L`Ensemble de Préparation des Charges Utiles, plus connu sous le
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L`Ensemble de Préparation des Charges Utiles, plus connu sous le
Dossier Du côté de l'EPCU Dossier préparé par Karol Barthelemy L’Ensemble de Préparation des Charges Utiles, plus connu sous le nom d'EPCU, est un véritable sanctuaire pour les satellites en partance pour l'espace. De leur arrivée sur le sol guyanais jusqu'au pas de tir du lanceur choisi, le Centre Spatial Guyanais met ses infrastructures et tout son savoirfaire au service de ses précieux hôtes, sous la coordination d'un Responsable Moyens Charge Utile. Visite. © L MIRA LATITUDE 5 / N°91 / JANVIER 2011 / 15 © P BAUDON ommençons par le commencement. Caisson pressurisé et «propre» en guise d'écrin, les satellites arrivent en Guyane par avion. Les clients privilégient ce mode de transport pour réduire au maximum le temps d'acheminement de ces équipements particulièrement sensibles. Les plus imposants, comme l'ATV, traversent l'océan à bord du MN Toucan ou du MN Colibri. Si les clients complètent leur envoi avec une équipe dédiée et de nombreux équipements, ils ne peuvent tout transporter en Guyane où ils doivent préparer et remplir d'ergols leurs satellites. Le CSG, avec son EPCU, met à leur disposition tout ce qui leur manque. En général, une campagne de lancement au CSG dure quelques 6 semaines, dont 4 à 5 semaines de campagne satellites à l’EPCU (voir page 22). C © L BOYER Déchargement par l’avant d’un Antonov à Rochambeau. Qu'est-ce qu'un satellite ? Naturel, un satellite est un corps céleste gravitant sur une orbite autour d'une planète ou autre corps. Artificiel, il s'agit d'un corps lancé depuis la Terre (du CSG par exemple !) de façon à devenir le satellite d'une planète. Il est en général porteur de divers équipements en vue d'exploration scientifique ou, pour la majorité des hôtes du CSG, des équipements de télécommunication servant à assurer des liaisons de radio, télévision, téléphonie. Ces équipements constituent la charge utile (CU) proprement dite. Pour fonctionner, cette dernière a notamment besoin d'énergie et d'un système propulsif pour rejoindre son orbite finale et s'y repositionner dans le temps. La charge utile est donc installée sur une plate-forme qui lui fournit, conformément à ses exigences, tous les supports nécessaires à sa mission : puissance électrique, propulsion, antennes de réception et transmission des télécommandes et télémesures, logiciel de vol… © P BAUDON Dernière inspection suite au test de couplage mécanique et électrique satellite-ACU. Les acteurs d'une campagne satellite au CSG “ Le constructeur de la charge utile peut être différent de celui de la plateforme. Ce dernier prend des noms très connus dans le milieu du spatial comme Thales Alenia Space, Astrium, Space Systems Loral, Orbital, Loockeed Martin Space System. Ce sont les équipes de ces industriels qui arrivent en Guyane, parfois accompagnées des opérateurs finaux comme Eutelsat ou SES ” explique Fabienne Serene, Chef du service Supports Clients du CNES/CSG. “ Ils sont pour nous l’équipe satellite, client d'Arianespace. Le CNES met à disposition d’Arianespace tous les moyens nécessaires à la campagne de préparation et de remplissage des satellites.” Test de déploiement des panneaux solaires. 16 / LATITUDE 5 / N°91 / JANVIER 2011 © P BAUDON Mais que se passe-t-il à l’EPCU ? Dès son arrivée sur le sol guyanais, un convoi routier spécifique (voir page 22) achemine le satellite vers le S5 ou le S1. Il séjourne tout d'abord en hall de préparation pour y subir les dernières opérations d’intégration, des tests électriques, des vérifications mécaniques... Puis le satellite est transféré dans un hall de remplissage (au S5C ou au S3B) pour recevoir ses ergols, peroxyde d'azote (comburant) et hydrazine (carburant). Halls Préparation S1 2 S5 2 S3B Remplissage Encapsulation © JM GUILLON Les 3 principaux bâtiments de l’EPCU du CSG 2 1 1 4 satellites peuvent être préparés simultanément au CSG. Cependant, les plus imposants comme l'ATV, peuvent nécessiter 2 halls. Un ergolier satellite en activité. © S MARTIN “ Le rôle du CNES/CSG consiste à mettre à la disposition de l’équipe satellite tous les moyens qu’elle n'a pu « emporter » - moyens de