Journalistes et publics, l`annonce d`un mariage de raison

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Journalistes et publics, l`annonce d`un mariage de raison
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Journalistes et publics, l’annonce d’un mariage de
raison
Annelise Touboul
Communication & langages / Volume 2010 / Issue 165 / September 2010, pp 19 - 30
DOI: 10.4074/S0336150010013037, Published online: 15 October 2010
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Annelise Touboul (2010). Journalistes et publics, l’annonce d’un mariage de raison.
Communication & langages, 2010, pp 19-30 doi:10.4074/S0336150010013037
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Journalistes et publics,
l’annonce d’un
mariage de raison
JOURNALISTES ET CITOYENS : QUI PARLE ?
ANNELISE TOUBOUL
Quinze ans après les premiers balbutiements de la
presse en ligne, on ne compte plus le nombre
d’articles sur le journalisme citoyen, sur l’intrusion de
l’expression « profane » au sein des espaces médiatiques.
Qu’il s’agisse de dénoncer un leurre, un dispositif
contraignant1 ou bien d’annoncer une révolution sans
précédent2 , les analyses s’intéressent au phénomène en
tant que révélateur d’importantes mutations sociales.
Par-delà les incertitudes qui règnent encore au sujet
de « l’introuvable modèle socio-économique du Web
collaboratif »3 , ce qui nous intéresse dans le cadre de cette
étude concerne plutôt les tensions à l’œuvre entre ceux
qui ont traditionnellement le pouvoir de faire entendre
leur voix dans les médias et les citoyens « sans qualité ».
Nous faisons d’emblée le choix d’une terminologie qui
s’inscrit dans la lutte et la polémique car la question du
langage se conjugue inévitablement avec celle du pouvoir
et interroge aussi celle de la représentation.
La dénonciation du monopole ou du filtrage excessif
exercé par les journalistes dans l’accès à l’espace
médiatique, les débats récurrents qui agitent la société
autour de la légitimité des professionnels des médias à
mettre en scène l’information et imposer un agenda,
On présente souvent la participation
des internautes au sein des sites
d’informations comme une intrusion
qui dérange les journalistes soucieux
de conserver le contrôle du territoire
éditorial. Mais qu’en pensent les
dirigeants des entreprises médiatiques ?
À partir d’une analyse de discours, cette
étude montre comment le phénomène de
la participation est intégré aux stratégies
marketing et contribue à redéfinir la
fonction des journalistes au sein des
médias en ligne.
Mots clés : journalisme citoyen, web 2.0,
stratégie marketing, management
1. Croissant, Valérie, Touboul, Annelise, 2009, « Discours journalistique et parole ordinaire : analyse d’un rendez-vous manqué »,
Communication & langages, 159, pp. 67-75.
2. Rosnay, Joël (de), 2006, La révolte du pronétariat, Fayard.
3. Bouquillion, Philippe, Matthews, Jacob T., 2010, Le web collaboratif,
PUG, pp. 17-26.
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l’engouement pour les blogs et toutes les formes d’auto-publication s’inscrivent
d’ailleurs dans ce que Daniel Bougnoux nomme la crise de la représentation4 .
Selon l’auteur, cette crise est celle du rejet de la distance qu’implique la scène,
rejet aussi du code et de la coupure sémiotique à l’heure où, notamment dans la
communication, dominent l’urgence, la proximité et les affects.
La lutte pour se faire entendre dans l’espace public dépasse le contexte actuel
de développement de l’Internet et de ce qu’il est désormais convenu d’appeler
le Web 2.0. Ainsi, en 1968, Michel de Certeau tente de dresser un bilan des
événements du mois de mai de la même année5 . Il considère le fait de s’exprimer
dans l’espace public alors qu’on n’a pas d’autorité ou de légitimité à le faire comme
un symptôme, un « accident » qui, quand il se généralise, quand il prend de
l’ampleur, questionne le système. Pour de Certeau, la prise de parole des citoyens
au sein de l’espace public met les autorités face à un dilemme essentiel : soit le
pouvoir se définit sur la base d’une élaboration politique et culturelle commune et
élabore un nouveau contrat social, soit on assiste à la reprise en main par les tenants
du pouvoir avec pour conséquence l’exil ou l’intégration, c’est-à-dire l’absorption
dans le système.
Plutôt que d’envisager le phénomène de la participation citoyenne à
l’information à l’aune de sa capacité à renverser le système médiatique traditionnel
que certains annoncent comme la fin des médias de masse6 , l’approche que
nous privilégions dans ce travail est de considérer que nous sommes face à une
manifestation de la dispersion journalistique au sens où l’entendent Roselyne
Ringoot et Jean-Michel Utard, en référence à Michel Foucault7 . Cette notion
de dispersion permet d’envisager le journalisme comme une pratique discursive
dynamique et surtout hétérogène sans pour autant gommer les tensions, les
négociations qui se jouent en permanence pour la définition des normes et
frontières professionnelles. Cette perspective a par ailleurs l’avantage de nous
préserver de la tentation de l’emphase et du radicalisme ; elle nous évite de tomber
dans le piège de la référence facile aux notions de rupture et de révolution.
