ¤, Belgique 2 ¤, Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 30 KRD, Espagne 2,30 ¤, Finlande 3,80 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,40 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,20 ¤, Guyane 2,50 ¤, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,40 ¤,
Italie 2,40 ¤, Liban 6500 LBP, Luxembourg 2 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,30 ¤, La Réunion 2,20 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Saint-Martin 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,40 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,40 DT, Turquie 9 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA
2
international
0123
Mardi 11 mars 2014
Moscou resserre son emprise sur la Crimée
Alors que Vladimir Poutine promet une solution diplomatique, l’armée russe a pris le contrôle de bases ukrainiennes
Moscou
Correspondante
T
andis que le président russe,
Vladimir Poutine, s’évertuait, dimanche 9 mars, à rassurer ses homologues occidentaux
Angela Merkel et David Cameron,
leur certifiant par téléphone qu’il
voulait« trouverunesolutiondiplomatique» à la crise, ses soldats renforçaient leur emprise sur la Crimée, où les autorités locales inféodées au Kremlin ont annoncé pour
le 16 mars la tenue d’un référendum sur le rattachement de la
péninsule ukrainienne à la Russie.
Samedi et dimanche, les forces
russes à l’œuvre en Crimée se sont
emparées de plusieurs bases militaires ukrainiennes – celles des garde-frontières de Tchernomorskoe,
de Chkolkino et la station radio
près de Sébastopol. Selon les gardefrontières ukrainiens, la Russie
contrôle désormais onze postesfrontières en Crimée.
« Un nouvel Etat est
apparu avec lequel
nous n’avons signé
aucun document
contraignant »
Vladimir Poutine
Quelque 30 000 soldats russes,
dépourvusd’insignesdereconnaissance mais équipés de matériel
lourd parfaitement reconnaissable, sont désormais présents dans
la péninsule, toujours selon les garde- frontières ukrainiens.
Tout récemment, hommes et
véhicules ont été acheminés par le
détroit de Kertch, qui sépare la CriméedelaFédérationdeRussie.Soucieux de jouir d’une plus grande
liberté de mouvement, les militaires russes ont mis la main sur un
terminal de ferries à Kertch, ce qui
leur permet de faire entrer tout le
matériel qu’ils souhaitent.
Lors de sa conférence de presse
du 4 mars, Vladimir Poutine avait
nié la présence de forces russes en
Crimée, assurant que les hommes
en uniformes aperçus encerclant
les unités de l’armée ukrainienne
étaient des « forces locales d’autodéfense» qui auraient acheté leurs
uniformes « dans des magasins».
Les camions et les blindés, toutefois, sont immatriculés en Russie.
Certains observateurs ont même
remarqué la présence du bataillon
tchétchène Vostok, utilisé en 2008
pour conquérir la province géorgienne d’Ossétie du Sud.
Sans aucun doute possible, des
unités russes maintiennent le blocus des bâtiments administratifs
de Simferopol, la capitale de la Crimée, ainsi que le siège d’une dizaine d’unités de l’armée et des garde-
Femmes de Simferopol
Oksana Statsenko, 22 ans, étudiante : « Ma mère
est ukrainienne, mon père est bachkir. Je sais que
je défends un point de vue utopique, mais je voudrais que l’Ukraine ne dépende ni de la Russie ni
de l’Union européenne. Je ne vais pas voter au
référendum, que je considère comme illégal. S’il
frontières ukrainiens, encerclées et
privées d’eau et d’électricité.
Signe que l’occupation est prévuepourdureretqueMoscoun’entend pas relâcher son étreinte, des
soldats russes ont été vus posant
des mines dans les régions ukrainiennes qui bordent la Crimée,
notamment à Kherson. Des postes
de contrôles ont été installés sur les
routes menant à la péninsule. Les
observateursinternationauxdépêchés par l’Organisation pour la
sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont été empêchés d’entrer en Crimée par des hommes
armés et en treillis, samedi.
Soucieux de faire oublier l’occupation militaire, Vladimir Poutine
etSergueïLavrov,lechefdeladiplomatie, insistent sur le caractèreillégitime des nouvelles autorités de
aboutit au rattachement à la Russie, je quitterai
la Crimée et rejoindrai l’Ukraine.»
Nina Fisenko, 21 ans, femme au foyer: «Je suis russe. Je n’accepte pas le nouveau gouvernement, qui
s’est emparé du pouvoir à Kiev. Mais je ne veux
Kiev, avec lesquelles ils refusent
tout contact. «Nos experts estiment
qu’un nouvel Etat est apparu [en
Ukraine] avec lequel nous n’avons
signé aucun document contraignant », a insisté M. Poutine, le
4mars. Ainsi, le maître du Kremlin
se désengage du mémorandum de
Budapest, signé en 1994 par la Russie, l’Ukraine, les Etats-Unis et la
Grande-Bretagne dans le cadre du
démantèlement nucléaire des
ex-républiques de l’URSS. Garante
de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, la Russie profite des changements à Kiev pour mettre la main
sur la Crimée, qui lui permet de
contrôlerl’accèsaux merschaudes.
Cette politique d’expansion territoriale est chère à Vladimir Poutine. L’ancien agent du KGB (services
secrets et police politique) est ani-
mé par une vision géopolitique
héritée du XIXe siècle, selon laquelle plus un pays possède des terres
plusilestpuissant.Sansse préoccuper du niveau de développement
sur ces terres, l’important est d’y
maintenir des troupes d’occupation. C’est le cas en Abkhazie et en
Ossétie du sud. Captées à la faveur
de la guerre de 2008, ces régions
géorgiennessont des zones de nondroit, épicentres de tous les trafics
(armes, drogues, blanchiment).
Marquéparsa formationàl’époque du KGB, le président russe ne
peut concevoir qu’une partie des
Ukrainiens veuille vivre comme en
Pologne ou en Estonie. Pour lui, le
changementdepouvoiràKievaforcément été fomenté par les Occidentaux: « Ce n’est pas la première
fois que nos partenaires européens
pas non plus du retour des anciens dirigeants. La
Russie, c’est la stabilité, je voterai en faveur du
retour de la Crimée dans le giron russe.» p
Pendant une semaine, la photographe Maria Turchenkova parcourt la Crimée pour Le Monde.
fontcelaenUkraine.J’aiparfoisl’impressionqu’auxEtats-Unis,des gens
installés dans des laboratoires
conduisent des expériences comme
ilsleferaientsurdesrats,sansserendre compte de ce qu’ils font.»
Le point culminant de la captation de la Crimée interviendra le
16mars, lors du référendum sur le
rattachement de la péninsule à la
Russie.VotéparleparlementdeCrimée dans des conditions douteuses – absence de quorum, texte de
la résolution tenu secret, présence
de forcesarméesdansl’enceintedu
parlement – la tenue du référendum est décrite à Moscou comme
«un moment historique». Sa légalité ne fait aucun doute. « Il y aura
bienunréférendumenEcosse,pourquoi pas en Crimée ? », a souligné
Valentina Matvienko, présidente
du Sénat russe. Des députés russes
ont demandé à la Banque centrale
que le rouble entre en circulation
en Crimée sitôt après le vote.
«Dans pas mal d’endroits du globe,le droitdespeuplesà l’autodétermination a été reconnu par les
Nations unies», rappelait Vladimir
Poutinele4mars.Pourtant,laFédérationdeRussieestdotéede«21Crimées», soit les 21 républiques autonomes (Tchétchénie, Ingouchie,
Carélie, Bachkirie, Oudmourtie…)
qui pourraient, un jour, exiger la
tenue d’un référendum d’autodétermination, sans parler des îles
Kouriles ou de l’enclave de Kaliningrad (Köenigsberg dans l’ancienne
Prusse orientale), qui pourraient
demander leur rattachement au
Japon ou à l’Allemagne. p
Marie Jégo
L’argent russe de «Londongrad» influence le pouvoir britannique
Londres
Correspondance
Ce sont les appartements les plus
chers et les plus luxueux de Londres. Leurs baies vitrées ultramodernes offrent une vue imprenable sur Hyde Park. Un couloir souterrain les relie au Mandarin
Oriental, le palace où officie le
chef étoilé Heston Blumenthal. Au
total, les 76 logements de One
Hyde Park, un bâtiment conçu par
le célèbre architecte Richard
Rogers, se sont vendus pour 1,7milliard d’euros, soit 22 millions chacun en moyenne, selon une enquête de Nicholas Shaxson, auteur
d’un livre sur les paradis fiscaux.
C’est ici que des Ukrainiens proeuropéens ont choisi de manifester à plusieurs reprises ces derniers mois. Parmi les propriétaires de ce temple du luxe se trouve
Rinat Akhmetov, l’homme le plus
riche d’Ukraine, politiquement
très influent. Sa fortune, dans les
mines et l’acier, est estimée par
Forbes à 12,5 milliards de dollars
(9 milliards d’euros).
Il est loin d’être le seul représentant de la sphère d’influence russe
à avoir investi à One Hyde Park.
Irina Viktorovna Kharitonina et
Viktor Kharitonin, les copropriétaires d’une grande entreprise
pharmaceutique russe, y ont
deux appartements. Le magnat de
l’immobilier Vladislav Doronin
est un de leurs voisins. Quant à
Alastair Tulloch, un avocat britannique proche des milieux russes,
il est le prête-nom de quatre
appartements, dont le réel propriétaire est caché derrière une
structure juridique opaque.
La capitale britannique est la
place financière incontournable
des oligarques russes et de tous les
pays de l’ex-URSS, au point d’être
parfois surnommée « Londongrad». Les acheteurs russes comp-
tent pour 10% des résidences de
grand luxe, selon l’agence immobilière Knight Frank. La chambre
decommerce de la Haute Cour britannique est prise 60 % du temps
par des dossiers venant de Russie
ou d’Europe de l’Est. L’extraordinaire procès entre Roman Abramovitch, propriétaire de l’équipe
de football de Chelsea, et Boris
Berezovski, opposant notoire à Vladimir Poutine, mort l’an dernier,
s’était aussi déroulé à Londres.
« Beaucoup d’oligarques apportent à Londres de vastes quantités
d’argent et utilisent cette ville comme base pour gérer leur fortune
personnelle », estime John Christensen, de l’association Tax Justice Network. Selon lui, une large
partie de ces sommes relève du
blanchiment d’argent. Un banquier d’affaires londonien, spécialisé dans les affaires russes, confirme à demi-mots. « Beaucoup des
activités russes sont légitimes, et le
blanchiment ne se fait pas nécessairement à Londres, parce que
c’est trop visible, mais c’est effectivement là que se trouvent les avocats, les juristes et les conseillers.»
Les oligarques bien intégrés
Impossible de quantifier précisément le phénomène, puisqu’il
s’agit d’argent illégal. Mais la banque centrale russe elle-même estime que les deux tiers des capitaux qui sortent du pays sont
issus d’activités illicites. Selon Tax
Justice Network, la fuite des capitaux de Russie en trente ans s’élève à 798milliards de dollars.
Autre indice : les principaux
investissements étrangers en Russie viennent de Chypre, des îles
Vierges britanniques, des Bermudes et des Pays-Bas (via les
Antilles néerlandaises), des paradis fiscaux, dont plusieurs dépendent directement de Londres. « En
grande partie, c’est de l’argent
blanchi qui revient en Russie»,
accuse Ben Judah, auteur d’un
livre sur Vladimir Poutine.
Même les oligarques s’accusent entre eux. Alexander Lebedev, qui a fait fortune dans la
finance et qui possède les quotidiens britanniques Evening Standard et The Independent, a publié,
le 26 février, une tribune dans le
New York Times. Il y cite notamment comme « vivant de [ses] crimes » Andrei Borodin, ex-patron
de la Banque de Moscou installé
au Royaume-Uni. Ce dernier rejette toute accusation de corruption.
Selon M. Judah, l’argent russe
influence désormais le pouvoir
britannique. Il souligne que les oligarques se sont bien intégrés à la
haute société britannique, notamment en inscrivant leurs enfants
dans les écoles privées les plus
chères. On compte 2 150 enfants
russes dans les pensionnats les
plus chic, soit des frais de scolarité
d’environ 70 millions d’euros par
an. « L’élite britannique a une mentalité de hedge fund. Elle ne produit rien, mais vit d’une rente qu’elle prend sur l’argent étranger,
notamment de Russie», accuse
Ben Judah.
Pas question, dans ces conditions, de prendre des sanctions qui
pourraient affaiblir la City. Lundi
3 mars, Hugh Powell, conseiller à
la sécurité nationale, l’a révélé
involontairement. Quand ce haut
fonctionnaire s’est rendu chez le
premier ministre britannique,
David Cameron, le mémo qu’il
tenait a été photographié au téléobjectif: il y était notamment écrit
que le Royaume-Uni ne devait pas
«fermer le centre financier de Londres aux Russes». Une approche
qui exaspère M. Judah: «Tant que
le Royaume-Uni continue à blanchir de l’argent, il demeure un partenaire de la Russie. » p
Eric Albert
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international
Mardi 11 mars 2014
3
Lemystèreduvol
MH370,disparu
aulargeduVietnam,
resteentier
Une enquête pour «terrorisme» a été ouverte
en raison de la présence de passagers suspects
Bangkok
Correspondant régional
P
lus de quarante-huit heures
après sa disparition, on restait encore sans nouvelles,
lundi 10 mars au matin, du vol
MH370 de la Malaysia Airlines qui
s’est comme évaporé dans la nuit
de vendredi à samedi au large des
côtes du Vietnam, avec 227 passagers (dont 4 Français) et 12 membres d’équipage à son bord. Samedi, un peu avant 1 heure (heure
locale), ce vol à destination de
Pékin, qui avait décollé deux heures plus tôt de Kuala Lumpur, a
brusquement disparu des écrans
radars au large des côtes vietnamiennes.
Au fur et à mesure que les heures passent, différentes hypothèses sont envisagées, y compris la
pisteterroriste,unespéculationalimentée par la présence dans le
Vers Pékin
CHINE
Hanoï
L AOS
VIETNAM
THAÏL ANDE
CA MBODGE
Mer
de Chine
méridionale
Hô Chi
Minh-Ville
Iles Tho Chu
MALAISIE
250 km
Kuala Lumpur
Boeing 777-200 de deux passagers
voyageant avec des passeports
volés.
Dimanchesoir,desavionsdel’armée de l’air vietnamienne ont
signalé avoir aperçu des objets flottants mal identifiés, qui pourraient
ressembler à des morceaux de carlingue au large des îles de Tho Chu,
non loin de la péninsule de Ca Mau,
la région la plus méridionale du
Vietnam. La veille, des traînées
d’huile sur la mer avaient été repérées par des avions vietnamiens.
Selon une source de l’aviation
civile malaisienne citée lundi par
le quotidien thaïlandais Bangkok
Post, le fait qu’aucune preuve tangible d’une trace du Boeing n’ait
été trouvée semble indiquer que
l’appareil s’est « probablement
désintégré à une hauteur de
35 000pieds [10 600mètres]».
L’avion, en service depuis plus
de onzeans et qui avaitété inspecté
il y a une dizaine de jours, devait,
peu avant l’heure de son crash présumé, entrer en contact avec les
contrôleurs aériens de l’aéroport
d’Ho Chi Minh-Ville (ex-Saïgon).
Mais ces derniers n’ont jamais reçu
d’appel du vol MH370. Pour l’instant, rien n’explique comment un
avion réputé très sûr, appartenant
à une compagnie aérienne fiable,
dont le dernier accident majeur
remonte à 1977 – un appareil s’était
écrasé dans le sud de la Malaisie
après un détournement, faisant
100morts –, ait ainsi pu disparaître
dans le golfe de Thaïlande, par
temps calme, de nuit.
Seulement 9 % des accidents
mortels se produisent quand
Des journalistes survolent, dimanche 9 mars, le golfe de Thaïlande, où l’avion de la Malaysia Airlines se serait écrasé. HOANG DINH NAM/AFP
l’avion est à l’altitude de croisière,
selon un résumé statistique des
accidents d’avions commerciaux
établipar Boeing.MalaysiaAirlines
a cependant indiqué dimanche
que l’avion disparu avait eu une
aile endommagée en 2012, mais
que l’appareil ne présentait aucun
défaut qui aurait rendu son pilotage hasardeux. L’absence de tout
contact radio « suggère que quelque chose de très soudain et de très
violent s’est produit », a avancé un
spécialiste américain des accidents
d’avion, William Waldock, cité
dimanche dans le Bangkok Post.
Les autorités malaisiennes ont
lancé une enquête pour « terrorisme » après la découverte qu’au
moins deux passagers voyagaient
avecdespasseportsvolés.Lesdocuments portaient le nom d’un Autrichien, Christian Kozel, qui s’était
fait voler son passeport en Thaïlande en 2012; le second, un Italien du
Tensionau Salvadoraprèsdes résultats
provisoirestrès serrésà la présidentielle
Le candidat du FMLN (gauche) avait frôlé la victoire au premier tour
San Salvador
Envoyé spécial
L
a tension était palpable,
dimanche 9 mars, au soir du
secondtourdel’électionprésidentielle au Salvador, où les deux
candidatsen lice se sont proclamés
vainqueurs. Le président du Tribunal suprême électoral (TSE), Eugenio Chicas, a ordonné, sans succès,
aux deux partis politiques d’attendre les résultats définitifs avant de
se proclamer vainqueurs.
Selon les résultats provisoires
portant sur 99,9 % des suffrages,
Salvador Sanchez Ceren, candidat
du Front Farabundo Marti de libération nationale (FMLN, gauche,
au pouvoir), disposait d’une très
faible avance, obtenant 50,11 % des
voix, contre 49,89 % pour Norman
Quijano de l’Alliance républicaine
nationaliste (Arena, droite).
Face à la différence minime, de
6357 voix sur près de 3 millions de
suffrages exprimés, inférieure au
nombrede bulletinsnuls et contestés, M. Chicas a annoncé qu’il se
réunirait avec les deux candidats
pour leur expliquer le mécanisme
de décompte définitif.
« Nous n’allons pas permettre
que le tribunal électoral nous vole
notre victoire », s’est exclamé
M. Quijano, ancien maire de San
Salvador, âgé de 67 ans, en fin de
soirée devant une foule de partisans. « Nous n’allons pas permettre
des fraudes style Chavez ou
Maduro», a-t-il poursuivi, en référence à l’ancien et à l’actuel président du Venezuela. Il a mis en cau-
se l’impartialitédu tribunal« acheté et corrompu». « Notre décompte
établit clairement que nous avons
gagné », a-t-il dit avant de menacer : « Nos forces armées sont attentives face à cette fraude. »
« Nous avons à nouveau triomphé à l’issue de ce second tour », a
proclamé M. Sanchez Ceren deux
heures plus tard, devant plusieurs
milliersde militantsde gaucheagitant des drapeaux rouges et scandant : « Le peuple uni ne sera
jamais vaincu. » « La tendance des
résultatspréliminairesest irréversible», a-t-il ajouté.
Surprise
Anciencommandant guérillero
âgé de 69 ans, signataire des
accords de paix qui ont mis fin à la
guerre civile qui a fait plus de
75 000 morts entre 1980 et 1992,
Salvador Sanchez Ceren a annoncé
que le président Mauricio Funes
avait pris des mesures « avec la
police nationale civile pour garantir la tranquillité du peuple salvadorien».
S’adressant à l’opposition,
M. Sanchez Ceren lui a demandé
de « rester tranquille et de respecter
la volonté du peuple salvadorien».
« Le modèle salvadorien est salvadorien, nous n’allons copier aucun
modèle étranger », a-t-il affirmé.
Durant la campagne, son adversaire l’avait accusé de s’inspirer du
« socialisme du XXIe siècle », inventé par l’ancien président vénézuélien Hugo Chavez. M. Sanchez
Ceren a annoncé que son gouvernement agirait en faveur de
l’union de l’Amérique latine et des
Caraïbes et maintiendrait « des
relations étroites et de respect
mutuel avec le peuple et le gouvernement des Etats-Unis».
La journée électorale s’est
dérouléedans lecalme. A Soyapango, une banlieue pauvre de la capitale, de nombreux électeurs s’affichaient avec des chemises rouges,
la couleur du FMLN. L’ambiance
était bon enfant dans cette banlieue où les maras (gangs) contrôlent plusieurs quartiers.
Les deux candidats ont commencé la journée par une messe.
M. Sanchez Ceren, marxiste et
catholique pratiquant, a prié dans
la chapelle de la Divine-Providence, où Mgr Oscar Romero, l’archevêque de San Salvador, avait été
assassiné en 1980. Ce crime a été
attribué aux escadrons de la mort
formés par Roberto D’Aubuisson,
le fondateur d’Arena.
Les résultats ont surpris : le candidat du FMLN avait frôlé la victoire dès le premier tour, le 2 février,
devançant M. Quijano de dix
points, et les derniers sondages lui
donnaient une confortable avance. « Le FMLN avait fait le plein au
premier tour et Arena a mobilisé
les abstentionnistes et une bonne
partie des électeurs de droite qui
avaientvoté pour Tony Saca, arrivé
en troisième position avec 11 % des
suffrages », analysait Salvador
Samayoa, un ancien dirigeant de
la guérilla devenu consultant et
éditorialiste dans un quotidien de
droite. p
Jean-Michel Caroit
nom de Luigi Maraldi, avait aussi
signalés’êtrefaitdérobersonpasseportenThaïlande,en2013.Leministre des transports, Hishammuddin
Hussein, a confirmé que deux
autres passagers potentiellement
suspects avaient été identifiés.
Selon des experts,
l’absence de contact
radio «suggère que
quelque chose de
très soudain et de très
violent s’est produit»
Lundi, la police thaïlandaise a
annoncé mener une enquête après
avoir appris que les billets portant
les noms des deux passagers à la
fausse identité avaient été émis
dans la ville de Pattaya le 6 mars.
Les billets indiquaient que les deux
passagers avaient pour destination
Amsterdam et Copenhague via
Pékin, un itinéraire plutôt étrange
pour se rendre de Malaisie en Europe du Nord… Et le ministère de l’intérieur de Malaisie a annoncé lundi
que les deux voyageurs en questionavaient« destraitsasiatiques».
Alors que le FBI a fait savoir qu’il
étaitprêtà fournirsonaide,des responsables du département de la
sécurité intérieure des Etats-Unis
ontconfiéauLos AngelesTimesque
la possibilité d’une piste terroriste
allait être examinée, tout en ajoutant : « Le fait que deux passagers
aient embarqué avec des passeports volés ne signifie en rien qu’ils
soient terroristes.»
Interrogé sur ces hypothèses
d’attentat, le premier ministre de
Malaisie, Najib Razak, a déclaré :
«Nous envisageons toutes les possibilités, mais il est encore trop tôt
pour spéculer. » Dans cette zone
maritime disputée entre plusieurs
pays de la région et la Chine, plusieurs protagonistes ont mis temporairement de côté leurs revendicationsterritorialeset ont uni leurs
efforts pour retrouver le Boeing
777: la Chine, le Vietnam, la Malaisie, les Philippines et Singapour
ont dépêché dans la zone des
bateaux et des avions.
Les autorités malaisiennes ont
par ailleurs évoqué, dimanche, la
possibilité que le vol MH370 ait pu
tenter, pour des raisons inconnues,
de retourner se posersur l’aéroport
international de Kuala Lumpur. « Il
y a une forte possibilité que l’avion
ait fait demi-tour», a avancéle chef
d’état-major de l’aviation malaisienne, le général Rodzali Daud. Il
resterait, dans cette hypothèse, à
comprendre pourquoi les pilotes
n’ont pas prévenu qu’ils amorçaient une telle manœuvre. p
Bruno Philip
- CESSATIONS DE GARANTIE
LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET
D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
JUILLET 1972 - ARTICLES 44
QBE FRANCE, sis Etoile Saint-Honoré
– 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex
08 ( RCS Paris 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited,
Plantation Place dont le siège social est à
30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD,
fait savoir que, la garantie financière dont
bénéficiait la :
AGUELMIN IMMOBILIER SARL
63 rue saint Gabriel
59000 LILLE - RCS: 527 730 717
depuis le 1er janvier 2011 pour ses activités
de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES
ET FONDS DE COMMERCE cessera
de porter effet trois jours francs après
publication du présent avis. Les créances
éventuelles se rapportant à ces opérations
devront être produites dans les trois mois
de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Etoile Saint-Honoré – 21
Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08. Il est
précisé qu’il s’agit de créances éventuelles
et que le présent avis ne préjuge en rien du
paiement ou du non-paiement des sommes
dues et ne peut en aucune façon mettre en
cause la solvabilité ou l’honorabilité de la
SARL AGUELMIN IMMOBILIER.
LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET
D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
JUILLET 1972 - ARTICLES 44
QBE FRANCE, sis Etoile Saint-Honoré
– 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08 (
RCS Paris 414 108 708), succursale de QBE
Insurance (Europe) Limited, Plantation
Place dont le siège social est à 30 Fenchurch
Street, London EC3M 3BD, fait savoir que,
la garantie financière dont bénéficiait la :
BEST ONE REVENTE SARL
1443 route de Toulouse
31600 SEYSSES - RCS : 531 337 905
depuis le 1er avril 2013 pour ses activités
de: GESTION IMMOBILIERE depuis
le 1er janvier 2011 pour ses activités de :
TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES ET
FONDS DE COMMERCE cessera de porter effet trois jours francs après publication
du présent avis. Les créances éventuelles
se rapportant à ces opérations devront être
produites dans les trois mois de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant
sis Etoile Saint-Honoré – 21 Rue Balzac
– 75406 Paris Cedex 08.Il est précisé qu’il
s’agit de créances éventuelles et que le présent avis ne préjuge en rien du paiement ou
du non-paiement des sommes dues et ne
peut en aucune façon mettre en cause la solvabilité ou l’honorabilité de la SARL BEST
ONE REVENTE.
LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET
D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
JUILLET 1972 - ARTICLES 44
QBE FRANCE, sis Etoile Saint-Honoré
– 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08 (
RCS Paris 414 108 708), succursale de QBE
Insurance (Europe) Limited, Plantation
Place dont le siège social est à 30 Fenchurch
Street, London EC3M 3BD, fait savoir que,
la garantie financière dont bénéficiait :
Mme Liliane GRATTON
5 rue des Lauriers
31650 SAINT ORENS DE GAMEVILLE
RCS : 319298303
depuis le 01 Janvier 2004 pour son activité
de: TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES
ET FONDS DE COMMERCE cessera
de porter effet trois jours francs après
publication du présent avis. Les créances
éventuelles se rapportant à ces opérations
devront être produites dans les trois mois
de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Etoile Saint-Honoré – 21
Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08. Il est
précisé qu’il s’agit de créances éventuelles
et que le présent avis ne préjuge en rien du
paiement ou du non-paiement des sommes
dues et ne peut en aucune façon mettre en
cause la solvabilité ou l’honorabilité de
Mme Liliane GRATTON.
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D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
JUILLET 1972 - ARTICLES 44
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– 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex
08 ( RCS Paris 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited,
Plantation Place dont le siège social est à
30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD,
fait savoir que, la garantie financière dont
bénéficiait la :
Monsieur Jérémy MATHIEU
31 avenue Gambetta
83400 HYERES
RCS: 530 435 551
depuis le 1er avril 2011 pour ses activités de : GESTION IMMOBILIERE cessera de porter effet trois jours francs après
publication du présent avis. Les créances
éventuelles se rapportant à ces opérations
devront être produites dans les trois mois
de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Etoile Saint-Honoré – 21
Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08. Il est
précisé qu’il s’agit de créances éventuelles
et que le présent avis ne préjuge en rien du
paiement ou du non-paiement des sommes
dues et ne peut en aucune façon mettre en
cause la solvabilité ou l’honorabilité de
Monsieur Jérémy MATHIEU.
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08 ( RCS Paris 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited,
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30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD,
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bénéficiait la :
NEOCOM IMMOBILIER SARL
17 rue du Commodore Hallet
14000 CAEN - RCS: 752 700 922
depuis le 1er octobre 2012 pour ses activités
de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES
ET FONDS DE COMMERCE cessera
de porter effet trois jours francs après
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éventuelles se rapportant à ces opérations
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de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Etoile Saint-Honoré – 21
Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08.Il est
précisé qu’il s’agit de créances éventuelles
et que le présent avis ne préjuge en rien du
paiement ou du non-paiement des sommes
dues et ne peut en aucune façon mettre en
cause la solvabilité ou l’honorabilité de la
SARL NEOCOM IMMOBILIER.
LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET
D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
JUILLET 1972 - ARTICLES 44
QBE FRANCE, sis Etoile Saint-Honoré
– 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex
08 ( RCS Paris 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited,
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30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD,
fait savoir que, la garantie financière dont
bénéficiait la :
SARL IMMOBILIERE OTT
30 rue de la République
67800 HOENHEIM - RCS : 393840244
depuis le 01 Janvier 2004 pour son activité
de :TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES
ET FONDS DE COMMERCE cessera
de porter effet trois jours francs après
publication du présent avis.Les créances
éventuelles se rapportant à ces opérations
devront être produites dans les trois mois
de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Etoile Saint-Honoré – 21
Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08. Il est
précisé qu’il s’agit de créances éventuelles
et que le présent avis ne préjuge en rien du
paiement ou du non-paiement des sommes
dues et ne peut en aucune façon mettre en
cause la solvabilité ou l’honorabilité de la
SARL IMMOBILIERE OTT.
4
0123
international & planète
Mardi 11 mars 2014
RetourdanslesvillesmortesdeFukushima
Trois ans après le séisme et la catastrophe nucléaire au Japon, les territoires contaminés sont tombés dans l’oubli
Reportage
Préfecture de Fukushima
Envoyé spécial
D
ans le ciel, les corbeaux planent. Des papiers tourbillonnent dans le vent. Le
silence pesant des rues sans vie est
rompupar une porte qui claqueou
des tôles ondulées qui grincent…
Depuis trois ans, Tomioka est une
ville morte. Cette commune de
16 000 habitants du nord-est du
Japonavaitrésistéau puissantséisme du 11 mars 2011, et au tsunami
qui l’avait suivi.
Mais quelques jours après le
tremblement de terre, la population a fui : l’océan avait envahi la
centrale de Fukushima-Daiichi,
située à une quinzaine de kilomètres, provoquant la catastrophe
nucléaire la plus importante
depuisTchernobyl(1986).Leshabitants ne sont jamais revenus.
«On n’a rien
à léguer ànos enfants.
Les jeunes partent.
Une ville sans les cris
des gamins, ce n’est
plus une ville »
Un restaurateur
de Minamisoma
Dans la rue principale, on tombe sur une quincaillerie ouverte.
Devant la devanture, balais,
râteaux et tuyaux d’arrosage ont
étésortispour attirerle client,comme si de rien n’était. Chaque jour,
le patron de 67 ans est là. Il ouvre
son coffre-fort d’un autre âge et
fait l’inventaire. Lorsqu’il a fini, il
recommence. L’homme vit dans
un logement provisoire à Iwaki, à
une trentaine de kilomètres. « Je
n’ai rien d’autre à faire», dit-il.
A l’autre bout de la Nationale 6,
qui passe devant l’entrée de la centrale accidentée, une autre petite
ville, Okuma (11 500 habitants), est
interdite d’accès en raison d’un
taux de radioactivité élevé. Avant
l’accident, la mairie avait élevé un
portique à la gloire de Tepco, l’opérateur de la centrale. Okuma est
doublementcondamnée: seshabitants n’y retourneront pas et elle
accueillera les déchets irradiés.
En d’autres termes, elle est sacrifiée à jamais.
Au nord de la centrale, à Namie
(20000 personnes), interdite sauf
à ses habitants, qui n’ont cepen-
Arrêt de bus abandonné dans la ville de Tomioka, à 10 km au sud-est de la centrale de Fukushima-Daiichi. DOMINIC NAHR/MAGNUM
dant pas le droit d’y dormir, ce
sont les mêmes images de désolation. La zone a été balayée par le
tsunami. Alors qu’ailleurs, les gravats ont été déblayés, ici, rien n’a
changé depuis trois ans : maisons
effondrées, carcasses de voitures
défoncées et chalutiers échoués
dans les rizières envahies d’herbes
géantes. Par endroits, un petit
autel bouddhique a été élevé avec
de menues offrandes. La centrale
est à sept kilomètres. Dans la rue
commerçante épargnée par la
vague géante, l’entrepôt du distributeur de journaux est rempli des
piles ficelées d’exemplaires du
quotidien daté du 12 mars 2011,
jamais distribués. A la « une », une
photo du désastre.
« Les sinistrés sont tombés dans
l’oubli, dit un restaurateur de
Iitate
Minamisoma
Katsurao
Namie
JAPON
Tomioka
Naraha
Hirono
10 km
de léopard » : zones rouges totalement interdites, zones vertes où
l’on peut se rendre sans y dormir
et zones orange, en voie de décontamination. En plein milieu d’une
zone dite sans danger, on tombe
soudain sur des portions de territoire interdites d’accès car hautement contaminées.
Dans tous les villages, les habitants s’inquiètent. « Les hirondelles et les moineaux ont disparu,
il n’y a plus de grenouilles, des
arbres meurent sans que l’on sache
pourquoi», dit un ancien fonctionnaire de la mairie d’Iitate
(6 000 habitants), à 100 km au
nord-est de la centrale. Responsa-
ble d’une équipe de décontamination, il préfère garder l’anonymat.
« Lesrats et les serpentsse sont multipliés. On voit davantage de
faucons. Dans les maisons moisies,
qui ont souvent été cambriolées, on
ne peut plus vivre. Ici, il n’y a plus
d’avenir. » Les sangliers, qui se
sont souvent accouplés à des
cochons abandonnés dans l’exode, ravagent les campagnes, poursuit-il. Se nourrissant de tout ce
qu’ils trouvent, ils sont hautement contaminés.
« Dans notre région, on n’avait
que la nature, dit Mika Nemoto,
une jeune femme du bourg de
Miyakoji, dans la petite ville de
Une centrale toujours à risques
Sur le site nucléaire sinistré, le
problème majeur reste la gestion de l’eau contaminée, dont
le volume ne cesse d’augmenter,
les réacteurs devant être
refroidis en continu. Plus de
430 000 m3 sont stockés dans
près d’un millier de citernes
géantes, tandis que dans les
sous-sols stagnent 70 000 m3
d’eau fortement radioactive. Des
solutions sont toujours recher-
chées pour traiter ces liquides et
éviter la pollution de l’océan.
Autre défi, le retrait des combustibles de la piscine de refroidissement du réacteur 4. Début
mars, 418 assemblages avaient
été extraits, sur un total de
1 533. La vidange devrait se terminer fin 2014.
Le démantèlement complet de
la centrale n’est pas programmé
avant quarante ans.
Tamura (40 000 habitants). Mais
on ne peut plus la toucher : on ne
peut plus manger ses produits,
boire son eau ; nos enfants ne peuvent plus jouer dans la montagne
et doivent se balader avec un dosimètre autour du cou. La nature,
c’était une amie. Aujourd’hui, il
faut s’en méfier.»
Certains paysans retournent
inlassablement la terre, espérant
en extirper le mal. Les éleveurs,
dans une région réputée
pour sa viande bovine, ont jeté
l’éponge: à Kawauchi (2 800 habitants, dont la moitié est revenue),
quatre-vingts familles pratiquaient l’élevage. Il n’en reste plus
que sept.
Lorsque la région de Namie fut
interdited’accès, unéleveur a ignoré les injonctions des autorités
d’abattre le bétail, venant en
cachette le nourrir. Masami Yoshizawa a été arrêté plusieurs fois,
mais il a continué. Dans son pré
paissent une cinquantaine de
bovins, nourris avec du fourrage
provenant d’autres régions. Sur
une citerne, quelques mots ont été
tracés rageusement en rouge : « Il
faut sauver la vie ». p
Philippe Pons
«Des victimes condamnées à vivre un désastre illimité»
Futaba
Okuma
Kawauchi
Minamisoma (70 000 habitants),
un peu plus au nord. On n’a rien à
léguer à nos enfants : le terrain ne
vaut plus un sou. Les jeunes partent. Une ville sans les cris des
gamins, ce n’est plus une ville. »
Les deux tiers des 154000 sinistrés (soit 8 % de la population de la
préfecture de Fukushima) vivent
toujoursdansdeslogementsprovisoires.Selonuneenquêtededécembre 2013, deux tiers d’entre eux ne
pensent pas rentrer. Quelque
30000personnespourraientpourtant être autorisées à regagner
leurs logements dans la zone irradiée dans les deux années à venir.
Sur les 130 kilomètres qui séparent Minamisoma, au nord de la
préfecture de Fukushima, et Hirono, au sud, s’égrènent bourgs et
hameaux désormais sans vie. Les
rizières jaunissent. Les serres
ne sont plus que de squelettiques
charpentes métalliques dont les
bâches en lambeaux flottent au
vent.Lescheminsdes fermesabandonnées sont parsemés de kakis
pourris. Impossible de les
manger: ils contiennent une forte
dose de césium.
Depuis avril 2013, la géographie
de la contamination est en « peau
Centrale de
Fukushima-Daiichi
Centrale de
Fukushima-Daini
20 km
30 km
Zones pour lesquelles l’ordre d’évacuation est prêt à être levé :
radioactivité inférieure à 20 millisieverts par an (mSv / an)
Zones dans lesquelles les résidents ne sont pas autorisés à vivre :
radioactivité entre 20 et 50 mSv / an
Zones où les résidents ne seront pas autorisés à revenir avant longtemps :
radioactivité de plus 50 mSv / an
SOURCE : MINISTÈRE JAPONAIS DE L’ÉDUCATION,
DE LA CULTURE, DES SPORTS, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE (MEXT)
Miharu (Japon)
Envoyé spécial
« Toute notre vie, chaque jour,
nous sommes à un point de
départ.» C’est l’expérience que
vivent plus intensément que
d’autres les sinistrés du séisme et
du tsunami du 11 mars 2011, selon
Genyu Sokyu, moine de la secte
zen Rinzai et chef du temple de
Fukuju-ji, à Miharu, petite ville
située à une quarantaine de kilomètres de la centrale nucléaire
accidentée de Fukushima.
Pendant des semaines, après
l’accident, il a vu arriver les réfugiés du nucléaire, « dispersés à travers la région et le reste du pays ».
Ecrivain et essayiste, distingué en
2001 par le prix Akutagawa (l’équivalent du prix Goncourt en termes de notoriété) pour son
roman Au-delà des terres infinies
(Editions Philippe Picquier, 2008),
Genyu Sokyu s’efforce de leur
venir en aide et de réfléchir sur ce
désastre. Il vient de publier au
Japon un recueil de nouvelles,
La Montagne de lumière (à paraître en français chez le même éditeur), inspirées par « la confusion
psychologique qui est la mienne
depuis la catastrophe», dit-il.
Force de vie
Avant d’être moine, Genyu
Sokyu, né en 1956, fils d’un bonze,
a fait des études de chinois classique puis mené une vie vagabonde, qui a enrichi sa réflexion nourrie du message bouddhique.
« Quand tout a disparu, biens
matériels et êtres chers, comme
c’est le cas pour les victimes, on ne
repart pas de zéro : on est en deçà,
affirme-t-il. Il faut lentement
remonter à la surface pour rejoindre un point de départ. Certains ne
le peuvent pas : ils sont prisonniers
de ce provisoire dans lequel on les
a laissés se noyer. La phase de tension est passée, mais ils sont perdus. Pour endurer, il faut savoir
qu’il y a une limite. Mais pour eux,
le transitoire est devenu un état
perpétuel. Alors, ils s’isolent, se renferment sur eux-mêmes. C’est le
sort de beaucoup dans les logements provisoires. Ils savent qu’ils
sont condamnés à vivre un désastre illimité dans le temps. »
Dans ses nouvelles, Genyu
Sokyu s’efforce de montrer que,
pour vivre avec la radioactivité,
on ne peut que s’attacher aux
plus infimes expressions de la force de vie, comme le jeune orphelin d’un de ses textes, qui observe
un grillon, dans les herbes, au
milieu des ruines, qui se mettra à
chanter à l’unisson avec d’autres,
plus loin, dans les arbres.
« Le tsunami, c’est la force de la
nature. Il faut se résigner et reconstruire. L’accident nucléaire est un
effet secondaire dû à l’imprévoyance de l’Homme. Nous devons en
accepter les conséquences: le sacrifice à jamais des régions qui recevront les déchets nucléaires. Le
gouvernement prétend que ce
seront des sites provisoires. C’est
faux. Ils resteront là et ces régions
seront condamnées.»
Dans l’une des nouvelles de
son nouveau recueil, un vieux
paysan offre son champ pour
entreposer les déchets nucléaires,
dont il fera un feu purificateur
– une « montagne de lumière ». p
Ph. P.
0123
international
Mardi 11 mars 2014
En Iran, le gouvernement Rohani relâche
la pression sur les milieux culturels
Plusieurs artistes sont désormais autorisés à travailler, mais la censure demeure
Téhéran
Envoyée spéciale
A
ssis dans sa librairie, au centre de Téhéran, Hassan
Kiaian, le directeur de la
prestigieuse maison d’édition
Cheshmeh (« source », en persan),
savoure enfin sa victoire. Le
12 février, il a appris que Cheshmeh, connue pourses ouvrageslittéraires et philosophiques
d’auteurs iraniens ou étrangers,
pourrait à nouveau reprendre ses
activitésaprès deux ans d’interdiction. A l’hiver 2012, le ministère de
la culture et de l’orientation culturelle avait ordonné l’annulation
de l’autorisation de Cheshmeh. En
pleine présidence de Mahmoud
Ahmadinejad, la presse et certains
cercles ultraconservateursavaient
accuséla maisond’éditionde «tenter de renverser de manière douce
le régime » et de « vouloir mener
une révolution en voleurs ». Une
référence aux révolutions de couleur en Europe orientale et en Asie
centrale et au mouvement de
contestation né à la suite de la réé-
lectioncontestée de M.Ahmadinejad, en juin 2009.
Si Hassan Kiaian ne veut pas
donner d’entretien pour ne pas
provoquer les radicaux, il ne cache
pas son soulagement face à la nouvelle approche du ministre de la
culture, Ali Janati, qui a personnellement annoncé la réautorisation
de Cheshmeh,et du président Hassan Rohani. Dans une lettre ouverte, l’éditeur a salué « la bienveillance » des autorités. « Pendant les
huitannées de la présidenceAhmadinejad (2005-2013), surtout après
les événements de 2009, l’édition
et, de manière plus générale, la
culture étaient passées sous l’autorité des agents du renseignement,
explique Chahin. A., directeur
adjoint d’une maison d’édition à
Téhéran, qui préfère garder l’anonymat. L’approche des autorités
était purement sécuritaire. »
Le 3 mars, Ali Janati a annoncé
un accord conclu entre son ministère et celui du renseignement
pour qu’aucun livre ne soit plus
rejeté en raison de l’identité de son
auteur : le précédent gouverne-
Nucléaire : « Pas de garantie de succès », selon Mme Ashton
A l’occasion de sa première visite à Téhéran, la chef de la diplomatie européenne, Catherine
Ashton, a mis en garde, dimanche 9 mars, l’Iran contre tout
excès d’optimisme dans le règlement global du dossier nucléaire
iranien. « Nous sommes engagés
dans des négociations difficiles,
avec des défis, et il n’y a pas de
garantie de succès », a déclaré
Mme Ashton.
Le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, a
affirmé pour sa part que l’Iran
était « déterminé à aboutir à un
accord » dans les quatre ou cinq
prochains mois.
ment avait en effet dressé une liste
noire. Le président Rohani a également déclaré, samedi 8 mars,
devant les représentants des
médias iraniens, que son gouvernement était favorable à « la liberté d’expression avec responsabilité ». « Si on bâillonne les gens et on
brise les plumes, la confiance sera
détruite», a-t-il lancé.
A guichets fermés
A en croire Chahin, bien que le
ministère de la culture « essaye
d’écourter les délais pour délivrer
les autorisations [de publication]»
et que la censure soit « moins sévère », de nombreux ouvrages restent en attente. L’un des plus
grands écrivains iraniens, Mahmoud Dowlatabadi, attend depuis
cinq ans la réponse du ministère
pour son roman Le Colonel
(Buchet-Chastel, 2012), lauréat du
Prix Jan Michalski en 2013 et jugé
« antirévolutionnaire » par les
conservateurs. L’annonce de la
publication du Colonel, en février
à Téhéran, a suscité un tel tollé du
camp conservateur que les autorités ont dû démentir l’information.
A l’opposé, le metteur en scène
Hassan Rahmanian, exilé au Canada depuistroisans, a eu la belle surprise de recevoirune réponse positive du ministère pour sa pièce Les
Anciennes Chansons, jouée pendant dix jours à Téhéran en septembre2013. « Il m’était interdit de
travailler depuis 2009. Je ne pouvais plus subvenir à mes besoins »,
explique cet écrivain aujourd’hui
installé en Iran. Depuis son retour,
il a pu faire jouer sa deuxième pièce, Arach Sade, du 10 au 12 février,
deux fois par jour, à guichet fermé,
dans la grande salle Vahdat à Téhéran. « Je pensais que le public
m’avait complètement oublié.
J’avais tort », explique-t-il, ému.
Cette pièce est inspirée de
l’œuvre de l’écrivain, scénariste et
réalisateur, Bahram Beyzaï. Lui
aussi, exaspéré par les entraves à
son travail, s’est exilé aux EtatsUnis en 2010. En hommage, Hassan Rahmanian lui a dédicacé chacune des représentationsde sa pièce. « J’espère qu’il pourra revenir et
travailler en Iran. Hélas, ce n’est
pas encore possible », se désole-t-il.
Dans le domaine de la musique,
rien n’a encore changé, à en croire
Ramin Sedighi, directeur d’Hermes Records, une maison de production et de promotion de musique moderne et traditionnelle iranienne. « Nous devons encore
attendre [les autorisations] pendant huit mois à un an. Les nouveaux responsables de la musique
au sein du ministère de la culture
n’ont pris leurs fonctions qu’il y a
deux mois », souligne-t-il. Mais au
moins, l’atmosphère a changé :
« Lors de nos réunions, au temps
d’Ahmadinejad, c’est eux qui parlaient sans écouter ce que nous
avions à dire. Le nouveau directeur
de la musique, Pirouz Arjmand, n’a
fait qu’une courte allocution, puis,
pendant deux heures, il nous a
écoutés. C’est un bon début. » p
Ghazal Golshiri
5
LIBYE
Les forcesgouvernementales
empêchentunetransaction
«illégale» de pétrole
TRIPOLI. Le gouvernement libyen a annoncé, dimanche 9 mars,
avoir déployé des forces de la marine au large du port d’Al-Sedra,
dans l’est du pays, pour empêcher un pétrolier battant pavillon
nord-coréen de quitter les eaux territoriales avec une cargaison
« illégale » de pétrole. Des rebelles autonomistes continuaient
dimanche à charger du brut sur le pétrolier, ignorant les menaces des autorités qui dénoncent un « acte de piraterie». « Le pétrolier ne peut plus quitter [le port], sinon il sera transformé en tas de
ferraille», a déclaré le ministre de la culture, Al-Habib Al-Amin.
Une précédente tentative d’exporter du brut par ces mêmes milices fédéralistes avait eu lieu en août 2013. – (AFP.) p
Syrie Des religieuses enlevées ont été libérées
BEYROUTH. Treize religieuses et leurs trois auxiliaires enlevées
par des djihadistes le 3 décembre 2013 dans leur couvent de Maaloula, au nord de Damas, ont été libérées dans la nuit du dimanche9 au lundi 10 mars en échange de quelque 150 prisonnières
détenues par le régime syrien, grâce à une médiation libano-qatarie. Les otages étaient détenues à Yabroud, bastion rebelle près
de la frontière libanaise, par le Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaida. Elles sont arrivées dans un état d’extrême fatigue
à Jdaidet Yabous, poste-frontière syrien avec le Liban. – (AFP.)
Irak Le premier ministre accuse l’Arabie saoudite
d’être le « principal soutien du terrorisme »
BAGDAD. Le premier ministre irakien, Nouri Al-Maliki, accuse
l’Arabie saoudite d’être le principal soutien du « terrorisme»
dans le monde. Dans un entretien diffusé samedi 8 mars par la
chaîne France 24, M. Maliki a fustigé « le choix dangereux» de
Riyad de « soutenir le terrorisme dans le monde ». « Il le soutient
en Syrie, et en Irak, et au Liban, et en Egypte, et en Libye, et même
dans les pays au-delà », a-t-il déclaré. En janvier, le dirigeant irakien avait dénoncé des pays arabes « diaboliques » et « traîtres»,
mais sans accuser directement des Etats en particulier. – (AFP.)
Vatican Le cardinal Marx présidera le nouveau
Conseil pour l’économie du pape
Après la création d’un secrétariat pour l’économie, présidé par le
cardinal australien George Pell, le 24 février, le pape François
poursuit la réforme de la gouvernance économique du Vatican,
marquée par des dysfonctionnements ces dernières années. Le
Saint-Siège a annoncé, samedi 8 mars, la création d’un nouveau
Conseil pour l’économie, présidé par le cardinal allemand Reinhard Marx, spécialiste des questions économiques et auteur
d’un ouvrage intitulé… Le Capital. Il est composé de huit cardinaux, dont le Français Jean-Pierre Ricard, et de sept laïcs.
L’école supérieure
de l’audiovisuel et
des nouveaux médias
VOUS
ina-expert.com
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france
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Mardi 11 mars 2014
Maires PS, maires UMP: quelles différences?
Fiscalité, transports, sécurité… Les élus des grandes villes mènent, le plus souvent, des politiques similaires
S
ur les estrades électorales, ils
affirment leurs différences.
Dans leurs mairies, ils se ressemblent. Quels sont les « marqueurs » qui distinguent les maires de droite et de gauche ? « Il y a
une professionnalisationde la classe politique locale, une aseptisation. On fait tous la même chose »,
remarque Vincent Feltesse, candidat socialiste contre Alain Juppé,
maire UMP sortant à Bordeaux.
Plus les villes sont grandes, plus
les politiques convergent par-delà
les étiquettes des maires. La crise
économique et la montée en puissance de l’intercommunalité ont
standardisé l’action municipale.
Les nuances partisanes se déclinent désormais en fonction de la
taille des communes.
Lemandatmunicipalqui s’achève aura été marqué par des hausses d’impôtslocaux dansla majorité des villes. A Marseille et à Bordeaux (UMP), le taux moyen de la
taxe d’habitation est plus élevé
qu’à Tours ou à Rennes (PS). Mais
dans les communes de plus de
100 000 habitants, les maires font
désormais profession de modération fiscale et affichent leur volonté de réduire les dépenses. Le
constatest plusnuancédans les villes moyennes : « Il y a depuis plus
longtemps à droite qu’à gauche
une volonté de maîtrise des
impôts,desdépensesde fonctionnement de personnel », remarque
Franck Riester, maire (UMP) de
Coulommiers (Seine-et-Marne).
La sécurité est l’autre grand thème sur lequel les maires convergent. A gauche, les verrous idéologiques sautent. A Grenoble,
Michel Destot (PS) a choisi d’armer
sa police municipale. Les socialistes recourent à la vidéosurveillance. Selon une enquête de La Gazette des communes, fin 2013, sur les
60 plus grandes villes de France,
plus des deux tiers ont installé des
camérassur la voirie. Mais les communes qui n’en disposentpas sont
toutes de gauche. Contrairement à
Strasbourg, Toulouse ou Paris, à
Aménagements urbains (ici, les brumisateurs du miroir d’eau à Bordeaux), tramways… sont des éléments devenus incontournables à droite comme à gauche. RODOLPHE ESCHER
Lille, Martine Aubry affirme ainsi
qu’« une caméra n’a jamais poursuivi un voleur » et préfère réclamer plus de policiers à l’Etat.
Le développementéconomique
fait clairement consensus: « Nous
sommes tous des aménageurs »,
proclame Christian Estrosi, maire
(UMP) de Nice. « La recherche de la
compétitivité n’est plus de gauche
oudedroite», insisteM.Destot,pré-
Marseille : la droite largement en tête
Au premier tour, la liste Gaudin
(UMP) arriverait en tête avec
41 % des votes, devant la liste
Mennucci (PS) avec 26 %, le FN
(16 %), le Front de Gauche
(11 %), la liste de Pape Diouf
(5 %) et celle du Parti radical de
gauche (1 %), selon un sondage
BVA pour RTL et Le Parisien
publié lundi 10 mars. Au second
tour, l’UMP obtiendrait 44 %
des voix, devant le PS qui
recueillerait 39 % à l’issue d’une
triangulaire avec le FN (16 %).
Le sondage donne toutefois le
PS gagnant dans les 4e et
5e arrondissements, un secteurclé détenu par l’UMP. La ministre déléguée à la lutte contre le
handicap, Marie-Arlette Carlotti, l’emporterait avec 44 %. Le
sondage a été réalisé du 5 au
8 mars sur un échantillon représentatif de 1 010 personnes.
sident de l’Association des maires
des grandes villes de France. Mais
desdifférencespersistent. Dansles
villes moyennes, « les maires de
droite se montrent plus attentifs à
la défense des centres-villes. Sans
doute parce que les commerçants
leursont davantageacquis»,observe Xavier Bertrand, maire (UMP)
de Saint-Quentin (Aisne).
Au menu communal obligatoire figure aussi la promotion des
transports publics. Les premiers à
avoir réintroduit le tramway sont
les maires (PS) de Strasbourg, Grenoble et Nantes. Ce mode de déplacement roule désormais dans
22 grandes agglomérations dont
celle de Bordeaux. Et 5 grandes villes ont un métro. Dans les villes
moyennes, les municipalités de
droite veillent toutefois à la place
de la voiture (parkings, stationnements gratuits). A gauche, les mairesinnovent enmatièrede tarification. Depuis 2009, l’aggloméra-
tion d’Aubagne (Bouches-du-Rhône), à majoritéPS-PCF, fait ainsi circuler gratuitement les bus entre
ses 12 communes.
Droite et gauche ne s’opposent
plus non plus sur le mode de gestion des services publics. A Lyon,
Gérard Collomb (PS) a privatisé le
ramassage des ordures. A Nice,
M.Estrosi a ramené la distribution
de l’eau, longtemps gérée par Veolia, dans le giron de la ville. «Il n’y a
pas de choix politicien du mode de
gestion des services publics »,
conclut une enquête des Maires
des grandes villes et de l’Institut de
la gestion déléguée réalisée en 2013
surl’eau,les déchets,les transports.