transport (tracteurs, remorques spécifiques…), de manutention (chariots élévateurs, nacelles…)- et des halls d’intégration bénéficiant d'une ambiance climatisée et propre (voir encadré), associée à un système de surveillance 24/24 ” relate Fabienne Serène. “ Grâce aux différents services et industriels travaillant pour le CNES/CSG, nous leur fournissons également certains moyens télécom, eau, énergie secourue, fluides de grande pureté (azote et hélium), air comprimé pour les intégrations mécaniques, certains moyens de mesure physique, ponts roulants, équipements de protection individuelle, une zone de bureaux, et bien sûr, un support aux opérations. Notre prestation apporte également tout le support spécifique lié au remplissage : tenues des ergoliers (« scape »), air respirable, analyses ergols réalisées par le laboratoire chimie..., tout ceci sous haute surveillance, ce site étant classé SEVESO II. Nous avons pour cela une équipe Sauvegarde attentive, et des « anges gardiens » prêts à intervenir en cas de besoin.” Après le remplissage vient l'étape du POC, Plan d'Opérations Combinées entre les opérations satellite et lanceur, désormais sous la responsabilité d'Arianespace. “Cette phase commence lorsque le satellite touche le premier élément lanceur, à savoir la virole d'interface ou ACU (Adaptateur de Charge Utile), ou encore adaptateur de vol, dans le hall de remplissage. Dès lors, le satellite peut rejoindre le lanceur au BAF (Bâtiment d'Assemblage Final), par voie routière à l'abri d'un CCU (Container de Charge Utile)” complète Thierry Vallée, DDO (Directeur des Opérations) du CNES/CSG. Pose du satellite sur son ACU de vol. Salle blanche ou hall propre C'est quoi ? Les sas, halls de préparation et de remplissage de l’EPCU sont tous des salles blanches. Une salle blanche est une pièce où la concentration particulaire est maîtrisée afin de minimiser l'introduction, la génération et la rétention de particules à l'intérieur. Les paramètres tels que la température, l'humidité et la pression relative sont maintenus à un niveau précis. Au CSG, les clients demandent généralement une climatisation entre 21 et 23°C combinée à un taux d'hygrométrie d'environ 50%. Il y est entretenue une propreté dite de classe 100 000, signifiant une concentration maximale de 100 000 particules de 0,1 μm par m3 d'air. Pourquoi ? “L’environnement spatial est très agressif ” répond Fabienne Serène. “ D'éventuelles particules récoltées pendant l’intégration du satellite pourraient «caraméliser » en présence d’UV, dégradant les caractéristiques thermo optiques des revêtements ou des optiques, ce qui peut conduire à terme à la perte d’un équipement ou même d’une mission. Les optiques des télescopes, les senseurs stellaires ou solaires sont particulièrement fragiles. Par ailleurs, pour le vol habité, il n'est pas question d'envoyer quelque particule que ce soit dans l'espace.” Comment ? “Outre la climatisation filtrante, nous minimisons les temps d'ouverture et de fermeture des portes, tandis que les halls sont légèrement surpressurisés pour bloquer le flux particulaire entrant. Enfin les opérateurs revêtent un habillage spécifique (blouse, calot, gants et sur-chaussures). Cette ambiance est surveillée : des compteurs de particules fonctionnent en permanence, et parallèlement, le labo chimie récupère régulièrement des plaquettes disposées dans les salles pour y compter les particules déposées ” détaille Fabienne. LATITUDE 5 / N°91 / JANVIER 2011 / 17 © P BAUDON Pose de la charge utile basse sur le lanceur, au Bâtiment d’Assemblage Final. formé va être déposé sur la CU basse, préalablement hissée et intégrée sur le lanceur dans le hall composite voisin. Ces opérations se déroulent en atmosphère propre de classe 100 000, tombant en classe 10 000 sous la coiffe. © JM GUILLON © P BAUDON Dernière ligne droite Au BAF, à grand renfort de ponts roulants, satellites et lanceur sont assemblés en vue du jour J : dans le hall d'assemblage, la CU haute est posée sur le SYLDA (SYstème de Lancement Double Ariane) puis encapsulée dans la coiffe. Ce composite haut ainsi Encapsulation du satellite haut installé sur le SYLDA. 