Pour aborder la question de la place prise par l’expression des gens ordinaires
au sein des médias de masse, nous avons fait le choix de décentrer le regard pour
nous intéresser à la production discursive de dirigeants d’entreprises médiatiques.
Il s’agit de cadres qui exercent leur fonction au sein de services multimédias
de grands groupes de communication ou bien d’entreprises considérées comme
innovantes au moment où les interviews ont été réalisées. Ce travail a donc
pour objectif l’étude des discours managériaux concernant la participation des
citoyens à la production médiatique de façon à en comprendre les enjeux pour les
dirigeants par-delà les slogans promotionnels et convenus. Le corpus est constitué
4. Bougnoux, Daniel, 2007, La crise de la représentation, La Découverte.
5. Certeau, Michel (de), 1968, La prise de parole. Pour une nouvelle culture, Desclée de Brouwer.
L’ouvrage est un recueil de trois articles rédigés immédiatement après les événements de mai 1968.
6. Soccavo, Lorenzo, 2002, « La fin des mass media », http://www.acrimed.org/article762.html, consulté
le 10 juin 2010.
7. Ringoot, Roselyne, Utard, Jean-Michel, 2005, « Genres journalistiques et “dispersion” du
journalisme », Le journalisme en invention, PUR, pp. 21-47.
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d’une quinzaine d’interviews réalisées par la revue professionnelle Techniques de
Presse8 dans le cadre d’un dossier sur le journalisme citoyen9 . Cette publication
s’adresse essentiellement aux responsables marketing d’entreprises médiatiques.
Les professionnels interrogés le sont en leur qualité d’acteurs d’une situation qu’ils
vivent et pratiquent au quotidien mais qu’ils ont autorité à analyser du fait de leur
responsabilité en termes d’encadrement et de pilotage stratégique. Leur discours,
évidemment auto-promotionnel, se construit sur une réflexivité, à partir d’une
posture reconnue et légitime : celle du praticien dont l’expérience constitue le
fondement de toute analyse.
Par-delà le simple changement d’angle sur la question de la participation,
ce corpus sur lequel nous avons choisi de travailler présente plusieurs intérêts.
En premier lieu, malgré la diversité des énonciateurs, il constitue un discours
relativement homogène. Nous le considérons comme une énonciation éditoriale
digne d’intérêt, un discours construit par la mise à disposition de témoignages
variés, rassemblés dans les pages de la revue10 . En second lieu, il s’agit d’une
publication qui jouit d’une autorité importante dans le milieu de la presse,
autorité qui prend appui non seulement sur la notoriété de la revue (que l’on
pourrait qualifier de marque ou de label) mais aussi sur des choix stratégiques
identifiables. En effet, l’entreprise éditrice diffuse par le biais de ses publications
un travail de veille internationale que ne pourraient se permettre de nombreuses
entreprises de presse. Le fait que les entretiens aient été réalisés auprès de dirigeants
du monde entier11 constitue donc une norme, une marque de fabrique de la
revue. Dans le même temps, cette dernière affiche aussi sa capacité à contacter
des spécialistes haut placés dans la hiérarchie des entreprises de presse et à les
transformer en collaborateurs occasionnels de la publication. Elle manifeste de la
sorte sa proximité avec des acteurs décisifs, des hommes de terrain qui occupent
des positions stratégiques, ce qui justifie généralement l’intérêt que lui portent les
entreprises qui souscrivent des abonnements.
Enfin, ce dossier constitue un espace de discours particulier car les propos
collectés sont destinés à un cœur de cible, un « entre soi » professionnel.
L’expression y est donc largement décomplexée par l’absence de diffusion vers
le grand public ou même vers les journalistes, car le lectorat de la publication se
trouve du côté des services marketing et non des salles de rédaction. Par voie de
conséquence, la tonalité des discours est plus proche du management que d’une
8. C’est l’organisation professionnelle IFRA qui publie cette revue. Depuis le printemps 2009, la WAN
(World Association of Newspapers) et l’IFRA se sont rapprochées et sont désormais associées pour
en assurer la publication. La revue est uniquement vendue sur abonnement. Certains contenus sont
consultables en ligne à l’adresse : http://www.ifra.net/microsites/wan-ifra-magazine
9. http://www.iframagazine.com/website/ntwebsite.nsf/id/MIMPAL-74LADF?OpenDocument&0&F&
10. Comme le rappelle fréquemment Emmanuël Souchier, l’énonciation éditoriale est polyphonique.
Dans la même perspective, Maurice Mouillaud écrit que le nom du journal est une signature, le titre
de tous les titres : « en lui, l’ensemble des titres trouvent une unité ». Mouillaud, Maurice, Tétu, JeanFrançois, 1989, Le journal quotidien, PUL, p. 105.