S’agissant du logement, le parti
du maire ne détermine plus
autant qu’avant le rythme de production de HLM. « A force d’entendre les gens dire qu’ils n’arrivent
plus à se loger, il y a une prise de
conscience généralisée de la nécessité de construire», assure l’ancien
secrétaire d’Etat au logement
Benoist Apparu, candidat (UMP) à
Châlons-en-Champagne (Marne).
L’Association des maires de grandes villes vient de réaliser un sondage auprès d’une trentaine d’entre elles. L’enquête montre une
progression de la part des logements sociaux dans la plupart des
communes de gauche et de droite
de 2% en moyenne sur la durée du
mandat. Mais si tous les maires PS
disent vouloir atteindre l’objectif
des 25 % de logements sociaux en
2025, aucune des villes de droite
interrogées ne s’y engage.
L’impact de la fin du cumul
Il subsiste des domaines où maires de droite et de gauche ne sont
pas au diapason. Vie associative,
conseilsdequartiers,budgetsparticipatifs : « La codécision avec les
habitantsresteuneméthodedegauche, souligne François Kalfon, candidat (PS) à Meaux (Seine-et-Mar-
ne).C’estautantunmoyendemobiliserlescitoyensquedecontrebalancerlesréseauxdenotablestypeRotary Club qui votent à droite.»
Hormis l’opposition gauchedroite, d’autres différences subsistent. «Il existe deux styles d’édiles: le
maire entrepreneur qui travaille
pour les générations suivantes et le
maire gestionnaire – jadis on disait
notable – qui offre de la tranquillité
et de la sécurité à ses habitants »,
observe Madani Cheurfa secrétaire
généralduCevipof,centrederecherches politiques de Sciences Po.
L’ex-patrondel’UMPXavierBertrand voit apparaître une autre
césure dans les années à venir. La
fin du cumul des mandats va faire
émerger deux profils de maires,
selon lui : « Ceux qui feront vivoter
leur ville et ceux qui se montreront
capables de la faire rayonner en
comptant sur leur seule force d’élu
local. » p
Béatrice Jérôme
Le socialisme municipal, un modèle aux pieds d’argile
COMME À CHAQUE FOIS que le
national est en berne, les grands
barons socialistes se replient sur
leur terre. Ils mènent la campagne
des municipales en se protégeant
du mauvais vent parisien. Peu affichent sur leurs projets ou leurs affiches la rose et le poing. Tous
mènent une campagne éclair en
vantant leur bilan de maire et leur
proximité avec les habitants. Le
socialisme municipal qu’ils ont
contribué à développer, chacun
sur son territoire, avec un sens
aigu du pragmatisme et des alliances, est leur meilleur rempart.
Paris, Lyon, Toulouse, Nantes,
Strasbourg, Montpellier, Lille… Dixsept des vingt premières villes
françaises sont gérées par les socialistes qui contrôlent 54% des municipalités de plus de 10 000habitants. Cette hégémonie ne doit
rien au hasard. Elle est le fruit
«d’une longue conquête démarrée
à la fin du XIXe siècle par les petites
villes pour s’étendre aux moyennes
puis aux grandes», explique l’historien Alain Bergounioux, membre de la direction du PS.
Alors que la plupart des autres
partis socialistes européens se
sont construits en lien étroit avec
les syndicats, la SFIO puis le PS ont
tiré leur force du socialisme municipal, à la fois laboratoire pour les
réformes et base de l’union de la
gauche. A partir de 1977, la conquête des villes s’est accélérée, le plus
souvent dans une alliance avec le
PC et les écologistes.
Et cette alchimie a si bien résisté
qu’aujourd’hui le PS est d’abord
un parti d’élus: les réseaux locaux
comptent davantage que les courants, les expériences s’échangent
dans le cadre de la puissante Fédération des élus socialistes et républicains; l’enracinement local,
adossé à un puissant réseau associatif, permet d’amortir le choc des
défaites nationales. «Jamais nous
n’avons réussi à construire l’équivalent à droite car notre culture politique est beaucoup trop nationale»,
déplore un dirigeant de l’UMP.
Mais, conçu au départ comme
un contre-pouvoir, le modèle s’est,
de fait, banalisé au point de devenir la norme. Quel grand maire
aujourd’hui négligerait «le développement des services publics et
du cadre de vie, la politique sociale
et la démocratisation de la vie poli-
tique?» qui sont, selon Alain Bergounioux, les principaux attributs
du socialisme municipal.
Maires des grandes villes de
droite et de gauche défendent souvent des politiques similaires.
Dans nombre de villes moyennes,
quelle que soit leur étiquette politique, le tramway a surgi au même
moment car les élus en ont compris l’enjeu: «C’est l’une des réponses les plus efficaces aux fractures
sociales», souligne François Lamy,
ministre délégué chargé de la ville.
Et face à la crise, les maires n’ont
pas hésité à faire jouer les amortisseurs sociaux: «Entre 2008 et 2013,
la hausse de la fiscalité locale a été
importante dans les communes de
plus de 10 000habitants, constate
Jérôme Fourquet, directeur du
département Opinion et Stratégies
d’entreprise de l’IFOP. Mais elle a
concerné quasiment dans la même
proportion les communes gérées
par la gauche et celles détenues par
la droite.»
C’est justement par ce biais qu’a
surgi l’alerte: l’impôt local est de
moins en moins bien supporté.
«C’est la première fois dans les
enquêtes locales qu’on voit monter
l’enjeu fiscal avec une telle intensité», constate le politologue Pascal
Perrineau. «Les ressorts sont les
mêmes que durant la révolte fiscale
de 2013, renchérit Jérome Fourquet. On voit monter le rejet de l’assistanat, la contestation d’une mixité sociale visant à faire cohabiter
dans les grandes villes les classes
moyennes et les classes populaires
issues de l’immigration.»
Ce qui avait fondé le socialisme
municipal est ébranlé d’autant
De contre-pouvoir
au départ, le modèle
s’est banalisé au point
de devenir la norme
qu’à côté de l’impôt, l’autre sujet
central est la demande de sécurité:
«la peur se développe, le vivreensemble est menacé», constatent
les sondeurs. Dans les grandes villes aussi, le repli individualiste
gagne du terrain. « Le prix du foncier et la concurrence scolaire aboutissent à une ségrégation spatiale
de plus en plus marquée, souligne
Jérôme Fourquet. D’un arrondisse-
ment à l’autre, la demande des électeurs n’a rien à voir. Et ceux qui ne
trouvent pas leur compte sont
contraints de partir.»
C’est sur ces ressorts que le FN
compte jouer pour attaquer le
socialisme municipal. Le parti, qui
présente 597listes en mars, a
moins l’ambition de conquérir des
villes que d’investir massivement
les conseils municipaux. «Le FN va
repolitiser les conseils municipaux
en contestant la moindre décision
prise par les maires et leurs équipes», prédit le député du 19e arrondissement de Paris et numéro
deux du PS, Jean-Christophe Cambadélis. Il parle ainsi du choc de
deux modèles: intégrationniste
d’un côté, identitaire de l’autre.
Remise en cause des critères
d’attribution des logements
sociaux, critique de l’aide publique
au développement, mise à l’index
des subventions attribuées aux
associations… Alors que l’argent
public se raréfie, le FN pourrait
devenir l’opposant permanent
aux choix municipaux en ciblant
les populations immigrées au
nom de l’identité française et de la
préférence nationale, les deux
composantes principales de son
fonds de commerce doctrinaire.
«Le risque existe», reconnaît Pascal Perrineau mais « il est encore
limité». D’abord parce que «le
modèle FN au niveau municipal
n’existe pas». L’expérience des
quelques villes gérées dans les
années 1990 par le FN –comme
Vitrolles et Marignane (Bouchesdu-Rhône) ou Toulon– s’est soldée
par un échec. Entre outre, il existe
un FN du Sud différent du FN du
Nord où la demande sociale est
très forte. «Le parti devra en tenir
compte», souligne le chercheur.
Dans les villes moyennes, mais
surtout dans les zones rurales et
périurbaines, le parti de Marine Le
Pen profite autant des problèmes
d’accès aux services publics que de
l’insécurité pour prospérer auprès
d’une classe moyenne qui avait
cru trouver un meilleur cadre de
vie en s’éloignant du centre-ville et
se sent désormais reléguée. «Dans
ces espaces, le FN prospère sur le
sentiment que rien n’est fait “pour
moi, petit blanc de la classe moyenne”», constate Jérôme Fourquet. p
Bastien Bonnefous
et Françoise Fressoz
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france
Mardi 11 mars 2014
A Grenoble, alliés au Parti de gauche,
les écolos défient la mairie socialiste
Eric Piolle, candidat EELV, joue les trouble-fête à gauche face à Jérôme Safar (PS)
Sous le pseudonyme de Pierre Evil, Pierre-Yves
Bocquet, énarque, est un critique reconnu
Grenoble
Envoyée spéciale
Portrait
L
e bruit des marteaux
piqueurs résonne dans la Villeneuve, quartier populaire
deGrenoble.S’yajouteceluidesgravats qui s’écoulent dans un tube
qui serpente le long d’un immeuble voué à la destruction. Mercredi
5 mars, Eric Piolle, candidat écologisteà la mairie,écoute l’histoirede
ce bâtiment, l’aile nord du 50, galerie de l’Arlequin, racontée par un
collectif d’habitants.
Accompagné de la secrétaire
généraled’EELV, EmmanuelleCosse, et entouré de plusieurs de ses
colistiers qui habitent ici, ce quadragénaireà l’allure sportive a prévu de s’attarder dans le quartier.
Au programme : une visite des jardins partagés, une rencontre avec
des associations et une réunion
publique en fin de journée.
Qu’il semble loin, le temps de
l’expérimentation sociale imaginéeau début des années 1970. Malgré le soleil et les montagnes alentour, les bâtiments ont grise mine.
La Villeneuve peine à se débarrasser de l’image qui lui colle à la peau
depuisle discoursde Grenobleprononcé par Nicolas Sarkozy en
2010, après des émeutes urbaines.
« Il y a des problèmes de sécurité
réels avec des trafics de drogue,
mais aussi une vitalité associative », assure M. Piolle, qui dit avoir
frappé à toutes les portes de ce
quartier de 12 000 habitants. Ses
militants ont d’ailleurs bien travaillé : la plupart des panneaux
d’affichage public arborent son
effigie. « Ici, le PS fait – enfin faisait
– 80 % des voix, affirme le candidat
EELV. Mais il y a une véritable aspiration au changement, même le
clientélisme ne marche plus. »
A 41 ans, cet ingénieur entend
détrôner les socialistes qui ont
repris en 1995 la mairie à la droite
après les ennuis judiciaires de l’ancien maire RPR Alain Carignon.
Condamné en 1996 pour corruptionetabusdebienssociaux,cedernier se présente le 23 mars sur la liste de l’UMP Matthieu Chamussy.
Sursaroute,M.PiolletrouveraJérôme Safar, premier adjoint PS du
O
Emmanuelle Cosse est venue soutenir Eric Piolle, candidat EELV à Grenoble, et sa numéro deux,
Elisa Martin (Parti de gauche), dans le quartier de la Villeneuve, le 5 mars. SÉBASTIEN ERÔME/SIGNATURES POUR « LE MONDE »
maire sortant, Michel Destot, qui a
renoncé à briguer un quatrième
mandat.Pouryparvenir,l’écologiste s’est allié au Parti de gauche – le
PCF rejoignant les socialistes – et à
un collectif de citoyens. « Ce n’est
pasunelisteécologistemaisderadicaux écologistes, du Parti de gauche,etunrecyclaged’anciensdel’extrême gauche», critique M.Safar.
«Eric Piolle ne
s’occupe pas de la
droite et concentre les
critiques sur ma liste»
Jérôme Safar
candidat PS à la mairie
de Grenoble
Ancien cadre dirigeant chez
Hewlett-Packard,M.Piollefaitcampagne sur le renouveau en politique. Il promeut ainsi « la gauche
par envie et non par habitude». Son
projet: renouer avec les habitants.
En cas de victoire, il s’engage à
démissionner de son mandat au
conseil régionalpour être «un maireàpleintemps».Ilveutaussi«protéger» les services publics locaux
de cette ville universitaire avec une
tarification progressive de l’eau et
duchauffageetlagratuitédestransports pour les 18-25ans.
M.Piolle a eu une carrière politique éclair. Militant associatif, il
s’engage en 2009 à Europe Ecologie avant d’être élu l’année suivante au conseil régional. « Il y a un
décalageentre l’imagelisse et le discours, qui l’est beaucoup moins »,
attaque M. Safar. Cinq ans plus
tard, M. Piolle maîtrise tous les
codesde la politique– petites phrases comprises. Le PS ? « Il ne fait
que gérer l’effondrement du système. » M. Safar ? « Un strausskahnovallsiste»qui n’attend quede «s’asseoir sur le strapontin».
Et d’attaquer bille en tête la précédente municipalité, «la boucherie » des rythmes scolaires, les
grandsprojets«inutiles» –lacandidature en 2009 aux Jeux olympiques, le projet de contournement
routier au nord, le stade des Alpes…
Et ce d’autant plus facilement que
depuis 2008 les écologistes sont
dans l’opposition. Dans cette ville
de près de 160 000 habitants, où
FrançoisHollandea fait 64,29% des
voix au second tour de la présiden-
tielle, la bataille se joue à gauche.
D’autant que la droite se présente
en ordre dispersé. « Eric Piolle ne
s’occupe pas de la droite et concentre les critiques sur ma liste, déplore
M. Safar. Il y a un danger avec un
contexte national compliqué. Je ne
sous-estime pas une droite qui certes recycle mais fait campagne.»
A gauche, chacun refuse pour le
moment de se prononcer pour le
second tour. Arrivés en troisième
position en 2008, les écologistes
avaient fait le choix de se maintenir. « Si nous sommes en tête, on
leur proposera de nous rejoindre, il
n’y a pas de volonté de revanche »,
assure M. Piolle. M. Safar entend
obtenir des « clarifications» sur de
« vraies divergences » : la sécurité,
les finances ou encore les transports. Un sondage réalisé par Ipsos
et publié le 6 mars place les deux
candidats en tête. La liste de
M. Safar obtiendrait 34 % devant
celles de M. Piolle (26 %) et de
M. Chamussy (22 %). Donné à 9 %,
le FN pourrait être en mesure de se
qualifier. Sans doute pas ce qu’espérait le candidat EELV, mais de
quoi le rendre incontournable. p
Raphaëlle Besse Desmoulières
Le FN lance«Marianne», son collectifétudiant
Ce think tank associé au Rassemblement Bleu Marine entend défendre la méritocratie
L
e Front national s’est doté,
samedi 8 mars, d’un think
tankétudiant.BaptiséeCollectifMarianne,cettenouvellestructure associative, associée au Rassemblement Bleu Marine, est le pendant du Collectif Racine lancé en
octobre2013 pour les enseignants.
Ce collectif entend défendre la
«méritocratie»etdénonce«lamassification de l’enseignement supérieur », productrice de « dépréciation de la valeur des diplômes ».
«Les détenteurs d’une licence, d’un
master ou même d’un doctorat peinent toujours davantagepour trouver un travail. Cette situation ne
sera à terme plus tenable», peut-on
lire dans le texte fondateur.
Pour autant, le Collectif Marianne, qui demande une cotisation de
10 euros, n’entend pas être un syndicat étudiant. « Nous n’allons pas
faire de militantisme ou tracter
dans les établissements. Nous voulons être une plate-forme de
réflexion et de proposition pour la
jeunesse. Nous n’avons pas vocation,comme les militants de l’UNEF
pour le Parti socialiste, à être les
futurs cadres du Front national »,
indique son président, David Masson-Weyl, étudiant en master 1 en
droit à Paris-II-Assas et en histoire
à Paris-IV-Sorbonne,qui se dit souverainiste.Ce dernierespère séduire rapidement plusieurs centaines
d’étudiantsgrâce à un site Internet
Cespécialiste de gangsta rap
quidevient lanouvelle
plume deM.Hollande
et aux réseaux sociaux.
L’objectif de ce collectif : s’implanter dans les grandes écoles et
les universités pour éveiller « les
consciences face à la dépolitisation ». David Masson-Weyl a ainsi
donné quelques exemples du faible engagement des étudiants
vis-à-visdu syndicalismeuniversitaire : « Université de Bourgogne :
26 711 inscrits, 4 410 votants ; Nanterre (Paris-X) : 32 457 inscrits,
3 257 votants et enfin Lyon-II :
28 828 inscrits, 2 363 votants. Les
faits sont là ! Ils sont peu reluisants.»
Phénomène nouveau
Pour Sylvain Crépon, sociologue et chercheur à l’université
Paris-Ouest-Nanterre-La Défense
(Paris-X), la démarche du FN est
tout à fait compréhensible: « Pour
un parti qui s’est lancé dans une
stratégie de dédiabolisation et qui
est avide de normalisation, pénétrer dans l’université est logique. »
Le collectif veut peser sur tous
les grands sujets qui concernent la
vie étudiante : la santé ou encore
les bourses. S’il s’oppose fermement à la massification de l’enseignementsupérieur,il n’est pas forcément pour une sélection à l’entrée. « Une année de propédeutique pourrait permettre de savoir
qui peut aller ou non à l’université.
On peut réfléchir à une sélection au
fur et à mesure ou à des programmes d’accompagnement», déclare
David Masson-Weyl. Ce qui existe
déjà, il faut le dire, dans de nombreuses universités.
Sur le volet des étudiants étrangers, le président du Collectif
Marianne, qui reconnaît avoir eu
la chance d’étudier six mois au
Japon,estime qu’il« n’est pas possible d’accueillir tous les étudiants
étrangers qui voudraient venir en
France. Il faut que l’on accueille les
meilleurs ou ceux qui en tireraient
le plus grand bénéfice ».
MarineLe Pen,venue enmarraine, a salué « l’initiative de cette jeunesse française qui entend se battre pied à pied pour retrouver sa
souverainetéperdue». Laprésidente du Front national a attaqué
Geneviève Fioraso, la ministre de
l’enseignementsupérieur, qui « ne
tarit pas d’éloges pour tout ce qui
dépasse nos frontières. Elle ne cesse
de dire qu’une Silicon Valley à la
française est possible, grand bien
lui fasse ! Pourquoi aller chercher à
l’autre bout du monde l’inspiration qui vous manque ? », a-t-elle
lancé, critiquant au passage le projet Paris-Saclay, projet phare du
Grand Paris qui regroupera grandes écoles, université, organismes
de recherche et entreprises…
« Mais, avec la présence de Danone
ou de Kraft Foods, la recherche
sera-t-elle indépendante ? », s’est
interrogée Marine Le Pen. Elle s’en
estaussi pris à la volontédela France d’être présente dans les MOOC,
ces cours en ligne massivement
ouverts,mais porteurs d’une « déshumanisation totale des savoirs».
Reste à savoir si les idées du
Front national séduiront la jeunesse étudiante jusque-là plutôt
réticente. « On avait une surreprésentation du FN chez les jeunes non
diplômés.Mais on constate aujourd’hui une présence forte chez les
jeunes mal diplômés ou diplômés
mais qui ont le sentiment d’être
déclassés. Une telle initiative peut
prendre dans un pays fermé à
l’ouverture aux nouvelles générations et aux entrants dans le système », estime le politologue Dominique Reynié.
Ce dernier voit dans le Collectif
Marianne « la poursuite d’une stratégie systématique de professionnalisation du parti avec l’installation d’une nouvelle génération et
des outils de recrutements des
futurs cadres du parti ». Sylvain
Créponsouligne,lui, un phénomène nouveau : « Il y a une présence
d’étudiants qui s’affichent Front
national dans certaines universités
de gauche, comme à Nanterre ou
Paris-VIII-Vincennes-Saint-Denis,
etqui n’ont aucunproblèmeà le faire. Il y a dix ou quinze ans, cela
aurait été impensable.» p
Nathalie Brafman
n savait Barack Obama féru
de hip-hop. Son homologue français, en revanche,
s’était jusqu’ici montré plus réceptif aux bluettes jazzy de Michel
Jonasz qu’aux raps outranciers de
Jay-Z. Il faut croire que son récent
voyage outre-Atlantique l’a, en la
matière, dévergondé : François
Hollande vient de confier à un spécialiste du gangsta rap la préparation de ses prochains discours.
L’information était, pour ainsi
dire, passée inaperçue. Mardi
4mars, le Lab d’Europe1 révèle que
le président de la République a fait
de Pierre-Yves Bocquet sa nouvelle « plume », en remplacement de
Paul Bernard, parti « pour des raisons personnelles » au Conseil
d’Etat. Rien que de très classique,
se dit-on de prime abord: le profil
de l’heureux nommé semble on
ne peut mieux cadrer avec les us et
coutumes de la « Hollandie».
Originaire de Valenciennes, élu
UNEF-ID lors de son passage à
Sciences-Po Paris, Pierre-Yves Bocquet est un énarque de 40 ans. A
l’instar d’Aquilino Morelle,
conseiller politique du chef de
l’Etat, sous l’autorité duquel il
malaxera la syntaxe présidentielle, cet inspecteur général des affaires sociales a fait ses premières
armes politiques sous le mandat
de Lionel Jospin,au sein du cabinet
d’Elisabeth Guigou, alors ministre
de l’emploi. Depuis l’élection de
M. Hollande, le haut fonctionnaire, décrit par ses collaborateurs
comme « minutieux et méthodique», occupait un poste de chargé
de mission pour la protection
socialeà l’Elysée.Sous le pseudonyme de Pierre Evil, il menait, en
parallèle, une carrière de journaliste musical, spécialisé dans le rap
américain.
A quelques exceptions près, ses
collègues ignoraient tout de sa
double vie. Dans les couloirs du
pouvoir, ses bagues épaisses et
brillantes ne laissaient pas d’intriguer. Dans les rédactions des journaux où il officiait, c’est son costard-cravatequiéveillait les imaginations.«Je me souviensd’un homme discret, très propre sur lui, évoque Cyril de Graeve, qui fut son
rédacteur en chef pendant quatre
ans, au sein du magazine Chronic’art.Il présentaità l’ancienne,petites lunettes et costume sans fantaisie, soit tout le contraire des articles
qu’il écrivait dans nos pages. Je ne
connaissaispas son vrai nom, il travaillait pour nous bénévolement,
de façon sporadique. »
FrédéricMion,directeurde l’Institut d’études politiques de Paris,
fut son camarade à l’ENA, au début
des années 1990. Il insiste, lui aussi, sur la singularité de M. Bocquet :
« Pierre-Yves était le plus jeune de
la promo, il s’habillait dans un style
assez relâché, jean et baskets
Puma. Il avait des références très
décalées par rapport à la majorité
des élèves. Lors du choix du nom de
notre promotion, il a proposé Guy
Debord. Malgré son discours flamboyant, il a reçu peu de voix. »
Une ironie pour le moins grinçanteveutquelefrançaisuseduterme « nègre» pour désigner celui ou
celle qui écrit dans l’ombre d’une
personnalité publique. Ce mot,
insultantdans sa forme anglaise de
«nigger»,PierreEvilamontrécomment les rappeurs noirs-américains se le sont réappropriés, pour
en faire une arme politique. Avec
érudition,il en a retracé l’histoireet
la polysémie, dans ses chroniques
de disques pour la presse, dans un
documentaire pour Arte et dans
deux livres fouillés (Gangsta rap,
Flammarion, 2005, aujourd’hui
épuisé, et Detroit Sampler, Ollendorff et Desseins, à paraître).
«Selon moi, Pierre Evil fait partie
des trois meilleurs critiques français
de rap », estime le journaliste et
musicienFredHanak,quil’acôtoyé
Dans les couloirs du
pouvoir, ses bagues
épaisses et brillantes
ne laissaient pas
d’intriguer
à Chronic’art. Fasciné par ce confrère « aussi secret que Batman, Banksy ou Kissinger », qu’il n’a jamais
rencontré de visu, Fred Hanak en
loue le style « hardcore» et subjectif, mâtiné d’une « approche politique et sociologique à la Bourdieu»
« Contrairement aux branchés
de Libération ou des Inrockuptibles, poursuit le journaliste, Evil
sait de quoi il parle, prend le temps
de comprendre les paroles, ne fait
jamais d’erreur, mêle les références
avec maestria, ne caresse pas dans
le sens du poil. Son talon d’Achille: il
connaît très bien le rap américain,
de la côte ouest notamment, mais
se désintéresse totalement du rap
français. C’est un peu le Jacques
Chirac de la critique rap: vieille école, excellent en politique extérieure,
déplorableen politiqueintérieure.»
Retranché derrière son « devoir
de réserve», M.Bocquet tient néanmoins à faire savoir qu’il « met
entreparenthèsessesactivitésd’écriture à titre privé», et qu’il s’interdit
d’avoir une « expression personnelle et politique au nom du président»: «La seule personne qui écrit
les discours de François Hollande,
c’est François Hollande, mon rôle
seraseulementdelespréparer»,ditil d’une voix aiguë, qui ne laisse
rien transparaîtrede la verve d’Evil,
ni de son amour pour le groupe de
hip-hop Dead Prez – ainsi nommé
en référence aux « présidents
morts»quiornentlesbilletsdebanque américains. p
Aureliano Tonet
JUSTICE
Broncadesavocatscontreles
écoutesdeM.SarkozyetMe Herzog
Le bâtonnier de Paris, Pierre-Olivier Sur, a affirmé, lundi 10 mars,
sur Europe 1, qu’il allait «saisir le président de la République» après
l’ouverture d’une enquête judiciaire sur la base de l’écoute d’une
conversation entre Me Thierry Herzog et son client Nicolas Sarkozy, « afin qu’il puisse arbitrer dans cette affaire et prendre les mesures qui conviennent qui sont à son niveau. (…) Il s’agit de la défense
de nos libertés publiques. (…) La démocratie est menacée». Samedi8, des avocats, dont plusieurs grands noms, s’étaient indignés
dans une lettre « que le secret professionnel, socle de la défense,
garantie fondamentale des libertés individuelles dans un Etat de
droit, fasse l’objet d’atteintes graves et répétées». Une information
judiciaire pour violation du secret de l’instruction et trafic d’influence a été ouverte, le 26février, après l’interception de discussions téléphoniques entre l’avocat et l’ex-président dans le cadre
de l’enquête sur les accusations de financement de sa campagne
de 2007 par la Libye. Deux juges ont diligenté une série de perquisitions le 4mars, visant Me Herzog et un haut magistrat du parquet général de la Cour de cassation, Gilbert Azibert. p – (AFP.)
0123
france
Mardi 11 mars 2014
9
Philippe El Shennawy (ici à sa sortie de la maison d’arrêt de Fresnes, le 24 janvier) a obtenu une libération conditionnelle après avoir passé trente-huit ans en prison. ALBERT FACELLY/DIVERGENCE
Les mille et un obstacles à la libération des «longues peines»
Le cas d’El Shennawy illustre la difficulté d’obtenir une libération conditionnelle pour les détenus condamnés à plus de quinze ans de prison
P
laceren libérationconditionnelle un détenu condamné à
unelonguepeinequi présente toutes les garanties de réinsertionrelève du parcoursdu combattant. Pour le condamné bien sûr,
mais aussi pour le juge d’application des peines, même convaincu
de l’utilité de la mesure. « La perpétuité dure vingt ans seulement en
moyenne, croit savoir l’Institut
pour la justice, une association qui
milite pour une sévérité accrue.
Déjà, un condamné à vingt ans ne
purgeque dix ans de prisonen réalité, simplement du fait des lois en
vigueur.»Les lois en vigueurmultiplient au contraire les embûches
procédurales afin qu’un condamné à une longue peine ait les pires
difficultés à obtenir une liberté
conditionnelle. Témoin, le cas de
Philippe El Shennawy.
El Shennawy, 59 ans, est un braqueurrécidivistecondamnéà douze reprises, et pour la première
fois à l’âge de 20 ans. Il n’a connu
que la prison, en dehors de trois
ans de liberté. Il n’a pas de sang sur
les mains mais a passé trente-huit
ans derrière les barreaux. L’homme, à la forte personnalité – il a
obtenu une condamnation de la
France par la Cour européenne des
droits de l’homme en 2011 sur les
fouilles à nu –, a su mobiliser
autour de son cas. Le tribunal d’application des peines de Versailles a
relevé sa peine de sûreté de trois
ans, François Hollande l’a gracié en
mars2013 du reliquat de cette peine : il devenait libérable le
30 juin 2032 – à 78 ans.
Rien ne s’opposait à une libéra-
tion conditionnelle. Mais c’est ici
que le combat commence, dans
l’impressionnant maquis de l’exécution des peines, où un greffier
ne retrouverait pas ses lunettes. La
premièreconditionestde manifester«deseffortssérieuxderéadaptationsociale», en clair, avoirunlogement et un emploi – même
dehors, avec près de 10 % de la
population active au chômage,
c’est loin d’être évident. Il faut
encore que la durée de la peine
accomplie soit au moins égale au
double de la peine restant à subir.
Et depuis la loi du 10 août 2011,
tous les condamnés à la réclusion
criminelle à perpétuité, puis ceux
qui sont condamnés à une peine
d’au moins quinze ans encourant
un suivi socio-judiciaire (c’est son
cas) ou ceux condamnés à dix ans
mais pour un crime lourd (viol,
assassinat, meurtre) doivent, pour
une libération conditionnelle prononcée par les trois juges du tribu-
nal de l’application des peines,
prendre l’avis d’une « commission
pluridisciplinaire des mesures de
sûreté» (CPMS).
Le détenu est conduit pendant
plusieurs semaines pour un examen poussé dans un Centre national d’évaluation (CNE) – il en existe trois, l’un à Fresnes (Val-de-Marne), les deux autres à Lille et à Réau
(Seine-et-Marne). Le travail est
sérieux: le rapportprend en compte les observations du conseiller
d’insertion, le parcours socio-professionnel du détenu, sa conduite
en prison, ses capacités, ses ressources, son psychisme, son projet
de sortie et son risque de récidive:
26 pages très denses dans le cas de
Philippe El Shennawy, datées du
29 juillet 2013. Il se conclut assez
positivementpar « le risque de récidive ne peut être objectivement
qualifié, mais le maintien en détention ne permettra plus aucune évolution (…). Monsieur El Shennawy
Ces autres « recordmen » de longévité en prison
Pierre-Just Marny, condamné
pour meurtres en 1969, s’est suicidé en 2011 dans sa prison en Martinique, après 48 ans de prison.
né à perpétuité pour le meurtre
de son patron. Sorti neuf mois en
1986, il a de nouveau été incarcéré après avoir tué son frère.
Lucien Léger, mort en 2008 à
71 ans, a passé 41 ans en prison. Il
avait étranglé en 1964 le petit Luc
Taron. Condamné à perpétuité, il
avait obtenu sa libération conditionnelle en 2005.
Serge Lebon est détenu depuis
40 ans. Il a été condamné à perpétuité en 1972 pour avoir tué son
père.
Casanova Agamemnon, 63 ans,
originaire de La Réunion, est incarcéré depuis 1969 et a été condam-
Georges Ibrahim Abdallah,
62 ans, est détenu depuis 30 ans.
Il a été condamné à perpétuité
pour l’assassinat en 1982 à Paris
de deux diplomates.
dispose assurément de ressources
personnelles, du soutien de son
entourage et de projets professionnels et personnels pour lui permettre de se réadapterà la vie en milieu
libre. »
Ce rapport, plutôt favorable, est
transmis à la CPMS, une simple
commission administrative, et à
elle seule. Les juges d’application
des peines, qui doivent, eux, décider de la libération conditionnelle,
n’ont rien à en savoir : belle victoire de la bureaucratie judiciaire. La
commission est censée statuer
dans les six mois. A défaut,
les
juges peuvent passer outre. Cela
n’arrive jamais. La CPMS est incapable de respecter le délai légal et
met partout en France entre neuf
mois et un an à statuer.
Pourledétenu,c’estla quadrature du cercle : à plus de 50 ans, et un
casier judiciaire pour lettre de
recommandation, il doit trouver
un employeur qui lui signe un
contrat pour, au mieux, l’année
suivante, avec le risque non négligeablequela libérationne soit finalement pas accordée – on comprend que les entreprises hésitent.
Dans le meilleur des cas, le
condamnéprésenteune lettred’intention et trébuche devant le Centre national d’évaluation, qui doit
évaluer « la cohérence entre le discours du condamné et les éléments
du projet de sortie ».
Dans le cas d’El Shennawy, le
centred’évaluation a cru à son projet et un employeur têtu, chef
d’une petite entreprise d’événements culturels, a accepté de l’embaucher. Restait à attendre l’avis
de la CPMS. Si le tribunal d’application des peines était passé outre, il
y avait toutes les chances que le
parquet fasse appel : le dossier
aurait alors atterri devant la chambre d’application des peines. Dont
le président est justement celui de
la commission pluridisciplinaire
des mesures de sûreté, évidemment furieux que les juges se
soient passés de son avis : c’est dire
que le dossier aurait été mal engagé.
La fameuse commission a rendu son avis le 20 décembre 2013.
Huit pages, pour la plupart consa-
Un greffier
ne retrouverait pas
ses lunettes dans
l’impressionnant
maquis de l’exécution
des peines
crées à la procédure et au rappel
des condamnations de Philippe El
Shennawy. L’analyse poussée du
Centre d’évaluation est résumée
en dix lignes exactement, le projet
de sortie en trois. La commission
retient une expertise de 1998 qui
soupçonne chez le condamné
« une psychose paranoïaque évolutive», alors qu’une autre, en 2007,
des docteurs Daniel Zagury et
Michel Dubec, des références en
matière d’expertise psychiatrique, « ne relèvent aucune pathologie, estimant que celles constatées
par leurs prédécesseurs pouvaient
êtreinduites par les conditions d’in-
Qui se souvient de Maurice Gateaux, plus vieux détenu de France?
IL Y EN A UN au moins qui respecte toujours avec ferveur la mémoire du Général, même s’il n’a pas
vraiment réalisé qu’il n’était plus
de ce monde : Maurice Gateaux, le
plus vieux détenu de France, incarcéré depuis probablement cinquante-cinq ans – tout le monde a
un peu perdu le compte, lui le premier, il n’a plus toute sa tête. Il a
d’ailleurs failli la perdre en 1968, à
l’époque où la peine de mort
n’était pas encore un souvenir,
pour avoir tué un surveillant à
coups de ciseaux. Depuis, il mène
sa petite vie au centre pénitentiaire de Château-Thierry, dans
l’Aisne.
Maurice Gateaux avait 30 ans
lors de sa condamnation en 1968,
il en a 77 aujourd’hui. Il a vu le
jour en Picardie, à Longchamps,
dans l’Aisne, dans une commune
qui a elle-même disparu : elle a
été absorbée en 1970 par Vadencourt (630 habitants). Il était le
sixième enfant d’un premier
mariage, sa mère a encore eu dix
autres petits. La naissance s’est
mal passée, et les journalistes
notent à son procès qu’il a failli
mourir asphyxié et que l’épisode
a entraîné « un retard dans sa
croissance physique ». Il l’a rattrapé: aux assises, c’est un homme
« de taille moyenne mais aux larges épaules, écrit Le Monde le
2février 1968, ce qui lui a valu le
surnom de King Kong à la centrale ».
Le petit Maurice fréquente distraitement l’école communale jusqu’à l’âge de 14 ans, devient
ouvrier agricole, puis manœuvre,
et fait en passant plusieurs cures
de désintoxication. Il est envoyé
en 1956 en Algérie pour son service militaire, où il est incarcéré
pour avoir frappé à mort un Algérien. Il n’a pas laissé à l’armée un
souvenir aimable, on le présente,
note Le Monde, «comme un solitaire, un être renfermé, querelleur,
méchant, violent, impulsif». Il est
finalement réformé pour « débilité profonde ».
De retour en France, Maurice
Gateaux est condamné en 1959,
puis en 1960, pour « vol, coups et
blessures», puis en 1966 à vingt
ans de réclusion pour « coups mortels et vol qualifié » commis deux
ans plus tôt. Est-il alors incarcéré
depuis 1959 ou avril 1965, comme
l’indique sa fiche de l’administration ? La réponse s’est perdue
dans les archives de la pénitentiaire. En tout cas, le condamné est
transféré en août 1968 à la centrale de Nîmes avec 600 autres détenus. Il travaille dans l’atelier
tailleur de la prison où 92 détenus, tous munis de ciseaux, sont
Ledétenuestincarcéré
depuisprobablement
cinquante-cinqans
–toutlemondeaun
peuperdulecompte,
luilepremier
gardés par deux surveillants
armés d’un sifflet.
Le 16 mai 1967, Maurice
Gateaux s’attarde dans l’atelier à
aiguiser ses ciseaux. L’un des surveillants, Marius Albe, lui dit de
regagner sa place. Le détenu le
prend mal, l’entraîne dans « le
magasin des pantalons » et lui
donne quatre coups de ciseaux, à
l’arcade sourcilière, au cou, à la
narine et à la poitrine. Le gardien
ne perd pas son sang-froid, et
annonce « regagnez vos places, il
ne me fait pas peur, il ira au quartier [disciplinaire]» ; il a le temps
d’ajouter « il est fou » avant de
mourir. « Ah je suis fou !, aurait dit
le détenu, alors je vais tout casser ! » Il blesse encore légèrement
un surveillant à la main avant
d’être maîtrisé.
Le journaliste du Monde à la
cour d’assises du Gard n’a pas versé dans le compassionnel: Maurice Gateaux est «l’image de l’absence et du refus. Il suffit qu’il parle
pour qu’apparaisse l’homme qu’il
est : un être fruste. Il lit avec difficulté et sait à peine écrire. Et mercredi, on a pu le constater, il ne sait
pas s’exprimer». L’article est
publié au milieu d’autres nouvelles non moins sensationnelles,
« un éleveur de lapins victimes de
tirs de mines obtient réparation de
l’EDF ».
Maurice Gateaux a été condamné le 2 février 1968, après un rapide délibéré de quarante-cinq
minutes, à la réclusion criminelle
à perpétuité, mais échappe à la
guillotine en raison de circonstances atténuantes : son avocat
l’avait gentiment signalé:
« Gateaux est un débile. Il suffit de
le voir et l’entendre.» De centrale
en centrale, Maurice s’est fait
oublier, pendant plus de cinquante ans. Son avocat, Louis Lacroix,
président en 1963 de la course à la
cocarde à Nîmes, est devenu président fondateur de la Fédération
française de course camarguaise
en 1975, mais il est mort « depuis
longtemps».
Maurice a peu à peu perdu le
fil. Il sort peu en promenade, n’a
guère de visites, ne participe pas
aux ateliers. Le vieux monsieur
est encore alerte, porte des jeans
et une casquette, mais il a des difficultés à se situer dans le temps,
qui a eu tendance à s’arrêter avant
son incarcération. Le moment
qu’il préfère, c’est quand l’intervenant qui fait de la médiation animale vient le voir en cellule, avec
son chien. Il aime beaucoup le
chien. p
F. J.
carcération»,unedernièreexpertise de 2012 concluait même « qu’un
suivi psychiatrique ou médico-psychologique n’est pas nécessaire à
sa libération ». Quoi qu’il en soit, la
commission, « compte tenu de ces
traits de caractère psychotique »,
émet un avis défavorable et estime qu’El Shennawy « devrait poursuivre l’exécution de sa peine dans
un centre de détention».
Le tribunal d’application des
peines, à la mince lueur de l’avis
donné par la commission, était
bien en peine de prendre une décision. D’autant que la CPMS de
Paris, s’appuyant sur une lecture
étroite de l’article 730-2 du code de
procédure pénale – que la garde
des sceaux, Christiane Taubira,
souhaitait supprimer dans une
première version de sa réforme
pénale –, interdit aux juges d’avoir
communicationdel’analysed’évaluation, dont elle se veut seule destinataire.
Le vice-président de l’application des peines de Créteil a alors
pris une décision hardie : « Attendu que la CPMS se réunira le
20 décembre 2013 pour étudier la
situation de Monsieur El Shennawy; que cette date est postérieure au délai de six mois fixé par les
textes – dont le terme était fixé au
12 octobre 2013 ; que l’audience aux
fins d’examen de la demande
d’aménagement de peine est prévue le 17 octobre 2013 ; qu’il apparaît essentiel à cette occasion que le
tribunal de l’application des peines, dans le cadre de cette audience, puisse être en possession de
l’évaluation effectuée par le CNE » ;
il requiert du Conseil national
d’évaluationqu’il lui livre son analyseducas ducondamné.Il l’a obtenu le lendemain, et par jugement
du 22 janvier 2014, le tribunal d’application des peines a placé Philippe El Shennawy en libération
conditionnelle.
Avec d’étranges conditions : il
est placé sous bracelet électronique (la loi l’impose), avec interdiction de sortir après 19 heures (et
même 17 heures le samedi) – ce
n’est assurément pas l’idéal pour
un organisateur d’événements
culturels –, obligation de soins et
interdiction de fréquenter les
cafés, pour une raison obscure…
jusqu’au 25 janvier2026. La raison
en est simple : ces conditions
avaient été imposées par le parquet de Créteil qui, sinon, aurait
fait appel. Et la chambre d’application des peines n’aurait pas manqué de renvoyer El Shennawy en
prison, conformément à l’avis de
la CPMS. Un juge d’application des
peines pourra, dans les mois à
venir, assouplir ces contraintes.
Mais il est plus que temps que la
chancellerie, comme elle s’y est
engagée, remette à plat le code
d’exécution des peines, et que les
prisons ne soient pas des mouroirs pour les longues peines. p
Franck Johannès
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culture
12
0123
Mardi 11 mars 2014
Disparition Le directeurd’institutionslyriques,acclaméautantque critiqué
pourses programmationsaudacieuses,est mortle 8marsà l’âgede 70ans
Gerard Mortier, flamboyant aventurier de l’opéra
I
l devaitêtre lepremier récipiendaire du « Mortier Award », le
prix qui porterason nom et distingue les professionnels de l’opéra pour leur prise de risque et leurs
innovations, le 31 mai, à Graz, en
Autriche. Il le recevra à titre posthume. Le Belge Gerard Mortier,
70 ans, est mort dans la soirée du
samedi 8 mars, à son domicile
bruxellois, des suites d’un cancer
du pancréas foudroyant décelé au
printemps 2013. Jusqu’au bout, le
flamboyant et iconoclaste directeur d’opéra, figure de proue de la
scène lyrique internationale
depuis plus de trente ans, a fait
preuved’une énergie hors du commun,commece 28 janvierau Théâtre royal de Madrid, où il accompagnait l’un de ses derniers projets :
la création de l’opéra de Charles
Wuorinen, Brokeback Mountain,
sur un livret d’Annie Proulx.
En quelques dates
1943 Naissance le 25 novembre
à Gand (Belgique).
1981 Direction du Théâtre
royal de la Monnaie, à Bruxelles.
1992 Direction artistique du
Festival de Salzbourg (Autriche).
2002 Création du Festival
triennal de la Ruhr (Allemagne).
2004 Direction de l’Opéra
national de Paris.
2010 Direction du Théâtre
royal de Madrid.
2014 Mort le 8 mars à Bruxelles.
Le génie de cet
homme aura sans
doute été de revivifier
l’opéra par le travail
scénique
Visionnaire et audacieux,
Gerard Mortier aura marqué l’avènement des directeurs d’opéra
stars: certains ont pu s’offusquer,
par exemple, de ce que le preux
Gantois associe son nom au logo
de l’Opéra national de Paris, dont il
fut le patron de 2004 à 2009. Certes, Gerard Mortier a toujours mis
les maisons lyriques qu’il a dirigées au service d’un projet artistique qui avait pour lui valeur de
manifeste. Mais c’est en humaniste que ce provocateur, brillant
intellectuel et virulent débatteur,
s’est toujours imposé, convaincu
que l’art lyrique – connoté bourgeois et décadent – se devait d’être
un lieu de connaissance, de
conscience citoyenne, d’édification et de liberté, capable de « faire
triompher l’art sur l’argent ».
Toute la vie de Gerard Mortier
n’aura été que le parcours d’une
passion transmise par sa mère, qui
lui avait fait découvrir à 11 ans
La Flûte enchantée, de Mozart
– c’est ainsi qu’il intitulera son
livre, Dramaturgie d’une passion
(Christian Bourgois, 2009). De ses
débutsau Théâtre royal de La Monnaie, à Bruxelles, en 1981, à l’âge de
38 ans, dont il fit endix ans uneplaque tournante de l’art lyrique en
Europe (moyennant un passif de
400 millions de francs belges et
l’exil de Maurice Béjart en Suisse
en 1987, avec lequel il était en
conflit artistique). Jusqu’au
staccato présente
Déshabillez
strip
texte
Flor
Lurienne
2
n°
En 2011. BRUNO CHAROY/PASCO
baroud final au Théâtre royal de
Madrid, dont il fut indignement
limogé en septembre 2013 alors
que son mandat courait jusqu’en
2016, à la suite de déclarations
incendiaires dans la presse. Il fut
temporairement réintégré comme conseiller artistique afin de
superviser sa dernière saison sous
la tutelle de son successeur, Joan
Matabosch.
Plus que tout, Gerard Mortier
restera le « David » désigné pour
succéder en 1992 au « Goliath »
Herbert von Karajan, qui avait
régné en autocrate depuis 1956 sur
le prestigieux Festival de Salzbourg (Autriche). Le trublion
s’était alors fait fort d’instaurer
une politique novatrice, imposant
une part importante de musiques
duXXe siècle ainsi quede nombreuses créations, tandis que son caractère entier l’opposait de plus en
plus violemment à ses tutelles au
fur et à mesure de la montée de la
droite xénophobe en Autriche.
C’est sur un pied de nez qu’il
quittera son poste en 2001, après
la fameuse « bataille de La Chauve-
sous-entendant largement qu’il
n’avait pas eu, lui, l’accueil qu’il
espérait.
En 2001, lorsque Gerard Mortier quitte la direction du Festival
deSalzbourg,il esttellementdétesté que son départ est ironiquement salué d’un article nécrologique publié en pleine page dans un
journal autrichien – un trophée
savoureux pour Mortier, qui
aimait la joute et le panache. Paris
avait été la seule ville où il s’était
fait conspuer d’un « Mortier au
bûcher! », au cours d’unereprésentation d’Iphigénie en Tauride, de
Gluck, mise en scène par Krzysztof
Warlikowski, ce qui l’avait profondément choqué et durablement
meurtri.
Aussi l’appel du City Opera de
New York, en 2007, eut-il sans doute un goût de revanche sur l’ingratitude européenne. Mais Gerard
Mortier avait démissionné en
2008, avantmême sa prise officielle de fonctions, pour des raisons
de restrictions budgétaires. Il
avouait dans un article paru le
2 février dans le New York Times
l’avoir finalement regretté. Ce
d’autant qu’à Madrid, son dernier
poste, en 2010, après une courte
lune de miel, il avait dû encaisser
plus de 30 % de réductions budgétaires, mettant quasiment en péril
la survie artistique du Teatro Real.
Mortier avait taillé dans sa programmation, relevant le gant sans
pour autant pratiquer la langue de
boisvis-à-visdes politiques.Làaussi, il avait déchaîné les passions
publiques.
Le génie de cet homme cultivé
et polyglotte à l’accent inimitable,
affable et séducteur, qui savait à
l’occasion être cinglant, aura sans
doute été de revivifier l’opéra par
le travail scénique. Il est en effet
l’un des premiers à avoir invité des
metteurs en scène comme Herbert Wernicke, Peter Mussbach,
Luc Bondy, Patrice Chéreau, Peter
Sellars, Klaus-Michael Grüber, les
époux Karl-Heinz et Ursel Herrmann. Il a révélé Christoph Marthaler, puis Krzysztof Warlikowski, fait appel aux plasticiens Ilya et
Emilia Kabakov (Saint François
d’Assise, de Messiaen), Bill Viola
Marie-Aude Roux
de et avec
Léonore
Chaix
La librairie lilloise L’Harmattan met la clé sous la porte
D
TIONS
ONGA
PROL u 19 juillet
jusqu’a
5, rue Biot Paris 17 e _ Loc. 01 43 87 97 13 - w w w. l e u ro p e e n . i n fo
jusqu’au 8 avril : les lundis et mardis 20h30
à partir du 8 mai : les jeudis, vendredis et samedis 19h30
et tous les dimanches 16h30
M i s e e n s c è n e : Marina
souris » (Die Fledermaus, opérette
de Johann Strauss), emblème de la
culture autrichienne traditionnelle, dont il confia le « meurtre
rituel » au metteur en scène allemand Hans Neuenfels.
Après avoir créé, en 2002, le Festival triennal de la Ruhr, Gerard
Mortier est accueilli avec enthousiasme à l’Opéra national de Paris.
Il succèdeà HuguesGall. Mais le climat fraîchit peu à peu. Certaines
productions, mal accueillies dans
la presse, déclenchent les hostilités du directeur. Il subit aussi diatribeset critiquespouravoir conféré le mandat officieux de directeur
musicalà son ami, le chef d’orchestre Sylvain Cambreling, avec
lequel il a entretenu le compagnonnage de toute une vie.
Des années plus tard, le Flamand gardait un bilan mitigé de
son quinquennat français : public
réactionnaire, journalistes incompétents, crise de la société française… Ne déclarait-il pas en 2009
dans nos colonnes que la maison
d’art lyrique parisienne n’avait
pas « le public qu’[elle] mérite »,
(Tristan et Isolde, de Wagner) ou
Anselm Kiefer. Il a développé, avec
le cinéaste Michael Haneke, une
fructueuse collaboration mozartienne (Don Giovanni en 2006 à
Paris, Cosi fan tutte en 2013 à
Madrid) ; Mozart qui restera jusqu’au bout son compositeur fétiche, et La Flûte enchantée, sa quête
du Graal.
Côté répertoire, Gerard Mortier
est à l’origine de nombreuses créations, notamment celles du compositeur belge Philippe Boesmans
– La Ronde, d’après Schnitzler
(1994), Le Conte d’hiver, d’après
Shakespeare (1999), Yvonne, princesse de Bourgogne, d’après Gombrowicz (2009) – et de la compositrice finlandaise Kaija Saariaho
– L’Amour de loin, créé en 2000 à
Salzbourg, Adriana Mater, à Paris
en 2006, sur des livrets d’Amin
Maalouf.
Le baron Gerard Mortier (il
avait été anobli par le roi des Belges en mai 2007) était né à Gand,
en Belgique, le 25 novembre 1943.
Fils d’un boulanger et d’une « femme simple », il avait accompli sa
scolarité dans un collège jésuite.
Puis il avait poursuivi des études
de docteur en droit, parce qu’elles
lui « permettaient de garder du
tempslibre pour continuer la musique et parce que le droit, comme la
musique,parle despassionshumaines et permet de les régler », ainsi
qu’une formation en management artistique. Avant d’embrasser l’art lyrique en 1968 comme
assistant au Festival des Flandres,
puis de faire ses gammes en Allemagne,occupantla directionartistique des opéras de Düsseldorf
(1972-1973), Hambourg (1973-1977)
et Francfort (1977-1979).
«Nousavonsbesoinde l’artcomme du pain de l’esprit », disait cet
éternel optimiste qui croyait en
l’avenir : « Rien n’est jamais perdu,
etsi nous menonsla sociétéà saperte, quelque chose de nouveau verra
le jour. » Cet homme-là et sa vision
du monde nous manquent déjà. p
Tomé
s c é n o gra p h i e e t l u m i è r e : N i c o l a s S i m o n i n
création son : B e r t r a n d P e l l o q u i n
evant les étagères bricolées en bois bourrées de
livres, les clients sont tristes. Tristes de voir fermer leur
librairie, de voir s’envoler un
bout de culture, de voir disparaître l’un des derniers remparts à la
standardisation. Le 8 mars, sous
un soleil bienvenu en ce début du
mois de mars à Lille, les fidèles de
L’Harmattan sont venus dire
adieu à l’une des deux dernières
librairies de province de la célèbre maison d’édition française
spécialisée dans les sciences
humaines et sociales.
Ouverte depuis plus de sept
ans dans cette rue chic du Vieux-
Lille, L’Harmattan met la clé sous
la porte. «Ce n’est pas la faute d’Internet mais du loyer, soupire
Cédric Boulanger, vendeur. On ne
manquait pas de clientèle: on a
même augmenté de 30 % ces deux
dernières années.»
Son collègue Thibaut Willems,
en reprenant cette affaire en 2011,
avait su assouvir les besoins de
lecteurs pointus à travers un
panel de plus de 25 000 titres. Et,
tous les quinze jours, il pimentait
la vie de son petit commerce par
des rencontres avec des auteurs.
« On vendait plus de 1 000 livres
par mois, souligne Thibaut
Willems, c’est énorme, mais après
sept années déficitaires, L’Harmattan a choisi de recentrer ses activités à Paris. »
Equation impossible
Avec un loyer de 2500 euros
pour quelques vingtaines de
mètres carrés de rayonnage au rezde-chaussée et dans la cave d’une
vieille bâtisse en briques rouges
de trois étages, l’équation était
impossible. « Il aurait fallu vendre
pour 7 500 euros de livres chaque
mois, calcule Cédric Boulanger. Ce
qui est dur, c’est qu’il y a un vrai
public. On parle de crise des librairies, mais ce n’est pas vrai.»
De la justification, de Luc Bol-
tanski et Laurent Thévenot, entre
les mains, Sequoia, 31 ans, est
venu faire un dernier achat avant
la fermeture. « Ça va être de plus
en plus difficile de trouver des
ouvrages étonnants, explique cet
étudiant en philosophie. On faisait ici de vraies découvertes. Et
puis j’aime le côté convivial et la
texture de la vie de petits endroits
comme ici. »
A L’Harmattan, on venait « se
frotter à autrui et tisser des liens ».
On venait aussi errer entre les
rayons consacrés à l’urbanisme, à
l’anarchisme, aux utopies, à l’ethnopsychiatrie, au jazz, etc.
