L`Ensemble de Préparation des Charges Utiles, plus connu sous le

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L`Ensemble de Préparation des Charges Utiles, plus connu sous le
Dossier
Du côté
de l'EPCU
Dossier préparé
par Karol Barthelemy
L’Ensemble de Préparation des
Charges Utiles, plus connu sous
le nom d'EPCU, est un véritable
sanctuaire pour les satellites en
partance pour l'espace. De leur
arrivée sur le sol guyanais jusqu'au
pas de tir du lanceur choisi, le
Centre Spatial Guyanais met ses
infrastructures et tout son savoirfaire au service de ses précieux
hôtes, sous la coordination d'un
Responsable Moyens Charge Utile.
Visite.
© L MIRA
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ommençons par le commencement. Caisson pressurisé
et «propre» en guise d'écrin, les satellites arrivent en
Guyane par avion. Les clients privilégient ce mode de
transport pour réduire au maximum le temps d'acheminement
de ces équipements particulièrement sensibles. Les plus
imposants, comme l'ATV, traversent l'océan à bord du MN Toucan
ou du MN Colibri. Si les clients complètent leur envoi avec une
équipe dédiée et de nombreux équipements, ils ne peuvent tout
transporter en Guyane où ils doivent préparer et remplir d'ergols
leurs satellites. Le CSG, avec son EPCU, met à leur disposition
tout ce qui leur manque. En général, une campagne de lancement
au CSG dure quelques 6 semaines, dont 4 à 5 semaines de
campagne satellites à l’EPCU (voir page 22).
C
© L BOYER
Déchargement par l’avant d’un Antonov à Rochambeau.
Qu'est-ce qu'un satellite ?
Naturel, un satellite est un corps céleste
gravitant sur une orbite autour d'une planète
ou autre corps. Artificiel, il s'agit d'un corps
lancé depuis la Terre (du CSG par exemple !)
de façon à devenir le satellite d'une planète.
Il est en général porteur de divers équipements
en vue d'exploration scientifique ou, pour la
majorité des hôtes du CSG, des équipements
de télécommunication servant à assurer
des liaisons de radio, télévision, téléphonie.
Ces équipements constituent la charge utile
(CU) proprement dite.
Pour fonctionner, cette dernière a notamment besoin d'énergie
et d'un système propulsif pour rejoindre son orbite finale et
s'y repositionner dans le temps. La charge utile est donc installée
sur une plate-forme qui lui fournit, conformément à ses
exigences, tous les supports nécessaires à sa mission : puissance
électrique, propulsion, antennes de réception et transmission
des télécommandes et télémesures, logiciel de vol…
© P BAUDON
Dernière inspection suite au test de couplage mécanique et électrique satellite-ACU.
Les acteurs d'une campagne satellite au CSG
“ Le constructeur de la charge utile peut être différent de celui de la
plateforme. Ce dernier prend des noms très connus dans le milieu
du spatial comme Thales Alenia Space, Astrium, Space Systems Loral,
Orbital, Loockeed Martin Space System. Ce sont les équipes de
ces industriels qui arrivent en Guyane, parfois accompagnées
des opérateurs finaux comme Eutelsat ou SES ” explique Fabienne
Serene, Chef du service Supports Clients du CNES/CSG. “ Ils sont
pour nous l’équipe satellite, client d'Arianespace. Le CNES met
à disposition d’Arianespace tous les moyens nécessaires à la
campagne de préparation et de remplissage des satellites.”
Test de déploiement des panneaux solaires.
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Mais que se passe-t-il à l’EPCU ?
Dès son arrivée sur le sol guyanais, un convoi routier spécifique
(voir page 22) achemine le satellite vers le S5 ou le S1. Il séjourne
tout d'abord en hall de préparation pour y subir les dernières
opérations d’intégration, des tests électriques, des vérifications
mécaniques... Puis le satellite est transféré dans un hall de
remplissage (au S5C ou au S3B) pour recevoir ses ergols,
peroxyde d'azote (comburant) et hydrazine (carburant).
Halls
Préparation
S1
2
S5
2
S3B
Remplissage
Encapsulation
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Les 3 principaux bâtiments de l’EPCU du CSG
2
1
1
 4 satellites peuvent être préparés simultanément au CSG.
Cependant, les plus imposants comme l'ATV,
peuvent nécessiter 2 halls.
Un ergolier satellite en activité.