18 / LATITUDE 5 / N°91 / JANVIER 2011 Pose du Composite Supérieur sur la charge utile basse déjà installée sur le lanceur. Un sol parfait Les salles blanches sont équipées d'un sol anti statique en résine et en graphite parfaitement lisse pour répondre à l'utilisation fréquente de tables à coussins d'air. Le graphite étant conducteur, le sol est relié à la masse du bâtiment afin que les équipements qui y reposent ne risquent aucune décharge. Par sécurité, les opérateurs sont également totalement isolés grâce à un équipement complet en tissu anti statique. © L MIRA Le service Support Clients Dirigé par Fabienne Serène, le service Support Clients (SDO/SC) décline trois activités en collaboration avec quatre Contrats Industriels (CI) pour répondre aux besoins de fonctionnement du CNES/CSG et des campagnes satellites : L’activité Transport Logistique est confiée au groupement Endel/Peyrani (voir page 22), avec le Maintien en Conditions Opérationnelles (MCO) des moyens et support aux opérations de campagne; Le groupement APCO/Cegelec assure le MCO de l’EPCU, et le support aux opérations de campagne (voir page 23) ; MT Aerospace et Snecma fournissent respectivement les opérations de mesures des laboratoires physique et chimie au profit des campagnes, réalisant le MCO des moyens associés. 3 lanceurs, un accueil unique Bientôt décolleront du CSG les lanceurs Soyuz et Vega. “ Leurs passagers seront accompagnés avec la même logistique, la même logique de rétroplanning, la même qualité de prestation et le même passage de responsabilités du CNES vers Arianespace au moment du POC ” affirme Thierry Vallée. Et quel que soit le lanceur, l'intégration du satellite sur son taxi se déroulera à la verticale. L'EPCU S3B récemment rénové (voir page 21) montrera alors toute l'ampleur de ses performances : Soyuz - A la sortie de l'EPCU S5, le satellite rejoindra le S3B où il sera mis sous coiffe et où il rencontrera le dernier étage Fregat, préalablement rempli dans ce bâtiment. Le composite supérieur ainsi formé partira à la rencontre du tri-étage en Zone de Lancement Soyuz sur une plate-forme dédiée. Vega - A la sortie de l'EPCU S5 sur son ACU, le satellite rejoindra le S3B pour l'encapsulation. L'ensemble partira en Zone de Lancement Vega rejoindre les quatre étages du lanceur léger. 4 © L MIRA © L BOYER “ Suivent les derniers contrôles électriques avant la Répétition Générale, durant laquelle tous les acteurs s'entraînent pour vérifier l'état nominal de la Base, du lanceur et des satellites. Dès lors, c'est pour les satellites l'attente du J0, avec des charges régulières des batteries pour la mise à poste finale ” résume le DDO. Précisons ici que le lancement opéré, le travail n'est pas terminé pour les équipes de l’EPCU et du Transport qui, durant quelques jours encore, aident les clients à remballer leur matériel et à tout réexpédier. Fabienne Serène, Chef du Service Support Clients du CNES/CSG, devant l’EPCU S5. Chaque activité est pilotée par deux ingénieurs. Mais le service SC abrite également les RMCU, Responsables Moyens Charge Utile (voir page 20), au nombre de quatre, et un ingénieur Opérations Charge Utile dont le rôle est plus transverse. “ Tous les ingénieurs du service sont RMCU occasionnels grâce à un processus de formation permanente ” stipule la chef de service. “ CNES ou industriels, ces équipes recèlent des professionnels accomplis et réactifs, qui partagent leurs expériences pour améliorer sans cesse notre prestation et « faciliter la vie » aux équipes satellites. Car à l’EPCU, la difficulté est bel et bien de gérer au quotidien les opérations et les ressources associées dans un contexte de campagne où le planning évolue sans cesse.” Transfert de l’ATV sur sa table à coussins d’air, à l’EPCU. LATITUDE 5 / N°91 / JANVIER 2011 / 19 Acteur © P BAUDON RMCU, le maître des lieux Au CSG, ils sont deux Responsables Moyens Charges Utiles par campagne, en contact avec les équipes satellites pour satisfaire leurs besoins et les orienter sur le site. Parmi eux, Anthony Le Letty nous donne sa vision d'un poste central. ne équipe satellite, ce sont près de 30 personnes de corps de métiers différents qui accompagnent le satellite. Ils ne connaissent pas le site et ont besoin de multiples servitudes ou moyens techniques que nous mettons à leur disposition au sein de nos bâtiments. En tant que RMCU, nous sommes leur interlocuteur privilégié