« Ça fait mal au cœur car on
n’est jamais content d’assister à
un enterrement, surtout pour un
amoureux des livres comme
moi », regrette Célestin, psychologue et fidèle client. « Certains
vont désormais commander sur
Amazon, constate Thibaut
Willems. Mais aller dans un lieu
comme ici, c’est autre chose. Le
renouvellement des librairies passe par l’attractivité, l’animation et
plus d’espace. Quitte à être décentré.» Licencié économique, il a
prévu de continuer son combat
dans l’une des quinze librairies
indépendantes lilloises. p
Laurie Moniez
(Lille, correspondance)
0123
culture
Mardi 11 mars 2014
Le rock touareg des Tinariwen
SÉLECTION CD
Le groupe malien est en tournée en France pour présenter son dernier album, «Emmaar»
Musique
Franz Schubert
Wanderers Nachtlied
Matthias Goerne (baryton), Helmut
Deutsch, Eric Schneider (piano).
Ce huitième album de Matthias
Goerne s’inscrit dans le droit héritage de Dietrich Fischer-Dieskau,
dont le baryton allemand fut l’élève. Dépasse-t-il le maître? Difficile
à dire, mais Goerne est ici au
zénith d’un art sans cesse médité.
La voix a mûri avec bonheur, se
veloutant de nostalgie dans l’aigu,
s’adoucissant avec générosité
dans le grave. C’est le théâtre intime de Schubert (1797-1828) que
son souffle module tout en nuances et contrastes. Puissant et retenu, affectionné mais sans affectation, Matthias Goerne est l’un des
plus passionnants Liedersänger
du moment. p Marie-Aude Roux
A
près Tassili, gratifié d’un
Grammy Award en 2012,
Tinariwen sortait il y a quelques semaines Emmaar, qu’il présente mardi 11 mars à Paris. Un
album que le groupe touareg du
Mali reviendra défendre, cet été,
en France, dans les festivals
(notamment aux Vieilles Charrues le 18 juillet et aux Escales de
Saint-Nazaire le 1er août).
Gorgé de guitares électriques,
tranchant avec l’atmosphère
acoustique du précédent disque,
ce sixième album a été enregistré
dans une maison située dans le
désert du Mojave, au sud de la Californie. Comme pour Tassili, des
copains rockers sont venus. Josh
Klinghoffer, le guitariste des Red
Hot Chili Peppers, Matt Sweeney,
celui de Chavez, le violoniste et
joueur de pedal steel de Nashville,
FatsKaplin,et aussile slameurpoète Saul Williams.
Formé au début des années
1980 dans la région de Kidal, au
Nord du Mali, présenté comme le
porte-voix des rebelles touareg au
Mali, au début des années 1990,
pour une reconnaissance de leur
culture et de leur langue, le
tamasheq,Tinariwenattire l’attentionde la planète rock.Celle-ci s’entiche de ces rebelles du désert portant djellaba et turbans (l’image
fait réfléchir l’imagination occidentale) et d’un message de résistance.
Après leur passage, en 1999, au
Festival Toucouleur à Angers, invitéspar le groupe Lo’Joet la sortiede
l’album The Radio Tisdas Sessions,
enregistré à Kidal et réalisé par le
guitariste anglais Justin Adams (il
produira deux albums pour eux),
les musiciens de Tinariwen jouent
en 2001 aux Transmusicales de
Rennes. On les verra également
rejoints sur scène par Robert Plant
et Carlos Santana, ouvrir un
concert des Rolling Stones, à Glastonbury (Angleterre) et celui, en
juin 2012, au Stade de France, des
Red Hot Chili Peppers. Autant de
coups de pouce non négligeables
pour créer du « buzz » et élargir son
public au-delà des aficionados des
musiquesdumondeet autresmilitants.
Cette reconnaissance et le
Grammy Award, « c’est une fierté
pour notre peuple », déclare le bassiste du groupe, Eyadou Ag Leche,
interrogé à l’occasion du concert
1 CD Harmonia Mundi.
Duke Ellington
The Ellington Suites
Le groupe Tinariwen est présenté comme le porte-voix de la rébellion touareg au Mali. MARIE PLANEILLE
des Nuits Zébrées de Radio Nova,
le 21 février, au Rocher de Palmer, à
Cenon, en banlieue bordelaise. Ce
jour-là, plutôt que parler du disque, la voix douce et calme, il dit
d’abord son ras-le-bol et exprime,
aunom dugroupeune sourde colère : « La situation n’a pas changé.
Depuis sa création Tinariwen existe pour la même cause. Nous voulons simplement faire valoir nos
droits, sans que cela débouche sur
une guerre. Nous sommes des Berbères, musulmans, porteurs d’une
culture riche et fort ancienne. Certainement pas des terroristes, comme on nous a présentés parfois
dans la presse ».
« Eyadou est, avec Abdallah ag
allhousseyni, l’un des plus engagés
de Tinariwen, mais les membres du
groupe ont des opinions plus ou
moins prononcées sur leur engagement politique», explique Patrick
Votan, leur manager français. Certains neveulent plus entendreparler de politique, d’autres restent
très discrets sur leur implication.
« Ce qui est certain, c’est qu’ils veulent tous que leur culture et leur
peuple soient respectés par l’administration malienne. »
« Tinariwen est un groupe à géométrie variable, en fonction des
tournées, des disponibilités de chacun et des budgets », poursuit
PatrickVotan,en réponse à l’absence, surla tournéeactuelle de Abdallah ag Lamida, dit Intidaw, enlevé
et séquestré pendant plusieurs
jours par Ansar Dine, un des grou-
«Nous voulons
simplement faire
valoir nos droits, sans
que cela débouche
sur une guerre»
Eyadou Ag Leche
musicien de Tinariwen
pes islamistesà l’origine de l’insurrection armée au nord du Mali en
2012. « Enlevé parce qu’il représente une menace à la propagande
d’Ansar Dine », écrivait alors sur
son site l’agence d’information
touarègue Toumast Press qui
avait révélé l’information.
Né en 1978 à Tamanrasset, dans
l’extrême sud de l’Algérie, où il vit
actuellement,EyadouAg Leche est
13
proche du Mouvement national
pour la libération de l’Azawad
(MNLA), mouvement touareg
revendiquant l’autodétermination et l’indépendance du territoire de l’Azawad, au nord du Mali.
Plusieurs de ses membres ont été
tués ou blessés par les djihadistes,
dontrécemment,Ahabi AgAhmeida, représentant le MNLA au sein
du comité de liaison, mis en place
après les élections de 2013, censé
calmer les tensions locales. Un
signe suggérant un possible apaisé ? « L’idéal du peuple est bradé,
mes amis. Une paix imposée par la
force est vouée à l’échec », disent
les paroles de Toumast Tincha, sur
le nouvel album, écrites par Eyadou Ag Leche. p
Patrick Labesse
Emmaar, de Tinariwen.
CD Emmaar/Coop/Pias.
Tinariwen sera en concert le mardi
11 mars au Trianon, 80, boulevard
Rochechouart, à Paris (18e).
Tél. : 01-44-92-78-00.
Le 29 avril à la Maison des Arts
André- Malraux,
place Salvatore-Allende,
Créteil (94). Tél. : 01-45-13-19-19.
Ellington, Duke de son prénom,
devenu aussi son titre en jazz –
mais il aurait aussi bien pu avoir
celui de prince, de roi, d’empereur–, a écrit, parmi ses milliers de
compositions, un grand nombre
de pièces au long vent conçues
comme des suites musicales. La
réédition de The Ellington Suites,
dans la série des enregistrements
remasterisés du label Pablo
Records,
permet
d’en redécouvrir
trois. Des
merveilles
de sophistication, de
swing, d’élégance: The Queen’s Suite, pour la reine ElizabethII, enregistrée en 1959, The Goutelas Suite,
« portrait » du château de Goutelas (Loire), enregistré en 1971, et
The Uwis Suite, évocation d’une
semaine Ellington à l’université
du Wisconsin, dans la ville de
Madison, en 1972. Des envolées.
Dans un lent déroulé pour la reine, plutôt vive et « cinématographique» pour le château et ludique, dans les racines du blues,
pour le monde universitaire. Dans
tous les cas, de la grande musique. p Sylvain Siclier
1 CD Pablo-Concord Music
Group/Universal Music.
Habib Koité
Soô
Avec un vrai sens de la mélodie,
une guitare fluide et la voix
scintillante de douceur, Habib Koité chante le Mali, la beauté digne
de ses instruments traditionnels
et la virtuosité de ses musiciens
(Terere, où interviennent Toumani Diabaté – kora – et Bassékou
Kouyaté – n’goni). Il reprend L.A.,
titre festoyant du
bel album
Brothers in
Bamako,
enregistré
en 2012
avec le bluesman américain Eric Bibb, intègre à sa musique acoustique le
son du banjo, signes tangibles de
son esprit d’ouverture, cultivé
depuis le début de sa carrière, il y a
vingt ans. Il dit aussi son attachement aux racines, valeurs et langues de sa terre, passant du bambara au malinké, du dogon au
khassonké. Il est bon de se sentir
relié et en phase avec son « chez
soi» (Soô, message à l’adresse des
candidats au départ vers l’eldorado occidental?), chante le griot,
qui ne s’interdit pas une vision critique de la tradition (Need You
dénonce les mariages « arrangés»). p Patrick Labesse
1 CD Contre-Jour/Socadisc.
Disparition
Mortdu poèteespagnol
LeopoldoMaria Panero
Né à Madrid en 1948, le poète espagnol Leopoldo Maria Panero est
mort, mercredi 5 mars, à Las Palmas (Canaries), à l’âge de 65ans.
Fils d’un écrivain franquiste, il fit de la prison pour opposition au
régime, avant que sa consommation de drogue ne le mène, dans
les années 1970, à être interné; il passa le reste de sa vie en hôpital
psychiatrique. Ce qui ne l’empêcha pas de construire une œuvre
tenue pour essentielle dans son pays, toute de colère et de lucidité,
animée par le désir de rudoyer le lecteur et de renouveler l’écriture de la provocation. De cet auteur, qui fut aussi traducteur et critique, seulement trois recueils de poésie ont été traduits en français: Dans le sombre jardin de l’asile (éd. du Noroît, 1994); Territoire de la peur (L’oreille du loup, 2011) et Bonne nouvelle du désastre
&autres poèmes (Fissile, 2013). p Raphaëlle Leyris
A Reims, ce sera piscine ou beaux-arts
Les batailles culturelles des municipales 12/18 La maire privilégie un nouveau musée
L
e projet du nouveau Musée
des beaux-arts de Reims
serait-il en train de prendre
l’eau à cause d’une piscine? Il a suffi que la municipalité soitcontrainte, en décembre 2013, de fermer le
complexe sportif Nautilud, dont la
toiture risque de s’effondrer, pour
que le plus gros chantier culturel
delavilleredevienneunenjeuélectoral.
Encestempsdedisettebudgétaire, devoir engager 25 millions d’euros pour réhabiliter une piscine
olympique et 55 millions pour
construire le grand musée du Boulingrin s’apparente à une folie
financière. « Satanée toiture du
Nautilud ! », doit-on penser dans
les rangs de l’équipe municipale. A
cause de cet épisode, l’actuelle maire socialiste Adeline Hazan a dû
reporter de deux ans l’ouverture
du musée, initialement prévue en
2018, et se retrouve prise au piège
d’une opposition qui fait ses choux
gras du problème de financement.
« Il faut reprendre le dossier et
réaménager le musée sans le déménager », défend le député Arnaud
Robinet, tête de liste UMP, qui ne
cache pas que sa « priorité » va au
complexesportifetludique.Même
position au Front national,où JeanClaudePhilippot,directeurdecampagneducandidatRoger Paris,estime que «la ville n’a pas les moyens
de réaliser cette nouvelle constructionetdoitrénoverl’existant».L’adjoint à la culture, Serge Pugeault,
fulmine face à tant de « mauvaise
foi» : « Nous travaillons sur le projet
depuis 2009, déjà 5 millions d’euros
ontétédépensés; etlenouveaubâtiment imaginé par l’architecte britannique David Chipperfield, choisi
à l’issue d’un concours international, a été adopté à l’unanimité par
le conseil municipal.»
Installé depuis un siècle dans
l’ancienne abbaye Saint-Denis, en
centre-ville, le Musée des beauxarts expose moins de 10% de sa collection. Couvrant les grands mouvements artistiques allant du XVe
auXXe siècle,elleestpourtantconsidérée comme l’une des plus prestigieuses établies en province. Mais,
faute de place, des dizaines de milliers d’œuvres dorment en réserve.
Et Reims va recevoir en donation
663 œuvres de Léonard Foujita
(1886-1968) pour constituer le plus
grand fonds européen de l’artiste
franco-japonais inhumé dans la
chapelle rémoise Notre-Dame-dela-Paix. Les principales toiles
devraient être exposées en permanence, dans une salle consacrée à
Foujita, au cœur… du futur site du
Boulingrin.
Cela fait des décennies que ce
Musée des beaux-arts fait l’objet de
discussions quant à sa localisation
et six ans que la municipalitésocialiste en a fait sa priorité. « De
40000 visiteurs par an, nous pourrions passer à 200 000 », assure
Reims va recevoir
en donation
663 œuvres
de Léonard Foujita
M. Pugeault, qui insiste sur l’atout
touristiqueet urbanistiqued’untel
projet. Jusqu’à cette histoire de piscine et cette campagne électorale
focalisée sur les enjeux de fiscalité
locale, tout semblait pourtant bien
engagé.
Un vaste terrain, à côté des halles rénovées du Boulingrin et à
deux pas de la gare TGV, attend les
trois nefs et la façade translucide
imaginées par David Chipperfield
pour accueillir, sur 11 000 m2 (au
lieu des 4 000 de l’abbaye), le nouveaumusée et transformer le quartier en nouvelle porte d’entrée de la
ville, au-delà du traditionnel périmètre de la cathédrale.
«Toutes les études ont démontré
que restructurerl’actuelmusée coûterait plus cher – environ 100 millions d’euros – et obligerait à fermer
le musée pendant six à sept ans »,
insiste M. Pugeault. A cette bataille
de chiffres s’ajoute un débat sur
l’emplacement retenu. «L’installer
au Boulingrin va densifierle secteur
etcacherleshalles », pointeM. Robinet, qui ne remet pas en cause le
projet architectural. « Cette polémique est artificielle et créée de toutes
pièces par l’UMP pour qui la culture
n’est pas une priorité, considère
Adeline Hazan. Arnaud Robinet
était conseiller municipal lorsque
mon prédécesseur, Jean-Louis Schneiter, considérait lui-même que la
reconstruction sur site était une
aberration», rappelle la maire, qui
a ravi la ville en 2008 à la droite
mais qui, d’après les sondages, est
donnée perdante pour ce scrutin.
Resteque le floudemeuresurles
55 millions nécessaires au projet.
L’Etats’est engagé à participermais
la mairie ignore à quelle hauteur.
« Nous le ferons même sans aide »,
affirme Mme Hazan. p
Sandrine Blanchard
Prochain article : la prison d’Avignon
Histoire de J. NOUVEL ALBUM
Photo Micky Clément / Artwork Frank Loriou
Reims
Envoyée spéciale
EN TOURNÉE EN FRANCE
PARIS - LA CIGALE LE 24 MARS
www.jeannecherhal.fr
sport 15
0123
Mardi 11 mars 2014
Laurent Blanc: «A Paris, je suis très gâté»
L’entraîneur du PSG se confie au «Monde» avant le match contre le Bayer Leverkusen en Ligue des champions
Entretien
La 28e journée de Ligue 1
A
u lendemain de sa victoire
en championnat (3-0) à Bastia, samedi 8 mars, Laurent
Blanc a reçu Le Monde au centre
d’entraînement du PSG, situé à
Saint-Germain-en-Laye (Yvelines).
Après le large succès (4-0) de ses
joueurs au match aller, l’entraîneur prépare la rencontre, mercredi 12 mars au Parc des Princes, avec
les Allemands du Bayer Leverkusen en 8e de finale retour de Ligue
des champions.
Résultats
Lille-Montpellier
Lorient-Saint-Etienne
Bordeaux-Lyon
Bastia-PSG
Guingamp-Evian
Monaco-Sochaux
Nantes-Ajaccio
Toulouse-Reims
Valenciennes-Rennes
Marseille-Nice
Vous abordez votre match face
au Bayer Leverkusen avec un
avantage confortable. Etes-vous
déjà projeté vers les quarts ?
Classement
1. PSG : 67 points. 2. Monaco : 59.
3. Lille : 52. 4. Saint-Etienne : 48.
5. Lyon : 45. 6. Marseille : 43.
7. Reims : 42. 8. Bordeaux : 40.
9. Toulouse : 39. 10. Bastia : 37.
11. Lorient : 36. 12. Nice : 34.
13. Montpellier : 33. 14. Guingamp : 32. 15. Nantes : 32.
16. Rennes : 31. 17. Evian : 30.
18. Valenciennes : 25.
19. Sochaux : 22. 20. Ajaccio : 15.
Ona bien négociéle match aller.
Et de manière brillante. Il faut
maintenant finir le travail.
Quelles équipes souhaiteriezvous éviter en quarts ?
Barcelone, le Real Madrid et surtoutle BayernMunich.Elle fait partie des meilleures équipes européennes avec une génération de
joueurs très performants. Depuis
quatre-cinq ans, le Bayern est toujours présent dans le dernier carré.
Il a perdu deux finales [2010 et
2012]. Au regard de ce qu’il fait sur
la scène européenne, c’est un club
qu’il faudrait éviter, mais on ne
maîtrise pas le tirage au sort.
Ces équipes sont-elles actuellement au-dessus du PSG ?
Elles ont une histoire européenne beaucoup plus riche.
Le PSG peut-il remporter la
Ligue des champions cette saison ?
C’est vous, les médias, qui vous
emballez. Les dirigeants ont été
très clairs et sont venus à Paris
avec un projet ambitieux. Ils veulent remporter un jour cette Ligue
«J’espère que le club
permet au football
français d’être plus
“dans la gagne» sur la
scène européenne»
des champions. Quand ? Vous ne
pouvez pas fixer une date ou une
saison précise. Les dirigeants
savent que c’est très difficile de
remporter cette compétition. On
met parfois beaucoup de temps
pour la gagner. Je pense notamment à Chelsea [titré en 2012].
Devez-vous faire mieux que le
quart de finale en 2013 ?
Quand vous arrivez une fois en
8e de finale, une fois en quart ou en
2–0
1–0
1–2
0–3
0–1
2–1
2–2
3–2
2–1
0–1
dans les prochaines semaines ?
Je n’en sais rien. Pour l’instant,
ce n’est pas mon souci majeur. Je
sais dans quelles conditions je suis
arrivé. Je sais le contrat que j’ai
signé. Je m’en tiens à ça.
THOMAS SAMSON/AFP
demi, vous vous rapprochez. Faire
mieux, c’est gagner la Ligue des
champions. J’espère qu’on permet
au football français d’être plus
« dans la gagne» sur la scène européenne. Mais cela serait très prétentieux de penser qu’on puisse
faire changer la culture française
en si peu de temps. On est en
retard par rapport aux Espagnols,
aux Anglais et aux Allemands.
En Ligue 1, vous comptez
8 points d’avance sur Monaco.
Le championnat est-il plié ?
Le championnat n’est pas fini.
C’est du pragmatisme. Je n’ai pas à
êtreséduisantdans la communication. Il reste dix journées. Même
Paris est dans l’obligation de prendre des points, comme d’autres
clubs. Notre situation est plutôt
favorable, je ne le cache pas. C’est
difficile de conserver une concentration optimale dans cette atmosphère. Les gens du club lisent les
médias et l’être humain a toujours
tendance à se relâcher. Même moi.
Il faut donc toujours être exigeant.
La Ligue 1 est-elle dévaluée avec
cette configuration dans laquelle le PSG fait cavalier seul ?
J’inclus aussi Monaco dans ce
« cavalier seul », même s’ils sont à
huit points de nous. Ils font un parcours exceptionnel. Certains
disent qu’il ne faudrait pas un
championnat de France à deux
vitesses, alors que la Liga espagnole est à trois vitesses depuis 50 ans
et cela n’a pas empêché ses clubs
de gagner des Coupes d’Europe et à
la Roja de tout gagner. Alors oui, il
vaudraitmieuxqu’ilyaithuitéquipes avec des niveaux techniques,
physiqueset desmoyenséconomiques comparables en L1. Mais il n’y
a qu’en Angleterre où il y a cinq, six
clubsquisontdespuissancesfinancières à peu près égales.
Etes-vous satisfait de ce que
vous avez réalisé jusqu’à présent au PSG ?
Oui. Les observateurs disent que
n’importe quel entraîneur ferait
aussi bien sur le plan des résultats.
Certainement. On juge une bonne
saison par les titres. Jusqu’à présent, on n’a encore rien gagné.
Est-ce d’autant plus important
qu’un entraîneur français réussisse dans un club qui a des
visées continentales ?
Ondonne beaucoupplus de crédit aux entraîneurs étrangers.
Pourquoi? Jen’ensais rien.J’ail’impression que si on est un entraî-
neur étranger, qu’on entraîne un
grand club étranger et qu’on a un
petit accent, ça passe mieux. Il y a
de très bons entraîneurs français.
Mais on a l’impression que les
étrangers sont plus compétents.
Vivez-vous actuellement l’expérience la plus épanouissante de
votre carrière d’entraîneur ?
Oui. Ma carrière d’entraîneur
est très courte. On ne donne pas
leur chance aux jeunes entraîneurs dans ce métier. On préfère
prendre un entraîneur étranger
qui a de l’expérience. A Paris, je
suis très gâté. Mon groupe est très
professionnelet beaucoup de gens
sont jaloux. J’ai la chance d’être ici.
Ma venue a été très commentée
par les observateurs. Il n’empêche
que c’est moi qui suis ici.
Qu’avez-vous appris depuis que
vous êtes au PSG ?
La notion de groupe est devenue, à mes yeux, fondamentale
depuis mon passage à la tête de
l’équipe nationale [2010-2012]. Si
vous n’avez pas un bon groupe,
vous ne pouvez pas réussir.
L’entraîneur du FC Lorient Christian Gourcuff a déclaré que vous
déléguiez tout à vos adjoints.
Cela vous agace-t-il ?
J’ai beaucoup de respect pour
M. Gourcuff qui est certainement
unbon entraîneur.Mais il fautévoluer. J’ai connu l’entraîneurqui faisait tout : l’échauffement, la séance, les étirements, rangeait les
plots, mettait les piquets, les filets
et tondait presque la pelouse. Mais
c’était il y a trente ou trente-cinq
ans.
En quoi consiste le job d’entraîneur du PSG ?
A faire des séances, vous croyez?
Les séances d’entraînements,vousmême vous pouvez les faire. On a
deslivres,desCD,des courspourça.
L’entraînementproprementdit est
important mais cela varie selon le
cluboùonévolue.Quandonentraîne le PSG, on joue tous les trois
jours. On fait de l’entretien. J’estime que les adjoints peuvent aussi
le faire et être compétents dans ce
domaine. J’ai passé mes diplômes
d’entraîneur. M. Gourcuff a dû les
passer. Il les a passés il y a trente
ans. Il devrait les repasser maintenantets’apercevraitquelemétiera
évolué. Il y a de la communication
dans les cours pour devenir entraîneur.Il y a trenteans,il n’y avaitpas
de communication.
Votre contrat sera-t-il prolongé
Quelle serait la fin de saison idéale pour le PSG ?
C’est de continuer à jouer avec
l’étatd’espritqu’ona actuellement.
Si on continue à jouer comme cela,
il y aura forcément des satisfactions à la fin de la saison. Je prends
du plaisir au bord du terrain. Dans
le futur, plus le niveau va s’élever,
plus cela deviendra compliqué.
Maison a toujourscette lignedirectrice: mettre en difficulté l’adversaireen ayant plusle ballon que lui.
Quel regard portez-vous sur
l’équipe de France, à moins de
cent jours du Mondial ?
C’est bien qu’un club comme le
PSG, qui est la locomotive de la
Ligue 1, ait trois internationaux
français [Blaise Matuidi, Lucas
Digne, Yohan Cabaye]. C’est bon
signe. Je suis mal placé pour parler
de l’équipe nationale. Il faudra du
temps, de la patience, quelques
résultats. S’il y en a, ça ira peut-être
un peu plus vite. Certains joueurs
sont sur la fin. D’autres, très bons,
arrivent. On a tous du mal, vous
plus particulièrement, à oublier ce
qu’il s’est passé en 2010. p
Propos recueillis par
Rémi Dupré
n Sur Lemonde.fr
Lire l’intégralité de l’entretien.
Le XVde France,«finaliste» miraculeuxdes Six Nations
Jeux paralympiques
Rugby
La France poursuit sa moisson de médailles aux Jeux paralympiques qui se déroulent jusqu’au 16 mars à Sotchi. Lundi 10 février,
Marie Bochet a remporté sa deuxième médaille d’or en s’adjugeant le super-G. Après la descente, samedi 8 mars, la skieuse tricolore, âgée de 21 ans, a gagné l’épreuve en devançant une autre
française, Solène Jambaqué. Les deux athlètes portent à quatre le
nombre de médailles remportées par la France en trois jours de
compétition. La Savoyarde Marie Bochet, victime d’une atrophie
du bras gauche congénitale, est considérée comme le fer de lance
de la délégation française pour ces Jeux paralympiques. Elle reste favorite pour les trois disciplines dans lesquelles elle est encore engagée. p
Vainqueurs sur le fil des Ecossais (19-17), les Bleus peuvent gagner le tournoi s’ils battent l’Irlande
S
eule la victoire est belle, prétend le plus réaliste des dictons sportifs. La beauté est
pourtant définitivement absente
du succès (19-17) obtenu par les rugbymen français samedi 8 mars en
terre d’Ecosse, lors de la quatrième
journéedu Tournoides six nations.
Un succès qui peut se qualifier
d’inespéré, voire de miraculeux.
Dominateur mais maladroit, le
XV du Chardon, qui menait 14-9 à
la mi-temps, s’est senti volé à Murrayfield. En fait, il s’est puni tout
seul. D’abord en concédant un
contre qui a permis à Yoann Huget
d’inscrire le seul essai français
après une course de 80 mètres.
Puis en commettant dans les ultimes instants du match une faute
au sol offrant à Jean-Marc Doussain, face aux poteaux, de retourner le sort de la rencontre.
Ce résultat a suffi à faire le
contentement de Philippe SaintAndré même si le sélectionneur a
peiné à tirer des enseignements
positifs de la rencontre. Le premier
est rétrospectif: les Bleus ont enfin
renoué avec la victoire à l’extérieur, ce qui ne s’était plus produit
depuis juin 2012 en Argentine. Le
second est prospectif: «On ne peut
pas dire qu’on a été exceptionnels»,
a reconnu Philippe Saint-André,
avec son art consommé de la litote,
mais son équipe disputera tout de
même une «finale» face à l’Irlande
samedi 15 mars au Stade de France
afin de remporter le tournoi.
L’hypothèse paraît bien optimiste sachant que le XV du Trèfle,
offensifet séduisant, a corrigé l’Italie (46-7)samedi à Dublin en inscrivant sept essais. A l’occasion des
adieux de leur légendaire centre
Brian O’Driscoll, les Irlandais
paraissentidéalementplacés, avec
un point-average favorable de
81 points (contre trois pour la France), pour remporter ce trophée qui
leur échappe depuis 2009. Ils
auraient même pu viser le Grand
Chelem cet hiver sans une défaite
amère (10-13) face à l’Angleterre le
22 février à Twickenham.
Les joueurs de la Rose, avec une
différence de + 32, sont eux aussi
toujoursen lice,aprèsavoirbattule
pays de Galles, double tenant du
titre, dimanche à Twickenham
(29-18). Ils affronteront à Rome des
Italiens qui tenteront d’éviter la
cuillère en bois. Autant dire qu’un
sursaut français à Saint-Denis risque de faire le bonheur des Anglais.
Pas de « sinistrose »
Pour l’heure, Philippe SaintAndrérefuse de céder à la « sinistrose ». Après tout, ses hommes, comme les Irlandais et les Anglais, ont
obtenu « trois victoires [outre celle
contrel’Ecosse,unautresuccèsprovidentiel contre l’Angleterre
(26-24) et un, immanquable, face à
l’Italie (30-10)] sur quatre matchs
dans les Six Nations. » En 2013, ils
avaient enregistré à cette même
période trois défaites et un match
nul. « On va se préparer à faire un
grandmatchà domicile,a promisle
technicien. On est un peu comme
des montagnes russes, on monte et
puis on redescend, on se met la pression et on se fait peur tout seul. Avec
ça, on arrive quand même à gagner
des matchs internationaux.»
A Murrayfield, les Bleus avaient
à cœur de se racheter après leur
piteuse défaite du 21 février contre
le pays de Galles à Cardiff (6-27). A
dix-huit mois du Mondial anglais,
les sept changements apportés à la
formation de départ ont malheureusement creusé davantage les
doutes : jouant arrêtée, celle-ci a
été moribonde en touche et même
chahutée en mêlée. « La seule bonne chose, c’est qu’on a tenu, a
conclu Philippe Saint-André. On
gagne ce match et ça ne peut amenerquedu bonheuret de laconfiance. Ça va aider nos joueurs à se
lâcher complètement pendant
80 minutes au stade de France. On
l’avait fait contre l’Angleterre, on
est capable de le faire samedi.»
Comme on ne change pas une
équipe qui gagne, le groupe des
trente est pratiquement inchangé
fors les retours de deux joueurs du
Racing-Métro, le talonneur Dimitri Szarzewski et le troisième ligne
aile Bernard Le Roux, et la réhabilitation du troisième ligne centre de
Toulouse Louis Picamoles. p
Bruno Lesprit
Les skieusestricolores
s’offrentun doubléen super-G
Athlétisme Eloyse Lesueur, championne du monde
du saut en longueur en salle
Avec Eloyse Lesueur, sacrée championne du monde en salle du
saut en longueur, dimanche 9 mars, et les médailles de Pascal
Martinot-Lagarde et Garfield Darien sur le 60 m haies, l’équipe
de France a rempli sa mission lors des championnats du monde
en salle qui se sont achevés dimanche 9 mars à Sopot (Pologne).
Avec un bond à 6,85 m, la Française a pris la tête du concours lors
de son 4e essai. En 60 m haies, l’Américain Omo Osaghae a décroché le titre devant les deux représentants tricolores Pascal Martinot-Lagarde (7’’45) et Garfield Darien (7’’46).
Rallye Sébastien Ogier gagne le rallye du Mexique
Le Français Sébastien Ogier (Volkswagen Polo-R) a remporté,
dimanche 9 mars, le rallye du Mexique, la troisième manche du
championnat du monde des rallyes (WRC). Cette victoire lui permet de reprendre la tête du classement général.
16
0123
disparitions & carnet
Mardi 11 mars 2014
Cinéaste
Jean-Louis
Bertuccelli
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ont la joie d’annoncer la naissance de
Eugénie,
le 25 février 2014, à Paris.
3 juin 1942 Naissance à Paris
1970 « Remparts d’argile »
obtient le prix Jean Vigo
1976 « Docteur Françoise
Gailland »
1977 « L’Imprécateur »
5 mars 2014 Mort à Paris
sie (Gallimard, 1968). Ce beau film,
tournédansun village du Sud algérien, mais censé se passer en Tunisie, raconte l’histoire d’une jeune
fille, Rima, dont la tâche principale
consiste à aller chercher l’eau au
puits voisin. Un jour, les hommes
du village, qui presque tous travaillent dans la carrière de pierres
voisine, décident de se mettre en
grève pour demander une augmentation de salaire. Tandis que
des hommes en armes prennent
position, Rima décide d’enlever la
corde du puits afin que les soldats
ne puissent pas se désaltérer.
D’une grande et belle radicalité
– pas de dialogues, de très beaux
chants berbères qui rythment de
magnifiques images signées
Andreas Winding, un rythme
extrêmement lent –, Remparts
d’argile décrit une double révolte:
celle des ouvriers contre l’injustice, et celle, beaucoup plus intérieure et silencieuse, de Rima contre l’inexorabilité de la vie.
Grâce à Bertrand Tavernier, qui
étaitalors attaché de presse, le film
fut présenté à Cannes, à la Semaine de la critique. Prix Jean Vigo en
1970, Remparts d’argile reçut un
accueil critique très favorable et,
fait exceptionnel pour une œuvre
aussi difficile, représenta la France
aux Oscars en 1971. S’il se trouvait
un distributeur courageux pour le
ressortir en salles, on serait surpris
de constater à quel point ce film
entre en résonance avec la révolution tunisienne actuelle.
Engagement
Suivront trois films : Interdit
aux moins de 13 ans (1982), l’histoire d’un trentenaire qui n’en peut
plus devivre dans son HLM de banlieueet qui, un jour, décidede réaliser une sorte de braquage parfait ;
Stress (1984), un thriller joué par
Carole Laure, Guy Marchand et
André Dussollier ; et Aujourd’hui
peut-être(1990), qui permit,trentecinq ans après La Strada, de retrouver, pour la dernière fois, la grande
et rare Giulietta Masina.
Jean-Louis Bertuccelli disait
que « faire du cinéma c’est se prendre au sérieux comme le font les
enfants quand ils jouent ». Cinéaste engagé et attachant, il était le
père de la cinéaste Julie Bertuccelli, dont le nouveau film, La Cour de
Babel, sortira en salles mercredi
12mars. p
Franck Nouchi
survenu le mercredi des Cendres 5 mars
2014, à Nice, dans sa cent unième année.
Elle sera incinérée au crématorium
de Nice, le jeudi 13 mars, à 11 heures.
Une messe du souvenir aura lieu
ultérieurement à Paris.
M. Thierry PEYROUX
et Mme, née Chloé DAVEZAC,
L
née JAUFFRET,
ancienne résistante,
journaliste et enseignante,
°‰Çɾ÷º÷É˾• ²$ÁË÷¾¾Ký$¾•
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(ÉÍͶË÷(Kº÷É˾ &÷²$Á¾$¾
Naissances
Deuxansplustard,en 1972,JeanLouis Bertuccelli réalise Paulina 1880, adapté du roman de Pierre-Jean Jouve. Interprété par Olga
Karlatos, Maximilian Schell,
Michel Bouquet, Sami Frey, ce film
en costumes d’une grande beauté
entendait illustrer et dénoncer les
us et coutumes de la bonne société
milanaise de la seconde moitié du
XIXe siècle.
Avec On s’est trompé d’histoire
d’amour, en 1974, Bertuccelli réussit un jolifilm aux accentsféministes, coécrit et interprété par Coline
Serreau. Deux ans plus tard, il
connaîtra son plus grand succès
public :
Docteur
Françoise
Gailland, d’après Un cri, le roman
de Noëlle Loriot (Grasset), avec
Annie Girardot, François Perrier,
Jean-Pierre Cassel et Isabelle Huppert. L’histoire d’une femme,
médecin des hôpitaux, qui
apprend qu’elle est atteinte d’un
cancer du poumon. Opération,
guérison, retrouvailles familiales :
grand succès populaire. L’un des
rôlesles plusconnusd’AnnieGirardot, qui lui valut en 1977 le César de
la meilleure actrice.
En 1977, Jean-Louis Bertuccelli
s’attaque à forte partie en adaptant L’Imprécateur, le roman de
René-Victor Pilhes (Seuil), prix
Feminaen 1974.Pourraconterl’histoire de cet homme – l’imprécateur – qui sape les bases de la filiale
française d’une grande société
américaine, Jean-Louis Bertuccelli
fait appel à un casting ébouriffant : Jean Yanne, Michel Piccoli,
Jean-Pierre Marielle, Jean-Claude
Brialy, Michael Lonsdale, Marlène
Jobert, Christine Pascal… Au final,
les numéros d’acteur masquent
un peu la charge, très violente,
contre le pouvoir grandissant des
multinationales.
Reine DAUPHIN,
Ses cendres seront dispersées dans
la baie d’Alexandrie (Egypte) où elle est
née.
AU CARNET DU «MONDE»
e cinéaste français JeanLouis Bertuccelli est mort
dans la soirée du mercredi
5 mars, à Paris. Il avait 71 ans. On lui
doit sept longs métrages, parmi
lesquels Remparts d’argile, qui
obtint le prix Jean-Vigo en 1970.
Né d’un père italien et d’une
mère française le 3 juin 1942, JeanLouis Bertuccelli avait fait des études de cinéma à l’Ecole LouisLumière. De 1964 à 1966, il travaille au cinéma et à la télévision
en tant qu’ingénieur du son. Attiré
par la mise en scène, il tourne plusieurs courts-métrages : Jeanine
ou l’amour, La Mélodie du malheur, Oaxaca et Tricot.
En 1969, il réalise Rempartsd’argile, son premier long-métrage,
d’après Chebika, un livre de Jean
Duvignaud, alors interdit en Tuni-
ont l’infinie douleur de faire part du décès
de
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UNIFRANCE FILMS
Claudine Dauphin,
sa fille,
Les familles Roche, Dauphin, Lacau,
Sauvée, Fitterer, Moreau et Bouquet,
ses cousins,
Devant la Grande Bleue ou l’Atlantique
déchaîné, souvenez-vous d’elle qui aimait
tant la mer !
32, rue d’Alleray,
75015 Paris.
29, rue Verdi,
06000 Nice.
Charlotte Dinnematin-Dukat,
sa fille,
Dominique et Gilles Dinnematin,
sa sœur et son frère,
Lucie Dukat,
la maman de Charlotte
Et toute la famille,
ont le chagrin de faire part du décès de
Jacqueline et Stelio FARANDJIS
ont la joie d’annoncer la naissance
de leur deuxième arrière-petit-fils,
Lucien,
Seymour DINNEMATIN,
journaliste,
le mardi 4 mars 2014,
à l’âge de soixante-six ans.
petit frère de
Jules,
fils de
Émilie RICCIARDI et Antoine ROY.
Anniversaire de naissance
Dix-huit ans.
Charles,
On se recueillera en la chambre
funéraire de l’hôpital Sainte-Périne,
le mardi 11 mars, à 11 h 15, au 45, rue
Mirabeau, Paris 16e,
puis à 14 heures, au cimetière d’Epône
(Yvelines).
Cet avis tient lieu de faire-part.
bon anniversaire mon fils.
Charles, Mireille, Yasha, Diane, Irène
et leurs familles,
Le monde est à toi !
Maman.
Décès
Nous,
Yaël Fogiel,
Laetitia Gonzalez
Et toute l’équipe des Films du Poisson,
sommes terriblement tristes d’apprendre
le décès prématuré de
Jean-Louis BERTUCCELLI.
Grand réalisateur, magnifique personne,
merveilleux père, grand-père et ami,
Jean-Louis va nous manquer.
Pour Julie, Emma, Darius et Angèle,
ainsi que tous les proches, nos pensées
les plus chaleureuses.
Le préfet honoraire Pierre Breuil,
son époux,
Marc et Fumi Breuil,
Anne et François Guilbaud,
ses enfants,
Enzo, Hugo, Mathilde et Vincent,
ses petits-enfants,
Les familles Gratacap et Breuil,
ont la tristesse de faire part du rappel
à Dieu de
M Michèle BREUIL,
me
née GRATACAP,
professeur de Lettres classiques,
chevalier
dans l’ordre des Palmes académiques,
survenu le 8 mars 2014,
à l’âge de soixante-douze ans.
Les obsèques religieuses auront lieu
le mardi 11 mars, à 16 heures, en l’église
Saint-Salvy, à Albi (Tarn).
Priez pour elle !
Jacques et Gisèle Mahier,
Ses neveu et nièce
Et toute la famille,
ont la douleur de faire part du rappel
à Dieu du
colonel François CART,
officier de la Légion d’honneur,
médaille militaire,
croix de guerre,
déporté de la Résistance
à Dachau,
survenu le 6 mars 2014,
dans sa quatre-vingt-douzième année.
Les obsèques auront lieu le mercredi
12 mars, à 15 heures, en l’église SaintVincent, au Mesnil-le-Roi (Yvelines).
ont le regret de faire part de la disparition
de
Mme Lily DWEK,
née CHAMMAH,
le mardi 4 mars 2014.
L’inhumation a eu lieu le mercredi
5 mars, au cimetière du Montparnasse,
à Paris 14e.
Mme Denise Ganne,
son épouse,
Ses enfants
Et petits-enfants,
ont le regret de faire part du décès de
M. Pierre GANNE,
directeur honoraire de la BNPP,
survenu le 2 mars 2014,
dans sa quatre-vingt-dix-neuvième année.
L’inhumation a eu lieu dans le caveau
familial au cimetière de Crédin
(Morbihan).
Le médecin général inspecteur (2S)
Léon Garréta,
son époux,
Anne et Dominique Garréta,
ses enfants,
Adrian et Carol Anne,
ses petits-enfants
et leur maman, Virginia Vander Jagt,
Pierre et Marie-Reine Garréta,
son beau-frère et sa belle-sœur,
Les familles Garréta et Gavagnach,
Ses amis
Et ses proches,
Jean-Eugène GARTNER,
ingénieur des Arts et Manufactures
(ECP 1946),
géophysicien,
né le 3 juillet 1922,
est décédé le mardi 4 mars 2014.
De la part de
Alice Gartner-Leenhardt,
son épouse
depuis soixante-cinq ans,
Thierry et Marie-Noëlle Gartner,
Renaud Gartner,
Corine et Vincent Bouton,
Sylvie et Bruno Brau,
Agnès et Daniel Nicoloso,
ses enfants et leurs époux,
Cécile et Jérôme, Marion et Thomas,
Lucie et Florian,
Tiphaine et Johan, Yann et Mélanie,
Isabelle, Sandrine,
Anaïs, Eloïse, Basile,
Noémie,
ses petits-enfants,
Léonie, Clémence, Nathan,
Manon, Dalva,
ses arrière-petits-enfants.
Un culte de souvenir et d’espérance
a été célébré ce samedi 8 mars, à 16 heures,
au temple protestant, 13, rue de Maguelone,
à Montpellier.
« Chacun tient de Dieu
un don particulier »
(I Cor. 7.7)
Alice Gartner,
Fonfrège,
34980 Saint-Clément-de-Rivière.
[email protected]
Ses élèves
ont la tristesse de faire part du décès de
M. René GOURGON,
professeur des Universités,
praticien hospitalier,
survenu le 5 mars 2014.
Chef du service de cardiologie des
hôpitaux Bichat et Beaujon, à Paris et
à Clichy, professeur à l’université ParisDiderot, il fut un « Maître » de la
cardiologie, aimé et unanimement
respecté.
Sonia Henrich,
son épouse,
Sylviane Henrich et Jean-Pierre
Minella,
Véronique et Jean-Jacques Balteaux,
Eric Henrich et Isabelle Schlichting,
ses enfants,
Vanessa, Valentine et Colin,
ses petits-enfants,
Jeannette Schaff,
sa sœur,
ont la grande tristesse de faire part
du décès de
Gaston HENRICH,
ingénieur,
diplômé de l’Ecole nationale supérieure
de chimie de Mulhouse,
survenu le 5 mars 2014,
dans sa quatre-vingt-unième année.
Nos profonds remerciements pour leur
grande humanité, aux médecins, infirmières
et à tout le personnel du service
d’oncologie de l’hôpital Hautepierre de
Strasbourg.
3, rue de la Bruche,
67800 Bischheim.
Olivier et Urszula Lacolley,
son fils et sa belle-fille,
Azélie Lacolley,
sa petite-fille,
Marie-Christine Lacolley-Roca,
sa nièce,
Tous ses neveux et nièces,
Line Boyer,
son amie,
ont la grande tristesse d’annoncer le décès
de
Albert LACOLLEY,
née RENAUD,
pharmacien-biologiste,
le 6 mars 2014, à Paris.
Une messe sera célébrée le mardi
11 mars, à 10 h 30, en l’église SaintLambert-de-Vaugirard, Paris 15e.
L’inhumation aura lieu le même jour,
dans le caveau familial, à l’issue d’une
bénédiction en l’église de Villargoix
(Côte-d’Or), à 16 h 30.
13, rue François-Villon,
75015 Paris.
a la tristesse d’annoncer du décès du
docteur Jean LOSSERAND,
survenu le 5 mars 2014.
Sa présence créative et son engagement
analytique ont marqué ceux qui l’ont
rencontré.
Les membres de l’APF adressent
à sa famille et à ses proches leurs sincères
condoléances.
Edith et Daniel,
ses enfants
Et toute sa famille,
ont la tristesse d’annoncer le décès de
Roger PAYOT,
agrégé de philosophie,
survenu à Lyon, le 25 février 2014.
L’inhumation a eu lieu à Menglon
(Drôme), où repose son épouse,
Suzanne,
décédée le 3 décembre 2011.
87, rue du Général-Conrad,
67000 Strasbourg.
Arlette Quillet,
son épouse,
Renaud,
son fils,
Anne,
sa fille,
font part du décès de
Pierre QUILLET,
inspecteur d’Académie honoraire,
survenu le 7 mars 2014,
à l’âge de soixante-quinze ans.
Les obsèques civiles auront lieu
le mercredi 12 mars, à 15 heures,
au cimetière d’Albert où l’on se réunira.
Pas de plaques, que des fleurs
naturelles.
Des dons sont possibles à FRANCE
ADOT ou à la Ligue nationale contre le
cancer.
Arlette, Renaud et Anne Quillet,
105, rue de la Libération,
80300 Albert.
Anniversaire de décès
Le 11 mars 2012,
Maurice BERNARD,
quittait les siens.
Pour Aline, Dominique et Anne,
il est toujours présent.
Il aurait été heureux de connaître Hugo,
son arrière-petit-fils, né le 18 octobre
2013.
Selon sa volonté, son corps a été
incinéré au crématorium de Strasbourg,
dans l’intimité.
font part du rappel à Dieu de
Marcelle GARRÉTA,
L’Association psychanalytique
de France
ancien administrateur
de la France d’Outre-Mer,
ancien sous-préfet de Figeac, Saintes,
ancien préfet de la Creuse,
de la Charente, des Côtes-du-Nord
et de Seine-et-Marne,
officier de la Légion d’honneur,
commandeur du Faucon d’Islande,
survenu le 7 mars 2014,
dans sa quatre-vingt-dixième année.
La cérémonie religieuse sera célébrée
le mercredi 12 mars, à 15 heures,
en l’église Saint-François-Xavier, Paris 7e.
10, rue Laval,
92210 Saint-Cloud.
Hommage
Jean-Louis CLUSE,
agrégé de Lettres,
docteur de l’université Paris III,
nous a quittés le 1er mars 2014.
Il avait soixante ans.
Ses amis et ses collègues expriment leur
profonde tristesse et gardent son lumineux
souvenir.
« ...je m’en vais, ô mémoire !
à mon pas d’homme libre,
sans horde ni tribu,
parmi le chant des sabliers... »
Saint-John Perse.
Communications diverses
Autour de Claude Vigée
Grand Prix national de la Poésie 2013,
après-midi poétique,
samedi 15 mars 2014, à 15 heures,
Lecture poétique
Les poètes et la guerre,
avec Gabrielle Althen, Pierre Brunel,
Anne Mounic,
salle Las-Vergnas - Centre Censier,
13, rue de Santeuil, Paris 5e.
http://revuepeut-etre.fr
Institut universitaire Elie Wiesel,
Leçon, mercredi 12 mars 2014, à 19 h 30,
« L’invention de la religion juive », avec
Henri Atlan, professeur émérite aux
Universités de Paris et de Jérusalem.
Inscriptions sur :
www.instituteliewiesel.com
119, rue La Fayette, Paris 10e.
Tél. : 01 53 20 52 61.
0123
météo & jeux
Mardi 11 mars 2014
< -5°
0 à 5°
-5 à 0°
5 à 10°
Mardi 11 mars
Le printemps se poursuit
40 km/h
8 10
40 km/h
7 15
Caen
4 17
Dublin
Strasbourg
2 17
4 18
Nantes
Dijon
Poitiers
Limoges
3 15
4 17
1020
Lyon
0
4
101 16
1015
3 16
5 21
A
Montpellier
5 18
Nice
Marseille
6 18
8 17
7 17
Rosine
Coeff. de marée 38
Les conditions anticycloniques persisteront et
signeront sur le pays. Elles apporteront un
temps toujours sec et généralement bien
ensoleillé. On notera cependant de fréquents
brouillards le long des côtes de la Manche,
parfois longs à se dissiper. Enfin, un temps
lumineux mais voilé par moments,
prédominera sur le quart Sud-Est. Il fera
toujours très doux pour la saison, jusqu'à 21
degrés en Aquitaine.
Ajaccio
20 km/h
5 15
Lever 13h52
Coucher 04h15
Lever 07h11
Coucher 18h48
Aujourd’hui
Mercredi
3 16
3 14
6 16
6 17
3 16
4 18
4 21
6 18
8 19
5 16
Jours suivants
Jeudi
Nord-Ouest
Ile-de-France
Nord-Est
Sud-Ouest
Sud-Est
D
Bucarest
AIstanbul
Ankara
Séville
Rabat
Front froid
Occlusion
Thalweg
D
Athènes
Tunis
Tunis
Alger
Beyrouth
Tripoli
Tripoli
Le Caire
beautemps
cielcouvert
assezensoleillé
bienensoleillé
bienensoleillé
bienensoleillé
bienensoleillé
bienensoleillé
assezensoleillé
bienensoleillé
beautemps
bienensoleillé
bienensoleillé
faiblepluie
beautemps
averseséparses
beautemps
bienensoleillé
bienensoleillé
beautemps
beautemps
assezensoleillé
assezensoleillé
assezensoleillé
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5
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Riga
Rome
Sofia
Stockholm
Tallin
Tirana
Varsovie
Vienne
Vilnius
Zagreb
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1
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1
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Alger
assezensoleillé
Amman
bienensoleillé
Bangkok
bienensoleillé
Beyrouth
assezensoleillé
Brasilia
enpartieensoleillé
Buenos Aires beautemps
Dakar
bienensoleillé
Djakarta
pluiesorageuses
Dubai
assezensoleillé
Hongkong enpartieensoleillé
Jérusalem bienensoleillé
Kinshasa
pluiesorageuses
Le Caire
bienensoleillé
Mexico
beautemps
Montréal
cielcouvert
Nairobi
assezensoleillé
6
7
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12
9
1
16
17
13
34
20
25
26
19
30
29
20
16
28
22
24
3
29
Dans le monde
Jérusalem
New Delhi soleil,oragepossible
assezensoleillé
New York
assezensoleillé
Pékin
averseséparses
Pretoria
assezensoleillé
Rabat
Rio de Janeiro soleil,oragepossible
bienensoleillé
Séoul
Singapour assezensoleillé
bienensoleillé
Sydney
averseséparses
Téhéran
beautemps
Tokyo
assezensoleillé
Tunis
Washington enpartieensoleillé
Wellington beautemps
Outremer
Cayenne
Fort-de-Fr.
Nouméa
Papeete
Pte-à-Pitre
St-Denis
soleil,oragepossible
bienensoleillé
averseséparses
pluiesorageuses
bienensoleillé
soleil,oragepossible
16 26
4 9
1 17
16 19
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-2 10
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10 20
15 19
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Météorologue en direct
au 0899 700 713
1,34 € l’appel + 0,34 € la minute
7 jours/7 de 6h30-18h
Vendredi Samedi
4
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“Connaître les religions
pour comprendre le monde”
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21
CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX
Motscroisés n˚14-059
2
Odessa
Sofia
Rome
Dépression
Front chaud
Amsterdam
Athènes
Barcelone
Belgrade
Berlin
Berne
Bruxelles
Budapest
Bucarest
Copenhague
Dublin
Edimbourg
Helsinki
Istanbul
Kiev
La Valette
Lisbonne
Ljubljana
Londres
Luxembourg
Madrid
Moscou
Nicosie
Oslo
Prague
Reykjavik
Les jeux
1
Anticyclone
En Europe
9 19
Zagreb
Belgrade
DBarcelone
Kiev
Budapest
Espagne Grande douceur toujours d’actualité : 22 degrés à Séville
Perpignan
Températures à l’aube 1 22 l’après-midi
Munich Vienne
Barcelone
Madrid
Bordeaux
8 16
1025 Berne
Lisbonne
Lisbonne
Grenoble
Toulouse
Copenhague
Bruxelles
Paris
-3 13
Moscou
Amsterdam Berlin
Varsovie
Prague
1030
Londres
Chamonix
St-Pétersbourg
Riga
Milan
T
Clermont-Ferrand
Helsinki
Minsk
3 16
5 17
Biarritz
A
1035
Besançon
D
3 17
6 18
20 km/h
Edimbourg
Metz
1005
Orléans
6 18
Mater l’échec
Oslo
Stockholm
35
10
5 18
p a r R ena ud Ma cha r t
1025
1010
Reykjavik
5
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3
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7
z
Découvre
notre
nouvelle
formule
Sudoku n˚14-059
8
9
Solution du n˚14-058
TF 1
Série. Double foyer. Avec Mimie Mathy, Delphine
Rollin, Laurent Olmedo (France, 2013, audio.).
22.55 New York unité spéciale.
Série. Non avoué U. La fin ne justifie pas... V
(S9, ép. 16 et 5/19) ; Meurtre dans un jardin
(saison 1, 8/22) U. Avec Christopher Meloni.
1.25 Au Field de la nuit.
Invités : Catherine Hermary-Vieille, Vladimir
Fédorovski, Gavin’s Clemente-Ruiz... (70 min).
II
III
IV
FRANCE 2
V
20.45 Rizzoli & Isles.
VI
Série. Ce qui ne nous tue pas (S3, 1/15, inédit) ;
L’Apprenti. Le Retour du chirurgien (saison 1,
épisodes 1 et 8/10) U. Avec Angie Harmon.
23.05 Mots croisés. La droite forte ?
0.30 Mortelle randonnée pp
Film Claude Miller. Avec Michel Serrault,
Isabelle Adjani (France, 1983, 105 min) U.
VII
VIII
IX
I. Font le ménage bien à fond dans
le fond des pavillons. II. Fait saillie
au coude. Chez les Grecs.
III. Instrument de force.
Arrangement peu apprécié sous
la Coupole. IV. Un début de
catastrophe. Tronc du système
artériel. Possessif. V. Sensibles
aux gros tirages. VI. Belle Hellène.
Equipai l’équidé. VII. Accueil
en grande pompe. Personnel.
VIII. Quelqu’un qui restera
anonyme. Bien dégager au
sommet. IX. Limité par l’horizon.
