Revue Œnologie N°202 - Union des oenologues de France
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Revue Œnologie N°202 - Union des oenologues de France
L’utilisation des protéines végétales en œnologie : le point sur l’autorisation et les risques d’allergie. LEFEBVRE Sandrine (1), RESTANI Patrizia (2), SCOTTI Barbara (3) (1) Martin Vialatte Œnologie / Station Œnotechnique de Champagne - Épernay – France (2) Department Pharmacological Sciences, University of Milan, Italie. (3) Esseco Spa - Trecate - Italie VIN ET SANTÉ L’utilisation des protéines végétales pour le collage des moûts et des vins est une alternative efficace et pertinente à l’utilisation des protéines animales (1-3). En Europe, le contexte de la maladie de Creutzfeld-Jacob a provoqué la suspicion sur les produits animaux (interdiction de l’albumine de sang) et a conduit certains metteurs en marché à exiger la fourniture de vins non traités aux protéines animales. Pour les mêmes raisons, mais aussi pour des questions d’image, la grande distribution, les marchés de vins casher (forte demande) et de vins destinés aux végétariens (en forte croissance) sont dans l’attente de produits de substitution aux gélatines. Cependant, les experts européens ont reconnu que le traitement à la gélatine (notamment porcine) ne présente aucun risque pour le consommateur. La demande d’utilisation des protéines végétales s’étend au-delà de l’Europe. Le Japon n’achète plus de vins collés aux protéines animales. Certains pays comme l’Afrique du Sud commencent à utiliser les protéines végétales. Le Chili, l’Argentine et d’autres pays vinicoles (Australie, Chine,…) devraient suivre prochainement, d’autant plus que ce nouvel agent de collage est en voie d’autorisation à l’O.I.V. Notre groupe a soumis le projet d’utilisation des protéines végétales au Comité scientifique et technique de l’O.I.V. en mars 2000. La première partie de cet article fait le point sur l’état d’avancement du dossier d’autorisation à l’O.I.V. La seconde partie présente la méthode de dosage des matières protéiques végétales ainsi que la recherche du pouvoir antigénique par la technique d’immunoblotting dans les vins et les moûts traités, c’est-à-dire leur capacité à provoquer des réactions allergiques. 28 1 Le dossier autorisation Depuis mars 2000, le dossier d’autorisation de l’utilisation des protéines végétales pour le collage des vins et des moûts suit la procédure d’adoption des normes O.I.V. En 2001, l’avant-projet de résolution est rédigé et le dossier est placé à l’étape 3. Cependant, la commission œnologie demande la recherche d’éventuels résidus de protéine végétale dans les vins traités car, comme pour toutes protéines présentes à des teneurs résiduelles, les protéines végétales peuvent provoquer des réactions allergiques chez les sujets sensibles. Notre démarche a consisté à mettre au point une méthode de dosage des protéines végétales dans les vins et une méthode de détermination du pouvoir antigénique des vins traités. Ce travail, qui sera développé dans la deuxième partie de cet article, a été réalisé à la demande du groupe d’experts Sécurité alimentaire de l’O.I.V., en collaboration avec le laboratoire de Patrizia Restani, professeur en chimie alimentaire à l’Institut universitaire de sciences pharmacologiques de Milan. En mars 2002, la présentation des premiers résultats sur des vins traités avec du gluten de blé amène le groupe d’experts Sécurité alimentaire à émettre un avis favorable. Le dossier est placé en étape 4, avec une demande complémentaire d’étude d’allergénicité sur d’autres vins, d’autres protéines et d’autres doses. Le travail est alors orienté sur la recherche des résidus et d’allergénicité éventuelle dans différents vins blancs et rouges issus de cépages variés, traités avec des protéines végétales d’origine différente : blé, pois, lupin et en présence de différents adjuvants de collage (bentonite, gel de silice et tanin). La dose choisie pour chaque modalité est la dose maximale préconisée, soit 50 g/hl. L’étude porte sur l’analyse de 200 