Actes - XVIème Congrès de l`Amérique latine et de la Caraïbe de la

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Actes - XVIème Congrès de l`Amérique latine et de la Caraïbe de la
Sesiones para docentes
e investigadores de Francés
Lengua Extranjera
CONGRES REGIONAL DE LA COMMISSION
POUR L’AMERIQUE LATINE
ET LA CARAIBE (COPALC)
DE LA FEDERATION INTERNATIONALE
DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS (FIPF)
Heredia, du 3 au 7 février 2014
Actes du Congrès
FIPF
COORDINATEUR: Comité Organisateur
REVISION: Comité Organisateur
GRAPHISME: Mauricio Alvarez
Organisation du congrès
Fédération Internationale des Professeurs de français (FIPF)
Commission pour l'Amérique latine et la Caraïbe (COPALC)
Association costaricienne des professeurs de français (ACOPROF)
Institut français d'Amérique centrale (IFAC)
Ambassade de France au Costa Rica
Alliance française de San José
FIPF
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Ce congrès a été réalisé en partenariat avec
Le Ministère français des Affaires Etrangères et Européennes
Le Ministère de l'Education Publique
L'Université Nationale de Heredia (UNA)
L'Organisation Internationale de la Francophonie
L'Agence universitaire de la Francophonie
TV5 MONDE, Radio France Internationale (RFI)
L´institut Français, La Fondation Alliance Française
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Message du président de la FIPF
En français, naturellement…
Seize fois ! Oui, cela fait seize fois que les professeurs de français de l’Amérique latine et de la Caraïbe accourent de tous les points du continent et des îles pour
leur grande réunion professionnelle et amicale. Autant dire que ce rendez-vous des SEDIFRALE est maintenant une tradition bien établie dans le paysage francophone. Elle a d’ailleurs «fait des petits», comme on dit. C’est-à-dire qu’elle a donné de (bonnes) idées à toutes les autres commissions de la FIPF qui ressentent
elles aussi aujourd’hui le besoin de se réunir par région à date régulière. Cette convivialité que tous leur reconnaissent, les Américains latins et caribéens l’ont
en quelque sorte exportée sur tous les continents.
Car pour les professeurs de français, se rencontrer est nécessaire comme le sont les réunions de famille. C’est l’occasion de se voir, de s’écouter, de partager les
savoirs et les savoir-faire, les espoirs et bien sûr… les inquiétudes.
Elles ne manquent certes pas, en cette période économique incertaine et où les responsables à courte vue croient trop souvent que le B-A Ba de la politique
économique se résume à faire des économies. Sur l’éducation, sur les langues étrangères… Qui ne voit que ce sont pourtant des dépenses d’investissement,
non de fonctionnement? Et que la facture non seulement humaine mais même économique sera à terme plus lourde qu’il n’y parait.
D’autres l’ont compris. Car le français progresse ! Jamais il n’y a eu autant de francophones en Afrique (pour des raisons démographiques certes, mais aussi
culturelles et économiques aujourd’hui); la Chine et l’Inde voient aussi progresser fortement la demande d’enseignement du français et d’autres langues vivantes.
L’Amérique latine et la Caraïbe ont encore aujourd’hui une avance historique dans leur tradition d’enseignement du français. Notre congrès du Costa Rica va
montrer que cet avantage ne doit rien au hasard: c’est avant tout la compétence et l’enthousiasme des professeurs de français qui continuent et continueront à
attirer les familles pour parfaire l’éducation de leurs enfants.
Et à Heredia nous le montrerons… en français, naturellement!
Jean-Pierre Cuq
Président de la FIPF
Message de la Présidente de la COPALC
Au nom de la COPALC (Commission pour l’Amérique Latine et la Caraïbe), je vous souhaite la bienvenue, professeurs de français latino-américains. Vous avez compris que,
malgré la crise économique qui nous touche, il était nécessaire de participer aux SEDIFRALE.
Participer aux SEDIFRALE est devenu une nécessité et un plaisir. Nous y avons la possibilité de nous voir, de nous écouter, de partager nos expériences, nos inquiétudes…
Les SEDIFRALE ont donc réussi à être à l’heure actuelle une voie de communication par-dessus les frontières nationales.
Je voudrais souligner qu’elles ont été le premier congrès régional de la FIPF et que, dès 1979, lors des premières qui ont eu lieu à Mérida, au Mexique, elles se sont déroulées
depuis sans interruption, d’abord tous les deux ans, actuellement tous les quatre ans.
Je salue votre engagement et l’engagement de vos associations en faveur de l’enseignement du français malgré parfois des politiques éducatives nationales adverses.
J’aspire que vous aurez un excellent congrès plein de fructueux échanges!
Elda Dagnino
Présidente de la COPALC
Message de la présidente du Comité d'Organisation
C'est une occasion très spéciale pour nous, les enseignants de français costariciens de vous accueillir au Costa Rica dans le cadre des seizièmes SEDIFRALE
-Sesiones para Docentes e Investigadores de Francés Lengua Extranjera-. En effet, il y a 34 ans, certains d'entre nous, présents aujourd'hui, étaient déjà là,
réunis pour la deuxième édition des SEDIFRALE, que le Costa Rica avait accueillie. Ce congrès constitue le fil d'Ariane de notre histoire, et c'est pourquoi ce
jour-ci est très important, et c'est pourquoi je suis si heureuse et si émue de vous accueillir aujourd'hui.
Le temps s'écoule et l'enseignement de Français Langue Étrangère évolue, se transforme... Des exercices structuraux aux tâches interactives, des cours
contemplatifs de civilisation aux analyses profondes de l'interculturel. Faire le bilan de notre activité et de nos pratiques, et nous projetter, ensemble, vers de
nouveaux projets et de nouvelles étapes: nous avons besoin de tels moments.
Le temps passe aussi pour l'humanité et de nouveaux défis apparaissent, des cataclysmes se succèdent partout dans le monde et toute la planète est menacée.
C'est la responsabilité de tous et aussi la nôtre, les enseignants de français, de nous engager avec notre enseignement. Celui-ci ne peut pas se réduire à
l'enseignement du verbe être par coeur, il faut aller au delà, vers une écologie de l'enseignement qui nous mène à former des êtres humains profondément
engagés pour provoquer un vrai changement vers un avenir meilleur. L'enseignement des langues n'est pas une démarche technique et utilitariste, mais un
apprentissage qui engage la part d'humanité de l'être humain, ses valeurs, sa vision. C'est pourquoi nous avons choisi ce slogan: le français, naturellement.
Comme une évidence, comme une démarche globale, qui prend en compte notre environnement.
Le Costa Rica, dernier pays de l'Amérique Latine où le français reste obligatoire dans les programmes de l'éducation publique, vous accueille et vous offre
ces seizièmes SEDIFRALE pour que nous puissions nous rencontrer, renouveler nos idées et nos connaissances, et pour nous enrichir et proposer ce changement bio-pédagogique. Je fais le vœu que ces SEDIFRALE ouvrent un nouvel horizon au FLE au Costa Rica, en Amérique Latine et ailleurs
María Gabriela Núñez
Présidente d'ACOPROF
Président du Comité d'Organisation
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Comité organisateur du congrès
M. Jean Pierre Cuq (FIPF)
Mme. María Gabriela Núñez
M. Raymond Gevaert (FIPF)
Mme. Elda Dagnino
Mme. Fabienne Lallement
Mme. Eugenia Rodríguez
M. Ronald Ramírez
Président de la FIPF, Président du congrès
Présidente de l’ACOPROF, Présidente du Comité
Vice-président de la FIPF
Présidente de la COPALC
Secrétaire Générale de la FIPF
Vice-présidente de l'ACOPROF
Trésorier de l'ACOPROF
Comité directeur de l’ACOPROF
Mme. María Gabriela Núñez
Mme. Eugenia Rodríguez
M. Ronald Ramírez
Mme. Diana Cárdenas
M. Carlos Luis Hernández
M. Róger Retana
M. Aldo Gullock
Mme. Norma Zúñiga
Commissions
Commission scientifique
M. Róger Retana (ACOPROF) Coordinateur
Mme. Gabriela Vargas (UNA) Secrétaire
M. Jimmy Chao (UCR)
Mme. Olga Fatjó (MEP)
Mme. Delma González (UNA)
Mme. Ligia Salas (ULASALLE)
M. Raymond Gevaert (FIPF)
Commission sponsoring et salon des exposants
M. Aldo Gullock (ACOPROF) Coordinateur
Mme. Amandine Decorne (Alliance Française)
Mme. Marianne Rival (Ambassade de France)
Commission communication
M. Carlos Luis Hernández (ACOPROF) Coordinateur et Webmestre
M. Diego Fonseca (FIPF) Webmestre
Mme. Ileana Arias (UCR)
Mme. Nixa Bonilla (UCR)
Mme. Amalia Chaves (UNED)
Mme. Maud Le Chartier (IFAC)
Mme. Nancy Martinez (ACOPROF)
Commission culturelle
Mme. Diana Cardenas (ACOPROF) Coordinatrice
Mme. Elvira Fajardo (ACOPROF)
Mme. Milena Montoya (UNA)
Mme. Mathilde Vanmansart (Alliance française)
Mme. Lorena Zapata (UCR)
M. Héctor del Potro
Commission logistique
Mme. Eugenia Rodríguez G (ACOPROF) Coordinatrice
Mme. Christine Dupuich (Lycée franco-costaricien)
Mme. Beatrice Passot (ACOPROF)
M. Renato Ulloa (UCR)
Mme. Norma Zuñiga (ACOPROF)
Graphisme
M. Mauricio Alvarez
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Conference d'ouverture - Carlos Cortés
Au cours de la séance d’ouverture: spectacle de danses folkloriques et de chansons populaire
costariciennes par le groupe Tiquicia.
Le groupe Tiquicia est un groupe de danses folkloriques costaricien qui s’est assigné pour tâche
de préserver l’art populaire. C’est un organisme culturel costaricien avec une vaste carrière tant
nationale qu’internationale qui donne vie à l’identité culturelle du Costa Rica.
L’hospitalité d’une langue étrangère
Carlos Cortés
[email protected]
à Graciela Villanueva-Bardot et Patrick Deville
“Si vous êtes assez chanceux pour avoir vécu jeune homme
à Paris, ou que vous y passiez le reste de votre vie, cela reste
en vous, car Paris est une fête” écrivit Ernest Hemingway dans
ses mémoires The Moveable Feast (Paris était une fête). Je ne
suis pas arrivé à Paris à l’âge où l’aurait souhaité Hemingway,
sinon dix ans plus tard, sans parler un mot de français, ou à
peine quelques phrases, et avec une vision du monde partiellement complète.
Quand je suis arrivé à l’appartement que nous occuperions
rue de Latran, je me suis senti excité mais également vide, nu,
d’ailleurs. Il y a un mot pour exprimer ce décalage avec la
réalité: je me suis senti étranger. Cette première semaine
quelqu’un avait peint un graffiti au fond de la rue avec une
phrase de Richard III. Les mots de Shakespeare me regardèrent
droit dans les yeux depuis un mur blanc et dévastateur: “Voici
venu l’hiver de notre mécontentement”.
Quinze ans ont passé depuis et en regardant en arrière, je
comprends que ma vie à Paris fut essentiellement une expérience de langage. Comme je l’ai dit de nombreuses fois à ma
femme, qui m’a convaincu de me désister d’une bourse pour
les Etats Unis et m’a demandé de l’accompagner en France, il y
a un cadeau que je ne pourrai jamais égaler parce que c’est l´
expérience limite, qui ne se donne pas et pourtant se reçoit,
qu’est la langue étrangère. Toute langue, quand bien même elle
est maternelle, à un moment donné devient impalpable à
l’écrivain et heurte sa conscience et son désir irrésistible de
dire. Pourtant, existe-t-il une pensée sans langage? Qu’est-ce
que ce brouillard de sons qui lutte pour devenir et qui disparaît
comme un écho au fond de l’innommable?
Dans ma famille, comme dans nombre de lieux d’Amérique Latine, au vingtième siècle, la
culture française était présente, mais pas la langue française. Mon père affectif répétait et me
faisait reprendre la fameuse épigramme du poète espagnol Nicolás Fernández de Moratín:
Admirose...
Un portugais n’en revenait pas
de voir que dans sa tendre enfance
tous les enfants de France
sachent parler français.
C’est un “Art diabolique”,
dit-il tordant sa moustache
que pour parler en «gabacho»
un gentilhomme au Portugal
arrive à vieux pour mal le faire
et qu’ici, même un enfant le parle.
«Gabacho» vient du provençal où occitan «gavach» veut dire montagnard rustique ou grossier. Pendant les dix-huitièmes et dix-neuvièmes siècles on l’utilisait pour se référer avec mépris
aux français, ainsi «gavatx» voulait dire étranger en catalan. Enfant j’appris par cœur ce poème,
de manière innocente, comme on répète une comptine, sans penser qu’il résume un problème
linguistique et culturel d’énorme magnitude et profondeur. Un problème qui plus est, auquel je
serai moi même soumis. Par les hasards, «gabacho» est passé dans la langue populaire
mexicaine et a été utilisé comme synonyme de gringo.
J’ignore à quel moment j’ai commencé à écrire, longtemps avant de vouloir être écrivain ou
d’être conscient du poids des mots ou de la tradition littéraire. Pour moi écrire a à voir avec
l’impossibilité ou la difficulté de me trouver chez moi, de trouver un lieu propre, d’être à l’intérieur
de soi-même. La langue française caractérise fort bien cette expression idiomatique. La maison
est l’endroit où chacun est en soi-même, dans cette maison intérieure construite avant tout autre
lieu physique tangible.
Peut être qu’à travers mon histoire familiale ma maison, la maison où je suis chez moi, est un
peu comme la Hollande: submergée par la mer. Carlos Fuentes, l’écrivain mexicain, disait que les
Hollandais gagnent chaque jour un millimètre de terrain sur la mer. Pour moi les lieux physiques
sont invisibles et deviennent tangibles -Je n’oserais pas dire réels- à travers l’écriture. Ils restent
des lieux mais d’une certaine manière sont ou redeviennent, ou récupèrent quelque peu le
poids qu’ils ont eu un jour dans une mémoire perdue: la mémoire de ma famille, d’une
maison ancestrale qu’ont perdue trois générations de ma famille.
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Ce provisoire, cet état transitoire, un peu hypothétique, par rapport aux choses et aux lieux,
est présent dans ma relation compliquée aux mots. Le monde est provisoire et se fixe par les
mots, en un rapport complexe, de méfiance mutuelle. Le fait d’être écrivain se rapporte à assumer
sa propre langue comme une langue étrangère, celle que parle un autre que je ne suis pas. Ce
que finalement je suis se révèle dans ce processus d’écriture.
La langue maternelle est celle qui a confiance en soi, celle qui est donnée, celle qu’on ne remet
pas en cause, comme un héritage transmis de génération en génération. La langue étrangère doit
être acquise dans un processus d’échange, un commerce entre soi et autrui, comme je l’expliquerai plus tard.
L’écrivain est toujours un «marrano» (un juif converti pratiquant en secret), parce qu’il trouve
dans sa propre langue celle d’autrui. La langue qui dans les mots du poète argentin Juan Gelman
se trouve «dibaxu» (dessous, en séfarade, la langue de l’exil).
Enfant, Gelman tomba amoureux de la poésie en entendant son frère aîné réciter des poèmes
de Pouchkine sans les comprendre. Gelman, argentin d’origine juive, ukrainien et ashkénaze, pas
séfarade, redécouvre une langue endormie, qui se trouve «dibaxu» l’espagnol.
De grands écrivains modernes, comme Joyce, Kafka, Borges, Beckett, Canetti et Nabokov sont
des écrivains linguistiquement «sans maison», comme les appelle le critique George Steiner. La
condition extraterritoriale est ce que Steiner appelle le «manque de foyer» et c’est le fait de porter
en soi un double exil: celui de l’espace maternel (la patrie, la nation) et l’espace linguistique (la
langue maternelle). Nabokov abandonna la Russie et abandonna le russe. Comme dit Steiner:
«Nabokov s’est construit une maison de mots».
La maison n’est pas la langue, parce que c’est un territoire apache à conquérir, mais plutôt le
langage, même si c’est un espace de doutes, un espace qui balbutie, qui se dit mal. C’est un
étranger sur sa propre terre, un étranger de soi même qui cherche dans le langage une façon
d’être dans le monde, de dire l’indicible et d’élargie aux limites de la conscience des mots.
Quand je suis arrivé au français, pas en France, à la langue française, me sentant isolé, exclu,
aveugle, muet, je me suis senti confronté à une frontière, face à un pays inconnu et d’une certaine
manière invisible pour moi, même si en même temps je pouvais le reconnaître. Le reconnaître
mais pas le nommer. Peut-être ne devrais-je pas dire invisible mais plutôt silencieux parce que
je me refusais la possibilité de le dire. Un pays indicible, un pays sans dire. Pour cette raison
j’explique que, avant toute chose, pour moi, París/Paris a été une expérience de la parole.
*Dans une France crépusculaire, à la fin de l’ère Mitterrand et de la seconde cohabitation,
dans l’hiver de notre mécontentement, la langue française fut en même temps âpre et soyeuse,
cruelle et veloutée. A quel moment me suis-je immergé en elle comme on rentre dans un océan
glacé auquel peu à peu notre corps s´acclimate? Comment me suis-je laissé envahir par une
«algarabía» (c’est à dire charabia, en français, patois) qui est devenu sens? Comme vous savez
Algarabía vient de l’arabe al arabîya (la langue arabe) et en espagnol cela signifie criaillerie
confuse ou langage incompréhensible.
D’où vient le pouvoir des mots? Quels mots sont plus puissants et insignifiants que oui et
non? Le monde n’est-il pas contenu entre ces deux sons quasi inaudibles?, comme l’a découvert
Dante quand dans De vulgari eloquentia (1303-1305) il a classé les langues romanes en trois
groupes selon la parole de l’affirmation: langues de si (Italie et Espagne), langue d’oc (sud de la
France) et langue d’ oïl (nord de la France). Encore aujourd’hui on parle de la région du Languedoc.
Qu’y a-t-il de plus important qu’un signe de ponctuation? Comme l’a dit l’écrivain russe Isaac
Babel: «Aucun métal ne peut pénétrer le cœur humain avec autant de force qu’un point placé à
l’endroit précis»
Chaque mot ou signe verbal raconte une histoire secrète. Un chemin de mots amène le lecteur
ou l’auditeur à traverser le miroir vide qui se remplit de soi- même, comme dit Georges Perec
dans La disparition: «Il n'y a pas plus obscur qu'un blanc». C’est le pouvoir de «Il était une fois»,
«Il y avait une fois», le pouvoir de dire: «Aujourd'hui, maman est morte.» «Longtemps, je me
suis couché de bonne heure». «Nous étions à l'Etude, quand le Proviseur entra suivi d'un
nouveau, habillé en bourgeois et d'un garçon de classe qui portait un grand pupitre». «Un
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jour, j’étais âgée déjà, dans le hall d’un lieu public, un homme
est venu vers moi. Il s’est fait connaître et il m’a dit: «Je vous
connais depuis toujours...»
L’histoire secrète des mots est mystérieuse, labyrinthique. Il
y a dix ans, le romancier français Patrick Deville, Prix Fémina
2012, publia son roman Pura vida. Vie et mort de William
Walker. Ce n’est pas une biographie du flibustier gringo qui a
envahi l’Amérique Centrale en 1856 mais plutôt une chronique
des révolutions qui ont eu lieu dans le monde entre 1789 et le
bicentenaire de la Révolution Française en 1989, année de la
chute du mur de Berlin. Pura vida. Pourquoi est-ce que les
Costariciens avons pris cette expression d’un film comique
mexicain de 1955 et l’avons convertie en cri de guerre d’un
pays sans armée?
Quand il a écrit son roman, Patrick s’était déjà abreuvé de la
Révolution Cubaine, à La Havane et du café Sorocabana, à
Montevideo, Uruguay, et parlait l’espagnol. Mais quelque
chose l’a séduit dans une phrase dite à moitié comme «pura
vida», qui veut tout et rien dire à la fois, qui affirme quelque
chose qui n’est pas dit, dont on ne sait de quoi il s’agit, qui est
intangible et à la fois totale.
Peut être que les Costariciens sommes trop habitués à dire
«pura vida» pour en découvrir son extraordinaire pouvoir
parce que, comme je l’ai dit au début, pour écrire il faut entrer
en terre étrangère. C’est le même mécanisme que celui de la
mémoire. Nous écrivons à partir du fantasme que nous laissent
les faits et choses, que sont la nostalgie. Perec prévient que le
premier souvenir, le plus lointain dans le temps, est aussi le
plus proche.
Comment me suis-je laissé attraper par le discours des
mots comme celui d’une mer dont on perçoit seulement le son
de la marée, à la distance et qui peu à peu devient reconnaissable jusqu’à ce qu’on en soit encerclé?
Je ne vais pas tout vous raconter pour ne pas vous ennuyer
mais je garde une image que je veux ramener au présent. Je
traverse le Quartier Latin sous la neige, à 8h00, dans un long
hiver. Face à moi, une file indienne d’enfants d’école maternelle
traverse la rue. Il fait froid, pas encore jour et j’écoute un bruit
sourd dans mes oreilles. Je répète de manière ininterrompue le
poème de Fernández de Moratín: Admiróse un portugués…
Envie, admiration, incrédulité, sentiments confus, tout
mélangé. Ai-je bien fait d’être là? Suis-je au bon endroit? Je
suis la piste des enfants sur la neige qui y laissent des traces
de mots. Mots, sons, sens qui m’échappent et que le soleil
fond à la neige.
Une autre image: Le premier jour de classes, à l’Université
de Paris II, j’avais cherché à l’aveuglette une salle dans
l’immense temple grec de la Faculté de Droit face au Panthéon,
la meilleure incarnation en pierre de l’esprit de la République
Française, qui a fait de l’Etat son Dieu. Il était aisé de se perdre
dans la termitière des élèves et dans le labyrinthe des édifices
qui obéissaient à une logique fuyante.
Quelques étudiants eurent pitié de moi et avec des instructions spécifiques je pus revenir sur mes pas. Je descendis au
rez-de-chaussée, pris le premier escalier à droite et montai. Je
suivis scrupuleusement les recommandations, mais au lieu de
descendre au rez-de-chaussée, je continuai jusqu’au sous-sol.
La lumière déclinante d’un automne, qui se filtrait encore à
travers les fenêtres démesurées qui donnent sur la rue des
Écoles, à la Sorbonne et à une porte fermée me permit de voir
les quatre corps.
L’atmosphère sale d’urines fut asphyxiante, mais au delà de
ce bouillon humain souffla une bouffée de bière et de rhum
agricole de la Martinique, le plus bon marché de Paris. Un
instant avant de remonter l’escalier à toute vitesse et de plonger
dans la salle de classe, je me demandais s´ils étaient morts,
mais jusqu’à moi arriva la respiration désordonnée et éthylique
de la cloche et un ronflement de vie.
C’était la cloche. La bande de clochards du Panthéon. Ce
même soir je les vis en sortant de la classe. Ce même soir je
tombai sur la vision fantasmagorique de la gigantesque
coupole du Panthéon découpée sur la voûte céleste, à peine
illuminée par des projecteurs qui augmentèrent la sensation
d’immensité. Au pied de la place, on appréciait quatre silhouettes de théâtre d’ombres, d’un film de Chaplin, ou du cirque
Médrano.
L’année suivante j’accompagnai Maria Lourdes, ma femme,
et son amie Graciela Villanueva-Bardot au séminaire de
Jacques Derrida à l’École des Hautes Études en Sciences
Sociales du boulevard Raspail. Je n’étais pas arrivé dix ans
après que ce soit nécessaire, selon Hemingway, mais je
pouvais reconnaître que j’étais devant l´un des grands philosophes du XXº siècle.
Chaque semaine à 5h00 de l’après-midi, des centaines
d’étudiants nord-américains, japonais, latino-américains et
européens nous nous rassemblions dans l’amphithéâtre du
rez-de-chaussée pour écouter un complexe, multilingue et
érudit Sermon de la montagne. Ce n’était pas chose facile, ni
pour lui ni pour nous, et au début mon français était si précaire
que je me sentais dans un meeting politique ou dans un
concert dans lequel le vent emportait les paroles et les dissolvaient dans l’air.
A la sortie de l’amphithéâtre nous nous engouffrions au
Trait d’Union, le bistrot de Montparnasse, pour prendre un
café, essayant de comprendre ce que nous avions écouté, et
que nous n’avions pas pu écouter, et je crois que j’étais
heureux. Jusqu’à sa mort en a 2004, Derrida a dédié son
séminaire à ce qu’il a appelé “Questions de responsabilité” et il
s’est consacré aux problèmes de l’éthique et de la politique.
Bien que je ne comprenais pas tout, c’était difficile de ne pas
se laisser attraper par la séduction de son discours, un
discours qui se sentait étranger à lui- même et qui, à tout
moment, se remettait en question . Derrida mélangeait le grec,
l’hébreu, le latin, l’allemand, le yiddish, le français et l’espagnol
de Borges avec trois autres langues: les racines indo-européennes, la terminologie philosophique et la langue perdue
des étymologies, les mots qui sont sous les mots.
De par ses origines séfarades et algériennes, en tant que
philosophe et écrivain, Derrida s’est défini comme un «marrano paradoxal». Marrano (en espagnol «cochon») est aussi le
nom donné aux juifs convertis d’Espagne, provient de l’arabe
máhram, chose interdite. Séfarade correspond à l’expression latine «Finis terrae» ou finisterre:
région transfrontalière. C’est à dire, les séfarades sont les juifs qui portent en eux, l’extraterritorialité et l’étranger.
Cet autre lieu, (Sefarad pour les séfarades) est un non-dit qui se dit, une maison qu’on ne peut
habiter: la langue. Quelle est la langue maternelle? Dans mon cas, je me suis toujours demandé
quelle a été ma langue maternelle et le livre que je viens de publier, Larga noche hacia mi madre
(Une longue nuit vers ma mère), s’est d’abord appelé La langue paternelle. L’écrivain revient
souvent sur une langue maternelle qu’il a perdue ou qu’il n’a jamais eue, voulant s’établir dans
une maison qu’il sait ne pas être la sienne.
La langue maternelle est celle qu’on parle. La langue de naissance, de la tradition, de
l’héritage. La langue paternelle c’est l’écriture. La langue de l’adoption, de la culture, mais aussi
du mensonge, de la vérité historique et pour autant, des contradictions.
A ce point je voudrais arriver au cœur de mes réflexions. Derrida m’a rapproché du problème
de l’hospitalité, qui est un thème essentiel au XXI siècle. De quoi parle-t-on quand on parle
d’hospitalité? En paraphrasant Malraux, on devrait penser que le XXIº siècle sera hospitalier,
multiculturel et multilingue ou ne sera pas.
L’hospitalité est un problème politique et juridique qui a de nombreuses implications. Dans
cette conférence, en toute modestie, je voudrais poser la question de l’hospitalité de la langue
étrangère et de l’importance de nous savoir multilingues, dans la globalisation, pour pouvoir
communiquer avec l’autre.
Au fond, ce dont il s’agit c’est de la relation avec l’autre. Comme l’exprime admirablement le
Talmud: «Si je ne suis pas pour moi, qui le sera? Si je suis seulement pour moi, qui suis-je?
Mon intérêt, depuis le début, dans cette brève intervention, a été, cette question de l’hospitalité
de la langue étrangère. Ce n’est pas un thème facile ni exempt de polémique. Au Costa Rica, que
je considère comme une société hospitalière, vivent quelque 300 000 nicaraguayens. Théoriquement, nous communiquons dans la même langue. Pourtant, beaucoup d’immigrants déguisent
leur accent pour ne pas être reconnus et cachent, sous l’espagnol costaricien les expressions
natives. En réalité, nous parlons la même langue mais nous la parlons différemment.
Les Costariciens nous disons «qué dicha» quel bonheur (un état intérieur) et les Nicaraguayens «qué alegría» quelle joie (un état extérieur) «Qui provoque tant de joie?» «La conception de
Marie» répondent en criant des milliers de Nicaraguayens tous les 7 décembre, veille de
l’immaculée conception, pendant la fête de la criée. Les costariciens voyons (avec le sens de la
vue), les Nicaraguayens regardent (jouissent de ce qu’ils voient). C’est peut être pour ça que nous
ne faisons pas de poésie.
On voit tout ce qu’on regarde, mais on ne regarde pas tout ce qu’on voit. Dès la première
rencontre avec l’envahisseur espagnol, les Nicaraguayens font de la poésie. Ruben Dario a dit
qu’au Costa Rica on cultivait le café, pas la poésie.
Mon apprentissage du français m’a enseigné doublement l’espagnol parce qu’on ne peut se
regarder soi même sans se regarder dans le miroir de l’autre. L’autre est toujours présent. C’est
un don pour lequel je remercie souvent ma femme, comme je l’ai dit, mais qui n’est ni d’elle ni de
personne. La langue est soumise aux même règles de l’hospitalité que lorsque nous invitons
quelqu’un à entrer à la maison.
Un de mes étudiants chinois à l’université m’a raconté que quand il passe le seuil de sa
maison il commence à parler le cantonnais sans s’en rendre compte. Sa maison est son foyer:
une maison faite de mots. La langue maternelle. En sortant dans la rue, sans s’en rendre compte
non plus, il devient hispanophone. La langue paternelle.
Dans la famille de cet étudiant, comme pour la majorité des Costariciens d’origine chinoise,
nous pouvons approcher un autre problème, qui est celui d’une minorité au sein d’une minorité
plus grande. Les chinois Costariciens ne parlent ni comprennent le mandarin parce qu’ils ont
émigré de Hong Kong et pas de la Chine continentale.
Dans quelle langue rêve-t-il? Dans quelle langue exprime-t-il ses sentiments les plus
profonds, mon étudiant chinois? Comment lui parle sa mémoire? Comme disait Nabokov.
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Je n’en sais rien. Dans le cadre du langage costaricien, nous passons du vos au usted comme on
passe de la salle de séjour sociale à la chambre à coucher privée, pour créer, linguistiquement,
le lieu de l’émotion. Il y a des dizaines d’années, l’espace de l’intériorité, de la relation de couple
ou des parents et des enfants était le usted. Mais il s’agissait d’une société hiérarchisée, patriarcale et autoritaire. Aujourd’hui, les chambres de la maison, les espaces et les lieux de pouvoirs
se sont mélangés. Le vos est menacé par la présence du tú qui, comme une marchandise de
contrebande, arrive par l’audiovisuel mexicain ou global.
L’hospitalité et l’hostilité ont les mêmes origines étymologiques et sont donc l’endroit et
l’envers. Néanmoins, je suis convaincu que l’hospitalité linguistique est beaucoup plus solidaire
que les politiques migratoires. «Devons-nous imposer à l’invité des règles de conduites?» se
demandait Derrida.
Quand on rentre dans une maison, comme invité, l’hospitalité est inconditionnelle. En même
temps, la maison a ses règles -la loi, la grammaire, la syntaxe, l’orthographe- que tous nous
suivons si nous voulons participer à cette communauté à laquelle nous avons été invités.
Qu’est-ce qu’on partage? La parole, les repas, les rituels, les espaces de la socialisation. Je n’ai
pas inventé l’espagnol en écrivant, disait Juan Gelman, un autre «marrano» paradoxal comme
Derrida et Elias Canetti. D’une certaine manière, la langue invente l’écrivain, mais également
dialogue avec lui et se transforme en une langue étrangère à elle-même. La langue littéraire. Sa
langue à soi, la maison où l’écrivain est chez lui, même s´il est un nomade et doit changer de
maison beaucoup de fois.
La langue française m’a fait comprendre que le langage est hospitalier et qu’on peut entrer
chez lui et partager avec les autres -communiquer- les règles de la socialisation. C’est la grande
leçon de mes années en France mais je pense que c’est aussi la grande leçon d’un monde
dangereusement monolingue comme est le XXº siècle.
Je peux considérer que le français est une langue de conversion en tant que langue impure,
contaminée de l’accent parisien, né de l’Europe multilingue, multiculturelle du XXIº siècle, du
Pura vida de Patrick Deville et du Clandestino de Manu Chao. Mais aussi de la lecture des
Mémoires d’outre-tombe, de Zazie dans le métro, de L’écume des jours ou du Petit Robert. C’est
une langue «marrana», gitane, mandingue, en concubinage, embrouillée (sic).
