Revue Œnologie N°202 - Union des oenologues de France

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Revue Œnologie N°202 - Union des oenologues de France
L’utilisation des protéines végétales
en œnologie : le point sur l’autorisation
et les risques d’allergie.
LEFEBVRE Sandrine (1), RESTANI Patrizia (2), SCOTTI Barbara (3)
(1) Martin Vialatte Œnologie / Station Œnotechnique de Champagne - Épernay – France
(2) Department Pharmacological Sciences, University of Milan, Italie.
(3) Esseco Spa - Trecate - Italie
VIN ET SANTÉ
L’utilisation des protéines végétales pour le collage des
moûts et des vins est une alternative efficace et pertinente
à l’utilisation des protéines animales (1-3). En Europe, le
contexte de la maladie de Creutzfeld-Jacob a provoqué la
suspicion sur les produits animaux (interdiction de l’albumine de sang) et a conduit certains metteurs en marché à
exiger la fourniture de vins non traités aux protéines animales.
Pour les mêmes raisons, mais aussi pour des questions d’image,
la grande distribution, les marchés de vins casher (forte
demande) et de vins destinés aux végétariens (en forte
croissance) sont dans l’attente de produits de substitution
aux gélatines. Cependant, les experts européens ont reconnu
que le traitement à la gélatine (notamment porcine) ne
présente aucun risque pour le consommateur. La demande
d’utilisation des protéines végétales s’étend au-delà de
l’Europe. Le Japon n’achète plus de vins collés aux protéines
animales. Certains pays comme l’Afrique du Sud commencent
à utiliser les protéines végétales. Le Chili, l’Argentine et
d’autres pays vinicoles (Australie, Chine,…) devraient suivre
prochainement, d’autant plus que ce nouvel agent de collage
est en voie d’autorisation à l’O.I.V.
Notre groupe a soumis le projet d’utilisation des protéines
végétales au Comité scientifique et technique de l’O.I.V. en
mars 2000. La première partie de cet article fait le point
sur l’état d’avancement du dossier d’autorisation à l’O.I.V.
La seconde partie présente la méthode de dosage des
matières protéiques végétales ainsi que la recherche du
pouvoir antigénique par la technique d’immunoblotting
dans les vins et les moûts traités, c’est-à-dire leur capacité
à provoquer des réactions allergiques.
28
1
Le dossier autorisation
Depuis mars 2000, le dossier d’autorisation de l’utilisation des
protéines végétales pour le collage des vins et des moûts suit la
procédure d’adoption des normes O.I.V.
En 2001, l’avant-projet de résolution est rédigé et le dossier est
placé à l’étape 3. Cependant, la commission œnologie demande
la recherche d’éventuels résidus de protéine végétale dans les
vins traités car, comme pour toutes protéines présentes à des
teneurs résiduelles, les protéines végétales peuvent provoquer
des réactions allergiques chez les sujets sensibles. Notre démarche
a consisté à mettre au point une méthode de dosage des protéines
végétales dans les vins et une méthode de détermination du
pouvoir antigénique des vins traités. Ce travail, qui sera développé
dans la deuxième partie de cet article, a été réalisé à la demande
du groupe d’experts Sécurité alimentaire de l’O.I.V., en collaboration
avec le laboratoire de Patrizia Restani, professeur en chimie
alimentaire à l’Institut universitaire de sciences pharmacologiques
de Milan.
En mars 2002, la présentation des premiers résultats sur des vins
traités avec du gluten de blé amène le groupe d’experts Sécurité
alimentaire à émettre un avis favorable. Le dossier est placé en
étape 4, avec une demande complémentaire d’étude d’allergénicité sur d’autres vins, d’autres protéines et d’autres doses.
Le travail est alors orienté sur la recherche des résidus et d’allergénicité éventuelle dans différents vins blancs et rouges issus de
cépages variés, traités avec des protéines végétales d’origine
différente : blé, pois, lupin et en présence de différents adjuvants
de collage (bentonite, gel de silice et tanin). La dose choisie
pour chaque modalité est la dose maximale préconisée, soit
50 g/hl. L’étude porte sur l’analyse de 200 échantillons environ.