© S MARTIN
“ Le rôle du CNES/CSG consiste à mettre à la disposition de l’équipe
satellite tous les moyens qu’elle n'a pu « emporter » - moyens de
transport (tracteurs, remorques spécifiques…), de manutention
(chariots élévateurs, nacelles…)- et des halls d’intégration bénéficiant
d'une ambiance climatisée et propre (voir encadré), associée à un
système de surveillance 24/24 ” relate Fabienne Serène. “ Grâce aux
différents services et industriels travaillant pour le CNES/CSG, nous
leur fournissons également certains moyens télécom, eau, énergie
secourue, fluides de grande pureté (azote et hélium), air comprimé
pour les intégrations mécaniques, certains moyens de mesure
physique, ponts roulants, équipements de protection individuelle,
une zone de bureaux, et bien sûr, un support aux opérations.
Notre prestation apporte également tout le support spécifique lié
au remplissage : tenues des ergoliers (« scape »), air respirable,
analyses ergols réalisées par le laboratoire chimie..., tout ceci sous
haute surveillance, ce site étant classé SEVESO II. Nous avons pour
cela une équipe Sauvegarde attentive, et des « anges gardiens » prêts
à intervenir en cas de besoin.”
Après le remplissage vient l'étape du POC, Plan d'Opérations
Combinées entre les opérations satellite et lanceur, désormais
sous la responsabilité d'Arianespace. “Cette phase commence
lorsque le satellite touche le premier élément lanceur, à savoir la virole
d'interface ou ACU (Adaptateur de Charge Utile), ou encore adaptateur
de vol, dans le hall de remplissage. Dès lors, le satellite peut rejoindre
le lanceur au BAF (Bâtiment d'Assemblage Final), par voie routière
à l'abri d'un CCU (Container de Charge Utile)” complète Thierry
Vallée, DDO (Directeur des Opérations) du CNES/CSG.
Pose du satellite sur son ACU de vol.
Salle blanche ou hall propre
C'est quoi ?
Les sas, halls de préparation et de remplissage de l’EPCU sont tous des salles blanches. Une salle blanche est une pièce où
la concentration particulaire est maîtrisée afin de minimiser l'introduction, la génération et la rétention de particules à l'intérieur.
Les paramètres tels que la température, l'humidité et la pression relative sont maintenus à un niveau précis. Au CSG, les clients
demandent généralement une climatisation entre 21 et 23°C combinée à un taux d'hygrométrie d'environ 50%. Il y est entretenue
une propreté dite de classe 100 000, signifiant une concentration maximale de 100 000 particules de 0,1 μm par m3 d'air.
Pourquoi ?
“L’environnement spatial est très agressif ” répond Fabienne Serène. “ D'éventuelles particules récoltées pendant l’intégration du satellite
pourraient «caraméliser » en présence d’UV, dégradant les caractéristiques thermo optiques des revêtements ou des optiques, ce qui peut
conduire à terme à la perte d’un équipement ou même d’une mission. Les optiques des télescopes, les senseurs stellaires ou solaires sont
particulièrement fragiles. Par ailleurs, pour le vol habité, il n'est pas question d'envoyer quelque particule que ce soit dans l'espace.”
Comment ?
“Outre la climatisation filtrante, nous minimisons les temps d'ouverture et de fermeture des portes, tandis que les halls sont légèrement surpressurisés pour bloquer le flux particulaire entrant. Enfin les opérateurs revêtent un habillage spécifique (blouse, calot, gants et sur-chaussures).
Cette ambiance est surveillée : des compteurs de particules fonctionnent en permanence, et parallèlement, le labo chimie récupère régulièrement
des plaquettes disposées dans les salles pour y compter les particules déposées ” détaille Fabienne.
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Pose de la charge utile basse sur le lanceur, au Bâtiment d’Assemblage Final.
formé va être déposé sur la CU basse, préalablement hissée
et intégrée sur le lanceur dans le hall composite voisin.
Ces opérations se déroulent en atmosphère propre de classe
100 000, tombant en classe 10 000 sous la coiffe.
© JM GUILLON
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Dernière ligne droite
Au BAF, à grand renfort de ponts roulants, satellites et lanceur
sont assemblés en vue du jour J : dans le hall d'assemblage, la CU
haute est posée sur le SYLDA (SYstème de Lancement Double
Ariane) puis encapsulée dans la coiffe. Ce composite haut ainsi
Encapsulation du satellite haut installé sur le SYLDA.
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Pose du Composite Supérieur sur la charge utile basse déjà installée sur le lanceur.
