histoire d`arbres
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2008 Histoires d’arbres... Dossier nature Histoires d’arbres... par Blaise POUDRAS VivArmor travaille depuis maintenant plus d’un an à la réalisation d’un inventaire des arbres remarquables en Côtes d’Armor. Parmi les différentes espèces recensées, nous avons décidé de vous livrer les secrets des trois essences les plus représentées : - le chêne, - l’if, - le chataîgnier. 1) Le chêne : Il y a eu de tout temps une vénération de l'homme pour cet arbre : - Les Grecs le nommaient “drys”, l'arbre tout court, et le considéraient comme l'archétype de tous les autres. - Pour les Romains comme pour les Celtes, il était le plus sacré de tous les arbres, le support du ciel, l'axe du monde. Devant un tel arbre vénérable, on comprend, au travers de notre propre sentiment, ce qui a conduit les hommes à rendre un culte à cette essence. Des différentes espèces indigènes, nous n'allons rencontrer dans l’inventaire costarmoricain que des sujets de chêne pédonculé (Quercus robur L.). C’est également l’espèce dominante de nos bois. Et certaines futaies furent aménagées comme dans la forêt du Tronçais : la " futaie Colbert " sous Louis XIV pour les besoins de la marine. Il existe en France plusieurs espèces de chênes : - Quercus robur (chêne pédonculé) et Quercus petraea (chêne sessile ou rouvre) : la distinction entre ces deux espèces est récente (hybridation possible). - Quercus pubescens (chêne pubescent) au pied duquel on récolte la truffe noire dans le sud de la France. - Quercus toza (chêne tauzin) répandu dans les régions au climat océanique. - Quercus cerris (chêne chevelu) : essence d'Europe sud-orientale. - Quercus coccifera (chêne kermès) : arbre nain caractéristique de la garrigue. - Quercus ilex (chêne vert). 2 Dossier nature Glands “sessiles” de Quercus petraea Glands “pédonculés” de Quercus robur Un détour par l'étymologie. Robur signifie à l'origine roux et fait référence à son feuillage jaune orangé au printemps et roussâtre à l'automne. C'est dans un second temps, et à cause des qualités de cet arbre, que de robur a été décliné le qualificatif robustus qui a pris le sens de solide, robuste. Chêne dérive probablement de cassanos, le nom que portait l'arbre avant l'arrivée des Celtes en Gaule, on le retrouve dans le Monte Cassino en Italie, au sommet duquel s'élevait jadis un bois sacré. Il se peut aussi que le mot chêne soit né d'une contamination entre “cassanos” et “tann”, qui se prononçait “chann” et désignait le chêne en langue germanique plutôt que celtique. En ancien français on dit d'abord “chasne”, puis “chaisne”. En latin, Quercus voulait dire chêne en général. Mais les romains nommaient le chêne rouvre dédié à Jupiter aesculus sur le modèle d'aigilôps, le “chêne à glands comestibles” en grec. Des arbres sacrés... Les missionnaires chrétiens et les moines défricheurs abattirent dans un premier temps les arbres qui étaient préférés au dieu unique. Les cultes païens résistèrent et l'église dût se résoudre à christianiser, protéger et sanctifier nombre d'arbres vénérés, qui furent associés à la Vierge et aux saints (Cf Quessoy : Le Vieux SaintBlaise où la chapelle a disparu et où l'arbre perdure tant bien que mal). Des statues, des chapelles, des pélerinages furent mis en place. Rite païen à Langourla : les jeunes filles qui désiraient trouver un époux venaient s'y frotter, s'y " érusser " selon l'expression locale. Tronc du chêne de Langourla où les jeunes filles venaient se frotter pour trouver un époux 3 Dossier nature 2) L’if (Taxus baccata) : Etymologie : If vient du celte “ibor” qui a donné le breton “ivin” (Yvignac ?). En latin il se dit Taxus. Baccata qui veut dire fait avec des perles, ce qui fait référence aux fruits de l'arbre. Taxus veut dire aussi pique ou lance. Mais il n'y a pas de lien étymologique avec toxique bien que l'arbre le soit. Ses extraits servaient à empoisonner les flèches (alcaloïde