échantillons environ. En mars 2003, les résultats de ces travaux présentés ci-après sont soumis au groupe d’experts Sécurité alimentaire qui émet un avis favorable et définitif sur l’utilisation du blé sur moûts, vins rouges et vins blancs, ainsi que sur l’utilisation du pois et du lupin sur vins rouges. Les résultats n’indiquent aucun résidu et aucune allergénicité à la dose maximale autorisée (50 g/hl). En ce qui concerne les résultats du pois et du lupin sur moûts et vins blancs, les analyses ne sont pas terminées et seront présentées en mars 2004. A ce jour, le dossier, y compris les méthodes d’analyses utilisées pour ces dosages, la monographie et la fiche code, progresse à l’étape 5. Le projet de résolution sera transmis aux Etats membres à la fin de l’année 2003 pour commentaires. En fonction des commentaires reçus, un texte modifié du projet de résolution sera soumis à la Commission œnologie en mars 2004 pour être enfin transmis sous sa forme finale, à l’assemblée générale et certainement adopté en 2004. Après la phase d’admission à l’O.I.V., le dossier sera présenté à Bruxelles par l’intermédiaire de la D.G.C.C.R.F., pour la France et par les autorités compétentes italiennes afin que le collage aux protéines végétales soit intégré dans la liste des pratiques œnologiques autorisées (règlement CE 1493/1999). Les nombreux essais menés dans les laboratoires (1), dans les instituts techniques français et européens (Allemagne (4), Luxembourg (4), Autriche (6), Italie (7), Espagne (8), Portugal, Suisse, Grèce, Hongrie, États-Unis) et dans les caves en France (2, 5) - avec l’accord dérogatoire de la D.G.C.C.R.F. (article 46 du règlement CE n° 1493/1999) accordé en juillet 2000 - ont validé, au niveau technologique, l’utilisation de ces nouveaux produits de collage. Cependant, tous les essais en cave sous contrôle D.G.C.C.R.F. ne sont pas encore terminés. Nous menons actuellement la 3ème et dernière campagne d’essais. 2 Recherche des résidus de protéine végétale et du pouvoir antigénique des moûts et des vins traités Après avoir exposé la méthode de dosage des résidus et du pouvoir antigénique des vins traités, les résultats obtenus sur différents vins blancs, moûts et vins rouges collés avec du blé, du pois ou du lupin seront présentés. Revue Française d’Œnologie - septembre/octobre 2003 - N° 202 Rappelons que le blé, céréale contenant du gluten, est cité dans la liste des allergènes proposée par la consultation d’experts F.A.O./O.M.S. au même titre d’ailleurs que les œufs et ovoproduits, les poissons et produits de ceux-ci, le lait et produits laitiers. Ces derniers, d’origine animale, sont depuis très longtemps utilisés en œnologie comme agent de collage et, jusqu’à présent, aucun cas d’allergie dû à l’absorption de vin traité avec ces produits n’a été enregistré. Ces produits sont des auxiliaires technologiques puisqu’ils sont éliminés des jus avant fermentation ou des vins après leur floculation et sédimentation. S’ils existent, ils sont uniquement présents à l’état de traces et ces traces, de plus, ne possèderaient plus de propriétés antigéniques à cause de leur combinaison aux tanins et aux autres éléments intrinsèques au vin. On peut rappeler l’étude conduite sur des sujets allergiques aux amines biogènes qui montre qu’un vin supplémenté en histamine ne provoque pas de réaction allergique. Cette protection s’explique par l’effet matrice du vin, c’est-à-dire la composition du vin. À ce jour, à l’exception du phénomène d’intolérance lié à la présence de sulfites, aucun cas d’allergie chez les consommateurs de vin n’a été décrit. Ces problèmes sont remis à l’ordre du jour avec le projet de modification de la directive 2000/13 EC concernant l’étiquetage des denrées alimentaires, y compris les boissons alcoolisées. L’étiquetage des produits susceptibles d’engendrer des résidus provoquant des réactions allergiques est en cours de négociation entre le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil de l’Europe. Le soutien de nos députés permet d’espérer un délai de l’obligation