l`adhérence à la mémoire collective : francois mitterrand et la

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l`adhérence à la mémoire collective : francois mitterrand et la
Nicolas VINCI
Histoire et mémoire individuelle : le « moi » dans le récit historique => exposé.
Vendredi, 3 novembre 2006
L’ADHÉRENCE À LA MÉMOIRE COLLECTIVE :
FRANCOIS MITTERRAND ET LA MÉMOIRE DE VICHY
P
ar sa carrière politique, François Mitterrand a profondément marqué les esprits. Après
des débuts comme militant dans des ligues d’extrême-droite sous la Troisième
République, François Mitterrand grimpe successivement les marches du pouvoir et,
sous la Quatrième République, prend place à des postes à haute responsabilité comme le Ministère de
la Justice dans le Gouvernement de Guy Mollet (1956-57). Par ailleurs, il s’est engagé dans un
important virage au centre-gauche dès 1946 lorsque, député de la Nièvre, il a adhéré à l’UDSR1 dont il
devint vite l’un des chefs. L’aboutissement de cette nouvelle orientation politique est 1981, date à
laquelle François Mitterrand se pose en rassembleur de toute la gauche, ce qui lui permet d’accéder à
la magistrature suprême sous la Cinquième République. Il conserve sa place durant deux septennats
avant de s’éteindre en 1996. À la tête de l’État, François Mitterrand n’est pas à l’abri des conflits de
mémoire qui agitent la France depuis la Seconde Guerre Mondiale et le soutien de certaines
personnalités au Gouvernement de Vichy. Nombre de ses détracteurs lui firent remarquer que son
engagement dans la Résistance n’a pris effet qu’en 1943, après un passage accepté dans
l’administration de Vichy qu’il a rejoint après s’être évadé de son camp de prisonniers – il avait été fait
prisonnier de guerre en 1940. Par ailleurs, François Mitterrand a entretenu des liens obscurs avec le
Maréchal Pétain, des mains de qui il a obtenu la Francisque, décoration accordée par le chef de l’État
Français après qu’un « parrain » en ai fait la demande et que le bénéficiaire prête serment. Autrement
dit, François Mitterrand n’aurait pas été immédiatement Résistant et aurait contribué à la collaboration
vichyste par sa participation consentie aux « affaires de Vichy ». Pourtant, François Mitterrand n’a pas
tout de suite évoqué son passé à Vichy. Il aura fallu attendre la fin de son second septennat pour que le
Président fasse le jour sur son passé, qu’il a dissimulé, modifié, au gré de ses différents ouvrages
autobiographiques. Ainsi, en 1994, François Mitterrand se livre à une discussion télévisée avec JeanPierre Elkabbach au cours de laquelle il tente de s’expliquer sur son passé. Il est alors beaucoup plus
nuancé et avoue qu’il n’a pas toujours été résistant. Néanmoins, durant l’entretien, il qualifie Vichy de
« pétaudière » c’est-à-dire « un lieu où règnent la confusion et le désordre, où chacun agit à sa
guise »2. Cette formule provoque l’indignation de l’opinion publique qui n’adhère pas à cette prise de
position du Président de la République. En outre, François Mitterrand étant chef de l’État, il engage
d’une certaine façon la responsabilité de la France dans son discours et le point de vue qu’il propose va
à l’encontre de l’histoire vécue jusqu’à présent comme légitime d’une France résistante et restée
républicaine en dépit des événements vichystes. François Mitterrand propose alors un mélange entre
République et France de Vichy qui le contraint à ne plus évoquer son passé sur la période de Vichy,
faute de quoi il choquerait les Français comme il l’a fait en employant l’expression « pétaudière ».
Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi. En effet, François Mitterrand s’est toujours attaché à faire
coïncider ses récits de guerre avec une mémoire collective dominante, qu’elle concerne la France
entière ou au moins une grande partie des Français. Dès lors, il y a lieu de s’interroger sur ce qui a fait
que François Mitterrand ait pu employer de tels mots pour décrire Vichy ? Plus prosaïquement,
pourquoi n’a-t-il jamais révélé la vérité avant la fin de son second septennat ? Quelles étaient ses
motivations ? Enfin, comment s’y est-il pris ? Quelles ont été les constances, les divergences, dans ces
récits successifs ? Nous tenterons d’apporter des éléments de réponse à ces quelques questions en
suivant la progression des versions qu’a données François Mitterrand. Celle-ci s’effectue en trois
temps. Tout d’abord, dans l’immédiat après-guerre et ce jusqu’à la fin de la Quatrième République,
François Mitterrand s’est présenté comme un résistant de la mouvance gaulliste. Ensuite, du début de
la Cinquième République aux alentours de 1986, François Mitterrand a fait de lui un résistant anti-
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UDSR : Union Démocratique et Socialiste de la Résistance.