J’ai découvert les Mémoires d’outre-tombe en V.O. (version originale) dans les Cours de
Civilisation Française à la Sorbonne. Comme un critique espagnol je suis sûr que «ça pourrait
se lire cent fois, si la vie suffisait, et que nous continuerions avec l’envie de recommencer sa
lecture». Comme dans la légende chinoise sur Confucius, si la mort me donnait dix ans, le les
passerais à lire les Mémoires.
Il y a exactement dix ans, en février 2004, j’ai participé au cycle de rencontres Le lecteur idéal
à la Maison des Écrivains et des Traducteurs Étrangers (Meet) de Saint-Nazaire. Les rencontres
avaient été suspendues et pour des raisons personnelles je doutais de ma participation. J’ai
accepté par amitié pour Patrick Deville, directeur de la Meet, et pour sa dévotion envers l’Amérique Centrale, qui l’amena à écrire Pura vida. Vie et mort de William Walker.
J’avais entrevu Olivier Rolin dinant avec Jane Birkin dans un restaurant du Quartier Latin, mais
je ne le connaissais pas. Rolin était l’un des invités au colloque avec Pierre Michon, Derek
Walcott et d’autres écrivains célèbres. Je passais par un moment difficile de ma vie, qui avait pris
un tour incertain, et je me demandais à nouveau si j’étais au bon endroit.
Paris était resté loin, des années derrière, et je devais assumer une réalité différente.
Saint-Nazaire est un endroit spécial pour moi. Depuis la ville on voit l’embouchure de La Loire,
qui a la même proportion que la baie d’Istanbul. Saint-Nazaire possède cette qualité de finis terrae
que voyaient les passagers qui des dizaines d’années en arrière prenaient le paquebot vers
l’Amérique. C’est un lieu inhospitalier plein d’hospitalité, croisé d’anciens phares qui émettent
leur lumière comme des étoiles mortes se rappelant les jours passés du Big Bang.
De la vieille ville il ne reste rien parce qu’elle a été détruite pendant la deuxième guerre mondiale. N’a survécu intacte et surréaliste que la base de sous-marins allemands qui n’ont pas été
touchés par les bombes des alliés. Ce n’est pas un hasard que la Maison des Écrivains et des
Traducteurs Étrangers (Meet) soit à Saint-Nazaire, un passage de transit entre les époques, les
continents, les cultures.
10
Dans ce panorama, Olivier Rolin a lu quelques fragments
des Mémoires. Ce ne furent pas ses fragments préférés mais
plutôt les miens ou du moins c’est ce que j’ai senti cet
après-midi là du 24 février 2004, dans ma maison faite de
mots.
Paroles d’un autre qui étaient les miennes: Livre
Vingt-Troisième. “Le 18 juin 1815, vers midi, je sortis de Gand
par la porte de Bruxelles… Un vent du sud s’étant levé
m’apporta plus distinctement le bruit de l’artillerie. Cette
grande bataille, encore sans nom, dont j’écoutais les échos au
pied d’un peuplier, et dont une horloge de village venait de
sonner les funérailles inconnues, était la bataille de Waterloo!”
Je n’ai pas le temps ici de parler de ma relation avec la
chanson française. Je me contente de mentionner qu’elle est
présente dans mon dernier roman, où est expliqué, en passant,
le fort lien émotionnel entre la mort de ma mère et La Javanaise
de Serge Gainsbourg et Juliette Greco. Durant des années La
Javanaise, qui est une chanson d’amour, a été pour moi
quelque chose comme toute la douleur du monde. Je vous
invite à écouter la récente version de Alizée, qui est très belle,
même si il lui manque le réduit saumâtre et fataliste de la voix
cassée de Gainsbourg/Gainsbarre. Je t’aime moi non plus.
Baby alone in Babylone.
Mais ça, c’est une autre histoire.
Le français m’a fait bilingue, imparfaitement bilingue, bien
sûr et je l’en remercie. Il m’a fait un peu citoyen du XXIº siècle,
qui est un statut en construction, qui se débat entre la méfiance
et le scepticisme, entre les ruines d’une idée de civilisation et
l’image d’une maison où tous nous puissions vivre. Une
maison où tous nous puissions parler entre tous, pas à partir
du rêve d’une langue unique mais d’une diversité de langues.
Le monolinguisme conduit aussi aux camps de concentration.
Un quelconque éloge à l’hospitalité passe par un éloge à la
formation multilingue et multiculturelle. Je ne sais si le
contraire de l’hospitalité est l’hostilité, la xénophobie et le
nationalisme. Mais ceux-là sont les maux que nous devons
combattre à travers l’éducation, l’apprentissage mutuel, le
dialogue interculturel et la vie en commun. C’est la reconnaissance des différences ce qui permet à tous de recevoir un
traitement égalitaire.
Je voudrais remercier les organisateurs de cette seizième
édition des SEDIFRALE pour l’honneur de m’être adressé à
vous dans cette conférence d’ouverture. Je vous invite à vous
sentir les bienvenus dans un pays étranger qui connaît et
apprécie la valeur de l’hospitalité et la solidarité.
Chacun d’entre vous, depuis la place qu’il occupe,
contribue à faire d’une langue étrangère une langue familière.
C’est la tâche de tout enseignant, faire du monde inconnu une
maison habitable grâce à la connaissance.
Remerciements
Le Comité Organisateur des XVIe SEDIFRALE, le Comité Directeur de l’ ACOPROF, la COPALC et le Bureau Exécutif de la FIPF tiennent à remercier très
chaleureusement toutes les personnes, qui, par leur travail, leur engagement, leur appui et leur aide, ont permis la réalisation de ce congrès. Nos remerciements vont
au Ministère de l’Education Publique, Monsieur le Ministre Dr Leonardo Garnier, la Dirección Curricular, M. Rigoberto Corrales, et aux Conseillères de
français du primaire, Mme Olga Fatjó, et en secondaire, Mme Marielos Sánchez, aux collaborateurs qui ont contribué avec leur participation;
à l’ Université Nationale qui nous a accueilli pour ce congrès dans des locaux et un cadre extraordinaire,
à madame la Rectrice, Sandra León, à messieurs les Doyens de la Faculté de Philosophie et Lettres, Albino Chacón, et de la Faculté de Sciences Sociales,
Carlos Buezo, à monsieur le Directeur de l’Ecole de Littérature et des Sciences du Langage, Jimmy Ramírez, et à tout le personnel et les collaborateurs qui
ont contribué au soutien de cette rencontre académique et culturelle;
à la Mairie de la province de Heredia, à monsieur le Maire Jose Manuel Ulate, et à Mme Heidy Hernández pour leur appui et contribution à la réussite de
cette manifestation éducative et culturelle dans leur ville et dans cette belle région;
au Ministère français des Affaires étrangères pour l’appui à la réalisation du congrès et tout particulièrement à son excellence M. Jean Baptiste Chauvin,
Ambassadeur de France au Costa Rica pour son soutien constant et à l’Institut Français pour l’Amérique centrale (IFAC), à ses responsables et à ses
équipes, M. Jean Claude Reith, M. Jean-Luc Belmonte, et Mlle Maud Le Chartier, pour leur engagement pour assurer une réussite du congrès;
à l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) pour son soutien constant
à la communauté mondiale des professeurs de français, aux actions de la FIPF et plus particulièrement pour son appui à la tenue de cette rencontre régionale en Amérique centrale;
à l'Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) pour son soutien indéfectible aux actions de la FIPF, en particulier pour la tenue de ces SEDIFRALE;
aux Ambassades et Consulats Francophones au Costa Rica qui soutiennent et appuient le français et les manifestations francophones dans le pays. Notre
remerciement à M. Jean Zambeaux, cónsul honoraire des Seychelles, pour ses actions et son aide toujours opportunes.
aux proviseurs du Lycée de Heredia, messieurs Jacobo Villegas et Mauricio Moreira, au Conseil d’administration pour leur contribution et la mise à
disposition de la belle Sala Magna du Lycée d’Heredia. Au professeur Eric Bogarín pour son aide et enthousiasme.
à l’Alliance Française de Costa Rica, à sa directrice Mathilde Vanmansart et à ses équipes pour la réalisation des activités culturelles francophones des
SEDIFRALE.
à l’Université Nationale à Distance, pour sa présence et la collaboration des autorités, le Recteur, et la Coordinatrice de la section de français Mme Amalia
Chaves Pittier.
à l’Université De La Salle, ses autorités, sa coordinatrice, Dra Ligia Salas pour leur appui, participation et la présence au Congrès.
aux collaborateurs de l’Université du Costa Rica, Directrice de l’Ecole des Langues Modernes, Dra Gilda Pacheco, le personnel académique et la responsable du Bureau d’ Activités Culturelles Teresita Reyes.
à la Dra Lucía Fallas, coordinatrice de deuxièmes SEDIFRALE 1980, notre remerciement pour ses conseils et sa collaboration.
aux comités de lecture nationaux et régionaux qui ont collaboré pour la lecture et la sélection des travaux.
aux institutions et groupes artistiques du Costa Rica, d’Amérique latine, des pays francophones qui contribuent à ouvrir et à élargir notre vision du monde,
à en montrer la richesse de la création et à nous régaler en moments d’émotion et de partage.
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Discours de la Rectrice de l'Université Nationale
Es para mí un motivo de satisfacción, como Rectora de la Universidad Nacional (UNA), darles la más calurosa bienvenida a estas SEDIFRALE que cada
cuatro años reúnen a investigadores y a docentes de todos los rincones de esta nuestra América. Hoy la UNA abre con alborozo las puertas de su casa para
recibirlos a todos ustedes, inspirada en el deseo de compartir esta riqueza multicultural que nos congrega en torno al francés lengua extranjera y a la vez en
torno a esta realidad diversa y hermosa que constituyen América Latina y el Caribe; todo reunido en un evento académico de alto nivel.
La UNA es una universidad joven, llena de vida, que recién celebró sus 40 años. Con esa energía que la caracteriza asumió con entusiasmo y convencimiento esta aventura de conjugar experiencias, investigaciones, vivencias y metas de los docentes venidos de cerca y de lejos, fiel a sus orígenes. Estos lazos de
cooperación que establecimos con la Federación Internacional de Profesores de Francés, nos permiten manifestar una vez más nuestra trayectoria de apoyo a
la enseñanza de la lengua francesa en Costa Rica, que continúa ininterrumpidamente al día de hoy.
Con la hospitalidad que caracteriza a los costarricenses, les decimos de corazón: ¡Bienvenidos a la UNA!
Sandra León Coto
Rectrice de l'université Nationale
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Conférence de clôture - Daniel Maximin
Daniel Maximin, romancier, poète et essayiste né en Guadeloupe, donnera la conférence de clôture des
XVIème SEDIFRALE. Sa carrière est liée aux affaires culturelles et éducatives et son récit autobio
graphique Tu, c’est l’enfance a obtenu le Grand Prix de l’Académie française Maurice Genevoix.
La Francopolyphonie et les cultures de la Caraïbe
Aux sources de la diversité culturelle
Daniel Maximin
La Caraïbe francophone (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Haïti), a été un élément moteur de la naissance de
la Francophonie culturelle, dans les années 1930-1960. Et notamment dans une relation très étroite avec les
autres cultures voisines hispanophones et anglophones, représentées en nombre à cette époque par de
nombreux écrivains, musiciens et artistes rassemblés à Paris, de Nicolas Guillén à Wifredo Lam, de Claude
Mac Kay à Alejo Carpentier, de Léon Damas et Aimé Césaire à Jacques Roumain et Jean Price-Mars, de
Miguel-Angel Asturias jusqu'aux poètes de la Négro-Renaissance de Harlem. Elle a joué un rôle essentiel dans
la définition des modalités culturelles de la décolonisation, dès les années 40, et lors de rendez-vous internationaux essentiels comme le Premier Congrès international des écrivains et artistes noirs de Paris en 1956
jusqu'au Festival mondial des Arts Nègres à Dakar en 1966.
La Francophonie, dans cette dimension caribéenne, n’est ni un virus politique porteur attardé de nostalgies
néocoloniales, ni non plus un vaccin linguistique contre la dégénérescence supposée de la langue par une
épidémie d’anglais. Elle est dès l'origine un outil d'émancipation politique et culturel, œuvrant pour la défense
et illustration de la diversité culturelle, dont les autres cultures de la Caraïbe et de l'Amérique centrale sont
aussi parmi les plus dynamiques représentantes.
Ce rôle important s'explique parce que, dans les pays baignés par la mer Caraïbe, le dialogue des cultures, des
langues et des arts, est la source essentielle de leurs identités, qui s’édifient par une transgression libre des
langues coloniales, des contraintes historiques et géographiques, et des palettes artistiques imposées ou
conquises. Aussi, langues et pratiques culturelles, au départ objets de soumission politique et d’aliénation, se
libèrent en devenant sujets de création, outils d'émancipation en vérité dont le pouvoir de résistance se mesure
à la puissance de création des peuples qui les ont conquis pour exprimer leur identité.
La genese apres l’exil
Daniel Maximin (Guadeloupe)
Nous sommes la création de mondes émigrés de la mer et de la fin du monde. Peuples trouvés nous savons
ne pas nous perdre dans
les fissures du temps, durer pour endurer, fuir vers d’autres armes á forger dans le répit des héroïsmes et des
frayeurs, plutôt déménager que couler le navire et capituler devant la récolte, en familier des cataclysmes ,
toujours en avançant.
Le cyclone nous fait racines: on ne bague pas du tronc des cases, on laisse passer arc-boutés, seule la case
peut bouger le raz de marée nous fait rhizomes: herbes laminaires pliées sous la lame pour survivre sans
respirer.
Le séisme nous fait feuilles: tremble avant d’avoir peur, le pesanteur se dérobe, on évacue la case, on cherche
á s’envoler les bras au ciel, et pouvoir trembler , c’est preuve de pieds sur terre, donc , de terre sous les pieds.
L’éruption nous projette sous les cendres les yeux fixés sur la route des rêves déracinés qui supplieraient la
mer de refluer et de les embarquer.
Et moi, je dis que nous sommes descendus des enfers en canot á la mer héritiers d’ouragans légataires de
déluges et d’éruptions nous avons pas maudit la sécheresse de la mer et du ciel et respectons le feu, pour la
maitrise des cendres n’entraine pas le fin possible du soleil, car l’existence précède l’errance et l’incendie ne
nous a pas éteint.
Oui notre ile est un arbre en dépit de racines, poteau-mitan d’ un jet de sève jusqu’au volcan
Ou notre ile est une tortue , la patience et la force et la sagesse d’un toit sans raison de maison
Oui notre ile est un foyer de sept rayons en quête de l’arc en ciel perdu
Un pays né tout grand par manque de temps pour l’innocence
Un pays de chair nue par manque d’espace pour trier les couleurs
Un pays d’avenir á nu.
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Présentation
Daniel Maximin, né à la Guadeloupe, est poète, romancier et essayiste.
Il a d’abord été professeur de Lettres, et d‘Anthropologie. Puis de 1982 à 1989, producteur-animateur de programmes francophones à Radio-France et France-Culture.
Il a été ensuite Directeur des Affaires Culturelles de la Guadeloupe de 1989 à 1997. En 1998, il a été nommé Commissaire de la Célébration nationale du cent
cinquantenaire de l’abolition de l’esclavage de 1848.
De 2000 à 2004, il est nommé au Ministère de l’Éducation Nationale comme Conseiller à la Mission pour les Arts et la Culture à l’École. puis de 2006 à 2010,
Chargé de mission à l'Inspection Générale du Ministère de la Culture et de la Communication.
En 2006, il est Commissaire littéraire du Festival Francophone en France: francofffonies. Il a été nommé de janvier 2010 à avril 2012: Commissaire général de
«2011, L’année des outre-mer».
Il est l’auteur entre autres de trois romans: L’ISOLÉ SOLEIL (1981), SOUFRIERES (1987), et L’ÎLE ET UNE NUIT (1996), publiés aux Éditions du Seuil, d’un
récit autobiographique: TU, C’EST L’ENFANCE, (Éd.Gallimard, 2004. Grand prix Maurice Genevoix de l’Académie Française), d’un essai: LES FRUITS DU
CYCLONE, UNE GÉOPOÉTIQUE DE LA CARAÏBE (Éd.du Seuil.2007), ainsi qu’un recueil de poèmes: L’INVENTION DES DESIRADES, (Seuil. collection
Points-poésie, 2009)
ll a aussi publié trois ouvrages illustrés: LA GUADELOUPE VUE DU CIEL (HC Éditions.2008 avec la photographe Anne Chopin; un livre-guide: ANTILLES
SECRÈTES ET INSOLITES (Éd.Glénat. 2011). Ainsi que l'ouvrage: CÉSAIRE ET LAM, insolites bâtisseurs. (H.C éditions. Paris 2011) dans le cadre de l'exposition:
Césaire, Lam, Picasso, au Galeries nationales du Grand Palais à Paris, ( Février-Juin 2011) dont il a été le Commissaire général.
Il a aussi édité en 2009 une anthologie illustrée: CENT POÈMES D’AIMÉ CÉSAIRE (éd. Omnibus avril 2009), ainsi que le recueil: LE GRAND CAMOUFLAGE,
ECRITS DE DISSIDENCE, de Suzanne Césaire (Éd. du Seuil mai 2009).
A l'occasion du centenaire de naissance d'Aimé Césaire en 2013, il a collaboré comme conseiller à la dramaturgie de la pièce Une saison au Congo, produite par
le TNP dans une mise en scène de son directeur Christian Schiaretti, et représentée à Lyon-Villeurbanne, Sceaux, et en Martinique entre mai et novembre 2103 Et il a
été le Commissaire général de l'exposition: Aimé Césaire, Lam, Picasso: "nous nous sommes trouvés", organisée par la Fondation Clément à la Martinique de décembre à février 2014.
Son dernier ouvrage publié s'intitule: AIMÉ CÉSAIRE, FRÈRE-VOLCAN. ( JUIN 2013 Seuil), le récit de quarante ans de dialogue avec le poète.
ŒUVRE LITTÉRAIRE:
- L’ISOLE SOLEIL (Roman. Seuil. 1981. Points -Seuil 1988))
- SOUFRIERES (Roman. Seuil. 1987 Points-Seuil 1996)
- ENFANCES D’AILLEURS ( Recueil. Belfond. 1993)
- L’ILE ET UNE NUIT (Roman. Seuil. 1996. Points-Seuil.2003)
- PARADIS BRISÉ Nouvelles des Caraïbes ( Collectif) Ed. Hoëbeke 2004.
- TU, C’EST L’ENFANCE (Récit. Gallimard 2004. Grand Prix Maurice Genevoix de l’Académie Française. Prix Tropiques de l’AFD. 2004)
- LES FRUITS DU CYCLONE (UNE GÉOPOÉTIQUE DE LA CARAÏBE) Essai. Seuil. 2006
- PARIS PORTRAITS (Une voix sous berges) (Folio-inédit. collectif.Gallimard. 2007)
- LA GUADELOUPE VUE DU CIEL Présentation et choix de textes.(H.C Éditions. 2008)
- L'EX-ÎLE Livre d'artiste, avec Nathalie Hartog. (Editions Transignum. Paris 2007)
- L’INVENTION DES DESIRADES (Poésie. Points-Seuil. 2009)
- ANTILLES SECRÈTES ET INSOLITES (Glénat. 2011)
- CÉSAIRE ET LAM, insolites bâtisseurs. (H.C éditions. Paris 2011)
- AIMÉ CÉSAIRE,FRÈRE-VOLCAN ( Récit. Seuil. juin 2013)
- (Ouvrages traduits en anglais, espagnol, allemand,portugais)
ÉDITION:
- Éditeur de CENT POÈMES d’Aimé Césaire (éditions Omnibus. 2009)
- Éditeur des: ÉCRITS DE DISSIDENCE de Suzanne Césaire (éd. Du Seuil 2009))
- Éditeur de: Aimé CÉSAIRE: LA POÉSIE (poésie complète) Éditions du Seuil. 1993
- Coéditeur de: TROPIQUES MÉTIS. Mémoires et cultures de Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion, Musée des arts et traditions populaires. Editions RMN, 1998.
- Auteur du catalogue de l’exposition: WIFREDO LAM. 2004. Galerie BOULAKIA. Paris
- Éditeur de: PRÉSENCE ANTILLAISE: Numéro spécial de Présence Africaine. Anthologie de Textes inédits de 60 auteurs des Antilles-Guyane. 1982)
- Éditeur et préfacier de la traduction du THÉÂTRE DE WOLE SOYINKA. (5 pièces.) Éditions P_J.Oswald.1975)
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Participants au Congrès
ABHES, Lazhar
ACUÑA,Teresa Azucena del Valle
ALAS MARTINS, Selma
ALBUQUERQUE-COSTA, Heloísa
ALEMÁN Guillén, Pedro
AMAR Ivan
ANGULO ESPINOZA Helmut
ARAYA JIMÉNEZ, Andrés
ARGUEDAS ROJAS, César
ARIAS CORRALES, Ileana
ARRIETA, Alexandra
ASSUDANI, Mayuri
AZAMBUJA DE BORBA CUNHA, Daniele
AZUCENA DES VALLE ACUNA Teresa
BAÏDA, Abdellah
BARAONA, Geneviève
BARRERA, Rosa
BARTH, Jorge Pablo
BATALHA, MaríaCristina
BAUDET, Christine
BELMONTE, Jean-Luc
BENATTI ROCHEBOIS, Christianne
BERMUDEZ Saldana
BERMÚDEZ, Stella Maris
BECHTEL Marine
BLEYS, Françoise
BLUNDA GRUBERT, Ana
BOCAR ALY, Pam
BOELLINGER, Raoul
BOGLIOTTI, Amelia
BOIRON, Michel
BOIVIN, Hélène
BONILLA, Nixa
BOULAICH Assma
BRASILEIRO HÉRAUD, Francisca
BROCHIER, Gabriela
BROSSARD, Jean-Pierre
BUISSERET, Christiane
BUTRON TORREBLANCA, María Andrea
BUTTIN, Christine
CACERES Gabriela
CÁMARA, Lucía
CANSIGNO GUTIERREZ, Yvonne
CARBALLO José
CARDENAS, Diana
CASEMIRO BARIONI, Mariana
CASTILLO Daniel
CASTILLO, José
CEBERIO, María Elena
CHACÓN, Albino
CHAILLOT, Christophe
CHANG, Rosita
CHAO, Jimmy
CHARDENET, Patrick
CHAUVIN, Jean-Baptiste
CHAVES DE MELLO, María Elizabeth
CHAVES PITTIER, Amalia
CHIANCA VENÂNCIO, Karina
CHNANE-DAVIN, Fatima
CHRETIEN, Romain
17
CISARUCK Annick
COOMAN, Jean Noel
CORDERO SOTO, Johanna
CORMANSKI, Alex
CORRALES, Rigoberto
CORTES, Carlos
COSSON-FLANAGAN, Madeleine
CRUZ Jaén, María Isabel
CUQ, Jean-Pierre
CUSTERS, Giedo
DA CONCEICAO GONCALVES, Helena
DAGNINO, Elda
DALHET, Patrick
DA SILVA, Emily Caroline
DALMASSO, Nicolas
DARGIROLLE, Francoise
DEANGELI, MaríaAngelica
DECORNE, Amandine
DELLOYE, Fabrice
DEL CARMEN Domínguez Isabel
DENISOT, Hugues
DESROCHES Frank
DESCHENES, Jérôme
DESGAGNE, Denis
DE SCHUYTER HUALPA, Pascale
DEZUTTER , Olivier
DÍAZ, Olga María
DOMÍNGUEZ, Isabel del Carmen
DUPUICH, Christine
ELSTEIN, Silvia Carmen
ESCOBAR DURAND, Claudine
FAJARDO, Elvira
FANTINATO, MaríaTeresa
FATJÓ, Olga
FERNÁNDEZ, Marcela
FERRAND, Sophie
FERREIRA, Júlia Simone
FERREIRA PINTO Manuela
FLORES, Allan
FLORES FLORES, Ociel
FONSECA, Diego
FOURTANIER, Marie-José
GAIOTTI, Claudia
GAMEZ APARICIO, Natalia Carolina
GARCÍA MERCHAN, Beatriz
GARNIER RIMOLO, Leonardo
GENTILE, Ana María
GEVAERT, Raymond
GOHARD-RADENKOVI, Aline
GOLDSTEIN, Danielle
GÓMEZ Sánchez, Manuel
GÓMEZ SÁNCHEZ, Ingrid
GONÇALVES SOUSA MACHADO, Marstela
GONZÁLEZ, Delma
GONZÁLEZ, Rita
GRANGEON-MAZAT Marie
GRANGEON, Guillaume
GREGORY BRUNET, Clarissa
GREMIGER, Clide
GRIVELET, Stéphane
GROULT, Noëlle
GUEVARA, Francisco
GUILLOT, Marie-Cécile
18
GUINET, Philippe
GULLOCK GUILLÉN, Aldo
HERNÁNDEZ, Carlos Luis
HERNÁNDEZ, Heidy
HERNÁNDEZ VIDAL, Gualfrido
HOLLE Alexandre
HUCKEL Coralie
JACOB DIAS DE BARROS, María Lúcia
JARDIM DA SILVA, Gabriela
JIMÉNEZ CHAPARRO, Andrea
JULIA, Elisa
JUVINEL DE EGEA, María Edy
KABLAN, Fanny
KANCELLARY DELAGE, Catherine
KARAM, Henriete
KOTTO-KOME, Max
KULCZYCKI, Romain
LACELLE, Nathalie
LALLEMENT, Fabienne
LAMBERT THIZY, Dominique
LARA Juan Carlos
LE CHARTIER, Maud
LEBON, Stéphanie
LEBRUN, Monique
LECONTE Patrice
LEFORT, Daniel
LEON COTO, Sandra
LEROY, Daniel
LIFFOURRENA, Andrea
LIRIA, Philippe
LOKUR, Anjali
LOPES, Marie José
LOUSADA, Eliane
LUCHETTI, María Fabiana
MACHADO KEY, Yolibeth
MARTINEZ, Nancy
MARTÍNEZ ALVAREZ, Felino Julio
MASELLO, Laura
MASSARO, Paulo Roberto
MATAMOROS Ramírez, Paula
MATARRITA MATARRITA, Sugey Viviana
MATEUDA, Ana María
MAXIMIN, Daniel
MEDINA DE Pérez, Gloria
MEGRE, Bruno
MELGAREJO GRANADA, María Gloria
MENA LICAIRAC, Rigel
METSSITANE, Layla
MEZANGE, Céline
MEZZETTA, Caroline
MONGE, Esteban
MONTILLAU, Pierre
MONTOYA, Milena
MORA, Yuliana
MORAES, Stela
MORALES, Hazel
MORANDI, Liliana Mabel
N. MACHADO, Nara Helena
NACIF DE MORAES, Othon Jorge
NARANJO GARITA, Alfonso
NASCIMENTO DAY, Kelly Cristina
NATALI, Caroline
NINET, Silvina
19
NÚÑEZ QUESADA, María Gabriela
OLIVENCIA, Rodrigo
ORTEGA, José
ORTIZ CABEZAS, Marcela
OTZOY CATÜ, Ingrid
OVERMANN, Manfred
PACHECO, Gilda
PACHECO, Sandra
PAGEL, Dario
PALKHIWALE, Alpana
PASQUALE, Rosana
PAQUIER, Evelyne
PASSOT, Beatrice
PEREIRA DE ALMEIDA, Claudia
PEREIRA ZANINI, Mariza
Pérez GUZMAN, Luis
PIETRAROIA, Cristina
PIGNARD, Corinne
PINARD-PRÉVOST, Geneviève
PINHEIRO-MARIZ, Josilene
PLATA PEÑAFORT, Carolina
POMIÉS, Christian
PONGE, Robert
POULIQUEN, Anouk
PROST, Anaïs
QUAGHEBEUR, Marc
QUINTILIANO PEREIRA, Deise
RAGHUNADAN, Amrita
RAMAZZINA GHIRARDI, Ana Luiza
RAMÍREZ, Ronald
REITH, Jean-Claude
RETANA, Roger
REYES, Javier
REYES, Teresita
RIBA, Patrick
RIVAL, Marianne
RODRIGUES DE CASTRO, Juliana
Rodríguez, Beatriz
Rodríguez, Eugenia
Rodríguez, Marie-Noëlle
Rodríguez MÉNDEZ, Denis
ROJAS CALDERÓN, Daniela
ROJAS CHAVARRÍA, Aída Patricia
ROJAS BONILLA José
ROSSI, Anacristina
RUGGIA, Simona
SALAS, Ligia
SALES CHIANCA, Rosalina Maria
Sánchez, Edna
Sánchez, Marielos
SANCLER GÓMEZ, Joan Valentina
SANTANDER Paula
SARA, María Leonor
SASSOLA, Griselda
SCHUMACHER EDER FUÃO, Rebeca
SEGALEN, Lena
SEGURA CEDEÑO, Anthony
SÉOUD, Amor
SEVILLA, Jean-Claude
SOLANO ROJAS, Mariana
SOLÓRZANO, Carlos
SORIN, Noelle
SOTO COCCO, Cristina
20
SOUZA DOS SANTOS GOMES, Ivanete Maria
SPENCER, Samia
TEBES, Betsabe Romina
TOMASINI BASSOLS, Lucia
TOMATTI, Teresa
TRAN DE GUEVARA, Van Thu
TRINQUET, Patricia
ULATE, José Manuel
ULLOA-AGUILAR, Renato
URBINA, Evelyn
VALENTIM DUCA OYAMA, María Helena
VALERA, Gilberto
VANGOR, Anne
VANMARSAT, Mathilde
VANTHIER, Hélène
VAN DIXHOORM Lidwien
VARGAS MURILLO, Gabriela
VELÁZQUEZ HERRERA, Adelina
VENEL Marie-Dominique
VENITUCCI, David
VICTOR, Jean-Jacques
VIGLIONE, Elisabeth
VIVANCOS, Nuria
WAGLE, Anuradha
WERNER, Rosa del Valle
ZÁRATE, Guido
ZUÑIGA, Norma
21
Les articles publiés dans ces actes ont été présentés lors du Congrès SEDIFRALE XVI, qui s’est tenu á
l’Université Nationale de Heredia, Costa Rica, du lundi 4 février au vendredi 7 février 2014.
Certaines des communications présentées n’ont pas été soumises par les auteures et les auteurs.
COMITE ORGANISATEUR
En suivant les liens de la table des matières, vous pouvez télécharger les articles du congrès au format PDF.
Les droits d’auteur demeurent la propriété des auteures et des auteurs.
TABLE DE MATIERES
AUTEUR
PAYS
COMMUNICATION
ALEMÁN GUILLÉN, Pedro
Universidad Central de Venezuela.
VÉNÉZUELA
Enseigner la grammaire FLE en utilisant la LSF. Une expérience
enrichissante.
ALEMÁN GUILLÉN, Pedro
Universidad Central de Venezuela.
VÉNÉZUELA
Le CECRL au sein des universités vénézuéliennes.
BROSSARD, Jean Pierre
Université de Guadalajara
MEXIQUE
Importance de l’influence culturelle dans les années 1970 / 1980.
CANSIGNO, Yvonne
Université Autonome Metropolitaine-Azcapotzalco.
MEXIQUE
«La créativité littéraire en contexte universitaire à l’aide de la technologie?»
CEBERIO, María Elena
Universidad Nacional de Río Cuarto
ARGENTINE
Des représentations des formateurs à l´introduction des approches
plurielles dans l´enseignement des langues.
COOMAN, Jean Noel Universidad Nacional
Autónoma de Honduras- UNAH.
HONDURAS
D’une recherche sur la gestion des compétences plurilingues à la
proposition d’une maitrise innovante en didactique des langues et
cultures au Honduras.
DAGNINO, Elda
ARGENTINE
La classe orale: des stratégies croisées.
DARGIROLLE. Françoise
Université Bordeaux 3 et MAE
FRANCE
«Est-il trop tard pour donner envie d’écrire aux jeunes?»
DA SILVA, Emily
Université de São Paulo (USP)
BRÉSIL
L’approche des contenus culturels en question:
une analyse des représentations construites dans et par les textes des
enseignants.
ELSTEIN, Silvia
MORANDI, Lilliana
Université Nationale de Rio Cuarto.
ARGENTINE
Activités ludiques et créatives à partir des ressources et outils du Web 2.0
Axe thématique: Didactique: un dialogue de réflexion et de pratiques.
FERNANDEZ, Marcela
LIFFOURRENA, Andrea
ARGENTINE
Regards croisés sur le discours académique: analyse comparatiste du
résumé de communication en français et en espagnol
22
AUTEUR
PAYS
COMMUNICATION
FERREIRA, Julia Simone
Université Fédérale D’Acre - UFAC
BRÉSIL
Psychocritique et intimisme: une étude des œuvres Moderato Cantabile
et Le Ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras
GAMEZ, Natalia
ARGENTINE
Le Facebook: un outil didactique
GONÇALVES SOUSA MACHADO, Maristela
ZANINI. Mariza
Universidade Federal de Pelotas- Brésil.