11. Si la majorité des personnes interrogées travaille aux États-Unis d’Amérique, l’Europe figure en
bonne place avec des représentants de groupes de médias anglais, italiens et suédois. Le Japon, l’Inde et
Singapour sont aussi représentés.
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JOURNALISTES ET CITOYENS : QUI PARLE ?
réflexion sur le journalisme en général, mais elle est révélatrice des mutations à
l’œuvre dans cet univers professionnel. Notre étude croise d’ailleurs les résultats
du travail de Marie Brandewinder12 sur les consultants spécialistes des médias
dont elle questionne le rôle d’importateurs de références, de croyances et de
logiques avant tout commerciales au sein des entreprises de presse. La culture
professionnelle particulière au sein de laquelle se construisent et se diffusent ces
discours génère des prises de positions conformes aux normes en vigueur dans ce
type d’univers : volontarisme affirmé, priorité aux considérations pratiques ainsi
qu’aux dimensions économiques et financières, valorisation des expériences et des
parcours des locuteurs, recherche de modèles, abondance de préconisations, etc.
Le dossier date de l’été 2007. Ni tout à fait d’actualité, ni tout à fait dépassées, ces
interviews nous intéressent tout particulièrement du fait du léger recul que nous
autorisent les quelques années qui nous séparent de la publication. Cette courte
distance nous permet de mettre ces discours en perspective. Ces derniers présentent
l’intérêt de s’inscrire parfaitement dans le schéma proposé par Patrice Flichy
concernant les imaginaires qui accompagnent l’innovation technique lorsque, à
la suite de phases d’expérimentations, les acteurs construisent une « idéologie
masque » puis une « idéologie légitimante.13 »
De fait, notre étude a consisté en un travail d’analyse de discours à la recherche
des stratégies à l’œuvre à partir de l’identification des thématiques privilégiées. Si
le postulat de départ des personnes interrogées est l’affirmation que les médias
n’ont pas le choix, nous avons repéré différents registres discursifs que nous avons
considérés comme autant d’étapes et de modalités de l’argumentation. Par-delà
l’habileté rhétorique des locuteurs, nous posons comme hypothèse principale que
les personnes interrogées présentent un discours qui constitue un aveu de faiblesse
plutôt que l’affirmation d’une domination stratégique. . . Cependant, même si
les propos tenus ne sont que des discours d’accompagnement, ils répondent à
des visées performatives en termes de management. Derrière les inquiétudes, les
menaces ou les injonctions, la promotion de l’expression profane au sein des
espaces de publications médiatiques apparaît in fine comme l’occasion de redéfinir
la fonction professionnelle des journalistes.
LE TEMPS DE LA DÉNONCIATION DU CONSERVATISME ET DE L’ARROGANCE
Cette première étape constitue la phase classique de bilan ou de diagnostic pendant
laquelle les énonciateurs vont exposer leur analyse de la situation. Cette phase du
discours permet de construire une base commune à partir de laquelle il sera ensuite
possible d’avancer diverses préconisations.
Si quelques rares expériences menées par des journaux sont régulièrement
citées en exemple14 , la plupart des experts interrogés considère que les entreprises
12. Brandewinder, Marie, 2009, Le journalisme et les consultants : le conseil médias dans les entreprises de
presse, thèse de doctorat, dir. Erik Neveu et Gérard Mauger, IEP de Rennes, 29 juin 2009.
13. Flichy, Patrice, 2001, « La place de l’imaginaire dans l’action technique. Le cas de l’internet »,
Réseaux, 109, pp. 51-73.
14. Plusieurs experts font référence au site web du journal californien Bakersfield, et au wiki amplifySD
proposé par le site SignonSanDiego du journal San Diego Union Tribune. Ces offres n’ont plus rien
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médiatiques manquent d’ambition, de dynamisme et que les journalistes sont
réticents à tout changement. Dans le même temps, les dirigeants s’octroient une
position légitime en structurant leurs propos sur une opposition duelle entre le
« nous » de ceux qui innovent, qui prennent la mesure des bouleversements en
cours et un « eux » qui désigne tous ceux qui sont en retard, les frileux, les has
been. . . Parfois, pour atténuer un propos particulièrement virulent, le locuteur
s’inclut de façon solidaire. Ainsi, Jim Chilsom15 commence sa critique avec
cette interpellation : « Continuerons-nous à stagner dans l’arrogance de nos vies
antérieures ? »16 Ce dernier poursuit son discours en rappelant tous les rendez-vous
ratés par la presse imprimée, régulièrement devancée par les autres médias pourtant moins bien placés au départ. Il affirme que les journaux se sont fait doubler par
la télévision et ne sont plus en position de définir l’agenda des nouvelles, qu’ils ont
perdu le premier rôle concernant les annonces classées au profit des magazines, des
journaux gratuits et des sites web spécialisés. De façon quasi unanime les experts
du dossier s’accordent à penser que la presse et plus généralement les grands
médias sont à la traîne simplement parce qu’ils refusent de descendre de leur
piédestal.