d’étiquetage des différents auxiliaires. Ce délai correspond au temps que vont nécessiter les études scientifiques actuellement en cours visant à démontrer l’innocuité des vins traités. Les premiers résultats sont satisfaisants. À noter que cette directive concerne non seulement les protéines végétales, mais aussi les produits traditionnels de collage comme l’albumine d’œuf, la colle de poisson et la caséine. Concernant les protéines végétales, la démonstration de leur absence dans les produits finis ou l’absence d’allergénicité des éventuels résidus est nécessaire pour garantir la sécurité du consommateur. L’hypersensibilité au gluten est un problème de santé publique. La forme la plus fréquemment rencontrée (1/300 à 1/1000 en Europe) est l’intolérance au gluten ou maladie cœliaque. On rencontre aussi des allergies typiques comme l’asthme du boulanger et les dermatites atopiques. Il est donc nécessaire d'évaluer la présence de ces allergènes dans les vins. A- Séparation des protéines par SDS-PAGE Sens de la migration B- Transfert des protéines sur une membrane Gel Blotting Membrane C- Blocage des sites non spécifiques et incubation avec des anticorps animaux ou humains Membrane D- Incubation avec des anti-anticorps couplés à une enzyme E- Coloration par activité enzymatique 2.1- Principe Après concentration des protéines du vin par précipitation à l’acide trichloroacétique, les protéines sont séparées par électrophorèse en gel de polyacrylamide en présence de dodécylsulfate de sodium (PAGE-SDS). L’ajout de bleu de Coomassie colore les protéines. L’intensité de la coloration permet de déterminer la teneur en protéine à l’aide d’une courbe étalon réalisée au préalable avec des solutions de protéine de concentrations connues (figure 1-A). La capacité antigénique des protéines éventuellement restantes dans les boissons traitées après soutirage est ensuite évaluée. Après l’électrophorèse, les gels sont soumis à la technique d’immunoblotting. Les protéines sont transférées sur une membrane où elles seront absorbées (figure 1-B). Un complexe antigène–anticorps est formé par l’ajout d’anticorps anti-protéine végétale (par exemple des anticorps anti–gliadines si la protéine végétale est du gluten) (figure 1-C). Le système est révélé par l’ajout d’anticorps dirigés contre les anticorps anti-protéine végétale couplés à la phosphatase (figure 1-D). En présence du substrat chromogène de l’enzyme, une coloration, dont l’intensité sera proportionnelle à la quantité d’immunocomplexes, va se développer (figure 1-E). Cette immunoréactivité sera quantifiée à l’aide d’une courbe étalon réalisée avec des solutions de protéine végétale de concentrations connues. Figure 1- Les étapes de la méthode 2.2- Matériels et méthodes 2.2.1- Protéines végétales Sont analysées : - une protéine de blé : un gluten hydrolysé (noté G) - une protéine de pois (noté P) - une protéine de lupin (noté L). Les protéines se présentent sous forme de poudre. Des solutions à 50 g/l sont préparées dans de l’eau, puis diluées dans un tampon pour échantillons de façon à obtenir une concentration finale de 5 mg/ml. La solution tampon pour échantillons contient 0,25 M de tampon tris-HCl pH 6.8, 7,5 % de glycérol, 2 % de SDS et 5 % de ß-mercaptoéthanol. 2.2.2- Moûts et vins 2.2.2.1- Les vins rouges Il s’agit de vins issus des vendanges 2002 de cépages Merlot, Bonarda, Cabernet-Sauvignon, Carignan, Lacrima di Morro d’Alba, Grenache, Sangiovese, Syrah. Ils sont non traités (témoin négatif) ou traités avec G, P ou L à des doses de 50 g/hl. 72 heures après ajout des colles, les vins sont soutirés et analysés. Revue Française d’Œnologie - septembre/octobre 2003 - N° 202 29 2.2.2.2- Les vins blancs 2.2.5.1- Réaction avec les anticorps animaux (pois-lupin-gluten) Il s’agit de vins issus des vendanges 2002 de cépages Muscat, Chardonnay, Riesling, Gewurztraminer, Pinot noir. Ils sont non traités (témoin négatif), traités avec G, P ou L à des doses de 50 g/hl ou traités avec chaque protéine en présence d’un adjuvant de collage : bentonite calcique activée à 50 g/hl, gel de silice à 50 g/hl ou tanin de châtaignier à 7 g/hl. 72 heures après ajout des colles, les vins sont soutirés et analysés. La membrane est ensuite plongée dans 10 ml de gélatine à 0,25 % contenant 10 µl d’anticorps polyclonaux de lapin antipois ou anti-lupin fabriqués au Département des Sciences Pharmacologiques de Milan. Dans le cas du gluten, les anticorps anti-gliadines proviennent de chez Sigma. Le complexe antigèneIgG est détecté par l’ajout de 10 µl d’anticorps monoclonaux de souris anti-IgG de lapin marqués à la phosphatase alcaline (SIGMA). 