BRÉSIL
Figures de l’hypocrisie: de Tartuffe à la scène politique brésilienne
GUILLOT, Marie-Cécile
Québec, CANADA
Transférabilité du Cadre européen commun de référence pour les langues
à un programme non européen
BRÉSIL
Une étude des thèmes du fantastique dans Melmoth
Réconcilié, récit d’Honoré de Balzac
BRÉSIL
Les locutions idiomatiques dans Omphale, conte de
Théophile Gautier: Comment les traduire?
KANCELLARY-DELAGE, Catherine
Université Bordeaux-
FRANCE
SERIE PLUS FACILE!:
Une proposition pour apprendre le français au Costa Rica.
NÚÑEZ QUESADA, María Gabriela
Ancien professeur FLE, Universidad
Nacional de Costa Rica
Présidente de l' ACOPROF
Comité Organisateur des XVI SEDIFRALE
COSTA RICA
MATEUDA, Ana
Institut Supérieur de Formation d’Enseignement, Inspector Albino Sánchez Barros
Universidad Nacional de Rosario.
HUCKEL, Coralie
Université du Québec à Montréal
JARDIM da SILVA, Gabriela
KARAM, Henriette.
UFRGS / UCS
JARDIM da SILVA, Gabriela
PONGE. Robert
UFRGS
VARGAS MURILLO, María Gabriela
Professeur FLE et coordinatrice du
Programme Français et Education
Universidad Nacional de Costa Rica
KULCZYCKI, Romain
Ministère de l 'Éducation Nationale,
Programme Jules Verne au Costa Rica.
COSTA RICA
Éducation au Développement Durable: enseignements transversaux, valeurs
universelles.
LE CHARTIER, Maud
Ambassade de France au Costa Rica
COSTA RICA
L´utilisation du théâtre pour des activités d´expression orale en classe
MARTÍNEZ ÁLVAREZ, Felino
Alliance Française de la Havana.
CUBA
Du nouveau sur les méthodologies de l’enseignement des
langues ces dernières années?
MATAMOROS RAMÍREZ, Paula
Universidad Nacional
COSTA RICA
Écrivons un conte!
23
AUTEUR
PAYS
COMMUNICATION
MEDINA DE PÉREZ Gloria
Institut Supérieur des Langues-Université
Nationale d’Asunción.
PARAGUAY
«Formation des enseignants: un nouveau profil du professeur FLE?»
MELGAREJO GRANADA Maria Gloria
St. Cloud State University, Minnesota.
ETATS-UNIS
MERIEM, Rais
Université de Biskra.
ALGERIE
CANDAU ESPE, Olivier-Serge Université des
Antilles Guyane.
GUADELOUPE
ORTIZ CABEZAS, Marcela
Professeur FLE. MEP
COSTA RICA
Sémiotique et publicité en classe de FLE
PALKHIWALE, Alpana
St. Xavier’s College,
Mumbai.
INDE
Une étude de l’image de la femme dans l’écriture féminine francophone de
l’Afrique noire et dans l’écriture féminine contemporaine en Inde d’expression régionale qui relèvent d’une problématique commune.
PLATA PEÑAFORT Carolina
Pontificia Universidad Javeriana de Bogotá.
COLOMBIE
Projets interculturels en cours de FLE.
PONGE, Robert
UFRGS.
BRÉSIL
Une étude thématique, didactique et littéraire
des transformations urbaines de Paris de 1800 à 1870.
SARDINHA CHAGAS DE MORAES,
Stela Maria
Universidade do Estado do Rio de Janeiro
Alliance Française de Niterói
Association des Professeurs de Français de
l’État de Rio de Janeiro.
BRÉSIL
Louis Jouvet et le dialogue France-Amérique latine
SOTO COCCO, Cristina
Alliance Française de São Paulo
BRÉSIL
De la tradition de La Fontaine à la «twittefabulation»: un blog et des idées
pour travailler les fables avec des adultes apprenants du FLE
SOUZA DOS SANTOS GOMES,
Ivanete Maria
Centre d'Etat de Langue et Culture Française
Danielle Mitterrand (Macapa-Amapa-Brésil)
BRÉSIL
Enseignement de l'oral et formation initiale et continue des enseignant(e)s
de FLE en Amapa (Brésil): quelle place pour la réflexivité?
TEBES, Betsabé.
ALLIANCE FRANÇAISE
GUATEMALA
L’éveil aux langues en classe de FLE
VALENTIM DUCA OYAMA, Maria Helena
(UFRR/ APFRR).
BRÉSIL
Enseigner la francophonie à l´état de Roraima - quels défis?
WAGLE, Anuradha
INDE
Le thème de l’environnement dans l’élaboration des manuels pour
l’enseignement du FLE.
L’Algérie, aux portes de la Caraïbe? Complexité du processus d’enseignement-apprentissage du français: effets de contextualisation sur les enjeux
didactiques.
MACHADO, Nara Helenba
PUCRS.
24
Communications
25
Communication Betsabe Tebes - L’eveil aux langues en classe de FLE
TEBES, Betsabé - Guatemala
Alliance Française, Guatemala Ciudad
• Raisons du choix effectué et besoins du terrain. Présentation du contexte sociolinguistique
dans lequel est né l’ensemble pédagogique élaboré.
• Définition ,caractérisation et finalités de l’éveil aux langues.
• Présentation de l’ensemble pédagogique. Exemples d’activités.
• Les apports potentiels de l’éveil aux langues dans la perspective d’une éducation
plurilingue.
• L’éveil aux langues dans le cadre de la diffusion du français. Points forts et faibles.
• Conclusion.
Contexte sociolinguistique du Guate:
L’intérêt personnel par la complexité des relations entre les groupes linguistiques dans le pays
centroaméricain et la passion par l’enseignement précoce du FLE, m’ont séduit et permis de
consacrer mon mémoire professionnel à la mise en place d’un ensemble pédagogique destiné
aux enfants dans le but de les motiver à l’apprentissage du français et les sensibiliser à la diversité linguistique présente dans le monde et particulièrement dans leur pays.
Existence d’un processus de minoration des langues mayas, garifuna et xinka. Situation
désavantageuse sur l’échelle de valeurs.
L’espagnol: vu comme l’instrument à travers lequel s’établit et se configure la pensée sociale
et spirituelle de ses locuteurs, en se transformant en étendard du peuple et de ses sentiments
nationalistes.
Les jugements de valeur que les locuteurs attribuent aux langues minorées sont souvent
utilisés pour souligner leur infériorité par rapport à l’espagnol. Processus de minoration: racines
dans la colonisation.
Situation conflictuelle: diglossie.
Configuration linguistique bouleversée.
Les Accords de PAIX: base de la construction d’une nation multiculturelle, multiethnique et
multilingue.
L’ Accord sur l’identité et les droits des Peuples Indigènes ( AIDPI). Création de la «Commission des Réformes Constitutionnelles»: Referendum du 16 mai 1999.
L’éveil aux langues, caractérisation:
• Approches plurielles des langues et des cultures: des approches didactiques qui mettent en
œuvre des activités impliquant à la fois plusieurs variétés linguistiques et culturelles.
• Il y a éducation et ouverture aux langues lorsqu’une part des activités porte sur des langues
que l’école n’a pas l’ambition d’enseigner (Cf. projet Evlang)
Contribuer à la construction de sociétés solidaires, linguistiquement et culturellement
pluralistes.
Dans les activités, il s’agit d’aborder les langues: en multipliant les occasions de passer de
l’une à l’autre, en prenant appui sur ce que les élèves savent dans l’une pour mieux en comprendre une autre, en découvrant ce qui est semblable ou différent dans les unes et les autres…
Finalités de l’approche d’éveil aux langues:
Développer chez les élèves des représentations et des attitudes positives d’ouverture à la
diversité linguistique et culturelle et de confiance envers leur propre répertoire (attitudes,
savoir-être);
Développer leurs capacités d’observation, d’analyse et de réflexion à propos du langage et des
langues (aptitudes, savoir-faire);
Elargir leurs connaissances à propos des langues, en les inscrivant dans le contexte
plurilingue du monde actuel (savoirs);
Accroitre leur motivation à apprendre des langues et enrichir leurs stratégies d’apprentissages (attitudes, savoir-être, savoir-apprendre).
26
• Exemples d’activités issues du programme
élaboré pour l’’ecole Mundo Sesamo:
Activité nº7 Cuentos de las abuelas y los abuelos «Ri
Kitzijon kan ri Qati’t Qamama’» Durée: 1h. Description:
activité de lecture qui propose aux enfants une introduction
à la littérature maya-kaqchikel à travers un conte illustré.
Langues utilisées: le kaqchikel, l’espagnol. Objectif visé:
motiver les enfants à la lecture de contes propres à la
culture maya, les aider à comprendre le pourquoi de
l’existence de certaines croyances actuelles qui ont une
explication dans les histoires des grands-parents.
Les apports des démarches d’éveil aux langues:
• Pluralité des langues: Elles font une place à toutes les
langues quelque soit leur statut.
• Elles concernent les aptitudes langagières (discrimination auditive et visuelle, capacités de repérage, etc.), les
attitudes envers les langues (ouverture à la diversité linguistique et culturelle, motivation à apprendre des langues) et les
savoirs à leur propos (combien de langues dans le monde…).
• Elles concernent des aspects diversifiés du langage et
des langues: communication, diversité et évolution, fonctionnement, usages, langage parlé et écrit, etc…
• Apports:
• Apprendre aux élèves que les langues ne sont pas
sectaires et que les êtres humains peuvent s’enrichir en
communicant dans plusieurs langues, ce qui débouche sur
des choix des langues plus diversifiées.
• Apprendre aux enfants que la nécessité des êtres
humains de communiquer n’entre pas en conflit avec la
diversité et que les langues ont coexisté pour des utilisations
complémentaires depuis l’antiquité. A travers les activités
conçues pour notre programme, nous avons voulu montrer
aux apprenants que le bilinguisme et le multilinguisme offrent
l’avantage de renforcer l’identité des gens puisque le fait
d’utiliser telle ou telle langue constitue en soi un acte
d’appartenance à une communauté en particulier.
• Ces démarches ne visent pas la maitrise des langues
travaillées et ne prétendent pas se substituer à un enseignement des langues, mais représentent un complément aux
différents enseignements un cadre qui permet leur mise en
relation dans un processus d'intégration et qui donne sens aux
apprentissages.
Conclusion:
• C’est chez les enfants que la diffusion des langues
trouvera sa place et pourra déboucher sur des choix linguistiques plus variés et riches.
• Le chemin est long et difficile et surement il sera rempli
des allées et des retours mais il mérite sans doute d’être
parcouru.
Transférabilité du Cadre européen commun de référence pour les langues
à un programme non européen
GUILLOT, Marie-Cécile - HUCKEL Coralie
Université du Québec à Montréal
Introduction
Le Cadre européen commun de référence pour les langues
(désormais le Cadre ou CECR), devenu une référence en
Europe dans l’enseignement/apprentissage des langues, sort
des frontières européennes. Néanmoins, le contexte de chaque
pays étant différent, le Cadre est-il transférable à un
programme non européen? Après avoir présenté le CECR, les
raisons et objectifs de sa création, les concepts théoriques sur
lesquels il repose, nous exposerons notre démarche en vue
d’intégrer le CECR à notre programme, puis présenterons les
impacts d’une telle intégration. Pour conclure, nous rendrons
compte des résultats, à savoir dans quelles mesures le CECR
est transférable à un programme non européen.
Présentation du CECR et approche actionnelle
Rappelons que le CECR est né d’un constat, celui du
manque de transparence et de lisibilité des diplômes à l’échelle
européenne (symposium intergouvernemental, Suisse 1991).
Les experts recommandèrent la création de deux outils: d’une
part, un outil commun à tous les pays, qui permettrait de faire
le point sur les méthodologies de l’enseignement de toutes les
langues et leur apprentissage, et d’autre part, un outil qui
rendrait transparents les résultats de cet apprentissage1.
Après plus de dix ans de travaux scientifiques, soutenus
d’abord par le Fonds national suisse de recherche, puis par le
Conseil de l’Europe, ces recommandations menèrent effectivement à un référentiel, le Cadre européen commun de référence
pour les langues: apprendre, enseigner, évaluer, permettant la
mise en place de programmes comparables en proposant un
cadrage commun2 et prônant une approche actionnelle de
l’enseignement/apprentissage des langues.
Le CECR est aujourd’hui disponible en 39 langues, utilisé
en Europe, mais aussi sur d’autres continents.
Voyons à présent quels concepts théoriques le sous-tendent. La perspective privilégiée par le Cadre est de type actionnel: apprendre une langue est considéré comme une préparation à une utilisation active de la langue pour communiquer et
si possible s’intégrer dans une communauté différente pour y
devenir un acteur social à part entière. Le modèle actionnel
reprend les concepts de l’approche communicative en y
ajoutant l’idée de tâches à accomplir dans les multiples
contextes auxquels un apprenant sera confronté dans la vie
sociale. Pour réussir à accomplir diverses tâches, l’apprenant
doit mobiliser l’ensemble de ses compétences et de ses
ressources (stratégiques, cognitives, verbales et non-verbales)
afin d’atteindre son objectif: la réussite de la communication
langagière3.
Les compétences
Le Cadre précise la notion de compétence et distingue les
compétences générales individuelles de la compétence à
communiquer langagièrement4. Les compétences générales
individuelles comprennent (1) les savoirs (culture générale,
savoir socioculturel), (2) les aptitudes et savoir-faire (capacité à entrer en contact avec les natifs
de la langue étrangère), (3) le savoir-être (personnalité de l’apprenant) et (4) le savoir-apprendre
(capacité à observer de nouvelles expériences). La compétence à communiquer langagièrement
comprend trois composantes: (1) la composante linguistique (savoir et savoir-faire relatifs au
lexique, à la syntaxe, à la grammaire à l’orthographe et à la phonologie); (2) la composante
sociolinguistique (connaissance et habiletés à faire fonctionner la langue dans un contexte de
normes sociales, maîtriser les paramètres socioculturels de l’utilisation d’une langue); (3) la
composante pragmatique (l’utilisation fonctionnelle des ressources de la langue, réalisation
d’actes de parole, maîtrise, cohésion du discours, le repérage des genres et types textuels).
Parallèlement, le Cadre met en oeuvre quatre activités langagières: la réception, la production,
l’interaction et la médiation. Les trois premières sont des activités traditionnelles en enseignement des langues. Quant à la médiation, elle «permet de produire à l’intention d’un tiers une
(re)formulation accessible d’un texte premier auquel ce tiers n’a pas d’abord accès5».
Niveaux de compétences
Les compétences langagières évaluées dans le Cadre sont regroupées en cinq catégories (1)
comprendre (écouter, lire); (2) parler; (3) prendre part à une conversation; (4) s’exprimer
librement en continu et (5) écrire. Le niveau de l’apprenant «est défini en fonction du plus ou
moins grand nombre de tâches qu’il est capable de réaliser correctement6».
Le Cadre distingue trois niveaux: le niveau A: utilisateur élémentaire, le niveau B: utilisateur
indépendant et le niveau C: utilisateur expérimenté. Chacun de ces niveaux est subdivisé en
deux; pour le niveau A: A1, niveau introductif ou découverte et A2, niveau intermédiaire ou de
survie. Pour le niveau B: B1 qui correspond au niveau seuil (début d’autonomie) et B2 qui
correspond au niveau avancé ou indépendant. Pour le niveau C: C1, autonome, et C2, maîtrise
(capable de comprendre sans effort, de s’exprimer spontanément).
Forces et limites du CECR
La première force du Cadre est qu’il remplit sa mission de donner un cadrage commun et une
référence commune quant au niveau d’apprentissage des langues. Sa richesse ne se réduit pas à
ses échelles de niveaux de compétences. Il constitue un outil tant pour les apprenants que pour
les institutions, facilitant la mobilité des étudiants. Comme le souligne Coste (2007), «l’utilisation la plus spectaculaire du CECR est […] celle qu’on constate dans le domaine de l’évaluation,
des certifications, de la désignation des objectifs en termes de compétences. Les désormais
fameux 6 niveaux.» (p. 3).
Une des limites est que le Cadre est axé sur l’apprentissage des langues en Europe; il y est
surtout question de mobilité européenne, de contexte européen. Bien que le Cadre ne doive pas
être vu comme une norme prescriptive, il a été considéré comme tel7. C’est ainsi qu’Humeau
(2012) considère qu’il est nécessaire de contextualiser le CECR. Rosen (cité dans Humeau, 2012)
estime que cette contextualisation est nécessaire dans les contextes comme celui de la Chine en
raison d’une «grand distance culturelle et géographique d’avec la France8».
Par ailleurs, les frontières entre chaque niveau sont relatives et comme le mentionne Rosen9,
«aucune indication n’est donnée sur les volumes d’heures d’enseignement/ apprentissage des
langues»; les niveaux peuvent donc être sujets à interprétation.
1 Rosen, p.9-10
2 Rosen, p.14
3 Rosen, p.17-18
4 Le Cadre européen commun de référence pour les langues, 2005
5 Le Cadre européen commun de référence pour les langues, 2005, p.18
6 Rosen, p.18
7 Coste, 2007; Humeau, 2012
8 Humeau, 2012, p.133
9 2007, p.115
27
Une autre limite du Cadre concerne l’évaluation de la compétence interculturelle. Bien que le
Cadre identifie clairement à l’intérieur des compétences générales le savoir socioculturel, la prise
de conscience socioculturelle et les aptitudes et savoir-faire interculturels comme étant des
objectifs dans l’enseignement/apprentissage d’une langue10, les niveaux d’acquisition ne sont
pas intégrés. C’est ainsi que Zarate11 déplore que tout ce qui touche l’interculturel est placé «sous
le chapeau des compétences générales et que le CERC élude la question centrale de leur évaluation».
Intégration ou non du Cadre dans le programme FLS à l’Université du Québec à
Montréal
L’Université du Québec à Montréal est une université francophone installée à Montréal
(Québec, Canada). Environ 42 000 étudiants y sont inscrits dans 160 programmes. Le Certificat
de français écrit pour non-francophones s’adresse aux étudiants apprenant le français; il
comporte 10 cours de 45 heures. Certains cours couvrent les quatre habiletés alors que d’autres
sont axés sur une habileté en particulier: phonétique, compréhension écrite, production écrite,
communication orale, etc. Environ 350 étudiants suivent ce programme. Il s’agit principalement
d’immigrants ayant déjà suivi une formation de base en français et qui sont diplômés dans leur
pays d’origine. Ces apprenants ont décidé d’immigrer au Québec et comptent y demeurer.
Bibliographie
• Conseil de l’Europe, Cadre européen commun de
référence pour les langues, 2005, Didier.
• Coste, D., Le Cadre européen commun de référence pour
les langues. Contextualisation et/ou standardisation?,
Colloque de la FIPF, juin 2007
• Frath, P. (2006). «Le portfolio européen des langues et le
cadre européen commun de référence: entre normalisation
institutionnelle et responsabilité individuelle», 12 pages
téléchargeables à http://www.aplv-languesmodernes.org
12 2006, p.16
• Humeau, G. Le CECR, un outil pour réformer l’enseignement/apprentissage du français en milieu universitaire chinois,
Synergies Chine nº 7, 2012, pp.129-139.
Impacts
Quels seraient les impacts de l’adoption du CECR pour notre programme? Le premier impact
se ferait dès l’entrée, c’est-à-dire au niveau du test de classement. Notre test actuel doit être passé
par tout étudiant désirant suivre le programme; il s’agit d’un test informatisé comprenant 4 volets:
compréhension orale, compréhension écrite, production écrite (grammaire et composition) et
production orale en continu. Notre test ne comporte pas de volet production orale en interaction,
pour des raisons de gestion. Si nous voulions nous conformer au CECR, il faudrait ajouter la
cinquième catégorie des compétences langagières à évaluer: la production orale en interaction.
• Ministère de l’immigration, de la diversité et de l’inclusion du Québec (échelle québécoise des niveaux de
compétences en français des personnes immigrantes adultes
http://www.immigration-quebec.gouv.qc.ca/publications/fr/langue-francaise/ Echelle-niveaux-competences.pdf
Un autre impact au niveau du test de classement est celui du traitement des résultats et du
classement des étudiants. Actuellement, selon le nombre de points obtenus globalement à
l’ensemble du test, l’étudiant est classé dans les différents niveaux de nos cours. Si nous
adoptions le Cadre et adaptions notre façon de traiter les résultats du test, il nous faudrait décider
si oui ou non nous voudrions avoir des cheminements individualisés pour nos étudiants, selon
leurs forces et faiblesses dans les 5 catégories des compétences langagières. Ceci leur permettrait de suivre des cours à des niveaux différents durant le même semestre. Ce n’est pas le cas
actuellement et cette vision serait fort intéressante.
• Zarate, G. (2010). L’évaluation des compétences
culturelles et interculturelles à travers le débat des institutions
européennes, dans Implicites, stéréotypes, imaginaires, La
composante culturelle en langue étrangère, sous la direction
de Alao, G., et al. Éditions des archives contemporaines.
• Rosen, E. (2007). Le point sur le Cadre européen
commun de référence pour les langues, Clé International.
En ce qui concerne l’étudiant, passer un test de classement qui suivrait les 6 niveaux du CECR
aurait un impact positif: il saurait exactement à quoi correspond son niveau en français dans les
certifications qui suivent le CECR.
Le deuxième impact de l’adoption du CECR dans notre programme concernerait les contenus
et approches pédagogiques. En effet, si certains de nos cours s’inscrivent déjà dans la perspective actionnelle et suivent une approche par les tâches, d’autres ne suivent pas cette approche.
Les conséquences envisageables comprendraient une réflexion sur la pertinence d’adapter les
approches pédagogiques de tous nos cours et d’en transformer les contenus, sans oublier la
formation du corps enseignant.
Conclusion
L’intégration du Cadre au sein de notre programme est-elle pertinente compte tenu du
contexte québécois? En effet, les étudiants apprenant le FLS sont majoritairement des immigrants
provenant d’autres pays et peu sujets à la mobilité. Ils apprennent le français pour s’intégrer
socialement et professionnellement à la société d’accueil. De plus, le Ministère de l’immigration,
de la diversité et de l’inclusion du Québec a élaboré une «Échelle québécoise des niveaux de
compétences en français des personnes immigrantes adultes». L’institution a procédé à une
refonte complète du programme FLS, sans y avoir intégré ni le CECR ni l’Échelle québécoise des
niveaux de compétences, préférant se concentrer sur le contenu des cours ainsi que sur une
progression plus harmonieuse pour les étudiants. Comme le suggère Prath12, il faut «résister à
la tentation de structurer l’apprentissage des langues exclusivement autour du Cadre et du
Portofolio» de peur de normaliser les contenus et les méthodes risquant ainsi de «vider les
enseignement de leur créativité». Ceci dit, la réflexion se poursuit, et l’intégration du Cadre
au sein du programme FLS à l’UQAM demeure une question ouverte.
28
10 CECR, chapitre 5
11 2001, p.13
L’Algérie, aux portes de la Caraïbe? Complexité du processus d’enseignement-apprentissage du français:
effets de contextualisation sur les enjeux didactiques
MERIEM, Rais, Université de Biskra-Algérie,[email protected]
Candau Olivier-Serge, ESPE de Guadeloupe, Université des Antilles- Guyane, [email protected]
Résumé
L’Algérie et l’île de Saint-Martin se caractérisent par une
situation de multilinguisme et posent la question des stratégies
pédagogiques et didactiques à adopter dans le cadre de
l’enseignement du français. Cette étude a pour but de mettre en
perspective les politiques linguistiques sur l’identité
algérienne et saint-martinoise tenus par les experts. L’article
conclura sur la manière dont ces représentations sociolinguistiques favorisent des lieux potentiels de directives
pédagogiques implicites pour l’enseignement.
Abstract
Algeria and the island of Saint-Martin are characterized by a
multilingual environment, and present the question of which
educational and didactic strategies to adopt for French
language teaching in these linguistic circumstances. The aim
of this study is to examine sociolinguistic discourse on
Algerian and Saint-Martinese identities by experts to examine
them in the perspective of the education system on theses
territories. The article concludes with a consideration of the
ways in which such sociolinguistic representations favor the
potential implementation of educational directives implicit in
teaching.
Mots-clés
Alternances de langues, conflit diglossique, contextualisation didactique, glottophagie, multilinguisme.
Key-words
Code-switching, languages conflict, school context,
glottophagy, multilingualism.
Introduction
Le croisement de la didactique du plurilinguisme et de
l’approche interculturelle (Abdallah-Pretceille (2003) et Zarate
(2003) dans l’enseignement-apprentissage des langues invite
à s’interroger sur le rôle de l’institution scolaire dans le
parcours identitaire de l’apprenant tout autant que dans
l’appréciation de l’acte d’enseigner (Coste, Moore et Zarate,
1996). L’importance du panorama sociolinguistique impose de
prolonger le débat sur les stratégies pédagogiques en place.
Une comparaison des contextes partiellement francophones
dont relèvent à la fois l’Algérie et Saint- Martin nous permettra
d’aborder les points qui relèvent d’une interrogation soit
commune soit divergente de contextualisation pédagogique
(Beacco, 2001). La question se pose en effet de savoir si les
représentations linguistiques émises en particulier par les
autorités politiques et éducatives des deux territoires rendent
vraiment compte de la réalité sociolinguistique en jeu. Alors
que l’Algérie est indépendante depuis 1962, Saint-Martin
gagne progressivement son autonomie, en devenant une
Collectivité Ultra-Marine (COM) en 2007. Héritage d’une
histoire coloniale tourmentée, l’enseignement du français,
langue étrangère en Algérie, et langue unique d’enseignement
à Saint-Martin, révèle des positionnements idéologiques marqués de la part des politiques qui
assument la délicate tâche de lancer des réformes pédagogiques dans des sociétés multilingues.
Notre étude vise à ainsi discuter l’écart entre la richesse multilingue des territoires en présence et
les représentations sociolinguistiques des autorités éducatives.
Contexte de l’étude
On s’efforcera dans un premier temps d’esquisser un panorama sociolinguistique des deux
territoires en présence. La répartition des parlers en Algérie se fait selon une bipartition assez
nette: un premier groupe majoritaire constitué d’arabophones (parlant une variété algérienne
d’arabe, le Darja) et une minorité de berbérophones. Les parlers berbères couvrent une réalité
langagière hétérogène. On citera les variantes les plus usitées selon les régions où elles se
pratiquent: Kabyle (Kabylie), Chaoui (Les Aurès), Mozabite (Mzab), Touareg (Sahara), Chelha
(région frontalière du Maroc), Tagargent (Ouargla), Zénète (Gourara). Le passé colonial est un
des paramètres incontournables pour comprendre la situation linguistique du pays. Dès 1830, le
français s’impose dans les usages officiels. Grandguillaume souligne d’ailleurs en 2004 le
paradoxe d’un pays façonné politiquement par l’envahisseur et qui lors de son indépendance se
révèle incapable d’imposer la langue de l’héritage (l’arabe classique) cantonnée jusqu’alors à des
usages religieux ou privés et de fait sans possibilité de traduire les exigences d’une société
moderne. Les mouvements nationalistes arabophones peinent alors à rendre prestigieux l’usage
d’une langue trop longtemps dévalorisée et pourtant seul perçue comme un ferment civilisationnel exclusif. Si la seule alternative proposée au français de la colonisation est désormais l’arabe
de la nationalisation, un héritage du passé demeure: la glottophagie (Calvet, 1974) des parlers
Amazighs en particulier dévorés par l’arabisation. L’arabisation du système éducatif se mesure
d’ailleurs à la place attribuée au français, désormais langue étrangère, enseigné seulement à
partir de la quatrième année.
La situation de Saint-Martin relève en apparence d’une logique inverse. L’île de Saint-Martin
s’inscrit comme un carrefour entre les Grandes et Petites Antilles. Alors qu’une frontière invisible
la traverse, elle constitue le plus petit territoire insulaire au monde relevant de deux souverainetés
européennes dont elle dépend, la France et les Pays-Bas, sur un ensemble de moins de 100 km².
La partie française rattachée administrativement à la Guadeloupe depuis 1763 est devenue COM
le 15 juillet 2007. Elle jouit donc d’un statut particulier disposant d’une certaine autonomie, en
tant qu’entité distincte de l’État français, notamment dans l’exercice de ses compétences administratives et éducatives. Le répertoire langagier saint-martinois est complexe et comporte de
nombreuses langues (anglais, créole haïtien, espagnol, le français, néerlandais, papimentu) dont
un parler spécifique, le West Indian English. Alors que les démarches administratives et juridictionnelles s’inscrivent de plus en plus dans une démarche multilingue (anglais, français,
espagnol) l’école pérennise des interventions monolingues.
Si l’on aborde la question des langues de l’école (l’arabe classique ou le français standard),
force est de reconnaître que le panorama des langues en présence invalide toute approche
unilingue. L’identité culturelle construite par l’école (arabophone ou francophone) est moins une
donnée construite par l’héritage de l’histoire que le reflet d’une volonté politique d’imposer un état
nation fort.
Cadre théorique
C’est bien parce qu’on assigne aux langues un pouvoir d’identification qu’elles n’ont pas,
qu’on peut dénoncer la menace qui règne sur la richesse des parlers en présence. Nous apporterons ici un éclairage théorique sur les présupposés de la langue comme vecteur identitaire
(Gauthier, 2011) avant d’apporter quelques précisions sur le contexte postcolonial dans lequel
elle émerge (Baneth-Nouailhetas, 2010). La gestion politique des langues en Algérie durant la
période coloniale a servi de catalyseur à une glottophagie (Calvet, 1974). Ce processus
d’exclusion d’une langue par une autre est réussi lorsqu’il recouvre l’absorption de la langue
minorée par celle qui la domine. Pourtant, une des facteurs les plus efficients de la
29
résistance à la glottophagie se trouve au sein même du peuple colonisé dont la résistance
politique prend alors une tournure linguistique. La minoration des parlers en présence en Algérie
impulsée sous la colonisation s’élabore au cours d’une dépréciation progressive des formes
considérées comme non standards et aboutissant à un véritable drame linguistique (Memi, 1995
et Morsly, 2012). La subordination linguistique (Boyer, 1997) entamée dès la période coloniale
et poursuivie sous l’arabisation nationaliste instaure paradoxalement une instabilité linguistique
(Sekai, 1999).
Cette étude montre que la construction d’un projet éducatif porteur des valeurs éthiques de
l’Algérie et de Saint-Martin ne peut faire l’économie d’une attention soutenue aux discours de
référence qui la construisent, c’est à dire de son ethos (Redon, 2008). On établira les spécificités
des identités des deux territoires pour analyser les possibilités d’impact sur les pratiques et les
représentations pédagogiques. On fera deux hypothèses en particulier:
- La reconnaissance des langues minoritaires peut s’avérer être un trait opératoire pour
justifier d’une identité algérienne autant que saint-martinoise.
- La mention des langues minoritaires dans les deux territoires par les autorités politiques ne
relèverait pas d’une prise en compte réelle, mais dissimulerait en plus une suprématie de la
langue standard.
Méthodologie de la recherche
Nous avons fait le choix de restituer une intelligibilité des contextes algérien et saintmartinois
par une mise en perspective des discours qui les configurent, pour comprendre à plus long terme
ce qui pourrait avoir un impact sur les représentations des enseignants et leurs pratiques
pédagogiques. Le croisement des questions sociolinguistique et didactique sera étayé par deux
enquêtes de terrain. La première concerne l’Algérie. Il s’agit d’exposer succinctement les résultats
de l’analyse des discours institutionnels réalisée par Kebbas (2010) au sujet des recommandations de la Commission Nationale de Réforme du Système Educatif algérien (CNRSE), et leur
mise en oeuvre dans les nouveaux programmes et manuels du secondaire publiés entre 2005 et
2007. Ces recherches portent sur l’importance des pratiques plurilingues dans l’apprentissage
des langues étrangères en contexte algérien. L’étude du contexte saint-martinois se fera à partir
des discours officiels tenus par des acteurs politiques, ou des personnages officiels impliqués
dans la question du développement identitaire de Saint-Martin. Notre choix s’est arrêté sur quatre
sources officielles: Le Dossier bilinguisme (2006) accessible sur le site de la COM, le
compte-rendu journalistique du colloque Qui est Saint-Martinois? (2006), et la Charte de
Communauté (2012)1 rédigée en présence du Préfet, de la représentante de M. le Recteur, et
d’une classe de CM1.