Les discours pointent du doigt les principaux responsables de l’immobilisme :
les journalistes ou parfois de façon plus prudente et distanciée parce
qu’apparemment désincarnée : « le journalisme ». Ainsi, l’arrogance, la certitude
de faire partie d’une catégorie supérieure de la population viennent fréquemment
qualifier les journalistes professionnels dans les propos des managers. Robert
Cauthorn17 affirme par exemple que « le journalisme s’est malheureusement
beaucoup éloigné de son audience. [. . .] Le journalisme contemporain a la
démarche suivante : « Nous parlons, vous écoutez. »18 Dans la même veine Feargall
Kenny19 soutient que « le journalisme traditionnel est une sorte de clique, un club
très fermé »20 .
Distants, arrogants, fermés et méprisants, les journalistes sont aussi vus comme
des acteurs sociaux manquant de curiosité, de dynamisme et ne parvenant pas à
¯ d’innovant en 2010 ; AmplifySD par exemple n’apparaît qu’à travers quelques comptes peu
populaires sur les réseaux sociaux Facebook, MySpace et Twitter.
15. Jim Chilson se présente en tant que directeur associé de iMedia Advisory Services, filiale IFRA de
consulting et conseil en solutions innovantes pour l’industrie de presse.
16. http://www.iframagazine.com/website/ntwebsite.nsf/0/EF246401A7FD6B3AC125730800284C00?
OpenDocument&1&F&MIMPAL-74LADF (consulté le 10 juin 2010)
17. Robert Cauthorn est interviewé en tant que président et directeur de City Tools USA qui est une
plateforme de journalisme citoyen et un réseau d’agences de fournitures de contenus citoyens pour les
journaux.
18. http://www.iframagazine.com/website/ntwebsite.nsf/0/BD7ED9170EE55DFDC125730800280025?
OpenDocument&1&F&MIMPAL-74LADF (consulté le 10 juin 2010)
19. Feargall Kenny est PDG de l’agence de contenus citoyens, Citizen Image.
20. http://www.iframagazine.com/website/ntwebsite.nsf/0/CFA8FE1D73886D1AC12573150044025F?
OpenDocument&1&F&MIMPAL-74LADF (consulté le 10 juin 2010)
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se défaire de la culture professionnelle de l’imprimé. Rob Montgomery21 affirme
que « la courbe d’apprentissage pour les journalistes de l’imprimé qui passent
au numérique est longue. Le plus grand problème, ce sont les directeurs de la
rédaction et les rédacteurs en chef qui doivent apprendre à concilier la dynamique
culturelle avec les habitudes de production d’un mass media traditionnel. »22
Derrière cette apparente compréhension des difficultés que rencontrent les
professionnels de l’imprimé, s’exprime une critique essentielle, reprise par d’autres
dirigeants : les journalistes et plus spécifiquement ceux qui occupent des positions
dominantes au sein des entreprises de presse sont généralement ignorants des
mutations culturelles actuelles et manifestent beaucoup de réticences a priori
vis-à-vis des dispositifs participatifs. Cette posture dénoncée comme un manque
d’ouverture d’esprit et de capacité d’adaptation constitue bien entendu un défaut
majeur dans un monde où la flexibilité et la volonté d’aller de l’avant demeurent
des maîtres mots.
Habile dans l’art de la rhétorique, Steve Yelvington23 reconnaît lui aussi qu’il
faut faire face à un changement culturel profond. Il donne à ses propos les
apparences d’une autocritique en s’identifiant aux journalistes dont il fait pourtant
une violente critique. Usant du début à la fin de son interview du pronom
personnel « nous » qui l’inclut dans le groupe professionnel des journalistes,
ce dirigeant conclut son propos de la sorte : « Nous devons tous descendre de
ce piédestal sur lequel nous nous sommes placés pour nous mêler à la foule.