Un sol parfait
Les salles blanches sont équipées d'un sol anti statique en
résine et en graphite parfaitement lisse pour répondre à
l'utilisation fréquente de tables à coussins d'air. Le graphite
étant conducteur, le sol est relié à la masse du bâtiment afin
que les équipements qui y reposent ne risquent aucune
décharge. Par sécurité, les opérateurs sont également
totalement isolés grâce à un équipement complet en tissu
anti statique.
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Le service Support Clients
Dirigé par Fabienne Serène, le service Support Clients (SDO/SC)
décline trois activités en collaboration avec quatre Contrats
Industriels (CI) pour répondre aux besoins de fonctionnement
du CNES/CSG et des campagnes satellites :
 L’activité Transport Logistique est confiée au groupement
Endel/Peyrani (voir page 22), avec le Maintien en Conditions
Opérationnelles (MCO) des moyens et support aux opérations
de campagne;
 Le groupement APCO/Cegelec assure le MCO de l’EPCU,
et le support aux opérations de campagne (voir page 23) ;
 MT Aerospace et Snecma fournissent respectivement
les opérations de mesures des laboratoires physique et chimie
au profit des campagnes, réalisant le MCO des moyens associés.
3 lanceurs, un accueil unique
Bientôt décolleront du CSG les lanceurs Soyuz et Vega. “ Leurs
passagers seront accompagnés avec la même logistique, la même
logique de rétroplanning, la même qualité de prestation et le même
passage de responsabilités du CNES vers Arianespace au moment du
POC ” affirme Thierry Vallée. Et quel que soit le lanceur,
l'intégration du satellite sur son taxi se déroulera à la verticale.
L'EPCU S3B récemment rénové (voir page 21) montrera alors
toute l'ampleur de ses performances :
 Soyuz - A la sortie de l'EPCU S5, le satellite rejoindra le S3B
où il sera mis sous coiffe et où il rencontrera le dernier étage
Fregat, préalablement rempli dans ce bâtiment. Le composite
supérieur ainsi formé partira à la rencontre du tri-étage en Zone
de Lancement Soyuz sur une plate-forme dédiée.
 Vega - A la sortie de l'EPCU S5 sur son ACU, le satellite
rejoindra le S3B pour l'encapsulation. L'ensemble partira en Zone
de Lancement Vega rejoindre les quatre étages du lanceur léger. 4
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“ Suivent les derniers contrôles
électriques avant la Répétition
Générale, durant laquelle tous les
acteurs s'entraînent pour vérifier
l'état nominal de la Base, du lanceur
et des satellites. Dès lors, c'est pour
les satellites l'attente du J0, avec des
charges régulières des batteries
pour la mise à poste finale ”
résume le DDO.
Précisons ici que le lancement
opéré, le travail n'est pas terminé
pour les équipes de l’EPCU et du
Transport qui, durant quelques
jours encore, aident les clients à
remballer leur matériel et à tout
réexpédier.
Fabienne Serène, Chef du Service Support Clients du CNES/CSG, devant l’EPCU S5.
Chaque activité est pilotée par deux ingénieurs. Mais le service
SC abrite également les RMCU, Responsables Moyens Charge
Utile (voir page 20), au nombre de quatre, et un ingénieur
Opérations Charge Utile dont le rôle est plus transverse. “ Tous
les ingénieurs du service sont RMCU occasionnels grâce à un
processus de formation permanente ” stipule la chef de service.
“ CNES ou industriels, ces équipes recèlent des professionnels
accomplis et réactifs, qui partagent leurs expériences pour améliorer
sans cesse notre prestation et « faciliter la vie » aux équipes satellites.
Car à l’EPCU, la difficulté est bel et bien de gérer au quotidien les
opérations et les ressources associées dans un contexte de campagne
où le planning évolue sans cesse.”
Transfert de l’ATV sur sa table à coussins d’air, à l’EPCU.
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Acteur
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RMCU, le maître des lieux
Au CSG, ils sont deux Responsables Moyens Charges Utiles
par campagne, en contact avec les équipes satellites pour
satisfaire leurs besoins et les orienter sur le site. Parmi eux,
Anthony Le Letty nous donne sa vision d'un poste central.
ne équipe satellite, ce sont près de 30 personnes de corps
de métiers différents qui accompagnent le satellite. Ils ne
connaissent pas le site et ont besoin de multiples servitudes
ou moyens techniques que nous mettons à leur disposition au sein
de nos bâtiments. En tant que RMCU, nous sommes leur interlocuteur
privilégié durant tout leur séjour à l’EPCU. Ainsi, nous identifions leurs
besoins et veillons à ce qu’ils soient satisfaits, soit en les traitant nous
même avec le support des équipes EPCU Laboratoires et Transport,
soit en les répercutant vers les autres services spécialistes du
CNES/CSG ” entame Anthony Le Letty.