Résultats
On présentera successivement les résultats obtenus sur les deux territoires avant d’en proposer une mise en perspective commune.
L’Algérie
On peut considérer que la réorganisation du système éducatif depuis 2003 constitue un
premier pas de taille vers une orientation plurilingue dans l’enseignementapprentissage des
langues. Cette réforme du système éducatif algérien a revalorisé l’enseignement des langues
étrangères en prenant en considération la formation des enseignants, pourtant négligée depuis
les années 80. La langue française comme première langue étrangère est réintroduite dès la
deuxième année du primaire, ainsi que l’anglais (deuxième langue étrangère) enseignée autrefois
en deuxième année du cycle moyen a été avancée à la première année moyenne. Le rapport du
CNRSE met l’accent sur la nécessité de connaître les langues étrangères à la fois en termes
d’ouverture culturelle, mais aussi d’accès aux nouvelles technologies: «Une politique des
langues étrangères sérieuse est souhaitable et doit être mise en place dès que possible notamment dans le système éducatif. Elle aura pour finalité de redonner aux langues étrangères la place
qui doit être la leur comme supports incontournables pour l’accès à la science, à la technologie
et à la culture mondiale2». Les efforts déployés par le système éducatif algérien révèlent l’intention du monde éducatif de s’inscrire dans un nouveau projet de société. Ils dépassent aussi la
composante linguistique pour s’ouvrir sur le monde international en intégrant la composante
culturelle dans la conception scolaire:
«Doter les apprenants d’un outil linguistique performant, permettant le plus de transactions
possibles par la prise en compte de toutes les composantes de la compétence de communication car l’acquisition d’une langue étrangère ne peut pas se réaliser efficacement si on
distingue l’aspect utilitaire de l’aspect culturel.Une langue maîtrisée est un atout pour la
30
réussite professionnelle dans le monde du travail (qui
demande de plus en plus la connaissance des langues
étrangères) et le moyen le plus objectif de connaissance de
l’Autre à travers une réflexion entretenue sur l’identité/altérité3». (Nous soulignons).
Comme le souligne Boudjadi (2012) la conception des
manuels scolaires s’appuie explicitement sur la nécessité
impérieuse d’allier langue et culture, en réhabilitant la dimension interculturelle de l’apprentissage. L’auteur mentionne que
les manuels utilisés aujourd’hui en classe de langue, ne
répondent plus aux attentes institutionnelles, dans la mesure
où ils se concentrent sur un perfectionnement majoritairement
linguistique. Kebbas4 confirme que la dimension interculturelle est largement négligée. L’auteure constate à travers les
démarches adoptées pour les projets proposés dans les
programmes de la première année secondaire que l’apprenant
n’est invité ni à réfléchir sur la diversité linguistique mondiale
ni à comparer les différentes situations langagières des autres
pays avec celle de l’Algérie5.
Dès l’introduction, invitant l’apprenant à s’interroger sur la
diversité linguistique mondiale, le français est mis en relation
avec le colonisateur «le français ainsi que, dans une moindre
mesure l’anglais introduite par les anciens colonisateurs»6, et
s’installe dans un parcours de lecture où l’on maintient une
représentation idéologique colonialiste du français, en même
temps que l’absence de paramètres socioculturels pour
encadrer la lecture des textes renforce l’approche instrumentaliste de la langue, détachée de sa dimension culturelle. Le
jugement de Kebbas est sans appel. «[…] la diversité régionale et sociale de l’Algérie n’est pas prise en compte dans les
manuels algériens de français du secondaire , pas plus que
celle de la communauté francophone. La langue enseignée est
décontextualisée, vidée de sa substance.7» Soucieuse de
mettre en exergue la dimension interculturelle dans les
manuels algériens de français, Kebbas ébauche des pistes
didactiques pour l’élaboration des nouveaux programmes
conformes aux recommandations du CNRSE en soulignant
l’importance des supports. L’objectif est de favoriser l’ouverture
culturelle par la prise en compte des représentations négatives
stéréotypées de la culture de l’autre, et le dialogue permanent
entre la culture de l’apprenant et celle de l’apprentissage.
1 Le compte-rendu journalistique est accessible sur le site du journal
Saint-Martin’s
Week: http://www.stmartinweek.com/content/view/6370/766/.
Le colloque peut être consulté sur le blog de Malvasio:
http://www.vip-blog.com/vip/articles/2531771.html
Le Dossier bilinguisme et la charte de communauté sont respectivement accessibles sur le site du statut de Saint-Martin (http://com-stmartin.org/) et celui de la préfecture
(http://www.saintbarth- saint-martin.pref.gouv.fr/).
2 CNRSE (2001), p.23.
3 Boudjadi (2012), p.107-120.
4 Kebbas (2010), p.89.
5 Elle s’intéresse à l’enseignement de la vulgarisation scientifique, dans
un projet intitulé Réaliser une compagne d’information à l’intention des
élèves du lycée«à travers trois techniques d’expression: la prise de notes,
le plan, le résumé. Deux rubriques sont proposées: la compréhension
proprement dite, et la reformulation synthétique.
6 Keltoum (2005), p. 7.
7 Kebbas (2010), p.90.
Saint-Martin
Le choix des discours officiels tenus par des acteurs
politiques d’origine saintmartinoise, ou des personnages
officiels impliqués dans la question du développement
identitaire de l’île repose sur une double contrainte: explicite,
puisqu’il s’agit d’enregistrer le désir des experts eux même
natifs d’assumer un discours engagé, clair et opérant, mais
aussi implicite et non contrôlé de laisser émerger une vision
du monde commune à un groupe. La restitution du colloque
par Malvasio s’inscrit dans une dynamique personnelle
décelable dès les premiers mots de l’article. Le chapeau fait
état des conditions dans lesquelles le journaliste restitue les
échanges: «‘Qui est Saint-Martinois?’. Cette simple question
par sa forme n’en est pas moins subtile dans le fond, et les
différents intervenants ont tenté de donner des éléments de
réponses au public, curieusement peu nombreux à avoir
assisté à ce rendez-vous.» Le journaliste appréhende alors la
culture comme une notion complexe: «‘Les questions les plus
intéressantes sont celles qui n’ont pas de réponses’ […] mais
c’est ce qui peut en faire un débat riche, quand le respect et la
tolérance sont au coeur des discussions». La mise en garde
contre l’autorité d’une réponse unique laisse à penser que
l’auteur ouvre non seulement au débat tout en ménageant
l’opinion des lecteurs du seul journal gratuit francophone. La
charte de Communauté, quant à elle, se veut un établissement
d’une union des communautés et vise à fonder un avenir
pacifique reposant sur les valeurs collectives, inaltérables et
universelles et à promouvoir un développement équilibré et
durable, dans le respect de la diversité des cultures et des
traditions des communautés. Elle confirme la diversité
culturelle comme un rempart à la discrimination. Tout citoyen
qui participe à l’enrichissement culturel du territoire peut
prétendre alors à la labellisation de «saint-martinois».
Le manifeste de Saint-Martin enregistre l’acte de naissance
de la Collectivité. Il repose sur deux parties clairement
délimitées: le constat et la dénonciation. L’absence de
troisième partie que l’on attendrait comme une synthèse prend
peutêtre forme dans la naissance même de la Collectivité. Le
comité des manifestants inscrit la situation dans une contextualisation rapide à partir de laquelle le collectif propose un
accord préférable au nom d’une situation qui s’impose comme
inacceptable: «Les membres du Comité de suivi […]
CONSTATENT […] DÉNONCENT […]». L’approche du
manifeste relève d’une logique très affirmée et alléguée par ses
membres qui s’improvisent ici promoteurs d’un ordre nouveau.
La problématique dans laquelle s’inscrit le manifeste est
clairement formulée: «Le souhait de voir définir un nouveau
statut est né de la nécessité de mettre en conformité les textes
et lois en vigueur sur le territoire national avec les réalités
sociales, économiques, culturelles et historiques de l’île». Le
territoire devient un lieu de rencontre privilégié entre les
exigences nationales que le Manifeste s’engage à respecter et
les spécificités de l’île à prendre en compte. La contextualisation des lois de la République sur l’île est ici très forte au point
qu’elle en devient le moyen par lequel l’application de règles en
est possible, et l’objectif, puisqu’il s’agit ici d’optimiser leur
exécution par une meilleure analyse des nécessités locales. La
question de l’enseignement de la langue est abordée plus
longuement dans le dossier «L’anglais langue régionale». Il
montre l’importance du statut de l’anglais à Saint-Martin
qualifié de «langue de communication régionale de Saint-Mar-
tin». L’auteur fait état de la non reconnaissance officielle de l’anglais saint-martinois comme
langue régionale à la différence des langues pratiquées en Alsace-Lorraine. Le succès de leur
enseignement, puisqu’il s’agit de la première langue régionale enseignée en France, aurait dû
encourager la mise en place d’un dispositif similaire à Saint-Martin. L’appellation ici de langue
régionale est assez peu exemplifiée par Brangé. On trouve seulement une dizaine d’occurrences.
Elles couvrent une appellation large («langue de Saint-Martin», «Langue saint-martinoise»), la
nature de la langue («Anglais parlé à Saint-Martin», «Anglais de Saint-Martin» dont deux
insistant sur la fonction première: «langue maternelle de Saint-Martin» et «langue maternelle»),
et le statut visé: «la langue de communication régionale de Saint- Martin» ou «langue régionale». Dans la perspective de l’enseignement des langues, la dénomination choisie soulève un
problème. Aucune spécificité sérieuse ne vient étayer la défense des particularismes d’une langue
régionale. L’absence de commentaire particulier accordé à la suite de la référence à Leclerc laisse
entendre que Brangé appuie ses vues en matière de définition. Or que dire de la dénomination
d’«anglais saint-martinois» dont il restitue un équivalent largement hyperonymique «en anglais
West Indian English»? L’indigence de la traduction invite à se tourner vers la dénomination de
«Saint-Martin Talk» proposée par Romney (2011) et que l’on rendra par «parler saint-martinois». Cette insuffisance lexicale était déjà à déplorer et dans le Manifeste des Saint-Martinois et
dans la loi organique. On peut s’étonner de ce que la revendication identitaire fasse l’économie
d’une réflexion encore insuffisante sur la langue en usage. Brangé systématise pourtant ses
efforts pour élaborer une expression juste du parler saint-martinois sans vraiment y réussir.
L’indifférence envers le parler de l’île relève d’un refus des autorités éducatives d’accorder une
quelconque spécificité à l’anglais local. L’argument invoqué relève d’un raisonnement spécieux.
L’étiquette de langue «étrangère» accolé au parler saint-martinois le prive de toute appellation
générique, telle que «régionale» ou «maternelle». Il y a fort à parier que l’indigence des études
sur le Saint-Martin Talk risque à terme d’encourager sa disparition. L’absence de dénomination
adéquate par un membre d’une autorité comme Brangé est déjà un facteur de risque en soi.
Aucun enseignement de langue régionale ne pourra se faire sans la prise en compte d’une
littérature scientifique qui fasse autorité. On peut aussi considérer que le sort réservé à l’«anglais
académique reste lui aussi très incertain sur la partie française. Le terme d’ «anglais vernaculaire» utilisé par Lallemand ne donne qu’une stabilité très relative aux réalités du parler
saint-martinois. L’inspectrice convoque la notion pour l’éliminer aussitôt:
«[…] l’anglais vernaculaire présente quelques différences avec l’anglais standard mais
l’essentiel des besoins des élèves concerne l’écrit. Certains élèves nonanglophones ont besoin
d’apprendre une langue de base, alors que les anglophones ont besoin d’un approfondissement
en langue maternelle». L’essentiel ne serait donc pas dans la reconnaissance de ses particularités
comme on pourrait l’attendre mais dans la réalisation des productions écrites des élèves. Or pour
examiner les conditions favorables à une amélioration de l’enseignement, n’est-il pas nécessaire
d’objectiver les différences entre langue vernaculaire et standard, et de réfléchir aux passerelles
possibles entre l’oral et l’écrit, au lieu de les renvoyer l’une dos à l’autre? Bully énumère les
responsabilités que chacun doit assumer pour honorer sa citoyenneté saint-martinoise. L’affiliation à un vivre-ensemble pourrait seule dépasser l’unique droit du sol. Il insiste alors sur la
pertinence de la langue dans la construction identitaire, et requiert alors l’appellation de
«Saint-Martin Creol English» avant de lui préférer l’expression de «Saint-Martin English»
soucieux de tenir compte des objections de son auditoire (Redon, 2007). Enfin, la charte de
Communauté investit le champ de la citoyenneté en cultivant de multiples références humanistes
et expansionnistes dans la tradition d’une Europe des Lumières favorable à la diffusion de ses
idées. Le troisième paragraphe en donne un exemple instructif: «A cette fin, il est nécessaire, en
les rendant plus visibles dans une Charte de Communauté, de renforcer la protection des droits
fondamentaux à la lumière de l’évolution de la société et du progrès social (nous soulignons).»
La Charte, dans la mesure où elle s’appuie sur les principes d’une idéologie largement assimilationniste ne risque-t-elle pas de ne rendre compte que très faiblement de la spécificité saint-martinoise? Le relevé de certains articles rendent compte de cet aspect: comme le 1er article: «Le
Citoyen de Saint-Martin s’engage à respecter les lois de la République, ainsi que les traditions de
l’île de Saint-Martin», ou encore le quatrième: «Le Citoyen de Saint- Martin s’engage à mettre en
oeuvre les moyens nécessaires pour vivre harmonieusement avec son voisin, en particulier dans
le domaine de l’apprentissage du Français, langue de la République, et de l’Anglais, langue
maternelle de Saint- Martin».
Le choix lexical retenu dans le premier article, avec les termes de «lois» et de «traditions»
concentre toute la signification d’une opposition entre une régulation émanant de l’état (la
loi) et la transmission d’un savoir générationnel (la tradition). La disparité entre réalité
31
nationale et locale se prolonge dans le quatrième article. L’apparente symétrie rythmique entre
«Français, langue de la République» et «l’Anglais, langue maternelle de Saint-Martin» révèle la
trace d’une hiérarchie entre les langues, en particulier en matière de validation institutionnelle
(l’expression d’ «apprentissage» étant limitée à celle du français). Aucune responsabilité n’est
confiée au citoyen pour établir des passerelles entre les langues, alors qu’il existe aujourd’hui un
consensus européen pour admettre la richesse d’une telle démarche. Conclusion La comparaison des contextes algériens et saint-martinois laisse entendre que les réalités linguistiques sont
sensiblement identiques. On affirmera dans un premier temps que les deux hypothèses initiales
se vérifient. La reconnaissance des langues minoritaires est au coeur de l’identité culturelle
(qu’elles soient niées comme dans le cas des parlers berbères en Algérie, ou escamotées comme
à Saint-Martin, où seul l’anglais standard a droit de cité, niant la présence des parlers créoles et
espagnol en présence). L’écart se creuse d’autant entre l’aménagement linguistique (tourné
résolument vers l’arabe classique et le français en Algérie, et seulement vers le français à
Saint-Martin) et les réalités multilingues de ces territoires. Le parler saintmartinois n’est
d’ailleurs pas même validé comme un objet institutionnel à part entière. Les réformes scolaires
sont encore peu efficaces (en Algérie) ou dérisoires par rapport à la réalité du contexte d’enseignement à Saint-Martin. La non prise en charge des communautés ethnolinguistiques des deux
territoires ne peut que rendre caduque toute perspective interculturelle qui trahit sinon une
glottophagie, du moins une indigestion dont les états souverains risquent de pâtir sans solution
de remède réelle.
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D’une recherche sur la gestion des compétences plurilingues à la proposition d’une maitrise innovante
en didactique des langues et cultures au Honduras
COOMAN, Jean Noel (Universidad Nacional Autónoma de Honduras- UNAH)
Dans le but de construire une didactique du français et des langues en accord avec le
contexte plurilingue du Honduras et les avancées scientifiques récentes en didactique des
langues, une recherche-action-formation a été lancée au sein de l’Ecole de Langues
Etrangères à l’UNAH. Celle-ci a permis de joindre une étude sur les représentations sociales
d’étudiants et professeurs universitaires, sur les différents aspects en relation avec un
enseignement-apprentissage plurilingue et pluriculturel, à l’innovation d’une nouvelle
maquette de maîtrise en didactique des langues et cultures.
C’est à partir des résultats de cette étude au niveau de l’évolution des représentations sur
l’apprentissage et la communication plurilingue qu’un projet de maîtrise a été créé sur des
bases plurilingues, offrant une formation dans laquelle un public très hétérogène d’enseignants de langues différentes se trouverait intégré autour d’un projet de formation commun.
Cette initiative répond en plus aux besoins de formation spécialisée en didactique de
langues de la part de ces enseignants.
Après l’élaboration et mise en place du diagnostic qui a réussi à déterminer ces besoins
de manière précise, le curriculum de la future maîtrise a été configuré en proposant e.a. les
fondements épistémologiques et pédagogiques, le profil de sortie du diplômé, la description
synthétique du cursus, et les axes principaux de recherche.
En conclusion, le défi le plus important consistera à consolider une équipe «plurielle»
d’enseignants et d’étudiants en maîtrise provenant d’écoles et traditions pédagogiques-différentes, capables de répondre aux diverses problématiques se manifestant dans le contexte
plurilingue du pays.
33
Des représentations des formateurs à l´introduction des approches plurielles dans l´enseignement des langues
CEBERIO, María Elena - Universidad Nacional de Río Cuarto, Río Cuarto, Argentina
[email protected]
L‘ hypothèse de départ de notre projet de recherchei mené à l´Université Nationale de Río
Cuarto (Argentine) concerne la relation non évidente entre la suggestion ministérielleii d´introduire les approches plurielles dans la formation des professeurs de langues et les représentations des formateurs des formateurs responsables de cette introduction.
La suggestion ministérielle provient d’un document produit par 34 professeurs, d’anglais,
français, italien et portugais, issus d’institutions de formation supérieure (universités nationales
et instituts provinciaux) réunis en 2010 par le Ministère de l’Education Nationale.
Pour définir les approches plurielles, dorénavant dites AP, nous prenons les précisions du
CARAP (2012:6):
“Nous appelons “approches plurielles des langues et des cultures” des approches didactiques
qui mettent en oeuvre des activités d’enseignement-apprentissage qui impliquent à la fois
plusieurs (=plus d’une) variétés linguistiques et culturelles”.
Utiliser plusieurs langues parallèlement au lieu d’une seule dans la communication implique
un tour de force remarquable en ce qui concerne tant l’apprentissage que l’enseignement des
langues. Le concept d’AP est révolutionnaire, voire “subversif” en didactique des langues,
comme le dit Araújo e Sá (2008), étant donné spécialement la conception des compétences des
apprenants, plurielles, diverses, inachevées. D’après Cuq (2008: 19), la nouveauté réside en ce
que le plurilinguisme n’est pas une “addition de monolinguismes” mais “une compétence
particulière”. Et il ajoute: “Cette compétence est en réalité une compétence de communication au
sens fort du terme, c’est-à-dire de passage d’un état à l’autre du système linguistique d’un
locuteur”.
Castellotti et Moore, (2011: 244), citent Coste, Moore et Zarate (1997) et le CERC (2001) qui
définissent le plurilinguisme comme une compétence plurielle, complexe, hétérogène qui inclut
des compétences singulières mais qui est une, comme répertoire disponible de l’acteur social
concerné. Les mêmes auteures (2011: 245) ajoutent: «La CPP est donc fondamentalement
dynamique, évolutive et malléable, à la fois dans le temps et dans l’espace». Donc, c’est la
compétence communicative d’acteurs sociaux qui peuvent la re-modeler et la renouveler au
cours de leur trajectoire personnelle, c’est-à-dire, au cours de leurs vies.
Dans un pays où la tradition de formation de professeurs de langues “étrangères” ne concerne
qu’une langue (italien, ou français, ou anglais ou portugais), et où la formation de professeurs de
langue maternelle (l’espagnol) n’a aucun rapport aux autres langues, nous nous sommes
interrogés sur l’accueil que la suggestion ministérielle d’introduction d’approches plurielles dans
la formation des professeurs pouvait avoir chez les formateurs. Et pour cela, nous avons observé
leurs représentations sociales.
Le CARAP (2012: 6, 7) distingue quatre approches plurielles:
- l’approche interculturelle: ou mise en rapport entre la culture de l’apprenant et celle de la
langue cible. Très associée à l’approche communicative, actuellement elle est orientée plutôt vers
l’action conjointe des partenaires d’après les approches co-actionnelle et co-culturelle.
- les didactiques intégrées: appui sur la langue de l’école pour favoriser l’accès à une
deuxième langue étrangère; puis, sur ces deux pour faciliter l’accès à une seconde langue
étrangère.
- l’éveil aux langues: sensibilisation à plusieurs langues que l’école ne compte pas enseigner.
Travail sur les langues des apprenants et sur d’autres, dans des institutions de composition
multiculturelle. L’approche intègre des variétés linguistiques de l’environnement et d’ailleurs,
sans exclusion.
- l’intercompréhension: travail en parallèle sur plusieurs langues d’une même famille
(romanes, germaniques, par exemple). Basée sur la comparaison entre les langues et le privilège
de la réception. Deux courants méthodologiques: lecture en langues (moyennant des livres, des
Cd, des sites web) et interaction en langues (forums, tchatche, messagerie sur des plateformes
de formation à distance).
34
D´ailleurs, étudier les AP à travers son ancrage représentationnel nous demande des précisions sur les Représentations
Sociales. À ce propos, dans nos recherches préalables nous
avons abouti á une interrelation théorique adéquate à nos
objectifs de catégorisation et description des types et champs
d´insertions des représentations relevées, à savoir: nous
partons du concept de Représentations Sociales de Moscovici,
proposé en 1961, et qui, avec les précisions de Jodelet (1991)
montre que toute représentation “est une forme de connaissance socialement élaborée et partagée… concourant à une
construction d´une réalité commune à un ensemble social”
(Jodelet, 1991:51). Parallèlement, elle se rend visible á travers
le discours (Gremiger et Maria, 2004). C´est au moyen de
l´observation de ce discours que nous étudions les possibilités d´évolution des représentations, étant donné que les
représentations ont un noyau central (Abric, 1994) que
seulement le sujet peut, par lui même, faire évoluer, mais qui
est susceptible d´être influencé par la réflexion critique, et
socialement ancrée. (Gremiger, 2010).
Bref descriptif du projet et du résultat du premier instrument
de recueil de données
Le projet s’étend sur trois années académiques
(2012-2014). Notre échantillon comprend 34 professeurs
d’italien, espagnol, français, anglais et portugais, repartis dans
toutes les régions du pays, provenant d’institutions d’enseignement supérieur publiques nationales et provinciales. Deux
instruments contiennent le recueil de données: des enquêtes et
des interviews.iii
L’enquête passée sur internet, distribuée avec la collaboration des autorités des institutions de formation et des associations de professeurs, a compris 12 items. Les 9 premiers
aident à situer l’enseignant du point de vue démographique et
académique: institutions, niveaux d’enseignement (primaire,
secondaire, supérieur), aires et disciplines de travail, matières
enseignées. Les 34 enquêtés sont responsables de disciplines
variées: langue, linguistique, grammaire, didactique, pratique
de l’enseignement, latin, psycholinguistique, diction et
phonologie, culture et civilisation, intercompréhension même.
Les items 10 à 12 interrogent plus spécifiquement sur la
connaissance/méconnaissance des AP, les expériences dans la
pratique enseignante, et demandent une valorisation concernant leur introduction dans la formation initiale des professeurs de langues. Voici quelques résultats synthétiquement
exprimés:
- Les enseignants révèlent connaître et méconnaître les AP.
- Parmi ceux qui les connaissent, il y en a qui les pratiquent
dans leurs cours et qui en ont suivi une formation.
- Les AP les plus connues sont l’interculturel et l’intercompréhension. La pratique de classe décrite révèle une interprétation assez large de l’interculturel ainsi qu’une conceptualisation de l’intercompréhension très juste en formation universitaire notamment.
- Ceux qui ne connaissent pas les AP sont invités à exprim-
er ce qu’elles évoquent pour eux. Ces perceptions intuitives
dérivées du remue-méninge donnent les suivantes idées
associées: travail en collaboration, intégration entre les
langues.
- (étrangères et maternelle), mondialisation, compréhension entre locuteurs de langues différentes, approches contrastives, motivation.
- Les 34 enquêtés se manifestent pour l’inclusion des AP
dans la formation initiale des professorats. Nous avons classé
la modalisation utilisée pour exprimer l’adhésion en
“impliquée, conditionnelle ou neutre”, d’après sa distance par
rapport à l’assertion que les réponses contiennent. Parmi
l’expression impliquée, la plus fréquente, les adjectifs “intéressante, enrichissante, nécessaire, urgent, vital, favorable à…”
sont parmi les plus utilisés.
- S’expriment en outre quelques exceptions à l’introduction
d’AP, associées spécialement à la “possibilité” de les installer
et mieux encore, à la possibilité de les intégrer dans les
curricula existantes. Un enquêté exclurait les enseignants de
langue maternelle de cette formation.
En ce qui concerne l’information, voici quelques idées
fournies:
• La formation en AP implique une rupture par rapport à la
formation actuelle et est jugée nécessaire étant donné le besoin
de connaître des approches variées. Les AP sont mises en
accord avec les procès de mondialisation actuels, situées dans
le paradigme de la complexité et dans le besoin des enseignants de langues de prendre des décisions méthodologiques
diversifiées suivant les contextes. L’association mondialisation/AP est récurrente et remet à “monde en transformation”.
• Les AP sont associées à rénovation, innovation et sont
déclarées “un défi”, contribuant à une compétence plus globale
des sujets sociaux.
• On attribue aux AP la capacité de favoriser les relations
humaines, le respect, la tolérance, d’éradiquer l’hégémonie
d’une culture sur les autres.
• Les AP auraient besoin de politiques linguistiques qui les
accueilleraient. Elles redéfiniraient le rôle de l’enseignant. Leur
concept est associé à une intégration sociolinguistique et
culturelle et à la compréhension de la langue comme
phénomène global intégrée dans une culture particulière.
Deuxième instrument de recueil de données: les interviews
Le contenu de l’interview dérive de la considération des
données déjà obtenues en enquêtes. Les questions prévues
résultent facilitatrices de la métaréflexion qui rend compte des
représentations post-enquête. Les analyses, à réaliser en 2014,
orienteront prospectivement le dessin d’actions de formation
destinées aux enseignants de niveau supérieur, appartenant
aux instituts de formation ainsi qu’aux professorats universitaires dans le domaine des langues, situés en Argentine.
Les interviews comprennent un échantillon (10 environ)
d’enseignants de langues (maternelle et étrangère), parmi les
34 enquêtés. Elles sont passées par clavardage, moyen déjà
prouvé par l’équipe lors de recherches précédentes. S’agissant
d’un objet langagier côtoyant la conversation, il favorise la
spontanéité. Le dessin prévoit peu de questions larges,
presque sans directivité de la part de l’intervieweur. Chardenet
(2010, sous presse), indique que l’utilisation de l’interview non
directif implique considérer la pertinence de s’adresser aux individus mêmes au lieu d’observer
leur comportement ou d’obtenir leur opinion ou leur évaluation à l’aide de questionnaires.
Six sont les questions de base. La première interroge sur la connaissance de l’interviewé par
rapport à la formation au plurilinguisme, actuellement dans le pays; la seconde demande de se
prononcer pour ou contre l’offre de cette formation aux professeurs de toutes les langues (maternelle et étrangères) et de justifier le pourquoi et le pour quoi faire; la troisième invite à indiquer
l’insertion de cette formation (niveau de deuxième ou de troisième cycle); la quatrième invite à
proposer des contenus de formation méthodologique visant les approches plurielles; la
cinquième demande de préciser dans quels niveaux de l’enseignement et pour quels publics,
dans le contexte du pays, serait-il adéquat d’introduire l’intercompréhension et l’éveil aux
langues; la sixième demande une opinion: le plurilinguisme pourrait-il devenir une formation de
professorat à part, un champ nouveau en éducation?
Les interviews sont en cours de passation et leurs instruments d´analyse en cours de
construction. Cependant, dans les trois premières interviews réalisées, nous pouvons déjà
relever certaines catégories des Représentations Sociales qui peuvent orienter les actions de
formations dans l´avenir. D´abord, le type de question porte surtout sur deux champs des
Représentations Sociales: l´attitude et l´information. Pour le premier, à partir de la distinction de
Moscovici (1961) entre champ, attitude et information comme contenus des Représentations
Sociales, Gilly (1980) signale qu´en éducation, l´attitude nous montre le sens que l´individu ou
le groupe attribue à l´objet de la représentation sociale. Il s´agit d´une direction évaluative par
positif o négatif, et constitue une corrélation de certitude ou d’ incertitude, de croyance ou
d’incrédulité par rapport à une connaissance déterminée. Quant à l´information, elle renvoie «à
la somme et l´organisation des connaissances sur l´objet de la représentation» (Gilly, 1980:31).
Donc, la construction de catégories qu´on peut relever des discours des interviewés doit respecter cette orientation.
Bien que jusqu’à présent nous avons très peu de données pour établir toutes les catégories
possibles, nous percevons les suivantes:
En ce qui concerne les attitudes, en général elles sont positives autour de l´insertion des AP,
mais avec des limitations (méconnaissances des approches de la part des professeurs; sans
spécificités sur les conditions d´insertion; non coïncidence pour le niveau éducatif le plus
adéquat et avec des propositions méthodologiques hasardeuses ou également méconnaissantes).
En ce qui concerne l´information, il y a très peu d´institutions avec des cours centrés sur le
plurilinguisme et parmi ceux qui sont en marche, seulement un contemple la formation des
professeurs.
Conclusions
La recherche qui vient d’être décrite aboutira fin 2014. Les Représentations Sociales des
formateurs de formateurs par rapport à l’introduction des AP dans la formation initiale d’étudiants
qui se forment pour l’enseignement d’une seule langue (tant étrangère que maternelle) en
Argentine, à la lumière des données recueillies jusqu’à présent, paraît indiquer une réception très
favorable fondée surtout sur le besoin de se former dans la diversité d’approches en concordance
avec un monde qui est perçu pluriel. Pourtant, on observe plutôt le manque de formation
spécifique en didactique du plurilinguisme chez les formateurs et le flou dans lequel restent des
questions tant épistémologiques que méthodologiques précises. Cela à l’exception de quelques
formateurs d’une région du centre du pays où l’intercompréhension a bien pris pied au niveau de
la formation universitaire et s’est élargie à la formation d’enseignants de niveau secondaire.
Bibliographie
ABRIC, J-C (1994) Les Représentations sociales: aspects théoriques. En J. C. Abric (éd.),
Pratique sociales et représentations, pp. 10-36, Paris, Presses Universitaires de France.
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35
CHARDENET. P. (2010). L’échange avec les acteurs comme méthode de production de
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representaciones de los docentes, volumen III, La didáctica de la lengua: una cuestión de
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JODELET, D. (1991) Représentations Sociales: domaine en expansion. In Denise Jodelet (org)
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DOCUMENTS
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Conseil de l’Europe). Coord. Michel Candelier.
1 Títre du projet: La evolución de las representaciones de docentes y alumnos en el tratamiento de la Lengua
Materna y las Lenguas Extranjeras. Estudio lingüístico y didáctico de casos. Directora: Dra. Clide Gremiger.
2PROYECTO DE MEJORA PARA LA FORMACIÓN INICIAL DE PROFESORES DE NIVEL SECUNDARIO. (2010).
MINISTERIO DE EDUCACIÓN DE LA NACIÓN (ARGENTINA), SECRETARÍA DE POLÍTICAS UNIVERSITARIAS
(SPU), INSTITUTO NACIONAL DE FORMACIÓN DOCENTE (INFOD). LENGUAS EXTRANJERAS: PÁG.147-199.
HTTP://WWW.ME.GOV.AR/INFOD/DOCUMENTOS/LENGUAS_EXTRANJERAS.PDF
3 UN DESCRIPTIF PLUS APPROFONDI DU PROJET ET DE L’ANALYSE DU PREMIER INSTRUMENT DE
RECUEIL DE DONNÉES SE TROUVE DANS CEBERIO, M.E. et alii (2012). Relación entre sugerencia ministerial
sobre inserción de la Intercomprensión en formación inicial de profesorados de lenguas y representaciones
de docentes formadores en Argentina. In Actes du Colloque IC 2012. Intercompréhension: compétences
plurielles, corpus, intégration. Degache, Ch et S. Garbarino (Éd.). Université Stendhal Grenoble 3 (France)..