durant tout leur séjour à l’EPCU. Ainsi, nous identifions leurs besoins et veillons à ce qu’ils soient satisfaits, soit en les traitant nous même avec le support des équipes EPCU Laboratoires et Transport, soit en les répercutant vers les autres services spécialistes du CNES/CSG ” entame Anthony Le Letty. Pour cela, un outil incontournable : le planning. “ Nous élaborons le planning à partir d'un standard optimal de campagne satellite que l'on essaie de respecter, avec pour mot d'ordre : no extravagance !!! L'objectif est de proposer au client une solution technique adaptée compte tenu des moyens existants. Mais ce n'est pas toujours possible ; pour Herschel et Planck par exemple, nous avons du rajouter un système de refroidissement local dans plusieurs bâtiments pour répondre à un besoin spécifique et justifié.” Pour toutes ces requêtes qui ont nécessairement un impact financier, le RMCU transmet une proposition technique au DDO (Directeur des Opérations), qui va à son tour la transmettre à Arianespace pour acceptation, avant de donner le feu vert au RMCU, son adjoint. “Nous sommes en contact quotidien avec les responsables projets satellites. Notre valeur ajoutée est notre très bonne connaissance de l’EPCU, notre disponibilité et notre réactivité ” confie le RMCU. Pour réaliser sa mission, le RMCU s'appuie sur ses collègues responsables techniques du CNES/CSG : spécialistes énergie, climatisation, mécanique, réseaux fluides et laboratoires ; pour d’autres spécialités, il peut simplement servir de relai d’information si nécessaire. “Notre rôle prioritaire est bel et bien de répercuter le besoin, définir comment le traiter puis le planifier de façon cohérente. Nous sommes en quelque sorte un chef d'orchestre grâce à notre connaissance des tenants et aboutissants des différentes opérations, notre gestion des priorités ” résume Anthony. “Enfin, devant préparer chaque opération, nous faisons en sorte d'avoir toujours deux ou trois jours d'avance sur le planning du client, marge de manœuvre cruciale pour ne pas retarder l'une des campagnes satellites.” U “ Anthony Le Letty, chef d’orchestre d’une campagne satellite. En campagne, Ariane 5 accueillant deux passagers, il y a deux RMCU, adjoints l'un de l'autre et en communication permanente pour une bonne vision d'ensemble. “ De plus, les heures d’ouverture de l’EPCU (6h-22h du lundi au samedi) nécessitent un partage des activités permettant à chacun d’avoir quelques phases de repos, même si elles ne sont pas dans les créneaux horaires habituels .” En fin de campagne, les RMCU rédigent un rapport permettant le retour d'expérience en vue d’une prochaine campagne similaire. “ Hors campagne, nous prenons en charge certains dossiers de modification, nous traitons les nouvelles procédures, bref, nous participons selon nos qualifications respectives à améliorer l’EPCU et la prestation en campagne ” conclut Anthony. 4 Quand le client satellite est «un habitué» du CSG, comme Space Systems Loral, “c'est une plate-forme satellite, des équipements, et une démarche campagne générale que nous connaissons. Le retour d'expérience nous permet d'anticiper certains besoins avec une réponse technique déjà prête” confie le RMCU. Ce que le client semble apprécier, comme l'évoque Eric Ehler, responsable projet satellite pour le constructeur Loral : “De façon générale, le CSG est agréable et fonctionnel. Il est vrai qu'il y a beaucoup de règles à comprendre, intégrer et adapter, mais au final nous bénéficions d'une organisation claire pour chaque étape, doublée d'une bonne synthèse des besoins techniques. Il devient alors très facile pour nous de travailler dans ce contexte. Nous apprécions particulièrement l'EPCU S5 qui nous évite de transférer le satellite pour le remplissage. Enfin, tout comme à Cape Canaveral, la proximité de la ville est appréciable pour la vie et le bien-être des équipes.” 