Pour cela, un outil incontournable : le planning. “ Nous élaborons
le planning à partir d'un standard optimal de campagne satellite que
l'on essaie de respecter, avec pour mot d'ordre : no extravagance !!!
L'objectif est de proposer au client une solution technique adaptée
compte tenu des moyens existants. Mais ce n'est pas toujours
possible ; pour Herschel et Planck par exemple, nous avons du rajouter
un système de refroidissement local dans plusieurs bâtiments pour
répondre à un besoin spécifique et justifié.” Pour toutes ces
requêtes qui ont nécessairement un impact financier, le RMCU
transmet une proposition technique au DDO (Directeur des
Opérations), qui va à son tour la transmettre à Arianespace pour
acceptation, avant de donner le feu vert au RMCU, son adjoint.
“Nous sommes en contact quotidien avec les responsables projets
satellites. Notre valeur ajoutée est notre très bonne connaissance
de l’EPCU, notre disponibilité et notre réactivité ” confie le RMCU.
Pour réaliser sa mission, le RMCU s'appuie sur ses collègues
responsables techniques du CNES/CSG : spécialistes énergie,
climatisation, mécanique, réseaux fluides et laboratoires ; pour
d’autres spécialités, il peut simplement servir de relai d’information
si nécessaire. “Notre rôle prioritaire est bel et bien de répercuter
le besoin, définir comment le traiter puis le planifier de façon cohérente.
Nous sommes en quelque sorte un chef d'orchestre grâce à notre
connaissance des tenants et aboutissants des différentes opérations,
notre gestion des priorités ” résume Anthony. “Enfin, devant préparer
chaque opération, nous faisons en sorte d'avoir toujours deux ou trois
jours d'avance sur le planning du client, marge de manœuvre cruciale
pour ne pas retarder l'une des campagnes satellites.”
U
“
Anthony Le Letty, chef d’orchestre d’une campagne satellite.
En campagne, Ariane 5 accueillant deux passagers, il y a deux
RMCU, adjoints l'un de l'autre et en communication permanente
pour une bonne vision d'ensemble. “ De plus, les heures d’ouverture
de l’EPCU (6h-22h du lundi au samedi) nécessitent un partage des
activités permettant à chacun d’avoir quelques phases de repos,
même si elles ne sont pas dans les créneaux horaires habituels .” En
fin de campagne, les RMCU rédigent un rapport permettant le
retour d'expérience en vue d’une prochaine campagne similaire.
“ Hors campagne, nous prenons en charge certains dossiers de
modification, nous traitons les nouvelles procédures, bref, nous
participons selon nos qualifications respectives à améliorer l’EPCU
et la prestation en campagne ” conclut Anthony. 4
Quand le client satellite est «un habitué» du CSG, comme Space Systems Loral, “c'est une plate-forme satellite, des équipements, et une
démarche campagne générale que nous connaissons. Le retour d'expérience nous permet d'anticiper certains besoins avec une réponse
technique déjà prête” confie le RMCU. Ce que le client semble apprécier, comme l'évoque Eric Ehler, responsable projet satellite pour
le constructeur Loral : “De façon générale, le CSG est agréable et fonctionnel. Il est vrai qu'il y a beaucoup de règles à comprendre, intégrer
et adapter, mais au final nous bénéficions d'une organisation claire pour chaque étape, doublée d'une bonne synthèse des besoins techniques.
Il devient alors très facile pour nous de travailler dans ce contexte. Nous apprécions particulièrement l'EPCU S5 qui nous évite de transférer
le satellite pour le remplissage. Enfin, tout comme à Cape Canaveral, la proximité de la ville est appréciable pour la vie et le bien-être des équipes.”
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Rencontre
S3B en service !
Les heures de gloire de l'EPCU S3B sont de retour. Adapté pour Soyuz,
le S3B a fait peau neuve avec, à l'instar du S5, une qualité de finition
et des équipements remarquables. Rencontre avec Jean-Philippe Sire,
Responsable des activités EPCU pour le CNES/CSG et Gestionnaire
Technique du Contrat Industriel de maintenance de l’EPCU.
Latitude 5 - Pouvez-vous nous raconter la « petite
histoire » de l'EPCU S3B ?