36
Éducation au Développement Durable: enseignements transversaux, valeurs universelles
KULCZYCKI, Romain, Ministère de l ‘Éducation Nationale, Programme Jules Verne au Costa Rica
Autrefois appelée Éducation à l’environnement, l’Éducation
au Développement Durable est devenue bien plus qu’un
enseignement où l’élève apprend à connaître et à respecter la
nature. Il s’agit aujourd’hui d’une éducation faisant appel à
toutes les disciplines où l ‘élève va non seulement acquérir des
connaissances, mais aussi apprendre à réfléchir par lui-même,
adopter un esprit critique, échanger et coopérer, agir en tant que
citoyen responsable et solidaire: prendre conscience des
problèmes d’actualité (sociaux, économiques, écologiques) du
monde dans lequel il vit pour pouvoir agir sur celui-ci.
Cela peut paraître relever d’objectifs utopiques lorsqu’on fait
face à un groupe de jeunes français ou d’étrangers à qui on doit
enseigner à lire et écrire. Cependant une fois que ces savoirs
prennent sens pour l’élève et se traduisent dans la classe sous
forme de projets concrets, ils servent aussi bien au développement de compétences disciplinaires (linguistiques, scientifiques, mathématiques) qu’à la construction de compétences
transversales (méthodologiques, éthiques, ou civiques). Nous
verrons donc ici en quoi cette Education au sens large du terme
peut s’adapter à l’enseignement du français langue seconde en
contexte bilingue.
1. Education au Développement Durable et
transversalité: Une approche par compétence.
1.1 Par compétence on entend...
Lorsque l’on parle de pédagogie de projet et/ou de transversalité des enseignements, il est important de savoir que l’on
sort d’une logique de transmission de connaissances (modèle
encore dominant bien que remit en question) pour se diriger
vers une logique de construction de compétences. Cette
logique qui s’applique tant à l’école publique française (Socle
commun de connaissances et de compétences) que dans
l’enseignement des langues (Cadre Européen de référence pour
les langues) s’est lentement imposée mais parfois sans que l’on
sache les changements pédagogiques et variables didactiques
que cette orientation implique.
Qu’est-ce qu’alors une qu’une compétence? Il s’agit d’un
ensemble de savoirs, savoirsfaire et savoirs-être qui vont
permettre à l’élève de résoudre une situation, ou encore: «un
ensemble intériorisé d’apprentissages non observables directement» (Patricia Pottier, CIEP). Une compétence ne se résume
donc pas à un savoir mais elle mobilise plusieurs connaissances et types de connaissances qui s’articulent entre elles et
mobilisables dans différents contextes. Parmi celles-ci,
certaines sortent des dites matières, on parle alors de
compétences transversales, elles peuvent être de différents
ordres: éthiques, civiques, méthodologiques etc…
Le savoir en tant que tel, bien que nécessaire, passe donc ici
au second plan. Or il reste dans de nombreux systèmes éducatifs le seul élément à être évaluer. En FLE, l’approche communicationnelle et actionnelle a permis de rendre les connaissances
utiles et réinvestissables dans différents types de situations
réelles. On a un donc un dialogue entre savoirs et savoirs-faire
qui s’est opéré lors de la dernière décennie, mais qu’en est-il
des savoirs-être ou attitudes qui ne sont pas directement observables, mais dont l’école publique
se veut garante et se doit de construire?
1.2 Pluridisciplinarité, interdisciplinarité, transversalité.
Réfléchir et fonctionner par compétence c’est donc sortir d’une conception où les apprentissages scolaires s’organisent au travers de blocs hermétiques ou de structures indépendantes. Chaque
discipline participe au renforcement de compétences qui ne lui sont pas directement associées. A
travers la notion de transversalité, nous sortons d’une conception disciplinaire de l’enseignement.
Ces apprentissages transversaux vont ainsi aider l’élève à acquérir des méthodes, des valeurs, des
compétences citoyennes et éthiques: des savoirs-être et savoirs-faire qui serviront à toutes les
disciplines et à l’individu lui même en qu’élève et futur citoyen. Exemple: travail sur l’identité, la
communication, les méthodologies, la motivation, la confiance en soi etc...
Cette notion de transversalité se distingue de celles de pluridisciplinarité (fait de mettre en lien
différentes disciplines) et de l’interdisciplinarité qui est le décloisonnement de disciplines dans le
but d’avoir des retombées directes dans ces disciplines concernées (qui peut par exemple prendre
la forme d’un projet interdisciplinaire). Cela peut paraître un changement anodin mais la présence
de ces compétences transversales est un signe de la conception du rôle éducatif de l’école
publique pour une société donnée. L’école publique a t-elle pour fonction une stricte transmission
des connaissances, laissant ainsi la partie éducative aux parents ou au contraire doit-elle en partie
se consacrer à l’éducation de ses futurs citoyens et à leur intégration?
2. L’éducation au développement durable, ou la formation d’un futur citoyen.
Depuis le Rapport Bruntland (1987) le développement durable est défini tel qu’: «un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures
de répondre aux leurs.» Cette définition a le plus souvent été interprétée dans sa dimension
écologique (notamment à l’école primaire pour permettre davantage d’accès au sens) mais
n’oublions pas que le concept de développement durable inclut également les piliers sociaux et
économiques au même titre que le pilier écologique.
L’EDD est une éducation qui responsabilise les élèves, leur fait prendre conscience du monde
dans lequel ils vivent sans pour autant le dramatiser. Ses valeurs sont liées aux droits de l’homme,
à la lutte contre les inégalités, les exclusions, la pauvreté, au bien-être de chacun (santé, ressources, paix, …), à la solidarité avec les générations futures, au respect de notre Planète, et à la
responsabilité de chacun pour promouvoir ces objectifs. (cf rapport UNESCO 2009). On se situe
donc dans une perspective universelle. Il ne s’agit pas d’une éducation civique centrée sur le
respect du drapeau, de l’hymne, ou d’autres symboles nationaux mais sur une éducation qui nous
présente la complexité du monde dans lequel nous vivons et nous apporte des clés de réflexion et
d’action sur celui-ci. Ces attitudes (pouvant paraître abstraites) ne peuvent prendre sens pour
l’élève que si on les intègre dans leur environnement, dans leur quotidien, et à leurs possibilités
de compréhension. Cela passe donc par l’école et les communautés au sein desquels les élèves
font partie. Il ne s’agit pas d’adopter un discours misérabiliste, pessimiste, culpabilisateur sur des
processus sociaux et environnementaux complexes mais bien de faire prendre conscience à
l’élève qu’il a un rôle à jouer dans le monde actuel, et ce, à son échelle. Pour que l’élève développe
des compétences éco-citoyennes quoi de mieux que d’en faire dès à présent un éco-citoyen?
Parce que le développement durable ne se réduit pas à un champ, l’EDD est en son essence un
enseignement transdisciplinaire: «l’EDD invite les recherches en didactique à dépasser leurs
approches classiques qui interrogent les noyaux durs de l’identité de chaque discipline, en termes
de savoirs, de méthodes d’analyse et de pratiques d’enseignement. Aborder cette finalité éducative
suppose une démarche inverse: voir comment les différentes disciplines scolaires la prennent en
charge en adoptant un point de vue plus centré sur l’élève. Il convient alors de s’interroger sur la
contribution de ces disciplines en fonction de leur tradition, de leur structuration et de leur
fonctionnement internes, mais surtout d’analyser leurs points d’articulation (réels ou potentiels) et
d’en étudier la cohérence pour l’élève.» (source EDUSCOL)
37
3. EDD et Pédagogie de projet bilingue.
De par sa définition, l’EDD se prête donc parfaitement une pédagogie dite de projet. Le fait pour
l’apprenant de participer à un projet concret face à une situation dérivée d’un problème environnemental lui permet d’accéder à un degré d’abstraction supérieur et de se rendre compte de l’intérêt
général de ses actions. La célèbre phrase «penser global, agir local» s’applique et s’insère dans
le quotidien de l’élève.
Pour la plupart d’entre eux, les élèves du primaire ont déjà une certaine sensibilité vis-à-vis de
ces thématiques: la nature, le climat, les déchets etc... L’enseignant peut s’y appuyer et s’en servir
comme point de départ, levier, élément déclencheur pour monter un projet* plus ample qui
amènera l’élève l’amènera à surpasser ses représentations initiales.
Il existe un nombre infini de projets possibles à mener en lien avec développement durable
(projets qui peuvent donc s’étendre, s’adapter à d’autres disciplines). Ils peuvent prendre la forme
d’expos photos ou d’affiches; la création de panneaux solaires; des actions de sensibilisation au
sein de l’école, de la commune; la réalisation d’un film-documentaire ou de fiction; une pièce de
théâtre; la construction de nichoirs, d’une mare, d’un jardin ou d’un potager; l’écriture d’une BD,
d’un album de littérature de jeunesse; une correspondance scolaire (avec une classe de son pays
ou de l’étranger), une charte de pratiques éco-responsables; des interventions sur l’équilibre
alimentaire etc… Les domaines sont aussi nombreux que peuvent l’être les types de production
visés.
Dans ce sens, la pédagogie par projet se situe dans une perspective actionnelle et socioconstructiviste à travers la place importante qu’elle accorde aux choix de l’élève, à l’erreur et son
traitement, puis à la multitude de styles et stratégies d’apprentissage qu’elle implique (cf notion
d’intelligences multiples, Gardner, De La Garanderie). «Une pédagogie de projet est avant tout une
pédagogie qui s’appuie sur la motivation, la participation et la très forte implication de ces
apprenants. Elle doit déboucher sur des productions originales le plus souvent collectives (ce qui
la distingue des pédagogies de centres d’intérêts), ce qui signifie aussi des obligations de parvenir
à des résultats, identifiables et évaluables. C’est incontestablement une pédagogie du plaisir, de la
découverte: elle doit permettre de développer la confiance en soi, de faire vivre à chacun la
fécondité du travail collectif. (…) C’est une pédagogie constructiviste, fonctionnelle et opérationnelle, une pédagogie qui se veut porteuse d’une éthique. Elle globalise et fédère de nombreux
apports de pédagogies dites nouvelles où l’acte d’apprendre appartient à celui qui apprend.» Jean
Duverger , le professeur de DNL: Statut, fonctions, pratiques pédagogiques.
La pédagogie par projet a donc un caractère plus que stimulant, l’apprenant passe d’un statut
de récepteur à celui d’acteur. Il apprend pour faire et voit ainsi le résultat de ses actions. Mis en
responsabilité, il acquiert une image positive de lui-même qui lui sert dans l’ensemble de son
expérience scolaire. Il apprend à échanger et coopérer pour parvenir à un but commun. Ce type de
pédagogie s’adapte parfaitement aux sections bilingues du primaire à travers la présence des DNL,
la polyvalence du maître, la curiosité des élèves.
4. La langue française: un outil pour la réussite du projet.
4.1Une langue en situation
En contexte bilingue, malgré la présence des DNL, les objectifs langagiers doivent restés
omniprésents et prioritaires. A travers la notion de projet, le français (plus que d’être une finalité
ou un contenu d’enseignement «abstrait») devient un moyen pour mener à bien son (ses)
action(s). Les gains pour l’élève se traduisent ainsi autant dans son implication, sa motivation,
que dans la construction de compétences linguistiques (CO, CE, PO, PE) et métalinguistiques.
Les élèves s’investissent dans un large panel d’activités, ils sont amenés à échanger, débattre,
coopérer, travailler sur et à partir de documents authentiques, à l’oral puis à l’écrit. Ils sont
confrontés au langage verbal propre à chaque discipline mais seront aussi seront confrontés à
différents types de langages, discours, structures et types d’écrits. La dynamique du projet leur
permettra d’avoir une image positive de la langue étudiée car elle sera étudiée pour être utilisée en
situation.
Les objectifs langagiers (ainsi que leurs critères d’évaluation) doivent être cependant
38
définis en amont par l’enseignent. Comme toutes règles du jeu,
elles doivent être clairement explicitées et l’élève doit savoir ce
qu’on attend de lui: on définit ainsi le «contrat didactique».
4.2 Pour une didactique de l’alternance des langues:
Dans une telle méthodologie, nous cherchons à mettre deux
langues en interaction car «il ne s’agit pas de juxtaposer deux
enseignements monolingues» (Jean Duverger). Un tel décloisonnement implique donc une réflexion sur les spécificités de
chacune des langues et des «ponts entre celles-ci» (exemples:
racines épistémologiques communes, syntaxe..). L’alternance
des langues est donc utilisée selon les besoins et objectifs de
l’élève comme du professeur. On cherchera cependant à
privilégier le mode d’expression en L2 afin de développer les
compétences de l’élève dans la langue visée.
Si chaque professeur fixe ses propres variables didactiques,
nous pouvons remarquer des régularités dans une majorité de
projets. Il existe certains moments où l’élève communique ou
cherche à communiquer davantage en L1 (ici espagnol). Les
phases de recherche coopérative et travaux en ateliers, les
moments de communication spontanée entre élèves, les écrits
de recherche ou les phases de reformulation sont quelques
exemples. Par ailleurs, lors de présentation de résultats et de
productions à l’oral, d’exposés, d’écrits de synthèse, de leçons,
d’échanges verbaux avec l’enseignant, de recherches documentaires et de phases lecture de documents, c’est bien la L2 qui
doit être mobilisée.
Ces moments au sein desquels nous passons d’une langue
à l’autre se nomment alternances. Gérard Vigner (Adeb) nomme
micro-alternances la forme d’interaction la plus utilisée, il s’agit
de «passages ponctuels et non programmés d’une langue à
l’autre». D’après lui, l’enseignant cherche à réduire ces
micro-alternances par des alternances séquentielles (ou
méso-alternances) qui renvoient à un emploi alterné des deux
langues à travers des activités et des supports différents. Cette
alternance est donc plus complexe à mettre en place et
demande un travail de préparation plus important, mais en
favorisant le développement des capacités de transfert des
élèves elle permet une réelle didactisation de l’alternance des
langues (Jean Duverger). Les deux langues entrent alors en
communication de manière pensée, et l’élève acquiert un regard
réflexif sur la langue qui participe au développement de
compétences métalinguistiques. La capacité de l’élève à passer
d’une langue à l’autre devient alors signe qu’il se situe
réellement dans une perspective bilingue.
*autour de la notion de projet: Le projet doit amener à une production
finale, être défini dans le temps, doit être motivé, motivant pour l’élève. Les
élèves doivent se l’approprier et le faire vivre; l’enseignant y joue davantage
le rôle de médiateur (organisation d’activités, consignes, gestion matériel,
validation des résultats, organisation des échanges entre élèves…). Il n’est
donc ni absent, ni en retrait, Il échange, propose, valide, soumet des idées,
et y inclus ses enseignements de manière planifiée mais c’est l’élève reste
acteur et décideur du projet.
Figures de l’hypocrisie: de Tartuffe à la scène politique brésilienne
GONÇALVES SOUSA MACHADO, Maristela - PEREIRA ZANINI, Mariza, Universidade Federal de Pelotas- Brésil
[email protected] - [email protected]
«Je ne pense pas du tout que tout Shakespeare, ou tout
Molière, soit actuel. Les Femmes savantes ou Les Précieuses
ridicules, par exemple, ne m’intéressent pas beaucoup. Même
Le Bourgeois gentilhomme ne me passionne pas. Alors que
Tartuffe, au contraire, est une fontaine de jouvence».
Ariane Mnouchkine
“Já o leitor compreendeu que era a Razão que voltava à
casa, e convidava a Sandice a sair, clamando, e com melhor
jus, as palavras de Tartufo: ‘La maison est à moi, c’est à vous
d’en sortir’.”
Machado de Assis In: Memórias Póstumas de Brás Cubas
Introduction
Visant à la formation de lecteurs littéraires capables de
percevoir la présence des universels littéraires au texte de
théâtre, nous proposons une perspective interculturelle et
interlinguistique pour motiver à la réflexion sur le théâtre et ses
rapports possibles au quotidien local. Notre ancrage part d’une
réflexion sur nos pratiques didactiques de formation enseignante dans le cadre de la Licenciatura en portugais et français
de l’Universidade Federal de Pelotas, le but de ce travail est
donc d’indiquer des voies pour l’approche du texte théâtral en
salle de classe.
Comment attirer l’attention de nos jeunes étudiants, à priori
méfiants devant l’accès à la lecture de textes qui leur semblent
linguistiquement opaques et tout à fait déconnectés de la
réalité contemporaine? Telle est la question que l’on se pose
quotidiennement dans la formation enseignante où nous
sommes. Des années de travail et des expériences successives
nous ont permis quelques convictions toujours temporaires nos publics changent. Elles nous ont surtout fait acquérir le
goût de l’expérimentation de techniques de travail différentes
visant à atteindre à l’objectif de motiver nos étudiants à la
lecture en langue étrangère (LE). Nous agissons en tant que
médiateurs, facilitateurs et stimulateurs en ce qui concerne le
texte littéraire (TL).
Le cadre de cette proposition est celui des pratiques
didactiques de la formation enseignante dans la Licenciatura
en portugais et français de l’Universidade Federal de Pelotas.
Les étudiants du cours de Littératures de Langue Française IV
- Le Théâtre sont notre public cible. Ils sont au 8ème semestre
de la formation, après 760 heures de langue française ayant
déjà un niveau B1-B2 selon le Cadre Européen Commun de
Référence pour les Langues. Il s’agit, par conséquent, d’un
public de sujets-lecteurs et de futurs formateurs ayant une
bonne compétence linguistique et l'expérience de lecture de
récits courts, de romans et de poèmes. Ils ont également suivi
la discipline de Cultura e civilização francófonas au 4ème
semestre.
Feliciano, dans la scène politique brésilienne. Nous avons ainsi décidé d’analyser ce personnage
à la lumière de la lecture du Tartuffe de Molière.
Il faut souligner que la structure en vers e rimes du Tartuffe ne sera pas complètement
étrangère à ces étudiants ayant déjà côtoyé la poésie en LF un semestre plus tôt. La thématique
même de la pièce théâtrale où le personnage principal fait une «présentation de soi» plus
qu’idéalisée en vue de s’immiscer dans la scène familiale, elle non plus leur est probablement
étrangère et sera rendue encore plus actuelle à travers la corrélation à la scène politique
brésilienne contemporaine. Dans l’étude d’Erving Goffman (1973) sur les interactions sociales,
par exemple, le sociologue s’approprie la terminologie technique du théâtre en vue d’établir une
lecture des relations sociales, les envisageant comme une scène sociale. Les actions qui
correspondent aux rôles sont attendues et la déviance est mal vue voire punie.
Marco Feliciano: un improbable président pour la Commission des Droits
Humains
Ancien cireur de chaussures, fondateur de l’église Assembleia de Deus - Catedral do
Avivamento, Marco Feliciano est député pour le petit Parti social-chrétien de São Paulo. Il a
obtenu une notoriété instantanée grâce au poste de Président de la Commission des droits de
l’homme et des minorités (CDHM) de la chambre des députés à Brasilia qu’il a occupé en mars
2013. La raison de cette renommée se trouve dans un paradoxe, une véritable aberration: la
religion de ce pasteur évangélique professe ouvertement l’homophobie, le racisme, la misogynie
et l’intolérance (SEQUEIRA et TORRES, 2013).
Suite à l’élection de Marco Feliciano pour la présidence de la CDHM, les manifestations
organisées par les mouvements sociaux ont gagné les rues, les campagnes sur les réseaux
sociaux ont mobilisé les Brésiliens. Mais il a tenu: Marco Feliciano n’a quitté le poste qu’en
décembre 2013 résistant aux pressions populaires et aux négociations politiques pour le
remplacer.
La question qu’une grande partie de la société brésilienne s’est immédiatement posée était
incontournable: comment est-il possible qu’un homme politique aux positions si réactionnaires
et objet de plusieurs enquêtes judicaires soit à la tête d’une commission de cette nature? Nous
n’avons pas la prétention d’y répondre ici vue la complexité de la matière. L’opportunisme
politique des petits partis qui composent la base alliée du gouvernement de la présidente Dilma
Roussef, associé à la connivence et aux intérêts de grands partis ont certainement eu un rôle
important dans l’ascension de ce personnage.
La préparation à la lecture de la pièce
Pour créer un horizon d’attente, nous allons demander aux étudiants de rechercher la présence
du Tartuffe de Molière au Brésil soit par sa présence à la scène, soit par l’évocation même de ce
nom comme synonyme de personnage hypocrite. Représentée au Brésil pour la première fois en
1875, la pièce de Molière est bien connue des spectateurs brésiliens des grandes villes. Les
mises en scène les plus célèbres demeurent celles d’Augusto Boal avec Gianfrancesco Guarnieri
en 1964 et d’Antonio Abujamra avec Jardel Filho en 1966. Largement employé, le mot tartufo (et
ses dérivés tartufaria, tartuficar, tartufice, tartufismo, tartufista, tartufístico e tartufizar) a acquis le
droit de cité dans le portugais en 1858 (HOUAISS, 2001). Les étudiants vont ensuite rechercher
l’usage de cette antonomase métaphorique dans la littérature (Memórias Póstumas de Brás
Cubas de Machado de Assis, en est un exemple) et dans les journaux brésiliens.
Le Tartuffe ou l’Imposteur de Molière est au programme du
cours de Littératures de Langue Française IV - Le Théâtre et,
comme nous cherchons toujours de nouvelles manières de
motiver au texte, nous avons identifié du potentiel à la vive
controverse qu’a créée la posture d’un député, Marco
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L’observation de trois photos1 de différentes mises en scènes du Tartuffe au Brésil précédera
aussi la lecture de l’oeuvre.
Fronde. Orgon se désespère jusqu’à ce qu’un coup de théâtre
sauve la famille: à travers un exempt, le roi juste et tout
puissant rétablit l’ordre. Tartuffe est puni, Orgon pardonné et
l’ordre rétabli.
Proposition d’activité
La lecture du Tartuffe conclue, nous stimulerons le débat
sur l’hypocrisie dans la scène politique brésilienne actuelle.
Pourrait-on actualiser la figure du faux dévot et de l’hypocrite à
la lumière des événements récents liés au président de la
Commission des droits de l’homme et des minorités et à ses
propos fortement médiatisés?
Il est vrai que Tartuffe est un personnage énigmatique. Les
critiques littéraires, les metteurs en scène et les acteurs ne
cessent d’essayer de le percer à jour et d’en offrir des lectures
contradictoires. Nous proposerons néanmoins aux étudiants
d’essayer de trouver ce qui caractérise Tartuffe comme
hypocrite. Comment agit l’imposteur? Que dit le faux dévot?
Comment sa duplicité se donne à voir? Pour ce faire, les
étudiants devront choisir des extraits de la pièce où les traits de
l’hypocrite apparaissent de façon plus évidente. Ils pourraient
en repérer cinq, par exemple. Voilà une typologie possible:
Pour terminer cette étape de préparation à la lecture, nous focaliserons la réflexion sur le mot
hypocrite et son étymologie liée à l’activité de l’acteur: «V. 1175, ipocrite; bas lat. hypocrita, grec
hupokritês «acteur, mime, imitateur (qui accompagnait l'acteur parlant par des gestes)», de
hupokrinesthai «feindre, jouer un rôle»» (Grand Robert Électronique, 2005).
On soulèvera un débat ayant en vue le concept de «présentation de soi» (GOFFMAN, 1973) et
la notion de theatrum mundi, bien connue depuis la Renaissance, et qui se caractérise par une
vision du monde réel conçu comme un grand théâtre où chacun joue son rôle sur la scène, où
l’artifice prédomine. Les étudiants devront prendre position sur la maxime de La Rochefoucauld
«L’hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu» et sur les phrases de Voltaire
«L'hypocrisie ne consiste pas à cacher ses vices, mais à faire parade des vertus qu'on n'a pas.»
et de Balzac - «En France, l’esprit est plus fort que tout, et les journaux ont de plus que l’esprit de
tous les hommes spirituels, l’hypocrisie de Tartufe.»
On leur dira également de citer les tartuffes qu’ils connaissent dans la fiction et dans la vie. Il
est probable que des vilains des feuilletons télévisés, des personnages littéraires comme Amaro
(O Crime de Padre Amaro d’Eça de Queiroz) et Brás Cubas (Mémorias Póstumas de Brás Cubas
de Machado de Assis) seront cités.
Quelques mots sur Le Tartuffe ou l’Imposteur de Molière
Deuxième grande comédie de Molière après L’École de Femmes, Tartuffe est représenté pour
la première fois à Versailles en 1664. Immédiatement interdite par le roi, la pièce ne sera
définitivement autorisée qu’en 1669 après cinq ans de querelles et polémiques avec des rigoristes religieux et des hommes d’Église.
Devenu synonyme de faux dévot et de personnage hypocrite, Tartuffe se fait passer pour un
homme immaculé, austère et vertueux de manière à atteindre des objectifs ténébreux. Une famille
est bouleversée par la domination qu’il exerce sur le père, Orgon. Celui-ci, intransigeant et
complètement aveuglé par l’influence du «dévot personnage» (v. 1122) qu’il a recueilli chez lui,
ne voit pas que Tartuffe est un imposteur qui veut tout: le pouvoir, la fortune, la fille et la femme
d’Orgon. La rupture entre les deux n’arrive que grâce à la stratégie de la famille qui dévoile la
vraie nature de l’être double et répugnant. Mais Tartuffe s’enrage et contre-attaque. Il
s’empare de la fortune d’Orgon et menace de le dénoncer comme ancien membre de La
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- Le portrait double du personnage commence à se dresser
dès la scène d’exposition (Acte I, scène 1). Madame Pernelle,
la mère d’Orgon, critique la famille en raison de sa vie
mondaine et ostentatoire en défendant l’austérité et la vertu de
Tartuffe, absent de la scène. Elmire (la femme d’Orgon), Damis
(son fils), Cléante (le frère d’Elmire) et la soubrette Dorine
défendent la liberté (et non pas le libertinage) de leur conduite
et l’indifférence à l’opinion des malveillants. Le conflit de
générations et de philosophie de vie s’installe. Absent de la
scène - il faut attendre l’acte III pour le voir - Tartuffe est présent
dans le discours de la famille dont les points de vue sont
divergents.
Pour Madame Pernelle, Tartuffe est «Un homme de bien,
qu’il faut qu’on écoute» (v. 42)2, parce que «C’est contre le
péché que son coeur se courrouce/ Et l'intérêt du Ciel est tout
ce qui le pousse.» (v. 76, 77). Damis le voit comme «un cagot
de critique» (v. 45). Dorine, la suivante de Marianne essaye
d’ouvrir les yeux à la vieille dame, - «il se passe pour saint
dans votre fantaisie» (v. 69), elle suggère même qu’il convoite
la jeune femme d’Orgon («Je crois que de Madame il est, ma
foi, jaloux» (v. 84) - et dénonce son opportunisme (v. 63 à 66):
Qu'un gueux qui, quand il vint, n'avait pas de souliers,
Et dont l'habit entier valait bien six deniers,
En vienne jusque-là, que de se méconnaître,
De contrarier tout, et de faire le maître.
1Les images présentées de mises en scène à São Paulo (2004), Jaboatão
de Guararapes (2010) et Porto Alegre (2011), ont été prises respectivement de
http://www.fotolog.com/teatroecia/8115649/
http://luznegra1.blogspot.com.br/;
http://teatropoa.blogspot.com.br/2011_08_01_archive.html.
Disponible sur l’Internet le 20/12/2013.
2Toutes les indications d’actes, de scènes et de vers, renverront à: Molière.
Tartuffe. Paris: GF Flammarion, 1997.
Dorine parle de l’hypocrisie religieuse comme «métier» (v.
134), pratique courante dans la vie mondaine et moyen de
réussite sociale, d’accéder au pouvoir. Première caractéristique
du faux dévot: les personnes le voient de façon divergente.
- De façon comique, la duplicité de Tartuffe se fait encore
plus évidente à l’Acte I, scène 4. Orgon rentre de voyage et ne
demande que de nouvelles de Tartuffe. Dorine essaye en vain
de lui parler d’Elmire qui était tombée malade. Le maître lui
demande plusieurs fois «Et Tartuffe?» (v.233, 239, 245 et 252)
et quoique la servante lui insiste ironiquement que le dévot est
en pleine santé, Orgon exprime à chaque fois son zèle ardent
répétant mécaniquement: «Le pauvre homme !» (v. 235, 241,
249 et 256).
On apprend aussi dans cette scène que le pauvre homme
«gros et gras, le teint frais, et la bouche vermeille» (v. 234) est
bon buveur, a un appétit gargantuesque et dort du sommeil du
juste. Comment concilier l’image d’austérité et rigorisme - il dit
porter même la haire et la discipline pour s’infliger des
châtiments corporels (v. 853) ! - avec celle de l’appréciateur
des plaisirs terrestres, de la sensualité physique? Au-dessus
de tout soupçon, Tartuffe tient son masque. Le ridicule de la
situation n’empêche pas qu’on se rende compte du danger que
courent ceux qui à l’esprit faible, sont entichés d’un faux dévot.
Incapable de voir ces contradictions, Orgon perd la raison,
devient tyrannique et veut donner la main de sa fille Marianne
à l’intrus.
Orgon met en risque le futur des siens quand il les déshérite
en donnant tous ses biens à Tartuffe. Deuxième caractéristique
du tartuffe: «faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je
fais». Le discours de serviteur de Dieu leur sert comme une
cuirasse d’une respectabilité, d’une ascendance morale que
ses actes ne confirment pas. Ses actes camouflent sa pensée et
les crédules sont ses victimes.
- Homme saint et irréprochable ou imposteur ambitieux?
Quand finalement Tartuffe entre en scène (Acte III, scène 2), ses
contradictions deviennent évidentes. La didascalie tout au
début de la scène informe qu’«apercevant Dorine», il
commence à jouer sa comédie de saint homme - on rappellera
l’étymologie d’hypocrite déjà citée - il parle mortifications
physiques, aumônes, offense outrée devant le décolleté de
Dorine. Mais sa réaction à la proposition d’une rencontre avec
Elmire témoigne du paradoxe: «Hélas ! Très volontiers»
(v.875). Déception ou élan? Troisième caractéristique de
l’imposteur: comme un acteur, il agit de façon calculée, mais
son discours peut le trahir, son masque ne tient pas toujours.
- Le masque de dévot tombe définitivement à la scène
suivante (Acte III, scène 2) quand Elmire rencontre Tartuffe
avec l’intention de lui demander de renoncer à Marianne. On y
voit un homme audacieux et sensuel qui ose même serrer les
doigts et poser la main sur le genou de l’épouse de son
bienfaiteur.
Tartuffe s’utilise de plusieurs mots du champ lexical de la
dévotion (ferveur, grâce, zèle, etc.) et en détourne le sens pour
exprimer son désir pour Elmire. Le personnage risible devient
effrayant en dépit du comique de la situation provoqué par
l’ambigüité des répliques, le mélange des registres amoureux
et religieux, les allusions à l’anatomie d’Elvire, les gestes contrastant avec le discours et le jeu de
chaises.
La manière dont Tartuffe fait glisser peu à peu son discours de dévot au discours galant révèle
les ajustements, les accommodements sans scrupules qui le rendent capable de manipuler, de
nuire pour achever ses projets tout en gardant un registre pieux. Il passe à l’action, à l’offensive
quand il propose l’adultère à Elmire. Quatrième caractéristique de l’hypocrite: la manipulation
cynique du discours de la dévotion pour obéir à ses intérêts ou appétits.
- Le début de la scène dernière de l’Acte V (v. 1861 à 1996) présente un intérêt particulier par
sa dimension politique: Tartuffe n’hésite pas à y porter le masque de serviteur du Prince («Mais
l'intérêt du Prince est mon premier devoir», v. 1880) superposé à celui de serviteur de Dieu pour
atteindre ses objectifs. C’est vrai qu’il n’ambitionne aucun poste officiel, mais il ose chercher la
justice royale pour dénoncer Orgon oubliant que lui-même - «un fourbe renommé» (1923) - est
recherché par la justice pour ses escroqueries.
Démasqué grâce à la ruse d’Elmire, Tartuffe arrive chez Orgon accompagné d’un exempt. Toute
la famille est réunie, accablée par les menaces du faux dévot. Orgon lui avait confié une cassette
avec des documents compromettants et il n’a pas hésité à dénoncer le naïf. Ainsi l’imposteur se
prépare pour témoigner l’emprisonnement de son bienfaiteur et pour s’approprier sa fortune.
Menaçant et sarcastique («Tout beau, Monsieur, tout beau, ne courez point si vite»), Tartuffe se
présente comme légitime représentant du Prince («Et de la part du Prince on vous fait prisonnier»).