L’arrogance est la gangrène du journalisme professionnel et nous devons la
stopper. »24 Cette phrase constitue tout à la fois un diagnostic et une injonction
à l’action d’une grande violence. Si l’on considère que la gangrène est une forme
de dégénérescence d’une partie d’un corps susceptible de s’étendre et d’entraîner
la mort, processus face auquel il n’existe d’autre remède que l’amputation. . .
le propos s’apparente de fait à une forme de menace relativement explicite à
l’encontre des journalistes.
LE TEMPS DES MENACES : S’ADAPTER OU MOURIR
Cette phase se présente comme le prolongement « naturel » de la précédente.
En effet, après avoir proposé un état des lieux en identifiant les problèmes et les
responsables, il convient d’évaluer la gravité de la situation, ses conséquences. . .
21. À la date de publication du dossier, Rob Montgomery est le fondateur et directeur de l’entreprise
Visual Editors qui est une plateforme pour la construction de réseaux et de blogs sur le journalisme
d’image.
22. http://www.iframagazine.com/website/ntwebsite.nsf/0/C36A99525037AE8CC1257314004AD4AC?
OpenDocument&1&F&MIMPAL-74LADF (consulté le 10 juin 2010)
23. Steve Yelvington intervient en tant que vice-président pour la stratégie et les contenus au sein
de Morris Digital Works. Le service est en charge du développement et de la fourniture de produits
multimédias pour les publications du groupe Morris qui compte plusieurs quotidiens régionaux,
des hebdomadaires, des journaux gratuits et des stations de radios majoritairement aux États-Unis
d’Amérique.
24. http://www.iframagazine.com/website/ntwebsite.nsf/0/4FEBF2A77E9B0448C125731400471254?
OpenDocument&1&F&MIMPAL-74LADF (consulté le 10 juin 2010)
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Une fois encore, le discours se construit à partir d’une idée qui se présente
comme une évidence partagée : le développement de la participation sur le web
n’est pas une tendance passagère mais bien une évolution sans retour en arrière
possible. Par conséquent, l’adaptation de l’offre des médias de masse est envisagée
comme une nécessité vitale et indiscutable. Le plus radical en la matière est Jim
Chilsom qui affirme que « si les journaux ne se décident pas à adopter, exploiter et
promouvoir ce nouveau concept d’interaction sociale, leurs produits seront morts.
Je dis bien MORTS. »25 La répétition de la mort annoncée des journaux en utilisant
des lettres capitales pour mettre en valeur le terme principal de la phrase démontre
à quel point, par-delà l’apparent effacement de la revue derrière les propos
des experts interrogés, se trouve une prise de position sans équivoque possible.
L’énonciation éditoriale à travers le choix de mise en forme typographique qui
construit une image du texte signifiante vient marquer et appuyer l’emphase du
propos.
Accueillir l’expression sans qualité des individus ordinaires ou mourir pourrait
apparaître comme une bien triste alternative. Mais le pessimisme et le défaitisme
n’ont pas lieu d’être dans ce type de revue professionnelle qui tire sa légitimité de
son positionnement de conseil auprès des entreprises. Il importe donc de contrer
le danger grâce à une stratégie qui transformera la menace en opportunité de
développement. . .
Pour Feargall Kenny, PDG de Citizen Image, « les médias traditionnels
s’adapteront. Ils savent que leur salut est sur le Web. . . »26 La notion de salut
est positive, même si la formulation souligne une fois encore combien les
médias traditionnels souffrent d’immobilisme alors même qu’ils ont identifié
la nécessité de la mutation sur Internet. D’une certaine façon, malgré leurs
auréoles d’acteurs avant-gardistes, ces dirigeants admettent assez facilement que les
pratiques sociales ont devancé la réflexion. L’analyse qu’ils proposent ne fait que
suivre et prendre appui sur des phénomènes qui se développent loin des entreprises
médiatiques. Ainsi, après qu’il a constaté la participation impressionnante des
citoyens au moment des attentats de Londres en 2005, Steve Yelvington préconise
un changement d’attitude vis-à-vis des contributeurs tout en ménageant la
susceptibilité des professionnels : « Nous devrions accueillir ce changement à
bras ouverts. Nous devrions célébrer leurs succès et corriger leurs erreurs. »27 Si
l’ouverture des médias à la participation des usagers est désormais la bienvenue, les
rapports de place ne doivent pas changer : aux citoyens l’expression foisonnante et
maladroite ; aux journalistes les missions d’encadrement.
LE TEMPS DE RASSURER, D’ENCOURAGER
Une fois le bilan dressé et le cap fixé, il convient de construire les conditions de
l’acceptation du changement par les acteurs concernés, même s’ils ne sont pas les
lecteurs principaux de la publication. Il s’agit dès lors de faire une présentation
25. Interview de Jim Chilsom, op. cit.
26. Interview de Feargall Kenny, op. cit.
27. Interview de Steve Yelvington, op. cit.
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JOURNALISTES ET CITOYENS : QUI PARLE ?
de la situation acceptable par les journalistes. La stratégie repose sur deux leviers
principaux : d’une part, la reconnaissance du professionnalisme des journalistes et
le discrédit concernant les contributions d’usagers, et d’autre part la valorisation
des fonctions d’encadrement, d’animation de l’expression ordinaire.