Le Petit Larousse Illustré.
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gaulliste. Enfin, de 1986 à la fin de sa vie, François Mitterrand a peu à peu avoué le caractère véritable
de ses activités durant la Seconde Guerre Mondiale, c’est-à-dire un pétainiste devenu résistant.
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*
L
’immédiat après-guerre est une période déterminante : c’est l’heure des bilans, des
règlements de comptes aussi. Chacun tente de se reconstruire après des années
sombres où les actions qui ont été entreprises ne rendent pas nécessairement fier de soi.
C’est à cette époque que François Mitterrand a imposé comme image de lui pendant le second conflit
mondial celle d’un résistant gaulliste de la première heure. Pourquoi ? Comment s’y est-il pris ? Quelle
évocation fait-il de son passage à Vichy ?
À vrai dire, François Mitterrand est assez discret sur ses activités au cours de la Seconde
Guerre Mondiale. Il n’en parle que peu et évoque encore moins son passé à Vichy. Par ailleurs, il ne
rédige pas, à cette époque, de récit autobiographique qui pourrait permettre d’en savoir plus. En fait, les
rares fois où il est amené à parler de cette période de sa vie sont celles où il est interpellé par des
membres de l’Assemblée Nationale. La question qui revient le plus souvent est de savoir pourquoi il a
reçu et accepté la Francisque. En effet, cette décoration est décernée par le Maréchal Pétain à
quiconque s’est soumis à des conditions assez précises qui sont reprises par Pierre Péan3 : « a) avant
la guerre, avoir pratiqué une action politique nationale et sociale conforme aux principes de la
Révolution Nationale b) manifester depuis la guerre un attachement actif à l’œuvre et à la personne du
Maréchal c) avoir de brillants états de services militaires ou civiques». En clair, accepter la Francisque,
c’est accepter l’État Français, i.e. Vichy, et les actions du Maréchal Pétain. En outre, « toute demande
d’attribution doit être signée par le candidat et présentée par deux parrains »4. Autrement dit,
l’attribution de la Francisque revêt un caractère actif de la part de celui qui la reçoit5. Néanmoins, il a été
montré par la suite que cette décoration n’était pas toujours délivrée dans des conditions aussi strictes.
Quoi qu’il en soit, la Francisque de François Mitterrand a fait beaucoup parler d’elle, au point qu’il fut
difficile pour lui de la passer sous silence. Entre autres interpellations, nous pouvons citer les
communistes dès avril 1945 ou, plus tard, un député gaulliste qui demanda des explications à François
Mitterrand en 1954. Au cours de la première période que nous avons distinguée, i.e. de 1945 à 1958, la
réponse de François Mitterrand a toujours été la même : « la Francisque, mais c’est faux ! ». C’est une
véritable négation de son passé à Vichy qui sert de fil directeur à la mémoire qu’il veut diffuser de sa
guerre. François Mitterrand se veut avant tout un résistant gaulliste, un républicain à part entière, y
compris pendant l’Occupation. Mais ce discours est-il aussi strict qu’il n’y paraît ?
La réponse est non. En effet, en 1945, François Mitterrand adhère peu ou prou au modèle
républicain. C’est une nouveauté dans la vie de celui qui est issu d’un milieu catholique, bourgeois et de
droite. Chez les Mitterrand, le patriotisme était une religion et on n’hésitait pas à s’approcher de la
pensée de Barrès. En outre, le jeune François Mitterrand a fait, comme précisé en introduction, ses
premières armes dans les ligues d’extrême-droite qui ont tant fait parler d’elles au moment de
l’avènement du Front Populaire, dans les années 1930 et qui, surtout, étaient très présentes dans le
Quartier Latin de Paris où François Mitterrand faisait son droit. François Mitterrand adhère alors à une
des branches des Croix de Feu, ligue qui peut être perçue comme contre-révolutionnaire, à idéologie
plutôt autoritaire. D’ailleurs, en 1939, François Mitterrand avait été en Belgique, rendre visite au Comte
3
PÉAN (Pierre), Une jeunesse française, François Mitterrand 1934-1947, Paris : Fayard, 1994, p.287.
Ibid.
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Diffusion d’un extrait de document vidéo sur la Francisque et François Mitterrand.
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de Paris, prétendant au trône de France exilé. Dès lors, l’adhésion à la République n’allait pas de soi
pour lui. Pourtant, il veut absolument se glisser dans le moule du résistant gaulliste resté républicain.