très toxique : la taxine). Description : Cet arbre dépasse rarement 20 m, son écorce est brun-rouge. Dioïque, les sujets femelles produisent en octobre des fruits charnus et rouges, les arilles, qui constituent la seule partie comestible de l'arbre, la graine étant quant à elle extrêmement toxique. les sujets mâles produisent des nuages de pollen en février. L'espèce est répandue dans toute l'Europe mais aussi en Algérie et Fruits de l’if dans le nord de l'Iran. Sempervirent et à croissance lente, il semble immuable, ses aiguilles ne tombent d'ailleurs qu'au bout de huit ans. Utilisation : Son bois très dur et relativement imputrescible servait à la fabrication d'armes (arcs, arbalètes et flèches). Arbre vénéré de la Gaule, il était utilisé pour la fabrication d'objets culturels mais aussi dans l'art topiaire où il est sculpté pour obtenir des formes géométriques ou figuratives. Symbolique : L’if, symbole d'éternité (parce qu'il est toujours vert ?), a beaucoup été planté dans les cimetières comme protecteur des morts, et de fait s'est vu protégé par eux. L'if est également associé aux sépultures : en Bretagne et en Normandie, il était planté au centre des tombes. Les archéologues ont d'ailleurs trouvé des tombes anciennes parmi les racines des arbres. Une tradition celtique affirme que l'homme vit 81 ans et l'if 19683 ans soit 2187 fois la vie d'un homme et le tiers de la durée accordée au monde (59049 ans). If (Taxus baccata) dans le cimetière de Saint-Mayeux 4 Dossier nature 3) Le châtaignier (Castanea sativa) : Castanea vient du grec “kastanon”. Aire de répartition : sud de l'Europe, ouest de l'Asie, nord de l'Afrique. Il fut probablement introduit par les Romains. Il en existe une dizaine d’espèces. C’est un arbre de demi-lumière, strictement calcifuge (n'aime pas le calcaire). Il a une grande faculté à rejeter, d'où son utilisation en taillis avec recépage. Il peut se marcotter mais en revanche il ne drageonne pas ! Un même châtaignier peut produire deux types de fruits comestibles, si le fruit est cloisonné c'est une châtaigne, s'il ne l'est pas c'est un marron. Lorsqu'il est destiné à la production pour l'alimentation, il est greffé. Il sert également au bois de charpente. Châtaignes Des racines peuvent prendre naissance à la base des rejets de souche. Aussi peut-il devenir une colonie de sujets plus ou moins indépendants. C'est le cas du châtaignier des cents chevaux en Italie : en 1872, il faisait 56m de circonférence pour 20m de hauteur, et un âge estimé de 3000 ans. Au XVIe siècle il avait abrité sous sa frondaison géante Jeanne d'Aragon surprise par un orage avec sa suite de cent cavaliers. NB : Aesculus hippocastanum sera le nom de genre choisi par Linné pour désigner le marronnier d'Inde, cela signifie " châtaigne de cheval " car on en donnait aux sujets poussifs. Apparu en 1532 dans Pantagruel de Rabelais, “marron” a d'abord désigné une grosse châtaigne dans la région lyonnaise qui provient d'arbres cultivés, le mot s'emploie encore dans ce sens dans les “marrons glacés”. C'est Buffon, semble-t-il qui l'utilisa le premier pour désigner la couleur approchant celle des marrons. Le marronnier est introduit en France en provenance de Turquie en 1615. Inventaire des arbres remarquables des Côtes d’Armor : premier bilan Lors de ce travail d’inventaire, 347 arbres ont été recensés comme pouvant être potentiellement remarquables à l’échelle de la région Bretagne. Sur ce nombre, 267 arbres ont été visités et 186 ont fait l’objet d’une expertise, les 81 restants ayant été considérés comme ne portant aucun signe de remarquabilité. Vingt-cinq arbres n’ont pas été pris en considération, car leur description ne pouvait laisser supposer une quelconque remarquabilité. Enfin, des signalements (près de 50) arrivés au début de l’année 2008, feront prochainement l’objet d’expertises. Si vous êtes intéressé par cet inventaire, le premier volet est consultable au local de VivArmor. 5