Jean-Philippe Sire - Le S3B accueillait les activités de
remplissage et d’encapsulation des satellites Ariane 4 jusqu’en
2003. Puis il a été mis en sommeil, à la fin de l’exploitation
Ariane 4 et avec l’arrivée du S5. Nous nous en servions alors
pour nos besoins de stockage climatisé en ambiance propre.
Le projet Soyuz a été l’opportunité de réhabiliter entièrement
ce bâtiment, au profit d’abord des opérations de remplissage
de l’étage Fregat et d’encapsulation des charges utiles Soyuz,
et de remplissage des satellites ensuite. C’est la Sous-Direction
Sol de la DLA du CNES qui a instruit ce dossier de modification.
L5 - Ré-ouvert en novembre 2010 après de longs mois de
travaux, quel est désormais son rôle ?
JPS - Cette réhabilitation répond d'une part au besoin d'un hall
de remplissage de l'étage supérieur Fregat de Soyuz, et d'autre
part à un manque de place à terme à l’EPCU pour tenir les
cadences multi lanceurs prévues. Le S3B se présente sous deux
halls séparés par un sas de 128 m². Dans le HR, hall de remplissage
de 328 m², on remplit soit l’étage Fregat, soit un satellite ;
© P BAUDON
L’imposant KMTO, bâti d'intégration de l’étage Fregat de Soyuz,
dans le Hall d’Encapsulation du S3B.
Jean-Philippe Sire devant les nouvelles colonnes de lavage de l’EPCU S3B.
dans le HN, hall d'encapsulation de 414 m², on intègre le satellite
sur l’étage Fregat et on le «coiffe» grâce à un impressionnant
bâti d'intégration qui occupe plus du quart de la salle propre.
Le S3B est également compatible d’une campagne satellite,
ce que nous avons prouvé fin 2010 avec le remplissage de deux
satellites de V198 et V199, l'ATV occupant un des deux halls
de remplissage du S5 au même moment. Le S3, moyennant
probablement quelques adaptations mineures, permettra les
opérations d'encapsulation des satellites sous la coiffe Vega.
L5 - Quels sont les principaux aménagements pour
remplir toutes ces fonctions ?
JPS - Je commencerai par citer l'installation des nouveaux ponts
roulants, ultra sécurisés et fiables, et la réfection des résines
des sols. Je citerai ensuite le système de traitement des effluents
et l'installation de colonnes de lavage, la rénovation des fosses
« accidents» et la création des fosses «process». Il a également
fallu réaménager le réseau et les voiries d’accès (VRD), sécuriser
le réseau de distribution des courants forts, revoir entièrement
celui des courants faibles sécurisés, réaménager le pupitre
sauvegarde. Ce dernier est à présent équivalent à celui du S5,
avec une fonction particulière Fregat, automatisée et redondée
en réseau filaire. Nous avons également réhabilité le réseau d'air
respirable ainsi que toute la climatisation car les opérations
Fregat sont conduites dans un hall à 18°C. Nous avons réalisé
les adaptations nécessaires et la maintenance des réseaux fluides
d'azote et d'hélium, des servitudes installées dans la paroi double
peau du bâtiment. Enfin une zone de repos a été créée, ainsi
que quelques bureaux pour les équipes russes et opérationnelles
du CSG. Dernier détail : le bâti Fregat pesant quelques 70 tonnes,
il a fallu installer des pieux à 20 m de profondeur !
L5 - Quels challenges a-t-il fallu relever pour aboutir
à une telle polyvalence et une telle qualité ?
JPS - Techniquement, réhabiliter est toujours plus complexe
que bâtir du neuf. Il a fallu se «limiter» en mettant le bâtiment
à niveau vis-à-vis de la réglementation en vigueur tout en
l’adaptant aux besoins Soyuz. Mon rôle a été de faire le lien entre
les équipes CNES/DLA/SDS, responsables du projet de
rénovation, et CNES/CSG afin de coordonner les travaux et
les essais effectués par ces deux entités. En tant que partie
prenante de cette aventure, je tiens à souligner la qualité
du travail accompli par tous les acteurs de cette réhabilitation,
longue et éprouvante, et dont le résultat est remarquable. 4
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© P BAUDON
Etat des lieux
Pas à pas
De Rochambeau au pas de tir, les étapes sont nombreuses. Durant
leurs transports et leur séjour à l’EPCU, les satellites sont sous
la responsabilité du CNES. Arianespace prend la relève dès
le démarrage du Plan d’Opération Combinées avant le transfert
au Bâtiment d’Assemblage Final.