20 / LATITUDE 5 / N°91 / JANVIER 2011 © P BAUDON Rencontre S3B en service ! Les heures de gloire de l'EPCU S3B sont de retour. Adapté pour Soyuz, le S3B a fait peau neuve avec, à l'instar du S5, une qualité de finition et des équipements remarquables. Rencontre avec Jean-Philippe Sire, Responsable des activités EPCU pour le CNES/CSG et Gestionnaire Technique du Contrat Industriel de maintenance de l’EPCU. Latitude 5 - Pouvez-vous nous raconter la « petite histoire » de l'EPCU S3B ? Jean-Philippe Sire - Le S3B accueillait les activités de remplissage et d’encapsulation des satellites Ariane 4 jusqu’en 2003. Puis il a été mis en sommeil, à la fin de l’exploitation Ariane 4 et avec l’arrivée du S5. Nous nous en servions alors pour nos besoins de stockage climatisé en ambiance propre. Le projet Soyuz a été l’opportunité de réhabiliter entièrement ce bâtiment, au profit d’abord des opérations de remplissage de l’étage Fregat et d’encapsulation des charges utiles Soyuz, et de remplissage des satellites ensuite. C’est la Sous-Direction Sol de la DLA du CNES qui a instruit ce dossier de modification. L5 - Ré-ouvert en novembre 2010 après de longs mois de travaux, quel est désormais son rôle ? JPS - Cette réhabilitation répond d'une part au besoin d'un hall de remplissage de l'étage supérieur Fregat de Soyuz, et d'autre part à un manque de place à terme à l’EPCU pour tenir les cadences multi lanceurs prévues. Le S3B se présente sous deux halls séparés par un sas de 128 m². Dans le HR, hall de remplissage de 328 m², on remplit soit l’étage Fregat, soit un satellite ; © P BAUDON L’imposant KMTO, bâti d'intégration de l’étage Fregat de Soyuz, dans le Hall d’Encapsulation du S3B. Jean-Philippe Sire devant les nouvelles colonnes de lavage de l’EPCU S3B. dans le HN, hall d'encapsulation de 414 m², on intègre le satellite sur l’étage Fregat et on le «coiffe» grâce à un impressionnant bâti d'intégration qui occupe plus du quart de la salle propre. Le S3B est également compatible d’une campagne satellite, ce que nous avons prouvé fin 2010 avec le remplissage de deux satellites de V198 et V199, l'ATV occupant un des deux halls de remplissage du S5 au même moment. Le S3, moyennant probablement quelques adaptations mineures, permettra les opérations d'encapsulation des satellites sous la coiffe Vega. L5 - Quels sont les principaux aménagements pour remplir toutes ces fonctions ? JPS - Je commencerai par citer l'installation des nouveaux ponts roulants, ultra sécurisés et fiables, et la réfection des résines des sols. Je citerai ensuite le système de traitement des effluents et l'installation de colonnes de lavage, la rénovation des fosses « accidents» et la création des fosses «process». Il a également fallu réaménager le réseau et les voiries d’accès (VRD), sécuriser le réseau de distribution des courants forts, revoir entièrement celui des courants faibles sécurisés, réaménager le pupitre sauvegarde. Ce dernier est à présent équivalent à celui du S5, avec une fonction particulière Fregat, automatisée et redondée en réseau filaire. Nous avons également réhabilité le réseau d'air respirable ainsi que toute la climatisation car les opérations Fregat sont conduites dans un hall à 18°C. Nous avons réalisé les adaptations nécessaires et la maintenance des réseaux fluides d'azote et d'hélium, des servitudes installées dans la paroi double peau du bâtiment. Enfin une zone de repos a été créée, ainsi que quelques bureaux pour les équipes russes et opérationnelles du CSG. Dernier détail : le bâti Fregat pesant quelques 70 tonnes, il a fallu installer des pieux à 20 m de profondeur ! L5 - Quels challenges a-t-il fallu relever pour aboutir à une telle polyvalence et une telle qualité ? JPS - Techniquement, réhabiliter est toujours plus complexe que bâtir du neuf. Il a fallu se «limiter» en mettant le bâtiment à niveau vis-à-vis de la réglementation en vigueur tout en l’adaptant aux besoins Soyuz. Mon rôle a été de faire le lien entre les équipes CNES/DLA/SDS, responsables du projet de rénovation, et CNES/CSG afin de coordonner les travaux et les essais effectués par ces deux entités. En tant que partie prenante de cette aventure, je tiens à souligner la qualité du travail accompli par tous les acteurs de cette réhabilitation, longue et éprouvante, et dont le résultat est remarquable. 