En mars 2003, les résultats de ces travaux présentés ci-après sont
soumis au groupe d’experts Sécurité alimentaire qui émet un
avis favorable et définitif sur l’utilisation du blé sur moûts, vins
rouges et vins blancs, ainsi que sur l’utilisation du pois et du lupin
sur vins rouges. Les résultats n’indiquent aucun résidu et aucune
allergénicité à la dose maximale autorisée (50 g/hl). En ce qui
concerne les résultats du pois et du lupin sur moûts et vins
blancs, les analyses ne sont pas terminées et seront présentées
en mars 2004.
A ce jour, le dossier, y compris les méthodes d’analyses utilisées
pour ces dosages, la monographie et la fiche code, progresse à
l’étape 5.
Le projet de résolution sera transmis aux Etats membres à la fin
de l’année 2003 pour commentaires. En fonction des commentaires
reçus, un texte modifié du projet de résolution sera soumis à la
Commission œnologie en mars 2004 pour être enfin transmis
sous sa forme finale, à l’assemblée générale et certainement
adopté en 2004.
Après la phase d’admission à l’O.I.V., le dossier sera présenté à
Bruxelles par l’intermédiaire de la D.G.C.C.R.F., pour la France et
par les autorités compétentes italiennes afin que le collage aux
protéines végétales soit intégré dans la liste des pratiques
œnologiques autorisées (règlement CE 1493/1999).
Les nombreux essais menés dans les laboratoires (1), dans les
instituts techniques français et européens (Allemagne (4),
Luxembourg (4), Autriche (6), Italie (7), Espagne (8), Portugal,
Suisse, Grèce, Hongrie, États-Unis) et dans les caves en France
(2, 5) - avec l’accord dérogatoire de la D.G.C.C.R.F. (article 46
du règlement CE n° 1493/1999) accordé en juillet 2000 - ont
validé, au niveau technologique, l’utilisation de ces nouveaux
produits de collage. Cependant, tous les essais en cave sous
contrôle D.G.C.C.R.F. ne sont pas encore terminés. Nous
menons actuellement la 3ème et dernière campagne d’essais.
2
Recherche des résidus de protéine végétale et
du pouvoir antigénique des moûts et des
vins traités
Après avoir exposé la méthode de dosage des résidus et du
pouvoir antigénique des vins traités, les résultats obtenus sur
différents vins blancs, moûts et vins rouges collés avec du blé,
du pois ou du lupin seront présentés.
Revue Française d’Œnologie - septembre/octobre 2003 - N° 202
Rappelons que le blé, céréale contenant du gluten, est cité dans
la liste des allergènes proposée par la consultation d’experts
F.A.O./O.M.S. au même titre d’ailleurs que les œufs et ovoproduits,
les poissons et produits de ceux-ci, le lait et produits laitiers. Ces
derniers, d’origine animale, sont depuis très longtemps utilisés
en œnologie comme agent de collage et, jusqu’à présent, aucun
cas d’allergie dû à l’absorption de vin traité avec ces produits n’a
été enregistré. Ces produits sont des auxiliaires technologiques
puisqu’ils sont éliminés des jus avant fermentation ou des vins
après leur floculation et sédimentation. S’ils existent, ils sont
uniquement présents à l’état de traces et ces traces, de plus, ne
possèderaient plus de propriétés antigéniques à cause de leur
combinaison aux tanins et aux autres éléments intrinsèques au
vin. On peut rappeler l’étude conduite sur des sujets allergiques
aux amines biogènes qui montre qu’un vin supplémenté en
histamine ne provoque pas de réaction allergique. Cette protection
s’explique par l’effet matrice du vin, c’est-à-dire la composition
du vin. À ce jour, à l’exception du phénomène d’intolérance lié
à la présence de sulfites, aucun cas d’allergie chez les consommateurs de vin n’a été décrit. Ces problèmes sont remis à l’ordre
du jour avec le projet de modification de la directive 2000/13 EC
concernant l’étiquetage des denrées alimentaires, y compris les
boissons alcoolisées. L’étiquetage des produits susceptibles
d’engendrer des résidus provoquant des réactions allergiques
est en cours de négociation entre le Parlement européen, la
Commission européenne et le Conseil de l’Europe. Le soutien de
nos députés permet d’espérer un délai de l’obligation d’étiquetage
des différents auxiliaires. Ce délai correspond au temps que vont
nécessiter les études scientifiques actuellement en cours visant à
démontrer l’innocuité des vins traités. Les premiers résultats sont
satisfaisants. À noter que cette directive concerne non seulement les protéines végétales, mais aussi les produits traditionnels de collage comme l’albumine d’œuf, la colle de poisson et
la caséine.