2.2.2.3- Les moûts 2.2.5.2- Réaction avec le sérum de sujets coeliaques (blé) Tableau I- SDS-PAGE et immunoblotting après concentration des protéines du moût Riesling non traité (T) et traité avec du gluten hydrolysé en présence de bentonite (GB) ou de gel de silice (GSi) La membrane est ensuite plongée dans 10 ml de gélatine à 0,25 % contenant 20 µl de sérum humain. Le complexe antigène-IgA est détecté par l’ajout de 10 µl d’anticorps de chèvre, anti-IgA humains marqués à la phosphatase alcaline (SIGMA). SDS-PAGE Résidus protéiques T GB B GSi Si Traces Traces Négatif Traces Traces Immunoblotting Anticorps animaux anti-gliadine Légèrement positif Négatif Négatif Négatif Légèrement positif 2.2.5.3- Réaction avec le sérum de sujets allergiques (blé) La membrane est ensuite plongée dans 10 ml de gélatine à 0,25 % contenant 300 µl de sérum humain. Le complexe antigène-IgE est détecté par l’ajout de 10 µl d’anticorps de chèvre anti-IgE humains marqués à la phosphatase alcaline (SIGMA). 2.2.6- Analyse d’image et quantification Ce sont des moûts de la vendange 2002. Ils sont issus des cépages Riesling, Pinot noir, Chardonnay. Ils sont non traités (témoin négatif), traités avec G, P ou L à des doses de 50 g/hl ou traités avec chaque protéine en présence d’un adjuvant de collage : bentonite calcique activée à 50 g/hl ou gel de silice à 50 g/hl. 12 h après ajout des colles, les moûts sont soutirés et mis en fermentation par ajout de 40 g/hl de levures Vitilevure DV10. Au bout de 8 à 10 jours, les échantillons sont centrifugés à 5 000 rpm pendant 5 minutes. Les colles et les adjuvants utilisés sont fournis par Martin Vialatte Œnologie. La dose de 50 g/hl de protéine végétale correspond à la dose maximale légale. Les gels et les membranes sont analysés à l’aide d’un scanner (Image Total Lab v 1.11 Software, Amersham pharmacia biotech). Le seuil de détection du gluten est 0,75 µg, soit 0,34 ppm. 2.2.3- Concentration des protéines du vin 2.3.1.1- Vins rouges 6 ml d’acide trichloroacétique pur et 24 ml de vin (traité ou non traité) sont successivement mis dans des tubes à centrifuger de 50 ml. Après 30 minutes à 4°C, les échantillons sont centrifugés à 10 000 rpm pendant 30 minutes à 4°C. Les culots sont lavés avec du TCA à 0,1 % et remis en suspension dans 0,24 ml de NaOH 0,5 N pendant 12 heures. Après avoir été mélangés avec la solution tampon pour échantillons (1:1, v/v), les échantillons sont chauffés à 100°C au bain-d’eau pendant 10 minutes et 20 à 30 µl sont déposés sur le gel. 2.2.7- Les patients Les sérums humains ont été prélevés chez des sujets souffrant de maladies coeliaques ou d’allergie sélectionnés à l’hôpital Macedonio Melloni de Milan. Le consentement des patients ou l’autorisation des parents pour les mineurs était obligatoire. 2.3- Résultats et discussion 2.3.1- Gluten de blé 208 115 79,5 49,5 34,8 28,3 20,4 7,2 A T G B G seul PM (kDa) C T G G seul PM T G G seul PM D 2.2.4- Electrophorèse en gel de polyacrylamide en présence de SDS (PAGE-SDS) Les produits et le matériel proviennent de chez BIO-RAD. La composition des gels est la suivante : 2.2.4.1- Gel de séparation 15 % d’acrylamide ; 0,14 % de bis-acrylamide ; tampon Tris-HCl 0,36 M pH 8,8 ; 35 % de glycérol ; 0,1 % de SDS ; 0,02 % de persulfate d’ammonium et 0,15 % TEMED. Une goutte de bleu de Bromophénol, utilisé comme marqueur de migration, est ajoutée au gel. 2.2.4.2- Gel de concentration 3,5 % d’acrylamide ; 0,09 % de bis-acrylamide ; tampon Tris-HCl 0,125 M pH 6,8 ; 0,1 % de SDS ; 0,02 % de persulfate d’ammonium et 0,15 % TEMED. Le tampon de migration est composé de tris 25 mM, de glycine 0,19 M et de SDS à 0,1 %. Le pH est amené à 8,8. Après une migration de 6 heures environ, sous une tension constante de 90 V et à la température ambiante, les gels sont colorés avec du bleu de Coomassie. Des protéines standards de 7,2 à 208 kDa sont utilisées comme marqueurs de poids moléculaire (PM). 