Donnera son avis et son
approbation. X. Engagées
à remplir et respecter ses devoirs.
Solution du n° 14 - 058
Horizontalement
I. Définissable. II. Emerisée. Ait.
III. Carré. Nicher. IV. Oc. Elança.
Dé. V. Nias. Vahinés. VI. Vampée.
Emeri. VII. Etienne. An.
VIII. Nièce. Génial. IX. Uo. Têtes.
ESO. X. Enns. Artisan.
Lundi 10 mars
20.55 Joséphine, ange gardien.
I
Horizontalement
A
ujourd’hui, ce n’est plus
l’Agence France-Presse qui
annonce les nouvelles les
plus brûlantes, mais Twitter. Et
c’est par l’entremise du compte
de Gilles Jacob, président du Festival de Cannes, que fut propagée,
dimanche 9 mars peu après 9 heures, celle de la mort de Gerard Mortier : « Le Belge Gerard Mortier,
grand directeur d’opéra anticonformiste et novateur, dans la
lignée de Rolf Liebermann et d’Hugues Gall, est mort. »
(M. Jacob a cependant tort de
comparer les deux fils spirituels
de Liebermann, qui se détestaient
et ne se ressemblaient en rien.)
Au cours de la matinée, une
série de réactions officielles
furent relayées par les réseaux
sociaux, mais rien aux JT de
13 heures et 20 heures de France 2,
alors que, dès son journal dominical de la mi-journée, Claire Chazal, qu’on a si souvent vue aux
premières d’opéra, rappelait en
quelques mots la singularité de
l’ancien directeur de l’Opéra de
Paris.
A 15 heures, i-Télé et BFM-TV
commençaient timidement à
annoncer la mort de Gerard Mortier par un simple bandeau déroulant au bas de l’écran, mais seule
LCI consacrait quelques images
commentées à cette nouvelle.
Arte, qui a si souvent diffusé les
productions de Gerard Mortier
(au Festival de Salzbourg et
ailleurs), n’a pas annoncé d’hommage. Mais son écran Internet
(concert.arte.tv/fr/) tenait à disposition deux spectacles enregistrés
au Teatro Real de Madrid, que
Gerard Mortier avait contribué à
remettre sur l’échiquier des établissements lyriques européens
Les soirées télé
10 1 1 12
FRANCE 3
Loto
X
Verticalement
1. Réponse qui n’engage pas
vraiment. 2. Cubitus. On en parle
beaucoup sans les voir. 3. Fîtes de
nouveau. 4. A donné Le Nom de la
rose. Sorti des brancards. 5. Rendis
plus attrayant. Personnel. 6. Brille
au-dessus des Pyramides. A mis
quatre temps dans nos moteurs.
Club phocéen. 7. Peu visible
quand elle est sympathique.
Scorpion d’eau. 8. Licencié à la fin.
Pour un petit bain. Soutient la
quille. 9. Perdent tout contrôle.
10. Sudiste. Patron. Base de départ.
11. Aspect. Difficile à avaler.
12. Rétribueras.
Philippe Dupuis
Verticalement
1. Déconvenue. 2. Emaciation.
3. Fer. Amie. 4. Irrespects. 5. Niel.
Enée. 6. Is. Aven. Ta. 7. Senna. Eger.
8. Seiche. Est. 9. Caïman.
10. Bah. Nénies. 11. Lieder. Asa.
12. Etrésillon.
20.45 Leçons de vie.
Dépasser son handicap. Documentaire.
Andrea Rawlins (France, 2014, audio.).
22.35 Météo, Soir 3.
23.45 La Case de l’oncle doc.
Cendrillon en route pour Versailles (55 min).
Résultats du tirage du samedi 8 mars.
6, 15, 35, 40, 46 ; numéro chance : 7.
Rapports :
5 bons numéros et numéro chance : pas de gagnant ;
5 bons numéros : 81 435,40 ¤ ;
4 bons numéros : 1 422,00 ¤ ;
3 bons numéros : 14,10 ¤ ;
2 bons numéros : 6,30 ¤.
Numéro chance : grilles à 2 ¤ remboursées.
CANAL +
20.55 Spécial investigation.
Patrimoine: la face cachée des 1 000 merveilles
du monde. Magazine.
22.30 Les Nouveaux Explorateurs.
Le Monde du globe-cooker. Documentaire.
0.05 L’Œil de Links. Best of (25 min).
Joker : 8 968 593.
FRANCE 5
0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA
Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).
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6 16
5 15
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Fax : 01-57-28-39-26
Toulouse
(Occitane Imprimerie)
Montpellier (« Midi Libre »)
20.35 Un village français.
Série. La Planque. Si j’étais libre (S3, 3 et 4/12).
Avec Fabrizio Rongione, Audrey Fleurot.
22.20 C dans l’air. Magazine.
23.45 Entrée libre. Magazine (20 min).
ARTE
20.50 Spécial femmes engagées.
La Leçon de piano ppp Film Jane Campion.
Avec Holly Hunter, Harvey Keitel (Fr. - Austr., 1992).
22.45 Amateur p Film Hal Hartley. Avec
Isabelle Huppert, Martin Donovan (EU, 1994).
0.30 La Lucarne - Mekong Hotel
Film Apichatpong Weerasethakul (60 min).
M6
20.50 Top chef.
Episode 8. Télé-réalité (saison 5).
23.50 Norbert et Jean: le défi (120 min).
qui comptent, en dépit des féroces coupes budgétaires imposées
par l’Etat espagnol : Brokeback
Mountain, un opéra du compositeur américain Charles Wuorinen
d’après la nouvelle d’Annie
Proulx (1997, qui a donné lieu en
2005 à une fameuse adaptation
cinématographique, Le Secret de
Brokeback Mountain, signée Ang
Lee), et la mise en scène d’Alceste,
de Gluck, par Krzysztof Warlikowski, l’un des metteurs en scène de théâtre que Gerard Mortier
fit régulièrement venir secouer le
cocotier de la scène lyrique.
Gerard Mortier
avait l’art
du rebrousse-poil
Car Mortier, dont l’urbaine douceur n’avait d’égal que la coruscante violence de ses p(rop)ositions, avait l’art du rebroussepoil : décadrer (voire violenter) un
classique favori ou présenter un
ouvrage qui ne soit pas dans l’esprit musical du temps.
Ainsi, Brokeback Mountain est
conçu dans un langage musical
des années 1970, dissonant et grisailleux, mais Mortier défendait
cette musique comme il défendait les esthétiques si différentes
de Philip Glass ou du compositeur belge Philippe Boesmans,
qu’il soutint – avec raison – pendant plus de trente ans.
Mais, ainsi que le rappelle le
site Internet d’Arte Journal, Mortier ne craignait pas l’échec de ses
choix et chérissait comme un
talisman la maxime de Samuel
Beckett: « Echouez, échouez à nouveau, mais échouez mieux. » p
Mardi 11 mars
TF 1
20.55 Person of Interest.
Série. Room Service. Seule contre tous
(saison 2, ép. 15 et 16/22, inédit) U ; Gestion
des risques (S1, 16/23) U. Avec Jim Caviezel.
23.30 Following.
Série (S1, ép. 13 à 15/15, inédit, 150 min) W.
FRANCE 2
20.45 Aventures de médecine.
Au cœur de l’homme. Magazine.
22.50 Infrarouge -
Hôpital : attention, fragile ! (Fr., 2014).
0.15 Soignés d’office. Documentaire (65 min) U.
FRANCE 3
20.45 Richelieu,
la pourpre et le sang.
Téléfilm. Henri Helman. Avec Jacques Perrin,
Pierre Boulanger (France, 2013, audiovision).
22.25 Météo, Soir 3.
23.30 Les Carnets de Julie. Magazine.
0.25 Libre court. Magazine (60 min).
CANAL +
20.55 La Chasse
Film Thomas Vinterberg. Avec Mads Mikkelsen,
Thomas Bo Larsen (Danemark, 2012) V.
22.50 The Master pp
Film Paul Thomas Anderson. Avec Joaquin Phoenix,
Philip Seymour Hoffman (EU, 2012, 130 min) U.
FRANCE 5
20.35 Le Monde en face.
Mes questions sur... Le Désir féminin (2013) U.
21.30 Débat. Avec Catherine Solano, Brigitte Lahaie.
21.45 Crèmes anti-âge :
coup de jeune ou coup de bluff ?
22.35 C dans l’air. Magazine.
23.50 Entrée libre. Magazine (20 min).
ARTE
20.50 Histoire.
Ellis Island, une histoire du rêve américain.
Documentaire. Michaël Prazan (France, 2013).
22.35 Forbidden Voices.
Les Voix interdites. Documentaire (Sui., 2012).
0.10 Bahreïn, plongée dans un pays interdit.
Documentaire. Stéphanie Lamorré (55 min).
M6
20.50 Indiana Jones
et le royaume du crâne de cristal p
Film Steven Spielberg. Avec Harrison Ford,
Cate Blanchett (Etats-Unis, 2008, audio.) U.
23.05 Sahara
Film Breck Eisner. Avec Matthew McConaughey,
Penélope Cruz (EU - Esp., 2005, 135 min) U.
18
décryptages
0123
Mardi 11 mars 2014
Malgré l’impopularité du gouvernement et les divisions à droite, les risques
d’alternance sont faibles. Mais la mixité sociale des villes peut y contribuer
Municipales: quels basculements?
A
proportion d’habitations à loyer modéré
pour un élu de gauche, par exemple), et si
sa gestion politique de la campagne (dissidence, alliances électorales, etc.) et ses performances économiques (création d’emplois) ou financières (qualité de la gestion
municipale) sont satisfaisantes.
Loin de s’opposer, il apparaît cependant que ces deux approches sont au
contraire complémentairesafin de mieux
circonscrire la dynamique électorale fran-
çaise au plan municipal. C’est le choix que
mescollèguesRichardNadeau, BrunoJérôme et moi-même avons effectué dans le
cadre d’une étude menée sur les communes françaisesde plus de 30 000 habitants
(soit 236 villes).
Depuis 1965, la gauche a réalisé ses
meilleures performances électorales
en 1977 et 2008 (respectivement 160 et
140 villes gagnées). Sans surprise, ces
deux grands succès confirment la thèse
du scrutin référendaire local : les électeurs
ont sanctionné la droite au pouvoir et
inversementpour les victoires de la droite
en 1983 et 2001 (soit 111 et 126 villes remportées), lorsque la gauche gouvernait.
Dans l’ensemble, il est possible de définir une trajectoire politique pour chacune
de ces 236 villes en distinguant les villes
stables des villes instables électoralement. Depuis 1983, la gauche (PS, PC,
Verts)et la droite(UMP, RPR, UDF)ont gouverné sans interruption respectivement
75 et 54 des plus grandes villes de France,
c’est-à-dire que près de 55 % des agglomérations de plus de 30 000 habitants n’ont
pas connu d’alternance politique depuis
plus d’un quart de siècle. A l’inverse, seule
une soixantaine de villes a connu des
changements de majorité répétés durant
la même période. Comment expliquer de
tels phénomènes ?
Trois familles d’explication issues de la
sociologie électorale s’imposent dans le
cas français. En premier lieu, la structure
sociodémographique des villes constitue
un puissant marqueur de stabilité politi-
Dunkerque
5 6 8 Roubaix
47
Boulogne-sur-Mer
Valenciennes
Liévin 3 2
Maubeuge
Arras
1
Dieppe
St-Quentin
Amiens
Charleville-Mézières
Cherbourg-Octeville
Rouen Beauvais Compiègne
Le Havre
Thionville
9
Reims
10 11 Creil
VILLES DE GAUCHE
Metz
Caen
Soissons
Evreux
Haguenau
DANS LA DURÉÉ
Saint-Malo
Nancy
Vandœuvre-lès-Nancy
Saint-Brieuc
Dreux
Strasbourg
Stable
Paris
Saint-Dizier
Brest
Alençon
Rennes
Quasi stable
Troyes
Epinal
Chartres
Colmar
Quimper
Instable
Orléans
Laval
Le Mans
Mulhouse
Auxerre
Belfort
Vannes
Angers
Lorient
Tours
Blois
Montbeliard
VILLES DE DROITE
Nantes
Saint-Nazaire
Vierzon
Dijon
Saumur
Besançon
DANS LA DURÉE
Nevers
Saint-Herblain
Cholet Joué-lès-Tours
Rézé
Stable
Châtellerault
Bourges
Châlon-sur-Saône
Le Creusot
Quasi stable
Châteauroux
La Roche-sur-Yon
Mâcon
Instable
Poitiers
Montluçon
Bourg-en-Bresse
Roanne
La Rochelle
Niort
Vichy
14
Limoges
18
Annecy
13
16
Lyon
19
1-Cambrai ; 2-Douai ;
Angoulême
St-Chamond
17
Chambéry
Clermont3-Lens ; 4-Lille ;
15 12
Antibes
Ferrand
Saint-MartinPérigueux
Saint-Etienne
Grenoble
5-Marcq-en-Barœul ; 6-Tourcoing ;
Cagnes-sur-Mer
d’Hères
Bordeaux
Romans-sur-Isère
7-Villeneuve d’Ascq ; 8-Wattrelos ;
Cannes
Brive-la-Gaillarde
Echirolles
Mérignac
9-Le Grand-Quevilly ; 10-Saint-EtienneValence
Grasse
Talence
Aurillac
de-Rouvray ; 11-Sotteville-lès-Rouen ;
Pessac
Montélimar
Gap
Le Cannet
12- Bron ; 13-Caluire-et-Cuire ;
Agen
Fréjus
14-Rilleux-la-Pape ; 15-Saint-Priest ;
Avignon
Alès
Albi
Nice
Mont-de-Marsan
16-Vaux-en-Velin ; 17-Vénissieux ;
Salon
de
Provence
Nîmes
Montauban
18-Villefranche-sur-Saône ; 19-Villeurbanne
Bayonne
Montpellier
Aix-en-Pr.
Istres
Toulouse
Marignane
Anglet
Béziers
Bastia
Castres
Arles
Pau
Aubagne
Carcassonne
Sète Martigues
Hyères
Tarbes
Narbonne
Marseille
Ajaccio
Perpignan
La Seyne-sur-Mer
Toulon
Calais
SOURCE : MARTIAL FOUCAULT
STABILITÉ OU INSTABILITÉS DES VILLES DE PLUS
DE 30 000 HABITANTS ENTRE LES ÉLECTIONS
MUNICIPALES DE 1983 ET 2008
(Hors Ile-de-France)
RAPPORT DE FORCE GAUCHE/DROITE
En nombre de villes gagnées
Gauche
1965
J. Chirac
CONCURRENCE DES LISTES DISSIDENTES
Nombre de villes où le maire sortant est concurrencé
par une liste dissidente au 1er tour
Couleur politique de la ville
N. Sarkozy
Droite,
centre
et FN
et alliés
F. Mitterrand
180
160
140
120
100
80
60
V. Giscard d’Estaing
locaux, les formes de mobilisation durant
la campagne et l’analyse des résultats, ont
longtemps détourné les chercheurs de la
prise en compte de la dynamique des élections municipales sur le temps long et les
interactions entre enjeux nationaux et
locaux.
Deux traditions intellectuelles s’opposent à ce sujet. La première stipule que les
élections locales sont des élections de
second ordre : des scrutins moins importants aux yeux des partis, des électeurs et
des médias, que les élections nationales.
Les municipales seraient caractérisées par
un taux de participation plus faible et par
l’expression d’un vote de protestation à
l’endroit du gouvernement national.
Selon une acception stricte de ce concept,
le résultat de telles élections dépendrait
pour l’essentiel de la conjoncture nationale. Un président impopulaire provoquera
la défaite de nombreux candidats se présentantsousl’étiquette dela majoritégouvernementale.Dans cecas de figure,le destin des élus locaux serait largement tributaire de la conjoncture nationale.
Une deuxième approche avance que
les facteurs locaux, à la fois structurels et
conjoncturels, permettent aux candidats
d’échapperaux tendancesnationales. Cette approche théorique distingue les facteurs de long terme (commel’appartenance sociale ou l’orientation idéologique) et
les facteurs de court terme (comme l’image des candidats ou la performance de
l’économie) pesant sur les choix électoraux.
Dit autrement, selon cette approche,
un maire de la même couleur politique
qu’un président impopulaire résistera
d’autant mieux à une vague électorale
nationale défavorable qu’il est implanté
dans une municipalité avec une sociologie favorable (ouvrière ou avec une forte
DR
G. Pompidou
Un président impopulaire
provoquera la défaite
de nombreux candidats
se présentant sous
l’étiquette de la majorité
gouvernementale
Martial Foucault
Professeur des universités à Sciences Po Paris
et directeur du Cevipof (CNRS).
Ses travaux de recherche portent sur le comportement
électoral, le vote économique et l’économie politique.
Il a publié en 2012 « Le Vote des Français de Mitterrand
à Sarkozy » (Presses de Sciences Po)
et publiera en septembre, aux Presses de Sciences Po,
« Villes de gauche, villes de droite »
(avec Richard Nadeau, Bruno Jérôme
et Véronique Jérôme-Speziari)
C. de Gaulle
deux semaines du premier
tourdes électionsmunicipales, partis politiques et électeurs peinent à se mobiliser
pour ce premier rendezvous électoral depuis la victoire du Parti socialiste à la présidentielle
de 2012. De par cette situation calendaire,
les élections municipales de mars bénéficient du statut d’élections intermédiaires
et interviennent comme des élections de
mi-mandat, c’est-à-dire comme des référendums locaux sur l’action du gouvernement.
Au regard de la très faible popularité
actuellede l’exécutif(17 % d’opinionsfavorables dans le dernier baromètre TNS
Sofres), les résultats attendus au soir du
30 mars permettront d’y voir plus clair
sur la capacité de la gauche municipale à
contrecarrer l’impopularité gouvernementale. La situation est-elle pour autant
plus favorable à droite ? Avec 31 % d’opinions en sa faveur, le principal parti d’opposition a une popularité à peine supérieure à celle du PS (29 %) et semble souffrir de l’instabilité de son leadership et des
divisions internes.
Malgré cette défiance exprimée à
l’égard des partis majoritaires et le relatif
désintérêt à l’égard des prochaines municipales, elles demeurent un moment
incontournable de la vie politique du fait
de leur statut particulier dans le cœur des
Français. Ainsi le conseil municipal reste
l’institution à laquelle les électeurs accordent leur confiance la plus élevée (62 %),
selon le baromètre de la confiance politique du Cevipof paru en janvier, loin
devant le gouvernement (25 %) et l’Union
européenne (32 %). Cette prédisposition
favorable envers l’institution municipale
interroge donc les ressorts de la décision
électorale locale.
Les paradigmes dominants en science
politique de l’étude de telles élections, en
se focalisant sur l’émergence d’enjeux
46
5
71
77
83
89
95
01
2008
Gauche
8
1983
10 17
1989
Droite
60
68
21
16
1995
52
2001
2008
Les trente villes qui peuvent virer à droite
LA TRAJECTOIRE POLITIQUE des villes
françaises depuis 1983 permet de tirer
quelques leçons sur les résultats à attendre du scrutin de mars. L’exercice de prévision électorale étant un art délicat en
sciences sociales, il est important de préciser que prédire une victoire ou une défaite
parmi les 236 villes de plus de 30 000habitants requiert quelques explications
méthodologiques et précautions d’usage.
Ainsi, les projections pour le second
tour s’appuient sur un modèle statistique
où le vote est expliqué par des facteurs
nationaux et locaux. A partir de l’estimation de ce modèle statistique, il ressort
qu’une trentaine de villes sont susceptibles de basculer à droite. Avec un gain de
30 villes, la droite se retrouverait dans
une situation comparable à celle de 2001
lorsqu’elle gouvernait 126 municipalités.
Parmi ces gains, les villes de Périgueux,
Anglet, Narbonne, Brive, Metz, Toulouse,
Caen, Saint-Etienne, Asnières et Poissy
présentent de fortes chances de basculement, ce qui constituerait en quelque sorte un retour à une forme de normalité
politique pour ces villes historiquement
ancrées à droite depuis 1983. Les chances
de victoire de la droite paraissent également élevées à Ajaccio, Montbéliard,
Vandœuvre-lès-Nancy, Salon-de-Provence, La Seyne-sur-Mer et Saint-Chamond.
Plus symbolique serait la victoire de la
droite dans des villes traditionnellement
enracinées à gauche. Parmi elles, Pau,
Charleville-Mézières et Belfort figurent
en bonne place pour basculer dans le
giron de l’UMP. Dans les communes
d’Aubagne et Romans-sur-Isère où les
deux maires sortants PS se représentent,
la forte probabilité d’une triangulaire
avec le Front national rend l’issue du scru-
tin un peu plus complexe pour la droite.
A défaut de vague bleue, un rééquilibrage droite-gauche est donc à attendre pour
ces élections. Si Paris, Lyon, Lille, Dijon
ont très peu de chances de basculer à droite, les villes de Nice et Bordeaux et même
Marseille devraient voir leurs maires sortants UMP réélus. Alors que les
années1980 et 1990 opposaient des maires avec des politiques municipales bien
identifiées à droite ou à gauche, aujourd’hui peu de différences existent dans la
conduite des affaires locales. C’est pourquoi la notoriété des candidats, la force
du FN et le mécontentement actuel affiché à l’endroit du président de la République et de son premier ministre sont susceptibles d’être les facteurs-clés de cette
élection municipale, finalement passionnante dans la perspective d’un nouveau
réalignement local. p
que. A l’image des travaux pionniers de
géographie électorale d’André Siegfried, il
existe toujours une corrélation entre les
structuressocialeslocales et les comportements des électeurs. Très clairement, la
stabilité des villes de gauche est assurée
parune structuresociologiqueprincipalement composée d’ouvriers, employés et
sans-emploi et inversement pour la stabilitédes villesde droite.Enrevanche,lesformes de mixité catégorie socioprofessionnelle favorisent nettement les alternances municipales.
En deuxième lieu, le bilan économique
du maire peut servir de guide dans la décision électorale. S’il n’existe pas d’indicateurs de perception par les électeurs des
finances locales, les choix budgétaires et
fiscaux opérés par les municipalités ont
des conséquences directes sur la décision
de vote.
Lesvilles les plus sainesfinancièrement
doublées d’une faible pression fiscale
(Courbevoie, Neuilly-sur-Seine ou encore
Alençon) garantissent ainsi une stabilité à
gauche et une très forte stabilité à droite. A
l’inverse, les villes présentant un endettement par habitant élevé (telles que La Ciotat, Angoulême, Salon-de-Provence, Avignon) sont plus exposées à l’instabilité
électorale.Ce résultatsuggère queles équipes municipales sont responsables aux
yeux des électeurs et que ceux-ci punissent ou récompensent ces dernières en
fonction de leur qualité de gestionnaire.
En dernier lieu, les configurations politiques locales peuvent également venir
perturber la dynamique électorale de ces
Le verdict des urnes
contribuera à modifier
la dynamique de la
politique nationale
jusqu’à la prochaine
élection présidentielle
villespar laprésencede candidaturesdissidentes ou de triangulaires au second tour.
Alors qu’en 1983, on observait seulement
13 cas de listes dissidentes (8 à droite), ce
chiffre atteignait 128 en 2001 et 73 en 2008
(52 à droite). L’interventionde plus en plus
fréquente des partis politiques dans la
désignation des candidats aux élections
municipales, phénomène amplifié par les
lois de décentralisation, a créé des tensions organisationnelles dans la vie des
fédérations locales et a provoqué des candidatures dissidentes.
Mesurédepuis 1983,l’effet des dissidences à droite représente en moyenne une
perte de 5 points de pourcentage des voix
au premier tour et 2,5 points pour une dissidence de gauche. Enfin, la montée en
puissance du Front national au plan local,
malgré sa très faible implantation
(59 conseillers municipaux en 2008), a
multiplié le nombre de triangulaires avec
un pic en 1995 (101 cas). Si le FN est en
mesure de rééditer sa performance de
1995 où il avait recueilli 12 % des suffrages
dans les villes de plus de 30 000 habitants, un tel scénario impliquerait un
grand nombre de triangulaires très défavorables à la droite (perte de 8,5 % en
moyenne) et dans une proportion bien
moindre à la gauche (perte de 2,5 % en
moyenne).
Les élections municipales de mars
représentent un véritable enjeu politique
en ce sens que le verdict des urnes contribueraà modifier la dynamiquede la politique nationale jusqu’à la prochaine élection présidentielle, sous la forme d’un
remaniement ministériel et d’une révision éventuelle de la coalition gouvernementale actuelle.
L’impopularité de François Hollande
pourrait se traduire par un soutien accru
pour l’UMP qui reste handicapée par la
capacité de nuisance du FN. A l’exception
de la centaine de villes stables à droite
comme à gauche, dont on peut prédire
sans grandrisque le maintien de la majorité sortante, les villes les plus instables risquent d’être le théâtre d’un référendum
de la politique nationale et d’aboutir à une
sanction de l’exécutif national même si
les urnes restent locales. p
0123
19
analyses
Mardi 11 mars 2014
Francophonie : la France fait-elle cavalier seul ?
ANALYSE
par Martine Jacot
Service Développement éditorial
Q
ualifiée de « belle et grande cause »
par François Hollande, la francophonie ne mobilise guère les foules dans
l’Hexagone, contrairement à la plupart des autres pays concernés.Et il y
a fort à parier que le 20 mars, Journée internationale de la francophonie instaurée en 1998, ne fera pas exception. L’intérêt
pour cet espace linguistique a toutefois semblé
croîtreauvu deschiffressur sonenvergureà travers le monde, et des projections annonçant sa
formidable expansion en Afrique.
« La francophonie, c’est 220 millions de locuteurs. Mais à terme, dans trente ans, il y en aura
plus de 700millions. C’est un enjeu considérable,
à la fois pour la culture mais aussi pour l’économie et pour la politique », a répété M. Hollande
lors de ses vœux aucorps diplomatique,mi-janvier. L’Organisation internationale de la francophonie (OIF), l’entité qui regroupe 57 Etats ou
gouvernements « ayant en commun l’usage du
français », anticipe que l’Afrique, où vivent
actuellement environ la moitié des francophones du monde, en rassemblera environ 85% en
2050. A trois conditions, sujettes à aléas.
La première est que ce continent garde ses
taux de natalité élevés – ils risquent de s’infléchir en raison de la croissance des classes
moyennes dans de nombreux pays. La deuxième est que la scolarisation y progresse à grands
pas. Or le système éducatif public est défaillant
dans beaucoup de cas. Il faudra ensuite que le
français soit consolidé – au Sénégal seul un tiers
de la population le parle – et demeure une langue enseignée. Ce n’est plus le cas au Rwanda,
qui a abandonné le français en 2011, du primaire
à l’université, au profit de l’anglais.
Le français régresse en Europe et dans toutes
les organisations internationales où il est langue officielle, mais son avenir se jouera en Afrique, où il est en concurrence avec les langues
locales, avec l’anglais et aussi l’arabe, via les écoles coraniques. La France, fortement engagée
militairement au Mali et en République centrafricaine, vient de prendre différentes initiatives
qui se voudraient en pointe sur plusieurs plans.
Ministre déléguée à la francophonie, Yamina
Benguigui a organisé, début mars à Kinshasa, le
deuxième Forum mondial des femmes francophones, qui a rassemblé un millier d’entre elles,
en majorité africaines. Dans cette même capitale de la République démocratique du Congo
(RDC), M. Hollande avait pourtant ostensiblement boudé, lors du sommet de la francophonie de 2012, son homologue Joseph Kabila – propulsé au pouvoir en 2001, puis élu à l’issue de
scrutins contestés –, en raison du peu de cas
LE GRAND RENDEZ-VOUS EUROPE 1 « LE MONDE » - I-TÉLÉ
Claude Bartolone:
«La justice doit passer
pour M. Sarkozy»
Nicolas Sarkozy, c’est l’ennemi
public numéro un de la gauche ?
Non.Non,parcequel’ami numéro un de la gauche, c’est la justice,
et elle doit pouvoir faire son travail. Quel que soit le rôle, quel que
soit le rang que l’on peut avoir
dans la société française, il faut
que la justice passe. Pour M. Sarkozy, ancien président de la République, comme pour tout le monde.
Donc, on peut écouter un ancien
président de la République, on
peut écouter des avocats. Les
avocats s’en émeuvent.
En l’occurrence,les textes le prévoient. L’article 100 de procédure
pénale prévoit que s’il doit y avoir
à un moment donné un avocat
écouté, il faut simplement prévenir le bâtonnier. Donc après, il faut
voir si la justice a fonctionné. Mais
ce n’est pas interdit par nos textes,
et je crois qu’il faut que la justice
triomphe.
Est-ce que ça vous étonne toutes ces affaires autour de Nicolas Sarkozy ?
Elles n’ont rien à voir. Pour le
moment, c’est comme dans un
tableau de pointillisme, on regarde les différentes taches, et ça finit
par faire, quand on prend un peu
de distance, un paysage. Mais l’affaire Buisson, ce n’est quand
même pas de la même nature, elle
vient montrer ce qu’ont été les
dérives que l’on a pu constater au
cours du précédent quinquennat.
A propos des soupçons de surfacturation à l’UMP, Jean-François Copé propose plus de transparence au sein des partis. Il va
déposer a priori deux propositions de loi. Vous y êtes favorable ? Vous les soutiendrez ?
Je ne comprends même pas ce
qu’est cette carte de défausse
jouéepar M. Copé, parcequ’en l’occurrence,pourles comptesdes partis politiques,la transparenceexiste. (…)
On voit bien que M. Copé se
retrouve avec un caillou dans sa
chaussure, pour ne pas dire un
euro. Mais, ce n’est pas le problème de la République. Nous avons
des lois qui ont permis à tous les
partis politiques d’installer la
transparence sur leurs financementsetsur leurs campagnesélectorales. On voit bien que M. Copé
essaie de trouver un truc. Le truc
en l’occurrence pour rétablir la
confiance avec les Français, c’est la
loi. Il y a une loi sur la transparence
qui donne des résultats, qui est
reconnue par tous. Donc qu’il n’essaie pas de réinventer des choses
qui sont déjà aujourd’hui existantes.
A propos du pacte de responsabilité vous avez dit : « Ce sera un
nouveau temps, une nouvelle
donne. » Est-ce que cela signifie
que c’est ce pacte de responsabilité qui peut ouvrir la deuxième
partie du quinquennat, avec une
autre équipe gouvernementale ?
En l’occurrence, en termes de
proposition, en termes de manière d’agir pour pouvoir remuscler
l’appareil de production et faire
rentrer la France dans le XXIe siècle
d’une manière solide, je crois que
c’est une nouvelle étape, et elle est
extrêmement importante.
Donc, elle doit être incarnée ?
Dans le cadre du quinquennat,
cette idée est surtout incarnée par
le président de la République.
Faut-il changer les contours de
la majorité ou garder les écologistes au gouvernement malgré
les couacs ?
Je crois à cette alliance entre
EuropeEcologie-Les Vertset le Parti socialiste.
Je vais être encore plus clair : je
souhaiterais que l’on soit même
en mesure d’avoir le même candidat au moment de la prochaine
élection présidentielle. p
qu’il faisait des principes démocratiques et des
droits de l’homme. Force est de constater que,
depuis ce sommet, seuls des progrès de façade
ont été enregistrés à ces chapitres.
Lors de ce forum, Mme Benguigui a annoncé la
création d’un fonds pour la scolarisation des
filles jusqu’à 16 ans. « Je veux pouvoir imposer
par la francophonie ce droit-là, a-t-elle déclaré,
pour contribuer à faire tomber de fait les mariages précoces et les mutilations sexuelles. »
« Quand une fille est allée à l’école jusqu’à 16 ans,
a-t-elle estimé, elle ne prendra pas son couteau
tranchant pour exciser sa propre fille ou sa nièce
parce qu’elle saura que cela n’est ni dans l’islam
ni dans les autres textes religieux, et que ce n’est
qu’une coutume qui a perduré.»
Financements en baisse
La scolarisation pour tous au primaire est un
objectif auquel travaillent des organisations
multilatérales comme l’Unesco ou le Partenariat mondial pour l’éducation, mais la ministre
souhaite « trouver des moyens supplémentaires» auprès des Etats francophones et des partenaires privés afin de jouer « un rôle d’accélérateur ». L’Agence française pour le développement a déjà engagé, depuis 2012, plus de
700 millions d’euros dans des programmes de
scolarisation.
L’autre initiative que s’apprête à lancer
Mme Benguigui est, elle, financée à hauteur de
3,95 millions par la France : baptisée
onde.fr
www.lem
Votre supplément
« Frankenvirus » :
l’expérience de la discorde
Alors que deux équipes tentent de rendre plus facilement
transmissibles entre mammifères des virus mortels de grippe aviaire,
certains chercheurs n’ont pas de mots assez durs pour dénoncer ces
travaux jugés trop risqués.
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Le Grand Rendez-Vous
avec « Le Monde »
est diffusé
chaque dimanche
de 10 heures
à 11 heures
sur Europe 1
et i-Télé
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Propos recueillis par
Michaël Darmon,
Alexandre Kara
et Vanessa Schneider
président
de l’Assemblée nationale
« 100 000formateurs pour l’Afrique», elle vise
à fournir une formation à distance, via Internet,
aux élèves instituteurs ou professeurs dans 8
pays d’Afrique. Cette initiative concurrence un
programme lancé en 2008 par l’OIF de formation des maîtres à distance (Ifadem) auprès de
10pays francophones, avec de bons résultats.
La France chercherait-elle à faire dorénavant
plutôt cavalier seul en matière de francophonie? Sa contribution volontaire à l’OIF, destinée
à financer ce type de programmes,a diminué de
moitié en trois ans, passant de 21 millions en
2011 à 10 millions cette année.
D’une manière générale, Paris a réduit ses
financements aux opérateurs de la francophonie, parmi lesquels la dynamique Agence universitaire de la francophonie – 776 établissements à travers le monde –, pionnière dans les
formations à distance diplômantes. La subvention de la France au réseau privé des Alliances
françaises (au nombre de 812 dans 135 pays) a
baissé de 15 % en trois ans. Les établissements
scolaires français à l’étranger (481 dans 131 pays)
ont, eux, perdu 416 millions d’euros en 2014.
« La langue française n’appartient pas à la
France », répète à l’envi François Hollande. Dès
lors, s’allier pour des actions communes avec
d’autres contributeurs de la francophonie
moins endettés (Canada, Québec, Belgique et
Suisse) pourrait faire sens. p
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enquête
Mardi 11 mars 2014
Chezles
«chemisesrouges»
Des « chemises rouges » : Duanchit Mang Lokha
(à gauche), Supot Kengam,
Deng Noppawan et Chaineuk Phokachang
(de haut en bas).
Thaïlande
Bruno Philip
Région de l’Isan (Thaïlande)
Envoyé spécial
A
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Chiang Mai
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THAÏLANDE
Isan
kong
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Bangkok, ils pensent que les
gens du nord-est de la
Thaïlande sont des imbéciles », énonce d’un ton égal
Chaineuk
Phokachang,
74 ans, en se penchant sur la
tableoù un néon jette une flaquede lumière crue. «Mais, poursuit l’homme, même si
nous sommes pauvres et pas aussi bien
lotis que les habitants de la plaine centrale
et de la capitale, nous représentons une force.Voyez: l’armée n’ose même plus faire de
coupsd’Etat,carils saventquenous,les“chemises rouges” qui défendons le gouvernement, n’avons pas peur des tanks…»
Cette conversation s’est tenue en
février au milieu de la cour de la maison
d’un village thaïlandaisnommé Na Ke, luimêmesituédans larégionde l’Isan(«nordest » en thaï) qui regroupe une vingtaine
deprovincesà l’identitésingulièrepar rapport à Bangkok et au reste d’un pays comparableà laFrancepar satailleet sa population.
L’homme, comme tous les villageois
qui l’entourent ce soir-là, appartient au
mouvement dit des « chemises rouges ».
Ils sont partisans de l’ancien premier
ministre déchu Thaksin Shinawatra, renversé par les militaires en 2006. Ce regroupement hétérogène et traversé de courants parfois contradictoires dont la couleur n’est pas celle du communisme –
même si d’anciens guérilleros du défunt
Parti communiste thaï peuplent parfois
ses rangs – a éclos après le putsch pour exiger le retour de l’idole écartée.
Ces activistes paysans vêtus de pourpre
soutiennent bien sûr du même élan l’actuelle première ministre Yingluck, sœur
de Thaksin, élue en 2011 et qui fait face
depuis trois mois à une fronde interminable. Ses adversaires s’efforcent de l’acculer
à la démission, en l’accusant de diriger un
régime corrompu et d’être manipulée par
Thaksin le grand frère, en exil à Dubaï
depuis 2008 pour échapper à une peine de
deux ans de prison pour corruption et
abus de pouvoir.
«Thaksin, c’est un génie, poursuit Chaineuk Phokachang le retraité. Jamais dans
l’histoire de la Thaïlande un premier ministre avait tenu les promesses faites aux plus
pauvres…» La réaction des paysans de l’Isan et leur soutien quasi aveugle pour
Thaksin et sa sœur illustrent la fracture
Ilsvivent dansl’Isan, loin deBangkok. Leurhéros?L’ancien premier
ministre Thaksin Shinawatra, renversé en2006. Leur combat?
Soutenir sasœur, actuelle chef dugouvernement contestée
Bangkok
CAMBODGE
Mer
d’Andaman
100 km
Golfe
de
Thaïlande
MALAISIE
sociale et identitaire d’un pays en plein
marasme. La situation politique actuelle
dessine en effet la carte d’un royaume profondément divisé entre nord et nord-est
d’un côté et le sud, le centre et Bangkok, de
l’autre, entre classes aisées et classes inférieures, entre le monde urbain et rural.
C’est donc ici, loin de Bangkok et tout
proche du Laos voisin, que l’on trouve des
éléments d’explication à l’impasse politique actuelle.Ce Nord-Est plus déshéritéest
comme le reflet inversé de l’image renvoyée par l’opulente Bangkok et de tous
ceux qui ont profité du « miracle » économique des années 1980. Car, dans cet Isan
auxterresacidesetauxrendementsagricoles plus faibles, la modernité est souvent
une façade. Quand on s’enfonce dans les
routes secondaires, que l’on pénètre dans
des bourgs éloignés, on y sent comme un
air de sous-développement…
A Na Ke, Supot Kengam, 55 ans, chante
elle aussi les louanges de Thaksin l’exilé en
détaillant les mesures prises quand il était
aux affaires: «Il nous a permis de nous faire soigner pour une somme maximale de
30 bahts [moins d’un euro], couvrant les
frais médicaux ou d’hospitalisation. Avant,
les pauvres devaient attendre et emprunter
pour aller à l’hôpital. Thaksin a aussi accordé des subventions d’un million de bahts
par village pour aider à leur développement. On n’avait jamais vu ça…»
Qu’importe, en fait, pour les paysans
que Thaksin fut un capitaliste à l’idéologie
des plus néolibérales et que son gouvernement fut marqué par la corruption et le
népotisme : ce que l’on retient ici de son
passage au pouvoir (2001- 2006), c’est le
souvenir d’un politique qui a augmenté le
niveau de vie local. Tout se passe comme si
cet ancien policier devenu milliardaire
après avoir créé un empire dans le secteur
des télécoms avait redonné une sorte de
dignité à ces fermiers qui jamais, naguère,
n’auraient osé relever la tête pour faire
entendreleur voixfaceauxélitestraditionnelles: palais royal, armée, grandes entreprises liées à l’establishment.
Quand on sait que le gouvernement
alloue 70 % de son budget à Bangkok et ses
environstandisqueleNord-Est,quiregroupe un tiers des soixante-dix millions de
Thaïlandais, n’en recueille que 6 %, on a
une idée des déséquilibres… Selon la Banque mondiale, durant les années où l’ancien premier ministre était au pouvoir, les
revenus des ménages en Isan firent un bon
de46 %. Ce qui n’est pas rien quandon songe au contexte d’inégalité des plus criants
quiprévautdansle pays: selon des chiffres
datant de 2010 publiés par des spécialistes
des questions sociopolitiques thaïes, en
Thaïlande,on évalueque le différentieldes
salaires entre les 5 % les plus riches et les
5 % les plus pauvres est de dix…
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es manifestants de Bangkok, promonarchistesinvétérés,activistesvenus
des provinces plus riches du sud du
pays, épaulés par les classes moyennes et
supérieures, affichent souvent avec hauteur leur supériorité à l’égard de ces paysans du Nord-Est, qu’ils traitent parfois de
«buffles »…
Cette attitude trouve ses racines dans
l’histoire particulière de l’Isan: à partir du
XIIIe siècle, une grande partie de la région
appartenait au royaume du Laos. Au début
du XIXe, les soldats du royaume de Siam –
l’anciennom de la Thaïlande – mirent à sac
la capitale laotienne, Vientiane, et se livrèrent à des déplacements forcés de population d’ethnie lao dans ce qui est aujour-
d’hui le Nord-Est thaïlandais. Rien de bien
étonnant alors que, pour beaucoup de
représentants de l’élite de la capitale, les
gens de l’Isan soient considérés comme
des « Laos ». C’est-à-dire des « ploucs »
même s’ils sont bouddhistes, comme eux,
etparlentundialecteappartenantaugroupe des langues thaïes, mais très proche de
la langue lao…
Réaction de Sanong Kemuang, 58ans,
profession « homme à tout faire », comme
il le dit lui-même, et habitant d’Akat
Annuay, un autre village « rouge » de
523 âmes de l’Isan : « Oui, les gens de Bangkok disent de nous que nous sommes des
Beaucoup
de représentants de l’élite
de la capitale considèrent
les gens de l’Isan
comme des «Laos».
C’est-à-dire des «ploucs»
Laotiens, et cela nous fait beaucoup de mal
car ils pensent aussi que les Laotiens sont
fainéants et stupides.» Il ajoute, approuvé
par les autres villageois assis autour de lui :
« En fait, on se sent beaucoup plus proches
des Laotiens, car les Laotiens sont comme
nous, généreux et hospitaliers.»
Pour couronner le tout, les autorités
thaïlandaises se sont efforcées, depuis le
début du XXe siècle, de nier les identités
locales au motif d’imposer le principe
d’une « thaïtude » forgée selon des critères
de Bangkok et du pouvoir royal au nom de
l’unité nationale. Un paradoxe que relève
l’historienaméricain David Streckfuss, qui
réside à Khon Kaen, une des plus grandes
villes de l’Isan : « Nombre d’habitants de la
région ont développé un sens complexe de
leur identité. Ils ont été simultanément niés
ethniquement et marginalisés socialement. Au point qu’ils ont fini par se sentir
considérés comme des citoyens de seconde
zone, qu’ils n’osaient plus afficher leur
culture.Tandisque,del’autrecôtédelafrontière formée par le Mékong, [les “cousins”
laotiens] devenus les “protégés” des Français durant la colonisation pouvaient se
AGNÉS DHERBEYS POUR « LE MONDE »
comporter à loisir comme des “Laos” [au
sens ethnique du terme]. Le mouvement
des “chemises rouges” a ainsi permis aux
gens du Nord-Est thaïlandais de revendiquer leur culture de l’Isan»…
L’«hommeà toutfaire» duvillage« rouge » plaisante-t-il d’ailleurs tout à fait
quand il lâche, déchaînant des rires dans
l’assistance:«Ici,onn’a paseuaccèsàl’éducation, on n’a pas fini nos études, tout est
trop centralisé à Bangkok. Mais, aujourd’hui, ce sont les gens de l’Isan qui vont faire
changer la Thaïlande, et si ça ne leur plaît
pas
aux
manifestants
[antigouvernementaux de Bangkok], on
est prêts à se séparer du reste du pays.»
Lacriseen coursaurait-ellesemélesgermes d’un mouvement indépendantiste
dans ces terres du Nord-Est ? Sans doute
pas. Mais que cette crise ait creusé le fossé
entre les gens de l’Isan et la capitale, c’est
l’évidence.EcoutonsDeng Noppawan,professeure d’histoire dans un collège de
Khon Kaen et accessoirement présentatrice d’un talk-show d’une radio « rouge » de
la ville. La façon dont cette dame d’une cinquantaine d’années résume la perception
par les gens de Bangkok de leurs compatriotes de l’Isan est significative de l’état
d’espritdebeaucoupdans la région: «Pour
les Bangkokiens, les gens de l’Isan sont bons
dans trois professions : ouvriers, serviteurs
et prostituées…»
De fait, la crise actuelle est la prolongation d’une confrontation qui n’en finit
pas : en 2010, les « chemises rouges »
avaient occupé elles aussi Bangkok, pour
exiger le retour de leur héros exilé. Un
mouvement réprimé dans le sang par l’arméesousl’égided’un précédentgouvernement, « anti-Thaksin » celui-là. Plus de
90personnes avaient été tuées.
Aujourd’hui, alors qu’aucune issue
n’est en vue, déjà 22 personnes sont mortes et 700 ont été blessées en quatre mois
de conflit larvé. Désormais, même si les
manifestants ont quitté les grands carrefoursde Bangkok,qu’ilsoccupaientdepuis
la mi-janvier, et si l’on assiste ces derniers
jours à un certain retour au calme, une
guerre civile, tant redoutée mais jamais
vraiment envisagée, commence à hanter
les esprits. Et, puisque rien n’est réglé et
que la fronde antigouvernementale continue, la colère gronde toujours chez les
« chemises rouges» de l’Isan et des provinces du Nord, elles aussi « rouges » : « Si les
[riches et les élites] de Bangkok ne veulent
plus de nous, qu’ils nous laissent nous gouverner nous-mêmes!», renchérit la professeure Deng Noppawan. p
0123
0123
Mardi 11 mars 2014
L’AIR DU MONDE | CHRONIQUE
pa r S y l v i e K a u f f m a n n
Les grains de sable de Poutine
S
REMARQUABLE
TACTICIEN,
VLADIMIR
POUTINE,
DANS SES
CALCULS,
N’AVAIT PAS
PRÉVU
LES GENS
amedi soir 8mars, les hommes en treillis
qui gardent Maïdan, la place de l’Indépendance à Kiev, ont eu un visiteur inattendu :
Mikhaïl Khodorkovski. L’ancien patron de
Youkos, l’oligarque milliardaire russe devenu prisonnier de Poutine, libéré le 20 décembre 2013
après dix ans de camp, est de passage dans la
capitale ukrainienne. Il a choisi l’exil, à Berlin et
en Suisse, et a sagement déclaré au lendemain de
sa libération surprise qu’il n’avait pas l’intention
de faire de politique ; tout au plus, a-t-il promis,
se battrait-il pour les droits des prisonniers. Quoi
de plus naturel alors, par les temps qui courent,
qu’un week-end à Kiev ?
Peut-être Ukrainiens et Russes n’ont-ils pas
tout à fait la même conception de la politique
que nous. Mais lorsque l’on s’appelle Mikhaïl
Khodorkovski, que l’on choisit l’Institut polytechnique de Kiev comme lieu de sa première
intervention publique, le 10 mars, et que cette
intervention a pour thème «Libertés et droits de
l’homme », on peut s’imaginer que ces choix ne
passeront pas tout à fait inaperçus au Kremlin.
Et que ce petit détour par Maïdan, cet hommage
rendu aux morts de février, cette fraternisation
au coin du brasero avec les anciens de l’Afghanistan qui lui demandent des autographes, ces poi-
A nos lecteurs
«Le Monde» innove
L
De Twitter en YouTube
Le professeur Zoubov affirme avoir reçu de
nombreux messages de soutien depuis la publication de son article. Pas du Kremlin, en tout cas,
puisqu’il a appris assez vite qu’il était limogé de
son poste. Aux dernières nouvelles cependant, il
a été réintégré dans ses fonctions.
Toujours à Moscou, où le pouvoir pensait
avoir réduit au silence l’opposant Alexeï Navalny en l’assignant à résidence et en le privant
d’Internet, sa femme a décidé de prendre le
relais. « A partir d’aujourd’hui, c’est moi, Ioulia
Navalnaïa, qui tiens ce compte, a-t-elle annoncé
sur le compte Twitter de son mari. Et je passe
tout d’un coup à un demi-million de followers ! »
Et donc, bravant l’interdiction, @Navalny tweete, aux bons soins de Navalnaïa. C’est tout bête,
il fallait juste y penser.
Il y a aussi des grains de sable en Ukraine.
Beaucoup. Ceux, par exemple, qui refusent de se
prêter au schéma simpliste « Ouest contre Est »,
«fascistes » contre russophiles. Ainsi, Andréi
Sadovyi, maire de Lviv, la ville la plus rebelle, la
plus nationaliste de l’ouest ukrainien, a enregistré le 2 mars sur YouTube un appel en russe, à ses
compatriotes de Crimée et de l’est du pays. Un
appel vibrant, passionné, à l’unité du pays. «Battons-nous ensemble dans notre diversité, linguistique, culturelle, historique, pour vaincre la corruption et bâtir ensemble une Ukraine démocratique, implore-t-il. Nous avons perdu trop de
temps depuis l’indépendance. Et cela, ce n’est ni
Washington ni Bruxelles ni Moscou qui le feront,
c’est à nous de le faire. »
Ou ceux, comme le colonel Youli Manchour,
qui a pris la tête, le 4 mars, d’une colonne de quelque 200 hommes de sa garnison de Belbek, à Loubimovka en Crimée. A pied, sans armes, ces militaires ukrainiens ont décidé de récupérer leur
base aérienne occupée par les troupes russes,
leurs fusils pointés sur eux, histoire de sauver
un minimum d’honneur. Ou la première
médaillée ukrainienne des jeux paralympiques
de Sotchi, Olena Iourkovska. Arrivée derrière
une Russe en ski assis, épreuve de biathlon, elle a
dédié sa médaille à «l’indépendance de l’Ukraine ». Parfois, avec des grains de sable, on arrive à
faire une montagne. p
[email protected]
Jean Jaurès
L’interactivité et le décryptage sont renforcés
e Monde a depuis trois ans
investi dans le renouvellement de son offre éditoriale
avec le souci constant d’enrichir
ses contenus, sur le papier et sur le
numérique, pour s’adapter aux
nouveaux usages et offrir une
gammetoujoursplus large de journalisme de haute qualité.
En 2014, Le Monde poursuit cette dynamique et accélère sa transformation numérique, avec une
réorganisation bimédia de l’ensemble de la rédaction et la relance
globalede ses offres. Notre priorité
est d’accroître le contrat de
confiance avec le lecteur en amplifiant ce qui fait le cœur de notre
identité et notre force : une information toujours plus ambitieuse,
rigoureuse, riche et pédagogique,
en phase avec les rythmes et les
besoins du lecteur.
Le Monde a ainsi lancé, lundi
10 mars, deux innovations majeures sur Lemonde.fr. Une nouvelle
« chaîne », Les Décodeurs (Lemonde.fr/lesdecodeurs),est disponible
sur Internet fixe, mobile et tablette, et accessible depuis les réseaux
sociaux. Elle offre un décryptage
de l’actualité,des vérificationsd’informations, leur contextualisation et du « datajournalisme» (utilisation des données au service de
l’information), avec des mises en
scènes fortes. L’équipe des Décodeurs, à l’effectif renforcé, se veut
à l’écoute des curiosités des lecteurs.
Elle regroupe notamment deux
datajournalistes, deux infographistes et un social media editor,
chargé de la diffusion sur les
réseaux sociaux. Les Décodeurs
offrent des contenus suivant plusieurs temporalités : une grande
réactivité pour suivre en temps
réel déroulé de l’actualité, en utilisant le format le plus adapté, tex-
gnées de main chaleureuses immortalisées par
des photos qui font le tour d’Internet, tout cela
est éminemment politique.
Ce sont des grains de sable comme celui-ci qui
révèlent toute la fragilité du scénario lancé par le
président russe pour ne pas perdre l’Ukraine.
Remarquable tacticien, Vladimir Poutine a monté un brillant stratagème, des soldats russes qui
n’en sont pas mais qui prennent le contrôle de la
Crimée, un gouvernement fantoche local qui
appelle à l’aide, un président renversé et exfiltré
en Russie qui produit une lettre de demande d’intervention le 1er mars après avoir dit la veille qu’il
était contre toute intervention militaire, un
Conseil de sécurité à l’ONU impuissant à agir
puisque la Russie en fait partie, des autobus de
manifestants transportés dans les régions russophones pour y semer la division… Tout est en place. La libération de Khodorkovski elle-même,
comme celle des Pussy Riots, avait été calculée
pour ne pas polluer les Jeux de Sotchi.
Mais Vladimir Poutine, dans ses calculs,
n’avait pas prévu les gens. Les gens, les êtres
humains. Et voilà que le célèbre prisonnier,
après moins de trois mois d’exil doré, prend
l’avion pour Kiev. C’est le pire cauchemar de
M.Poutine : le soutien des démocrates russes
aux révolutionnaires ukrainiens. Il ne s’est pas
encore réalisé, tant s’en faut, mais ce genre de
grains de sable peut gripper la machine.
Comme ce professeur Zoubov, un autre grain
de sable. Andreï Borissovitch Zoubov, historien,
enseigne la philosophie au prestigieux MGIMO,
l’Institut d’Etat des relations internationales à
Moscou. Un intellectuel respectable et respecté.
Il a 62 ans, l’œil bleu profond et des rouflaquettes grises qui paraissent tout droit sortis du Docteur Jivago. Lorsqu’il a appris l’opération en Crimée, le sang du professeur Zoubov n’a fait qu’un
tour. Il a écrit une tribune comparant le plan de
Poutine en Crimée à l’annexion de l’Autriche,
des Sudètes et du territoire de Memel par Hitler
en 1938-1939 et l’a envoyée au quotidien Vedomosti, à Moscou, qui l’a aussitôt mise en ligne.
« Je voulais dire la vérité et ramener les Russes à
la raison, a-t-il expliqué plus tard à Radio Free
Europe. Et je voulais montrer aux Ukrainiens que
tout le monde en Russie ne partage pas l’opinion
de Poutine. Il existe une autre Russie. C’était mon
devoir de citoyen russe. »
te, infographie, cartographie,
vidéo explicative ; et un temps
plus long, celui de l’enquête et du
datajournalisme. Les Décodeurs
ont vocation à enrichir l’offre
numérique ainsi que le journal
quotidien et M le magazine.