Concernant les protéines végétales, la démonstration de leur
absence dans les produits finis ou l’absence d’allergénicité des
éventuels résidus est nécessaire pour garantir la sécurité du
consommateur. L’hypersensibilité au gluten est un problème de
santé publique. La forme la plus fréquemment rencontrée
(1/300 à 1/1000 en Europe) est l’intolérance au gluten ou
maladie cœliaque. On rencontre aussi des allergies typiques
comme l’asthme du boulanger et les dermatites atopiques. Il
est donc nécessaire d'évaluer la présence de ces allergènes dans
les vins.
A- Séparation des protéines par SDS-PAGE
Sens de
la migration
B- Transfert des protéines sur une membrane
Gel
Blotting
Membrane
C- Blocage des sites
non spécifiques et
incubation avec
des anticorps animaux
ou humains
Membrane
D- Incubation avec des anti-anticorps
couplés à une enzyme
E- Coloration par activité enzymatique
2.1- Principe
Après concentration des protéines du vin par précipitation à
l’acide trichloroacétique, les protéines sont séparées par électrophorèse en gel de polyacrylamide en présence de dodécylsulfate
de sodium (PAGE-SDS). L’ajout de bleu de Coomassie colore les
protéines. L’intensité de la coloration permet de déterminer la
teneur en protéine à l’aide d’une courbe étalon réalisée au
préalable avec des solutions de protéine de concentrations
connues (figure 1-A).
La capacité antigénique des protéines éventuellement restantes
dans les boissons traitées après soutirage est ensuite évaluée.
Après l’électrophorèse, les gels sont soumis à la technique
d’immunoblotting. Les protéines sont transférées sur une
membrane où elles seront absorbées (figure 1-B). Un complexe
antigène–anticorps est formé par l’ajout d’anticorps anti-protéine
végétale (par exemple des anticorps anti–gliadines si la protéine
végétale est du gluten) (figure 1-C). Le système est révélé par l’ajout
d’anticorps dirigés contre les anticorps anti-protéine végétale
couplés à la phosphatase (figure 1-D). En présence du substrat
chromogène de l’enzyme, une coloration, dont l’intensité sera
proportionnelle à la quantité d’immunocomplexes, va se développer (figure 1-E). Cette immunoréactivité sera quantifiée à
l’aide d’une courbe étalon réalisée avec des solutions de protéine
végétale de concentrations connues.
Figure 1- Les étapes de la méthode
2.2- Matériels et méthodes
2.2.1- Protéines végétales
Sont analysées :
- une protéine de blé : un gluten hydrolysé (noté G)
- une protéine de pois (noté P)
- une protéine de lupin (noté L).
Les protéines se présentent sous forme de poudre. Des solutions
à 50 g/l sont préparées dans de l’eau, puis diluées dans un tampon
pour échantillons de façon à obtenir une concentration finale de
5 mg/ml. La solution tampon pour échantillons contient 0,25 M
de tampon tris-HCl pH 6.8, 7,5 % de glycérol, 2 % de SDS et
5 % de ß-mercaptoéthanol.
2.2.2- Moûts et vins
2.2.2.1- Les vins rouges
Il s’agit de vins issus des vendanges 2002 de cépages Merlot,
Bonarda, Cabernet-Sauvignon, Carignan, Lacrima di Morro
d’Alba, Grenache, Sangiovese, Syrah. Ils sont non traités (témoin
négatif) ou traités avec G, P ou L à des doses de 50 g/hl. 72 heures
après ajout des colles, les vins sont soutirés et analysés.
Revue Française d’Œnologie - septembre/octobre 2003 - N° 202
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2.2.2.2- Les vins blancs
2.2.5.1- Réaction avec les anticorps animaux (pois-lupin-gluten)
Il s’agit de vins issus des vendanges 2002 de cépages Muscat,
Chardonnay, Riesling, Gewurztraminer, Pinot noir. Ils sont non
traités (témoin négatif), traités avec G, P ou L à des doses de
50 g/hl ou traités avec chaque protéine en présence d’un adjuvant
de collage : bentonite calcique activée à 50 g/hl, gel de silice à
50 g/hl ou tanin de châtaignier à 7 g/hl. 72 heures après ajout
des colles, les vins sont soutirés et analysés.