Son discours s’en ressent. En effet, à plusieurs reprises, François Mitterrand critique les dirigeants de la
Troisième République qui n’ont pas su réagir face à la Seconde Guerre Mondiale. En outre, il est très
critique contre le jury du procès du Maréchal Pétain. Néanmoins, en trois textes consacrés au procès,
seules quatre lignes sont dévouées à la personne de Pétain. De plus, il arrive à François Mitterrand de
faire l’éloge de la République (lors d’une conférence en 1948, par exemple). Enfin, il n’hésite pas à
déclamer les mérites du Général De Gaulle qu’il ne considère pas comme un rival, celui-ci s’étant retiré
de la vie publique peu avant la proclamation de la Quatrième République. Aussi y’a-t-il de nombreuses
raisons de penser que l’adhésion au régime républicain de François Mitterrand est incertaine quand
bien même l’image qu’il tente de donner de lui est celle d’un vrai républicain. Mais quelles sont au juste
les motivations de François Mitterrand ? Pourquoi ne donne-t-il pas un récit sincère de ce qu’il a fait et
été entre 1939 et 1945 ?
À vrai dire, l’immédiat après-guerre n’est pas la période à laquelle il s’agit d’avouer
l’appartenance et l’adhésion, directe ou indirecte, au régime de Vichy. Tout d’abord, parce qu’a lieu
l’épuration d’après-guerre, qu’elle soit sauvage ou non. Ensuite, parce que la raison d’État l’emporte
dans les esprits de bon nombre d’hommes ayant des responsabilités politiques. Or, la raison d’État à la
fin de la guerre, c’est d’éviter une guerre civile, de règlements de compte, entre les Français. Par
conséquent, il faut « écrire » l’histoire, quitte à la revoir par la suite. Et cette histoire, c’est le Général De
Gaulle qui se charge de l’écrire. C’est celle d’une France restée républicaine durant l’Occupation, celle
de la non-reconnaissance de « l’État français », celle, enfin, de la Résistance. L’idée d’une France
totalement résistante à l’occupant allemand est vite élevée au rang de mythe national. Ce mythe a ses
vecteurs, tel Jean Moulin, torturé après avoir été trahi, et un certain consensus national règne autour de
lui. François Mitterrand n’a donc aucune raison d’aller contre d’autant plus qu’il a été amené à prendre
d’importantes responsabilités au moment de la réunion de tous les groupes résistants de l’intérieur et
de l’extérieur. En outre, le Général De Gaulle lui a confié dès mai 1944 un poste qui lui confère en
quelque sorte le statut de Ministre : François Mitterrand est nommé Secrétaire Général provisoire pour
les prisonniers, déportés et réfugiés, en attendant le retour du Gouvernement d’Alger. Dès lors, il dut se
fondre dans le mythe de la France résistante et adhérer à la mémoire collective nationale, voulue par le
Général De Gaulle. François Mitterrand maintint sa version des faits durant toute la Quatrième
République. Les choses changèrent au moment où le Général De Gaulle fut rappelé pour diriger la
France. François Mitterrand rompt vite avec son rival et ses récits de la Seconde Guerre Mondiale.
Quelle nouvelle orientation choisit-il ? Pourquoi ?
E
n 1958, la Quatrième République se meurt et l’on fait appel à l’homme providentiel, celui de
l’appel du 18 juin 1940 et de la Libération, pour permettre à la France de se relever et, entre
autres, de sortir de la crise coloniale. Cet homme, c’est le Général De Gaulle. François
Mitterrand trouve alors en l’homme de la future Cinquième République son plus grand rival. La rupture
est vite consommée et pour des raisons simples : François Mitterrand n’accepte pas la Constitution que
le Général De Gaulle veut donner à la France mais aussi les attaques que réitère en permanence le
Général sur une Quatrième République qu’il n’a jamais aimée. Or, François Mitterrand est un homme
de la Quatrième République. Il a été présent dans de nombreux gouvernements et à des postes
importants – Justice, Intérieur… - , ce qui fait que si quelqu’un critique le bilan des actions politiques
entreprises durant cette période, il critique aussi François Mitterrand. Il n’en faut pas plus à François
Mitterrand pour devenir le principal opposant au Général De Gaulle et au nouveau régime. L’opposition
est systématique. D’ailleurs, François Mitterrand aime à rappeler qu’il « [est resté] vingt-trois ans dans
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l’opposition avant d’occuper de hautes fonctions sous la Cinquième République »6 Ainsi, il critique tout
et se hisse à la tête de la résistance à la Cinquième République, si l’on peut se permettre une telle
expression. En 1958, la Constitution. En 1962, le passage au suffrage universel direct pour l’élection du
Président de la République. En 1965, il contraint le Général De Gaulle à un second tour, scénario que
personne n’envisageait tant le fondateur de la Cinquième République faisait l’unanimité. En 1968, il
épouse la cause socialiste, hostile à tout ce qui s’est passé depuis 1958. En 1971, il devient le leader
du Parti Socialiste. Bref, François Mitterrand est un opposant actif qui, sans être au pouvoir, parvient à
laisser son empreinte dans l’histoire des vingt premières années de la Cinquième République. Il tente
de dépasser en légitimité le Général De Gaulle sur tous les sujets, y compris celui de la Seconde
Guerre Mondiale. François Mitterrand veut se créer une légitimité-propre sur la Résistance, légitimité
appelée à dépasser celle du Général De Gaulle. Comment s’y prend-il ?