Le Monde lance également sur
son site « Les fils de discussion »,
un nouvel espace de débats et de
dialogues animé par les journalistes spécialisés de la rédaction.
Complémentaires des formats
d’échanges à succès que sont les
lives, chats et commentaires, les
fils de discussion répondent à
notre volontéd’amplifierles possibilités de dialogue en ligne entre la
rédaction et les lecteurs. « Les fils
de discussion » permettent un
approfondissement des grands
sujets d’actualité dans un espace
de dialogue unique. Ils offrent un
espace au design épuré facilitant
le suivi des échanges, les interventions de la rédaction et la sélection
des contributions les plus pertinentes des internautes. Ce format
repose sur une technologie innovante qui rend accessible à tous la
participation aux débats avec les
équipes du Monde.
Un prophète socialiste
4 millions de « socionautes »
Lemonde.fr,premiermédiad’information en France, fédère la plus
importante communauté de
« socionautes » avec 4 millions de
personnes sur Twitter, Facebook et
Google+.Nosprojetsvisentàintensifier l’interactivité dans des formats adaptés à la mutation des
modesdeconsommationdel’information. Ils font partie d’une stratégie de relance éditoriale déclinée
en plusieurs étapes cette année. Le
Monde se fixe comme ambition
d’être le premier média d’information francophone global. p
La direction des rédactions
Société éditrice du « Monde » SA
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Secrétaire générale du groupe Catherine Joly
Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget
Conseil de surveillance Pierre Bergé, président. Gilles van Kote, vice-président
pTirage du Monde daté dimanche 9 - lundi 10 mars 2014 :
378 052 exemplaires.
Figure essentielle de l’histoire de la gauche et fondateur du socialisme moderne, Jean Jaurès fut
un des premiers « indignés ». Tribun, écrivain, philosophe, journaliste, mais aussi député, militant
politique, théoricien, cet homme engagé, républicain jusqu’au plus profond de l’âme, combattit toute
sa vie l’hypocrisie sociale, l’injustice économique et la guerre… Pourtant, aujourd’hui, même une
partie de la droite et de l’extrême droite tentent de se l’approprier. Comme si, au-delà des clivages
idéologiques, Jaurès appartenait désormais à notre patrimoine.
« Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? », chantait Brel. A l’occasion du centième anniversaire de son
assassinat, qui annonçait la tragédie de 14-18, Le Monde cherche à répondre à cette question…
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opération d’achat ou vente peut entraîner d’importantes variations du cours des sociétés. Les caractéristiques principales du fonds Amundi Actions PME sont mentionnées dans sa documentation juridique, disponible
sur le site de l’AMF et le site amundi.com ou sur simple demande au siège social de la société de gestion. La documentation juridique vous est remise avant toute souscription à un fonds. Ce fonds est géré par Amundi.
Investir implique des risques : les valeurs des parts ou actions des OPCVM sont soumises aux fluctuations du marché, les investissements réalisés peuvent donc varier tant à la baisse qu’à la hausse. Il appartient à toute personne intéressée par les OPCVM, préalablement à toute
souscription, de s’assurer de la compatibilité de cette souscription avec les lois dont elle relève ainsi que des conséquences fiscales d’un tel investissement. Le traitement fiscal dépend de la situation individuelle de chacun et est susceptible d’être modifié ultérieurement. Les
informations contenues dans le présent document sont réputées exactes à mars 2014. Amundi, Société anonyme au capital de 596 262 615 € - Société de gestion de portefeuille agréée par l’AMF n° GP 04000036 – Siège social : 90 boulevard Pasteur, 75015 Paris. |
Mardi 11 mars 2014
SFR: le coup de pouce de Niel à Bouygues
t Pour racheter SFR
et donner des gages
à l’Autorité de la
concurrence,
Bouygues a conclu
un accord avec Free
pour lui céder son
réseau
t Les associations
de consommateurs
redoutent une
hausse des prix
t Martin Bouygues
explique que la
fusion avec SFR est
«un projet pour la
France »
LES ÉTATS-UNIS
ENVISAGENT
D’ADOPTER
LA CARTE
DE PAIEMENT
À PUCE
LIRE PAGE 5
Les dessous de
l’incroyable
bataille de
la bentonite
perdue
par Imerys
LIRE PAGES 4, 5 ET 10
Xavier Niel, fondateur de Free,
et Martin Bouygues, patron
du groupe du même nom.
LIRE PAGE 6
LIONEL BONAVENTURE /AFP ET FRANCOIS MORI/ AP
Les entreprises s’inquiètent de la fuite des diplômés
t De plus en plus de jeunes quittent la France. Au Royaume-Uni ou en Allemagne, le mouvement est plus fort
Les enjeux
de l’Ile-de-France
Le Marché international des
professionnels de l’immobilier
se tient à Cannes du 11 au 14mars.
Le Monde fait le point sur les
mutations dans la région.
Après le logement, le marché
des bureaux est rattrapé
par la crise. LIRE PAGES 11-12
IDÉES
S’inscrire à la fac
doit coûter plus cher
Le gouvernement encourage
le rapprochement entre classes
préparatoires et universités. Mais
il doit laisser ces dernières mettre
en place les droits d’inscription
qui leur permettraient de
concurrencer les écoles.
LIRE PAGE 10
re-AntoineGailly,présidentdelaCCIP.Ces“signaux faibles” sont préoccupants: quelle sera
leur portée dans quinze ans ? Les jeunes qui
partent reviendront-ils ? » Pour autant,
pointel’étude,lephénomènedefuitedescerveaux est bien plus important au RoyaumeUni, en Italie ou en Allemagne. Luc Chatel,
député UMP de la Haute-Marne et ex-ministre de l’éducation, défendra, le 8 avril, la création d’une commission d’enquête à l’Assemblée afin d’examiner ce « sujet grave». p
LIRE PAGE 3
1,61
1
2001
PERSPECTIVE | par P h i li ppe Es ca nd e
Le glorieux destin des sœurs de Bâle
O
n les appelait les trois
sœurs de Bâle. Elles
sont nées à la fin du
XIXe siècle dans l’une
des villes industrielles les plus
dynamiques d’Europe. Un siècle et demi plus tard, les sœurs
ne sont plus que deux – Ciba et
Sandoz ont donné naissance à
Novartis et Hoffmann-La
Roche est devenu Roche.
Ces deux-là ont résisté à tous
lesventscontrairesetsontdevenus les plus beaux laboratoires
pharmaceutiques du monde.
De cette bourgade du Rhin,
nichéeaux confinsde la France,
de l’Allemagne et de la Suisse,
ils narguent les géants américains et germaniques sur les
technologies les plus récentes.
A ce jeu, le champion absolu
est Roche. Il est le groupe pharmaceutique le plus cher du
monde. Sa valeur en Bourse,
plus de 250 milliards de dollars
(180 milliards d’euros), tutoie
celle des stars de l’Internet. Des
milliards qui traduisent le
formidable succès de cette
entrepriseetlesattentesqu’elle
suscite.
Tous ses concurrentstentent
de copier son modèle, mélange
de ténacité dans la recherche et
d’agressivité dans le marketing.
L’antique laboratoire, qui produisait ses premières décoctions
de plantes en 1886, sort grand
gagnant du troisième âge de la
pharmacie. Le premier fut celui
des plantes, le deuxième, aprèsguerre, celui de la chimie, des
antibiotiques, de la cardiologie et
des gros « blockbusters », ces
médicaments capables à eux
seuls de générer chacun plusieurs milliards de dollars de
bénéfices par an.
L’âge du cancer
Le troisième âge est avant tout
marqué par l’explosion du cancer. Maladie multiforme et si difficile à combattre par les moyens
classiques de la chimie et de la
chirurgie. Selon l’Organisation
mondiale de la santé, on a recensé14millionsde nouveauxcasen
2012 et l’on en prévoit 22millions
en 2030.
Faceà un teldéveloppement,il
fallait explorer de nouvelles
voies de recherche. Roche a été le
premier des grands acteurs à
comprendre l’importance de la
biotechnologie et à repérer l’acteur le plus prometteur dans ce
Cahier du « Monde » N˚ 21506 daté Mardi 11 mars 2014 - Ne peut être vendu séparément
2013
Français inscrits à l’étranger, en millions
domaine,la sociétécalifornienne
Genentech, en 1990.
Il avait saisi, dès cette époque,
la puissance absolue de la rechercheaméricaine.AlafinduXXe siècle, celle-ci représentait plus des
trois quarts de l’effort mondial,
effectué sous l’ombrelle de son
centre de recherche publique, le
puissant National Institute of
Health et ses quelque 30 milliards de dollars de budget.
La vista de Roche et sa ténacité
lui ont permis de mettre au point
des médicaments améliorant
spectaculairement le sort des
malades, et de garder son avance
jusqu’à aujourd’hui.
Mais nous voilà au seuil du
quatrième âge de la pharmacie.
Celui-ci doit composer avec l’explosion des coûts de traitement
qui croise la pauvreté des budgets de sécurité sociale des pays
développés.Celadans un contexte de basculement de la recherche vers l’Asie, surtout la Chine,
dont les budgets explosent
quand ceux des Américains sont
encontraction.Uneautreillustrationd’un changementdu monde
auquel se préparent déjà les glorieuses sœurs de Bâle. p
LIRE LE DOSSIER PAGES 8-9
0123
SPÉCIAL
IMMOBILIER
60000à 80000 personnes. « Il y a un changement majeur de comportement parmi les
jeunes générations, avec une nette accélération de leur mobilité, indique l’étude. Chômage et morosité les poussent au départ. » Et ils
sont de moins en moins pressés de rentrer.
«C’est une vraie préoccupation», assure JeanMarc Mickeler, le directeur des ressources
humaines de Deloitte, alors que la part des
jeunes diplômés qui voient leur avenir à
l’étranger a doublé, à 27% contre 13% en 2012.
«Pour le pays, cela m’inquiète, confie Pier-
LIRE PAGE 2
j CAC 40 4 374 PTS + 0,19 %
j DOW JONES 16 452 PTS + 0,19 %
j EURO-DOLLAR 1,3886
J PÉTROLE 108,17 $ LE BARIL
J TAUX FRANÇAIS À 10 ANS 2,21 %
10/03 - 9 H 30
0123
HORS-SÉRIE
Ç
L
a France perd-elle ses forces vives ? La
chambre de commerce et d’industrie
de Paris - Ile-de-France (CCIP), qui
représente 800 000 entreprises,
commence à s’inquiéter de voir de plus en
plus de jeunes cadres faire leurs valises.
Pour y voir plus clair sur la réalité du phénomène, la CCIP a analysé les informations disponibles. Et rendra publiques ses conclusions le 12mars.
Le mouvement d’expatriation s’accélère,
c’est un fait. Chaque année, il concerne
RUPERT
STADLER,
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2
0123
plein cadre
Mardi 11 mars 2014
Rupert Stadler, le financier à la tête
d’Audi qui a appris à parler boulons
L'AGENDA
MARDI 11 MARS
Union européenne Réunion des ministres européens
des finances à Bruxelles.
Automobile Salon de l’emploi automobile, organisé
au siège du Groupe Argus, à Paris.
Le patron de la marque aux anneaux va présenter, mardi, les résultats du groupe.
Il est un des rares managers de l’entreprise à n’avoir pas fait d’études d’ingénieur
http://salon.autorecrute.com
Immobilier Marché international des professionnels
de l’immobilier (Mipim), jusqu’au 14 mars, à Cannes
(Alpes-Maritimes).
www.mipim.com/language/french
MERCREDI 12 MARS
Résultats Lagardère, Iliad, NRJ Group, Numericable
(annuels).
Indicateurs économiques Résultats de l’emploi salarié au quatrième trimestre 2013 (Insee/Dares).
Seniors Forum Emploi seniors, organisé à la Grande
Halle de La Villette, à Paris, par le Medef Ile-de-France.
Portrait
Berlin
Correspondance
V
u de France, les managers des
grands groupes allemands
manquent parfois de panache… Ils ne possèdent souvent
aucun des attributs classiques
du grand patron français – un diplôme
d’une grande école de commerce ou d’ingénieur, et l’assurance souvent hautaine
de ceux qui savent appartenir à l’élite économique du pays. Rupert Stadler, directeur du constructeur automobile de luxe
Audi, est un de ces dirigeants aux origines
modestes, qui ont su se hisser au sommet
de l’industrie allemande.
Le dirigeant de l’une des entreprises les
plus rentables et les plus emblématiques
du « made in Germany » est fils d’agriculteurs.Il a grandi dans une fermeà Wachenzell, en Bavière, a fréquenté un petit internat de campagne avant d’intégrer la
Fachhochschule d’Augsbourg, l’équivalent de l’école de gestion de Nantes ou de
Montpellier… Ses passions ? Le jogging et
le vélo. Sa grande fierté est d’avoir parcouru le chemin de Compostelle en VTT.
La modestie n’empêche pas les
exploits, bien au contraire. Rupert Stadler,
51 ans, devrait afficher lors de la présentation des résultats de l’entreprise, mardi
11 mars, des performances étincelantes.
En 2013, la filiale de Volkswagen (VW) a
vendu 1,57 million de véhicules, une hausse de 8,2 % par rapport à 2012, un nouveau
record historique. Audi, qui vise les 2 millions en 2020, doit son succès à des taux
de croissance exceptionnels au RoyaumeUni (+ 14,9 %), aux Etats-Unis (+ 13,5 %) et
surtout en Chine (+ 21,2 %). Avec plus de
480 000 véhicules vendus, l’empire du
Milieu est aujourd’hui le premier marché
de la marque aux quatre cercles, qui prévoit d’y augmenter encore sa production
dans les prochaines années.
Audi a aussi amélioré sa rentabilité: la
marque est plus profitable que BMW et
Mercedes, ses grands rivaux allemands
sur le marché mondial des berlines de
luxe, que le trio domine à 80 %. C’est aussi
l’entreprise préférée des jeunes diplômés
allemands. Rupert Stadler, élu en 2011
PDG de l’année par le magazine WirtschaftsWoche, est présenté comme un des
prétendants les plus sérieux pour prendre
la tête du groupe VW, premier constructeur européen, qui veut devenir numéro
un mondial en 2018.
Ils sont rares pourtant, ceux qui
auraient prédit à M. Stadler un tel parcours. En 2006, lorsqu’il est pressenti
pour devenir, à 43 ans, directeur d’Audi en
remplacement de Martin Winterkorn,
appelé à diriger le groupe à Wolfsburg, les
observateurs sont sceptiques. Le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung parle
alors d’un homme dont l’apparence « évoque celle d’un conseiller en placements
d’une caisse d’épargne». Tout le sépare de
Martin Winterkorn, son prédécesseur,
imposant docteur ès métallurgies. Dans
l’empire VW, colosse de 550 000 salariés
où la technique est érigée en religion,
Rupert Stadler est un des rares managers
non ingénieurs.
Son atout maître ? Avoir su gagner la
confiance de Ferdinand Piëch, neveu de
l’inventeur de la coccinelle Ferdinand
Porsche et puissant président du conseil
de surveillance de VW. Avec son très fidèle
Martin Winterkorn, M. Piëch exerce encore une influence considérable sur le groupe qu’il a redressé en tant que PDG après
avoir révolutionné la marque Audi.
Plaire à Ferdinand Piëch est la clé pour
réussir chez VW. Le patriarche de 76 ans
est connu pour son extrême méfiance et
son exercice jaloux de l’autorité. « Chez
VW, il y a ceux en qui Piëch a confiance et
les autres. Certains, même très talentueux,
se sont brûlé les ailes pour avoir été trop
sûrs d’eux, explique un bon connaisseur
du groupe. Rupert Stadler, lui, est d’une
loyauté à toute épreuve. »
L’actuel patron d’Audi a connu Ferdinand Piëch à 34 ans, lorsque, secrétaire
général du groupe à Wolfsburg, il travaille
cinq ans directement sous sa direction. La
suite de sa carrière sera fulgurante : res-
www.forumemploiseniors.fr
Société « Royaume-Uni: l’autre modèle ? La Big Society
de David Cameron et ses enseignements pour la France », matinée de débats organisée par l’Institut de l’entreprise au Cercle de l’union interalliée, à Paris.
www.institut-entreprise.fr
JEUDI 13 MARS
Assurance-chômage Date butoir pour la conclusion
d’un accord des partenaires sociaux sur une nouvelle
convention qui fixe les allocations des 2,2 millions de
chômeurs indemnisés.
Indicateurs économiques Publication des chiffres de
l’inflation en février (Insee) ; publication du rapport
mensuel de la Banque centrale européenne.
Résultats Eurotunnel, Dassault Aviation,
Altran (annuels).
Social Le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer
(Pas-de-Calais) statue sur le sort de Continentale Nutrition, en redressement judiciaire.
Electroménager Examen des offres de reprise de
FagorBrandt par le tribunal de commerce de Nanterre.
Bourse Assemblée générale des actionnaires de Ono, le
principal câblo-opérateur espagnol, au cours de laquelle l’entrée en Bourse de la société doit être approuvée.
VENDREDI 14 MARS
Sephora Le Conseil constitutionnel donne sa décision
sur deux questions prioritaires de constitutionnalité
déposées par la chaîne de parfumeries Sephora (groupe
LVMH) sur le travail de nuit et du dimanche.
Bourse Fin de la période de souscription
à l’augmentation de capital de 45,5 millions d’euros de
la société de biotechnologies Transgene.
Artisanat Semaine nationale de l’artisanat.
www.semaine-nationale-artisanat.fr
Technologie Dernier jour du Cebit, à Hanovre (Allemagne), la plus grande réunion high-tech du monde.
www.globalfairs.fr/fairs/deutsche-messe/cebit
SAMEDI 15 MARS
Matières premières Anne Lauvergeon fait son entrée
au sein du conseil d’administration du groupe minier
anglo-australien Rio Tinto, où elle occupera un poste
d’administratrice non exécutive.
Langues Forum Eduexpo’14 « Langues, études
et emploi », à l’ESCP-Paris.
http://www.eduexpo.fr
BRITTA PEDERSEN/DPA/AFP
17 mars 1963 Naissance à Titting,
en Bavière.
1987 Diplômé en gestion
d’entreprise de l’Ecole technique
d’Augsbourg.
1990 Entre chez Audi comme auditeur des ventes et du marketing.
1997-2002 Directeur du secrétariat général du président du directoire du groupe Volkswagen.
2007 PDG d’Audi.
2010 Membre du directoire
du groupe Volkswagen.
ponsable de la planification produits au
siège en 2002, il devient membre du directoire d’Audi en 2003, avant de prendre la
tête du joyau de VW en 2007.
E
st-ce à dire que Rupert Stadler ne
seraitqu’un exécutantdes volontés
du tout puissant duo Piëch-Winterkorn ? Certains critiques n’hésitent pas à franchir le pas. « Les chiffres de
ventenereflètentpasla situationréelledela
marque. Ils sont dus à la vigueur du marché
chinois, sur lequel Audi est présent depuis
vingt-cinqans», analyse Ferdinand Dudenhoffer, expert de l’industrie automobile.
«Lavéritéestquelamarqueadéclinétechniquement depuis que Rupert Stadler est à sa
tête, juge-t-il. Le slogan : “Vorsprung durch
Technik” [« L’avance par la technique »]
s’est perdu. La marque n’a toujours pas de
véhicule électrique et sur les moteurs hybrides, ils ont été les derniers du marché! »
Le grand rival BMW a récemment marqué des points en lançant sa gamme élec-
trique, avec la i3 et la i8, en fibre de carbone,penséepourêtre laplusécologiquepossible, de la production au recyclage. Stefan
Bratzel, expert automobile de l’école technique de Bergisch-Gladbach, renchérit :
« Rupert Stadler est passé à côté de ce sujet.
Et en termes de design, il y a eu trop peu de
différenciation ces dernières années. »
Des reproches qui semblent avoir été
entendus à Wolfsburg : le directeur développement d’Audi a été remercié brutalement en mars 2013. En décembre, ce fut au
tour du directeur design d’être congédié.
« Ces signes montrent que la direction de
VW est nerveuse, considère un connaisseur du secteur. Ils ont compris qu’ils doivent accélérer le rythme.»
Mais Rupert Stadler semble intouchable. « Qu’il soit resté malgré ces deux
départs montre l’étendue de la confiance
dont il jouit », pense M. Dudenhoffer. Le
directeur d’Audi continue de croire à sa
ligne pragmatique : « Nous ne voyons pas
de marché suffisant pour le tout-électrique », répète-t-il à la presse allemande. Ses
chevaux de bataille ? La voiture entièrement connectée et le véhicule conduit par
ordinateur. Il prédit aussi de belles années
au GPL ainsi que de grosses évolutions
dans la distribution.
« On ne peut pas savoir quelle technologie l’emportera, tout cela fait partie de la
course sans merci que se livrent Audi, Mercedes et BMW, juge un influent observateur du marché. M. Stadler est un manager
complet. Il maîtrise parfaitementles finances, le marketing et la distribution, et il a su
s’approprier la technique de manière
incroyable. A côté du duo Piëch et Winterkorn, vous ne pouvez pas vous maintenir
si vous n’arrivez pas à suivre une conversation sur tel ou tel boulon. Ils ne sont pas si
nombreux, chez VW, à pouvoir se prévaloir
de ces qualités. » p
Cécile Boutelet
SON ATOUT
MAÎTRE ?
AVOIR SU
GAGNER
LA CONFIANCE
DE FERDINAND
PIËCH,
PUISSANT
PRÉSIDENT
DU CONSEIL DE
SURVEILLANCE
DE VW
DIMANCHE 16 MARS
Formule 1 Ouverture du Championnat du monde avec
le Grand Prix d’Australie, à Melbourne.
L UN DI 17 MARS
Armement Publication, à Stockholm, des chiffres
des exportations d’armes par pays en 2013 par le Centre
de recherche international sur la paix.
Automobile Début de l’offre de Volkswagen pour le
rachat des parts des autres actionnaires de Scania.
Réflexion Trophées des think tanks, au Conseil économique, social et environnemental, à Paris, sous le haut
patronage de son président, Jean-Paul Delevoye.
www.oftt.eu/IMG/pdf/invitation_ttt2014.pdf
Innovation Deuxième Forum de l’innovation
à Limoges, à la chambre de métiers et de l’artisanat de la
Haute-Vienne (rencontres de professionnels et échange
d’expériences).
http://lise.region-limousin.fr/lise/actualites
RENDEZ-VOUS
L UN DI 10 MARS
Ouverturedu CeBITà Hanovre
L
e Salon mondial du marché numérique(CeBIT) a ouvert ses
portes, lundi 10 mars, à Hanovre (Allemagne). Destiné
avant tout aux professionnels, il a pour thème central l’exploitation« durableetresponsable»des données(bigdata).Environ 230 000 visiteurs sont attendus pour cette manifestation,
qui fermera ses portes le 14 mars.
Le Salon s’articuleautour de huitthématiques,chacune destinée à des groupes-cibles. Elles englobent des problématiques
comme les solutions mobiles pour les entreprises, la recherche
et l’innovation,etc.Un millier de séminaireset de présentations
sont au programme. La sécurité informatique fera aussi l’objet
de nombreux débats, quelques mois après le scandale des écoutes de l’Agence nationale de sécurité (NSA) américaine.
Une trentaine d’exposants français seront présents – parmi
eux,Thales,Simplicité(une plate-forme« cloud »), Systran(logiciels de traduction pour les outils informatiques) – ainsi que les
géants IBM, HP ou Deutsche Telekom.
La chancelière allemande, Angela Merkel, a inauguré le Salon
dimanchesoir, accompagnée du premier ministre britannique,
David Cameron, dont le pays est l’invité d’honneur. p
Sarah Belouezzane
économie & entreprise 3
0123
Mardi 11 mars 2014
De plus en plus de jeunes quittent la France
Lesentreprisesparlentde«fuitedescerveaux». AuRoyaume-Uni,en Italie,enAllemagne,le mouvementestplusfort
L
a France perd-elle ses forces
vives ? La chambre de commerce et d’industrie de ParisIle-de-France (CCIP), qui représente
800000 entreprises, commence à
s’inquiéter de voir de plus en plus
de jeunes cadres faire leurs valises.
Formés dans un pays où la morosité est quasiment devenue un art de
vivre, ils se laissent aspirer par une
course aux talents devenue mondiale. « Depuis quelques mois,
constate la CCIP, ces questions
majeures font la ‘‘une’’ des médias,
en particulier étrangers. Devant
d’évidents signes d’une mobilité
accrue des jeunes, des cadres dirigeantsde grands groupes, des grandes fortunes ou d’entrepreneurs,
des observateurs français s’inquiètent de ce qui pourrait s’apparenter
à une hémorragie.»
Pour y voir plus clair sur la réalité du phénomène,la CCIP a analysé
les informations disponibles. Un
document, que Le Monde a pu
consulter, sera rendu public le
12 mars à l’occasion de deux tables
rondes organisées à Paris. L’étude
montreque le mouvementd’expatriation s’accélère. La population
des Français établis à l’étranger est
estimée à 1,5 à 2millions de personnes.«Qualifiéeetactive»,ellea augmentéde « 3 % à 4% par an au cours
des dix dernières années (soit environ de 60 000 à 80 000 personnes
par an) ». Dans le même temps, la
population française croissait de
0,6% en moyenne.
Autre sujet d’inquiétude: «Il y a
bien un changement majeur de
comportement parmi les jeunes
générations, avec une nette accélération de leur mobilité, indique
l’étude. Chômage et morosité poussent les jeunes au départ. » Notamment les jeunes entrepreneurs, ce
quipréoccupela CCIP.Le « baromètre 2014 de l’humeur des jeunes
diplômés» réalisé par l’IFOP pour
Deloitte, montre que ces derniers
accordent peu d’« arguments» à la
France pouvant les inciter à y travailler. Le meilleur d’entre eux, la
« qualité de vie », n’en séduit que
44 %. En revanche, une majorité
déplore « l’état du marché de l’emploi», « l’environnement politique
et social » et «l’état de l’économie».
Par ailleurs, les expatriés sont
moins pressés de rentrer. De 2005
à 2013, la part de ceux qui envisagent un séjour supérieur à dix ans
est passée de 27 % à 38 %, relève la
CCIP en citant une étude de Mondissimo, un site Internet consacré
à l’expatriation. Le baromètre
Expatriation : un quasi-doublement en vingt ans
Une option de carrière qui tente durablement
la jeunesse française
NOMBRE DE FRANÇAIS INSCRITS À L’ÉTRANGER, EN MILLIONS
1,61
PART DES JEUNES DIPLÔMÉS EN RECHERCHE D’EMPLOI QUI SITUENT
LEUR AVENIR PROFESSIONNEL À L’ÉTRANGER
13 %
1,4
27 %
Janvier 2012
Janvier 2014
1,2
DURÉE ENVISAGÉE DU SÉJOUR À L’ÉTRANGER,
EN % DES JEUNES DIPLÔMÉS
1
44
28
0,8
12
11
0,6
1995
2000
2005
2010
2013
5
Moins de 1 an De 1 à 5 ans De 6 à 10 ans De 11 à 15 ans
Les expatriés, beaucoup mieux formés que la moyenne
Un phénomène à relativiser
PART DES DIPLÔMÉS...
EXPATRIÉS PAR PAYS, EN 2010, EN MILLIONS
53 %
12,5 %
des expatriés
(au-delà de bac+3)
4,69
4,28
3,62
1,84
Italie
France
de la population totale
(au-delà de bac+2)
Royaume-Uni
Allemagne
Toute
la carrière
SOURCES : CCI PARIS ÎLE-DE-FRANCE, DELOITTE
Deloitte montre, lui, que 28 % des
jeunes diplômés envisagent une
expatriation à vie. « C’est une vraie
préoccupation», assure Jean-Marc
Mickeler. Le directeur des ressources humaines de Deloitte rappelle
que le baromètre précédent avait
montré un doublement de la part
des jeunes diplômés qui voient
leur avenir professionnel à l’étranger: 27%, contre 13 % en 2012.
«Pour le pays, oui, cela m’inquiète », confie Pierre-Antoine Gailly,
président de la CCIP. Tous ces
« signaux faibles » sont préoccupants : « Quelle sera leur portée
dansquinzeans?Lesjeunesquipartent reviendront-ils? »
« Que les talents français aillent
se confronter à leurs alter ego à
l’étranger, c’est plutôt positif pour
le tissu économique français, dès
lors qu’on est capablede les inciter à
revenir à un moment ou à un autre,
abonde M. Mickeler. La crise et les
désillusions vécues par les jeunes
ont eu un impact sur ces départs,
c’est vrai. Mais il est trop tôt pour
crier au loup. » M. Mickeler ne
cache néanmoins pas qu’il craint,
comme DRH, de voir les meilleurs
profils lui filer entre les doigts.
Pourautant,«l’idéed’un mouve-
mentmassifdefuitedestalents,spécifique à la France, ne semble pas
correspondre à la réalité», tempère
le document. Jean-Luc Biacabe,
directeur des politiques économiques à la CCIP, qui a supervisé l’étude, souligne que le phénomène est
bien plus important au RoyaumeUni, en Italie ou en Allemagne.
L’ONU estime que 4,7 millions de
Britanniques sont expatriés. « Et
trois quarts des Britanniques ne
reviennent pas au pays », observe-t-il. L’étude rappelle en outre
que «la France attire, elle aussi, des
talents. Nous sommes le troisième
pays au monde en nombre d’étudiants étrangers accueillis, un facteur d’influence économique.»
D’ailleurs, M. Biacabe rappelle
que la mobilité des jeunes est un
objectif politique constant. « On
fait l’Europe!, s’enthousiasme-t-il.
La moitié des départs se fait vers des
payseuropéens.Peut-onencoreparler d’expatriation? Ne faudrait-il
pas plutôt s’en réjouir et y voir une
forme d’émergence de citoyenneté
européenne ? » Les optimistes
voient dans ces mouvements une
conséquence heureuse de la mondialisation. Le monde vit la seconde grande vague de migrations
après celle de 1880-1930. L’enjeu
est de faire de cette « menace» une
opportunité économique.
De la dizaine de grandes entreprises contactées par Le Monde,
aucune n’a donné suite à nos
demandes d’entretien sur ce sujet,
certainesau motif que «l’écrasante
majorité de [leurs] salariés ont été
recrutés et travaillent à l’étranger».
Les responsables politiques sont
plus bavards. «Dire que la mobilité
professionnelle est une fuite est une
vision étriquée qui ne correspond
pas à la réalité. La France ne vit pas
en autarcie », déclarait fin 2012 au
Monde Hélène Conway-Mouret,
ministre déléguée chargée des
présente
Français de l’étranger. Et «70 % rentrent en France dans les dix
années ». Le 3 avril, elle organise
une conférence sur le thème :
« Français à l’étranger, un atout
pour la France ».
Luc Chatel, député UMP de
Haute-Marne, défendra, le 8 avril,
lacréationd’unecommissiond’enquête à l’Assemblée afin d’examiner ce « sujet grave ». Favorable à
l’ouverture internationale, l’ex-
De 2005 à 2013, la part
de ceux qui
envisagent un séjour
supérieur à dix ans est
passée de 27 % à 38 %,
relève la chambre de
commerce de Paris
ministre de l’éducation s’inquiète
de « tous ceux qui sont contraints
de partir parce qu’ils pensent ne pas
trouver un emploi, ne pas pouvoir
créerune entreprise…Celareprésente une menace pour la France. »
Attention, plaide Frédéric Lefebvre, député UMP des Français de
l’étranger: «Il ne faut pas caricaturer nos compatriotes qui s’expatrient. Ils sont l’un des principaux
atouts de la France dans la mondialisation. La logique, ce n’est pas de
lesdissuaderdepartir,maisdecréer
les conditions pour qu’ils maintiennentle lienavec laFrance.» Al’unisson de la CCIP, il pense qu’il faut
«ressouder la diaspora». p
Emploi
«En deux semaines, c’était fait»
Londres
Correspondance
Au Royaume-Uni, cela fait plus de
deux décennies que ça dure. C’est
une tendance lourde, quel que soit
le gouvernement français du
moment: en vingt ans, le nombre
de Français enregistrés au consulat de Londres a triplé, à 126000.
L’inscription n’étant pas obligatoire, le nombre réel est sans doute
nettement supérieur, entre
300 000et 400000 personnes.
Dans leur immense majorité,
ces Français – tous milieux et toutes origines confondus – sont
venus pour travailler. Parmi eux
se trouvent notamment des jeunes diplômés, qui trouvent plus
d’opportunités de l’autre côté de
la Manche.
Georges, 28 ans, issu de l’Ecole
nationale supérieure de l’aéronautique de Toulouse (Supaéro), est
de ceux-là. Après un premier
emploi à Paris, il arrive à Londres
en mai2012 pour travailler dans
une entreprise américaine dans le
domaine du financement de l’électricité. « Londres était une ville qui
ne me tentait pas. Je l’imaginais grise et pluvieuse. Mais c’est là que j’ai
trouvé les propositions d’emploi les
plus intéressantes. J’ai cherché à
Paris mais je n’ai pas trouvé de poste de ce niveau.» Il s’est donc installé avec sa femme – et ses deux
enfants en bas âge – et commence
à apprécier sa vie outre-Manche.
«Je pensais que ce serait une expérience de courte durée et qu’on
repartirait rapidement. Mais finalement, il y a pas mal d’attraits pour
rester. Maintenant, je m’imagine
plutôt ici pour dix ans. »
« On a fait un petit Anglais »
Margot Myers, à Londres depuis
dix ans, a vécu une expérience
similaire. Au départ, cette Française de 31 ans est venue pour faire
ses études d’illustratrice au Camberwell College of Arts. « Après mon
diplôme, je n’avais pas très envie de
rester à Londres, mais c’était super
simple de trouver un emploi, se rappelle-t-elle. J’ai vaguement déposé
quelques CV et en deux semaines,
c’était fait. Alors, je suis restée.»
Depuis, son frère l’a rejointe et ils
ont créé ensemble leur entreprise
d’illustration, qui compte 20% de
clients en France, et le reste au
Royaume-Uni. «C’était facile de
monter notre boîte. En comparaison, j’ai des amis parisiens qui travaillent ensemble, mais qui sont
tous à leur propre compte parce
que c’est plus facile que de créer
leur structure commune.»
Aujourd’hui, Margot Myers
n’imagine plus rentrer en France.
Pour des raisons professionnelles,
mais aussi parce que sa vie est
désormais ancrée dans la capitale
britannique. Elle y partage sa vie
avec un Espagnol, avec qui elle a eu
un bébé. « On a fait un petit
Anglais! »
Pierre Delorne, 29 ans, est lui
aussi arrivé au Royaume-Uni par
ses études. Cet ingénieur pétrolier
n’y avait pas songé, mais quand il
était à Supélec, on lui a proposé de
faire un double diplôme franco-britannique, avec une dernière année
à l’Imperial College, à Londres.
«Les grandes écoles se sont tournées vers l’international, et il est
logique que les étudiants prennent
plus d’emplois à l’étranger.»
Lui-même a commencé à Aberdeen, en Ecosse, avant de rentrer
deux ans en France, puis de repartir en 2012 à Londres, où il travaille
pour le pétrolier Perenco. Ce Marseillais d’origine n’envisage pas de
rester trop longtemps outre-Manche, espérant un jour retrouver
une ville plus chaude et proche de
la mer. Mais ce ne sera sans doute
pas en France. «Je n’envisage pas
du tout d’y retourner.» p
Eric Albert
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Benoît Floc’h
4
0123
techno & médias
Mardi 11 mars 2014
Bouygues
embarque Free
dans son combat
pour racheter SFR
Pour accentuer la concurrence, la filiale du
groupe de BTP vendra son réseau mobile à Iliad
B
ouygues serait-il en train de
remporter la manche ? Il
vient en tout cas de marquer
un point déterminant dans le duel
qui l’oppose à Numericable pour
le rachat de SFR, le deuxième opérateur de l’hexagone, à sa maison
mère, Vivendi.
Le groupe de BTP a annoncé
dimanche 9 mars avoir conclu un
accord historique avec Iliad la maison mère de Free. Si c’est lui qui est
choisi par les actionnaires de SFR,
Bouygues cédera la quasi-intégralité de son infrastructure de réseau
au groupe fondé par Xavier Niel
(par ailleurs actionnaire à titre per-
« Si c’est Bouygues
qui gagne, on se dirige
vers un ‘‘super Free’’ »,
remarque un très
bon connaisseur
du secteur
sonnel du Monde) pour 1,8milliard
d’euros. Sont concernés environ
15 000 antennes, mais aussi des
points hauts (toits, terrasses…) et
des équipements électroniques.
Free devrait par ailleurs récupérer
une grande partie du portefeuille
de fréquences mobiles dont dispose Bouygues Telecom.
En se mettant d’accord avec
Free, Bouygues donne ainsi des
gagesà l’Autoritéde la concurrence
et lève une incertitude majeure qui
pesait sur son dossier de rachat. En
effet, si Bouygues Telecom et SFR
devaient se marier en l’état, le nouvel ensemble disposerait d’un
réseau mobile et d’un portefeuille
de fréquences qui en ferait un mastodonte des télécommunications.
Un tel opérateur contreviendrait
en plusieurs points aux droits de la
concurrence français et européen
et pourrait rompre l’équilibre existant entre les différents acteurs du
secteur.
Un argument qui faisait dire à
certains observateurs et analystes
que l’offre de rachat de SFR par Altice,lamaisonmèrede Numericable,
avait plus de chances de remporter
lefeuvertdel’autoritédelaconcurrence.Seloneux,ledossierNumericable avait de fortes chances d’être
instruit plus vite que celui de Bouygues. Une remarque désormais
balayéeparBrunoLasserre,leprésident de l’autorité de la concurrence. Dans une interview au Figaro
datée du dimanche 9 mars: le haut
fonctionnaire a tout simplement
indiqué que le temps nécessaire à
l’instruction des deux dossiers
serait identique.
«En signant cet accord avec Free,
Bouygues a fait un énorme pas en
avant. Ils ont pris les devants pour
trouver une solution à ce qui constituaitunsérieuxproblème.Cetengagement [de vendre le réseau mobile à Free] peut restaurer une dynamique concurrentielle saine sur le
secteur puisque Free sera maître de
sonpropreréseauetpourrainnover
comme il veut », expliqueune sourceprochedel’autoritéindépendante. Mais l’institution l’assure, elle
n’est pas là pour arbitrer. Elle examinera scrupuleusement le dossier, quel que soit le racheteur que
Vivendi choisira.
Pour Arnaud Montebourg,
ministre du redressement productif, c’est une autre histoire: il a clai-
Lors de la Fashion Week à Paris, le 4 mars. VINCENT ISORE/IP3 PRESS
rement pris position pour Bouygues. « La concurrence par la destruction s’arrêtera si nous revenons
à trois opérateurs mobiles », a-t-il
expliquédansunentretien,dimanche9mars,auParisien.«Ellenes’arrêtera pas si Numericable conquiert
SFR, puisque la concurrence restera
à quatre dans le mobile.»
Etonnament, M. Montebourg
menacemêmel’Autoritéderégulationdescommunicationsélectroniques et des postes (Arcep) de représailles si son président, Jean-Ludovic Silicani, venait à chercher des
noises à son favori. « Je suis pour
réduire d’urgence les pouvoirs de
l’Arcep, explique sans trembler le
ministre.
Tout le gouvernement ne fait
pas bloc derrière M. Montebourg,
cependant. Officiellement, il n’est
pasquestion de prendre parti entre
Bouygues et Numericable. «Aucun
commentaire sur ce dossier concernant des entreprises cotées», explique-t-on à l’Elysée. Pourtant, Fran-
çois Hollande a bien reçu Martin
Bouygues lors d’une audience privée, jeudi 27 février. Le bétonneur
était accompagné de François
Pinault, l’un de ses actionnaires,
réputé proche du président de la
République. Même mutisme à
Matignon, où personne n’était disponible lundi matin pour un commentaire.
Invitédimanche9 mars surBFM
TV, Pierre Moscovici a refusé d’exprimer une préférence. « Nous
devons avancer avec une boussole,
qui est l’investissement, l’emploi et
la satisfaction du consommateur,
et faire le meilleur choix, a indiqué
le ministre de l’économie. L’Etat
est là pour donner un cadre général,
exprimer une vigilance, c’est ce que
nous faisons. Ensuite, les institutions compétentes prendront leur
décision.»
Chez Altice, on s’accroche à cette
neutralitéaffichée et on veut croire
que les dés ne sont pas encore jetés.
« Nous sommes sereins et détermi-
nés car nous croyons en notre projet
industriel», explique-t-on à la maison-mèredeNumericable.« Jamais
Joaquim Almunia [le commissaire
européen à la concurrence] ne laissera passer un dossier pareil. Comment justifier que deux acteurs, le
premier et le second aient plus de
80% de parts de marché? », s’interroge un proche du dossier.
Même si les choses ont l’air bien
engagées pour Bouygues, à l’Arcep,
on fait valoir que même si un
accord a déjà été signé avec Free,
c’est au gendarme des télécoms de
déterminer dans quelle mesure et
selon quel calendrier Bouygues
Telecompourraitcédersesfréquences. Signifiant ainsi qu’il pèserait
sur les opérations à venir. Idem à
l’Autorité de la concurrence qui
indique que la vente du réseau de
Bouygues à Free n’est probablement pas la seule concession qu’elle demandera si le groupe de BTP
remporte la mise.
Le conseil de surveillance de
Vivendi doit encore se prononcer,
a priori, vendredi 14 mars. Pour
l’instant, leur choix ne semble pas
arrêté.
Cequiest sûr,c’estque Freeestle
grand gagnant des bouleversements à venir. « Si c’est Bouygues
qui gagne, on se dirige vers un ‘‘super Free’’ », remarque un très bon
connaisseur du secteur. Le quatrième entrant, qui n’a pas encore fini
de construire son réseau mobile, se
retrouverait avec une infrastructure toute prête, et en partie à la norme 4G. « Martin Bouygues claironne partout qu’il a payé 10milliards
poursonréseauetillerevend1,8milliard à Free… », souligne encore ce
très bon connaisseur du secteur.
Même Orange y gagnerait, « une
fusion Bouygues-SFR, stabiliserait
lemarchéetnouspermettraitderester leader sur le fixe », commente
unesourceauseindel’ex-monopole d’Etat. p
Sarah Belouezzane
et Cedric Pietralunga
Le quatrième opérateur en forte croissance Le groupe de Xavier Niel pourrait être le
sur un marché hexagonal difficile
grand gagnant de la recomposition en cours
UN CHIFFRE D’AFFAIRES en hausse de 19 %, à 3,7 milliards d’euros,
un résultat net qui bondit de 42 %,
à 265millions d’euros… Le moins
que l’on puisse dire, c’est que les
performances financières pour
2013 d’Iliad, la maison mère de
Free, publiées lundi 10 mars, sont
impressionnantes.
Le contraste avec les autres opérateurs du marché français est saisissant. L’année dernière, Orange,
l’ex-monopole, toujours
numéroun du marché, a vu son
chiffre d’affaires s’effriter de 4,5 %
(à 40,9milliards d’euros). Bouygues Telecom est repassé dans le
vert (il avait affiché des pertes en
2012), mais ses revenus ont chuté
de 11 % (à 4,7 milliards d’euros). Et
SFR, la filiale de Vivendi, dont le
chiffre d’affaires a baissé de 9,6 %
(à 10,2 milliards d’euros) par rapport à 2012…
Free n’est désormais plus vraiment le « maverick», le franctireur des télécommunications,
tel qu’on le qualifie encore souvent. Le quatrième opérateur
mobile du marché hexagonal, qui
a lancé ses offres à bas coût début
2012, est un acteur de poids. Il
comptabilisait, à fin 2013, 13,7 millions de clients, abonnés à ses services fixe et mobile tout compris.
Dans le fixe, les services « triple
play» (accès à Internet, télévision
sur Internet, téléphone fixe illimité), Free a encore réussi à convaincre 276 000 nouveaux abonnés en
2013, davantage que Bouygues
(+ 167000), SFR (+ 170 000) et
Orange (+ 215 000). Visiblement,
Free profite toujours à plein de
son image de marque – un opérateur spécialisé dans les services de
téléphonie fixe à des prix attractifs. De fait, c’est sur ce métier qu’il
a débuté, au début des années
2000. Et c’est lui qui a inventé le
principe du « triple play».
Dans le mobile, l’opérateur a
recruté 2,8 millions de nouveaux
clients en 2013, et dispose d’une
part de marché de 12 %, deux ans
seulement après son arrivée en
fanfare sur le marché. C’est bien
plus que les projections des analystes quand Iliad est arrivé sur le
marché du mobile. A l’époque,
début 2012, ils tablaient sur une
dizaine de pour cent de part de
marché cinq ans plus tard.
Faible endettement
Comme pour le fixe, l’image de
Free semble jouer à plein. Ses
concurrents ont beau avoir aligné
leurs tarifs sur les siens, Iliad a
recruté 81 % des nouveaux abonnés mobiles en 2013.
La rentabilité de cette activité
mobile avait été mise en doute au
lancement de ses offres à prix cassé (19,9 euros par mois pour l’illimité, 2 euros seulement pour
deux heures de communication).
Aujourd’hui, elle ne fait plus guère de doute. Le mobile a ainsi
contribué à hauteur de 114 millions d’euros au résultat brut d’exploitation en 2013. Free ne précise
cependant pas la contribution de
l’activité à son résultat net.
Seul hic, la vente de téléphones
« nus », sans forfait, qui ne décolle
pas : elle n’a représenté que
140millions d’euros de chiffre
d’affaires en 2013. Visiblement, on
choisit Free pour ses forfaits, pas
pour les téléphones.
Iliad s’est par ailleurs payé le
luxe, lundi, de publier des objectifs de croissance pour 2014 et
même au-delà, ce qui prouve à
quel point il envisage l’avenir
avec confiance. Dans les services
fixes comme dans le mobile, le
groupe veut atteindre « à long terme » une part de marché de 25 %
en France. Et il espère dépasser les
4milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2015.
De quoi booster encore un peu
plus un cours de Bourse qui a
déjà progressé de manière insolente ces deux dernières années,
alors que celui de ses concurrents
faisait du surplace. Lundi, l’action Iliad cotait à plus de
188 euros, à la Bourse de Paris.
Contre un peu plus de 10 euros
pour celle d’Orange…
Dans ce contexte, si Free rachète le réseau mobile de Bouygues
Telecom, l’opération pourrait
encore faire progresser le « profil » financier du groupe. Il s’est
entendu sur un prix de 1,8 milliard d’euros avec Bouygues, qu’il
a les moyens d’avancer, étant donné son faible endettement (1,3 milliard d’euros d’encours de crédit).
Acquérir une infrastructure lui
permettrait par ailleurs de diminuer drastiquement les montants
qu’il verse à Orange pour lui louer
son réseau mobile et renforcerait,
du coup, sa rentabilité à terme. Une très belle opération en
vue, donc. p
Cécile Ducourtieux
SI FREE acquiert les 15 000antennes du réseau mobile de Bouygues Telecom, pour « seulement» 1,8 milliard d’euros, cela
constituerait une énorme avancée pour le quatrième opérateur
de téléphonie mobile, entré sur le
marché il y a seulement deux ans.
De fait, pour l’instant, le réseau
mobile de Free est encore régulièrement pointé du doigt par les
concurrents et les usagers pour sa
couverture du territoire jugée
insuffisante.
A son lancement en 2012, l’offre
mobile de Free, qui battait le
record du forfait le moins cher du
marché, avait fait l’objet de suspicions quant à la qualité du service
rendu.
A l’époque, Free ne disposait
que d’une couverture de 25 % exigée par les autorités pour entrer
sur le marché. Pour pouvoir lancer un réseau au niveau national,
l’opérateur avait signé un contrat
dit d’itinérance avec le numéro un
du marché, Orange, coûteux mais
efficace. Ce contrat de location du
réseau de l’ex-monopole ne couvre que la 2G et la 3G et il expirera
en 2018. D’ici-là, Free doit donc se
doter d’une infrastructure en propre qui couvrira au moins 75 % de
la population en janvier2015.
C’est l’une des exigences de
l’Autorité de régulation des télécoms (Arcep) qui doit dévoiler cet
été le résultat de deux enquêtes
de couverture sur la 3G et la 4G
pour tous les opérateurs français.
« Si la trajectoire d’investissement
et de déploiement de Free s’éloigne
de la trajectoire théorique, fait-on
savoir à l’Arcep, nous pourrions
être amenés à une mise en demeure anticipée.»
Selon des chiffres officieux
cités en fin d’année 2013 par le
site Internet La Tribune, les services de Free ne couvriraient actuellement que quelque 60 % de la
population hexagonale. Selon les
données compilées par l’Agence
Si Free rachète
le réseau mobile
de Bouygues Telecom,
son problème
d’infrastructures
sera réglé
nationale des fréquences, il y
avait au 1er mars 13600 sites autorisés pour le mobile très haut-débit
(4G) en France, dont 11 890 sont en
service.
Sur les 8 388 sites autorisés en
février dans la bande 4G, 1 712 ont
été attribués à Free. L’opérateur a
actuellement 1 115 « supports» 4G
en service (infrastructures portant une ou plusieurs antennes),
contre 824 le mois précédent, et
2760 supports 3G en service, sur
47 118 au total.
Même si ses dirigeants assurent pouvoir remplir les exigences de l’Arcep pour janvier2015,
l’opérateur est encore loin derrière ses concurrents en termes de
réseau propre.
Si Free rachète le réseau mobile
de Bouygues Telecom, son problème d’infrastructures sera réglé
d’un coup. Et qui plus est, à moindre frais.
Le réseau de Bouygues, qui a
commencé d’être construit dans
les années 1990, couvre environ
98 % de la population française en
3G. Pour ce qui est de la 4G, c’est le
réseau hexagonal le plus étendu,
avec pas moins de 60% de la population couverte, contre seulement
40 % pour Orange et SFR. Quant
au réseau de Free, actuellement, il
n’existe quasiment pas sur cette
technologie de très haut débit
mobile.
Pour se constituer pareille
infrastructure très aboutie, il a fallu des années à la filiale du groupe
de BTP. «Décrocher» une autorisation pour planter une antenne sur
un toit, en ville, peut par exemple
prendre jusqu’à quatre ans. En raison de la sensibilité des riverains,
aux risques supposés des ondes.
Free gagne donc un temps considérable. « L’enjeu pour l’opérateur
est surtout de trouver des points
d’installation en zone dense, pour
maximiser sa couverture de la
population», précise-t-on à
l’Arcep.
Le prix de 1,8 milliard d’euros
sur lequel Free et Bouygues se
sont entendus paraît, par ailleurs,
particulièrement intéressant
pour le quatrième opérateur
mobile. On estime en effet qu’il
faut débourser 2 milliards d’euros
pour s’offrir un réseau mobile à
l’échelle de la France. Free rachèterait donc à prix « coûtant» une
infrastructure de « première
classe». p
Audrey Fournier
0123
techno & médias
Mardi 11 mars 2014
Les associations de consommateurs
redoutent une hausse des forfaits
L’UFC-Que choisir s’interroge aussi sur «la qualité du service» du futur ensemble Bouygues-SFR
D
ès dimanche 9 mars, peu
après l’annonce, dans
LeJournal du dimanche, de
l’intention de Bouygues Telecom
de vendre à Free 15 000 antennes
pour s’emparer de SFR sans mettre
en danger la concurrence, les associations de consommateurs sont
montées au créneau. Pour elles, la
hausse des prix sur les forfaits de
téléphonie mobile des consommateurs est quasi inéluctable.
Et de mettre en avant l’exemple
à ne pas suivre, celui de l’Autriche,
où le passage de quatre à trois opérateurs s’est traduit par une forte
hausse(10 %à18%selonlesestimations) des prix.
AlainBazot,leprésidentdel’UFCQue choisir, s’est interrogé dimanche sur la « capacité d’absorption
duréseau» du futurensembleBouygues-SFR, délesté de ce qui serait
cédé à Free. Et sur « la qualité de service», il a rappelé que «les clients en
France ont beaucoup souffert de
l’existenced’uncarteldetroisopérateurs, qui avait réalisé une entente
illicite».
A l’Autorité de régulation des
télécoms (Arcep), on fait valoir que
l’entrée de Free sur le marché a permis de réintroduire une forte dose
de concurrence dans le secteur et
s’est traduite par une économie
d’environ 3 millions d’euros pour
les consommateurs. « Xavier Niel
[fondateur de Free et actionnaire à
titre personnel du “Monde”] a fait
plus avec son forfait illimité pour le
pouvoir d’achat des Français que
Nicolas Sarkozy en cinq ans », avait
INDICE DES PRIX SELON LE CONTRAT ET L’INTENSITÉ DE CONSOMMATION, BASE 100 EN JANVIER 2010
Janvier 2012
110
Arrivée de Free sur le marché
100
90
80
70
60
50
juil.
oct.
Janvier 2012 Free entre sur le
marché et lance deux forfaits : un
abonnement à 19,99 euros avec
appels illimités et 3 gigaoctets
(Go) de données, une première.
Le second, à 2 euros, comprend
une heure d’appels et 60 SMS.
Année 2012 Les opérateurs historiques tentent de s’aligner.
Bouygues Telecom aligne son
offre low cost B & You directement sur celle de Free, à 19,90
euros. Les autres suivent. Les
offres qui comprennent appels illimités et 3 Go de données bais-
janv.
2011
avr.
juil.
oct.
janv.
2012
avr.
juil.
oct. déc.
SOURCE : ARCEP
d’ailleurs tweeté Arnaud Montebourg, en janvier2012.
L’Arcep rappelle qu’elle n’a pas
de dogme en matière de nombre
d’opérateurs, et que l’intensité
concurrentiellen’estpas,contrairement à ce que dit la doxa économique,forcémentliéeaunombred’acteurs.
Bruno Lasserre, le président de
l’Autorité de la concurrence, a de la
même façon déclaré au quotidien
Les Echos, lundi, qu’il « n’y a pas de
chiffre magique pour un marché
idéal».«Cequicompte,c’estlaqualité et les incitations concurrentielles
des acteurs.»
Trois ans de guerre tarifaire
Rentrée 2011 Les trois opérateurs « historiques » se préparent
à l’arrivée de Free en lançant les
premiers forfaits « SIM Only »,
sans téléphone ni abonnement.