La membrane est ensuite plongée dans 10 ml de gélatine à
0,25 % contenant 10 µl d’anticorps polyclonaux de lapin antipois ou anti-lupin fabriqués au Département des Sciences
Pharmacologiques de Milan. Dans le cas du gluten, les anticorps
anti-gliadines proviennent de chez Sigma. Le complexe antigèneIgG est détecté par l’ajout de 10 µl d’anticorps monoclonaux de
souris anti-IgG de lapin marqués à la phosphatase alcaline (SIGMA).
2.2.2.3- Les moûts
2.2.5.2- Réaction avec le sérum de sujets coeliaques (blé)
Tableau I- SDS-PAGE et immunoblotting après concentration des protéines du moût Riesling non traité (T) et traité avec du gluten
hydrolysé en présence de bentonite (GB) ou de gel de silice
(GSi)
La membrane est ensuite plongée dans 10 ml de gélatine à
0,25 % contenant 20 µl de sérum humain. Le complexe antigène-IgA est détecté par l’ajout de 10 µl d’anticorps de chèvre,
anti-IgA humains marqués à la phosphatase alcaline (SIGMA).
SDS-PAGE
Résidus protéiques
T
GB
B
GSi
Si
Traces
Traces
Négatif
Traces
Traces
Immunoblotting
Anticorps animaux
anti-gliadine
Légèrement positif
Négatif
Négatif
Négatif
Légèrement positif
2.2.5.3- Réaction avec le sérum de sujets allergiques (blé)
La membrane est ensuite plongée dans 10 ml de gélatine à
0,25 % contenant 300 µl de sérum humain. Le complexe antigène-IgE est détecté par l’ajout de 10 µl d’anticorps de chèvre
anti-IgE humains marqués à la phosphatase alcaline (SIGMA).
2.2.6- Analyse d’image et quantification
Ce sont des moûts de la vendange 2002. Ils sont issus des
cépages Riesling, Pinot noir, Chardonnay. Ils sont non traités (témoin négatif), traités avec G, P ou L à des doses de 50 g/hl ou
traités avec chaque protéine en présence d’un adjuvant de collage : bentonite calcique activée à 50 g/hl ou gel de silice à 50
g/hl. 12 h après ajout des colles, les moûts sont soutirés et mis
en fermentation par ajout de 40 g/hl de levures Vitilevure DV10.
Au bout de 8 à 10 jours, les échantillons sont centrifugés à 5 000
rpm pendant 5 minutes.
Les colles et les adjuvants utilisés sont fournis par Martin Vialatte
Œnologie. La dose de 50 g/hl de protéine végétale correspond
à la dose maximale légale.
Les gels et les membranes sont analysés à l’aide d’un scanner
(Image Total Lab v 1.11 Software, Amersham pharmacia biotech).
Le seuil de détection du gluten est 0,75 µg, soit 0,34 ppm.
2.2.3- Concentration des protéines du vin
2.3.1.1- Vins rouges
6 ml d’acide trichloroacétique pur et 24 ml de vin (traité ou non
traité) sont successivement mis dans des tubes à centrifuger de
50 ml. Après 30 minutes à 4°C, les échantillons sont centrifugés
à 10 000 rpm pendant 30 minutes à 4°C. Les culots sont lavés
avec du TCA à 0,1 % et remis en suspension dans 0,24 ml de
NaOH 0,5 N pendant 12 heures. Après avoir été mélangés avec
la solution tampon pour échantillons (1:1, v/v), les échantillons
sont chauffés à 100°C au bain-d’eau pendant 10 minutes et
20 à 30 µl sont déposés sur le gel.
2.2.7- Les patients
Les sérums humains ont été prélevés chez des sujets souffrant de
maladies coeliaques ou d’allergie sélectionnés à l’hôpital
Macedonio Melloni de Milan. Le consentement des patients ou
l’autorisation des parents pour les mineurs était obligatoire.
2.3- Résultats et discussion
2.3.1- Gluten de blé
208
115
79,5
49,5
34,8
28,3
20,4
7,2
A
T
G
B
G seul PM (kDa)
C
T
G
G seul PM
T
G
G seul PM
D
2.2.4- Electrophorèse en gel de polyacrylamide en présence de
SDS (PAGE-SDS)
Les produits et le matériel proviennent de chez BIO-RAD. La
composition des gels est la suivante :
2.2.4.1- Gel de séparation
15 % d’acrylamide ; 0,14 % de bis-acrylamide ; tampon Tris-HCl
0,36 M pH 8,8 ; 35 % de glycérol ; 0,1 % de SDS ; 0,02 % de
persulfate d’ammonium et 0,15 % TEMED. Une goutte de
bleu de Bromophénol, utilisé comme marqueur de migration,
est ajoutée au gel.