2.2.5- Immunoblotting 30 Après l’électrophorèse, les protéines sont transférées du gel vers une membrane de difluorure de polyvinylidène comme cela est décrit par RESTANI et al. (9). T G G seul PM Figure 2- SDS-PAGE (A) et Immunoblottings (B, C, D) après concentration des protéines du vin rouge Grenache non traité T et traité avec du gluten hydrolysé G. Les immunoblots sont obtenus après incubation de la membrane : - avec des anticorps animaux anti-gliadine (B), - avec des anticorps IgA humains provenant de malades coeliaques (C), - avec des anticorps IgE humains provenant de patients allergiques (D), PM : Marqueurs de poids moléculaire. Plusieurs types de vins rouges ont été analysés par PAGE-SDS. La figure 2 (A-D) représente les résultats obtenus sur le vin 2002 issu du cépage Grenache. Pour amplifier l’immunoréactivité des protéines végétales éventuellement présentes, les protéines des vins sont concentrées 100 fois par précipitation au TCA. Les résultats PAGE-SDS des vins concentrés montrent qu’il ne reste aucun résidu protéique (bande “G” de la figure 2A). Les résultats de l’immunoblotting (bandes “G” des figures 2B, 2C et 2D) indiquent qu’aucune réaction significative due à la présence du gluten n’est détectée dans les vins traités au gluten alors qu’une importante réaction spécifique est observée avec le gluten déposé sur le gel comme standard (bandes “G seul” des figures Revue Française d’Œnologie - septembre/octobre 2003 - N° 202 2B, 2C, 2D). Les résultats sont négatifs avec les anticorps animaux (anti-gliadines du commerce, bande “G” de la figure 2B) et avec les anticorps humains (IgA du sérum des coeliaques, bande “G” de la figure 2C et IgE du sérum des allergiques, bande “G” de la figure 2D). Les mêmes résultats ont été trouvés avec tous les vins rouges testés dans cette étude. 2.3.1.2- Vins blancs Comme pour les vins rouges, les résultats obtenus avec tous les vins ne sont pas présentés. La figure 3 (A-D) concerne le Riesling. La figure 3A montre l’absence de résidus de gluten des vins traités avec le gluten seul (G) ou en présence de bentonite (GB), de gel de silice (GSi) ou de tanin (GT) et concentrés 100 fois. Après ajout des anticorps animaux anti-gliadine (figure 3B), des anticorps humains des coeliaques (figure 3C) ou anticorps humains des allergiques (figure 3D), aucune immunoréactivité n’est détectée. Pour confirmer ce résultat, de la farine de blé (FC) dépourvue d’allergénicité et commercialisée pour la consommation des gens souffrants de maladie coeliaque a été déposée sur le gel. Elle correspond à la dernière bande de la figure 4. On note que les vins traités au gluten réagissent à un degré nettement inférieur à celui de cette farine “non allergène”. 2.3.1.3- Moûts L’exemple concerne un moût de Chardonnay et les résultats sont présentés dans le tableau 1. Les traces de résidus protéiques présentes dans le vin témoin, les vins traités avec le gluten en présence de bentonite (GB) ou de gel de silice (Gsi) ou avec le gel de silice seul (Si) sont non spécifiques du gluten car les réactions avec les anticorps animaux anti-gliadines sont négatives, sauf pour le témoin et le vin traité au gel de silice où l’on note une immunoréactivité légèrement positive mais aspécifique. Les anticorps humains n’ont pas été testés. 