En fait, François Mitterrand adopte ce que l’on pourrait appeler une nouvelle politique de
mémoire individuelle qu’il va mener de 1958 à la fin des années 1980 environ. Tout d’abord, il fait le
choix de devenir un Résistant non-gaulliste, ce qui est une première rupture d’avec ses précédentes
interventions. Il n’hésite pas non plus à bien faire la différence entre Résistance Intérieure et Résistance
Extérieure. Nul n’est besoin de préciser qu’il magnifie la Résistance Intérieure, beaucoup plus périlleuse
selon lui, au détriment de la Résistance Extérieure qui permettait notamment d’éviter de se faire
capturer par l’ennemi allemand. En outre, il se fait passer par quelqu’un dont l’engagement à gauche
n’est pas nouveau mais acquis puisqu’il a commencé avant le Front Populaire, c’est-à-dire avant qu’il
n’ait vingt ans. La seule constance dans le récit est la négation du passé vichyste qui n’est d’ailleurs
que peu évoqué au cours de cette période. François Mitterrand explique qu’après s’être évadé du
Stalag7 en 1942, il est naturellement devenu Résistant : « Rentré en France, je devins résistant, sans
problème déchirant »8. Cette citation permet, en outre, de mettre en exergue une nouvelle pratique à
laquelle se livre François Mitterrand au cours de la construction de cette deuxième mémoire de sa
guerre : la rédaction de livres à caractère autobiographique. Auparavant, si François Mitterrand
évoquait la Seconde Guerre Mondiale et ses activités au cours de celle-ci, c’est parce qu’il était appelé
à se justifier, comme pour la Francisque par exemple. Désormais, dans sa volonté de se construire une
légitimité-propre face au Général De Gaulle, il n’hésite plus à se livrer directement dans des ouvrages
qui, d’ailleurs, lui permettent de vivement critiquer son rival. Ainsi, dans Le Coup d’État permanent9, il
se présente comme un défendeur de la liberté tout en faisant du Général un dictateur, usurpateur du
pouvoir politique qu’il s’est octroyé et qu’il pratique égoïstement. Le livre acquiert un grand succès un
an après sa sortie au moment où François Mitterrand accède au second tout de l’élection présidentielle
de 1965. La nouvelle orientation qu’a prise François Mitterrand dans l’expression de sa mémoire
semble donc être bien accueillie. Mais cette nouvelle orientation coïncide-t-elle encore avec la mémoire
collective du moment ?
Pour apporter une réponse claire à cette question, il faut en fait prendre le temps d’affiner la
définition de mémoire collective. En effet, une mémoire, pour qu’elle soit collective, doit rassembler. Elle
n’est pas nécessairement l’agrégation de toutes les mémoires individuelles, mais elle doit faire l’objet
d’un consensus. Il s’agit pour elle d’être acceptée d’un groupe conséquent de personnes. Dès lors, elle
peut faire autorité. Or, cette mémoire de la Résistance non-gaulliste, fait-elle autorité en France de 1958
à la fin des années 1980 ? À vrai dire, non. Durant toute la présidence du Général De Gaulle, la
mémoire collective du moment est celle du consensus autour de la Résistance. La Résistance est
6
Il le dit, entre autres, lors de son entretien télévisé du 12 septembre 1994 avec Jean-Pierre Elkabbach.
Dans l’Allemagne nazie, camp pour prisonniers de guerre. François Mitterrand a effectivement été interné dans un Stalag
en Thuringe duquel il est parvenu à s’échapper après deux tentatives d’évasion ratées et une troisième couronnée de
succès.
8
MITTERRAND (François), Ma part de vérité, Paris : Fayard, 1969, p. 20.
9
MITTERRAND (François), Le Coup d’État permanent, Paris : Plon, 1964.