2.2.4.2- Gel de concentration
3,5 % d’acrylamide ; 0,09 % de bis-acrylamide ; tampon
Tris-HCl 0,125 M pH 6,8 ; 0,1 % de SDS ; 0,02 % de persulfate
d’ammonium et 0,15 % TEMED.
Le tampon de migration est composé de tris 25 mM, de glycine
0,19 M et de SDS à 0,1 %. Le pH est amené à 8,8. Après une
migration de 6 heures environ, sous une tension constante de
90 V et à la température ambiante, les gels sont colorés avec du
bleu de Coomassie.
Des protéines standards de 7,2 à 208 kDa sont utilisées comme
marqueurs de poids moléculaire (PM).
2.2.5- Immunoblotting
30
Après l’électrophorèse, les protéines sont transférées du gel vers
une membrane de difluorure de polyvinylidène comme cela est
décrit par RESTANI et al. (9).
T
G
G seul PM
Figure 2- SDS-PAGE (A) et Immunoblottings (B, C, D) après concentration
des protéines du vin rouge Grenache non traité T et traité avec
du gluten hydrolysé G.
Les immunoblots sont obtenus après incubation de la membrane :
- avec des anticorps animaux anti-gliadine (B),
- avec des anticorps IgA humains provenant de malades
coeliaques (C),
- avec des anticorps IgE humains provenant de patients
allergiques (D),
PM : Marqueurs de poids moléculaire.
Plusieurs types de vins rouges ont été analysés par PAGE-SDS. La
figure 2 (A-D) représente les résultats obtenus sur le vin 2002 issu
du cépage Grenache. Pour amplifier l’immunoréactivité des
protéines végétales éventuellement présentes, les protéines des
vins sont concentrées 100 fois par précipitation au TCA. Les
résultats PAGE-SDS des vins concentrés montrent qu’il ne reste
aucun résidu protéique (bande “G” de la figure 2A). Les résultats
de l’immunoblotting (bandes “G” des figures 2B, 2C et 2D)
indiquent qu’aucune réaction significative due à la présence du
gluten n’est détectée dans les vins traités au gluten alors qu’une
importante réaction spécifique est observée avec le gluten
déposé sur le gel comme standard (bandes “G seul” des figures
Revue Française d’Œnologie - septembre/octobre 2003 - N° 202
2B, 2C, 2D). Les résultats sont négatifs avec les anticorps animaux
(anti-gliadines du commerce, bande “G” de la figure 2B) et avec
les anticorps humains (IgA du sérum des coeliaques, bande “G”
de la figure 2C et IgE du sérum des allergiques, bande “G” de la
figure 2D).
Les mêmes résultats ont été trouvés avec tous les vins rouges testés
dans cette étude.
2.3.1.2- Vins blancs
Comme pour les vins rouges, les résultats obtenus avec tous les
vins ne sont pas présentés. La figure 3 (A-D) concerne le
Riesling. La figure 3A montre l’absence de résidus de gluten des
vins traités avec le gluten seul (G) ou en présence de bentonite
(GB), de gel de silice (GSi) ou de tanin (GT) et concentrés 100 fois.
Après ajout des anticorps animaux anti-gliadine (figure 3B), des
anticorps humains des coeliaques (figure 3C) ou anticorps
humains des allergiques (figure 3D), aucune immunoréactivité
n’est détectée.
Pour confirmer ce résultat, de la farine de blé (FC) dépourvue
d’allergénicité et commercialisée pour la consommation des
gens souffrants de maladie coeliaque a été déposée sur le gel.
Elle correspond à la dernière bande de la figure 4. On note que
les vins traités au gluten réagissent à un degré nettement inférieur à celui de cette farine “non allergène”.
2.3.1.3- Moûts
L’exemple concerne un moût de Chardonnay et les résultats
sont présentés dans le tableau 1. Les traces de résidus protéiques
présentes dans le vin témoin, les vins traités avec le gluten en
présence de bentonite (GB) ou de gel de silice (Gsi) ou avec le
gel de silice seul (Si) sont non spécifiques du gluten car les réactions
avec les anticorps animaux anti-gliadines sont négatives, sauf
pour le témoin et le vin traité au gel de silice où l’on note une
immunoréactivité légèrement positive mais aspécifique.