... « gros » consommateurs de services vocaux
Ensemble des forfaits, dont...
avr.
sent pour atteindre une fourchette comprise entre 45 et 60 euros.
Décembre 2013 La guerre des
prix se déplace sur le terrain de la
4G. Free aligne la 4G sur le prix de
son forfait 3G et propose 20 Go
de données, une quantité équivalente à de l’illimité.
Bouygues Telecom s’aligne le premier, en ajoutant dès le lendemain la 4G à ses offres « SIM
Only ». Orange lui emboîte le pas,
suivi par SFR.
Février 2014 Bouygues dévoile
une offre « triple play » à
19,99 euros par mois, nettement
inférieure aux prix du marché.
Free répond le lendemain en proposant une offre similaire, d’un
centime moins chère.
Pourl’UFC-Quechoisir,lapréservation des intérêts des utilisateurs
pourrait passer par une meilleure
place accordée aux opérateurssans
réseau propre (MVNO) : l’association demande à ce que leurs conditions d’accès au marché de gros
soient revues.
La guerre des prix qui avait suivi
l’entrée de Free sur le marché du
mobile en janvier2012 avait fait de
la France le pays le plus concurrentiel d’Europe. Une particularité que
les associations de consommateurs défendent bec et ongles.
Pour François Carlier, de l’association Consommation, logement
et cadre de vie (CLCV), «ce scénario
[de consolidation] présente un risque». « Vouloir reconcentrer un secteur comme les télécoms pour lui
redonner du souffle, au détriment
du consommateur, nous paraît être
une mauvaise politique », a-t-il
déclaré à France Info, dimanche.
Pourlesanalystesd’OddoSecurities, la baisse des prix aux forceps,
telle que l’a menée Free depuis son
entrée en fanfare sur le marché
avec ses forfaits mobiles à prix cassés(2eurospourleplusbas), a vécu.
«Les prix les plus bas n’ont pas bougé depuis un an», souligne Alexandre Iatrides chez Oddo.
La différenciation entre les
offresdevraitàl’avenirmoinssefaire sur les prix, aujourd’hui tous en
ligneles unsavec les autres,que sur
le contenu du forfait et la qualité de
service.
Le pari des opérateurs est
qu’avec le développement du stan-
dard 4G, qui permet une navigation et des téléchargements nettementplusrapidesqu’en3G,lesutilisateurs souhaiteront augmenter
les capacités de leur forfait en termes de données et seront pour cela
prêts à payer un peu plus cher.
En début d’année, SFR et Orange
avaient pour ce faire annoncé une
légère augmentation de leurs for-
Pour l’Autorité
de régulation des
télécoms, l’intensité
concurrentielle n’est
pas forcément liée
au nombre d’acteurs
faits 4G, avec en contrepartie des
servicesadditionnels.Unemanœuvre délicate, alors que Free a, en
décembre, annoncé inclure la 4G
danssesforfaits3G,sansaugmentation de prix.
Sauf que… la couverture 4G de
Free n’atteignait à l’époque qu’un
peu moins de 20 % de la population. La réalité n’était pas à la hauteur des promesses, mais cela
devrait rapidement changer, avec
le rachat de 15 000 antennes Bouyguesparl’opérateurlowcost:Bouyguesdispose,eneffet,d’unavantage concurrentiel fort, avec plus de
60 % de couverture de la population en 4G. Cette donnée pourrait
considérablement dynamiser les
offres 4G de Free. p
Audrey Fournier
A en croire Free, « il n’y a aucune raison
pour que les prix augmentent »
Questions à... Maxime Lombardini, directeur général d’Iliad, maison mère de l’opérateur
SOUCIEUX DE DONNER des gages
à l’autorité de la concurrence
pour faciliter l’acceptation de son
dossier, le groupe Bouygues a indiqué, dimanche 9 mars, que, dans
le cadre de son projet de racheter
l’opérateur de téléphonie mobile
SFR à Vivendi, une négociation
exclusive était en cours avec l’opérateur Free pour lui céder une partie de son propre réseau mobile.
Maxime Lombardini, directeur
général d’Iliad, maison mère de
Free Mobile, explique quelles
seraient les conséquences d’un
rapprochement Bouygues-SFR
pour l’ensemble du marché de la
téléphonie mobile. Et pour Free
en particulier.
Y
Que comptezvous racheter
exactement à Bouygues Telecom, si ce dernier
acquiert SFR ?
Par cette opération, conditionnée au succès de l’offre de Bouygues sur SFR, nous achèterions
l’intégralité du réseau mobile de
Bouygues Telecom, à l’exception
concurrents passerait de trois à
deux.
du cœur de réseau. Soit 15 000
antennes environ ainsi qu’un portefeuille de fréquences 2 G, 3 G et
4G.
Le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg a
clairement indiqué vouloir revenir de quatre à trois acteurs. Il a
aussi laissé entendre son soutien à l’offre de Bouygues sur
SFR. Qu’en pensez-vous ?
Combien de temps gagneriezvous ainsi sur la construction de
votre réseau ?
C’est difficile à mesurer, mais
clairement nous trouverions
notre indépendance plus rapidement. En maîtrisant totalement
notre réseau, nous serions à
même d’être plus innovants et
toujours aussi dynamiques commercialement.
Les associations de consommateurs redoutent une hausse des
prix si l’on repasse de quatre à
trois opérateurs mobiles. Les
tarifs vont-ils augmenter ?
Il n’y a aucune raison pour que
cela se produise. Au contraire. Si
l’opération a lieu et que nos deux
concurrents sont Orange et Bouygues-SFR, nous aurons face à
nous deux géants. Nous serons
plus que jamais le « maverick»,
l’aiguillon concurrentiel.
Nous aurons tout intérêt à main-
Cartedepaiement:
aux Etats-Unis,la puce
pourraitbientôtremplacer
la bandemagnétique
En 2013, 19 groupes de distribution ont vu
les données bancaires de leurs clients piratées
Les prix du mobile ont chuté avec l’arrivée de Free
janv.
2010
5
AFP
tenir des offres et des prix attractifs pour attirer de nouveaux abonnés. Quand vous avez un réseau
avec de la capacité disponible et
un tel écart de parts de marché,
c’est un devoir de proposer au marché des offres attractives!
Et culturellement, chez Free,
nous ne sommes à l’aise que dans
un univers de liberté et de concurrence. Nous ne changerons pas
parce que le nombre de nos
La concurrence est saine et a des
effets vertueux. Notre arrivée dans
le mobile a poussé nos concurrents à être plus innovants et à
investir toujours plus pour améliorer leurs réseaux.
Il y a aujourd’hui une solution
qui se dessine, proposée par Bouygues, très solide, française, qui
accélère le plan « très haut débit
[FTTH]» et préserve l’emploi.
Cette opération a, dans le même
temps, le mérite de dynamiser la
concurrence en nous affranchissant plus rapidement de l’itinérance. C’est la preuve que, parfois, la
politique industrielle et la concurrence peuvent se retrouver. p
Propos recueillis par
Sarah Belouezzane
New York
Correspondant
L
es Etats-Unis se décident
enfin à adopter la carte de
paiement à puce électronique.Visa et MasterCardont annoncé, vendredi 7 mars, la création
d’un groupe de travail réunissant
établissements financiers et commerçantsafin de généraliserle système d’ici à octobre 2015.
Cette initiative est lancée alors
que les piratages de données se
multiplient aux Etats-Unis. La prise de conscience de la nécessité de
renforcer la sécurité des paiements s’est produite en décembre 2013, lorsque la troisième chaîne de distribution américaine,Target, a reconnu s’être fait subtiliser
les données de 110 millions de
clients pendant les fêtes de fin
d’année.
Ce sont les coordonnées bancaires, adresses courriel et numéros
de téléphone de près d’un tiers de
la population américaine qui sont
ainsi partis dans la nature. Quelques jours après, une autre chaîne
de magasins, Neiman Marcus,
annonçait le piratage de plus d’un
million de cartes de paiement. Au
total, en 2013, 19 groupes de distribution ont été victimes de ce type
de malversation, selon les chiffres
de l’institut d’études Ponemon.
Alorsque plusde80paysdansle
monde ont adopté le système des
puces, les Etats-Unis en sont toujours à la bande magnétique, qu’il
suffit de passer dans un lecteur,
sans taper de code confidentiel, la
transaction étant authentifiée par
la signature d’un simple reçu.
L’une des failles de ce système
rudimentaire, qui date du début
des années 1970, provient du fait
que, une fois les données entrées
sur cette bande magnétique, il est
impossible de les modifier. Ce qui
facilite grandement le travail des
pirates, notamment pour fabriquer des fausses cartes.
La puce dite « EMV », du nom du
consortiumentreEuropay,MasterCard et Visa, qui a imposé la norme
en Europe, permet au contraire de
générer à chaque transaction un
code unique. Une sécurité qui est
doublée grâce au code personnel
que l’on doit taper sur un terminal
pour chaque achat.
Aux Etats-Unis, sur les 5,6 milliards de cartes en circulation, seulement 0,3 % possèdent une puce.
En Europe, la proportion s’élève à
81 %. Si la première puissance économique du monde n’a pas voulu
jusqu’à présent adopter ce système, c’est tout bonnement dans un
souci d’économie.
La National Retail Federation
(NRF), la fédération américaine de
la distribution, estime que la mise
en place des équipements, l’achat
des logiciels et la formation des
salariés coûteraient au total environ 30 milliards de dollars
(21,6 milliards d’euros). A titre de
comparaison, en 2012, la fraude
aurait coûté aux commerçants et
aux banques américaines environ
11,3 milliards de dollars, soit en
moyenne5 centspourchaquetranche de 100 dollars d’achat. Jusqu’ici, ce risque de défaut était
assumé, mais l’affaire Target a fait
monter la pression d’un cran.
« Ces magasins représentent
une part prépondérante de notre
économie. Si les consommateurs
ne peuvent pas avoir confiance
dans la protection de leurs données, notre reprise économique va
s’essouffler», s’est notammentirrité le sénateur démocrate du Vermont, Patrick J. Leahy, à la tête de
la commission parlementaire qui
a auditionné le 4 février les distributeurs piratés.
Un agacement compréhensible
à la lumière des statistiques : les
Etats-Unis représentent environ
un quart des transactionspar carte
danslemonde,mais 47%de lafraude, selon le Nilson Report, une
newsletter spécialisée.
Ce chiffre a augmenté de 70 %
entre2004 et 2010,d’aprèsles données du cabinet de conseil Celent.
Cette forte augmentation s’explique simplement par le fait que la
fraude internationale a migré vers
la zone où la sécurisation a fait le
moins de progrès.
Même si le système de la puce
n’est pas fiable à 100 %, il a permis
Les Etats-Unis
représentent
environ un quart
des transactions par
carte dans le monde,
mais 47% de la fraude
aux pays qui l’ont adopté de réaliser des progrès spectaculaires. Par
exemple, la fraude au RoyaumeUni s’est effondrée de 57 % en dix
ans.
Paradoxalement, Target avait
été l’un des premiers à lancer un
système de carte à puce au début
des années 2000. Mais l’expérience a tourné court. Le temps de transaction était plus lent et, surtout,
les autres distributeurs n’ont pas
suivi le mouvement. « Je crois que
nous sommes prêts à bouger »,
affirme aujourd’hui Gregg Steinhafel, le patron de Target, échaudé
par le gigantesque piratage dont
ses clients ont été victimes.
Si le groupe de travail lancé par
Visa et MasterCard va dans la bonne direction, tous les problèmes
sont loin d’être résolus. A peine
constitué, il enregistre déjà une
défection de taille. La puissante
NRF, qui représente plusieurs milliers d’adhérents et pèse 2 500 milliards de dollars, a dit qu’elle n’y
participerait pas dans la mesure
où, pour le moment, il n’est pas
prévu que les cartes à puce soient
dotées d’un code confidentiel.
« Ils ne seront pas sérieux pour
ce qui est de la lutte contre la fraude tant qu’ils ne passeront pas au
code », estime Mallory Duncan, le
directeurjuridiquede la NRF. Dans
ces conditions, l’échéance de 2015
semble difficilement tenable. p
Stéphane Lauer
il est temps
de parler d’économie
8H30 DU LUNDI AU VENDREDI
SUR
6
0123
économie & entreprise
Mardi 11 mars 2014
Comment Imerys a renoncé à la plus
grande acquisition de son histoire
FINANCE
Cofinoga: BNP Paribaset les
GaleriesLafayettese déchirent
Le champion français des minéraux industriels n’a pas voulu surenchérir au-delà du raisonnable
pour s’offrir l’américain Amcol. Son rival MTI remporte l’affaire pour 1,7milliard de dollars
La tension monte encore entre BNP Paribas et les Galeries
Lafayette qui s’affrontent sur la valorisation de leur filiale à 50-50,
Laser Cofinoga. Alors que les syndicats du spécialiste du crédit à la
consommation ont appelé à la grève lundi 10mars, la banque
dénonce une « manipulation des représentants du personnel de
Laser Cofinoga et encourage ces derniers à la plus grande vigilance
en ce qui concerne l’interprétation qui leur est donnée des échanges
entre actionnaires». Un conseil d’administration de Laser Cofinoga destiné à approuver les comptes devrait être chahuté lundi. Les
Galeries Lafayette demandent à ce que soit « pris en compte le
redressement de l’entreprise», quand BNP exige de doter des provisions. En septembre2012, les Galeries avaient exercé leur option
pour vendre leur participation à BNP Paribas. Depuis, les deux
groupes se déchirent sur le prix. p Isabelle Chaperon
Papier L’usine Vertaris de Voreppe va redémarrer
La papeterie Vertaris (ex-Matussière et Forest) de Voreppe, dans
l’Isère, va être reprise par le fonds Springwater Capital, selon
Les Echos du lundi 10 mars. L’usine, en liquidation depuis
juillet2012, va être transformée pour produire de la pâte à papier.
« Le niveau de l’euro est élevé
mais il ne doit pas être le bouc
émissaire des problèmes de
compétitivitéde la France »
Pierre Moscovici, sur BFM-TV, le dimanche 9 mars. Le ministre
de l’économie a reconnu que, à près de 1,38 dollar, « l’euro est à
un niveau élevé », en précisant aussitôt que « cela ne doit pas
être un prétexte pour ne pas réformer et l’Europe et la France ».
SOCIAL
Travaildominical: MichelSapin
prometunprojet de loi
La bentonite est utilisée dans de nombreux procédés industriels, notamment dans les forages pétroliers. SARAH BETH BARNETT/« CASPER STAR TRIBUNE »/AP
C
ela aurait dû être la plus
grande acquisition de l’histoire d’Imerys. Et un nouveautitrede gloirepour sonprincipal actionnaire, Albert Frère, le
plus riche des milliardaires belges.
Mais, sauf ultime surprise, le
champion français des minéraux
industriels va devoir faire une
croix sur Amcol, la société américaine qu’il voulait s’offrir pour
1,7 milliard de dollars, soit 1,2 milliard d’euros.
Après trois semaines d’une
incroyable bataille boursière,
Albert Frère, son associé Paul Desmarais Jr et les dirigeants d’Imerys
ont décidé, vendredi 7 mars, de ne
pas surenchérir davantage. C’est
donc Minerals Technologies,
l’autre candidat, qui devrait l’emporter.Latransactionseraenprincipe officialisée ces prochains jours.
Une affaire qui confirme que le
robinet de l’endettement est de
nouveau ouvert pour les groupes
industriels et permet toutes les
offres publiques d’achat (OPA).
«Le mariage entre Amcolet Imerys était un projet prometteur, grâce à la très bonne complémentarité
des deux groupes, mais tout a un
prix », commentent les analystes
d’Aurel BGC.
Amcol, une belle endormie
américaine
Amcol, la cible de la bataille boursière qui s’achève, est une vieille
maison américaine.
Ses racines remontent au milieu
des années 1920. A Deadwood, la
bourgade du Dakota du Sud où
est enterrée Calamity Jane, d’anciens chercheurs d’or s’étaient
alors lancés dans l’exploitation de
la bentonite et avaient rencontré
peu après un entrepreneur dynamique, Paul Bechtner. De leur
association était né American Colloid, le futur Amcol.
Quatre-vingt-dix ans plus tard, la
société appartient toujours à
20% aux descendants de
M. Bechtner, « M. Bentonite», et
d’autres dirigeants historiques.
Elle n’a qu’un produit à son catalogue, la bentonite, dont elle est le
leader mondial.
Considérée par certains analystes comme une « belle endormie», Amcol compte 2 800salariés, pour un chiffre d’affaires de
1 milliard de dollars (0,7 milliard
d’euros) en 2013, et un bénéfice
net limité à 31 millions de dollars.
Six surenchères en trois semaines, avocats et banquiers d’affaires mobilisés des deux côtés de
l’Atlantique : qui aurait imaginé
pareil combat pour un produit
inconnu du grand public, la bentonite ? Une sorte d’argile dont l’un
des principaux débouchés est… la
litière pour chat!
L’histoire rappelle la fable de
Jean de La Fontaine, Le Lièvre et la
Tortue. Dans le rôle de la tortue :
Minerals Technologies (MTI). Les
dirigeants de cette ancienne filiale
de Pfizer sont les premiers à s’intéresser à Amcol. Dès le printemps
2010, en toute discrétion, son
patron, Joe Muscari, entame des
discussions en vue d’une possible
fusion. L’affaire n’aboutit pas.
Deux ans et demi plus tard, en
octobre2012, de nouvellesnégociations sont engagées. Là encore, les
deux parties n’arrivent pas à s’entendre: MTI propose de tout payer
en actions, sans le moindre dollar
en cash. Les dirigeants d’Amcol
refusent. Mais ces tractations
secrètes sèment le doute chez les
administrateurs d’Amcol : ne
serait-ce pas, effectivement, le
moment de vendre ?
Vieille maison américaine,
Amcoln’a qu’unproduità soncatalogue, la bentonite.Cette argile qui
tire son nom de Fort Benton, la ville du Montana où furent découverts les premiers gisements, n’est
pas destinée qu’aux litières pour
chat. Elle est aussi utilisée dans de
nombreux procédés industriels,
notammentdanslesforagespétroliers. Un débouché très porteur
aux Etats-Unis, avec l’essor du
pétrole et du gaz de schiste.
Premierproducteurde bentonite au monde grâce à ses réserves
du Wyoming, Amcol devient de ce
fait une cible de premier ordre. En
décembre2012, le conseil d’Amcol
décide en conséquence de préparer l’éventuelle cession du groupe,
et confie un mandat à la banque
d’affaires Goldman Sachs.
Lorsque M. Muscari, le tenace
patron de MTI, entame une
troisième approche pour fusionner avec Amcol, en octobre 2013, le
processus prend donc une autre
tournure. Sa proposition, à
40,50 dollars par action, est certes
de nouveau rejetée, même si MTI
est désormais prêt à payer en cash
les deux tiers de la facture. Mais
cette fois, Amcol ne s’en tient pas
là. Ses banquiers sont chargés de
faire monter les enchères, en
contactant d’autres acquéreurs
possibles.
GoldmanSachs en appelle trois.
Uniquement des industriels des
minéraux désireux de grandir
dans ce métier : le leader mondial
Imerys, le chimiste suisse Clariant,
et un troisième larron non identifié. Imerys est le seul à répondre.
«QuandAmcolnousacontactés,
le 3 décembre, nous avons réagi très
vite, parce que nous avions déjà
identifié la bentonite comme un
minéral intéressant pour nous »,
raconteGillesMichel,lePDGd’Imerys.Mieux: le groupefrançais avait
déjà réfléchi à un possible mariage
avec Amcol, tout en excluant une
opération hostile. A partir du
moment où l’américain prend luimême les devants, tout change.
En quelques jours, Imerys, ses
avocats et ses banquiers se mobilisent. Nom de code de l’opération :
« Amadeus ». Les dirigeants français font le tour des usines d’Am-
Ces folles surenchères
font tousser au sein
même de MTI, dont
le directeur général
démissionne
en pleine OPA
col, aux Etats-Unis, en Chine, au
Royaume-Uni, en Afrique du Sud.
Surtout, ils calculent quel prix ils
peuvent offrir. Amcol est certes un
champion mondial, qui ferait
entrer le groupe dans la bentonite,
lui permettrait de grandir de 20 %
d’un coup, et l’arrimerait solidement sur le décisif marché américain. Mais Albert Frère est attentif
à sa « galette » : pas question pour
Imerys de surpayer sa proie. Il faut
que l’acquisition crée de la valeur
dans la durée.
Dès le départ, les Français ont
en tête un prix maximal voisin de
45 dollars par action. A ce niveau,
ils savent que l’« opération Amadeus » peut encore être rentable.
Mais ils tentent d’obtenir l’affaire
pour moins, et proposent d’abord
39,50 dollars. Pas assez, répond
Amcol, qui a reçu entre-temps une
offre à 41 dollars de MTI.
Imerys monte alors à son tour à
41 dollars, et décroche le feu vert
d’Amcol. A prix égal, les dirigeants
américains préfèrent signer avec
un groupe solide, prêt à payer
100 % en cash, qu’avec MTI, une
société quatre fois plus petite qu’Imerys et pour laquelle l’affaire
représente un pari très audacieux.
Le 12 février, le grand mariage
franco-américainest annoncéofficiellement. En deux mois, le lièvre
Imerys semble avoir remporté la
course que la tortue MTI avait lancée près de quatre ans plus tôt.
Mais M. Muscari n’entend pas
être privé de sa victoire si près du
but. Dès le lendemain, le président
de MTI sort de l’ombre, et annonce
une surenchère. Puis une autre le
jour suivant. Puis une troisième et
une quatrième quand Imerys met
à son tour un peu plus d’argent sur
la table. MTI monte jusqu’à
45,75 dollars par action, soit 42 %
de plus que ce que valait Amcol en
Bourse quatre mois auparavant.
Visiblement, cette spirale fait
tousser au sein même de MTI. Le
27février,en pleinebataille,l’entreprise annonce la démission immédiate « pour raisons personnelles»
de Robert Wetherbee, son directeur général, arrivé un an auparavant pour succéder à terme à
M.Muscari.Ce dernierreprendprovisoirement toutes les commandes. Comment ne pas voir dans ce
départsoudain le signed’un désaccord profond sur le prix offert?
Car la note devient salée. A
1,7milliardde dollarsdette comprise, la facture totale équivaut à…
56 fois le dernier bénéfice net
d’Amcol! Même rapportéau résultat d’exploitation,le prix reste nettement supérieur à la plupart des
transactions enregistrées dans le
secteur.
M. Muscari, lui, est prêt à casser
sa tirelire pour une opération hautement stratégique. L’achat d’Amcol va doubler la taille de MTI. Et
comme la société n’a pas de dette,
lesbanquesluiprêtentsansproblème les fonds nécessaires, dans un
contexted’argentà nouveaufacile.
Résultat : MTI rafle la mise. « A
ce prix-là, nous n’étions pas en
mesure de proposer un retour sur
investissementsuffisant,commente M. Michel. Je suis déçu, mais je
n’ai aucun regret. Et puis, cet épisode auramontré qu’Imerys est capable d’agir vite et fort ! »
De plus, le groupe français ne
rentre pas complètement bredouille : il devrait recevoir 39 millions de dollars d’Amcol à titre de
dédit. De quoi atténuer la déception, en attendant le passage d’une
nouvelle proie. p
Denis Cosnard
Dans un entretien au Journal du dimanche, le ministre du travail
Michel Sapin a indiqué, dimanche 9 mars, qu’un projet de loi sur
le travail dominical dans le secteur du bricolage serait examiné
« avant la fin de l’année». Selon lui, le nouveau décret autorisant
l’ouverture de ces magasins le dimanche, publié samedi 8 mars,
permet de « stopper la confusion» dans le secteur. La première
mouture du décret avait été suspendue par le Conseil d’Etat. Plusieurs syndicats ont déjà indiqué vouloir attaquer le nouveau
texte devant la haute juridiction. – (AFP.) p
Japon
+1,5 %
C’est le taux de croissance de l’économie japonaise en 2013,
publié lundi 10 mars. Entre octobre et décembre, le produit intérieur brut n’a finalement augmenté que de 0,2 % d’un trimestre
sur l’autre, contre 0,3 % espéré. Même si cette progression
annuelle est légèrement supérieure à celle de 2012 (+ 1,4 %) et la
meilleure depuis 2010, c’est une déception pour le premier
ministre conservateur, Shinzo Abe, qui, dès son arrivée au pouvoir fin 2012, avait fait de la relance sa priorité.
Médias BeIN pourrait diffuser des matchs
de la Coupe du monde de football 2014
TF1, détenteur des droits de retransmission du Mondial de football au Brésil (12 juin-13 juillet), négocie avec BeIN pour lui revendre l’autorisation de diffuser des matchs, écrit le Journal du
dimanche du 9 mars. La chaîne sportive qatarie achèterait de 36 à
64 matchs, pour 35 à 50 millions d’euros, selon le JDD.
Conjoncture La Banque de France laisse inchangée
sa prévision de croissance au premier trimestre
La Banque de France a confirmé, lundi 10 mars, compter sur une
croissance de 0,2 % de l’économie française au premier trimestre
2014, dans une deuxième estimation fondée sur son enquête
mensuelle de conjoncture de février. – (AFP.)
Baisse de la production industrielle en janvier
La production industrielle de la France a baissé de 0,2 % en janvier après une baisse de 0,6 % un mois plus tôt, a indiqué l’Insee,
lundi 10 décembre. La production de l’industrie manufacturière
a dans le même temps augmenté de 0,7%. – (Reuters.)
Agroalimentaire Chiquita et Fyffes fusionnent
pour créer le numéro 1 mondial de la banane
La société américaine Chiquita Brands International et la société
néerlandaise Fyffes ont annoncé, lundi 10 mars, leur fusion, donnant naissance au leader mondial de la banane. Le nouvel ensemble, baptisé ChiquitaFyffes, sera détenu à 50,7 % par les actionnaires de Chiquita et à 49,3 % par ceux de Fyffes. Il pèsera 4,6 milliards de dollars (3,3 milliards d’euros) de chiffre d’affaires.
Unilever prend la majorité du capital d’une société
chinoise de traitement des eaux
Le géant néerlandais de l’agroalimentaire et de l’hygiène, Unilever, a annoncé dimanche 9 mars avoir acquis la majorité du capital de la société chinoise Qinyuan, au chiffre d’affaires de 140millions d’euros.
Automobile Fermeture de l’usine PSA d’Aulnaysous-Bois : 214 salariés encore à reclasser
Après l’arrêt de la production de l’usine d’Aulnay-sous-Bois (SeineSaint-Denis), PSA Peugeot Citroën doit encore reclasser 214 de ses
3000 employés du site en cours de fermeture, a détaillé, vendredi
7mars le groupe automobile. D’ici à la fin du mois de mars, ces
employés doivent accepter l’une des propositions du groupe,
sinon ils risquent le licenciement.
dossier
8
0123
Mardi 11 mars 2014
Roche : champion de la capitalisation boursière
Un chiffre d’affaires en hausse
Un laboratoire orienté vers la recherche
N°1 dans la biotechnologie
CAPITALISATION BOURSIÈRE 2014, EN MILLIARDS DE DOLLARS
EN MILLIONS DE FRANCS SUISSES
DÉPENSES EN R&D
EN MILLIARDS DE DOLLARS
VENTES ISSUES
DES BIOTECHNOLOGIES,
HORIZON 2018
Roche
Novartis
Pfizer
Merck & Co
Sanofi
46 780
GSK
258
10,3
31 220
222
205
168
134
9,4
7,9
6,7
6,7
35,3 Roche
milliards
de dollars
6,3
133
2003
2013
Novartis
Roche
Merck & Co
Pfizer
Sanofi
N°1
GSK
Lesmoléculesdu groupesuisseRoche,premièrecapitalisationboursièredu secteurpharmaceutique,
ontrévolutionnéle traitementdestumeurs. Un modèle qui inspire toute la profession
Au cœur du plus puissant
laboratoire du monde
L
e nouveau siège de Roche, à Bâle
(Suisse), est à l’image de ce groupe
pharmaceutique né sur les rives
du Rhin à la fin du XIXe siècle.
Géant et discret. L’architecture,
en double hélice, symbole de l’ADN, a été
abandonnée au profit d’un dessin plus
austère : un triangle blanc qui se reflète
dans les eaux du fleuve.
Baptisé sobrement Bau 1 (« bâtiment1 »), il accueillera, en 2015, les troupes
d’élite de ce laboratoire devenu, en quelques années, la première capitalisation
boursière du secteur avec une valeur de
260milliardsdedollars(185milliardsd’euros). Roche devance Novartis, l’éternel
rival, dont le siège se trouve à une dizaine
deminutes delà, sur l’autre rivedu Rhin, et
le géant américain Pfizer.
Il y a cinq ans, le groupe valait 90 milliards de dollars. Il pèse aujourd’hui plus
lourd que Wal-Mart, Shell ou Nestlé.
Un esprit de start-up
Son succès repose sur trois médicaments phares – le MabThera, l’Avastin et
l’Herceptin. Ces anticancéreux sont devenus, en moins de dix ans, des best-sellers.
En 2013, ils ont rapporté plus de 21 milliards de dollars. Plus connu du grand
public pour le Valium et le Lexomil, deux
stars des pharmacies, Roche truste un tiers
du marché mondial du traitementdes cancers. Ce segment représente plus de 60 %
de ses ventes de médicaments et connaît
une croissance annuelle supérieure à 10 %.
De quoi agacer les géants du secteur
comme Pfizer, le britannique GSK ou le
français Sanofi, dont les comptes sont
plombés par la perte de grands brevets et
laconcurrencede copieslowcost.Toustentent toutefois de reproduire le « modèle
Roche », étendard de la pharmacie du
futur, basé sur un sens aigu de la science,
des acquisitions ciblées et un redoutable
sens des affaires.
C’est au 124 Grenzacherstrasse, près du
siège actuel, que s’était installé, en 1894, le
banquier Fritz Hoffmann. Il avait une idée
en tête : profiter de l’expertise des chimistes dans les extraits de plantes pour se lancer sur le créneau très lucratif du médicament. La première création de cette startup de la Belle Epoque fut un simple sirop
contre la toux à base d’écorce de gaïac, un
arbre exotique. Lancé en 1898 sous le nom
de Sirolin, il conquiert en un temps record
les pharmacies d’Europe, des Etats-Unis et
même du Japon. Le Pantopon, puissant
antalgique à base d’opium, et le Digalen, à
base de digitale, indiqué en cas d’insuffisance cardiaque, suivront peu après.
Depuis, Roche a bien changé, mais cet
esprit pionnier flotte dans les immenses
couloirs aux allures d’hôpital. « Il faut suivre la science », martèle Severin Schwan,
47 ans, patron du groupe depuis 2008. Ce
diplômé en droit et en économie, passionné de science, n’hésite pas à griffonner sur
un bout de papier cellules et molécules
pour expliquer au néophytela mécanique
de ses médicaments.
Son ambition : piloter un paquebot de
80000salariés comme une start-up. Ici on
fermesansétat d’âmeles centresderecherche jugés vieillots ( comme en 2012 celui de
Nutley dans le New Jersey qui comptait
1000 salariés) et on joue la carte de la compétition entre les équipes. Les chercheurs
de pRED, et gRED, deux entités maisons
dédiées à la recherche fondamentale, s’affrontent pour identifier les molécules de
demain. Quant aux meilleurs « cerveaux»,
recrutés dans le monde entier, ils ont une
totale liberté.
Un petit labo abrite ainsi une unité étonnante consacrée aux cellules souches. Sur
un écran, on voit des cellules de cœur battre,et sur unautre,des neuronescolorésen
vertet bleu.« Bientôt,nous pourronsles utiliser pour sélectionner les molécules les plus
prometteuses et tester la toxicité des futurs
médicaments », explique Martin Graf, responsable de ce projet avant-gardiste.
Le groupe met les moyens : il consacre,
selon Evaluate Pharma, plus de 21% de ses
ventes de médicaments à la recherche
contre 19% pour Novartis, 15% chez Pfizer,
16 % pour Sanofi ou 15 % chez GSK. Résultat : Roche a quinze candidats-médicamentsà unstadeavancé.« Lemeilleurpipeline de l’industrie », dit Philippe Lanone,
analyste chez Natixis. « Et, avec 75 % d’études cliniques positives sur les trois dernières
années, le taux de succès est plus élevé que
la moyenne du secteur, malgré quelques
échecs récents », ajoute-t-il.
Le pari des biotechnologies
Ce qui paie, aujourd’hui, c’est le pari des
biotechnologies pris il y a vingt ans. En
1990, Roche a déboursé 2 milliards de dollars pour acquérir 56 % de Genentech (en
2009, le groupe a acheté les 44 % restants
pour plus de 46 milliards). Cette société
américaine a dans son portefeuille une
nouvelle génération de médicaments: les
anticorpsmonoclonaux.Cesontdesarmes
redoutables pour lutter contre le cancer.
Roche a en outre un autre atout : sa division diagnostics, qui fabrique les tests
« compagnons » indispensablespourrepérer les patients sensibles au médicament.
Emblématique de cette approche, l’Herceptinaétélancéen2000.Prescritpoursoigner certains cancers du sein en complément de traitements classiques (chirurgie
et chimiothérapie),il cible les femmes porteuses d’un gène HER2 mutant (20 % à 25 %
des cas). Pour elles, ce cancer est souvent
mortel, avec un taux de survie de 13%, cinq
ans après l’apparition des métastases.
Avec l’Herceptin, la survie à cinq ans
passe à 25 %. Et, dans les cas où la tumeur
est soignée précocement, le médicament
diminue de moitié le taux de récidive.
« Ces résultats ne sont pas une évolution,
mais une révolution », a déclaré Gabriel
Hortobagyi, l’un des grands spécialistes
américains du cancer du sein, dans The
New England Journal of Medicine.
A peu près au même moment, Roche
a lancé le MabThera – indiqué dans certains lymphomes et dans la leucémie lymphoïde chronique – et l’Avastin, utilisé
Le grand dilemme des labos dans les pays émergents
« NOTRE médicament n’est pas destiné aux patients indiens, mais aux
Occidentaux qui peuvent se le
payer.» Cette phrase choc a été prononcée, en janvier, par le patron du
groupe allemand Bayer; elle illustre
bien le dilemme des laboratoires.
D’un côté, ils ont intérêt à négocier des prix de plus en plus élevés
pour leurs médicaments. De l’autre,
ce prix constitue un mur infranchissable pour les pays pauvres, qui ont
aussi besoin de ces traitements.
Au cœur de la polémique, le
Nevaxar, un médicament indiqué
contre le cancer du rein. Lancé par
Bayer, il coûte 80 000 dollars
(58000 euros) pour dix mois de traitements. Trop cher, juge l’Inde qui
vient d’autoriser un laboratoire
local à produire une copie quarante
fois moins chère, en dépit du brevet
de Bayer. Cette affaire n’est pas la
première; Novartis, Pfizer ou encore Merck & Co sont tous familiers
des tribunaux de ce pays.
La question de l’accès aux anticancéreux de dernière génération se
pose dans les mêmes termes que celle de l’accès aux trithérapies il y a
dix ans. Selon l’Organisation mondiale de la santé, les pays pauvres et
à revenu intermédiaire représentaient 57 % des quatorze millions de
patients atteints d’une tumeur dans
le monde, mais 65% des décès. Le
cancer tue plus que le sida, la malaria et la tuberculose réunis.
Pour sortir de cette impasse, les
groupes pharmaceutiques finissent
le plus souvent par proposer un
prix ajusté en fonction du pouvoir
d’achat du pays, voire du patient.
C’est ce que fait Roche, notamment
en Chine, où certains traitements
coûtent dix fois le salaire annuel
moyen d’un ouvrier. Dans ce pays,
le laboratoire s’est associé avec des
compagnies d’assurance locales
pour élaborer un dispositif spécifique au cancer. Il propose aussi ses
médicaments à prix réduits pour
une partie des patients.
Eviter les copies « sauvages »
« Dans les pays émergents, leur
stratégie n’est pas de commercialiser des technologies périmées, mais
de facturer aux patients les plus
riches les médicaments au prix fort
pour subventionner les soins des
plus pauvres», souligne Eric Le Berrigaud, analyste chez Bryan Garnier.
Un contrat gagnant-gagnant,
dans lequel le laboratoire accepte
de réduire sa marge, pour éviter l’arrivée de copies « sauvages », tout en
préservant son image auprès de
clients prometteurs. En 2017, la
Chine pays représentera 15 % des
dépenses de médicaments dans le
monde contre 8 % en 2012, selon
IMS Health. Ce pays sera alors le
second marché pharmaceutique
mondial derrière les Etats-Unis.
Roche, comme ses concurrents,
insiste cependant sur le fait que les
médicaments ne font pas tout.
Dans la plupart des pays pauvres, le
manque d’équipements et de médecins est le premier frein aux soins.
Et les politiques de prévention sont
quasi inexistantes. p
C. Hr
DES
ACQUISITIONS
CIBLÉES ET UN
REDOUTABLE
SENS DES
AFFAIRES
FORMENT LA
SIGNATURE DU
GÉANT SUISSE
dans de nombreux cancers. « Ces trois
médicamentsontprofitéd’unquasi-monopole pendant quasiment dix ans, car la
concurrence s’est réveillée trop tard. Cette
situation est rarissime », commente Eric
Le Berrigaud, chez Bryan Garnier. Roche
a pu ainsi empocher plus de 100 milliards
de dollars au total depuis leur lancement.
Seule menace pour le modèle économique bien rodé de Roche : l’arrivée des premières copies (les « biosimilaires» dans le
jargon) alors que ses brevets arrivent
à échéance. Sa parade? Rendre obsolète sa
propre technologie, avec le lancement de
nouveaux médicaments comme le Perjeta et le Kadcyla pour le cancer du sein.
« Compte tenu des progrès qu’ils apportent, et malgré un prix plus élevé, ils seront
incontournables dans les indications où ils
sont approuvés. Les patientes et les médecins les privilégieront plutôt qu’Herceptin
ou même ses copies, dont plus personne ne
voudra», résume Philippe Lanone.
Pour garder une longueur d’avance,
Roche compte aussi sur de nouvelles technologies comme l’immunothérapie. C’est
un domaine en pleine effervescence sur
lequel ses rivaux Merck & Co et Bristol
Meyer Squibb sont bien positionnés.
Le groupe suisse est aussi passé maître
dans l’art de repérer les start-up et les programmes académiques les plus prometteurs. Il a ainsi signé, en 2013, environ
160nouveaux partenariats.
Un marketing soigné
Son sens aigu du marketing est un autre
atout dans ce contexte hyperconcurrentiel. Ses premières pubs à l’iconographie
soignée et aux slogans aguicheurs feraient
hurler, aujourd’hui, les autorités de santé.
Un exemple ? Les réclames pour le
Librium, premier tranquillisant à base de
benzodiazépines. Lancé en 1960, cet ancêtreduValiumestd’abordsymboliséparun
planeur posé sur un ciel sans nuage, survolant de paisibles montagnes suisses.
Mais en 2014, à l’heure où Andrew Witty, le patron du laboratoire britannique
GSK, assure qu’il ne paiera plus les médecins pour favoriser ses médicaments, le
ton a changé. « La promotion est d’abord
une conversation scientifique, assure Severin Schwan, le patron de Roche. Nos vendeurssontsouventdesmédecinstrèsspécialisés qui s’adressent à d’autres spécialistes.
S’ils n’arrivent pas devant eux avec un bon
produit et des résultats solides, la conversation s’arrête tout de suite ! »
Mais les plus difficiles à convaincre ne
sont pas les médecins. A l’heure des déficits publics, les payeurs tombent de leur
chaiseà lavue desfacturesque leurprésente le labo : près de 100 000 dollars pour un
traitement complet avec le Kadcyla, le dernier-né des anticancéreux du groupe.
Pour contourner cet obstacle, Roche
a remis au goût du jour un slogan qui a fait
la fortune des marchands de lessives :
« satisfait ou remboursé»… Le groupe fera
payer les médicaments quand ils auront
bénéficié aux patients. Ses concurrents
n’avaient pas encore osé. Un mélange
d’audace et de patience qui fait l’originalité et la vitalité de la vieille dame de Bâle. p
Chloé Hecketsweiler
0123
dossier
Mardi 11 mars 2014
Une cause qui devrait augmenter
Centré sur la lutte contre le cancer
PRIX TOTAL DU DERNIER
TRAITEMENT LANCÉ CONTRE
LE CANCER DU SEIN (LE KADEYLA)
VENTES DE MOLÉCULES ANTICANCÉREUSES,
EN MILLIARDS DE FRANCS SUISSES
35
MabThera
25
Avastin
94 000
dollars
Herceptin
15
ESTIMATION DE L’ÉVOLUTION DU NOMBRE
DE CAS DE CANCER, EN MILLIONS
14 MILLIONS
22 MILLIONS
Autres
5
0
2004
2013
Un investissement rentable
DÉPENSES TOTALES RELATIVES
À LA PRISE EN CHARGE
DU CANCER
7,3
milliards d’euros
2012
Au cours des deux
prochaines décennies
9
(période 2011-2012)
DÉPENSES POUR LES PRINCIPALES MOLÉCULES
ANTICANCÉREUSES LES PLUS PRESCRITES
EN 2012
Autres laboratoires
Roche
PUBLIC
PRIVÉ
40,7
27,1
59,3 %
72,9 %
SOURCES : BLOOMBERG, ROCHE, OMS, INCA, EVALUATEPHARMA
Un laboratoire
au siège de Roche,
à Bâle (Suisse).
M. RUETSCHI/KEYSTONE/AP
«Nos ministres de la santé sont d’abord des ministres de la maladie»
Entretien Severin Schwan, PDG du laboratoire Roche, aimerait que les Etats misent davantage sur la médecine préventive
C
ostume sombre, chemise blanche
et cravate rouge assortie aux
fleursqui ornentson bureau,Severin Schwan affiche la même simplicité que le losange bleu qui sert de logo
au géant pharmaceutique Roche.
Nommé à la tête du laboratoire suisse
en 2008, cet Autrichien de 47 ans vient
d’annoncer un chiffre d’affaires pour 2013
de 46,7 milliards de francs suisses (38 milliards d’euros). Un record.
Le 4 mars, il a été rejoint par Christoph
Franz, l’ancien PDG de la compagnie
aérienne allemande Lufthansa, qui a été
élu président de Roche. Severin Schwan
revient sur les grandes évolutions de l’industrie pharmaceutique et les grands
défis à venir en matière de santé.
Les trois premiers médicaments mis
sur le marché par Roche et qui ont totalisé plus de 15 milliards d’euros de vente
en 2013 sont tous issus de biotechnologies. L’ère de la chimie, qui a donné
naissance à la plupart des
médicaments que nous consommons,
est-elle désormais derrière nous ?
Non, car les médicaments biologiques
– les anticorps monoclonaux utilisés pour
traiter les cancers du sein par exemple –
sont constitués de molécules très grosses,
qui s’agrippent à la surface de la cellule
mais ne peuvent y pénétrer.
Quand le problème vient d’un dysfonctionnement à l’intérieur même de la cellule, il faut recourir à des molécules fines
issues de la synthèse chimique capablesde
franchir la membrane. Nous sommes la
plus grosse biotech du monde, mais pour
autant,notresavoir-faireenchimieestprécieux. Pour guérir le cancer, il faut combiner ces deux approches.
domaine du cancer. Mais il faudra des
années avant que ces données soient utilisées routinièrement.
Roche a récemment créé un laboratoire
consacré à l’étude des cellules souches.
Est-ce la prochaine révolution
de la pharmacie ?
Larecherchedans ce domaineestencore
balbutiante mais prometteuse. Le chercheur japonais Shinya Yamanaka, qui
aobtenu, en 2012, le prix Nobel de médecine, a montré qu’il était possible de « reprogrammer» n’importe quelle cellule en cellule-souche. Celle-ci peut alors devenir
exactement ce que vous voulez qu’elle soit
pour les besoins de la recherche: des cellules de cœur, de foie, de rein, etc.
Grâce à cela, il sera bientôt possible de
tester les effets secondaires de n’importe
quelle molécule sur ces cellules plutôt que
chez l’homme. Ces recherches feront aussi
progresser la médecine « régénérative».
Ainsi, cela prendra sans doute des décennies, mais pourquoi ne pourrait-on pas faire repousser la moelle épinière d’un
patient paralysé ou réparer un cœur
endommagé après une crise cardiaque?
Le « big data » est aussi au cœur
de ces révolutions. Quelles perspectives ouvre pour vous l’analyse de ces milliards de données ?
C’est très intéressant du point de vue de
la recherche. Nous pourrions accéder à des
donnéesbienplusétenduesquecellesobtenueslorsdes essaiscliniquesqui comptent
au mieux quelques milliers de patients.
Desmillionsdedonnéesactuellementstockées dans les archives des médecins pourraient aussi être utilisées par des scientifiques pour mieux comprendre l’évolution
des maladies et identifier de nouvelles pistes de recherche. Nous menons des expériences pilotes avec des institutions publiques,notammentau Royaume-Unidans le
La médecine prédictive
est-elle la prochaine étape ?
« ON POURRA
BIENTÔT
TESTER
LES EFFETS
DES
MOLÉCULES
SUR DES
CELLULES
PLUTÔT
QUE CHEZ
L’HOMME »
C’estcertainementune pisteintéressante. En attendant, nous aimerions déjà que
les Etats fassent de la médecine… préventive. Nos ministres de la santé sont d’abord
des ministres de la maladie. Ils prennent
soin des gens malades. Si une personne
a un cancer, elle est soignée. Mais ne seraitil pas plus judicieux de tout faire pour prévenir cette maladie?
Le principal obstacle à ce changement
est l’horizon de temps très court des politiques. Or, si vous commencez un programme de prévention aujourd’hui, c’est le successeur de votre successeur qui en bénéficiera. Inimaginablepour les politiques! Du
coup, ils ne bougeront que si la pression de
la société est suffisamment forte.
Le prix des nouveaux traitements dans
le domaine du cancer peut atteindre
75 000 euros par an. Dans certains pays
comme le Royaume-Uni, l’Etat refuse
de prendre en charge les anticancéreux
les plus onéreux. Comment adaptezvous votre modèle économique à ces
contraintes ?
Nousdevonsadapterle prix desmédicaments au bénéfice qu’ils apportent réellement à chaque patient.
Ainsi, l’Avastin est indiqué pour traiter
sept types de cancer : colorectal, du sein,
des bronches, du rein, de l’ovaire, etc. Son
efficacité est différente selon le type de
tumeur. Nous proposons donc d’ajuster
nos tarifs selon le cancer pour lequel il est
utilisé.Et, dans unsecond temps,nousproposons d’indexer le prix du traitement
sur les résultats obtenus pour chaque
patient.
Les autorités de santé sont ouvertes
à cette proposition, mais nous nous heurtons à un problème pratique: la disponibilité des données. Nous n’avons aucun
moyen de savoir à quels patients a été
administré l’Avastin que nous avons livré,
et avec quels résultats.
Pourqu’untelsystèmefonctionne,ilfaudrait que chaque médecin tienne un registre de ses prescriptions et que les informations soient centralisées. C’est compliqué à
mettre en œuvre, d’autant qu’il faut garantiraux patientsla protectiontotalede leurs
données privées.
Quelle est votre stratégie dans les pays
émergents, où la question du prix
se pose presque en termes éthiques ?
C’est un vrai défi. Nos médicaments ont
des prix élevés dans les pays riches, mais
nous les commercialisons aussi, ailleurs,
à un prix plus abordable. Ainsi, en Chine, il
y a un marché privé pour les patients qui
ont les moyens de payer le prix élevé, et un
marché public où nos médicaments sont
distribués à moindre coût. C’est possible
avec cette méthode: une patiente atteinte
d’un cancer du sein paie six premières
injectionsd’Herceptin; six autres sont gratuites. Grâce à ce mécanisme, trois fois
plus de patients sont traités.
Mais le prix d’un traitement n’est pas
tout. Pour que les patients puissent bénéficier d’un médicament comme l’Herceptin,
il faut des médecins et des infirmières qualifiés,descentresde soinséquipéspourréaliser le diagnostic.Dans certains pays, il n’y
a même pas de routes pour emmener les
malades jusqu’à l’hôpital! p
Propos recueillis par C. Hr
10
0123
idées
Mardi 11 mars 2014
La dette publique
reste un tabou politique
Pourquoi le débat porte-t-il
toujours sur le déficit?
La fusion de Bouygues Telecom et SFR
est un projet pour la France
Martin Bouygues
PDG du groupe Bouygues
V
oilàunemagnifiqueillustrationconcrète de l’esprit de responsabilité autour
duquel se rejoignentdésormaistous les
acteurs pour favoriser la compétitivité
française et lutter contre le chômage.
Concrète, oui, car la proposition de
Bouygues Telecom de racheter SFR n’est pas un pacte
mais un projet industriel cohérent, complet, précis,
chiffré,financé.Un projet positifpour un secteur stratégique aujourd’hui dévasté, positif pour la France,
positif pour le dynamisme économique et pour l’emploi dans notre pays…
Notreprojettientenpeudemots :ilconsisteàcréer
un acteur majeur du numérique en France. Nous proposons de fusionner Bouygues Telecom et SFR ; de
céder à Free le réseau mobile de Bouygues Telecom
ainsiqu’unportefeuilledefréquences;d’investirmassivement ; et de développer l’emploi en France,
notamment en relocalisant certains des services
aujourd’hui assurés au-delà de nos frontières.
Le premier, le principal effet de l’offre de Bouygues
Telecomest de permettre à la France de passer de quatre à trois opérateurs, c’est-à-dire une configuration
de marché semblable à ce qui existe dans de très
grands pays et donc de s’inscrire dans la tendance à
l’œuvre en Europe. C’est d’ailleurs très exactement ce
que dit le ministre du redressement productif,
Arnaud Montebourg, lorsqu’il explique que la France
sera plus forte avec trois opérateurs qu’avec quatre.
Telle est bien la logique de notre offre. Tel est bien
ce que nous mettronsen œuvre.Nous le feronsen respectant naturellement les exigences que les autorités
réglementaires pourraient avoir et en appliquant
scrupuleusement les engagements que nous prenons.
Concernant les impératifs réglementaires, notre
propositionyrépond.Lacessiondenotreréseaumobile à Free, qui vient en prolongement de notre offre de
fusion avec SFR, permet de maintenir en France une
forteconcurrencepar les infrastructures.Le dispositif
quenousprésentonsgarantitle maintiend’unedynamique de marché bénéfique pour les consommateurs.
Quant aux engagements que prend aujourd’hui
Bouygues Telecom, si certains n’ont pas été suffisamment entendus, je veux ici les répéter solennellement
et publiquement, afin que tous et chacun puissent
mesurer combien ils vont dans le sens de la raison, de
la responsabilité et du patriotisme économique.
Engagementdecontribueràrecréeruneconcurrencesaine,adaptéeàl’échelledumarchéfrançaisetfavorable au dynamisme économique et social de notre
pays.
Engagement d’effectuer des investissements
majeurs grâce aux importantes synergies que nous
pourrons dégager : nous consacrerons 2 milliards
d’euros par an aux réseaux fixe et mobile dont
400millions par an à la fibre optique, dont le déploiement est privilégié par les pouvoirs publics. A cet
égard, il doit être clair que nous investirons dans la
technologie dite de « la fibre jusqu’à l’abonné » (ou
« FTTH», pour « fiber to the home»). C’est la technologie fibre la plus avancée, la plus prometteuse et la seule à offrir des débits adaptés aux usages de demain.
C’est aussi la technologie sur laquelle le gouvernement a fondé le plan France Très Haut Débit. J’observe
égalementquede nombreusescollectivitésterritoriales placent le FTTH au cœur des réseaux très haut
débit qu’elles prennent l’initiative de déployer.
Engagement de contribuer à dynamiser par ces
investissements l’activité des industries de télécoms
en France dont les compétences sont incontestables.
Dans le même sens, nous poursuivrons et amplifierons l’action de notre incubateur Bouygues Telecom
Initiatives qui promeut de nombreuses start-up
françaises. Nous avons l’intention d’augmenter très
vigoureusementles capacitésd’investissementde cet
incubateur en renforçant son capital et ses moyens
humains. L’expertise qui est la nôtre en matière
d’incubation a permis l’émergence de formidables
succès comme Melty – start-up lancée en 2009 et qui,
en 2014, est un des leaders de la presse jeunes en ligne,
se développe à travers toute l’Europe et compte des
millions de visiteurs. Il y a beaucoup d’histoires
d’entreprise comme celle-ci à construire. Nous y
contribuerons.
Engagement de ne procéder à aucun licenciement
collectif, aucun plan social, aucun plan de départs
volontairesetmêmededynamiserl’emploi,enrelocalisant en France des centres d’appels et en développant les réseaux commerciaux et la relation client.
Engagement de maintenir en France le siège social
dunouvelensemble,de lecoter à la Boursede Paris, de
payer nos impôts en France, et non au Luxembourg
ou ailleurs.
Ces engagements ne sont pas destinés à embellir
notre offre. Ils répondent en profondeur à nos convictions et à la logique industrielle de notre projet. Si
nous voulons rapatrier des centres de relation client,
c’est que nous savons qu’ils sont plus performants
lorsqu’ils sont basés en France. Si nous voulons aider
les PME françaises, c’est que leurs capacités d’innovation sont incontestables et reconnues. Si nous voulons dessiner en profondeur un nouveau paysage du
secteur, c’est que tout le monde a à y gagner.
C’est pour cela que nous voulons le faire. C’est pour
cela que nous nous engageons. p
François Morin
Economiste
L
¶
Le groupe
Bouygues a
annoncé qu’il
était prêt à céder
son réseau
mobile à son
concurrent Free
(Iliad), pour
faciliter son
mariage avec SFR,
et recomposer
ainsi le paysage
de la téléphonie
mobile française.
HISTOIRE | CHRONIQUE
p a r P i e r r e - C y r i l l e H a u tcoe u r
S’inscrire à la fac doit coûter plus cher
C
¶
Pierre-Cyrille
Hautcœur
est directeur
d’études à l’Ecole
des hautes études
en sciences
sociales, Ecole
d’économie
de Paris
es dernières semaines, l’université Paris-Dauphine, l’Ecole des mines et l’Ecole polytechnique ont annoncé vouloir accroître les droits
d’inscription demandés aux étudiants. Face à la stagnation ou à la réduction des financements publics, à
la demande d’accroissement de la qualité de l’encadrement de la part des élèves, à la concurrence croissance des universités et écoles étrangères, mais aussi
d’officines privées qui emploient parfois leurs enseignants, cette solution leur est apparue comme la seule possible. Faut-il le leur interdire?