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unifiée à l’intérieur par Jean Moulin et à l’extérieur par le Général De Gaulle, tous deux travaillant de
concert. D’ailleurs, le transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon et l’oraison funèbre d’André
Malraux du 19 décembre 1964 sont autant d’occasions de raviver le mythe unanimiste de la France
Résistante. Après la mort du Général De Gaulle, la mémoire nationale évolue mais pas dans le sens de
celle de François Mitterrand. En effet, les Français découvrent peu à peu ce que fut vraiment la France
sous l’Occupation, notamment grâce à une abondante production culturelle. À titre d’exemples, on peut
citer La France de Vichy de l’étasunien Paxton qui, en 1973, est la première étude historique
concernant la Collaboration ou des films comme Le Chagrin et la Pitié de Marc Ophuls (1971) qui met
en lumière la vie des Français sous l’Occupation et montre que tous n’ont pas résisté. Mais dans ce
cas, pourquoi François Mitterrand persiste-t-il à dire qu’il a été Résistant et pourquoi n’avoue-t-il pas
être passé par Vichy ? En fait, c’est parce que son choix est politique. Il se veut rassembleur de la
gauche anti-gaulliste. Dès lors, le récit de sa mémoire sert surtout à écorner l’image du Général De
Gaulle ce qui permet à François Mitterrand de se faire passer pour quelqu’un d’important au cours des
événements ainsi qu’il le fait entendre dans Ma part de vérité :
« Le Général De Gaulle me reçut [à Alger]. Ses premiers mots furent pour s’étonner de mon
transport par avion anglais. (…) Le reste de l’entretien fut aimable. Néanmoins, comme j’hésitais à
accepter de fondre en une seule formation et sous l’autorité d’un de ses neveux, ainsi qu’il me
l’ordonnait, les trois organisations de prisonniers de guerre qui militaient dans la Résistance, il me
donna congé froidement. J’eus par la suite de la peine à regagner la France. Je dus organiser moimême mon retour en Angleterre d’où je partis fin février 1944. »10
Dans cet extrait, qui évoque la première rencontre entre François Mitterrand et le Général De
Gaulle fin 1943, François Mitterrand donne du Général une image hautaine et froide. Ce récit contredit
ce qu’il avait écrit en 1945 :
« Je pus lui apporter le témoignage de reconnaissance des centaines de milliers d’hommes
dont il incarnait l’espoir. À l’issue de notre entretien, j’avais acquis la certitude que notre cause était
comprise. »11
Ces deux récits contradictoires montrent bien qu’il s’agit surtout, de 1958 à la fin des années
1980, pour François Mitterrand, d’entacher la réputation du Général. Le récit ne change désormais plus
avant la première cohabitation car même si François Mitterrand a conquis le pouvoir après vingt-trois
ans d’opposition, il compte tout de même conserver cette présentation des faits. Pourtant, après 1986, il
change à nouveau sa version des faits. Que dit-il ? Pourquoi ?
L
e second septennat de François Mitterrand est un moment propice aux confessions. En
effet, maintenant qu’il a atteint la magistrature suprême et qu’il y a confirmé sa place,
François Mitterrand n’est plus dans la même logique que lorsqu’il était dans l’opposition.
Aussi n’a-t-il plus besoin d’adhérer précisément à cette « mémoire-politique » qu’il avait construite en
opposition au Général De Gaulle. Dès lors, il tente de se réconcilier avec lui-même et d’avouer ou, au
début, de faire sentir aux Français qu’il n’a pas toujours été Résistant. Pour ce faire, il accumule les
symboles. L’année 1992 est, à ce titre, un bon exemple. François Mitterrand, alors chef de l’État, décide
de commémorer, le 16 juillet, le cinquantenaire de la rafle du Vel’ d’Hiv’. C’est la première fois depuis la
guerre que la Présidence de la République prend part à un tel événement. Le Président est alors incité
par la communauté juive à affirmer : « la reconnaissance officielle des persécutions et des crimes de
10
11
MITTERRAND (François), Ma part de vérité, Paris : Fayard, 1969, p. 21.
Cité par Pierre Péan, op. cit., p. 361.
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Vichy contre les Juifs »12. François Mitterrand refuse. S’ensuit une cérémonie mouvementée, au cours
de laquelle certaines personnes dans la foule scandent le slogan « Mitterrand à Vichy ». Par ailleurs,
1992 est aussi l’année au cours de laquelle éclate le scandale de la décoration de la tombe du
Maréchal Pétain. Serge Klarsfeld fait diffuser par l’AFP13 un faux communiqué de la Présidence de la
République dans lequel est précisé que François Mitterrand ne fleurirait pas la tombe du Maréchal
Pétain, contrairement à l’usage institué par le Général De Gaulle et perpétué par Georges Pompidou à
l’occasion de la commémoration de la Bataille de Verdun. François Mitterrand s’offusque de la
manœuvre mais ne veut pas donner raison à Serge Klarsfeld car il veut continuer à fleurir la tombe du
Maréchal vainqueur de Verdun. Il trouve alors un stratagème qui ne laisse personne indifférent : il
décide de faire fleurir la tombe de tous les Maréchaux de la Grande Guerre, y compris celle de Pétain.