2.3.2- Pois et lupin 208 115 79,5 49,5 34,8 28,3 20,4 7,2 A T G GB GSi GT PM G B Seuls les résultats obtenus sur vins rouges sont présentés puisque le travail avec les vins blancs et les moûts est en cours. A B T G GB GSi GT PM G C D T T G GB GSi GT PM G T G GB GSi GT PM G Figure 3- SDS-PAGE (A) et Immunoblotting (B, C, D) après concentration des protéines du vin blanc Riesling non traité T et traité avec du gluten hydrolysé G en présence de bentonite GB, de gel de silice GSi ou de tanin GT. Les immunoblots sont obtenus après incubation de la membrane : - avec des anticorps animaux anti-gliadine (A), - avec des anticorps IgA humains provenant de malades coeliaques (B), - avec des anticorps IgE humains provenant de patients allergiques (C). PM : Marqueurs de poids moléculaire Les mêmes résultats ont été obtenus avec les autres vins. Cependant, avec le vin Pinot noir de Champagne (vinifié en blanc), il a été remarqué une réaction légèrement positive au niveau du vin traité avec le gluten (figure 4). Cette réaction n’est pas significative car elle correspond à une bande qui a une mobilité électrophorétique différente de celle du gluten. P P seul PM T L L seul PM Figure 5- Immunoblotting (A,B) après concentration des protéines du vin rouge Grenache non traité T et traité avec du pois P (A) ou du lupin L (B) PM : Marqueurs de poids moléculaire La figure 5 présente les immunoblots obtenus avec le vin Grenache traité avec le pois P (figure 5A) et le lupin L (figure 5B). Les réactions avec les anticorps anti-pois et anti-lupin sont négatives et montrent que les vins ne sont pas allergènes. Les autres vins rouges présentent les mêmes résultats. 2.4- Conclusions Nous avons recherché dans des vins collés au gluten la présence de protéines résiduelles immunoréactives à la gliadine ou aux sérums de patients coeliaques ou allergiques. La méthode utilisée, très sensible, est capable de détecter des quantités de gluten inférieures à 1 ppm. Pour le Codex Alimentarius, un produit “gluten free” ne doit pas contenir plus de 20 ppm (10). Les résultats montrent qu’il n’y a pas de résidus gluten dans les vins rouges. Sur les vins blancs et les moûts, on note quelques réactions aspécifiques en présence ou non d’adjuvants de collage. Cependant, les protéines présentes sur le gel ne sont pas réactives aux anticorps provenant des individus allergiques. Cette étude permet de conclure que les sujets souffrant de la maladie coeliaque ou d’allergie peuvent consommer des vins collés avec du gluten sans aucun risque. Les vins rouges traités avec du pois et du lupin ne présentent aucune immunoréactivité. T G GB Vins GSi GT PM G FC Protéines seules Figure 4- Immunoblotting après PAGE-SDS des protéines du vin blanc Pinot noir non traité T et traité avec du gluten hydrolysé G en présence de bentonite GB, de gel de silice GSi ou de tanin GT. L’immunoblot est obtenu après incubation de la membrane avec des anticorps IgA humains provenant de malades coeliaques. PM : Marqueurs de poids moléculaire FC : Farine pour coeliaques Des vins traités à des doses œnologiques (10 à 20 g/hl) plus proches de la réalité ont également été analysés. Les conclusions restent similaires. CONCLUSION L’autorisation de l’utilisation des protéines végétales pour le collage des boissons dépend des résultats de l’étude de l’allergénicité. L’analyse immunospécifique et très sensible, Revue Française d’Œnologie - septembre/octobre 2003 - N° 202 31 conduite sur 200 échantillons de vins traités à la dose maximale de 50 g/hl avec du gluten, du pois ou du lupin, révèle l’absence de résidus et l’absence d’immunoréactivité. L’étude sur les vins blancs et les moûts traités avec du pois et du lupin est en cours. L’utilisation de sérums provenant de patients souffrant de maladie coeliaque ou d’allergie démontre clairement que le gluten utilisé comme agent de collage des vins n’est pas antigénique après mise en contact avec le vin et ne présente donc pas de risque d’allergie. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES (1) LEFEBVRE S., GERLAND C., MAURY C., GAZZOLA M., 2000. Nouvelles colles végétales : origines, propriétés et performances. Revue Française d’Œnologie, 184, 28-32. (2) LEFEBVRE S., GERLAND C., SCOTTI B., BONNY G., 2002. Le collage aux protéines végétales : performances à l’échelle de la cave. Revue Française d’Œnologie, 195, 31-34. 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