Ainsi, malgré les nombreuses critiques adressées aux journalistes, certaines
personnalités choisissent de réaffirmer leur attachement à la pratique sociale (le
journalisme), rappelant la qualification nécessaire de cette activité et la distinction
essentielle qu’il convient de maintenir entre le professionnel et l’amateur. Ce type
de discours masque le plus souvent des critiques tout aussi sévères que celles
énoncées précédemment, mais tente d’en atténuer la portée par le rappel de la
valeur du travail des journalistes en introduction ou en conclusion du propos.
C’est la stratégie adoptée par Steve Yelvington par exemple. Ainsi, ce dernier
reconnaît « le rôle constructif joué par le journalisme », mais critique le manque
de conscience que les acteurs ont de leur responsabilité sociale : « En général, nous
les journalistes [. . .] nous considérons généralement que notre travail se limite à la
simple “couverture de l’information” et nous ne pensons pas assez à l’impact que
nous avons sur notre communauté. »28 On voit bien ici comment le locuteur manie
habilement valorisation et dénigrement. Le journaliste fait figure de professionnel
qui se cantonne à un travail routinier, basique, focalisé sur l’information et
sans aucune réflexivité vis-à-vis de ses pratiques ou de son rôle social, pourtant
important. Tout en assénant des injonctions au changement, Steve Yelvington
prend la peine de préciser que le rapprochement avec le public ne signifie pas que
les frontières disparaissent : « Nous ne cherchons pas des journalistes citoyens qui
feraient le travail à notre place. »29
En complément de la valorisation du professionnalisme des journalistes, se
trouve mobilisé, comme une évidence, le discrédit des contributions anonymes. Si
on reconnaît facilement aux citoyens de faire preuve de motivation, voire d’une
énergie inépuisable dopée par un certain activisme, les contributeurs se voient
aussi taxés de maladresse, de superficialité. On leur reproche un penchant fâcheux
pour l’anecdote, pour des récits autocentrés et des propos déresponsabilisés du fait
de l’usage des pseudonymes. Il n’est dès lors pas étonnant que malgré l’existence
de quelques sites qui expérimentent un système de rétribution des contributeurs
les plus populaires, les dirigeants interrogés considèrent que les internautes ont
surtout besoin d’un espace d’exposition et de reconnaissance. En référence à
son expérience passée au sein de Bakersfield.com, Howard Owens30 affirme que
« les utilisateurs étaient surtout motivés par le désir d’être connectés – d’être
vus, entendus et reconnus »31 . Or, si le bénévolat peut être considéré comme
un investissement noble et généreux dans certains espaces sociaux, le principe
de la seule gratification symbolique paraît peu valorisant dans l’univers du
marketing des entreprises marchandes. Finalement, la qualité la plus importante
28. Ibid.
29. Ibid.
30. Howard Owen est interviewé en tant que directeur des activités Web à Gatehouse Media, Inc.
31. http://www.iframagazine.com/website/ntwebsite.nsf/0/69985417C88A2F76C12573150043C10D?
OpenDocument&1&F&MIMPAL-74LADF (consulté le 10 juin 2010)
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Journalistes et publics, l’annonce d’un mariage de raison
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des contributeurs est leur nombre et la dimension rapidement qualifiée de
communautaire de l’ensemble.
De fait, quelques interviews mettent aussi l’accent sur les aspects positifs du
développement de la participation des usagers. Même si certains se targuent
de « démocratiser les médias en supprimant les barrières autour de la
participation »32 , dans la sphère managériale ce type d’argument n’a que peu de
portée et le discours se place de préférence sur le terrain des avantages concrets à
tirer de la situation. Cette dernière est clairement présentée comme une aubaine
car elle fournit beaucoup de contenus, génère de l’audience, ce qui permet
d’augmenter les recettes publicitaires. De plus, ces contenus présentent l’avantage
d’être gratuits et de ne pas être considérés de la même manière que l’information
journalistique. En effet, si la production journalistique est évaluée à partir d’un
critère de vérité, l’expression des contributeurs semble reçue et appréciée pour son
authenticité. D’après les experts interrogés, l’intérêt majeur de l’authenticité est de
favoriser l’identification des usagers et leur fidélisation. L’opinion, le témoignage,
la subjectivité revendiquée, la dimension partisane ou anecdotique des propos
présentent l’intérêt de n’être pas soumis à des procédures de vérification. En termes
de gestion, s’il convient de s’assurer que les propos publiés ne risquent pas de
poser de problèmes juridiques à la revue, des formes légères d’autorégulation
(gratuites) semblent le plus souvent envisagées (sous la forme d’un signalement des
propos jugés abusifs ou problématiques par les internautes eux-mêmes). Derrière
les termes de « collaboration », de « possible symbiose, d’intérêts réciproques », on
retrouve bien le travail de construction idéologique d’un monde enchanté, ce que
Patrice Flichy nomme l’idéologie masque33 , puisqu’ici les discours omettent le plus
souvent de faire référence au lourd travail de modération engendré par l’ouverture
du territoire éditorial aux contributions des usagers.