Peu à peu, François Mitterrand introduit Vichy dans le débat public. Pour autant, lors d’une série
d’entretiens en 1993, il persiste dans le récit de la guerre qu’il a livré jusqu’à présent. Qu’essaye-t-il de
faire en agissant ainsi ? Quelle est la motivation qui l’incite à ne pas revenir sur ses récits précédents
mais à lancer des signaux à l’opinion publique sur Vichy ?
À la vérité, il semble que François Mitterrand ait voulu suivre le tournant qu’a pris l’opinion
publique au cours de ces vingt dernières années et qui consiste à être beaucoup plus nuancé sur la
période de l’Occupation. À mesure qu’ont progressé les études historiques les Français ont
progressivement pris conscience de la complexité de ce que fut l’Occupation. Petit à petit, la mémoire
nationale s’est construite autour d’un consensus acceptant la pluralité des réactions face à l’Occupation
et au Régime de Vichy. Oui, il y eut des Résistants. Il y eut aussi des Collaborateurs. Mais il y eut aussi
des « neutres » ou des cas plus ambigus comme Maurice Papon ou, justement, François Mitterrand.
Dès lors, ce dernier a compris qu’il pouvait s’exprimer sur son passé réel ou, au moins, lancer des
signaux dans ce sens sans pour autant compromettre l’opinion qu’aurait de lui la Nation. Cette nouvelle
et dernière orientation de François Mitterrand dans ses récits donne lieu à un nouveau glissement dans
l’adhésion à la mémoire collective. À nouveau, la mémoire véhiculée par François Mitterrand est celle
de la France et des Français et non plus celle de la seule gauche anti-gaulliste. La mémoire individuelle
du Président adhère à la mémoire collective de la majorité des Français et François Mitterrand devient
en quelque sorte le garant de ce consensus autour de la question de Vichy. Cependant, on l’a vu, cela
n’empêche pas les anicroches comme lors de la commémoration de la rafle du Vel’ d’Hiv’. Le problème
est que certaines personnes trouvent inadmissible le mélange République/ Vichy que François
Mitterrand tente de diffuser. Quoi qu’il en soit, ces objections ne le font pas trébucher et il parvient à
maintenir le consensus jusqu’en septembre 1994. À cette date, il le détruit par ses propres soins.
Comment ? Était-ce volontaire ?
La scène se passe à l’Élysée le 12 septembre 1994 au soir. François Mitterrand reçoit JeanPierre Elkabbach pour faire un bilan sur sa maladie mais aussi son passé, notamment à Vichy. Le
journaliste pose des questions très ciblées mais avec tact. L’entretien est cordial. François Mitterrand y
explique qu’il a effectivement été à Vichy après son évasion du Stalag mais se défend cependant
d’avoir participé à des actes xénophobes dans sa jeunesse. Le souci vient, comme présenté en
introduction, de la définition qu’a donnée le Président du Régime de Vichy : « une pétaudière »14. Cette
remarque intervient à la trentième minute d’un entretien qui en dure une heure trente. Le Président aura
aussi expliqué qu’il « ne savai[t] rien des lois antijuives ». En outre, il aura tenté de démontrer que pour
beaucoup de Français le Général De Gaulle et le Maréchal Pétain étaient porteurs du même
programme patriotique. En clair, François Mitterrand, sous prétexte de garantir le consensus national
autour de la mémoire de la Seconde Guerre Mondiale, semble avoir voulu se blanchir. Les réactions
12
Cité par Georges-Marc Benamou dans « Jeune homme, vous ne savez pas de quoi vous parlez. », Paris : Plon, 2001, p.
25.
13
AFP : Agence France-Presse.
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Diffusion d’un extrait de l’entretien télévisé à la conférence.
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sont sans appel dès le lendemain15. Les commentateurs et l’opinion publique sont choqués par de tels
propos. La rupture entre François Mitterrand et la Nation sur les questions de mémoire est consommée.
C’est la première fois depuis la guerre que son discours n’adhère plus à aucune mémoire collective. Ce
faux-pas contraint alors le Président de ne plus se prononcer sur la période sous peine de mettre le feu
aux poudres. Il faut attendre sa mort pour voir ressurgir dans l’espace public sa vision des faits dans
une autobiographie posthume. Il s’agit de ses Mémoires interrompus, dans lesquels, par le biais
d’entretiens avec Georges-Marc Benamou, il donne une version des faits qui correspond un peu plus à
la réalité. Il se présente comme le produit de son milieu, un « patriote naïf ayant des réflexes ».