Historiquement, les écoles spécialisées ont, en
France, joué un rôle dans la formation de cadres techniques, mais aussi dans celle des élites économiques, sociales et intellectuelles. Formant des hauts
fonctionnaires, elles sont à ce titre gratuites (voire
même versent un traitement aux étudiants).
Les classes préparatoires aux concours de ces grandes écoles, créées dans les lycées, sont aussi gratuites
depuis que le lycée l’est devenu, dans les années
1930. Or, elles ont été habilement utilisées comme
viviers par d’autres écoles, plus ou moins grandes,
plus ou moins privées, qui se sont multipliées depuis
quarante ans et qui sont, elles, payantes…
Le succès des écoles auprès des familles a été permis par un financement, public et privé, supérieur
à celui dont bénéficient les universités. Or, même si
l’Etat dépense relativement beaucoup par étudiant
en moyenne, le caractère presque exclusivement
public du financement des universités ne permet
plus à celles-ci de fournir l’encadrement et l’insertion
demandés par les familles.
Lorsqu’un étudiant est le principal bénéficiaire de
l’enseignement qu’il reçoit, parce qu’il accroît sa
rémunération future, il est juste qu’il contribue à le
financer. Néanmoins, les retombées sur la société
(progrès scientifique, innovation, expertise, création,
culture) justifient une subvention publique. L’importance relative du bénéfice privé par rapport au bénéfice public varie d’une formation à l’autre, ce qui justifie que la subvention publique soit plus faible pour
les filières directement professionnelles. Les parents
sont d’ailleurs prêts à payer plus pour des filières efficaces sur ce plan. Chacun reconnaît inversement que
la formation des médecins, des artistes ou des chercheurs doit être subventionnée.
A armes égales
Or, aujourd’hui, il n’est pas évident que les écarts
de financement entre filières se justifient par ces différences d’externalités sociales. Parce que l’Université est sous dotée financièrement, la plupart des étudiants y bénéficient d’une formation gratuite de haute qualité scientifique, mais sans l’accompagnement
pédagogique nécessaire pour lui donner toute sa
valeur. Inversement, des filières plus encadrées
(notamment les prépas et les écoles, publiques ou privées) renforcent la capacité d’usage de ces savoirs,
mais sans contribuer à leur production.
Deux conséquences doivent être tirées de la complémentarité des deux systèmes : ils doivent être rapprochés pour que tous les étudiants puissent bénéficier à la fois d’un haut niveau scientifique et d’un
encadrement efficace; la partie directement appropriée par l’étudiant (l’encadrement renforcé) peut justifier des droits d’inscription supérieurs dans les universités, et un financement public inférieur dans les
classes préparatoires et les grandes écoles.
Le gouvernement actuel encourage le rapprochement entre classes préparatoires et universités. Mais
il ne résoudra pas le problème financier tant qu’il ne
laissera pas les universités libres de mettre en place
les droits d’inscription qui leur permettraient de
concurrencer, à armes égales, les écoles. p
a Commission européenne
vient de sommer Paris de respecter ses objectifs en matière
de déficit public, à savoir le
fameux critère de 3 % de ratio
« déficit sur produit intérieur
brut (PIB)» à l’horizon 2015.
En plaçant la France sous surveillance
renforcée,Bruxelles rejoint les préoccupations de la Cour des comptes dans son rapport annuel, remis le 11 février, où étaient
exposéeslesmille et unemanièresde combattre ledit déficit.
En revanche, sur les 1 397 pages du rapport, on ne repère que neuf lignes consacrées à la dette publique. Pourquoi cette
différence vertigineuse entre déficit des
finances publiques et dette publique ?
Pourquoi ne pas traiter explicitement du
deuxième critère européen du traité de
Maastricht, celui de 60 % de ratio « dette
publique sur PIB » ?
Il est vrai que, depuis le déclenchement
delacrise,aucunpaysdéveloppéne maîtrise réellement son évolution. Il atteint partout des niveaux très élevés dans la zone
euro, mais aussi au Royaume-Uni (93,3%),
aux Etats-Unis (111,7 %), et, un record, au
Japon (245 %).
Pourtant, l’impact de la dette est considérable sur le déficit. En France, les intérêts de la dette représentent le premier
poste du budget (45 milliards d’euros en
2013). Or, pas un mot sur cette charge dans
le rapport de la Cour des comptes!
Le surendettement des
Etats est lié à la crise de
2007-2008, car il a fallu
injecter des fonds publics
considérables pour
recapitaliser les banques
N’y a-t-il pas là un tabou politique ?
Serait-ce donc là que se cache la cohérence
intime de la politique gouvernementale?
Puisqu’il est impossible de compter sur
l’inflation ou la croissance pour réduire la
dette, la seule voie crédible serait celle de
la rigueur budgétaire, suivie si nécessaire
d’une politique d’austérité (baisses des
salaires et des retraites), pour passer à travers les gouttes d’une prochaine crise.
L’opposition épouse la même analyse,
mais ne peut évidemment pas le dire. Car
mettre en avant la dette, ce serait prendre
le risque de soulever dans le débat public,
par exemple, l’idée d’une restructuration
de la dette. Or, celle-ci léserait les intérêts
de la partie la plus aisée de son électorat,
qui verrait alors diminuer ses revenus
tirés des fonds obligataires. Et puis, pour
la frange la plus libérale, mettre l’accent
seulementsur le déficit permet de précipiter encore un peu plus le démantèlement
de l’Etat social.
Ce consensus implicite entre majorité
et opposition est évidemment très inquiétant, car il n’empêche pas les mâchoires de
l’étau de la dette de se resserrer dangereusement. Quelles sont alors les solutions
possibles et crédibles?
Certains économistes reprennent
l’idée d’un effacement partiel de la dette :
les uns voudraient contraindre les créanciers à accepter une restructuration plus
ou moins négociée; d’autres prônent son
effacement partiel de façon autoritaire en
raison de l’illégitimité des pratiques spéculatives qui l’auraient générée ; enfin,
quelques-unsévoquentune sortieunilaté-
rale de l’euro afin de bénéficier d’une dette dévaluée par sa conversion dans la nouvelle monnaie. Mais les uns et les autres
ne voient pas à quel point ces solutions
conduiraient toutes le système monétaire
etfinanciermondialdans une nouvellecrise d’une grandeur inégalée.
Les marchés financiers ont été tétanisés par les crises grecque ou chypriote,
dont les économies ne représentent pourtant qu’une infime partie du PIB européen. Un effacement même partiel de la
detted’un pays commela France entraînerait une crise bancaire sans précédent.
Par effet domino, les banques systémiques du monde entier auraient toutes
chances de s’écrouler, pour deux raisons :
d’une part, la corrélation entre les plus
grands établissementset les Etats à travers
lestitresde dette,d’autrepart,ledéclenchement de produits financiers d’assurance
extrêmement toxiques, les CDS (credit
default swap), de nature à provoquer une
accélération foudroyante de la crise.
Ces « solutions», tout comme les politiques économiques menées en Europe,
nous précipitent tout droit vers un nouveau cataclysme financier aux effets politiques et sociaux incalculables face à des
Etats exsangues.
Pour imaginer une sortie de crise crédible, il faut revenir au point de départ et
aux causes du surendettement des Etats.
Faire croire que l’énormité de la dette
publique relèverait d’une gabegie des
finances publiques depuis trente ou quarante ans est scandaleux. Comment en
effet expliquer que les grands pays occidentauxsoient tous, aujourd’huiet simultanément, en situation de surendettement? Tous des incapables?
Non, le surendettement des Etats est
directement lié à la crise de 2007-2008,
car il a fallu injecter des fonds publics
considérables pour recapitaliser les banques et soutenir l’activité économique. La
dette publique mondiale s’est accrue de
67 % entre2007 et 2012, ce qui est proprement vertigineux. S’attaquer réellement
aux causes de la crise financière est donc
la seule voie pour stabiliser le système de
financement de l’économie mondiale.
Il faudrait ici détailler les réformes
accomplies récemment en matière de
régulation financière pour montrer leur
impuissance à enrayer véritablement les
dérives des marchés financiers. En tout
cas, leur limite se mesure malheureusementchaquejour à l’aunede la multiplication des scandales financiers (Libor, marché des changes, etc.).
Le silence sur la dette indique que le
débat de fond n’a pas été encore ouvert.
Pourengagercelui-ci,posonslevraiproblème, celui de l’instabilité systémique de la
sphèrefinancièreinternationale,quiplonge ses racines dans les abandons de souveraineté des Etats en matière monétaire.
Peut-on encore admettre que la quasitotalité de la création monétaire soit d’origine privée, que les deux variables fondamentalesde la financeglobale, le taux d’intérêt et le taux de change, soient manipulées par un oligopole de banques systémiques qui dictent de fait leurs politiques
auxEtats? Nous sommesdansun état d’urgence, mais pour le proclamer, encore faudrait-il que nos responsables politiques
aient le courage de la vérité. p
¶
François Morin,
professeur émérite
de l’université de Toulouse,
fut membre du conseil général
de la Banque de France
et du Conseil d’analyse
économique. Il est l’auteur de
« La Grande Saignée. Contre le
cataclysme financierà venir »
(Lux, 2013)
D’AUTRES DÉBATS SUR LE WEB
a « Face à Google, l’incroyable faiblesse de la Commission européenne »,
BrunoGuillard, fondateur de la société 1plusV.
0123
spécial immobilier
Mardi 11 mars 2014
11
Logement: le match Hidalgo-NKM à Paris
Nathalie Kosciusko-Morizet(UMP) axe son projet sur l’habitat intermédiaire et Anne Hidalgo (PS) sur le social
L
e Mipim, le Marché international des professionnels de
l’immobilier, qui se tient du
11 au 14 mars à Cannes, proposera
aux investisseurs des projets déjà
lancés. Mais d’autres programmes, actuellement en gestation et
absents du Salon, dessineront les
opportunités de demain. Ce sont
ceux des candidates à la Mairie de
Paris, Anne Hidalgo (PS) et Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP).
Avec la pénurie de logements
abordablesdans les grandescapitales, le résidentiel redevient partout un axe fort du développement des villes. « Le logement des
salariés est un élément déterminant dans le choix d’une implantation immobilière pour les grands
groupes », explique Magali Marton chez DTZ. Aussi, le charismatique maire de Londres, Boris Johnson, va-t-il venir en personne à
Cannes pour vendre aux fonds les
avantages d’un investissement
dans ce secteur.
C’est aussi sur ce terrain que les
deuxcandidatesà laMairiede Paris
ont bâti leur programme. Avec une
surenchère dans les objectifs chiffrés et dans l’imagination de solutions nouvelles. Alors que seulement 3 000 logements ont, en
moyenne, été créés chaque année
depuis 2001, elles promettent d’en
produire 10 000, dont 6 000
constructions neuves. Et, de part et
d’autre, on affirme que l’on pourra
transformer massivement les
bureauxvidesenlogementsetremplir ceux qui sont vacants.
Du côté d’Anne Hidalgo, on
parle de « choc d’offre », et chez
« NKM», de« planMarshalldulogement».Maislesmargesdemanœuvre sont étroites. « Si les deux programmes reviennent au rythme de
production d’avant Bertrand
Delanoë [maire de Paris depuis
2001], aucun ne change le profil de
Paris,figédepuisledébutduXIXe siècle dans un espace limité en surface
et en hauteur. Ils ne font que confir-
logements sociaux ne seront réalisables que dans une vision élargie
de Paris à la métropole.
De son côté, NKM prévoit, à titre
de précaution, une subvention de
1,8milliardd’eurossur la mandature, pour modérer le prix du foncier
et le prix de sortie des logements
neufs.C’estainsiqu’elleentendproduire des logements intermédiaires et construire 2 700 logements
par an réservés à l’accession sociale
à la propriété, avec une décote de
25% sur le prix de marché. Une provisionqui serviraaussià financerle
lancement de son ambitieux programme d’aménagement.
A Paris, la rareté du foncier disponible rend la construction de nouveaux logements problématique. VINCENT ISORE/IP3 PRESS
mer la vocation de plus en plus
muséale du centre-ville de l’Ile-deFrance», juge l’économiste spécialiste du logement, Gilbert Emont,
conseiller à l’Institut de l’épargne
immobilière et foncière, et directeur de l’institut Palladio.
Dans la continuité de son prédécesseur et en phase avec la politiquedugouvernement,AnneHidalgo promet de maintenir le rythme
de 6500logements sociaux par an,
pour atteindre 25 % du parc immobilier en 2025, nouvel objectif de la
loi Duflot.De son côté, si NKM affirme vouloir réduire la voilure à un
peu plus de 4 000 logements
sociaux par an, il s’agit chez elle
d’une construction nette.
Elle s’engage à mettre un terme
à la politique, très coûteuse pour la
ville, de préemption des appartements vendus sur le marché libre
pour les transformer en logements
sociaux (1 milliard d’euros
entre2008et2011).Elleprometaussi de relancer la productionde logements intermédiaires, dont le parc
a beaucoup baissé sous Delanoë,
passant, entre 2001 et 2012 de
43 000 à 35 000 unités. Au total,
sous ses deux mandatures, 30 000
logements ont disparu des marchés libres et intermédiaires.
Cesontbiendeuxvisionstrèsdifférentes, s’adressant à deux cibles
politiques distinctes, qui sous-tendent les programmes des candidates. Alors qu’Anne Hidalgo s’inscrit
dansune successionpolitique axée
sur les occupants de logements
sociaux, il y a chez NKM une volonté de retisser la continuité sociale
en reconstruisant la chaîne du parcours résidentiel. « Entre le stock de
logementssociaux, et celui d’appartements du marché libre, il y a à
Paris un fossé qui incite ceux qui
occupent les premiers à y rester à
vie, explique M. Emont. Paris a plus
besoin de 25 % de logements locatifs
intermédiaires que de 25 % de logements sociaux.»
Les deux candidates se veulent
des « maires bâtisseurs » de
6000logements par an. Mais elles
s’opposentsurlamanièredeprocéder. Sur le plan du foncier d’abord.
« Le pari d’Anne Hidalgo repose en
partiesur l’idée que l’Etat vendrases
terrains à bas prix, explique
M. Emont. Or, l’Etat, qui a besoin
d’argent, a toujours vendu au bon
prix sous le regard de la Cour des
comptes. Je ne vois pas par quel
miracle cela changerait.»
Elle sait néanmoins qu’avec la
saturation du foncier, les 25 % de
Les professionnels souhaitent un allégement des normes de construction
A PARIS, l’essentiel du foncier disponible pour la construction de
logements appartient… au ministère de la défense, à l’Assistance
publique-Hôpitaux de Paris, à la
SNCF, à Réseau ferré de France ou à
la ville. Reste à le mobiliser à un
prix qui permette de maîtriser le
prix des logements neufs. Aussi,
estime Bruno Corinti, président de
Nexity Résidentiel, « si les élus veulent produire massivement des
logements intermédiaires, il faudra
bien qu’ils mettent tout en œuvre
pour que l’Etat accepte enfin de vendre ses terrains à bas prix ».
Pour dégager de la constructibilité, les professionnels attendent
beaucoup de la modification du
plan local d’urbanisme (PLU). « Il
faut densifier, dit le directeur général délégué de Bouygues Immobilier, Eric Mazoyer. L’Ile-de-France
n’échappera pas à la densification
des centres-villes qui touche les
grandes capitales du monde. Pour
cela, il faut relever la hauteur des
immeubles, et en banlieue transformer les zones pavillonnaires
pour faire du logement collectif. »
Et pour favoriser la transformation de bureaux en logements,
dont l’équilibre financier est difficile, « il faudrait accorder aux opérateurs qui s’engagent à les transformer en habitation la possibilité
d’accroître la surface construite de
20% à 30 % ».
Usage réversible
Pour Stéphane Theuriau, directeur général délégué chez Altarea
Cogedim, cette révision du PLU
doit être « l’occasion de réorienter
la politique immobilière de la ville, du tertiaire vers l’habitation ».
D’autant qu’avec la réforme de
la taxe professionnelle, qui pèse
désormais moins lourd dans le
budget des communes, les maires ont moins besoin de bureaux.
« Mieux, cela pourrait être l’occasion d’introduire une flexibilité
dans l’affectation du foncier, dont
l’usage pourrait être réversible en
fonction des besoins. Aux architectes aussi de s’adapter à un bâti
flexible, en concevant, explique
Stéphane Theuriau, des immeubles de bureaux qui puissent, au
bout de vingt ans, être facilement
transformés en logements. »
S’il y a un levier sur lesquels
tous les professionnels sont d’ac-
cord, c’est celui de l’allégement
des contraintes de production.
Seulement, ce chantier-là, c’est à
l’Assemblée nationale où se
votent les lois qu’il se construit.
Et Stéphane Theuriau résume :
« Pour réduire les délais de transformation, il faut empêcher les
recours abusifs sur les permis de
construire qui ont respecté le PLU
et les réglementations, faire un
moratoire sur les normes de toute nature, assouplir la réglementation thermique. » Vaste programme… p
V. Se.
Philosophie volontariste
Car c’est aussi de cette manière
qu’elle entend se démarquer, en
créant du foncier. Entre la couverture de 1,4 kilomètre de périphériqueau sud et de voies ferrées à Bercy-Charenton comme aux gares
du Nord et de l’Est (couverture qui
rend les terrains avoisinants
constructibles), l’équipe de NKM
considère que, sur cinquante ans,
les opérations de couverture ou
d’enfouissement de tout ce qui
peut l’être permettraient de créer
60 hectares pour un potentiel de
30 000 logements construits. Au
cours de sa première mandature,
elle pense libérer 5 hectares de fonciers à bâtir pour 3 000 logements,
soit 500 par an. Et sur une deuxième mandature, 7 hectares pour
4000 logements. Anecdotique?
Cette visionest empreinted’une
philosophie volontariste d’aménagement qui s’appuie sur le marché
privé. Cette ambition serait-elle
financièrement
supportable ?
NKM fait le pari que ce sera à coût
zéro, le foncier ainsi créé étant
revendu aux promoteurs. Ce que
l’InstitutMontaigne,quia évaluéle
coût des programmes, juge crédible.Leprésidentde NexityRésidentiel, Bruno Corinti, estime lui aussi
que « la cherté de l’immobilier à
Parispermetdefinancerlaconstruction de foncier».
Concernant l’évolution du Plan
local d’urbanisme (PLU), sur lequel
la prochaine équipecommencera à
travailler dès avril, Anne Hidalgo a
laissé entendre qu’elle autoriserait
le rehaussement de quelques
immeubles et qu’elle relèverait le
coefficient d’occupation des sols.
Elle entend aussi assouplir les
contraintes liées aux changements
d’affectation, favoriser la mixité
des usages au sein des mêmes
immeubles et permettre la
construction de quelques tours.
Plus prudente,NKM est circonspecte sur la construction de tours
qui, selon elle, s’intègrent mal
dans l’urbanisme très écrit de la
ville-centre. p
Valérie Segond
Partenaire de la stratégie immobilière des entreprises,
elle conçoit à leurs côtés des solutions durables et
innovantes avec un double objectif : valoriser le patrimoine
urbain existant et concevoir l’immobilier de demain.
16
Md€
de patrimoine
www.foncieredesregions.fr
en part totale
Conception – réalisation :
Acteur de référence de l’immobilier de bureaux,
Foncière des Régions dispose d’un patrimoine loué
à des entreprises leaders de leur secteur. Expert, grâce
à ses équipes et ses savoir-faire reconnus, Foncière des
Régions a su développer des partenariats locatifs uniques.
– Crédits photo : ArteFactoryLab, Hiboo, O. Ouadah.
Foncière
Partenaire
12
0123
spécial immobilier
Mardi 11 mars 2014
Transformer des bureaux
en logements n’est pas si facile
Les modifications coûtent plus de 2000 euros par mètre carré.
Les bailleurs préfèrent souvent détruire pour reconstruire
D
’un côté, plus de quatre millions de mètres carrés de
bureaux vides dans la
région Ile-de-France, dont 700000
à Paris. Et de l’autre, une pénurie
chronique de logements depuis
trente ans…
«Alors quele prix desloyersd’habitation n’a pas cessé de monter
depuis vingt ans, ceux des bureaux,
eneurosconstants,ontbaisséenraison d’un excès d’offre et d’une inadaptation des locaux disponibles à
la demande », constate Stéphane
Theuriau, directeur général délégué de la société foncière Altarea
Cogedim.
Au point qu’à Paris, dans les 3e,
e
4 , 18e et 19e arrondissements, les
loyers moyens au mètre carré des
appartements dépassent désormais ceux des bureaux.
Aussi, bien que marché résidentiel et marché tertiaire aient l’habitude de s’ignorer, de plus en plus
de propriétaires de bureaux vides
s’interrogent: est-ce le moment de
les transformer en logements, ou
de les vendre pour les faire transformeret bénéficier,au passage,de
l’exonération de 40 % de la taxation des plus-values ? « Ils s’y résignent après quatre ans de vacance,
quand ils ont perdu tout espoir de
louer leur immeuble de bureaux
à plus de 200 euros le mètre carré
par an», dit M. Theuriau.
Pour le président de Nexity résidentiel, Bruno Corinti, certains de
ces bureaux ne valent plus grandchose : « Dans les quartiers qui
n’ont pas de vocation tertiaire, la
valeurde bureauxobsolèteset vides
peut être faible et les rentabilités
négatives compte tenu des charges
qui continuent à courir. L’espoir de
les voir retrouver une vraie valeur
une fois rénovés est très aléatoire.»
C’est pour ces biens que la question
de la transformation se pose.
Aprèsanalyse économique,peu
de propriétaires franchissent le
pas. Car les obstacles sont nombreux. La plupart sont liés aux dif-
Les nouvelles normes
ont fait exploser
le coût d’une
transformation.
Et ont dissuadé plus
d’un investisseur
férences entre le marché des
bureaux et celui des logements.
« Entre la surface louée d’un
bureau et celle d’un logement, il y a
10% d’espaceperdu enpalieretcouloirs, explique Eric Mazoyer, directeur général délégué de Bouygues
immobilier.Il y a aussi des différences de fiscalité : les loyers des logements sont frappés d’une TVA
à 20 %, alors que ceux des bureaux
sont hors taxes. Il existe aussi des
normes spécifiques au logement
neuf. Enfin, ajoute M. Mazoyer, le
coût de transformation de bureaux
en logements est plus élevé que
celui d’une simple rénovation de
bureaux. En clair, l’opération résiste rarement au calcul économique.»
Voilà aussi pourquoi, selon Stéphane Theuriau, « pas plus d’un
projet sur dix n’est effectivement
mené à son terme ».
Puis surgissent les obstacles liés
à la qualité des biens eux-mêmes:
«Hormisles immeubleshaussmanniens conçus à l’origine pour être
des logements, les bâtiments des
années 1970, 1980 et 1990 exigent
de telles modifications de la façade
et de la structure interne qu’ils se
prêtent difficilement à une transformation, explique Bruno Corinti. Dans le cas de ces derniers, on
peutperdrejusqu’à 20% dela surface utile. »
En fait, seuls les immeubles
répondant à des critères très précis
peuvent être transformés en logements. Ils ont été identifiés par le
cabinet Deloitte.
Avantdeselancer,unpropriétaire-bailleur doit se poser de nombreuses questions. Le plan local
d’urbanisme (PLU) autorise-t-il un
usage alternatif ? L’immeuble de
bureaux pourra-t-il répondre aux
nouvelles exigences du monde du
travail? Est-il situé dans une zone
dotéedeséquipementsindispensables à la vie des habitants ? Par
exemple, pourra-t-on y construire
une crèche, des commerces?
L’immeuble a-t-il une profondeur de moins de seize mètres
pours’assurerquetoutes lespièces
auront bien une fenêtre? Une hau-
Un grand nombre d’opérations de petite taille
TRANSFORMATION DE BUREAUX EN LOGEMENTS, À PARIS ENTRE 2001 ET 2012
Plus de 10 000 m2
De 1 000 m2 à 10 000 m2
18e
17e
De 100 m2 à 1 000 m2
19e
9e
8e
16
e
1er
7e
6e
15e
14e
10e
2e
3e
11e
20e
4e
5e
12e
13e
SOURCE : VILLE DE PARIS ET PRÉFECTURE
teur inférieure à cinquante mètres
pour respecter certaines normes
anti-incendie? Et à quel prix pourraient se vendre les logements
neufs dans ce quartier ? Du coup,
les avantages supposés de la transformationfinissentpar êtresérieusement écornés. Et chacun se
demande : cette solution est-elle
vraiment préférable à la destruction-reconstruction ? Stéphane
Theuriau, qui gère actuellement
une grande opération de transformation à Courbevoie, appelée Sky,
de184 logementssur quinzeétages
avec commerces et crèche, en est
persuadé.
Chez Nexity, Bruno Corinti est
plus dubitatif: «Des premières étudesàlalivraison,enpassantparl’ob-
Le nouveau visage
de La Défense
90
%
DES SALARIÉS*
SATISFAITS
DU QUARTIER DE
LA DÉFENSE
C’est bon signe,
mais nous voulons
faire encore mieux.
*Selon l’enquête BVA réalisée en face à face auprès de 1156 personnes travaillant dans le quartier
d’affaires de La Défense, pendant le mois d’octobre 2013.
tention du permis de construire, les
recours, la déconstruction partielle
etlarestructurationavecsesinévitables surprises, l’opération prend
trois à quatre ans, soit autant que la
construction neuve.» Pour lui, c’est
clair : « Ce n’est ni plus court ni
moins cher : alors qu’il faut compter, au mètre carré, 2 000 euros
pour le neuf, une transformation
coûte entre 2000 et 3 000euros.»
En fait,les normesexigées (pour
l’accès des personnes handicapées,
sur la performance énergétique…)
ontfaitexploserlesprixdelatransformation. Et ont dissuadé plus
d’un investisseur.
« Dans tous les projets d’acquisition d’immeubles de bureaux vides
destinés à être transformés en loge-
ments qu’a menés Nexity, on a fini
par démolir intégralement le bâtiment pour en reconstruire un
neuf», lâche M. Corinti.
En d’autres termes, inutile d’espérer une transformationmassive
de bureaux en logements à Paris
comme le laissent accroire les programmes des deux candidates à la
mairie de Paris actuellement en
compétition, sauf à modifier radicalement l’équilibre économique
de l’opération de transformation.
Tout le monde en convient : la
solution réside plutôt dans la destructionsystématiquedes immeubles obsolètes et amortis depuis
longtempset dans leur reconstruction en immeubles d’habitat. p
Valérie Segond
En Ile-de-France, la baisse
des prix n’incite pas
les entreprises à déménager
Lemarchédes bureauxrésisteà Paris,
mais14% des surfacessontvacantesà la Défense
I
l y a actuellement 3,9 millions
de mètres carrés vacants en Ilede-France. Et 500 000 le sont
depuis plus de trois ans ! », déclare
Brice Chasles, consultant chez
Deloitte Real Estate Advisory. L’excès d’offre se concentre à l’ouest de
Paris, principalement à la Défense
(401000m2), dans les Hauts-deSeine, et dans le croissant Ouest
(1 093 000 m2). Cette situation
va-t-elle inciter les entreprises
franciliennes à déménager pour
alléger le poids de leur immobilier?
Dans une enquête commandée
par Foncière des régions à l’institut AOS Studey et publiée en
décembre 2013, 43 % des entreprisesparisiennesde plus de500salariés se déclarent prêtes à quitter
Paris,quand 21 % envisagentde faire le trajeten sens inverse. Uneévolution notable puisqu’en 2011 seulement 23 % envisageaient de quitter la capitale. « Les entreprises
deviennentde plus en plus pragmatiques, conclut un porte-parole de
Foncière des régions. Le marché
des bureaux ne se limite plus à
Paris intra-muros et à La Défense;
il devient multi-polaire. De nouveaux centres d’attraction apparaissent à Nanterre, à Saint-Denis,
et, peut-être,prochainementà Gennevilliers.»
Bien sûr, les entreprises cherchent à faire baisser le coût de leur
immobilier(loyers, charges,fiscalité). Et, si les prix sont orientés à la
baisse,le repli est loin d’êtreuniforme, ce qui devrait logiquement
favoriser la mobilité. Dans Paris, le
marché des bureaux résiste car le
taux de vacance reste bas, entre
6 % et 7 %, deux fois inférieur à
celui de Londres. Presque un
niveau d’étiage, si l’on considère
que le taux naturel de vacance (lié
à l’évolution de l’activité des entreprises) se situe entre 3 % et 4 %.
Entre l’Etoile, la gare Saint-Lazare
et l’Opéra, dans la fameuse zone
QCA (quartier central des affaires),
les mètres carrés libres sont rares.
Pourtrouverdesbureauxneufs,
la solution la moins coûteuse pour
un grand groupe reste de franchir
le périphérique. Car la situation est
complètement différente à La
Défense, où le taux de vacance
atteint 14 %. La demande pour les
surfaces de plus de 10 000mètres
carrés s’est effondrée et un grand
nombrede tourscomptent des étages entièrement vides.
Renégociation des bails
Au troisième trimestre 2013, le
prix moyen du mètre carré à la
location dans les bureaux d’Ile-deFrance a reculé de 3,2 % en rythme
annuel.De façon unanime, les professionnels s’attendent à une accélération du repli en 2014. Mais, au
lieu d’inciter les entreprises à
déménager, la diminution des
prix a plutôt tendance à figer le
marché. « Elle incite les entreprises
àrenégocier leurbail à labaisseplutôt qu’à déménager », déclare
M.Chasles.
Cette crise sur le marché des
bureaux a une autre conséquence,
plus inattendue. Elle donne un
coup de frein aux projets de campus,pourtanttrèsen vogueces dernières années. Créer un campus en
banlieue permet à un grand groupe de rassembler ses activités dans
un cadre verdoyant et bien desservi par les transports en commun,
en proposant à ses salariés des services (crèche, salle de sport, etc.)
inaccessibles à Paris. Le contexte
incite désormais les directions des
entreprises à l’attentisme. p
Jérôme Porier
REPRODUCTION INTERDITE
LE MONDE/MARDI 11 MARS 2014/13
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est est né dans l’écosystème de l’innovation englobant 4 régions :
Bourgogne, Franche-comté, lorraine et une partie de la champagne.
la satt Grand est a pour vocation de devenir l’outil de valorisation
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forces de ses futurs actionnaires dans le domaine de la maturation
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filiale de valorisation de la recherche des partenaires fondateurs ainsi
que le fond accordé par l’etat. Pour accompagner ce déploiement,
les partenaires fondateurs de la satt Grand est (universités de
Bourgogne et de Franche-comté, l’université de lorraine, universités
de technologie de troyes et de Belfort-montbéliard, ens mm,
agrosup dijon, cnrs inser m et l’etat) recrutent un Président
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Une option très liée à la conjoncture
Les postes de cadres dans l’immobilier sont très directement liés à l’évolution du marché. La faiblesse de la
construction de logements et l’atonie de l’immobilier de bureau n’augurent rien de très favorable à court terme.
C’est donc vers un marché de niches, plus technique et plus orienté vers l’immobilier commercial ou la gestion de
l’existant que doivent s’orienter les candidats
Difficile de se projeter dans les
métiers d’un secteur qui affiche
depuis plusieurs exercices un
réel malaise. L’immobilier au sens large est
plus que jamais le domaine des paradoxes.
de l’emploi est actuellement négatif après
la fermeture de 3000 agences immobilières
en 2 ans. De quoi refroidir les ardeurs des
postulants les plus déterminés. Et pourtant,
derrière ce paysage la situation est peut-être
Dans la promotion la meilleure clé
d’entrée c’est le double diplôme
Les observateurs comme les citoyens et plus
étonnamment les responsables politiques
déplorent le manque cruel de logements
en France; Ils ont raison: selon tous les
experts il manquerait de 600 000 à 800 000
logements pour satisfaire les conditions de
base d’un marché en phase avec le poids
économique du pays. Pour autant, les professionnels du secteur reconnaissent qu’ils ont
toujours des offres d’emplois et des expertises non satisfaites.
La publication des chiffres prévisionnels
du ministère du Logement pour l’année
en cours ajoute à ce désarroi. D’un côté, le
niveau des constructions stagne dangereusement autour de 300 000 unités en rythme
annuel et pis encore, le nombre des mises
en chantier comme celui des dépôts de
permis de construire, la matière première
de l’emploi du secteur pour les 5 ans qui
viennent, est en chute de 18 %. Le solde
moins sinistrée qu’elle ne paraît. D’abord
parce que la promotion immobilière ne doit
pas être confondue avec la construction. Si
les univers sont très intimement liés, c’est du
côté de la promotion que les évolutions les
plus rapides et les ruptures technologiques
sont les premières à se manifester. Dans la
pratique, la promotion qui est un métier de
niche recrute des profils très spécifiques à
la mesure des enjeux que représentent les
opérations qui voient le jour. Que ce soit
dans le résidentiel, le commercial ou l’économique, tout projet impose de recruter
des développeurs, des financiers, des commerciaux et enfin des ingénieurs de suivi
de chantiers. À des rythmes qui mettent
le marché en permanence sous tension.
Un promoteur installé comme Bouygues
Immobilier regroupe dans ses équipes une
moyenne de 70 % de cadres et réserve les
deux tiers de ses embauches à des Bac+5.
Depuis la phase conceptuelle - les bâtiments
doivent de plus en plus répondre à des
concepts environnementaux très stricts,
certains sont même des centres de production d’énergie -, aux études financières
jusqu’aux études de faisabilité administrative, les fonctions couvrent un spectre de
métiers très large.
Avec un très fort focus sur les métiers commerciaux. C’est là que se définit la dimension des attentes du marché. Une responsabilité qui en fait souvent la fonction la
mieux payée du secteur. Les meilleurs éléments peuvent espérer des rémunérations
annuelles supérieures à 200 000€.
Mais l’Immobilier est aussi un secteur où
copropriétés ou d’ensembles locatifs. Car
derrière les devantures d’agences qui parsèment nos rues - même si elles sont beaucoup moins nombreuses depuis trois ans
- il existe de nombreuses opportunités pour
les jeunes diplômés. Les grands réseaux
immobiliers comme Foncia ou Century 21
suivent de très près les jeunes diplômés des
écoles de commerce comme l’ESC Pau ou
les universités qui proposent des Bachelors
et des Masters spécialisés.
Les grosses structures qui ne jouent pas dans
la même division que les opérateurs locaux
ou de petite taille, offrent des formations
internes, des synergies transversales et des
plans de carrière cohérents. L’immobilier
L’immobilier offre des métiers structurés
et des parcours variés
la texture du parchemin doit partager la
vedette avec la dimension humaine. Celui
où les a-priori s’effacent devant la compétence. La filière de conseiller commercial
est ainsi un sas qui ouvre vers les fonctions
de directeur commercial puis de directeur
d’agence. Les plus structurés des grands
réseaux proposent jusqu’à 32 formations
différentes qui permettent de solides évolutions professionnelles. Notamment celles
qui conduisent aux métiers de la gestion de
peut dans ce cadre encore offrir des opportunités de carrières et des récompenses salariales à considérer. Avec d’autant plus de
sérieux que d’une façon ou d’une autre, le
secteur de l’immobilier au sens large c’està-dire de la promotion à la gestion du parc
construit devra nécessairement se remettre
en mode marche avant.
=L.PM
C
Les
hiffres
18 %
c’est le recul d’une année sur l’autre
des mises en chantier de logements
en France.
240 000
c’est le nombre d’emplois
rattachés au secteur de
l’immobilier.
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0123
Mardi 11 mars 2014
L’ÉCLAIRAGE | CHRONIQUE
pa r J e a n - P i e r r e D u p u y
Au-delà de l’égoïsme
L
¶
Jean-Pierre Dupuy
est philosophe,
professeur
à l’université
Stanford
(Etats-Unis).
e dalaï-lama s’est récemment rendu, comme François Hollande, dans la Silicon Valley californienne, au cœur du capitalisme
technologique. Accueilli par le tout nouveau
Centre de recherche et d’enseignement sur l’altruisme et la compassion, créé à l’université
Stanford, il a donné une conférence sur « La
compassion et l’éthique des affaires », très suivie et unanimement appréciée.
L’homme n’est pas, par nature, un être égoïste, a martelé le maître spirituel. Les recherches
les plus récentes sur le cerveau, baptisées « neurosciences contemplatives», démontrent que
nous sommes foncièrement des êtres compassionnels. Si l’amour du prochain ne guide pas
toujours nos actions, c’est que, trop absorbés
par la recherche du bien-être matériel, nous le
réprimons en nous. Apprenons à devenir ce
que nous sommes, par exemple par la méditation, et nous serons plus heureux, nous rendrons les autres plus heureux et les affaires
s’en porteront d’autant mieux.
Les hôtes du dalaï-lama ont abondé dans son
sens. Le malaise existentiel de trop d’ingénieurs, d’informaticiens et de « venture capitalists», minés par le stress et la dépression,
engendre un coût insupportable pour la Vallée.
LES INDÉGIVRABLES | p a r X a v i e r Gorce
De Davos (Suisse) à Singapour, il n’y a plus de
grand-messe du capitalisme mondial où la
robe ocre des moines bouddhistes ne vienne
égayer les tenues sombres des maîtres du monde. Les exposés se suivent et… ne se ressemblent pas. On passe du discours économique le
plus convenu sur les moyens de sauver la compétitivité et la croissance à l’apologie de la compassion, de l’altruisme et de l’amour d’autrui.
Le miracle, c’est que personne ne semble yvoir
la moindre contradiction.
Le rapport de Jacques Attali sur « l’économie
positive», remis au président de la République
à l’automne 2013, évoquait d’ailleurs une relance de la croissance par la production du « prendre soin», le fameux care.
Mais cette situation a quelque chose de
comique par la naïveté dont elle témoigne. Et
elle est préoccupante par l’aveuglement qu’elle manifeste.
On croyait savoir que l’idéologie économique était née de la conviction que les vices privés font les bienfaits publics. C’est le déchaînement des passions mauvaises nées de la rivalité – envie, haine, ressentiment – qui donne au
système une énergie incroyable et, créant
l’abondance, rend tout le monde plus heureux.
Due à Bernard Mandeville (1660-1733), critiquée mais reprise par Adam Smith (1723-1790),
cette thèse a été atténuée par la suite avec la
notion de concurrence parfaite. Au XXe siècle,
Milton Friedman a dit ce que cette « perfection» recouvre. Le marché, écrit-il, a ceci de merveilleux qu’il fonctionne «sans qu’il soit nécessaire que les gens se parlent ni qu’ils s’aiment».
Cette utopie d’une société où l’indifférence
mutuelle et le repli sur soi seraient les
meilleurs garants du bien commun est si monstrueuse qu’on se dit que seul un bien puissant
motif a pu faire qu’elle soit prise au sérieux par
tant de grands esprits. Je livre mon hypothèse.
Le mal de l’amour-propre
Jean-Jacques Rousseau nous a appris que le
mal – qu’il nommait amour-propre – apparaît
lorsque les passions, une fois « détournées de
leur objet par des obstacles », « s’occupent plus
de l’obstacle pour l’écarter que de l’objet pour
l’atteindre» (Dialogues, Flammarion 1999).
L’obstacle, c’est le rival, celui qui se trouve
entre moi et l’objet de mon désir. Or les rivaux
pullulent dans la société de concurrence débridée. Le mal, c’est de se détourner de l’objet
pour ne plus se préoccuper que de renverser
l’obstacle et prendre le dessus sur lui. Cette fascination pour le rival trouve son intensité
maximale dans les guerres amoureuses, mais
il faudrait être naïf pour croire qu’elle n’existe
pas dans la guerre économique. Les faits divers
du monde des affaires nous en apportent une
foison d’exemples chaque semaine.
La «psychologie du souterrain», pour parler
comme Dostoïevski, ne menace pas moins
l’économie qu’elle ne met constamment en
15
péril la solidité de nos attachements. La citation de Friedman, elle, révèle ce que la solution
économique à ce problème entend être. Puisque le mal de la concurrence est fait d’attachement obsessionnel à l’obstacle que représente
le rival tout à la fois vénéré et haï, coupons
court à ce danger en détachant complètement
les sujets les uns des autres. Ils se feront la
guerre sans jamais se rencontrer.
La naïveté des apôtres de l’économie de la
compassion est de ne pas comprendre que
l’égoïsme est un mensonge, un mécanisme de
défense, une manière de masquer, et de se masquer, la place envahissante qu’occupe le rival
dans nos vies. Leur aveuglement, c’est de croire
que l’égoïsme est la forme ultime du mal et que
c’est contre lui qu’il faut mobiliser les ressources de l’altruisme. Ils se trompent de combat.
Au-delà de l’égoïsme, il y a non pas la charité
chrétienne ou l’empathie bouddhiste, mais le
mal de l’amour-propre. Rousseau, encore:
«C’est un sentiment relatif par lequel on se compare, qui demande des préférences, dont la jouissance est purement négative et qui ne cherche
plus à se satisfaire par notre propre bien, mais
seulement par le mal d’autrui» (Dialogues).
Combien moins brutale serait la société si les
hommes se laissaient guider par leur intérêt
« égoïste» ! L’intérêt (inter-esse, être entre),
nous dit Hannah Arendt, c’est comme la table
entre les convives: elle les réunit d’autant
mieux qu’elle les maintient à distance les uns
des autres. L’amour ne peut jouer le rôle de cet
entre-deux. Il abolit les différences, et c’est ce
qui, paradoxalement, le rapproche de la haine.
L’un comme l’autre sont prêts au sacrifice de
soi, même si c’est pour des raisons opposées. p
0123
La plus belle perspective
sur 5 000 ans d’histoire
MA VIE EN BOÎTE | CHRONIQUE
par Annie Kahn
M
entir, tricher, sont pour
moi deux attitudes totalement rédhibitoires.
Comment vivre, comment échanger, comment négocier avec une
personne aux propos mouvants
et trompeurs?
Une nouvelle étude bat en brèche cette attitude moraliste. Etre
malhonnête, tricher, rend plus
créatif, affirment Francesca Gino
et Scott Wiltermuth, professeurs
dans deux business schools d’universités américaines, respectivement celle d’Harvard et celle de
l’université de Californie du Sud
(USC). Nos deux chercheurs ont
mené cinq expériences impliquant à chaque fois entre 100 et
200individus. Chacune de leurs
expériences alterne de façon différente des tests de triche et des
tests de créativité. Et les résultats
sont sans ambiguïté.
Malhonnêtes et plus créatifs
Une personne ayant les mêmes
compétences et les mêmes aptitudes de base en termes de créativité qu’un autre individu risque
fort de mieux tirer profit de ces
aptitudes si elle est également
plus tricheuse que l’autre. Le
génie est malin. Et dans les deux
sens du terme : pernicieux, mais
aussi astucieux !
Pour les chercheurs, la raison
en est limpide : « Les personnes
qui se comportent de façon mal-
honnête se sentent moins obligées
de se conformer aux règles et ont
de ce fait plus de facilité à se montrer créatives en associant des
concepts, des connaissances, que
l’on ne juxtapose pas d’habitude.»
C’est-à-dire à penser en dehors
des cadres habituels.
Une des expériences menées
était spécifiquement conçue pour
vérifier cette intuition. Et elle l’a
bien confirmée. « Malhonnêteté et
créativité sont deux traits de caractère qui impliquent de ne pas rentrer dans le moule. Il est donc logique que les personnes malhonnêtes soient aussi les plus créatives »,
insistent les auteurs.
Or, Francesca Gino ainsi qu’une
autre équipe de chercheurs ont
déjà prouvé, par le passé, que, à
l’inverse, les personnes dont on a
stimulé la créativité en les incitant à réfléchir en dehors des
cadres établis n’hésitent en revanche pas à appliquer avec rigueur
le principe selon lequel les règles
sont faites pour être contournées.
Ils se mettent à tricher plus facilement.
Si stimuler sa créativité rend
plus malhonnête et, qu’ensuite,
seconduire de façon malhonnête
rend plus créatif, on en déduit facilement que le fait de mentir ou de
tricher enclenche un cercle vertueux. Ce qui est un comble! p
[email protected]
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DÈS LE JEUDI 6 MARS CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX
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0123
SUPPLÉMENT
2 |10 ---- MARS 2014
Les civils dans la tourmente
l’année 1914 |
En août, la fermeture des frontières piège des dizaines de milliers de personnes en territoire étranger
Enfants belges réfugiés à Paris, en novembre 1914.
EDE/EXCELSIOR – L’EQUIPE/ROGER-VIOLLET
Quelles
sontlescauses
delaguerre?
Entretien P. 2-3
Le Quesnoy
n’oublie pas
ses sauveurs
des antipodes p. 6-7
L
André Loez
e 30 juillet 1914, Mary Houghton, une
voyageuse anglaise, voit passer les premiers conscrits autrichiens mobilisés, à
Bozen (aujourd’hui Bolzano, en Italie),
dans le Tyrol du Sud: « Ce qui nous frappa le plus étaitleur completmanqued’entrain. Ils piétinaient sur la route ou s’asseyaient sur les
rebords dans un silence résigné qui ressemblait à celui
des chevaux que nous avions vus un peu plus tôt. Très
peu d’entre eux parlaient, et aucun ne semblait avoir
l’élasticité qu’on aurait pu attendre de leur jeunesse.
Leurs pas n’exprimaient ni espoir ni regret : ils faisaient partie d’un vaste mécanisme mis en mouve-
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mémoriel
du Centenaire
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Cahier du « Monde » N˚ 21506 daté Mardi 11 mars 2014 - Ne peut être vendu séparément
ment pour une raison inconnue, qu’ils étaient incapables d’accélérer ou de retarder. »
Le « vaste mécanisme » de la guerre qui débute
conduiten effetdes millionsd’hommessous l’uniforme et vers les champs de bataille. Mais, dans l’immédiat, le déclenchement du conflit a une autre conséquence,un peu moins connue : la fermeture des frontières, dans les premiers jours d’août 1914, piégeant
des centainesde milliers de civils – travailleursimmigrés, étudiants, correspondants de presse, voyageurs
et vacanciers – sur un territoire désormais hostile.
Parmi eux se trouve ainsi le footballeur Steve
Bloomer, auteur de 28 buts sous le maillot de l’équipe nationale anglaise, tout juste arrivé en Allemagne en juillet 1914 pour entraîner une équipe locale.
Incapable de quitter le pays après la déclaration de
guerre britannique, le 4 août, il sera interné en
novembre au camp de Ruhleben, près de Berlin, où il
restera jusqu’en 1918.
A l’été 1914, certainsparviennentde justesse à franchir les frontières. Le médecin allemand Georg Nicolai s’est rendu à Lyon pour un important congrès de
radiologie médicale, qui s’achève le 31 juillet. Apprenant le lendemain la mobilisation générale, il réussit
à s’embarquer dans un des derniers trains franchissant la frontière allemande, échappant de peu à l’arrestation à Belfort, où des militaires français l’ont un
temps soupçonné d’espionnage.
Lire la suite page 2
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(impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, ISF).
II
0123
le journal du centenaire
Suite de la première page
Passés du Tyrol autrichien à l’Allemagne
le 1er août au volant de leur automobile
de tourisme, Mary Houghton et son
mari sont immobilisés par la réquisition
du carburant pour l’armée puis la saisie
de leur voiture. En quelques jours, ces
insouciants voyageurs sont devenus des
« sujets ennemis», gagnés par l’angoisse
de ne pouvoir quitter le pays. Le 5 août,
au lendemain de la déclaration de
guerre, ils prennent le dernier train pour
la Suisse, restée neutre.
Tous n’auront pas cette chance. Le
peintre allemand Paul Cohen-Portheim,
quirésideà Paris, est alorsenvillégiature
dansle Devonshire.Le 4août, la guerrele
surprend sans ressources ni logement
sur le sol anglais, et privéde la possibilité
de s’embarquer : les deux derniers
bateaux pour l’Allemagne ont été retenus à quai. Même dénuement, même
impuissance pour l’écrivain hongrois
Aladar Kuncz, sujet des Habsbourg, qui
passe ses étés dans un village près de
Morlaix, dans le Finistère. C’est là qu’il
assiste au premier acte de la tragédie, le
1er août: «Au milieu d’un silence de mort,
lemairedonnalecturedel’ordredemobilisation. Ce fut une stupeur muette. Nulle
acclamation. Mais quelqu’un étouffa un
sanglot, puis la foule, un instant pétrifiée,
se disloqua. » Ce soir-là, à bord d’un
express Brest-Paris bondé, les voyageurs
français se montrent encore courtois
envers cet ennemi francophone et francophile. Mais, le 2 août, alors que le
réseau ferré est entièrement passé sous
le contrôle de l’armée pour permettre la
concentration des hommes, il échoue à
prendre l’ultime train pour la Suisse,
n’arrivant pas à s’approcherdu quai noir
de monde. Le délai fixé par les autorités
expire le soir même. Il sera bientôt fiché,
arrêté,déplacé,pourfinirenferméàNoirmoutier puis sur l’île d’Yeu (Vendée).
Car tous les Etats prennent des mesuresd’exceptionenverscescivilsindésirables, au statut mal défini par le droit
international. On ne veut pas les expulser – comme les Allemands l’avaient été
en 1870 – de crainte que les hommes
n’augmentent les effectifs militaires
adverses, mais on redoute de les laisser
libres de leurs mouvements.
Dès le 31 juillet, en France, un décret
leur refuse l’usage des télégrammes, et
une trop brève fenêtre leur est laissée
pourpartir: «Tous lesétrangers,sans distinction de nationalité, seront autorisés à
quitterla France jusqu’àla fin du premier
jour de mobilisation (24e heure). »
Au-delà, il faut s’enregistrer auprès des
autorités, le séjour étant prohibé dans
les régions frontalières et à Paris.
Des dispositifs similaires sont mis en
place en Allemagne et en Grande-Breta-
Mardi 11 mars 2014
gne, où les navires adverses sont arraisonnés, ou encore en Autriche-Hongrie
et en Russie. Dans ce pays, une directive
du ministère de l’intérieur se veut rassurante, le 8 août 1914 : « Les Autrichiens et
Allemands pacifiquement employés et
Le conflit
déchaîne
la xénophobie
d’une partie
des populations
n’excitant pas de soupçons peuvent
maintenir leur résidence et rester sous la
protection de nos lois, ou bien quitter le
pays.» Ces garanties ne dureront guère.
Car le conflit qui commence déchaîne
la xénophobie d’une partie des populations, dont l’imaginaire est depuis longtempstravailléparlahantisedel’espionnage. En 1906, le romancier britannique
Walter Wood avait publié The Enemy in
ourMidst(« l’ennemiparminous»),imaginant les nombreux immigrés allemands à Londres, domestiques ou serveurs de restaurant, comme autant d’espions potentiels pouvant guider une
invasion. En France, après les passions
de l’affaire Dreyfus, ce sont les violents
articles de Léon Daudet dans L’Action
française qui jettent, à partir de 1912, un
même soupçon sur les étrangers.
L’entréeen guerretransformecessuspicionsenexactionsdanslesgrandesvilles, où de nombreux magasins sont saccagés, notamment ceux de la firme Maggi (la rumeur accuse la maison suisse,
qui a des Allemands dans son conseil
d’administration, d’être un centre d’espionnage). Aladar Kuncz évoque ainsi le
climat tendu des premiers jours de
guerre à Paris : « Il n’était pas prudent
pour les étrangers de se montrer dans la
rue.Nonseulementlesreprésentantsofficiels de la police demandaient couramment à voir les papiers, mais des particuliers, s’improvisant détectives, arrêtaient
àtoutmomentdespassants,particulièrement des hommes blonds. Car blond
signifiait Allemand, et Allemand était
synonyme d’espion. » La brune actrice
danoise Asta Nielsen est, elle, prise pour
uneespionnerusseetmanqued’êtrelynchée en se promenant à Berlin.
La violence envers l’étranger culmine
à Saint-Pétersbourg, dont le nom aux
sonorités trop germaniques sera bientôt
russifiéen Petrograd,et oùlafoulesaccage début août l’ambassade allemande.
Ces débordements ne sont pas limités à
l’Europe:leconsulatallemandàWellington (Nouvelle-Zélande) connaîtra le
même sort, et les immigrés allemands,
autrichiens ou hongrois d’Australie ou
du Canada finiront aussi par être internés, dans des conditions matérielles et
morales très variables.
Au regard des millions de morts qui
suivront, leur sort peut sembler dérisoire. Il montre pourtant la nature profonde du conflit: frontières fermées, identités durcies, pouvoir de coercition accru
pourlesEtats.L’entréeenguerremarque
une césure majeure dans l’histoire des
migrationsetdescirculationsinternationales, mettant fin à ce qu’on a appelé la
« première mondialisation » d’avant
1914, ère d’accélération des échanges
culturels, scientifiques et économiques,
et d’intenses mobilités individuelles.
Au total, près de 300 000civils ennemis seront enfermés dans des camps à
travers l’Europe en 1914-1918, dont
65000 environ en France. Il faut y ajouter les centaines de milliers de déportés
vers l’intérieur de l’empire russe, où les
chefs militaires ont évacué de force, courant 1915, des populations « suspectes »,
ennemisetsujetsdutsar,juifsenparticulier, mêlés. Le sort, cette même année,
des passagers du Lusitania – paquebot
britannique torpillé par un sous-marin
allemand – comme des Arméniens de
l’Empire ottoman illustrera de façon
plusdouloureuseencorela vulnérabilité
des civils dans un monde en guerre. p
André Loez
«Les deux camps ont rempli la poudrière»
Selon l’historien Gerd Krumeich,le débat historiographiquesur les causes du conflita eucours
pendant un sièclesur la questionde la responsabilité allemande,tantôt mise en avant, tantôt relativisée
entretien |
Propos recueillis par
Gaïdz Minassian
et Antoine Reverchon
L
’historien allemand Gerd Krumeich,
spécialistede lapremièreguerremondiale,estprofesseurémériteà l’université Heinrich-Heine de Düsseldorf et
professeurassocié à l’Institut d’histoire du temps présent. Il est par ailleurs
vice-président du Centre international de recherche de l’Historial de la Grande Guerre de Péronne(Somme) et membre du conseil scientifique de
la Mission du Centenaire. Son dernier ouvrage,
Le Feu aux poudres. Qui a déclenché la guerre
en 1914 ?, doit paraître prochainement chez Belin.