Comme l’Orgon d’avant, il agit en maître tyrannique de la maison, totalement insensible aux
arguments de la famille («Vos injures n'ont rien à me pouvoir aigrir/Et je suis pour le Ciel appris
à tout souffrir» v. 1867-1868). Se croyant triomphant il ne sera interrompu que par un coup de
théâtre: il se fait arrêter par l’exempt, vrai représentant du roi. Ses derniers mots dans la pièce «Qui? moi, Monsieur?» et «Pourquoi donc la prison?» - témoignent de sa surprise indignée.
Cinquième caractéristique de l’imposteur: il est ambitieux, haineux, et capable de modifier ses
jeux de scène, de superposer des masques sans scrupules pour atteindre ses buts.
À l’étape finale, nous demanderons aux étudiants de rechercher sur Internet des discours de
Marco Feliciano et des informations sur ses positions politiques. Quels rapprochements entre le
pasteur-député et Tartuffe?
En guise de conclusion
Quoiqu’on dise souvent que Tartuffe est une pièce d’actualité, il s’agit bien évidemment d’une
actualité différente de celle du XVIIe siècle. Nous proposerons aux étudiants de vérifier s’il est
quand même possible de détecter des similarités dans les discours de Tartuffe et du député-pasteur brésilien.
Les étudiants constateront que Marco Feliciano a fait couler l’encre au Brésil et à l’étranger:
ses déclarations polémiques ont occupé les pages de nombreux journaux et revues. Voyons
comment Nicolas Bourcier du Monde synthétise les propos recueillis aux messes télévisées et
sur le compte Twitter du pasteur-député:
Il affirme ainsi que "le sida est un cancer gay" et que "les Africains sont maudits de par leur ascendance". À l'hebdomadaire Veja, il déclare: "Je ne veux pas voir dans la rue un homme en embrasser
un autre." Ailleurs, il précise que la société n'est pas prête à croiser "deux hommes avec des barbes
et les jambes épilées" se donner publiquement un baiser. D'un même ton, il ajoute: "Quand on
donne aux femmes les mêmes droits qu'aux hommes, elles annulent leur côté maternel, elles ne se
marient plus ou développent une relation avec une personne du même sexe. Dans son discours
d'investiture à la commission, l'intéressé a nié être homophobe ou raciste. Loin de calmer ses
adversaires, il a même réitéré certains de ses propos dans les médias, toujours plus nombreux à
l'interviewer.
Les fréquents démentis ne sont pas la seule contradiction du discours rigoriste de Marco
Feliciano, il est la cible de deux arrêts de la Cour Suprême Fédérale (STF). Une unité disciplinaire
l'accusant d'homophobie («la pourriture des sentiments homoaffectifs mène à la haine, au crime,
au rejet» a-t-il écrit sur Twitter le 31 mars 2011) et une action pénale pour racket. Son
ambition politique est flagrante et lui permet de vaticiner que d’ici 10 ans, «il sera impossible de faire de la politique au Brésil sans s’allier avec les évangéliques» (ORLOTT, 2013).
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La polémique s’intensifie par les activités de ce pasteur-entrepreneur qui commande des
émissions télévisées, commercialise cours, voyages, livres, CDs et DVDs et a quasiment fait de
son bureau à la Chambre des députés une filière de son église.
Très soucieux de son image, Marco Feliciano n’hésite pas à déclarer qu’il est adepte du lissage
des cheveux et qu’il épile ses sourcils. Il pose comme un artiste, un chanteur gospel, mais affiche
la modestie: «Je ne suis pas un artiste. Je n'aime pas l’épithète. Les applaudissements et la gloire
sont destinés uniquement au Seigneur. J'ai juste le don de l'oratoire et une voix qui est un don
de Dieu.»3
La lecture croisée entre la pièce et le matériel de presse actuel permettra-t-elle de confirmer la
pertinence de l’hypothèse initiale? Le pasteur-député brésilien correspond-il à la typologie du
faux dévot que les étudiants auront établie à partir de leur lecture de la pièce?
Est-ce que, comme il est arrivé avec d’autres groupes d’apprenants, au fur et à mesure que la
réflexion progresse ils deviendront de plus en plus critiques du personnage d’Orgon? Comment
a-t-il pu devenir insensible, aveuglé et sourd à la réalité qui l’entourait? Comment est-il possible
qu’il ait perdu la raison se laissant tromper par l’imposteur? Les Tartuffes n’existeraient pas sans
les Orgons.
Nous espérons pouvoir réaffirmer que, plus de trois cents ans après, Le Tartuffe de Molière
gène. Ses «dehors fardés» (v. 200), sa «forfanterie» (857) troublent encore. Comme le dit
Bénédicte Louvat, (p. 30, 1997), «Par lui, Molière laisse entendre que la fausse dévotion peut être
le ferment d’un chaos social autrement grave que le cocuage.»
Références bibliographiques
BOURCIER, N. «Au Brésil, l'Eglise évangélique étend sa toile». Le Monde.
<http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/04/09/au-bresil-l-eglise-evangelique-etend-satoile_3156846_3232.html>.
Disponible sur l’Internet le 20/12/2013.
GOFFMAN, E. La mise en scène de la vie quotidienne; tome I: La présentation de soi. Paris:
Éditions de Minuit, 1973. HOUAISS, A. Dicionário eletrônico Houaiss da língua portuguesa. São
Paulo: Objetiva, 2001.
LE ROBERT/SEJER. Version électronique du Grand Robert de la langue française, 2005.
CD-ROM.
LOUVAT, B. «Présentation». In: MOLIÈRE. Tartuffe. Paris: GF Flammarion, 1997.
MOLIÈRE. Tartuffe. Paris: GF Flammarion, 1997. OHLOTT, P. «Le pasteur-député Marco
Feliciano dénonce la "dictature gay" !». Actu-Chrétienne.com http://actualitechretienne.wordpress.com/2013/06/07/le-pasteur-depute-marco-feliciano-denonce-la-dictature-gay/. Disponible sur l’Internet le 20/12/2013. SEQUEIRA, C. et TORRES, I. «Marco Feliciano, o homem que
desafia o país». Isto é, nº 2263, 3/4/2013. p. 41-45.
3 “Não sou artista. Não gosto dessa alcunha. Os aplausos e a glória são destinadas (sic) somente ao Senhor.
Tenho apenas o dom da oratória e uma voz que é uma dádiva de Deus. Traduction libre. <http://veja.abril.com.br/blog/ricardo-setti/politica-cia/veja-entrevistou-o-controvertido-deputado-pastor-marco-feliciano-leia-e-chegue-as-suas-proprias-conclusoes/>.
Disponible sur l’Internet le 20/12/2013.
42
Est-il trop tard pour donner envie d’écrire aux jeunes?
DARGIROLLE, Françoise - Université Bordeaux 3 et MAE
Dans toutes les missions que j’ai pu effectuer à travers le
monde, il est un problème récurrent soulevé par tous les
enseignants de français sur tous les continents et souvent posé
sous forme de question «comment donner envie de lire et
d’écrire aux jeunes apprenants?» «Comment leur donner envie
d’écrire des textes longs et structurés alors qu’ils passent la
majorité de leur temps à écrire des textes brefs et la plupart du
temps oralisés sur leur clavier ou leur mobile?»
La novlangue: simplification, immédiateté
Contrairement à Michel Serres1, je n’admire pas les «petits
poucets et les petites poucettes» même si leur dextérité sur le
clavier d’un téléphone portable est largement supérieure à celle
de ma génération.
«Il ou elle écrit autrement. Pour l’observer, avec admiration,
envoyer, plus rapidement que je ne saurai jamais le faire de
mes doigts gourds, envoyer, dis-je, des SMS avec les deux
pouces, je les ai baptisés, avec la plus grande tendresse que
puisse exprimer un grand-père, Petite Poucette et Petit Poucet.
Voilà leur nom, plus joli que le vieux mot, pseudo-savant, de
«dactylo».
Ils ne parlent plus la même langue. Depuis Richelieu,
l’Académie française publie, à peu près tous les vingt ans, pour
référence, le Dictionnaire de la nôtre. Aux siècles précédents,
la différence entre deux publications s’établissait autour de
quatre à cinq mille mots, chiffre à peu près constant; entre la
précédente et la prochaine, elle sera de trente-cinq mille
environ».
Autrement dit, si 35 000 mots séparent deux générations, il
faudra peu de temps pour que la communication intergénérationnelle disparaisse. Ainsi, les langues qu’elles soient
maternelles ou étrangères ne pourront plus servir non
seulement à transmettre le patrimoine culturel engrangé
pendant des siècles mais ne permettra plus de communiquer
entre générations. A quoi serviront les langues sinon à établir
des frontières entre gens d’un même pays, d’une même
famille? En quelques pas dans le temps, la mémoire collective
humaine aura disparu, la transmission d’héritages engrangés
ne pourra plus se faire. Je ne citerai pas le nombre d’exemples
auxquels se heurtent les enseignants quotidiennement.
Une fois ce constat posé, j’ai pensé tout d’abord que nous
étions, nous les enseignants, dans un combat d’arrière-garde
jusqu’au jour où j’ai eu deux chocs: le premier à une
conférence à laquelle j’ai assisté l’an passé et le second, un
livre. Les chocs sont salutaires.
a) La conférence: poussée par des amis scientifiques, je
suis allée assister à une conférence faite par Jean Michel
Besnier, professeur de philosophie et aussi de formation
scientifique, enseignant dans les grandes écoles
d’ingénieurs françaises dont polytechnique. Or, cette
conférence qui portait sur le «transhumanisme» et le
«posthumanisme» - (je fais ici une petite disgression) Pour en donner une définition plus que succincte, nous
dirions que le transhumanisme cherche à développer les
processus techniques et scientifiques pour améliorer l’homme actuel (lutte contre le vieillissement, la maladie, la mort, etc.) tandis que le posthumanisme peut faire référence à un posthumain qui a éventuellement quitté son statut d’humain. Autrement dit, dans le transhumanisme,
l’homme est toujours homme mais additionné de machines qui peuvent l’aider (exemple des
marins américains en Afghanistan/ poids du sac à dos; projet d’annihiler la fatigue, etc.). En
revanche, pour le posthumanisme, la part humaine disparait et ce sont les machines qui
décident. L’homme devient une coquille vide. Ainsi, certains laboratoires de recherches
travaillent actuellement sur la possibilité de télécharger le cerveau d’un homme pour le mettre
sur un ordinateur, voire une clé USB. Nous en sommes heureusement encore loin mais on
arrive déjà à connecter une mémoire électronique à un cerveau de souris. Sous couvert de
progrès technologiques incessants, ce philosophe démasquait pendant sa conférence les
dangers de ces révolutions à la marche silencieuse qui permettent des profits commerciaux
incommensurables à de grandes entreprises d’internet (Google par exemple vient de créer une
université pour ces projets et les étudiants qui y ont accès sont triés sur le volet) qui vont
mettre davantage l’homme au service des techniques que l’inverse. Plus l’homme sera
«augmenté» par les outils technologiques sous couvert de faire son bonheur, plus il sera
simplifié dans sa pensée parce qu’asservi par des machines qui lui imposent leur système.
Conscient de ce danger, plusieurs scientifiques dont J. M. Besnier ont mis en place dans des
cursus scientifiques destinés à des chercheurs et des ingénieurs des cours de lecture commentée
de morceaux choisis de la littérature classique «pour toucher du doigt la subtilité des comportements décrivant une négociation marchande dans«le Rouge et le Noir»2, ou le retournement de
rapports de forces dans le «bonheur des dames» de Zola3. Je cite J.M. Besnier
«Mieux que n’importe quelle technique de management pétrie de modèles rationnels, la
littérature offre une incomparable approche de la complexité de l’humain. Le grain de l’analyse est
assurément plus fin quand on ne se laisse pas abuser par les algorithmes de résolution de
problèmes issus des techniques informatiques. Force est de conclure que la littérature, parce
qu’elle résiste à la simplification requise par toute modélisation, serait un judicieux recours pour
sauvegarder en l’homme la dimension de l’humain que lui contestent les machines».4
Une conclusion à laquelle l’écrivain et philosophe George Steiner a depuis longtemps souscrit
en rappelant dans les années trente «il y a, indéniablement, une vision plus aiguë de l’homme
dans Homère, Shakespeare ou Dostoïevski que dans l’ensemble des statistiques ou de la neurologie».
On pourrait encore ajouter que la lecture de romans de Dostoïevski comme «le joueur»
«l’idiot» surpasseront toujours au niveau des descriptions des caractères psychologiques toutes
les machines qui sont sur le point d’advenir.
David Grossman à qui l’on demanda comment il avait pu continuer à écrire après l’annonce de
la mort de son fils pendant la guerre du Liban, répondit «en cherchant le bon mot, comme font
tous les écrivains».
«Peut-on mieux dire, conclut J.M. Besnier, combien l’attachement au langage qui transfigure
la réalité et proclame la supériorité de l’esprit n’est pas obsolète, combien il est requis dans un
monde de violence et de barbarie?» 5.
En sortant de cette conférence, je me suis dit qu’il aurait été salutaire pour nombre d’universitaires d’écouter cette conférence où les scientifiques défendaient plus âprement la langue que
leurs collègues spécialistes et que la collaboration entre disciplines scientifiques et littéraires
honnie par bon nombre de professeurs étaient urgentissime.
1 Michel SERRES ««Petite poucette», 2012, Editions Le Pommier, p.14.
2 Cf. les tractations du vieux Sorel avec l’abbé Chélan destinées à libérer Julien du carcan familial
3 Zola décrivant les manoeuvres d’Octave Mouret pour assurer la prospérité de son magasin.
4 Jean-Michel BESNIER «L’homme simplifié» le syndrome de la touche étoile, 2012, Editions Fayard, pp198-199.
5 Jean-Michel BESNIER «l’homme simplifié», 2012, Editions Fayard.
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Cette conférence et les descriptions de notre avenir trans- et post-humaniste renvoyait
automatiquement à la relecture du roman fictionnel de George Orwell, «1984» publié en 1949.
Dans son roman, La novlangue est la langue officielle d ’ «Océania» et a été entièrement
imaginée par l’auteur. Le principe est simple: plus on diminue le nombre de mots d'une langue et
plus on fusionne les mots entre eux, plus on diminue le nombre de concepts avec lesquels les
gens peuvent réfléchir en éliminant les finesses du langage, plus on rend les gens incapables de
réfléchir, et plus ils raisonnent à l'affect.
La mauvaise maîtrise de la langue rend ainsi les gens stupides et manipulables par les
instruments de propagande massifs tels que la télévision. C'est donc une simplification lexicale
et syntaxique de la langue destinée à rendre impossible l'expression des idées potentiellement
subversives. Elle permet d’éviter toute formulation de critique de l’État, l'objectif ultime étant
d'aller jusqu'à empêcher l'«idée» même de cette critique. Le mot novlangue est depuis passé
dans l'usage au féminin par analogie avec langue, lorsqu'il désigne péjorativement un langage
destiné à déformer une réalité. Ce concept illustre également un propos du logicien Bertrand
Russell assurant que nul problème ne pourra être résolu, voire perçu, si l'on prend soin d'éliminer au départ toute possibilité de le poser.
Du roman fictionnel à la réalité, il n’y a eu malheureusement qu’un pas et nous avons le
témoignage bouleversant d’un ouvrage de Victor Klemperer (1881-1960), professeur d’université, philologue et spécialiste de la littérature française et italienne, «LTI la langue du troisième
Reich», (LTI = lingua tertii imperii = langue du troisième empire ou Reich). Ce livre a eu un très
fort retentissement lorsqu’il a été publié en 1995, bien longtemps après la mort de Klemperer. Les
termes latins ne sont pas anodins, l’idée étant de noyer les «masses populaires» sous un flot de
termes étrangers ou énigmatiques afin de noyer ainsi la pensée claire et concise. Ce langage est
au service de l’idéologie non pas «conductrice» au sens de «imperare» = celui qui conduit le
peuple, au sens noble du terme» mais d’une idéologie qui conduit le peuple à la violence.
Le langage est ici au service d’une idéologie quelle qu’elle soit et l’appauvrissement du
langage donc de la pensée est un atout formidable pour tous ceux qui veulent diriger le monde.
Tous ces éléments que je viens d’évoquer ne manquent pas de nous interpeler, nous les
professeurs de langue. Ils nous obligent à prendre position et à nous dire que, contrairement à ce
qu’on nous fait croire actuellement, en tout cas en France, pour dévaloriser et moquer bien
souvent le statut d’enseignant, notre rôle et notre métier est de contrer jour après jour ces menaces: menace de découvertes scientifiques et technologiques déshumanisant l’homme et menaçant
clairement les démocraties.
Développer et enrichir la pensée de nos futures générations pour leur permettre de ne pas
adhérer à toutes les thèses aussi brillantes et miroirs aux alouettes qu’elles soient, est un travail
de fourmi, un travail de l’ombre mais il constitue un des contre-pouvoirs essentiels. Il ne faut pas
le prendre à la légère.
I) Que faire? l’atelier d’écriture, une des réponses possibles
Même si nous sommes conscients de tous ces dangers, nous savons que ce n’est pas parce
que nous ferons des remarques à la majorité des jeunes que nous côtoyons en classe que nous
les verrons se précipiter dans une bibliothèque et prendre un livre de littérature ou se mettre à
écrire. Les injonctions ne servent à rien.
On ne peut plus demander aux jeunes de lire directement dans leur langue maternelle, Tolstoï,
Victor Hugo ou tout autre écrivain. Il y a des étapes transitoires obligatoires à mettre en place. Les
enseignants d’autrefois n’avaient pas à le faire puisque nous n’étions pas sollicités par l’immédiateté et la vitesse. Nous avions le temps et on les livres étaient maîtres par rapport aux technologies. Qu’il s’agisse d’une langue maternelle ou de l’apprentissage d’une langue étrangère, le
problème se pose en termes similaires car la connaissance approfondie d’une langue maternelle
permet un apprentissage plus facile en langue étrangère (siglée LE) et nous avons maints
exemples à ce sujet que nous ne pouvons développer ici.
Le concept de «centration sur l’apprenant» au coeur de la pédagogie et des recherches en
didactique des langues/cultures depuis une quarantaine d’années place toute personne en
situation d’apprentissage en situation de faire, de créer, de découvrir par lui-même. Les
activités pédagogiques sollicitent tout cela. Actuellement par exemple, «La pédagogie du
44
projet» qui est devenu un concept central en enseignement/apprentissage des langues étrangères cherche à
développer l’autonomie, la réflexion, la création, l’innovation et
l’organisation individuelle et collective. Tout ceci rejoint en fait
ce en quoi nous croyons, à savoir, la construction d’un être
conscient, d’un citoyen au sens premier du terme «qui participe à la construction et à la vie de la cité», capable grâce à ses
connaissances de pouvoir continuer à conserver et à transmettre aux générations suivantes, la part d’humanité dont le
monde a tant besoin.
L’atelier d’écriture est un dispositif plus léger que «la
pédagogie du projet» (nous en avions déjà parlé pendant nos
missions au Honduras et à Panama). Il permet avec un matériel
simplissime (papier/crayon/ photo) de découvrir tout d’abord
le plaisir d’écrire, d’exprimer peu à peu sa pensée, de la
développer. Il n’est bien évidemment pas le seul outil
d’apprentissage d’une LE mais il la rend plus vivante et proche,
même si elle est étrangère. Vivante, parce que l’élève ou
l’étudiant va se l’approprier, jouer avec. Autrement dit, il peut et
va construire avec elle une pensée. La langue vivante va
devenir proche parce que les jeunes vont se familiariser avec
cet objet inconnu et ils vont pouvoir peu à peu l’apprivoiser. La
LE ne sera pas à distance de lui mais avec lui.
Parfois, la langue telle qu’elle est présentée dans les
manuels FLE donne une part très importante à un apprentissage mécaniciste de la langue et la part créative y est très
restreinte. Cette mécanisation est indispensable pour
mémoriser des structures ou du lexique mais ne pourrait-on
pas en fonction des groupes de niveaux, par le biais d’un
atelier d’écriture, donner aux élèves et aux étudiants un espace
de liberté pendant lequel ils pourront créer, imaginer, innover
et se stimuler entre eux?
III) Alors, qu’est-ce qu’un atelier d’écriture?
• Préparation et déroulement
• Ses avantages
• Ses limites
1. Préparation et déroulement
Il faut savoir qu’un atelier d’écritures demande une bonne
préparation au formateur mais lorsque vous aurez construit
quelques ateliers d’écriture, vous pourrez bien évidemment les
réutiliser non seulement d’une année sur l’autre mais dans des
classes de différents niveaux en les adaptant.
Je vous remettrai des exemples possibles d’atelier d’écriture lors de l’atelier de vendredi matin et nous essayerons
concrètement d’en faire un, voire deux si le temps imparti nous
le permet. Voici en résumé le déroulement d’une séance
Déclencheur: une phase de démarrage sans ou avec des
documents (un seul mot peut suffire, une phrase, un dessin,
une photo, des photos, un extrait de texte, un poème, une
phrase que vous avez entendue ou aimée, de la musique, des
bruits enregistrés, un objet apporté, etc.).
- Consignes C’est à partir de là, que vous donnerez une
consigne en lien avec le support. Il faut essayer de donner des
consignes inattendues. C’est l’effet de surprise qui donne envie
d’écrire et la variété de vos consignes qui sont importantes.
- Ecritures un temps d’écriture en solitaire: le temps doit
être limité et doit être impérativement limité.
- Lectures Un temps de lecture à voix haute des textes
produits avec écoute et intervention des autres.
- Construction collective Tout ceci peut bien sûr
déboucher sur la construction d’un recueil remis à la fin de
l’année avec les textes produits ou bien ce peut-être une lecture
de toutes les classes de FLE réunies à la fin de l’année.
Nous reviendrons sur ce déroulement pendant l’atelier car
vous avez en tant qu’enseignant un rôle à jouer et une part
psychologique importante à instaurer pour créer une ambiance
la plus agréable possible. C’est l’objectif transversal valable
pour tous vos élèves: leur donner confiance en eux et susciter
le plaisir et l’envie d’aller de plus en plus loin.
2. Avantages
Il y a des avantages à tous les niveaux
- Tout d’abord le plaisir
• Apprentissage: créer par soi-même» quel que soit
leur bagage linguistique et si minime soit-il, ce que Célestin
Freinet appelle «le tâtonnement expérimental». Ce tâtonnement, seul ou avec votre aide ou avec celui de ses copains de
classe, va leur permettre de prendre confiance en eux. Par effet
d’entraînement, cette créativité permet de développer leur
curiosité, leur observation et ainsi leur motivation. «je peux
faire» «je suis donc moi aussi capable de faire». Nous
sommes ici dans les principes essentiels préconisés autrefois
l’approche communicative et le projet pédagogique «la centration sur l’apprenant».
«NOUS SOMMES TOUS CREATEURS. NOUS SOMMES
TOUS CAPABLES»
• Une expérience Plaisir d’être et de participer à une
classe «différente» des cours parfois pris dans un ronron
quotidien.
• Un échange parce que l’élève va créer et échanger au
sein de la classe et apprendre à partager ce plaisir avec d’autres
en lisant son texte puis en écoutant à son tour le texte des
autres.
• Des Jeux Plaisir aussi de jouer avec les sons, les mots,
d’inventer des mots, des sons, des poèmes, etc.; plaisir donc
de surmonter les obstacles de la langue aussi.
Nous voyons ainsi que ce qui faisait l’obstacle «je ne peux
pas bien parler la langue étrangère» n’est plus un handicap.
Les quelques mots qu’ils savent et les quelques structures
qu’ils connaissent vont déjà pouvoir être réutilisés tout de
suite, même maladroitement. L’élève va pouvoir se les
approprier au sens littéral du terme.
En d’autres termes, l’écriture créative modifie peu à peu
l’attitude de l’apprenant par rapport à son apprentissage. Vous
jouez un rôle capital en l’encourageant et en valorisant tout ce
qu’il a fait MÊME AVEC DES ERREURS, ce qui est obligatoire
pour tout apprentissage.
Autre avantage
• La socialisation des jeunes: l’écriture créative permet
également de socialiser les jeunes. Dans un monde où les
incivilités sont fréquentes, apprendre à écouter un texte puis à
donner son opinion avec une critique constructive (jamais
négative) est un apprentissage aussi important. Combien de
personnes sont-elles capables de porter attention à la parole
de l’autre? La classe d’écriture créative est un lieu d’entraide, de renforcement des liens entre les
enfants. La notion de collectivité apparaît. On verra dans l’atelier comment créer une ambiance de
groupe. Règle du jeu: les jugements et moqueries sont totalement interdits et les évaluations
entre élèves également.
En résumé, je dirais que nous ne sommes plus dans l’enseignement mais dans l’apprentissage qui est primordial en tout domaine. «c’est parce que moi élève, je fais, que je vais pouvoir
comprendre progressivement comment font les autres, les écrivains» «c’est parce que je fais que
je vais avoir envie peu à peu de lire» et vous, les enseignants, en leur donnant des consignes
d’écriture telles que nous en avons parlé ci-dessus, vous les amènerez peu à peu à la lecture
(tous certainement pas, mais on ne sait jamais les effets produits). Ils rejoindront peut-être un
jour les fervents admirateurs de la littérature classique qu’elle soit française ou espagnole ou
autre. C’est ainsi que les langues peuvent rester vivantes. C’est l’héritage humaniste qui perdure.
Votre rôle est de première importance.
Si j’avais à résumer ces quelques lignes je dirai qu’un atelier d’écriture
- C’est une philosophie parce qu’elle met du sens dans le travail d’un élève (je vais
m’exprimer non pas sur un texte d’un ou d’une autre mais pour moi et sur moi et mon environnement et avec mes idées et mon imaginaire);
- L’élève transforme ainsi son rapport à l’écriture. Celle-ci n’est plus seulement utilitariste et
basée sur la note à avoir.
- L’élève devient sujet et construit sa pensée: on lui donne ici le temps et l’écoute du professeur et de ses camarades.
- Cette écriture est regardée de façon positive: j’ai le droit à l’erreur, j’ai le droit de me tromper
dans la consigne et j’ai le droit de ne pas faire comme la consigne me l’a demandé. La consigne
est un support que l’on peut dépasser, oublier, suivre à la lettre. Elle n’est là qu’en tant que
support.
- C’est une conception de l’apprentissage
Elle permet un tissage des idées et un métissage car l’élève va se confronter à toutes les autres
façons de penser. C’est un voyage et un passage en quelque sorte.
C’est aussi la découverte avec les supports choisis d’autres personnes disparues ou non et la
découverte de soi-même. C’est le voyage aussi vers l’inconnu et la découverte de la complexité
du monde.
C’est aussi la découverte des risques que l’on court. Risque de se donner à voir aux autres et
risque de se trouver confronté à des idées qui bousculent, qui dérangent.
Si les ateliers accrochent les élèves, vous verrez que peu à peu, ils vont se piquer au jeu et
vous poser des questions, chercher de nouveaux mots sur Internet et dans leur dictionnaire,
demander et poser des questions. C’est un éveil à la curiosité.
C’est parce que ces étapes de créativité seront mises en place que les élèves vont pouvoir
s’approcher des textes des «autres», des écrivains et parce que vous allez utiliser parfois des
extraits de textes qu’ils vont pouvoir aller vers des extraits, puis des chapitres, puis des livres. Et
si ils s’approchent de textes ainsi, c’est toute les langues qui seront approchées et appréhendées
y compris leur langue maternelle. Or, ce renforcement en langue maternelle est aussi un plus
pour l’apprentissage d’une langue étrangère.
Je terminerai en soulignant que
• L’atelier d’écriture est à mon sens, une des étapes essentielles qui permet l’accession
non abrupte et non impérative (et pas de norme opposé à la créativité à développer) à la lecture et à l’écriture. Il peut aussi aider l’enseignant lui-même à retrouver le plaisir de
la langue.
• L’atelier d’écritures relie aussi à toutes les autres compétences linguistiques (CO/EO/)
• L’atelier d’écritures oppose un temps plus long à l’immédiateté et la vitesse de notre société
• Il permet grâce à ce temps donné d’accepter la complexité, l’ambiguïté, le choix, le foisonnement par rapport à la simplification, voire le simplisme.
• Il oppose les mots aux formules mathématiques et aux logarithmes qui nous
gouvernent
45
Je ne peux résister avant de terminer de vous citer un auteur de livres pour enfants que j’aime
tout particulièrement, Gianni Rodari. Il écrivait dans une préface pour présenter un recueil de
textes d’enfants publié à Florence en 1972.
«J’appelle situation créative une situation où l’enfant n’est pas considéré comme un consommateur (de savoir, de valeurs préfabriquées, de traditions, de livres, d’invention d’autrui) mais
comme un véritable producteur…. Dans une situation créative, l’enfant est mis en mesure de
construire sa propre liberté. C’est un travail délicat, patient, long. Il ne suffit pas de dire à l’enfant
«tu es libre» pour que sa vie change, de même qu’il ne suffit pas de lui dire «dessine ce que tu
veux» pour qu’il fasse un dessin libre. […..] On parle souvent de l’imagination comme d’une
qualité superflue, ou d’une activité dangereuse, ou d’une faculté réservée à un groupe privilégié
de personnes. En fait, l’imagination est un instrument dont
l’esprit ne peut jamais se passer [….]. Elle sert pour jouer,
pour travailler, pour vivre. Il faut de l’imagination pour critiquer
la réalité et pour se proposer de la modifier».
- «Ecritures créatives» S. Bara, a-M. Bonvallet, C. Rodier,
PUG, juin 2011.
- «Si tu t'imagines...» Atelier de littérature, lecture, écriture.
JACKSON G. et autres, Paris, Hatier/Didier(1994)
De la tradition de La Fontaine à la «twittefabulation»:
un blog et des idées pour travailler les fables avec des adultes apprenants du FLE
SOTO COCCO, Cristina - Professeur à l’Alliance Française de São Paulo
[email protected]
Introduction
Dans l’enseignement d’une langue-culture, la littérature mérite une place importante et sert
comme porte d’entrée au développement de la compétence interculturelle. La tradition populaire
a conservé un des plus riches héritages de l’humanité: la fable. Sa popularité aux quatre coins du
monde permet son exploitation en cours de français langue étrangère (FLE) dès un niveau
élémentaire avec des activités qui privilégient la musicalité de la langue, tandis que sa critique
sociale favorise de riches débats aux niveaux plus avancés.
1. La tradition et la modernité des fables
Au début, ces narratives populaires étaient transmises oralement de génération en génération
et s’adaptaient aux cultures locales qui les recevaient et les transformaient selon les besoins
culturels et historiques de chaque civilisation.
Avec l’invention de l’écriture, les fabulistes ont pu enregistrer la sagesse populaire de forme à
garder l’héritage culturel transmis à partir de l’oralité. Au XVe siècle, un public plus important a
commencé à avoir accès aux oeuvres littéraires grâce à l’invention de l’imprimerie.
Actuellement, le partage d’informations via Internet gagne des proportions gigantesques et
apporte de nouvelles possibilités d’interaction avec le texte.
1.1 La richesse de La Fontaine
La Fontaine reprend les fables d’Ésope et de Phèdre en les renouvelant au XVIIe siècle. Il y
ajoute une touche d’humour qui donne de la beauté et de la légèreté au texte. Le thème est
seulement le prétexte pour travailler la langue et le style. Il valorise la perfection formelle et la
manière de raconter au détriment de la vérité ou de la vraisemblance.
Ses textes privilégient la musicalité, les rimes et le rythme, c’est-à-dire, les éléments qui
rendent de la beauté au contenu. La morale apparaît sous différentes formes, non seulement à la
fin de la fable de manière très explicite, mais aussi subtilement. Le lecteur est invité à participer
activement à la lecture, et, plusieurs fois, à dialoguer avec le fabuliste ou les personnages de la
fable.
des apprenants pour les réseaux sociaux, il est intéressant de
tester et adapter les nouvelles formes créatives qui surgissent,
telles que la "twittérature"1, basée sur la contrainte du
microblog Twitter de transmettre des messages en utilisant 140
caractères maximum.
2. «La Fontaine des Fables»
Ayant pour but de faciliter le contact des apprenants du FLE
avec la richesse culturelle des oeuvres littéraires, le blog
http://fontainedefables.canalblog.com2 a été conçu comme un
espace où les apprenants peuvent entrer en contact avec les
fables de La Fontaine et, à partir de quelques activités interactives, faire des échanges avec d’autres francophiles dans une
ambiance où ceux qui aiment la langue française se sentent à
l’aise pour s’exprimer en français.