Néanmoins, il y salue l’œuvre du Général De Gaulle. Par ailleurs, il ne nie pas l’existence de son passé
vichyste mais s’exempt de toute faute car il s’est engagé dans la Résistance après son départ de Vichy
et car, même à Vichy, il se serait livré à des activités de Résistance en fournissant de faux-papiers à
des prisonniers fugitifs. En fait, il allie dans ce livre les deux façons de voir la France sous l’Occupation :
tantôt résister à l’envahisseur allemand en suivant le Général De Gaulle, tantôt se réfugier derrière le
Maréchal Pétain. D’une certaine façon, cet ouvrage posthume adhère à nouveau à la mémoire
collective.
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our conclure, retenons l’essentiel. François Mitterrand a fait évoluer sa mémoire
individuelle au gré de ses prises de position politiques d’une part, mais aussi de
l’évolution de la mémoire collective nationale de l’autre. Ainsi, il est toujours parvenu à
se rapprocher de ce que pensaient les Français ou au moins une partie d’entre eux dans la seconde
période que nous avons distinguée. Cette méthode a des objectifs et des motivations diverses, toujours
selon les périodes : s’inscrire dans un consensus national au début, accentuer son caractère
d’opposant à un régime et à son fondateur ensuite. La mémoire ici est politique. Elle doit permettre de
mener un chef de file à la victoire électorale et permettre de briser l’hégémonie du gaullisme. Pour
autant, nous l’avons vu, l’exploitation d’une « mémoire-politique » n’est pas infaillible, ainsi qu’il en a été
en 1994, temps de la déconnexion totale. Cela ne signifie pas pour autant que François Mitterrand
n’avait plus de motivations sous-jacentes. Peut-être étaient-elles morales – le désir de dire la vérité –
ou, plus simplement, personnelles – volonté de faire un bilan au soir de sa vie. Quoi qu’il en soit, le
« cas » François Mitterrand a le mérite de soulever quelques grands enjeux de la mémoire et de ses
liens avec l’Histoire comme par exemple la nécessité qu’a l’Histoire de faire constater, avec un œil
distant, la vérité là où la mémoire permet de faire des impasses parfois nécessaires au bien de la
collectivité tout entière. Cependant, cet idéal de bien-commun à protéger n’est peut-être plus le même
au moment où François Mitterrand use de sa mémoire à des fins plus personnelles, notamment celle
d’apparaître comme un leader incontesté dont la légitimité est plus forte que celle du Général De Gaulle
sur les questions de Résistance. Dès lors, ce n’est plus à l’Histoire de juger mais à l’Éthique.
15
Cf. les articles dans la presse du lendemain de l’entretien, notamment dans Le Monde daté du 14 septembre 1994.
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Nicolas VINCI
Histoire et mémoire individuelle : le « moi » dans le récit historique => exposé.
Vendredi, 3 novembre 2006
BIBLIOGRAPHIE, PRINCIPALES SOURCES EXPLOITÉES
Ouvrages de François Mitterrand
1. MITTERRAND (François), Le Coup d’État Permanent, Paris : Plon, 1964.
2. MITTERRAND (François), Ma part de vérité, Paris : Fayard, 1969.
3. MITTERRAND (François), Mémoires interrompus, Paris : Odile Jacob, 1996.
Ouvrages d’analyse
4. BENAMOU (Georges-Marc), « Jeune homme, vous ne savez pas de quoi vous parlez. »,
Paris : Plon, 2001
5. PÉAN (Pierre), Une jeunesse française, François Mitterrand, 1934-1947, Paris : Fayard, 1994.
6. ROUSSO (Henri), Le syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, Paris : Seuil, 1987.
Revues spécialisées et presse
7. ANDRIEU (Claire), “Managing Memory: National and Personal Identity at Stake in the
Mitterrand Affair”, French Politics and Society, Spring 1996, Vol. 14, Number 2.
8. Le Monde du 13 septembre 1994 daté du 14 septembre 1994.
Documents d’accompagnement :
1. Document vidéo (extrait) sur François Mitterrand, passage sur la Francisque.
2. La première rencontre avec le Général De Gaulle en deux versions :
1945 :
« Je pus lui apporter le témoignage de reconnaissance des centaines de milliers d’hommes dont il
incarnait l’espoir. À l’issue de notre entretien, j’avais acquis la certitude que notre cause était
comprise. »16
1969 :
« Le Général De Gaulle me reçut [à Alger]. Ses premiers mots furent pour s’étonner de mon
transport par avion anglais. (…) Le reste de l’entretien fut aimable. Néanmoins, comme j’hésitais à
accepter de fondre en une seule formation et sous l’autorité d’un de ses neveux, ainsi qu’il me
l’ordonnait, les trois organisations de prisonniers de guerre qui militaient dans la Résistance, il me
donna congé froidement. J’eus par la suite de la peine à regagner la France. Je dus organiser moimême mon retour en Angleterre d’où je partis fin février 1944. »17
16
17
Cité par Pierre Péan, op. cit., p. 361.