Comment les historiens, de 1918 à nos jours,
ont-ils analysé les responsabilités dans
le déclenchement de la guerre ?
Il n’est pas toujours facile, à quelque période
que ce soit, depuis la fin de la guerre, de distinguer
dans la littérature sur le sujet les intentions politiques des approches historiographiques, la volonté de démontrer de la volonté de comprendre.
Dès les années 1920, les sources primairessont à
peu près toutes disponibles. Des journaux personnelsou lesMémoires detel ou tel protagoniste,voire quelques archives inédites, ont certes été
publiés par la suite, mais ils n’apportaient rien de
nouveau par rapport aux documents officiels déjà
livrés. En 1917, Lénine a rendu publiques les archives de l’Etat tsariste pour dénoncer les « fauteurs
de guerre impérialistes », qui étaient pour lui dans
les deux camps. Dès 1919, la République de Weimar publie aussi les archives du Reich – 40 volumes au total –, essentiellement pour prouver aux
Alliés sa volonté de transparence et de rupture
avec le régime impérial. Le ministère des affaires
étrangères allemand édite même une revue dont
le titre est La Question des responsabilités de la
guerre, sous-titrée « Cahiers berlinois paraissant
chaque mois pour l’éclaircissement international » : 1 200 pages paraîtront de 1922 à 1942 ! Les
Anglais feront de même dans les années 1930. Les
Français ne publient les archives du Quai d’Orsay
qu’à partir de 1935, et à un rythme plutôt lent. Le
dernier volume, qui concerne le traité de Versailles, va paraître en 2018 ! Les seules archives
diplomatiques de 1914 qui ne sont devenues publiques que récemment sont celles de la Serbie, mais
personne n’est encore allé les regarder de près.
Contrairement à ce qu’affirment certains historiens, il n’y a donc pas de « nouvelles sources » qui
aient pu révolutionner la lecture des responsabilités de la guerre, vingt, trente, cinquante ou cent
ans après,ce qui est d’ailleursassez rare en histoire.
Ce sont donc bien les interprétations qui ont varié,
l’accent mis sur tel ou tel aspect.
Quelles ont été ces interprétations successives?
En désignant officiellementl’Allemagne comme
«l’agresseur», l’article 231 du traité de Versailles, en
1919, semble fixer pour la postérité la responsabilité du déclenchement de la guerre. Dans les dix ans
qui ont suivi, les historiens allemands « sérieux »
n’ont pas osé se risquer sur ce terrain délicat. Mais
de nombreux politiciens, journalistes ou anciens
militaires, en Allemagne, y compris à gauche, ont
mis en cause cette interprétation, en s’appuyant
justement sur la publication des archives.
En France, l’ouvrage majeur a été celui de Pierre
Renouvin [Les Origines immédiates de la guerre,
Alfred Costes, 1925] : sur le déroulement et l’enchaî-
nement exact des faits au cours de l’été 1914, on n’a
guère fait mieux depuis. Pourtant, Renouvin n’a
jamaisété traduitenallemand! Certes,sonouvrage
conforte la thèse de la responsabilité allemande :
l’Allemagne déclare la guerre parce que le plan
Schlieffen [plan d’attaque de la France mis au point
au début du XXe siècle] nécessite de déclencher les
hostilités avant que la mobilisation russe ne soit
achevée. Toutefois, comme l’a montré un ouvrage
de l’historien allemand Stefan Schmidt édité
en2009,Pierre Renouvinétait un conseillerdeRaymond Poincaré [président de 1913 à 1920]. Après le
conflit, celui-ci, surnommé « Poincaré la guerre »,
était l’objet de violentes attaques des milieux pacifisteset de l’opposition,quidénonçaientson attitude « jusqu’au-boutiste» lors de la crise de 1914.
Cen’estquedanslesannées1930qued’autreshistoriens « sérieux » commencent à s’emparer de la
question, parce que le 10e anniversaire de la fin de la
guerre et les romans de « témoignage » (comme
ceux de Roland Dorgelès, Erich Maria Remarque ou
Ernst Jünger) qui fleurissent à l’époque renouvellent l’intérêt du public. Les travaux des historiens
américains Bernadotte Schmitt, Sidney Bradshaw
Fay et Harry Barnes, publiés à la fin des années1920,
etsurtoutceuxdujournalisteitalienLuigi Albertini,
qui complète les archives par la lecture de tous les
articlesdelapresseeuropéennede1914etparl’interview systématique des protagonistes encore
« Personne n’est encore
allé regarder de près
les archives de la Serbie »
2 août
Décret français fixant
lesobligations des civils
étrangers et ennemis, qui
doivent s’enregistrer auprès
des autorités en préalable à
leur internement, avec des
réserves pour les catégories
jugées francophiles (Polonais,
Tchèques, certains AlsaciensLorrains, puis lesArméniens
de l’Empire ottoman, après
l’entrée en guerre de ce
dernier, en novembre).
Comment l’arrivée d’Hitler au pouvoir affecte-t-elle les approches de chaque côté du Rhin ?
Dans la Francedes années1930, il y a une tendance de certains milieux de droite, qui voient d’un
bon œil l’ascension du nazisme – et qui seront dans
les rangs des futurs collaborateurs –, à minimiser
la responsabilité allemande, ou en tout cas à l’estimer partagée. Ce qui est alors mis en avant est le
soutien inconditionnel des Français aux Russes, et
celui des Russes aux Serbes. Cela aurait poussé l’Allemagne à déclarer la guerre.
Mais le débat historiographique, qui commence
à se développer, est interrompu par la montée de la
menacenazieet la secondeguerre mondiale.La traduction du livre de Luigi Albertini en 1952 passe
plutôt inaperçue. C’est pourtant la même année
que le premier accord franco-allemand de l’aprèsguerre porte sur le contenu des manuels scolaires,
d’où doit être suppriméetoute notion de responsabilité unilatéraledans le déclenchementde la Grande Guerre : un accord scrupuleusement appliqué
1915
1914
Les civils
ennemis
surveillés,
déplacés,
internés
vivantsde la « crise de juillet», apportentune vision
plus nuancée des responsabilités – bien que le travail d’Albertini ne soit paru en italien qu’en1940 et
traduiten anglais qu’en1952 [The Origins ofthe War
of 1914,Enigma]. C’est au final l’ouvrage le plus complet à ce jour sur la crise de l’été 1914.
Dès 1932, Pierre Renouvin lui-même a signé un
article fameux dans la Revue historique, dans
lequel il admet qu’on ne peut parler de « responsabilité unilatérale» et estime que l’article 231 du traité de Versaillesest plus un moyen juridique de fonder le paiement des indemnités de la guerre que
l’affirmation d’un fait historique. C’est une approcheque les Allemandsutiliserontaussitôt pour justifier leur non-paiement.
5 août
Aliens Restriction Act en Grande-Bretagne, qui
constitue la base légale de l’internement des civils
ennemis, tenus de s’enregistrer et ne pouvant
quitter sans permis un rayon de 5 miles (environ
8 kilomètres) autour de leur domicile. La possession
d’armes ou d’explosifs leur est interdite et leur vie
associative (clubs, journaux) est restreinte.
6 novembre
L’Allemagne décide
l’internement de tous
leshommes britanniques
en âge de porter les armes
(de 17 à 55 ans) demeurant
sur son territoire.
27 janvier
Circulaire du chef d’étatmajor russe systématisant
l’expulsion des juifs et de
«tous les individus suspects»
des zones sous contrôle
militaire, lancée danscertains
endroits dès 1914.
7 avril
Première loi française sur
ladéchéance de nationalité
des naturalisés d’origine
ennemie, complétée par la loi
du 18 juin 1917. Au total,
549 dénaturalisations
de personnes d’origine
allemande, austro-hongroise
ou ottomane seront
prononcées.
0123
le journal du centenaire
Mardi 11 mars 2014
III
Plaque stéréoscopique de 1914, extraite de l’exposition itinérante
« De boue et de larmes… 14-18 dans les yeux d’un poilu ». INSTANT3D. FR
« Pour l’historien Sean
McMeekin, les Allemands
n’y seraient pour rien »
par l’Allemagne, beaucoup moins en France. En
Allemagne, la tendance historiographique dominante dans les années 1950 est de ne retenir que ce
qui peut expliquer l’avènement d’Hitler, en l’espèce « l’humiliation» de Versailles.
Dans les années 1960, cette interprétation
est-elle remise en cause ?
En 1961, la publication de l’ouvrage de Fritz Fischer [Griff nach der Weltmacht. Die Kriegszielpolitik des kaiserlichen Deutschland 1914-1918, Drosde]
change complètement la vision qui prévalait dans
lesannées 1950.Pourlui, ilexisteunefiliationdirecte entre la seconde guerre mondiale et le militarisme allemand, entre le nazisme et le régime autoritaire du Kaiser, une alliance des élites militaires,
industrielles et politiques qui conduit à la guerre.
Celle-ci, au contraire de ce que dit l’historiographie
allemande classique, n’est pas un « accident ». En
s’appuyant sur les archives allemandes datant du
tout début du conflit concernant les « buts de
guerre»de Berlin,ilestimequel’Allemagneasciemment déclenché la guerre, une volonté qu’il jugera,
dans ses ouvrages postérieurs, encore plus radicaux, présente dès 1912. Cette analyse correspond
au sentiment de culpabilité qui pèse alors sur toute
la génération allemande des années 1960 – la mienne – qui rejette les explications que leurs aînés
essaient de trouver au triomphe du nazisme et à la
seconde guerre mondiale.
L’historiographie d’Allemagne de l’Est, en particulier avec Fritz Klein, met en avant les origines
plus lointainesque la seule crise dejuillet, en analysant la rivalité des impérialismes européens selon
la grille de lecture léniniste de l’inéluctabilité de la
guerre dans une économiecapitaliste. Cette approche « par le temps long », qui domine dans les
années 1970, fait un peu oublier la polémique sur
la responsabilitéallemandenéedu livre de Fritz Fischer, dont il s’étonnait d’ailleurs, en expliquant
s’intéresser lui aussi aux causes plus lointaines.
Il en est de même dans les années 1980 à 2000,
car l’historiographie est alors dominée par l’histoire sociale et culturelle, qui s’intéresse aux civils de
l’arrière ou aux « expériences de guerre » du soldat
dans les tranchées, et bien peu aux décisionspolitiques, diplomatiques ou militaires. Dans les
années 1980, les ouvrages de l’Américain Samuel
Williamson, ou des Autrichiens Manfried Rauchensteiner et Fritz Fellner, exploitant les sources
austro-hongroises, mettent en avant l’importance
del’ultimatumde Vienneà Belgradedans le déclenchement du conflit, mais cela ne change guère la
vision d’une Allemagne responsable, puisque Berlin soutient l’Autriche dans son attitude radicale
contre la Serbie.
Cette vision est-elle toujours privilégiée?
Dans les années 2000, elle est vraiment remise
en cause, à travers les ouvrages de Sean McMeekin,
notamment le dernier, The Russian Origins of the
First World War (Harvard University Press, 344 p.,
17,10¤). Cet historien américain insiste sur les responsabilités des Etats serbe et russe, qui couvrent
cequi reste, toutcompte fait, un assassinatterroriste. Sean McMeekin démontre l’agressivité russe en
présentant le ministre des affaires étrangères
d’alors, Sergueï Sazonov, comme l’artisan de la
guerre. Pour l’historien, les Allemands n’y seraient
donc pour rien.
On peut aussi citer l’Australien Christopher
Clark[Les Somnambules, Flammarion,668 p., 25 ¤],
qui, renouant avec l’approche des années 1930,
minimise la responsabilité allemande en estimant
que l’ensemble des dirigeants européens ont
concouru aveuglément au déclenchement de la
guerre. Il est très critique à l’égard des Serbes, allant
jusqu’à rapprocher leur attitude d’alors de leur
comportement dans la guerre civile yougoslave de
1991 à 1995. Il dédouane Vienne, dont l’ultimatum
ne serait pas plus inacceptable que celui de l’OTAN
à la Serbie, en 1994. Et il accuse les hommes politiques russes et français d’avoir appuyé sans sourciller la position serbe, sans tenir compte des craintes allemandes d’un « encerclement».
Cette démarche rencontre un immense succès
en Allemagne – le livre est réédité douze fois –, parce que, outre l’effet de l’approche de la date du centenaire,il correspond à un changementprofond de
la culture politique des nouvelles générations en
Allemagne. La fin de la guerre froide a permisà Berlin de redevenir un acteur politique qui compte: il
est donc pertinent de s’intéresser aux processus de
décision. Par ailleurs, l’amenuisementde la dissuasion nucléaire rend à nouveau possible une guerre
entre grandes puissances : il est tout aussi pertinent de s’intéresserà la façon dont s’enchaînentles
décisions qui peuvent y conduire.
Quelle est votre propre analyse ?
L’argumentselon lequel l’Allemagnen’aurait pas
de responsabilité dans le déclenchement de la
guerre est de mauvaise foi. Il est certain qu’il y a une
volontéserbedene pasplier faceà l’Autriche,qu’ily
a une volonté autrichienne de détruire la Serbie,
une volonté allemande de tester la volonté russe de
soutenir la Serbie et une volonté française d’encourager la Russie à ne pas laisser tomber la Serbie.
La thèse d’un été paisible et serein interrompu
par la surprise d’une guerre impromptue ne tient
pas non plus. Les deux camps ont rempli peu à
peu la poudrière durant les années précédentes,
mais il est incontestable que ce sont les Allemands
quiy mettentle feu. Le cœur du problèmeest, comme l’avait déjà montré Pierre Renouvin, la mobilisation russe : les Allemands pensaient qu’ils ne
pouvaient pas arrêter la mécanique lancée par la
mise en œuvre du plan Schlieffen. Rappelons que
l’arméefrançaise avait l’ordre de laisser 10 kilomètres entre son front et l’armée allemande. C’était
symbolique, mais fondamental : il s’agissait de
prouver, à l’opinion française comme au gouvernement britannique, dont l’engagement n’était
pas si assuré, que l’Allemagne était bel et bien
l’agresseur.
Mais rappelons que, dans les archives françaises publiées après-guerre, une dépêche du
31 juillet 1914 envoyée à Paris par l’ambassadeur
français en Russie, Maurice Paléologue, indique
que « la Russie a mobilisé, à la suite d’informations
sur les mobilisations autrichienne et allemande ».
Or, ce texte a été modifié pendant la guerre : la
dépêche réelle, que l’on a retrouvée, stipule seulement « la Russie a mobilisé»…
Pour vous montrer à quel point historiographie et enjeux politiques restent indissociables,
j’ai reçu un appel d’un éditeur de Belgrade, qui
avait entendu dire que mes travaux contredisaient en partie ceux de Christopher Clark : il voulait traduire mon livre en serbe ! p
1917
8-13 mai
Au lendemain du torpillage
du Lusitania, émeutes
antiallemandes en
Grande-Bretagne, à Liverpool
puis Londres et Manchester
en particulier ; elles
conduisent à l’internement
de la quasi-totalité des civils
allemands en âge de porter
lesarmes encore en liberté.
Affiche de propagande
britannique, 1915. AKG
1918
2 avril
6 avril
Décret français portant sur
lacréation, pour la première
fois, d’une carte d’identité
à l’usage des étrangers,
indiquant une volonté de
contrôle accru et systématisé
des populations.
Proclamation du président
Woodrow Wilson
restreignantles libertés et
lesdéplacements des civils
ennemis (enemy aliens)
sur le territoire américain,
le jour du vote par le Congrès
de l’entrée en guerre
des Etats-Unis.
Documents d’identité de Léon Trotski, lors de son séjour
à Paris, au début de la guerre. ARCHIVES DE LA POLICE
26 avril
Second accord diplomatique
franco-allemand de Berne
(après celui de décembre1917),
concernant le rapatriement
des prisonniers, qui comprend
pour la première fois des
dispositions concernant
lesinternés civils.
IV
0123
le journal du centenaire
Mardi 11 mars 2014
Déplacés, réfugiés, internés,
les civils en otage
Les flux de réfugiés et de déplacés
durant la Grande Guerre (1914-1918)
NORVÈGE
Helsinki
Petrograd
SUÈDE
Vologda
Mer
Baltique
RUSSIE
L’Empire russe
Mer du Nord
Pskov
Ile de Man
Vers
l’intérieur
de la Russie
et la Sibérie
est renversé en 1917
Courlande
DANEMARK
Dublin
Moscou
Wakefield
ROYAUMEUNI
Newbury
Berlin
OCÉAN
ATLANTIQUE
LUX.
SUISSE
(Camps,
voir zoom)
Mer
Caspienne
Vienne
Thalerhof
nov.
1918
AUTRICHEHONGRIE
Caporetto
nov.
1917
Mer
PORTUGAL
Kiev
Galicie
Raabs
Drosendorf
Linz
FRANCE
Vers
l’intérieur
de la Russie
mars 1918
août
1914
Prague
nov.
1918
Paris
Varsovie
Sagan
ALLEMAGNE
Sept.
1914
Minsk
Groningue
Havelberg
Ruhleben
Harderwijk
Londres
PrusseOrientale
PAYS-BAS
Ad
ria
SERBIE
ti q
MONT.
1918
ROUMANIE
1918
ue
ESPAGNE
1916
Mer Noire
BULGARIE
mai 1916
Constantinople
1916
Gibraltar (R.-U.)
EMPIRE OTTOMAN
GRÈCE
Vers les Etats-Unis
PERSE
Maroc esp.
oct.
1918
Afrique du Nord française
250 km
Chypre
(R.-U.)
Triple-Entente (1907)
Triple-Alliance (1882)
et ses alliés
L’Italie est membre de l’Alliance
avant de se rallier à l’Entente
en 1915
Populations civiles quittant les zones de front
et prenant le chemin de l’exode
Arméniens fuyant le génocide (à partir de 1915)
Au côté de l’Entente
Aux côtés
des empires centraux
Avancée maximale
des troupes de l’Entente
Avancée maximale
des troupes de l’Alliance
Civils français et belges déplacés de force vers
l’Allemagne à partir de 1914
Population résidant dans l’empire russe (civils
ennemis, sujets russes dont communautés juives)
déplacés vers l’intérieur à partir de 1914
Arméniens déportés au cours du génocide
Les principaux camps
en France
Ile de Sieck
ville
Granville
Ile Chausey
Vire La Ferté-Macé
Pl
Plérin
Alençon
Ile-d’Yeu
Précigné
Besançon
Angers
Ile de Noirmoutier
Sources pour les trois cartes : Encyclopédie de la Grande Guerre 1914-1918, Bayard, 2004 ;
Atlas-historique.net ; Georges Duby, Atlas historique mondial, éd. Larousse ;
Peter Gatrell, « Refugees and Forced Migrants during the First World War », et Matthew Stibbe,
« Civilian Internment and Civilian Internees in Europe, 1914-1920 » in Immigrants &
Minorities : Historical Studies in Ethnicity, Migration and Diaspora, 2008 ; Michael R. Marrus,
Les Exclus, les réfugiés européens au XXe siècle, Calmann-Lévy, 1986 ;
Jean-Claude Farcy, Les Camps de concentration français de la première guerre mondiale
(1914-1920), Anthropos collection Historiques, 1995.
Fleury-en-Bière
Pontmain
Mayenne
Ploërmel
Déportés de zones de guerre et territoires
occupés
Epreuves et exodes
Ile de Tatihou
Ile de Groix
Hennebont
Carnac
Auray
Sarzeau
Ennemis étrangers
Les déplacés et déportés
APRÈS AOÛT 1914
Crozon
Landaoudec
Fort de Lanvéoc
Principaux camps d’internement de civils
Les réfugiés
EN AOÛT 1914
Bagdad
Damas
Mer Méditerranée
Les Etats en guerre
Ile Longue
Dodécanèse
(It.)
Malte (R.-U.)
Bitray
Blanzy
Luçon
La Rochelle
ClermontFerrand
Aurec
VillefrancheAnnonay
de-Rouergue
Bergerac Espalion Viviers Crest
Rochefort
Moissac
LabastideSaint-Pierre
Garaison
Ajain
Rodez
Saint-Affrique
de-Provence
Fort del’île
SainteMarguerite
Annot
Morsiglia
Luri
Oletta
Ol
Béziers
Saint-Tropez
Les camps de triage
Pour Austro-Allemands (ressortissants des nations ennemies, en particulier d’un âge mobilisable).
Quatre sont disciplinaires (Crozon, Noirmoutier, Haut-Grognon et Surville, sur l’île de Groix)
Pour Alsaciens-Lorrains, souvent non surveillés, dont un pour « romanichels » à Crest (surveillé)
Pour suspects. Les « suspects au plan national » et « indésirables » sont des prostituées, espions
présumés, repris de justice, vagabonds, “individus louches”, la plupart ramassés dans la zone des
armées, près du front.
1915
Des civils étrangers internés
au Canada construisent la route
menant au lac Louise, dans l’ouest
du pays. ARCHIVES DU MUSÉE GLENBOW
Septembre1915
Après le début du génocide
arménien, des veuves déportées
dans l’Empire ottoman posent
avecleurs enfants. AKG
0123
V
le journal du centenaire
Mardi 11 mars 2014
Lepremierconflitmondialmarque
uneétapedansl’expositiondescivils
àlaviolencedeguerre.Dèslapremière
semaine,descentainesdemilliers
depersonnesfuientlescombats.
Ilfautajouteràcesdépartsvolontaires
desmouvementsforcés:populations
occupéesdéportéespourletravail,civils
ouétrangers«suspects»évacuésvers
l’intérieur.Dansl’Empireottoman,
legénocidedesArméniensaboutit
en1915àdes«marchesdelamort».
Les populations déplacées entre 1919 et 1923,
lors du règlement du conflit
Acesdéplacementssuccèdentaprès
laguerrelesmouvementsliés
auxremaniementsdesfrontières
etlesviolencesquilesaccompagnent.
Lesmassacresetatrocitéscommis
ferontl’objetd’unnuméroultérieur.
FINLANDE
NORVÈGE
Helsinki
Petrograd
Mer
Baltique
SUÈDE
URSS
Tallinn
La Russie soviétique
devient l’URSS en 1922
ESTONIE
Mer du Nord
NOUVEL ÉTAT LIBRE
D’IRLANDE
LETTONIE
Dublin
Schleswig
du Nord
ROYAUME-
LITUANIE
Memel
Dantzig
Prusse
UNI
Londres
Poméranie
PAYS- BAS
OCÉAN
Eupen et
Malmedy
ATLANTIQUE
Paris
FRANCE
Moscou
Riga
DANEMARK
Berlin
Posnanie
(All.)
Varsovie
ALLEMAGNE
Prague
LUX.
POLOGNE
UKRAINE
Indépendante
de 1917 à 1920
AlsaceLorraine1
Indépendance
de 1918 à 1920-1921
SUISSE
Mer
Caspienne
ROUMANIE
Fiume
PORTUGAL
Lisbonne
ITALIE
ESPAGNE
Bucarest
ROY.
DES SERBES
CROATES ET Belgrade
AZERB.
ARMÉNIE
2
Sofia
Rome
GÉORGIE
Mer Noire
BULGARIE
Constantinople
Gibraltar (R.-U.)
TURQUIE
GRÈCE
Vers les Etats-Unis
PERSE
Ankara
ALBANIE
Maroc esp.
IRAK
SYRIE
(Fr.)
Afrique du Nord française
Malte (R.-U.)
250 km
Mer Méditerranée
1919-1923 : une Europe nouvelle sort du conflit
Etats vainqueurs
Etats vaincus
Nouveaux Etats
Etats neutres
Territoires sous mandat de la SDN
Villes libres
Frontières issues des conflits postérieurs à la Grande
Guerre (guerres russo-polonaise, 1919-1921,
et gréco-turque, 1919-1922)
Novembre1917
Dodécanèse
(It.)
Après la défaite de Caporetto, les soldats
etcivils italiens fuient lesterritoires
occupés par les armées austro-hongroise
et allemande. MP/PORTFOLIO/LEEMAGE
(R.-U.)
(R.-U.)
Bagdad
LIBAN
(Fr.)
Les populations déplacées à la suite du règlement du conflit, du traité de Versailles (28 juin 1919)
au traité de Lausanne (24 juillet 1923)
Population quittant des territoires habités
par les Allemands
Population quittant les territoires perdus
par la Hongrie
Population venant des différentes régions
qui composaient l’Empire des Habsbourg
Russes fuyant la révolution et la guerre
Ukrainiens
Polonais
Bulgares
Arméniens survivants du génocide
1922
Les réfugiés d’origine grecque
quittent l’Asie mineure par
lapéninsule de Samanli-Dag, durant
la guerre gréco-turque (1919-1923). ICRC
Echanges obligatoires de population turque (1 million de personnes)
et grecque (0,5 million de personnes)
La convention de Lausanne (janvier 1923) prévoit que « les citoyens turcs de religion grecque
orthodoxe établis en territoire turc seront systématiquement échangés avec les citoyens
grecs de religion musulmane établis en territoire grec »
Echanges gréco-bulgares
(1) Réfugiés et expulsés à la suite du tri des populations
(2)La Serbie figure parmi les vainqueurs en 1914-1918 et forme un nouvel Etat
avec les territoires acquis
NB : le rapatriement des réfugiés et des prisonniers du temps de la guerre ne figure pas sur la carte
1925
Après la révolution de 1917,
des milliers de Russes blancs
se réfugient en France. Ici, à Paris,
lorsd’une réunion d’exilés. ROGER VIOLLET
VI
0123
le journal du centenaire
Mardi 11 mars 2014
Les remparts de Vauban, au Quesnoy (Nord). Une plaque a été scellée à l’endroit où les troupes néo-zélandaises menèrent l’assaut,
à l’aide d’une échelle. En bas à droite : la ferme du « pigeon noir », où le commandement allié était installé.
PHOTOS : OLIVIER TOURON/DIVERGENCE POUR « LE MONDE »
Au Quesnoy, cent ans de gratitude
Monumentaux morts, circuit de mémoire,clins d’œil lors du carnaval…La petite commune du Nord
ne ménage pas sa reconnaissanceenvers les Néo-Zélandaistombés pour la libérer, le 4novembre 1918
Benoît Hopquin
B
Le Quesnoy (Nord), envoyé spécial
imberlot sommeille dans
son costume de Pierrot,
sous le porche de la mairie
du Quesnoy. Le gentil
géant attend le premier
dimanche d’août qu’on le
réveille et le promène en cortège par les
rues, accompagné de la fanfare, des majorettes et des habitants déguisés. « Oh ! Pierrot ! Bimberlot/Rin tin tin Compèr’et
loriot/Oh ! Pierrot ! Bimberlot/Rin tin tin
Compèr’et loriot », chantera la foule. C’est
ainsi dans cette commune du Nord depuis
des temps immémoriaux et même avant.
Le héros local n’est pas seul sous le porche. Aux côtés de Bimberlot se trouve un
autre personnage, également haut de près
de quatre mètres: un guerrier maori tout
tatouéet bien impoli.Le grossiertire la langue à ceux qui le regardent: cette tradition
duhakan’a paséchappéaux espièglesNordistes. Une telle irrévérence, voilà qui sied
parfaitement à l’esprit du carnaval.
Un ethnologue bégueule trouvera forcément à redire à la représentation que se
font les Ch’tis du peuple polynésien. Reste que l’hommage, pour rieur qu’il soit,
est sincère. Un siècle après, Le Quesnoy
continue de remercier les soldats néozélandais qui délivrèrent la ville, le
4 novembre 1918. Et, dans ces entours de
Valenciennes, quelle meilleure manière
d’honorer une mémoire qu’en la faisant
entrer dans la geste carnavalesque?
Ce 4 novembre 1918, les libérateurs
étaient donc venus de bien loin, « de
l’autre extrémité du monde », comme le
rappelle une plaque apposée dans la ville.
Elle a été scellée au sud des remparts de
Vauban, là où l’avant-garde mena l’assaut
à l’aide d’une échelle de 9 mètres. Dans cette guerre effroyablement moderne, cette
méthode moyenâgeuse contribua à
mythifier la scène. Elle fut immortalisée
en 1920 par le peintre George Edmund
Butler, artiste de guerre officiel de la Nouvelle-Zélande. Son tableau montre le
second lieutenant Leslie Averill, un étudiant en médecine de Christchurch, grimpant sur l’enceinte, pistolet au poing, sui-
vi par une demi-douzaine d’hommes.
L’œuvrefigure depuis dans les livres d’histoire de l’hémisphère Sud.
Quatre-vingt-dixNéo-Zélandais moururent devant Le Quesnoy, si près de l’Armistice. Parmi eux, Sydney Allan Murrell, un employé de banque, engagé volontaire en 1914 dans le corps expéditionnaire et enterré dans le cimetière de la ville.
Ou Henry James Nicholas, tombé au
début de l’offensive, et qui repose à Vertigneul, à quelques kilomètres du Quesnoy
et à 20 000 kilomètres de sa terre natale.
FranckBruyère, 43ans, professeurd’histoire au collège du Quesnoy, a consacré un
100 000 « Kiwis »,
10 % de la population
totale, seront envoyés
aux combats.
18 000 y mourront
livre à ce dernier (Henry James Nicholas,
Mon Petit Editeur, 180 p., 19 ¤). Arrièrepetit-fils d’un « poilu » disparu au lieu-dit
de Bagatelle (Marne), en juin 1915, dont la
femme chercha désespérément la trace
après la guerre, cet enfant du pays s’est
naturellement intéressé au rôle des soldats « kiwis ». Au fil des archives, l’enseignant s’est mis aux basques de Nicholas,
ouvrier engagé en 1916, sergent qui se vit
remettre la Victoria Cross pour fait de bravoure. Il l’a suivi de Lincoln, près de Christchurch, jusqu’à Vertigneul. « En racontant
son histoire, je racontais celle de la Nouvelle-Zélande», explique l’auteur.
Depuis 1907, le pays était un dominion
indépendant de l’Empire britannique, un
Etaten gestation.La première guerre mondiale va contribuer à forger la nation au
feu de l’enfer. « En 1916 est institué le service militaire, explique Franck Bruyère. Il y a
la possibilité de s’y soustraire, mais les
réfractaires seront peu nombreux. En 1918,
les soldats néo-zélandais ont acquis une
réputation d’excellence. Ils sont suivis par
une troupe de journalistes qui relatent
leurs faits d’armes. Ils seront accueillis en
héros à leur retour. » Près de 100 000 hommes, 10 % de la population totale, seront
envoyésen France et en Belgique et 18 000
y laisseront la vie.
Le Quesnoy est la première victoire
retentissantedecette jeune histoire.Fortement défendue, la ville est finalement
conquiseet 2 000Allemands sontfaits prisonniers. Le 10 novembre, le président
Poincaré viendra en personne saluer l’exploit. « La prise du Quesnoy, dans l’immensité de la guerre et au milieu des millions de
morts, ce n’est rien, dit Paul Raoult, sénateur et maire de la commune. Mais c’est un
peu le Valmy des Néo-Zélandais.»
Le socialiste est réélu avec constance
depuis 1984, fors une interruption de sept
ans pour cause de cumul des mandats. Sa
ville étant jumelée avec une homologue
des antipodes, Cambridge, l’élu a déjà fait
le voyage. Il n’en finit pas de raconter comment le nom de sa ville lui vaut chaque
fois la sympathie. « Le Quesnoy est plus
connu là-bas qu’à Paris », plaisante-il.
«Tous les Néo-Zélandais ont des ancêtres
qui ont fait la guerre en Europe », ajoute
Marie-José Burlion, responsable de l’asso-
0123
le journal du centenaire
Mardi 11 mars 2014
VII
un livre, un enjeu
1961 : la « controverse Fischer »
secoue l’Allemagne
L
Sous le beffroi de l’hôtel de ville, Maori le géant attend le carnaval.
Ci-dessous: la parcelle néo-zélandaise du cimetière de Beaudignies, à 5 km du Quesnoy.
a formule disant d’un livre
qu’il a « l’effet d’une bombe»
est particulièrement adaptée à
celui de l’historien allemand Fritz
Fischer. En 1961, ce professeur de
l’université de Hambourg publie en
Allemagne Les Buts de guerre de l’Allemagne impériale, 1914-1918. Bien
que le parcours de Fischer ne soit
pas celui d’un esprit critique – il fut
même membre du Parti nazi –, il
entend démontrer que l’impérialisme allemand est le principal responsable du déclenchement de la première guerre mondiale.
Selon l’historien, il y a continuité
entre la politique allemande de la fin
du XIXe siècle et les buts de guerre en
1914-1918 étudiés ici dans le détail:
affaiblir la France, mettre à distance
la Russie, dominer économiquement
l’Europe centrale, faire de la Belgique
un Etat vassal… Un des arguments
clés de Fischer tient dans le « programme de septembre» (1914), un
texte approuvé par le chancelier
Theobald von Bethmann-Hollweg.
Ce dernier, qui avait jusque-là l’image d’un modéré, semble dès lors le
représentant d’un point de vue impérialiste et annexionniste.
Grand coupable
Plus tard, dans Krieg der Illusionen («La Guerre des illusions», Droste, 1969), Fischer radicalise le propos
et insiste sur les problèmes économiques de l’Allemagne d’avant-guerre
qui renforcent la marche vers l’affrontement. A contre-courant de
tout l’effort allemand de l’entredeux-guerres pour rééquilibrer les
responsabilités, Fischer fait donc de
son pays le grand coupable de l’hécatombe, portant « la part décisive de
la responsabilité historique de la
guerre mondiale ». Dans la préface à
l’édition française (1970), l’historien
Jacques Droz considère que Fritz Fischer oblige les Allemands de son
temps à une « révision déchirante »,
à reconnaître que les historiens de
l’entre-deux-guerres ont facilité le
terrain à Hitler en trompant l’opinion sur les « buts de guerre allemands», en fournissant des arguments à la dénonciation «démagogique» du traité de Versailles (1919).
Le Spiegel écrit alors : « C’est une
mine posée sous la bonne conscience
des Allemands» et l’on évoque
même une « affaire Dreyfus » allemande. Fritz Fischer déclenche un
véritable scandale, car ses thèses sortent de l’espace universitaire pour
toucher un public bien plus large,
jusqu’à mobiliser le gouvernement
de Bonn, qui produit un contre-feu.
C’est que l’enjeu tient à l’ensemble
de l’histoire de l’Allemagne au
XXe siècle, aux continuités de « Bismarck à Hitler ».
En Allemagne, la polémique fut
âpre et les adversaires de Fischer,
souvent politiquement conservateurs, assuraient que la politique
allemande fut essentiellement
défensive, ou que la politique extérieure fut le moteur principal des
décisions d’alors. Comme dans l’entre-deux-guerres, à vrai dire, le
contexte politique éclaire aussi les
arguments et les contre-arguments.
Les thèses de Fritz Fischer, bien
reçues dans l’ambiance contestataire des années 1960, se sont imposées à de nombreux historiens. Elles
ont été infléchies par de nouvelles
recherches, soulignant par exemple
les différentes positions parmi les
dirigeants allemands. Reste que Fischer s’appuie essentiellement sur
les sources allemandes et on lui
oppose encore que les responsabilités des autres pays se trouvent dans
leurs propres documents, comme le
soutient aujourd’hui l’historien australien Christopher Clark. p
Nicolas Offenstadt
Griff nach der Weltmacht. Die Kriegszielpolitik des kaiserlichen Deutschland
1914-1918, de Fritz Fischer, Droste, 1961.
Traduction française : Les Buts de
guerre de l’Allemagne impériale
1914-1918, Editions de Trévise, 1970.
un acteur du centenaire
Daniel Percheron veut rendre
aux Nordistes leur juste place
L
ciation Le Quesnoy-Nouvelle-Zélande, qui
compte une soixantaine de membres.
Alors, aujourd’hui, les habitants de l’archipel sont de plus en plus nombreux à venir,
en touristes cette fois. Ils sont 800 par an à
pousser la porte de l’office de tourisme.
Hélène Hatton et ses collègues ont appris à
les reconnaître à leur carrure, à leur accent
ou à la fougère qu’ils portent en emblème
sur leurs vêtements.Ils débarquentde Londres, Paris ou Bruxelles. « Dans leur tour
d’Europe, ils nous consacrent une journée»,
explique la jeune femme.
La famille d’Hélène Hatton est du cru.
Son arrière-grand-père,Jules, a transmisla
mémoire de l’occupation allemande qui a
commencé dès 1914. « Elle fut moins dure
qu’en 1939-1945. » Les habitants souffrirent cependant de privations et devaient
être munis d’un Ausweiss pour circuler.
Le Quesnoy doit son nom à une déformation du mot chêne, une essence qui
peuplait encore la région au début du
XXe siècle. Mais, en 1918, la forêt de Mormal, le plus grand massif du département
duNord,avait disparu,lesarbres ayant servi à étayer les tranchées allemandes.
Quand les Néo-Zélandais ont repris la ville, elle ne comptait plus que 1 500 habitants sur les 5 000 d’avant-guerre. Les
autochtones firent grande fête à ces bra-
Le lien ne pouvait
que rester fort
entre le pays naissant
et la commune
du XIIe siècle
ves venus du diable vauvert. Le lien ne
pouvait que rester fort, par-delà les mers
et les décennies, entre le pays naissant et
la commune du XIIe siècle.
Franck Bruyère se souvient d’une visite
des AllBlacks en 1991. Amateur de rugby, il
avait voulu faire dédicacer son ballon et
avait essuyé des refus embarrassés. « Ils
étaient là pour se recueillir et non pour faire leur promotion. » Interrogée sur l’instant où elle s’était sentie la plus fière d’être
néo-zélandaise, la championne olympique de cyclisme Sarah Ulmer ne cita pas le
podium d’Athènes en 2004, mais sa visite
privée au Quesnoy, cinq ans plus tard.
La cité libérée ne ménage pas sa reconnaissance, et pas seulement en offrant un
compagnon de promenade à Bimberlot.
Dès 1923, elle a concédé une portion de ter-
rain à la Nouvelle-Zélande, transformé en
un parc fourmillant de plantes importées.
En déambulant, on découvre une avenue
des Néo-Zélandais, une place des
AllBlacks,unerue Helen-Clark(ex-première ministre de l’archipel), une rue au nom
du chanteur Graeme Allwright et même
une rue Aotearoa (« le pays du Long Nuage
blanc », nom maori de la Nouvelle-Zélande).En 1977,quatreans avant sa mort,l’officier qui mena l’assaut, Leslie Averill, était
revenu inaugurer une école à son nom.
Un circuit de mémoire retraçant les
principales étapes de la bataille a été mis
sur pied. Chaque 4 novembre est organisée une veillée aux flambeaux et chaque
25 avril, une délégation néo-zélandaise se
rend dans le Nord pour l’Anzac Day, jour
de commémoration de la bataille de Gallipoli, qui eut lieu à l’entrée du détroit des
Dardanelles, en 1915.
Avec l’approche du centenaire, Franck
Bruyère et Laurence Tep, professeur d’anglais, ont mis en place un programme originalpour les troisièmes, utilisant la pédagogie informatique. Chaque élève se mettra dans la peau d’un soldat néo-zélandais
ettentera de faire vivre son avatarnumérique. « Une manière d’entretenir la mémoire auprès des nouvelles générations »,
explique Franck Bruyère. p
e 11 novembre2014, le président Hollande devrait inaugurer le Mémorial international
de Notre-Dame-de-Lorette, à AblainSaint-Nazaire, près d’Arras. Sur un
anneau de métal, conçu par l’architecte Philippe Prost, seront inscrits
dans l’ordre alphabétique les noms
des 600 000 soldats morts dans le
Nord-Pas-de-Calais durant la Grande
Guerre. Daniel Percheron, président
de la région et sénateur du Pas-deCalais, est le principal artisan du projet : « L’idée de ce mémorial à côté de
la nécropole nationale de NotreDame-de-Lorette me taraudait
depuis les années 1990, quand j’avais
longé le mur de Washington, mémorial des vétérans du Vietnam. »
D’ici à l’automne, Daniel Percheron inaugurera aussi le Musée de la
bataille de Fromelles, situé près de
Lille, à côté du cimetière du Bois Faisan qui abrite les dépouilles mortelles de soldats australiens retrouvées
en 2008. «Quel contraste, ces légères
ondulations de terrain, ces doux paysages des Weppes… Comment imaginer que tant de jeunes venus de l’hémisphère Sud sont morts là, si vite? »
Théâtre de batailles récurrentes
et compliquées à décrire, le nord du
pays n’occupe pas la première place
dans la mémoire collective française
de la Grande Guerre. « La légende,
c’est la Voie sacrée, des batailles comme Verdun… Alors que notre région a
toujours été sur la route des invasions. Entre les conflits, nous
menions des batailles industrielles,
nous luttions contre le chômage…
Quand je revois les images de l’exode
de 1940, tous ces Nordistes fuyant
leur ville de manière précipitée, je
pense que nous n’étions pas guéris
du traumatisme de la première
guerre mondiale. Nous avons ensuite
moins entretenu le souvenir que les
Canadiens ou les Australiens par
exemple, qui l’associaient à la naissance de leurs nations.»
Les ouvrages d’histoire s’empilent
chez le désormais septuagénaire qui
enseigna cette matière à Lens, au
lycée Condorcet, de 1963 à 1965, puis
au lycée technologique jusqu’en
1979. « J’ai quitté l’éducation nationale quand j’ai été élu député européen
sur la liste de François Mitterrand.»
Chemins de mémoire
Plus jeune, il voulait devenir avocat. «Puis ce fut journaliste de sport,
car j’écoutais passionnément Georges
Briquet à la radio. Finalement, mon
troisième centre d’intérêt l’a emporté…» La Révolution française est son
sujet de prédilection. « Je lis tout ce
que je déniche sur la Convention.»
Pour ce natif de l’Oise, la Grande
Guerre commence par un souvenir
familial. «Mon grand-père est mort le
22octobre 1914 en Argonne, fauché
par une mitrailleuse. On n’a jamais
retrouvé son corps. Dans sa dernière
lettre, il rassurait sa famille en affirmant que ses bras très longs lui
offraient un avantage pour le combat
à la baïonnette…»
Sous son impulsion, le Nord-Pasde-Calais a lancé des Chemins de
mémoire et créé un site Internet qui
leur est consacré, « pilotés par l’agrégé d’histoire Yves Le Maner, chantre
incomparable de [leur] région, spécialiste des deux guerres mondiales». p
Geoffroy Deffrennes
(Lille, correspondant)
VIII
0123
le journal du centenaire
Mardi 11 mars 2014
La couleur très politique
des commémorations belges
TEMPS FORTS
SÉLECTION
Expositions
Hôtel de Ville de Paris
« Fusillé pour l’exemple – Les fantômes
de la République». Jusqu’au 22 mars.
> Quefaire.paris.fr
L’Etat a pris peu d’initiatives,au contraire de la région flamande,
que les francophonesaccusent de lecture partisane
VU D’AILLEURS
Jean-Pierre Stroobants
U
Bruxelles, correspondant
ne vaste exposition,
intitulée « 14-18, c’est
notre
histoire »,
ouverte le 26 février
au Musée royal de
l’armée et de l’histoire militaire de Bruxelles, a vraiment
marqué le point de départ des commémorations de la Grande Guerre pour le
grand public en Belgique. Une autre
exposition, « Bruxelles à l’heure allemande», ouvrira au mois d’août, en un
autre lieu symbolique, le Musée de la
ville, sur la Grand-Place de la capitale.
Au-delà de ces deux événements,
c’est bien timidement que la Belgique
officielle paraît vouloir commémorer
l’événement. Le gouvernement fédéral
ne s’enest souciéqu’àla mi-2013,en réunissant un comité consultatif de huit
historiens – quatre néerlandophoneset
quatre francophones– chargés surtout
de superviser les grands rendez-vous,
de communiquer avec les pays étrangers et de coordonner, si possible, les
actions de la Wallonie et de la Flandre…
Cette dernière a, elle, pris les choses
très au sérieux depuis 2008. Elle a beaucoup investi pour rappeler le souvenir
des Flanders Fields, cette plaine de l’Yser
proche de la frontière française où l’armée belge, chargée de défendre une
ligne de front entre Nieuport et Dixmude, fut contrainte de se replier en octobre 1914. Ce retranchement fut rendu
possible grâce à l’inondation volontaire
des polders empêchant le passage des
troupes allemandes. Hendrik Geeraert,
le batelier qui réalisa cette opération, est
devenuunegloirenationaledontlevisage a orné, en 1950, un billet de banque.
Français et Britanniques défendaient
Ypres, au sud de la ligne de défense belge. La ville médiévale fut l’objet d’attaquesmultiples,quilaréduisirentencendres. Les Allemands allaient en effet utiliser des armes de plus en plus terrifiantes pour tenter de la conquérir: des lance-flammes, des gaz asphyxiants et le
gaz moutarde, ou « ypérite ». La ville
abrite aujourd’hui le Musée In Flanders
Fields et une exposition permanente
sur la première guerre mondiale.
Les rivalités « communautaires »
n’étant jamais bien loin dans ce pays
qui a vécu, entre 2010 et 2012, l’une des
plus longues crises politiques de l’histoire mondiale, la Flandre est aujourd’hui accusée de se servir de l’évocation
du conflit pour renforcer l’affirmation
de son identité et promouvoir son image à l’étranger. Elle gommerait complètementle cadre national belge et la référence à l’histoire du pays. En insistant
sur les drames du front de l’Yser, c’est la
situation,plus complexe et souventterrible, du reste du territoire, alors occupé par les Allemands, qui est oubliée.
Aucun historien n’a été consulté.
Paradoxe: l’un d’eux, Bruno De Wever,
est le frère du dirigeant du parti indé-
pendantiste Alliance néoflamande
(NVA), Bart De Wever. Et il a confié au
magazine Le Vif-L’Express que, contrairement à ce que veulent faire croire des
officiels flamands, « les soldats se battaienten premierlieupourdéfendreleur
patrieet sont souventtombésparpatriotisme belge ». Et donc pas seulement
pour défendre la paix, comme semble
l’indiquer la communication officielle.
« Ces jubilés servent
toujours des objectifs
qui en disent plus
long sur le présent
que sur le passé »
Bruno De Wever
historien
BrunoDeWeverrelèveque labrochure officielle de la Flandre, intitulée
2014-18, Le Grand Centenaire, ne mentionne qu’une seule fois le mot « Belgique »… pour préciser l’adresse de son
secrétariat.« Ce genrede jubiléssert toujours des objectifs qui en disent plus
long surle présentque sur lepassé », souligne encore l’historien.
La communication officielle n’évoque pas davantage le combat pour
l’émancipation flamande mené sous
l’Occupation, ou la proclamation d’une
Musée d’histoire de Nantes
région indépendante, en décembre 1917, par le Raad van Vlaanderen
(Conseil de Flandre). C’est une fraction
du mouvement flamand, les « activistes », hostiles à la Belgique bourgeoise
et francophone, qui allaient s’incarner
temporairement en leaders du peuple.
Ilsvoulaient,contrairementaux «minimalistes », s’appuyer sur l’occupant
allemand pour obtenir la séparation
administrative, voire l’indépendance.
La « Flamenpolitik » menée par l’Allemagne s’accommodait de cette évolution, elle qui « souhaitait fissurer la Belgique de l’intérieur et créer un petit Etat
satellite», relève Marc Reynebeau (Histoire belge, Editions Racine, 2005).
Même si cette tentative a échoué, la
Grande Guerre a créé l’un des principaux mythes fondateurs du combat
nationaliste : l’oppression des soldats
flamands,commandésdans une langue
inconnue d’eux et forcés d’effectuer les
missions les plus dangereuses. Une
visionnuancéeparl’historienneLaurence Van Ypersele, qui relève seulement
une légère surreprésentation des Flamandsdansl’infanterie,oùétaientaffectés les soldats les moins éduqués : la
Flandre, région rurale, était à l’époque le
parent pauvre d’un pays très prospère.
Une fois encore, c’est la communauté
francophone qui va donc promouvoir
seuleun patriotismebelge.Celanesuffira peut-être pas à honorer la mémoire
des 43000 soldats et 22 000 civils tués
durant un conflit qui fit aussi
20000 blessés, dans ce royaume qui se
voulait neutre et ami de l’Allemagne… p
« A l’école de la guerre, 1914-1918 ».
Jusqu’au 20 avril.
> Chateau-nantes.fr
Archives nationales « Jaurès ».
Paris, jusqu’au 2 juin.
> Archives-nationales.culture.gouv.fr
Bibliothèque historique de la
Ville de Paris « Paris 14-18, la guerre
au quotidien ». Photographies
de Charles Lansiaux, jusqu’au 15 juin.
> Paris-bibliotheques.org
Forum antique de Bavay « Sauve
qui veut ! Des archéologues mobilisés,
1914-1918». Jusqu’au 26 août.
> Forumantique.lenord.fr
Musée lorrain de Nancy
« Eté 1914, Nancy et la Lorraine dans
laguerre », jusqu’au 21 septembre.
> www1.nancy.fr/culturelle/musees
Conseil général du Haut-Rhin
« Vivre en temps de guerre des deux
côtés du Rhin, 1914-1918». Colmar,
22 mars-6 mai.
> Haute-alsacetourisme.com
Bibliothèque nationale de
France « Eté 1914: les derniers jours de
l'ancien monde». Paris, 25mars-3août.
> Bnf.fr
Historial de la Grande Guerre
« Entendre la guerre. Sons, musiques et
silence en 14-18 ». Péronne, 27 mars16novembre.
> Historial.org
Musée de la Chartreuse « Sauve
qui veut! Des musées mobilisés».
Douai, 29mars-6juillet.
> Musenor.com/Les-Musees/
Douai-Musee-de-la-Chartreuse
Spectacles vivants
Hall de la chanson Parade Fauve,
chansons de la Grande Guerre. Paris,
13-30mars.
> Lehall.com
Cité des arts de Chambéry
Le Violoncelle de guerre. Maurice
Maréchal et le Poilu, violoncelle:
Emmanuelle Bertrand, textes :
Christophe Malavoy, le 20 mars.
> Citedesarts.chambery.fr
La Merise Noir de boue et d’obus,
Cie Difé Kako. Trappes, 20 et 21 mars.
> Lamerise.com
Opéra de Paris Cycle
« Convergences», Spleens et détresses,
de Louis Vierne. Le 26 mars.
> Operadeparis.fr
Equinoxe – scène nationale
de Châteauroux La Grande Guerre,
compagnie Hotel Modern (Rotterdam),
28 et 29 mars.
> Equinoxe-lagrandescene.com
Cinéma
Cinémathèque française
Centenaire de la Grande Guerre au
cinéma. Paris, 26 mars-5 mai.
> Cinematheque.fr
Colloques
Goethe Institut de Nancy,
Université de Lorraine
« Lalongue durée de la Grande Guerre.
Regards croisés franco-allemand de 1918
à nos jours». Université de Lorraine,
Nancy et Metz, 19-21mars.
> Goethe.de/ins/fr/nan
Société d’études jaurésiennes
« 1914. L’Internationale et les internationalismes face à la guerre». Paris,
22-24mars.
> Jaures.info
ULLSTEIN BILD/ROGER-VIOLLET
Adolf Hitler, la photo trop parfaite
une image, un symbole
I
l s’agit sans doute de la plus célèbre photographie du début de la guerre. Une foule dense se
presse sur l’Odeonsplatz, à Munich, le
2août 1914, pour célébrer l’entrée en guerre de
l’Allemagne contre la Russie, déclarée la veille. Dans
un cercle à la droite de l’image, un agrandissement
permet de bien distinguer l’une de ces figures
enthousiastes: on reconnaît la moustache et la
mèche caractéristiques d’Adolf Hitler, sujet autrichien de 25 ans, qui va bientôt s’engager au 16e régiment d’infanterie de réserve bavarois pour ce qu’il
décrira ensuite comme l’expérience la plus exaltante
de son existence. Le cliché semble ainsi fixer la rencontre parfaite d’un destin individuel, celui du futur
Führer, et d’un sentiment collectif, celui de l’unité
nationale exaltée, au tout début du conflit.
Trop parfaite, peut-être. Car on doit l’image à Heinrich Hoffmann (1885-1957), nazi convaincu dès 1920,
devenu le photographe officiel de Hitler par la suite: il
immortalisera par exemple sa poignée de main avec
Pétain à Montoire, en octobre1940. Auteur d’un reportage sur l’entrée en guerre en 1914, il n’aurait d’abord
pas remarqué Hitler sur sa photo, avant de la «retrouver» et de la publier opportunément, avec agrandissement, à la veille de l’élection présidentielle de 1932.
Autant d’éléments qui font douter bien des historiens de son authenticité, Gerd Krumeich faisant
valoir, par exemple, que la plaque de verre originelle
n’a jamais été retrouvée, ou que d’autres versions du
cliché montrent un personnage à la coiffure différente. Au-delà de retouches indéniables, la présence
d’Hitler à ce rassemblement reste plausible.
Mais comment interpréter l’image d’unanimité se
dégageant du document? Ici, Thomas Weber, le plus
récent biographe des années de guerre de Hitler, attire
l’attention sur la composition de la scène: alors que
d’autres photos, ainsi qu’un film réalisé le même jour,
montrent une foule munichoise assez restreinte, de
bonnes parties de la place restant vides, le cadrage resserré produit un effet de masse trompeur. Davantage
qu’une vue réaliste de la mobilisation, le cliché vise
l’efficacité mobilisatrice, en 1914 comme dans les
années1930. p
André Loez
Télévision/Documentaires
France 2 Apocalypse, la première
guerre mondiale, de D. Costelle et
I.Clarke, produit par CC&C, 5 épisodes
de 52min. 18mars, 25 mars, et 1er avril en
soirée, suivi d’une émission spéciale.
> Apocalypse.france2.fr/
premiere-guerre-mondiale
France 3 La Cicatrice, de L. Véray,
produit par Cinétévé, 52 min.
Le 24 mars, en soirée.
> Education.francetv.fr
> Sur le site Centenaire.org
Consultez le programme détaillé.
> Lemonde.fr/centenaire-14-18