Le blog «La Fontaine des Fables» est un espace ouvert
destiné à tous ceux qui s’intéressent aux fables et à la langue
française. Il permet aux apprenants de rester en contact avec la
langue cible hors classe et sans caractère obligatoire.
L’interaction n’est pas restreinte à un groupe mais l’accès au
contenu et aux commentaires est liberé à tous ceux qui veulent
participer aux activités.
Les commentaires sont lus par le modérateur qui ne fait pas
de corrections linguistiques mais qui motive la participation
des apprenants qui commencent à découvrir le français bien
comme la contribution de ceux qui maîtrisent déjà la langue ou
qui sont des francophones.
1.2 La littérature en classe de FLE
Nombreux sont les bénéfices de travailler la littérature auprès des apprenants, cependant, une
question capitale se pose: comment exploiter les textes littéraires avec les apprenants du FLE ?
Jean-Marc Luscher (2009) observe que le but de l’enseignement de la littérature selon la
perspective actionnelle doit être l’enrichissement personnel, l’ouverture à d’autres cultures, la
découverte du monde de l’auteur.
Outre les vertus de travailler les fables en salle de classe, et en considérant le vif intérêt
46
1 Pour plus d’informations sur le parcours de ce nouveau genre
littéraire, consultez le website de l’Institut la Twittérature Comparée:
http://www.twittexte.com
2 Ce blog a été mis en ligne en décembre 2013 et se développe grâce
aux réactions des participants et au fur et à mesure des découvertes
personnelles concernant les nouvelles technologies et la création
d’activités dans l’espace virtuel.
2.1 Des idées autour d’un blog, espace de partage
et interaction hors classe
Le blog «La Fontaine des Fables» propose la pratique de la
«#twittefabulation» (twitter + fables + création), c’est-à-dire,
les internautes participent au blog en exprimant leurs
émotions, en faisant une relecture voire en reformulant la
morale des fables qui sont exposées en ayant comme
contrainte le nombre de signes connu par les utilisateurs du
Twitter. Ainsi, l’accueil du blog annonce la consigne:
«Exprimez-vous en utilisant 140 caractères maximum.
Twittefabulez !»
L’idée initiale est de proposer toujours une fable dans la
page d’accueil accompagnée par son enregistrement audio - à
partir de l’intégration des vidéos disponibles sur Youtube ou
Dailymotion. Des jeux interactifs accompagnent aussi chaque
fable.
Références
BIARD, Jean Dominique. Le style des Fables de La Fontaine. Paris, Éditions A.-G. Nizet, 1969
JEUNE, Simon. Taine interprète de La Fontaine: Poésie et système. Paris, Armand Colin,
1968.
KOHN, Renée. Le Goût de La Fontaine. Grenoble, Imprimerie Allier, 1962.
LA FONTAINE, Jean de. Fables, Paris, Borbas, 1985.
LUSCHER, Jean-Marc. L’enseignement de la littérature selon la perspective actionnelle. Que
pourrait être une «tâche littéraire» ? Site Internet de l’AUF, 2009. Consulté le 15 juillet 2013.
Disponible sur http://www.bulletin.auf.org/index.php?id=835
PUREN, Christian. Explication de textes et perspective actionnelle: la littérature entre le dire
scolaire et le faire social. Site Internet de l’APLV, 2006. Consulté le 3 août 2013. Disponible sur
http://www.aplv-languesmodernes.org/spip.php?article389
De plus, le blog est organisé par des rubriques qui facilitent
la visualisation du contenu et des activités suggérées à partir
de différents thèmes liés au monde des fables et de La
Fontaine.
3. Passer de l’utilisation à la création d’activités
pédagogiques en ligne
Nombreux sont les sites Internet qui proposent des activités
ludiques interactives aux apprenants de FLE. Très utilisées par
les professeurs comme un complément du cours, ces activités
sont de plus en plus variées. Pourtant, comment pourrait-on
les créer ?
Sans logiciel à télécharger ou à installer, en quelques
minutes il est possible de concevoir différents types d’activités
de sélection, d’association, de séquence, d’écriture, des grilles
de mots, des jeux du pendu, entre autres, pour l’exploitation en
salle de classe en version imprimable ou en version en ligne,
pour la publication sur un blog ou sur Facebook.
Voici trois sites incontournables qui offrent des possibilités
intéressantes et gratuites aux professionnels de l’éducation qui
ne maîtrisent pas la programmation mais qui veulent créer des
activités interactives et passer de l’utilisation passive des jeux
pédagogiques à la webcréation:
1. Educaplay: http://fr.educaplay.com/
2. LearningApps: http://learningapps.org
3. Quizz.biz: http://www.quizz.biz/
Conclusion
En alliant l’enseignement du FLE aux technologies numériques qui sont naturellement présentes dans le quotidien des
apprenants on facilite la multiplicité de découvertes et de
l’autonomie dans l’apprentissage.
«La Fontaine des Fables» s’adresse donc à tous les francophiles et propose des activités simples mais qui mènent à la
(re)lecture des fables et à la découverte de la richesse de
l’oeuvre de La Fontaine. Le numérique est envisagé comme un
support pour la diffusion de la langue et de la littérature.
47
Du nouveau sur les méthodologies de l’enseignement des langues ces dernières années?
MARTÍNEZ ALVAREZ, Felino - Alliance Française de la Havana
«Les quelques réflexions exposées ici ont la finalité de mettre en évidence, de manière
opérationnelle, des démarches méthodologiques pour organiser les cours de langue française
selon les perspectives actuelles car, si l’on accepte de concevoir la maîtrise des langues comme
un ensemble structuré de compétences diverses, acquises à des niveaux différents, alors on peut
estimer qu’il existe potentiellement au moins autant de méthodologies d’enseignement distinctes
qu’il existe de compétences identifiées».
Ce recueil reprend les idées principales de M. JC Beacco, exposées dans son ouvrage
«L’approche par compétences dans l’enseignement des langues», ainsi que celles de plusieurs
auteurs dont M. C. Puren, recueillies dans divers articles parus dans le numéro 45 de «Recherches et application», revue spécialisée de «Français dans le monde». Il nous a semblé pertinent de
partager avec le public enseignant ces idées choisies, de façon résumée, afin de faire en quelque
sorte le point de l’enseignement du français dans notre institution et ailleurs ces derniers temps.
La situation nouvelle créée par l’adoption du CECRL se caractérise par le fait que les approches
de l’enseignement des langues par compétences, qui a toujours constitué une composante forte
de l’approche communicative, reviennent sur le devant de la scène didactique, d’autant que les
dispositifs d’évaluation ont adopté cette perspective (certifications en langues proposées).
Le Cadre préconise: «les méthodes à mettre en oeuvre pour l’apprentissage, l’enseignement et
la recherche sont celles que l’on considère comme les plus efficaces pour atteindre les objectifs
convenus en fonction des besoins des apprenants, dans leur contexte social.»
Les méthodologies d’enseignement des langues
Les méthodologies d’enseignement sont à considérer comme des ensembles solidaires de
principes et d’activités d’enseignement, organisées en stratégies, fondées en théorie (c’est-à-dire
qui s’appuient sur des concepts ou des connaissances élaborés au sein d’autres disciplines
impliquées dans l’enseignement des langues) et/ou par la pratique (par son efficacité constatée,
par exemple) et dont la finalité est d’accompagner les apprentissages.
Les éléments constitutifs de chaque méthodologie ne lui sont pas nécessairement propres: on
peut, par exemple, utiliser des exercices structuraux ailleurs que dans la méthodologie
structuro-globale audio-visuelle, et la priorité à l’oral est partagée aussi bien par cette dernière
méthodologie que par les approches communicatives. C’est l’inclusion de chaque élément dans
un dispositif d’ensemble qui lui donne sa fonction et spécifie la stratégie élaborée pour accompagner les processus d’apprentissage. Certains de ces éléments peuvent entrer dans la composition d’autres méthodologies ou être utilisés isolément (comme la classe de conversation ou les
jeux de rôles).
Les choix méthodologiques
Si les méthodologies sont des ensembles solidaires de principes et d’activités d’enseignement,
la configuration de chacune d’elles dépend de choix à effectuer à propos des éléments qui les
constituent. Mais les objets sur lesquels portent ces choix sont toujours de même nature, car ils
constituent l’infrastructure de tout enseignement de langue.
Ces choix méthodologiques incontournables, quelle que soit la solution adoptée concernent:
• les échantillons de langue, qui doivent servir de support aux activités d’enseignement. Toute
méthodologie d’enseignement de langues a pour fonction première de ménager un contact
physique avec la langue cible, sous forme d’échantillons de langue (orale ou écrite), puisque ce
contact est la condition sine qua non des apprentissages; ce contact doit être créé ou recréé en
classe;
• les démarches destinées à assurer la compréhension des échantillons. Ils doivent être
interprétables. S’ils ne font pas sens, ils se réduisent à une suite de sons inintelligibles et ne
permettent pas l’acquisition. Les techniques d’accès au sens ont pour fonction de rendre ce
contact utilisable;
• des formes de la systématisation à mettre en place à partir des supports. Par systématisation
on entend les informations (ou descriptions) de la langue et les activités spécifiquement
conçues pour permettre d’organiser, de manière plus ou moins réflexive, l’acquisition des
régularités de la langue cible, quelles qu’elles soient (morphologiques, syntaxiques, discur48
sives, culturelles...). L’enseignement à proprement parler réside
dans cet apport d’informations et dans la création d’activités
d’appropriation systématiques. C’est dans ce secteur des
méthodologies que les choix les plus complexes sont à
effectuer (quelles informations, de quelle origine, sous quelle
forme ?);
• des formes de réinvestissement. Après la phase antérieure
on est conduit à mettre en place des activités visant à permettre
le réinvestissement des éléments acquis (ou en voie d’acquisition), dans des contextes moins contraints, destinés à
constituer un espace d’expérimentation et d’appropriation
personnelles pour l’apprenant, qui teste le matériel linguistique
découvert, et qui en recherche une maîtrise majeure par une
pratique individuelle;
• des formes de l’évaluation des acquis et des connaissances. Au terme de ces apprentissages, se pose en effet la question
sociale de l’auto-évaluation et de l’évaluation des acquis ou des
connaissances/compétences. On signale qu’à des fins d’évaluation externe, calibrée et ayant un statut d’officialité (dans le cas
de certifications institutionnelles), plus les objectifs proposés
sont définis finement, plus l’évaluation est, potentiellement,
fiable.
Les choix précédents concernent plutôt la séquence d’enseignement. Il en est d’autres à effectuer relativement à l’organisation d’ensemble d’un enseignement, en particulier à propos:
• de la structuration des activités dans une séquence. Une
séquence d’enseignement est abstraite, en ce qu’elle ne se
réalise pas nécessairement suivant la logique méthodologique
décrite jusqu’ici: elle reçoit des formes concrètes (unité, leçon,
dossier, module...) résultant aussi de considérations
pédagogiques et éditoriales et qui supposent des choix
explicites;
• de la distribution linéaire, dans la durée des apprentissages, de ces contenus d’enseignement (selon quel ordre ?);
• de la répartition quantitative des éléments proposés à
l’apprentissage, qui devrait permettre de contrôler l’exposition,
de manière à éviter que l’immeersion ne devienne submersion
de l’apprenant;
• des formes de cohérence méthodologique, puisque les
méthodologies sont des stratégies organisées. Il s’agit de
construire la cohérence interne des actes pédagogiques
constituant une séquence, la cohérence entre les séquences, la
cohérence entre les supports d’enseignement et les activités de
systématisation, la cohérence entre la systématisation communicative et la systématisation formelle...
Si l’enseignement a pour fonction de permettre à l’apprenant
de mieux organiser et de rentabiliser ses apprentissages, alors
une démarche d’enseignement doit être lisible pour l’apprenant.
Cette lisibilité méthodologique lui permet de savoir quelle est la
finalité de chaque activité, comment elle se relie aux autres et
comment on vise à atteindre les objectifs fixés.
Dans l’idéal, une méthodologie d’enseignement donnée est
constituée par l’ensemble des choix convergents effectués à
propos des points décrits précédemment, pour lesquels il
existe des possibilités différentes, mais en nombre variable
(considérable pour la systématisation, par exemple, moindre
pour les réinvestissement. Dans les faits, les méthodologies
historiquement attestées ne présentent pas le même degré de
structuration: certaines peuvent être plus explicites en ce qui
concerne la nature des échantillons (documents authentiques,
par exemple) ou les exercices de systématisation (exercices
structuraux, par exemple) mais ne donnent que peu d’indications sur la cohérence ou la répartitions linéaire des contenus
d’enseignement. Ce qui est vérifiable pour les méthodologies,
l’est à plus forte raison pour les manuels d’enseignement qui en
dérivent. Cet état de fait invite à relativiser le rôle des méthodologies, par rapport à celui de la pédagogie, celui des savoirs de
nature savante par rapport à ceux de nature expérientielle qui
sont conjointement constitutifs de la didactique des langues, de
manière intrinsèque.
Le contact avec une langue étrangère ne devient productif
d’acquisition que si ces échantillons de langue sont interprétables dans leur fonction sociale, globalement ou littéralement.
Par exemple, concernant la compréhension, plusieurs
démarches sont disponibles. Certaines de ces démarches
peuvent être utilisées concurremment mais, le plus souvent, les
choix effectués par les différentes méthodologies constituées
en privilégient une seule.
Les démarches disponibles pour permettre l’accès au sens
des échantillons de langue sont:
• la traduction vers la langue des apprenants, effectuée par
l’enseignant ou sollicitée auprès des apprenants eux-mêmes.
C’est sans doute le plus rapide des moyens, ce qui ne signifie
pas qu’il est le plus efficace. La traduction peut demeurer une
ressource habituelle du professeur de langue, malgré un tabou
rémanent , sans doute hérité des méthodologies audiovisuelles
qui évitaient le recours à la langue maternelle;
• le recours à la définition ou à la paraphrase explicative,
l’énoncé paraphrastique ayant alors la même valeur de communication ou la même valeur informative que l’énoncé de départ;
• le recours à l’image. Les images (photographies, dessins
au trait, fac simile des documents écrits...) peuvent représenter
la situation de communication dans sa matérialité ou uniquement certains de ses éléments. L’image est utilisable pour
accompagner la compréhension des interactions orales, sous
forme d’illustration globale de la situation.
• le recours aux processus d’inférence et de déduction à
partir de connaissances acquises. Celles-ci peuvent être de
nature encyclopédique (connaissance du monde, comme dans
le cas de compréhension d’informations médiatiques internationales), de nature discursive (par exemple, connaissance de
la structure et du contenu des conversations ordinaires
standard, si elles sont comparables d’une langue à l’autre) ou
de nature linguistique (connaissance des mots et de leurs
combinatoires au niveau de la phrase et du groupe de mots).
L’approche globaliste dans l’enseignement du
français
L’approche globaliste n’est pas prise en compte dans les
inventaires historiques des méthodologies, probablement
parce qu’on ne lui reconnaît pas le statut de méthodologie et
qu’elle n’a pas été théorisée, c'est-à-dire exposée de manière
argumentée dans les discours de la didactique des langues.
L’identification de l’approche globaliste ordinaire est
occultée par les conceptions courantes mêmes de l’analyse des
méthodologies, ce qui en explique l’absence dans la description et l’histoire des méthodologies
d’enseignement des langues.
Une lecture très répandue des rapports entre les méthodologies consiste à les opposer
comme autant d’entités constituées «pleines» et identifiées par une dénomination, qui circule
comme signe du caractère unique de chacune d’elles. Les méthodologies, une fois repérées par
une dénomination qui leur tient largement lieu d’identité (méthodologies «grammaticale»,
«structuraliste», «approche communicative»....), sont alors aisément cristallisées en un corps
de doctrine, opposées les unes aux autres et finissent par être considérées comme des orthodoxies, source exclusive de toute vérité méthodologique. Elles se succèdent harmonieusement dans
le temps, la dernière chassant la précédente, dans une sorte d’histoire notionnelle abstraite.
Cette «histoire naturelle» des méthodologies d’enseignement est comme complétée par une
perspective idéologique qui consiste à opposer la didactique des didacticiens à celle des enseignants. Celle-ci présenterait la vertu d’être authentique et de procéder de choix conscients qui
permettraient d’adapter l’organisation des enseignements à la pluralité des situations éducatives.
Les méthodologies constituées, toutes universalistes, viendraient brouiller cette méthodologie de
la «base» parfois dénommée «éclectisme». Le triomphe final actuel de l’éclectisme signifierait
une sorte de libération de la pratique des carcans méthodologiques, laquelle entraînerait, après
la mort du manuel (prédite en son temps par Debyser), celles des méthodologies d’enseignement.
L’éclectisme comme principe méthodologique est proposé comme la solution à l’inadaptation
des stratégies méthodologiques aux contextes de leur utilisation. Il consisterait en un choix
individuel éclairé, effectué dans les méthodologies existantes, et produit d’un calcul pédagogique
permettant à chacun d’en tirer le meilleur parti. C’est que les enseignants se construisent des
options méthodologiques préférentielles et stabilisées, qui sont reliées à leur conception du
monde, de l’éducation, de l’effort, de l’équité pédagogique...qui commandent ces choix.
Si l’on en juge par le matériel produit, on constate que c’est une certaine homogénéité
méthodologique qui domine, au-delà de la diversité des mises en scènes éditoriales (titre, mise
en page, illustrations, formes de séquences...) de chaque manuel et des rattachements explicites
à telle ou telle méthodologie. Plus de soixante manuels et matériels d’enseignement pour le
français langue étrangère (y compris les matériels «précoces») ont été publiés en France de 1981
à 2001, ce qui laisse à penser que leurs différences sont largement cosmétiques, puisque dans
cette période, aucune méthodologie nouvelle ne s’est constituée.
Une méthodologie communicative?
Dans la littérature sur l’approche communicative, la mise en oeuvre concrète de cette conception de l’enseignement/apprentissage des langues n’est pas développée avec la même précision
que dans les méthodologies constituées antérieures, en termes de choix techniques relatifs aux
supports, aux formes de la systématisation...
Les principes directeurs de l’approche communicative fournissent des indications opérationnelles pour:
• les supports dont l’authenticité discursive est considérée comme fondamentale;
• les activités de systématisation, dont on comprend qu’elles doivent être réalistes et vraisemblables. Elles sont conçues pour permettre aux apprenants de développer leur compétence
générale de communication, dans des conditions contrôlées mais comparables aux conditions
réelles;
• les activités de systématisation dont on souligne qu’elles sont d’une autre nature que des
exercices formels à réponse fermée et dans lesquelles l’initiative communicationnelle de
l’apprenant doit être sollicitée.
Ces orientations ont donné lieu au développement de certaines techniques permettant aux
apprenants de construire des activités interactives de communication. Certaines peuvent être
relativement fermées; d’autres sont plus ouvertes comme les jeux de rôles. Pour d’autres activités
encore, leur définition et leur gestion elles-mêmes sont de la responsabilité des apprenants: font
partie de cette catégorie les simulations globales et, plus largement, les approches par tâches ou
par résolution de problème.
49
L’approche communicative s’est diffusée à travers les instruments élaborés au Conseil de
l’Europe, en particulier Un Niveau-seuil (1976) qui fait suite à Threshold Level (1975).
Un Niveau-seuil n’a pas de visée méthodologique, dans la mesure où il constitue un
référentiel de programmes, à savoir un ensemble de ressources à partir desquelles il est possible
de construire des programmes d’enseignement, différents mais comparables. En cela, il est
destiné à contribuer à créer une culture éducative des langues partagée. Mais la matière verbale
identifiée comme correspondant à ce niveau de compétence est présentée sous forme
d’inventaires qui favorisent les catégories descriptives issues de l’approche communicative, à
savoir celle de notion générale et celle de fonction (fonction discursive ou acte de langue),
essentielle dans la conception du langage fondant l’approche communicative. De la sorte, ce sont
les traits fondamentaux de l’approche communicative qui sont mis en circulation. La catégorie
fonction va devenir rapidement l’identificateur de l’approche communicative dans le domaine du
FLE où elle sera massivement utilisée dans les matériels d’enseignement.
L’approche communicative de l’enseignement des langues se trouve pourtant correspondre,
en large partie, à une nouvelle forme de demande sociale en langues. La compétence en langue
étrangère étant passée, en certains lieux et pour certains groupes sociaux, du côté du capital
professionnel; les utilisateurs attendent d’un enseignement qu’il leur permette d’acquérir un
savoir-faire immédiatement ou rapidement réinvestissable. Ce phénomène se vérifie clairement
pour les langues internationales, particulièrement pour l’anglo-américain dont on attend profit
professionnel et réussite sociale.
L’approche communicative raccourcit la distance vécue entre apprendre et
utiliser. Ce réalisme est essentiellement traduit par:
• l’emploi de supports authentiques ou présentant de la vraisemblance et de la pertinence
sociale;
• une organisation de la programmation linguistique au moyen de groupages de formes
directement utilisables dans les échanges effectifs (notions générales, fonctions...) et non plus de
catégories essentiellement formelles, enseignées séparément;
• l’emploi de catégories compréhensibles par les apprenants parce que relevant de leur expérience communicative (se plaindre, remercier, s’excuser...) et non plus d’un métalangage grammatical (adjectif, complément d’object direct, anaphore...).
• l’instauration d’une relation courte entre les formes de l’enseignement et celles de l’utilisation
de la langue cible. Elle donne le sentiment aux apprenants qu’ils peuvent réinvestir, sans trop de
délais, ce qui est enseigné dans les activités de communication réelle.
Mais la diffusion de l’approche communicative a buté sur des résistances qui en ont parfois
dénaturé les orientations. Certaines sont de nature technique/professionnelle. Par exemple, la
grammaire de la communication, en particulier sous la forme d’analyse du discours, n’est pas
aussi rassurante que la grammaire formelle, avec ses règles et ses exceptions attendues, portées
par la tradition descriptive des langues. Ces facteurs agissent dans le sens d’un repli vers des
interprétations formelles de la communication.
Les perspectives ouvertes par l’approche communicative n’ont donc pas totalement pris en
terrain globaliste. Les années passant et cette aproche étant banalisée par les formations d’enseignants ou les manuel d’enseignement du français, on a le sentiment que l’approche globaliste a
absorbé l’approche communicative. Cette diversité évidente ne serait pas gênante, au contraire,
si elle était le résultat de choix fondés. Mais elle semble plutôt être le produit d’une sorte de
laisser-faire méthodologique généralisé, expression extrême de la méthodologie globaliste.
Le Cadre de référence européen
Le développement des échanges commerciaux, scientifiques et universitaires, l’augmentation
des flux migratoires temporaires ou définitifs, l’impact des nouvelles technologies de la communication et les intentions politiques de créer des espaces géopolitiques ouverts créent chez les
usagers de nouveaux besoins langagiers que la didactique des langues doit prendre en compte.
L’initiative du CECR est née en 1991, au symposium de Rüschlikon (Suisse) dont la troisième
des conclusions proposait: «il est souhaitable d’élaborer un Cadre européen commun de
référence pour l’apprentissage des langues à tous les niveaux, dans le but (a) de promouvoir
et faciliter la coopération entre les établissements d’enseignement de différents pays, (b)
d’asseoir sur une bonne base la reconnaissance réciproque des qualifications en langues,
50
(c) d’aider les apprenants, les enseignants, les concepteurs de
cours, les organismes de certifications et les administrateurs
de l’enseignement à situer et à coordonner leurs efforts».
Le CECR décrit, d’une part «ce que les apprenants d’une
langue doivent apprendre pour communiquer» et il «énumère
les connaissances et les habiletés nécessaires à un comportement langagier efficace» (dimension horizontale). D’autre part,
il «définit les niveaux de compétence permettant de mesurer le
progrès de l’apprenant à chaque étape de l’apprentissage et à
tout moment de la vie» (dimension verticale). Et s’il «se veut
aussi exhaustif que possible, ouvert, dynamique et non
dogmatique, il ne peut prendre position dans les débats sur la
nature de l’acquisition des langues et sa relation à l’apprentissage, pas plus qu’il ne saurait préconiser une approche
particulière de l’enseignement».
Les tâches et la perspective actionnelle
Le CECR établit une continuité avec la méthodologie
communicative et fonctionnelle dans la mesure où la dimension authentique des discours est mise en avant, mais
également l’idée de tâches à accomplir dans l’utilisation ou
dans l’apprentissage de la langue. Le couple texte/tâche est un
des éléments clés de la perspective actionnelle développée
dans le CECR.
Le CECR préconise de suivre une perspective actionnelle
puisque l’apprenant-utilisateur est considéré comme un acteur
social qui évolue et agit dans un contexte social en accomplissant des tâches. C’est le contexte social, l’environnement qui,
en établissant des contraintes, donne du sens aux tâches, aux
actions de l’apprenant. Les activités langagières n’ont donc de
sens que dans un contexte social.
Le concept de tâche, tel qu’il est défini dans le CECR, met
en avant l’idée d’un résultat identifiable auquel l’utilisateur/apprenant d’une langue étrangère va parvenir à travers des
activités langagières qui mobilisent sa compétence communicative mais en utilisant également ses compétences
générales et ses stratégies dans un domaine donné et dans une
situation donnée. Ces éléments permettent un renouvellement
des activités d’apprentissage en classe ou dans un cadre
individuel: projet, échanges, réalisation collective ou individuelle. Cette façon de concevoir les activités d’apprentissage
remet l’apprenant au centre du dispositif d’enseigement/apprentissage d’une langue étrangère pour plusieurs raisons:
l’ensemble des compétences de l’individu est mobilisé et pris
en compte, la compétence à communiquer langagièrement est
vue comme un tout qui englobe langue maternelle et langues
étrangères. Certains principes méthodologiques s’imposent
donc naturellement: ne pas rejeter la langue maternelle, utiliser
les capacités de l’apprenant dans le transfert d’une langue à
l’autre, le placer dans des situations didactiques qui requièrent
une attitude active mais également le recours à des
compétences et des stratégies diversifiées.
Le CECR, en choisissant de mettre au centre de l’usage et de
l’apprentissage des langues étrangères la perspective actionnelle donne à la notion de tâche une importance particulière,
car la réalisation de tâches est finalement l’aboutissement de
toute activité langagière.
Le terme «tâche» en didactique des langues a été et est
utilisé avec différentes acceptions: on a associé dans un
courant méthodologique tâche et résolution de problème, dans
le terme tâche-problème, ce qui est sans doute la définition la
plus restreinte. À l’inverse, la définition la plus large qui
englobe toutes les activités d’apprentissage de la langue, est
celle de M. Breen:
«Le terme tâche est en somme supposé référer à un éventail
de projets de travail qui ont globalement comme objectif de
faciliter l’apprentissage d’une langue, depuis le simple et bref
exercice jusqu’à des activités plus complexes et plus longues
telles que la résolution de problèmes en groupe ou les simulations et les prises de décision».
Les tâches dans la classe
Il va de soi pour tous que le fait de travailler sur des tâches
dans la classe facilite l’apprentissage puisque l’apprenant est
placé dans des situations proches du réel et parce que, comme
dans le communicatif, la réalisation de tâches en classe va
permettre de les réaliser ensuite dans la vie quotidienne. Cela
suppose que l’apprenant entre dans cette démarche didactique
qui peut être problématique lorsqu’il n’a aucun contact à
l’extérieur avec la langue qu’il apprend; par ailleurs, la simulation de la réalité n’est pas seule garante de l’apprentissage, il
est concevable d’utiliser des tâches faisant appel par exemple à
l’imaginaire et à la créativité. En outre, les tâches proposées
dans la classe ne sont pas tout à fait identiques à celles de la
vie car elles n’ont pas d’enjeu réel, la plupart du temps elles
sont simulées, mais leur réalisation peut donner lieu à des
interactions et des échanges comparables aux échanges réels.
Par ailleurs, l’objectif de la tâche est double: c’est non
seulement la tâche elle-même qui est visée mais également la
correction de la langue utilisée pour la réaliser.
La situation de double focalisation, inhérente à la classe de
langue, conduit parfois à une dérive qui consiste à porter toute
l’attention sur la langue, en oubliant le résultat, c’est donc un
équilibre entre les deux pôles qui est nécessaire et une
attention différenciée portée au résultat ou à la correction de la
langue, objectif central dans les exercices.
Les types de tâche
Il est important de distinguer ce qui relève des tâches et ce
qui relève des exercices; nous employons ce terme pour
simplifier mais on pourrait dire également activités linguistiques; dans la définition qui suit, elles sont appelées «tâches
de pré-communication pédagogique»; elles ont toujours
comme objectifs la manipulation des formes. Le CECR
distingue par ailleurs les tâches de simulation de la réalité et
les tâches qui se fondent sur la communication dans la classe
comme espace social.
«Le CECR distingue trois catégories de tâches auxquelles
participe l’apprenant:
1. les tâches «cibles», «de répétition» ou «proches de la
vie réelle» choisies en fonction des besoins de
l’apprenant hors de la classe ou du contexte de
l’apprentissage;
2. les tâches de communication pédagogique fondées sur la
nature sociale, interactive et immédiate de la situation de
classe; les apprenants s’y engagent dans un «faire-sem-
blant accepté volontairement» pour jouer le jeu de l’utilisation de la langue cible; ces
tâches ont des résultats identifiables;
3. les tâches de pré-communication pédagogique constituées d’exercices spécifiquement
axés sur la manipulation décontextualisée des formes.»
Il est cependant évident que toute une série de tâches proposées en classe relève de la simulation du réel, nous sommes bien alors dans le «faire semblant accepté» comme règle pour
apprendre la langue étrangère. Mais certaines tâches peuvent avoir un rapport étroit avec la
réalité: comprendre un document sonore ou télévisé, avoir une conversation avec un autre
apprenant sur une expérience personnelle...
La perspective actionnelle implique davantage l’apprenant dans son parcours d’apprentissage
mais le contraint à en modifier ses représentations. La principale cause de «résistance» face à la
perspective préconisée est fortement liée aux représentations qu’ont certains apprenants et
enseignants de l’apprentissage d’une langue. Les cultures d’apprentissage de nos apprenants
sont très diverses puisque notre public est composé d’adultes entre 25 et 60 ans et qui ont pour
la plupart déjà nappris une langue étrangère. Cependant aucun d’entre eux n’a vécu l’expérience
de cette approche.
Dans l’ensemble, la perspective actionnelle nous a apporté une dimension plus guidée par
rapport aux approches communicatives et nous a ainsi permis de mieux appréhender et cadrer
les besoins et les des apprenants. Il est pourtant légitime de se poser la question de savoir si
l’apprenant sera à même de mobiliser ses compétences et les stratégies afférentes.
Cette approche peut s’articuler dans la continuité des approches communicatives. En effet,
alors qu’auparavant on utilisait les approches communicatives dans le but de communiquer,
désormais on les utilise pour agir en réalisant des tâches ancrées dans un contexte social
vraisemblable.
«On connaît le mot de Georges Braque: «Il faut toujours deux idées. L’une pour tuer l’autre.»
Je pense qu’il faut aller plus loin encore en DLC (Didactique des langues-cultures), pour y
conserver disponibles non seulement la perspective de l’agir communicationnel (l’approche
communicative) et celle de l’agir social (la perspective actionnelle du CECR), mais toutes les
perspectives actionnelles antérieures. Cela me paraît nécessaire tout autant pour maintenir en
permanence la possibilité d’une vision complexe -c’est-à-dire dynamique, enchaînant constamment différentes perspectives - que pour éviter à la dernière le destin qu’ont subi toutes les
précédentes, celui d’opérer un «arrêt d’image automatique» imposant une vision unique et
réductrice, ce que l’on appelle maintenant une «pensée unique».
Je suis intimement persuadé que ce n’est qu’en maintenant ouvertes toutes les perspectives
actionnelles possibles que pourra être construite cette «didactique complexe des langues-cultures» indispensable pour qu’enseignants de toutes cultures et traditions didactiques puissent
être eux aussi, comme leurs apprenants, des co-acteurs à part entière de cette nouvelle «perspective de l’agir social».
Christian Puren
Bibliographie
- Beacco, J-C. (2007), L’approche par compétences dans l’enseignement des langues. Paris,
Didier.
- Bérard, E. (1991), L’Approche communicative. Paris, Clé international.
- Bérard, E. (2009), Les tâches dans l’enseignement du FLE: rapport à la réalité et dimension
didactique. Recherches et applications. No. 45. LFDM Paris. Durietz, S. & Jérôme, N. (2009)
Perspective actionnelle et approche basée sur scénario. Recherches et applications. No. 45.
LFDM Paris.
- Puren, C. (2209), Variations sur la perspective de l’agir social en didactique des
langues-cultures étrangères. Recherches et applications. No. 45. LFDM Paris
- Riba, P. (2009) Conception et validité de tâches évaluatives dans une perspective actionnelle. Recherches et applications No. 45. LFDM Paris.