4 LATITUDE 5 / N°91 / JANVIER 2011 / 21 © P BAUDON Etat des lieux Pas à pas De Rochambeau au pas de tir, les étapes sont nombreuses. Durant leurs transports et leur séjour à l’EPCU, les satellites sont sous la responsabilité du CNES. Arianespace prend la relève dès le démarrage du Plan d’Opération Combinées avant le transfert au Bâtiment d’Assemblage Final. Transporter des satellites “Dès leur arrivé sur le sol guyanais, nous prenons en charge les satellites et équipements associés depuis leur lieu débarquement : l'aéroport de Cayenne ou parfois le port de Pariacabo. L’acheminement des satellites est réalisé par Endel, en convoi exceptionnel, justifié par la nature particulière de cette marchandise. Une brigade de gendarmerie motorisée ouvre la route et encadre notre chargement. Plusieurs acteurs, du Responsable Transport Transit (RETT), adjoint direct du DDO, au chauffeur Poids Lourds, en passant par le Mécanicien Train Routier, tous les spécialistes de l’activité Transport sont présents. La position de chacun dans ce convoi respecte un schéma bien précis. Les satellites étant sensibles aux chocs, nous utilisons des remorques avec suspension pneumatique, et le roulage s’effectue à 50 km/h environ, la conduite devant être adaptée à l’état de la route. Moyennant deux à trois arrêts pour vérifier que tout est nominal et fluidifier le trafic routier, un convoi réclame près de 2h30 pour 22 / LATITUDE 5 / N°91 / JANVIER 2011 atteindre l'EPCU S1 ou S5 du CSG depuis l’aéroport de Cayenne. Par la suite, le labo physique exploite les données fournies par nos enregistreurs de chocs afin de vérifier l’absence d’évènement hors norme. Les transferts inter sites d'un satellite sur le CSG répondent pratiquement au même schéma, cette fois sous la directive du RMCU, en fermant la Route de l'Espace à tout autre trafic routier. Je tiens à saluer tous les industriels impliqués dans ces transports. Leur professionnalisme, leur calme et leur sang-froid sont le gage de notre réussite.” Propos recueillis auprès de Sylvia Bellande, Responsable CNES de l’activité Transport/Logistique © L MIRA Maintenir l’EPCU en conditions opérationnelles Chef de section à l’EPCU pour le groupement APCO/Cegelec, Patrick Douence connaît parfaitement les installations et leurs équipements dont le Maintien en Conditions Opérationnelles leur incombe. “ Maintenances préventives ou correctives (électriques, mécaniques, pneumatiques, hydrauliques) et revalidations techniques sont notre lot quotidien sur tous les équipements de l’EPCU : levage et manutention, fosses de confinements, sols anti-statiques et réseau d'eau, maintien de la classe 100 000 des salles blanches... Nous procédons aux opérations de maintenance selon trois niveaux : élémentaires (réglages simples), approfondies (les plus classiques) et majeures (sur des systèmes lourds comme les ponts roulants). En cas de problème, les fiches réflexes permettent d’assurer un retour en configuration dans un délai de quatre heures. Nous ajustons quotidiennement notre plan de maintenance en fonction du planning et du déroulement des opérations. Pour tout cela nous avons un magasin dédié, avec de nombreuses pièces de rechange pour être Etat des lieux réactifs. Nous travaillons également avec un logiciel de Gestion de Maintenance Assistée par Ordinateur qui, sous le contrôle de notre Bureau Méthodes, intègre tous les paramètres pour un suivi et une traçabilité sans faille : état des stocks, plannings de maintenance et d'opérations au jour le jour, contrôles réglementaires, etc. Nous attachons une grande importance au retour d'expérience pour améliorer sans cesse notre plan de maintenance, dont nous fournissons un état précis avant chaque RPB (Revue de Préparation de la Base), vérification que tous les matériels sont aptes au service. Enfin, chaque structure EPCU subit une fois par an « la tornade blanche » qui consiste en un grand nettoyage du plafond jusqu'au sol.” 4 © P BAUDON En inter sites, les satellites prennent place sur une remorque nommée Container de Charge Utile, CCU2 (à g.) ou CCU3 (à dr.). Hérité d'Ariane 4, le CCU2 (4,8 t d’emport) présente une forme d'ogive tandis que le CCU3, beaucoup plus imposant (23 t d’emport), se présente comme une grande boîte rectangulaire. Notons que pour souhaiter une longue vie à leur satellite, les équipes d’intégration ont pour coutume de laisser une dédicace sur la peau externe du CCU2, sous forme d’autocollant, de signatures, d’encouragements… Préparation à la levée du satellite au palonnier à l’aide des nacelles «Toucan» mises à disposition par l’EPCU. LATITUDE 5 / N°91 / JANVIER 2011 / 23