Transporter des satellites
“Dès leur arrivé sur le sol guyanais, nous prenons en charge les satellites
et équipements associés depuis leur lieu débarquement : l'aéroport de Cayenne
ou parfois le port de Pariacabo. L’acheminement des satellites est réalisé par
Endel, en convoi exceptionnel, justifié par la nature particulière de cette
marchandise. Une brigade de gendarmerie motorisée ouvre la route et encadre
notre chargement. Plusieurs acteurs, du Responsable Transport Transit (RETT),
adjoint direct du DDO, au chauffeur Poids Lourds, en passant par le Mécanicien
Train Routier, tous les spécialistes de l’activité Transport sont présents. La position
de chacun dans ce convoi respecte un schéma bien précis. Les satellites étant
sensibles aux chocs, nous utilisons des remorques avec suspension pneumatique,
et le roulage s’effectue à 50 km/h environ, la conduite devant être adaptée
à l’état de la route. Moyennant deux à trois arrêts pour vérifier que tout est
nominal et fluidifier le trafic routier, un convoi réclame près de 2h30 pour
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atteindre l'EPCU S1 ou S5 du CSG depuis l’aéroport de Cayenne. Par
la suite, le labo physique exploite les données fournies par nos
enregistreurs de chocs afin de vérifier l’absence d’évènement hors norme.
Les transferts inter sites d'un satellite sur le CSG répondent pratiquement
au même schéma, cette fois sous la directive du RMCU, en fermant
la Route de l'Espace à tout autre trafic routier. Je tiens à saluer tous
les industriels impliqués dans ces transports. Leur professionnalisme,
leur calme et leur sang-froid sont le gage de notre réussite.”
Propos recueillis auprès de Sylvia Bellande, Responsable CNES de l’activité Transport/Logistique
© L MIRA
Maintenir l’EPCU en conditions opérationnelles
Chef de section à l’EPCU pour le groupement APCO/Cegelec,
Patrick Douence connaît parfaitement les installations et leurs
équipements dont le Maintien en Conditions Opérationnelles
leur incombe. “ Maintenances préventives ou correctives (électriques,
mécaniques, pneumatiques, hydrauliques) et revalidations techniques
sont notre lot quotidien sur tous les équipements de l’EPCU : levage
et manutention, fosses de confinements, sols anti-statiques et réseau
d'eau, maintien de la classe 100 000 des salles blanches... Nous
procédons aux opérations de maintenance selon trois niveaux :
élémentaires (réglages simples), approfondies (les plus classiques)
et majeures (sur des systèmes lourds comme les ponts roulants).
En cas de problème, les fiches réflexes permettent d’assurer un retour
en configuration dans un délai de quatre heures. Nous ajustons
quotidiennement notre plan de maintenance en fonction du planning
et du déroulement des opérations. Pour tout cela nous avons un
magasin dédié, avec de nombreuses pièces de rechange pour être
Etat des lieux
réactifs. Nous travaillons également avec un logiciel de Gestion de
Maintenance Assistée par Ordinateur qui, sous le contrôle de notre
Bureau Méthodes, intègre tous les paramètres pour un suivi et une
traçabilité sans faille : état des stocks, plannings de maintenance
et d'opérations au jour le jour, contrôles réglementaires, etc. Nous
attachons une grande importance au retour d'expérience pour
améliorer sans cesse notre plan de maintenance, dont nous
fournissons un état précis avant chaque RPB (Revue de Préparation de
la Base), vérification que tous les matériels sont aptes au service. Enfin,
chaque structure EPCU subit une fois par an « la tornade blanche »
qui consiste en un grand nettoyage du plafond jusqu'au sol.” 4
© P BAUDON
En inter sites, les satellites
prennent place sur une
remorque nommée Container
de Charge Utile, CCU2 (à g.)
ou CCU3 (à dr.). Hérité
d'Ariane 4, le CCU2 (4,8 t
d’emport) présente une
forme d'ogive tandis que
le CCU3, beaucoup plus
imposant (23 t d’emport),
se présente comme une
grande boîte rectangulaire.
Notons que pour souhaiter
une longue vie à leur satellite,
les équipes d’intégration ont
pour coutume de laisser une
dédicace sur la peau externe
du CCU2, sous forme
d’autocollant, de signatures,
d’encouragements…
Préparation à la levée du satellite au palonnier à l’aide des nacelles «Toucan»
mises à disposition par l’EPCU.
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