Les anticorps humains n’ont pas été testés.
2.3.2- Pois et lupin
208
115
79,5
49,5
34,8
28,3
20,4
7,2
A
T G GB GSi GT PM G
B
Seuls les résultats obtenus sur vins rouges sont présentés
puisque le travail avec les vins blancs et les moûts est en cours.
A
B
T G GB GSi GT PM G
C
D
T
T G GB GSi GT PM G
T G GB GSi GT PM G
Figure 3- SDS-PAGE (A) et Immunoblotting (B, C, D) après concentration des protéines du vin blanc Riesling non traité T et traité
avec du gluten hydrolysé G en présence de bentonite GB, de
gel de silice GSi ou de tanin GT.
Les immunoblots sont obtenus après incubation de la membrane :
- avec des anticorps animaux anti-gliadine (A),
- avec des anticorps IgA humains provenant de malades
coeliaques (B),
- avec des anticorps IgE humains provenant de patients
allergiques (C).
PM : Marqueurs de poids moléculaire
Les mêmes résultats ont été obtenus avec les autres vins.
Cependant, avec le vin Pinot noir de Champagne (vinifié en
blanc), il a été remarqué une réaction légèrement positive au
niveau du vin traité avec le gluten (figure 4). Cette réaction n’est
pas significative car elle correspond à une bande qui a une
mobilité électrophorétique différente de celle du gluten.
P
P seul PM
T
L
L seul PM
Figure 5- Immunoblotting (A,B) après concentration des protéines du
vin rouge Grenache non traité T et traité avec du pois P (A) ou
du lupin L (B)
PM : Marqueurs de poids moléculaire
La figure 5 présente les immunoblots obtenus avec le vin
Grenache traité avec le pois P (figure 5A) et le lupin L (figure 5B).
Les réactions avec les anticorps anti-pois et anti-lupin sont
négatives et montrent que les vins ne sont pas allergènes. Les
autres vins rouges présentent les mêmes résultats.
2.4- Conclusions
Nous avons recherché dans des vins collés au gluten la présence
de protéines résiduelles immunoréactives à la gliadine ou aux
sérums de patients coeliaques ou allergiques.
La méthode utilisée, très sensible, est capable de détecter
des quantités de gluten inférieures à 1 ppm. Pour le Codex
Alimentarius, un produit “gluten free” ne doit pas contenir plus
de 20 ppm (10).
Les résultats montrent qu’il n’y a pas de résidus gluten dans les
vins rouges. Sur les vins blancs et les moûts, on note quelques
réactions aspécifiques en présence ou non d’adjuvants de collage.
Cependant, les protéines présentes sur le gel ne sont pas réactives
aux anticorps provenant des individus allergiques.
Cette étude permet de conclure que les sujets souffrant de la
maladie coeliaque ou d’allergie peuvent consommer des vins
collés avec du gluten sans aucun risque.
Les vins rouges traités avec du pois et du lupin ne présentent
aucune immunoréactivité.
T
G
GB
Vins
GSi
GT
PM
G
FC
Protéines seules
Figure 4- Immunoblotting après PAGE-SDS des protéines du vin blanc
Pinot noir non traité T et traité avec du gluten hydrolysé G en
présence de bentonite GB, de gel de silice GSi ou de tanin GT.
L’immunoblot est obtenu après incubation de la membrane
avec des anticorps IgA humains provenant de malades
coeliaques.
PM : Marqueurs de poids moléculaire
FC : Farine pour coeliaques
Des vins traités à des doses œnologiques (10 à 20 g/hl) plus proches de la réalité ont également été analysés. Les conclusions
restent similaires.
CONCLUSION
L’autorisation de l’utilisation des protéines végétales pour le
collage des boissons dépend des résultats de l’étude de l’allergénicité. L’analyse immunospécifique et très sensible,
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conduite sur 200 échantillons de vins traités à la dose maximale de 50 g/hl avec du gluten, du pois ou du lupin, révèle
l’absence de résidus et l’absence d’immunoréactivité.
L’étude sur les vins blancs et les moûts traités avec du pois
et du lupin est en cours.
L’utilisation de sérums provenant de patients souffrant de
maladie coeliaque ou d’allergie démontre clairement que le
gluten utilisé comme agent de collage des vins n’est pas
antigénique après mise en contact avec le vin et ne présente
donc pas de risque d’allergie.
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