LE TEMPS DES PRESCRIPTIONS MANAGÉRIALES
Dans la sphère managériale le temps de la réflexion et de l’analyse ne se justifie
que s’il donne lieu à des préconisations concrètes. C’est la phase opérationnelle
des discours d’expertise. Le propos devient prescriptif, appliqué, tourné vers la
question des moyens à mettre en œuvre.
Par-delà les sites de référence qui ont fait leurs preuves (comme Youtube,
FlickR, Facebook, MySpace), certaines expériences sont citées en exemple (les
personnalités interviewées étant souvent les pilotes de ces dispositifs) et les
enseignements à tirer des secteurs innovants forment l’essentiel des prescriptions.
Le discours est désormais normatif, fait d’injonctions en termes de moyens.
En premier lieu, la fascination exercée par les potentialités des dispositifs
techniques apparaît comme particulièrement prégnante dans les discours étudiés.
Le plus souvent, la technique constitue une clé de compréhension et d’explication
32. Propos tenus par Rachel Sterne, fondatrice et directrice de GroundReport.com, « média
participatif mais pas du journalisme », selon sa directrice. http://www.iframagazine.com/website/
ntwebsite.nsf/0/17EF43E4572AA8F9C125730F00574CE2?OpenDocument&1&F&MIMPAL-74LADF
(consulté le 10 juin 2010)
33. Flichy, Patrice, op. cit.
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JOURNALISTES ET CITOYENS : QUI PARLE ?
de la participation, elle est aussi le moyen de la développer, de l’encadrer et d’en
tirer habilement profit. Ainsi, l’explication de l’explosion des contributions se
trouve selon Howard Owens dans les millions d’usagers désormais en possession
d’un téléphone mobile équipé d’une fonction appareil photographique. Dans
un univers où la qualité de l’image importe moins que son exclusivité ou ce
qu’elle peut générer comme profit, c’est l’équipement qui conditionne tout, c’est
la possession de l’outil qui permet de se passer du professionnel. Le citoyen
devient une ressource précieuse pour des informations « primaires », des images
d’accidents ou d’événements qui viennent de se produire par exemple. Plus
largement, les experts interrogés ne voient que des avantages à recevoir et permettre
le partage d’images de nature privée comme le font avec succès certains réseaux
sociaux numériques.
Concernant la publication et la diffusion des contenus, la technique joue là
aussi un rôle majeur notamment du fait de sa gratuité. Les fonctionnalités des
applications logicielles ou des systèmes de gestion de contenus (CMS) utilisés par
les journaux sont présentées comme les garants du succès de l’offre à condition
de les utiliser habilement34 . Ainsi, pour Howard Owens, il faut placer les outils
au bon endroit si l’on veut espérer susciter des réactions. Il compare d’ailleurs
le territoire éditorial à une grande surface commerciale, les contributions à des
comportements impulsifs comme peut l’être un acte d’achat. Le positionnement
stratégique d’outils simples permettant à l’internaute de s’exprimer s’inscrit selon
lui dans la même logique que le marketing spatial des hypermarchés35 .
Les outils de production étant désormais mobiles et à la portée du plus grand
nombre et les outils de gestion éditoriale comme de publication étant le plus
souvent gratuits et en open source, les managers voient dans le développement
technique une opportunité à saisir. Le fait que les outils n’aient pas été conçus ou
développés pour les médias n’a aucune importance et la dimension structurante
des architextes est bien évidemment ignorée36 . Une seule règle semble de mise :
s’inscrire de façon pragmatique dans son époque, mobiliser intelligemment
les ressources surtout lorsqu’elles sont gratuites et ne pas s’embarrasser de
considérations philosophiques ou essentialistes sur le journalisme et ses missions.