MITTERRAND (François), Ma part de vérité, Paris : Fayard, 1969, p. 21.
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3. Document vidéo (extrait) : entretien télévisé du 12 septembre 1994 entre François Mitterrand et
Jean-Pierre Elkabbach, passage de la définition de Vichy comme « pétaudière ».
4. Les réactions de la presse face à l’entretien du 12 septembre 1994, article du journal Le Monde
du 13 septembre 1994, daté du 14 septembre 1994 :
L'ENTRETIEN TÉLÉVISÉ DE M. MITTERRAND DANS LA
PRESSE
Article paru dans l'édition du 14.09.94
Le Figaro (Franz-Olivier Giesbert) : " Tous les courtisans de M. Mitterrand, ou presque, se sont mis aux
abonnés absents. (...) Aujourd'hui, ses thuriféraires d'hier spéculent sur sa maladie tout en lui trouvant
toutes sortes de turpitudes. Il faut les comprendre. Les soleils couchants ont toujours moins de charmes
que les soleils levants. Comme dit le sage, " quand le chêne est tombé, chacun se fait bûcheron ".
Libération (Gérard Dupuy) : " Mitterrand aura-t-il convaincu de sa bonne foi ? Prises une à une, ses
explications paraîtront plausibles à ceux qui l'aiment bien et insuffisantes aux autres. (...) Au terme de
son explication médiatique, le côté clair du personnage mitterrandien, la vulgate de son trajet humaniste
aura pris du relief _ et le poids d'une conviction certaine. La part d'ombre du même restera un mystère
et une interrogation. "
Le Parisien (Fabien Roland-Lévy) : " Il y avait certes quelque chose de pathétique dans ce face-à-face
où un chef malade, au soir de sa carrière et de sa vie, est contraint de justifier pied à pied son parcours.
Mais comment ses détracteurs n'ont-ils pas été frustrés par ses explications ? (...) Edouard Balladur
avait jugé le régime de Vichy " intrinsèquement mauvais ". François Mitterrand a préféré la formule plus
ambigüe d'" essentiellement condamnable ". Un jugement qui ressemble à son auteur. "
L'Humanité (Claude Cabanes) : " La stupeur de tous ceux qui avaient tant espéré en 1981 doit être ce
matin aussi grande. François Mitterrand, après tant d'échecs quant à la vie des hommes dans notre
société, leur livre une conception de l'action politique et de l'exercice du pouvoir où, comme dans la
nuit, tous les chats sont gris : la Résistance et la collaboration, la gauche et la droite, l'idéal et la
résignation. "
RTL (Philippe Alexandre) : " Au début de 1942, François Mitterrand a vingt-cinq ans passés et, sauf à
être un garçon ignare, borné, monstrueusement indifférent, il n'est pas possible qu'il n'ait rien vu. Un
enfant de dix ans _ c'était mon âge en 1942 _ n'ignorait pas, comme il prétend l'avoir ignoré, qu'il
existait des lois antijuives : le gouvernement de Pétain inondait de sa propagande les moindres écoles.
(...) Cette réconciliation [souhaitée par M. Mitterrand] ne peut pas s'accomplir par le blanchiment du
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régime de Vichy, par l'oubli des patriotes qui ont maintenu l'honneur, par la banalisation de notre
histoire. "
France-Inter (Pierre Le Marc) : " Tout cela justifie-t-il son indifférence, sa cécité devant le scandale des
lois antijuives, sa longue complaisance à l'égard d'un homme, René Bousquet, certes officiellement
blanchi par la justice mais dont les responsabilités ne pouvaient pas ne pas soulever le doute, tout cela
explique-t-il qu'il ne voit encore dans Vichy que le crime d'une minorité ? L'Histoire jugera ce déficit de
clarté, cette part d'ombre qu'il n'a pas dissipée et qui lui garde cette complexité sans laquelle il ne serait
pas lui-même. "
Europe 1 (Claude Imbert) : " Si l'opinion a brisé les cadenas de sa propre mémoire, c'est parce qu'elle
songe à liquider une certaine manière de gouverner à quoi elle a longtemps consenti, parce qu'elle
découvre que si l'on ne fait pas de la politique avec la seule morale, on ne peut pas non plus, en terre
démocratique, s'en passer à ce point. "
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