La seconde préconisation touche à la gestion des ressources humaines. Dans
cette perspective le mot d’ordre est unanime : il faut former les journalistes et
surtout recruter des personnes jeunes, dynamiques, faisant preuve d’ouverture
d’esprit. Ainsi, pour certaines missions, « journalistes », « stagiaires » et
« volontaires » sont placés sur le même plan. Les compétences valorisées sont
éloignées de l’idéal professionnel de la fonction journalistique et il n’est que
rarement fait référence à une quelconque nécessité de formation (à l’exception
34. L’interview de Frederik Davidsson, consultant et associé chez Teknograd AS, est toute entière
consacrée à la questions des outils techniques à mettre en œuvre comme autant de solutions gratuites
et faciles d’utilisation à condition de s’inspirer des expériences déjà conduites sur les réseaux sociaux.
http://www.iframagazine.com/website/ntwebsite.nsf/0/CAA2465ED0F29E9AC125731500441A9D?
OpenDocument&1&F&MIMPAL-74LADF (consulté le 10 juin 2010)
35. Interview de Howard Owen, op. cit.
36. Jeanne-Perrier, Valérie, 2006, « Des outils d’écriture aux pouvoirs exorbitants ? », Réseaux, 137,
pp. 97-131.
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Journalistes et publics, l’annonce d’un mariage de raison
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de quelques savoir-faire techniques) : esprit d’initiative, innovation, curiosité,
ouverture culturelle, savoir faire relationnel semblent suffire pour définir le parfait
journaliste de demain. . . En effet, pour les managers, il faut que les mentalités
changent et que la rédaction s’implique dans les espaces participatifs. Le journaliste
doit devenir un animateur de la communauté. Il est issu de la communauté, il est
proche des gens, il provoque, stimule, anime les discussions.
Ces évolutions souhaitées ont une incidence sur la nature du média
d’information. Ainsi, la troisième préconisation invite le journal à se transformer
en une plateforme globale d’information et d’échange. Il s’agit de capter les
nouvelles tendances à la participation sans remettre en question les acquis ou
y renoncer. Pour les managers, l’information permet de maintenir un espace
labellisé mais ne doit à terme représenter que 20 % des contenus proposés. Il faut
donc étendre l’offre, proposer de nouveaux services autour de la participation.
Cependant, le lien entre l’espace dédié aux informations journalistiques et l’espace
du partage et des échanges communautaires reste flou et n’est jamais envisagé de
façon concrète.
Pour conclure cette étude, il semble bien que les évolutions de la fonction
journalistique imaginées par les dirigeants se combinent à une conservation du
pouvoir et une hiérarchie réaffirmées, même si ces dernières peuvent paraître
dérisoires.
Aux professionnels sont attribuées des compétences liées au travail, à
l’esprit d’analyse, aux capacités d’encadrement, alors que les contributeurs sont
essentiellement caractérisés par leur motivation et leur spontanéité. Il est d’ailleurs
rappelé à de multiples reprises que les contributions ne sont pas du journalisme.37
Quand les premiers travaillent, les autres se contentent de converser ou de s’exhiber
dans les espaces dits communautaires. . .
Malgré cette volonté de maintenir une forte distinction, les managers
projettent une image de la profession de journaliste et du média d’information
considérablement transformée : si le rôle des professionnels peut sembler dégradé,
les dirigeants tentent de valoriser les nouvelles missions d’animation et de
gestion qu’ils veulent leur confier. Dans cette perspective, le journal d’information
disparaît au profit d’une plateforme d’information et de communication globale au
sein de laquelle l’information ne représente plus qu’une part mineure des contenus.
Si l’information reste nécessaire, c’est simplement pour permettre à la marque
média de continuer à exister. C’est la participation qui fait principalement vivre
le site car peu coûteuse et supposée générer des recettes publicitaires.
À l’heure où s’expriment ces experts, alors même que leurs discours sont
présentés comme visionnaires, de nombreux médias disposent déjà de dispositifs
autorisant la participation des usagers. Au niveau stratégique, les discours tentent
finalement de coller aux pratiques existantes dans la société.
Au final, les discours qui s’autoproclament avant-gardistes ne sont en fait
qu’une tentative de récupération d’une situation qui dépasse la seule volonté des
acteurs interrogés. Ce qui se présente comme des stratégies n’est en réalité que
tactique pour garder la face et tenter de tirer profit d’une situation qui s’est d’ores
37. Voir notamment les interviews de S. Yelvington, R. Sterne, J. Chilsom, J. Lewis.
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JOURNALISTES ET CITOYENS : QUI PARLE ?
et déjà imposée dans nombre de journaux. À travers les discours managériaux qui
ont une visée clairement performative, nous pouvons lire la volonté d’attaquer
frontalement les frontières professionnelles et de préparer le changement dans
le sens d’un déplacement de la fonction journalistique vers celle de community
manager très en vogue à l’heure où nous écrivons ces lignes. Les écoles de
journalisme devront-elles désormais proposer des formations d’animation pour
assurer l’avenir de leurs étudiants ?
ANNELISE TOUBOUL
communication & langages – n◦ 165 – Septembre 2010