51
ENSEIGNER LA FRANCOPHONIE À L´ÉTAT DE RORAIMA - QUELS DÉFIS?
Maria Helena Valentim Duca Oyama (UFRR/ APFRR)
A literatura negra toma como parte do corpus a História do povo negro vivida e
interpretada do ponto de vista negro, propondo uma leitura transgressora da
História oficial e escrevendo a história dos dominados. (Zilá Bernd)
Enseigner la francophonie est une activité dont on peut se servir pour enrichir les cours de
Français Langue Étrangère-FLE. Dans l´état brésilien Roraima, en Amazonie, on peut envisager
l´enseignement de la francophonie à partir des projets interdisciplinaires en reliant la littérature
brésilienne à la littérature francophone, en passant par la langue portugaise et la langue française
mais aussi par l´interculturel, par des outils pédagogiques modernes. Le but de cette communication est de montrer l´approche utilisée pour l´enseignement de la francophonie surtout para la
littérature, à un groupe d´élèves adolescents, dans deux écoles publiques de l´État de Roraima,
dans le cadre d´un projet national - le PIBID (Programa Institucional de Bolsas de Iniciação à
Docência) et du projet PIBID Interdisciplinaire Lettres - Français.
Le projet PIBID est un projet brésilien soutenu par l´agence CAPES (Coordenação de
Aperfeiçoamento de Professores do Ensino Superior) de valorisation des cours universitaires
supérieurs au niveau de la licence, ayant le but de construire des connaissances theóriques,
pratiques et méthodologiques, en visant la pratique pédagogique des étudiants, des futurs
professeurs. Dans le cadre du PIBID Lettres Interdisciplinaire - Français, au Roraima, on vise à
stimuler la pratique professionnelle à partir non seulement de la reconnaissance de la culture de
l´Autre, dans une perspective multiculturelle, mais aussi de l´aide au processus de formation des
professeurs de Français en construisant des projets interdisciplinaires. Cela met en oeuvre un
partenariat entre le cours de Lettres-Français de l´UFRR et deux écoles de Roraima, Coema Souto
Maior Nogueira et Antonio Ferreira de Souza, qui cherche à améliorer la qualité de l´enseignement aux enfants.
Le PIBID Lettres Interdisciplinaire - Français met en valeur le lien entre la théorie et la pratique
par l´étude de la culture et de la littérature afrodescendente, avec la collaboration des professeurs
des deux écoles, choisis par la coordination générale du PIBID. De cette façon, on aide ces écoles
à accomplir la Loi Fédérale 10.639/03 qui oblige les écoles du Brésil à diffuser des contenus sur
la culture, l´histoire et la littérature africaines dans tout le territoire brésilien, auprès des élèves
del´enseignement fandamental, ce qui est un défis dans un pays qui se veut métis mais qui a des
épisodes de racisme et de discriminations liés à la peau des citoyens, surtout les cioyens afrodescendents.
Les défis se trouvent dans l´objectif même du PIBID Lettres Interdisciplinaire - Français,
quand on veut diffuser la littérature francophone à partir dês notion de littérature nègre et de
52
négritude dans les poèmes d´Aimé Césaire et de Léon Gontran
Damas), chères aux Caraïbes/Antilles. Enseginer La langue
française au nord du Brésil est déjà un grand projet, ce qui rend
l´objectif d´enseigner la literature francophone un projet de
plusieures dimentions.
LES ACTIONS DEVELOPPÉES PAR LE PROJET
LETTRES-FRANÇAIS:
- étude de la langue française au niveau élémentaire;
- étude sur la contribution des mouvements de valorisation
de la culture et de la litterature nègre aux Antilles;
- étude des poemes d´Aimé Césaire et de Damas.
LES RÉSULTATS ATTENDUS:
- le savoir-faire des élèves pour arriver à la compréhension
des poèmes présentés;
- l´autonomie des étudiants/boursiers et l´acceptation de
l´école comme un espace de construction continue, en
respectant l´Autre;
- diffusion des poèmes francophones antillais;
- stimuler les débats pour comprendre la notion de
préjugé/racisme contre l´afrodescendent à l´école et hors
l´école.
RÉFÉRENCES
BERND, Zilá. A questão da negritude. São Paulo,
Brasiliense, 1984. Col. Qualé.
Introdução à literatura negra. São Paulo: Brasiliense, 1988.
O que é negritude. São Paulo: Brasiliense, 1988. (Col.
Primeiros Passos)
OYAMA, M.H.V.D. Édouard Glissant e o Pós-Colonial. São
Paulo: FFLCH, 2009. (Dissertação/Mestrado)
O Haiti como locus ficcional da identidade literária
caribenha: olhares transnacionais em Césaire, Glissant e Alejo
Carpentier. Niterói: Intituto de Letras, 2009. (Tese/Doutorado)
UNE ÉTUDE DES THÈMES DU FANTASTIQUE DANS MELMOTH
RÉCONCILIÉ, RÉCIT D’HONORÉ DE BALZAC
Gabriela Jardim da SILVA / Henriete KARAM
doctorante en littérature française à l'UFRGS / enseignante à l’UCS
INTRODUCTION
Élaboré dans le cadre d’un projet de thèse portant sur la
littérature fantastique française du XIXe siècle, ce travail vise à
se pencher sur les thèmes du fantastique figurant dans
Melmoth réconcilié, récit d’Honoré de Balzac. Melmoth
réconcilié est-il en fait un récit fantastique?
MELMOTH RÉCONCILIÉ D’HONORÉ DE BALZAC
Melmoth réconcilié est une nouvelle d’Honoré de Balzac
publiée en 1835. Pour rédiger son récit, Balzac s’est inspiré du
Melmoth the wanderer (1820) de Charles Maturin. Dans
Melmoth réconcilié, au moment de s’enfuir de Paris avec de
l’argent volée de la banque où il travaille, Castanier connaît
John Melmoth. Ce dernier est une sorte de démon possédant
des pouvoirs surnaturels. Épuisé d’en être bénéficiaire, il
décide de transmettre ses dons à Castanier en échange de
l’âme de celui-ci: le caissier hésite face à la proposition de
l’étranger, mais, puisque Melmoth le menace, le pacte
satanique est accompli. L’Anglais se débarrasse, par
conséquent, de sa malignité et atteint une réconciliation avec le
Divin. Quant à Castanier, il profite de sa toutepuissance, mais
il se rend compte tôt qu’avoir de tels dons l’écarte du Divin et
l’empêche de rejoindre l’Inconnu.
MELMOTH RÉCONCILIÉ ET LE FANTASTIQUE
L’histoire se produit dans la vie ordinaire d’un caissier d’une
banque de Paris dans la première moitié du XIXe siècle.
Autrement dit, l’ancrage dans le réel, aperçu par le moyen des
rapports spatio-temporels et de la représentation d’un type
social trivial, fait voir un décor réaliste qui ne se distingue
guère des récits du réalisme stricto sensu de Balzac. Cette
insertion de l’insolite dans un cadre réaliste est, d’après Gilbert
Millet et Denis Labbé, 2 l’une des formules du fantastique:
Le fantastique ne peut fonctionner qu’avec l’assentiment du lecteur
qui doit accepter de se laisser entraîner dans ce train fantôme,
autorisant ainsi le narrateur à lui faire peur et à le déstabiliser. Pour
cela, il faut qu’il puisse y croire, qu’il ait au moins l’impression de
se retrouver face à un univers familier ou d’apparence familière. Le
réel est donc, en apparence du moins, la base de tout récit
fantastique (2005, p. 11).
En outre la rupture de l’ordre reconnu comme tangible dans
le monde empirique, nous constatons dans Melmoth des
thèmes qui peuvent être attribués au fantastique, comme la
présence d’un démon et le pacte. Le rituel du pacte n’est pas
décrit dans le récit, bien que le moment où Melmoth transmet
ses pouvoirs à Castanier soit évident. Après avoir subi cette
métamorphose diabolique, il ne reste à Castanier que tirer des
avantages de sa nouvelle condition, comme profiter de
l’extrême jouissance des sens, c’està- dire la jouissance
sexuelle sans limites:
il voulut une bacchanale digne des beaux jours de l’empire romain, et s’y plongea désespérément
comme Balthazar à son dernier festin [...] En puisant à pleines mains dans le trésor des voluptés
humaines dont la clef lui avait été remise par le Démon, il en atteignit promptement le fond (2012, p. 51).
Nous nous trouvons ici vis-à-vis de la sexualité dans un état superlatif qui est, selon TzvetanTodorov, l’un des thèmes du fantastique (1976, p.146). Melmoth réconcilié peut-il être considéré
comme un récit fantastique? D’après nous, la réponse est «oui». Il faut, cependant, en souligner
ses limites, étant donné que ce choix est en accord avec une position théorique. Si nous prenons
à la lettre la définition de «fantastique» de Todorov, nous serons dans le doute sur le caractère
fantastique de Melmoth:
Le fantastique occupe le temps de [l’]incertitude; dès qu’on choisit l’une ou l’autre réponse [il s’agit d’une
illusion ou il s’agit d’une réalité régie par des lois inconnues de nous], on quitte le fantastique pour
entrer dans un genre voisin, l’étrange ou le merveilleux. Le fantastique, c’est l’hésitation éprouvée par un
être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un événement en apparence surnaturel (1976, p.29).
Le critère de l’hésitation n’est pas adéquat pour cerner Melmoth comme un récit fantastique,
parce que, après avoir observé les entreprises dont Melmoth est capable, l’hésitation de Castanier disparaît. De ce point de vue, nous 3 concevons que, chez Todorov, Melmoth réconcilié
pourrait être un ouvrage orienté plutôt vers le merveilleux. D’un autre côté, il y a un groupe de
théoriciens du fantastique suivant, avec des variations, la formule qui a été proposée par
Pierre-Georges Castex dans Le Conte fantastique en France:
Le fantastique, en effet, ne se confond pas avec l’affabulation conventionnelle des récits mythologiques
ou des féeries, qui implique un dépaysement de l’esprit. Il se caractérise au contraire par une intrusion
brutale du mystère dans le cadre de la vie réelle (1994, p. 8).
Ce que Castex met en cause est l’idée que le fantastique est déterminé par une sorte de
bouleversement de ce qu’il nomme «la vie réelle», c’est-à-dire ce qui pourrait être plausible dans
la vie réelle. Cette définition, moins stricte que celle de Todorov, rapproche Melmoth du
fantastique. Castex est, au surplus, sûr et certain que le récit des mésaventures du caissier
appartient au genre du fantastique: il prétend que «ce conte [parmi ceux de Balzac] répond plus
que tout autre à la définition du genre du fantastique, puisqu’un héros fabuleux s’y trouve intimement mêlé à une réalité familière» (1994, p.210).
EN GUISE DE CONCLUSION
Dans cette étude, nous avons montré, d’abord, que le décor réaliste représenté au début de
Melmoth est la base pour que «l’effet fantastique» se produise. Ensuite, en accord avec quelques
savants qui se sont adonnés à l’étude des thèmes du fantastique, nous en avons établi trois dans
Melmoth: la présence d’un démon, le pacte et la sexualité dans un état superlatif. Finalement,
Melmoth réconcilié peut être considéré, malgré de possibles dissonances théoriques, comme un
récit fantastique.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
BALZAC, H. Melmoth réconcilié. Paris: Berg International, 2012.
CASTEX, P-G. Le conte fantastique en France: de Nodier à Maupassant. Paris: José Corti, 1994.
MILLET, G.; LABBÉ, D. Le Fantastique. Paris: Belin, coll. «Sujets», 2005.
TRITTER, V. Le Fantastique. Paris: Ellipses, coll. «Thèmes & études», 2001.
TODOROV, T. Introduction à la littérature fantastique. Paris: Seuil, coll. «Points», 1976.
53
LES LOCUTIONS IDIOMATIQUES DANS OMPHALE,
CONTE DE THÉOPHILE GAUTIER: COMMENT LES TRADUIRE?
JARDIM DA SILVA, Gabriela - PONGE, Robert
doctorante en littérature française à l'UFRGS / enseignant à l’UFRGS
Introduction
Inscrite dans le cadre du groupe de recherches, dirigé par Robert Ponge, se consacrant à
l’examen des difficultés de compréhension et de traduction du FLE en portugais, cette étude vise
à répertorier trois expressions idiomatiques observées dans Omphale, histoire rococo (1834),
conte de Théophile Gautier, et à réfléchir sur leur traduction en langue portugaise.
Difficultés de compréhension et de traduction du FLE: brève présentation du projet
Notre projet de recherches poursuit deux objectifs: 1) l’objectif théorico-descriptif veut organiser
une classification des principaux types de difficultés de compréhension et de traduction ainsi que
décrire les spécificités de chacun d’eux. Pour élaborer une liste de ces types de difficultés, nous
avons examiné la bibliographie sur le sujet; 2) l’objectif pratico-didactique vise à produire un
glossaire dont les articles se rapportent aux nombreuses difficultés concrètes de compréhension
et de traduction du FLE en portugais brésilien.
Les locutions idiomatiques: un type de difficulté de compréhension et de traduction du
FLE En raison de leur imprévisibilité en ce qui concerne la forme (caractéristique syntaxique) et,
surtout, parce que le sens de la locution n’est pas déductible de la somme de ses éléments
constitutifs (caractéristique sémantique), il nous est permis d’affirmer que les locutions idiomatiques représentent très souvent une difficulté de compréhension et de traduction du FLE Au
niveau de la compréhension, parce que leur «significação não é dedutível dos significados das
palavras que a compõem e que geralmente não pode ser entendida ao pé da letra» (HOUAISS,
2009, p. 860). Au niveau de la traduction, la difficulté concernant les locutions idiomatiques se
présente, tout d’abord, à cause de l’impossibilité de reconnaître à première vue son vrai sens,
mais aussi parce qu’il est peu facile (parfois impossible ou presque) de trouver une locution
idiomatique équivalente.
Trois locutions idiomatiques dans Omphale: «faire ventre», «noircir du papier»
et «être pour quelque chose»
Un examen préliminaire d’Omphale nous a permis d’y relever une dizaine de locutions idiomatiques environ. Pour le présent travail, nous en avons choisi trois que nous avons étudié en
suivant leur ordre de parution dans le texte de Gautier: «faire ventre», «noircir du papier» et «être
pour quelque chose». Nous les avons analysées en procédant d’abord à des recherches sémantiques dans des dictionnaires de la langue française et dans des dictionnaires français-français
d’expressions idiomatiques (voir la bibliographie). Deuxièmement, nous avons recensé les
diverses traductions offertes par des dictionnaires bilingues français-portugais (idem). Il nous a
fallu aussi vérifier dans des dictionnaires de référence de la langue portugaise (idem) si les
traductions trouvées dans les dictionnaires bilingues existent vraiment, quelles sont leurs
acceptions, leurs emplois, leur registre et si elles sont usuelles en portugais brésilien. Finalement, nous nous sommes employés à offrir une traduction appropriée à chacune des trois
locutions en prenant en compte leur registre et le contexte de leur réception. Parmi les possibilités de solution trouvées, nous avons choisi, à titre provisoire, celles figurant ci-dessous:
Traduction
Extrait d’Omphale
«Les murs faisaient ventre; de larges plaques As paredes arqueavam-se; largas placas de
de crépi s’étaient détachées et gisaient à terre reboco haviam se destacado e repousavam no
chão entre as urtigas e a aveia-doida [...].
entre les orties et la folle avoine [...]». (p.103)
«[...] tous ces petits grimauds qui se mêlent de [...] todos esses escrevinhadores que se metem
noircir du papier et parlent irrévérencieuse- a borrar papel e falam irreverentemente das
pessoas de estirpe.
ment des personnes de qualité». (p.106)
«Je me hasardai à regarder du côté d’Omphale, Arrisquei-me a olhar na direção de Ônfale,
soupçonnant confusément qu’elle était pour suspeitando confusamente que, de algum
modo, ela tomava parte em tudo isto.
quelque chose dans tout cela». (p.108)
54
En guise de conclusion
Dans cette étude, nous avons signalé les raisons pour
lesquelles les locutions idiomatiques représentent l’un des types
de difficultés de compréhension et de traduction du FLE. Pour
rendre notre réflexion moins abstraite, nous sommes passés à
trois exemples de locutions idiomatiques dans Omphale, dans le
but de réfléchir sur quelques possibilités de traduction en
prenant en compte leur registre et leur réception.
Références bibliographiques
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Belo Horizonte: Tessitura, 2011.
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portuguesa. 3ª ed. Curitiba: Positivo, 2004.
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GAUTIER, Théophile. Récits fantastiques. Paris: Flammarion,
2007. p. 102-113.
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Instituto de Letras/UFRGS. 1a versão: 2005. 2a versão, revista e
corrigida: 2010. Inédito.
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Rio de Janeiro: Nova Fronteira, 2004.
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do Sul (UFRGS), 2009.
Trésor de la langue française informatisé. Disponible sur
internet à: http://atilf.atilf.fr/tlf.htm.
VALDEZ, J.F. Dicionário Francês-Português/Português-Francês. Rio de Janeiro: Garnier, 2000.
Le thème de l’environnement dans l’élaboration des manuels pour l’enseignement du FLE
WAGLE, Anuradha, Inde
Les manuels locaux, élaborés pour apprendre le français
dans la région du Maharashtra, s’appuient sur les conditions
générales fournies par le gouvernement.
Mon propos est de réunir les thèmes de l’environnement,des langues et de l’enseignement du Français langue
étrangère dans la région du Maharahtra,d’où je viens.Dans un
pays aussi vaste que L’Inde où la diversité est ahurissante, Il
serait difficile d’évoquer une seule réalité.
Je ferai donc un parcours général de la richesse environnementale, linguistique et humaine en Inde à travers les
différentes communautés, de la présence française en Inde, de
la situation de l’enseignement du FLE dans notre région, enfin
une présentation globale des manuels élaborés pour l’enseignement secondaire.
La richesse environmentale,linguistique et
humaine:
L’Etat du Maharashtra a une superficie de 307,714 kms²
avec une population d’environ 112,4 million d’ habitants.
Des 18 centres écologiques “BiodiversityHotspots”répertoriés dans le monde,deux se trouvent en Inde: Les Himalayas.
Les “Western Ghats” dans le Maharashtra forment une chaîne
de montagnes en pierre volcaniques qui traverse quatre états
du nord au sud de L’Inde.
L’UNESCO les a classés “patrimoine mondial” car si un
pays perd sa biodiversité elle risque de perdre non seulement
sa richesse mais aussi son avenir.
Le Maharashtra est aussi un état riche en lieux sacrés
protégés nommés «Sacred Groves» très souvent pour des
raisons religieuses car ils sont consacrés aux déesses protectrices de communautés qui les vénèrent. Ces conservatoires
forestiers de la nature au nombre de cinq mille ou plus sont
riches en plantes médicinales et en espèces rares indigènes.
La population locale les respecte par crainte de Dieu. La vie y
est liée aux mythes et aux légendes qui jouent un rôle
important dans la vie sociale.
Le Maharashtra occupe le troisième rang pour le nombre de
lieux sacrés protégés. Avec ses 800 kms de côtes il est aussi
riche en mangroves. Une nouvelle loi leur a accordé le statut
des forêts protégées. On y trouve une grande variété de vie
marine et elles servent aussi de lieux de nidification pour les
oiseaux migrateurs.
C’est pourquoi entre autres, le thème de L’environnement
est primordial dans l’enseignement et étroitement lié au
programme non seulement des écoles mais des universités.
L’Inde a une riche tradition linguistique. Selon un sondage
mené par “People’s Linguistic survey of India- (PLSI ) terminé
cette année, en 1961 Il y avait 1100 langues. Presque 220 ont
disparu dans les 50 dernières années. Ces langues perdues
étaient toutes parlées par les nomades, partout en Inde.
Le Maharashtra occupe le troisième rang pour le nombre de langues parlées, soit
46 langues.
(Il est intéressant de remarquer que la richesse linguistique est plus grande dans les régions
riches en lieux sacrés)
Arunachal Pradesh -90 Langues
Assam -55 Langues
Maharashtra-46 Langues.
La première place est occupée par l’ ArunachalPradesh, à l’est de L’Inde , avec 90 langues,
suivi de l’Assam avec 55 langues.
En 1971, un sondage se limitant aux langues parlées par au moins 10.000 personnes présente
une liste de 108 langues, selon une enquête menée en 2001 par le Deccan College.
96% de la population Indienne ne parle que 4% des langues
Et 4% de la population parle 96% des langues indigènes.
En général, tout le monde parle au moins deux langues indiennes: la langue régionale ou
maternelle et la langue dite nationale, le Hindi. Il faudrait ajouter ici que le cinéma indien qui fête
son centième anniversaire cette année utilise largement le Hindi.
Les chiffres de ces enquêtes révèlent que dans les 50 dernières années, s’est produit un
appauvrissement non seulement de l’environnement, mais aussi du nombre de langues. Le mal
perpétré à l’encontre de l’environnement trouve un écho dans les langues.
La Présence française en Inde:
L’Inde française regroupe différentes possessions coloniales entre 1668 et 1954.
Pondichéry, Karikal,Yanaon sur la côte de Coromandel (la côte est), Mahé , sur la
côte de Malabar (côte ouest)et Chandernagor au Bengale (à l’ est de L’Inde)
Aujourd’hui on pourrait dire qu’il existe en Inde un million d’étudiants qui apprennent le
français et cinq mille professeurs. Un sondage est envisagé par L’Ambassade de France.
La situation de l’enseignement du FLE:
Dans l’enseignement du FLE, il convient de tenir compte de différentes réalités: milieu urbain/
rural, favorisé /défavorisé, écoles en milieu urbain où l’anglais est la langue d’instruction, écoles
où tout l’apprentissage s’effectue en langues indiennes.
Le FLE est enseigné dans les écoles de grandes villes comme Mumbai,Pune, Nagpur, Nashik,
Kolhapuretc et aussi dans celles où l’anglais est la langue d’instruction.
Le FLE est enseigné dans les écoles qui appartiennent aux différents «Boards», chaque
«Board» ayant son propre curriculum, programme d’enseignement et d’évaluation.
CBSE-Central Board of Secondary Education
ICSE-Indian certificate of Secondary Education
IGCSE-International General Certificate of Secondary Education. IB International Baccalaureat
SSC- Secondary SchoolCertificate (Manuels elabores pour les ecoles par le gouvernement du
Maharashtra -(«le Français, c’est fun» «le Français c’est un atout» «et «le Français, c’est un
passe- partout»)
55
Les manuels «Le Français, C’est un Atout» et «Le Français C’est un passe- partout»
s’adressent à un public de jeunes adolescents de SSC. Le Français est une option de 50 points
partagée avec une autre langue indienne à partir de la huitième classe (13 ans) jusqu’à la dixième.
Environ 5000 élèves utilisant ces manuels se présentent pour un examen d’Etat de dixième classe.
Pourquoi le français?
Le Français est la langue étrangère la plus enseignée jusqu’à aujourd’hui.Cela pourrait changer
à cause de la forte concurrence de l’Allemand et de l’informatique qui sont offerts en option, ainsi
que d’autres langues comme le Russe et le Japonais.
Les raisons d’apprendre le français sont nombreuses. Cette langue est utile pour trouver un
emploi dans les multinationales, pour faire des études supérieures à L’étranger, pour gagner de
bonnes notes à l’examen. On peut évoquer d’autres raisons comme le plaisir d’apprendre une
nouvelle langue, différente des langues indiennes, la richesse d’ une ouverture sur une autre
culture, ou simplement se faire remarquer par les autres, gagner un nouveau statut sur leur profil
WHATS APP.
Pourquoi un nouveau manuel?
Les cours durent à peine trente minutes, trois fois par semaine, et encore moins si l’on prend
en compte le temps de déplacement des profs d’une classe à l’autre, l’appel, le temps nécessaire
pour capter l’attention des élèves, et les cours perdus à cause des activités extra scolaires. Cela
varie environ de 36 h à 54 heures par an, selon les écoles.
Le public dans une classe de langue est très hétérogène, en raison de l’environnement social
et familial,des langues maternelles,de la culture ….
Le grand éloignement géographique des pays où la langue est parlée ne favorise pas la création
de situations concrètes et vécues de dialogues et de paroles, tant pour les élèves que pour les
enseignants. Le niveau des enseignants n’est pas toujours très élevé car ils doivent enseigner
plusieurs matières.
Le coût du manuel doit être à la portée des tous, environ un dollar ou un petit peu plus,
c’est-à-dire de 69 à 89 roupies.
IL doit être conforme aux consignes de l’Etat dans toutes les matières.
La presentation du manuel:
Je cite ici quelques paramètres présents dans l’élaboration du manuel:
1 Valorisation de sa propre culture.
2 Ouverture sur les autres cultures.
3 Respect des aînés et des traditions culturelles.
4 Thème de l’environnement.
Tous les manuels, quelle que soit la matière, s’ouvrent sur ces pages:
- Le préambule de la constitution fondée sur les principes de justice,liberté, égalité et fraternité.
-L’ hymne national, qui a été récemment voté le meilleur au monde par L’UNESCO .
- «The Pledge»: L’engagement. La promesse de s’engager à garder l’unité dans la
diversité.
Le grand défi qui se pose au professeur c’est de retenir l’intérêt des étudiants.Avant tout, il
s’agit de capter et de retenir l’intérêt d’un élève. A cette fin, les choix des thèmes ont été pensés
très judicieusement.Il s’agit egalement de la pédagogie de grands groupes-les classes ayant
souvent un effectif de 40 à 60 élèves.
Nous vivons dans un monde visuel .Les images colorées et les dessins vifs prennent en
compte l’importance du visuel chez les élèves.
La partie ludique du livre c’est la PAUSE-CAFÉ avec des devinettes, des blagues, des
proverbes à deviner.
56
Néanmoins on est loin d’être parfait. Il reste bien de choses
à modifier -par exemple- modification de la forme d’evaluation
qui reste trop basée sur la grammaire ,formulation des exercices plus interactifs et moins gramaticaux.Il faudrait également
un allègement du programme .Bref on devrait arriver à un
programme qui aurait moins de quantité et plus de qualité”.
Enseignement de l'oral et formation initiale et continue des enseignant(e)s de FLE en Amapa (Brésil):
quelle place pour la réflexivité?
SOUZA DOS SANTOS GOMES, Ivanete Maria
Enseignante au Centre d'Etat de Langue et Culture Française Danielle Mitterrand (Macapa-Amapa-Brésil)
Doctorante à l’Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 – DILTEC (EA 2288) [email protected]
Introduction
La position géographique de l’Amapa, état frontalier de la
Guyane Française avec le fleuve Oyapock et les accords signés
entre la France et le Brésil pour la promotion du français et du
portugais justifient les politiques de diffusion du français en
Amapa. Dahlet (2009: 171) met en exergue le choix significatif
du français dans quelques systèmes scolaires brésiliens, y
compris celui de l’Amapa. Selon Baldwin (2010: 215), la
présence brésilienne en Guyane commence à se faire
remarquer à partir des années 60. Néanmoins, malgré cette
proximité entre Guyanais et Amapéens, nombre d’etudiants
amapéens ne maîtrisent pas la conversation en français. Voici
le problème qui m’a poussée à en intéroger la DDL (la
Didactique des langues) et d’autres sciences. Cette étude sur la
formation de professeurs de FLE (Français langue étrangère)
fait donc suite à une réflexion que j’ai entamée il y a onze ans
sur le rôle des interactions verbales dans la construction du
discours en contexte d’enseignement du FLE à Macapá
(capitale de l'Etat brésilien de l'Amapa). En 2009, j’y ai ajouté
une réflexion sur la formation et l’autoformation (cf. Gomes,
2006 et 2009). De nos jours, j’efféctue une recherche doctorale
dans le but de décrire les parcours de formation professionnelle de ces enseignants. Depuis 2012, je m’appuie sur des
travaux du groupe IDAP (Interactions Didactiques et Agir
Professoral) attaché au centre de recherche DILTEC (Didactique des langues, des textes et des cultures) de l’Université
Sorbonne Nouvelle pour mes analyses sur la pensée enseignante. La présente contribution se prête à en présenter
quelques résultats.
Réflexivité et autonomie dans la formation des
enseignants FLE: les apports des entretiens d’autoconfrontation
Je limite mon terrain d'investigation à trois établissements,
y compris l’UNIFAP (Université Fédérale de l’Amapa), où
j’intérroge la formation initiale. D’après Causa (2007: 169), «la
formation initiale est le lieu privilégié dans lequel le futur
enseignant construit ses savoirs, ses pratiques et son identité
professionnels».
En me guidant d’observations, d’enregistrements et d’analyses de cours, j’ai identifié des difficultés chez nombre d’éléves
pour interagir en langue-cible, mais aussi chez quelques
professeurs. En plus, ces enseignants ont des difficultés pour
saisir les occasions où les apprenants essayent de parler plus
librement. D’après Cicurel, dans la planification, il y a toujours
le risque de déplanification: «des résistances ou, de toute
manière, la parole d’un autre» (2011: 124). Pour en faire face,
il manque encore aux professeurs et futurs professeus
amapéens une formation avec des visées réflexives. Lousada
(2009) montre, par exemple, l’importance de l’analyse des
discours du rapport de stage comme thermomètre d’un cours
et comme outil de réflexion sur son action pour les futurs
professeurs. Bertocchini et Costanzo (2008: 41) proposent une
démarche réflexive dans formation des enseignants et avancent
que toutes les formations doivent envisager à l’autonomie.
Les entretiens d’autoconfrontation sont aussi un lieu privilégié de réflexion chez les enseignants en formation et les enseignants expérimentés. Cet outil aide le chercheur, le conseilleur
pédagogique et les formateurs de formateurs à dévoiler la pensée enseignante, c’est-à-dire, la
riche activité mentale qui se trouve derrière les actions du professeur au moment où t-il efféctue
l’agencement des interactions (Cicurel et Aguilar, 2014: 7). L'analyse des verbalisations
résultantes de ces entretiens aident à connaître le répertoire du professeur sur son action, ainsi
que les stratégies dont il a recours dans l'interaction pour accomplir ses objectifs vis-à-vis les
contenus travaillés. En plus, ce retour de l’enseignant sur son action (Cicurel, 2011) lui donne
l'occasion de s'autoformer.
Dans mes recherches actuelles, j’ai recours aux séances d’autoconfrontation pour être à même
d’interpréter les interactions didactiques. A partir d'observations et filmages de cours et
postérieurs entretiens d’autoconfrontation proposées à l’enseignant, je l’invite à verbaliser sur ses
actions. Les transcriptions de verbalisations me fournissent nombre de pistes pour mon travail.
Voici ensuite trois extraits d’une de ces séances que j’ai organisées. Il s’agit d’un entretien d’autoconfrontation réalisé en avril 2013 auprès de l’enseignante A, travaillant dans la licence de
Lettres/Français de l’UNIFAP.
Extrait 1
donc ça c'est un point que je trouve aussi intéressant je trouve un point positif parce que je
donne au même temps que moi en tant (...) que formatrice (...) j'interagis avec eux je donne
l'occasion pour que les apprenants interagissent entre eux aussi
Extrait 2
j'ai remarqué et à mon avis c'est un point négatif c'est justement la disposition des tables
comme la classe elle a vingt-quatre élèves et ce jour-là il a manqué beaucoup d'étudiants donc
j'ai remarqué que (...) d'un côté il y en avait un groupe de l'autre côté il y avait d'autre (...) j'insiste
mais c'est il est difficile (...) disposer bien les chaises (...) pour que (...) l'interaction se passe
bien
Extrait 3
bon j'ai bien aimé ce type de travail car je n'avais jamais observé (...) ma classe y donc là c'est
(...) une expérience formidable pour moi donc en tant que formatrice (...) car j'ai eu l'occasion de
mi (sic) voir (...) donc cette autoconfrontation m'a beaucoup m'a fait réflechir sur ma pratique (...)
et si on à à partir d'aujourd'hui je pense il y a des choses qui certainement je vais changer (...)
dans ma salle de classe je vais modifier par exemple ma façon d'organiser les tables pour que
cela puisse améliorer l'interaction
En interprétant ces extraits à la lumière des analyses de Cicurel (2014: 91, 93-95), on peut
remarquer que les verbalisations de l’enseignante cherchent à donner un sens à ses actions par
le biais de l’introspection/la rétrospection/la prospection: elle se tourne vers son activité mental
(introspection) et se remémore des actions (rétrospection) pour en expliquer les motifs. La
prospection (les tentatives de modéliser l’activité mental) peut être observée dans l’extrait 1,
quand A affirme qu’«en tant que formatrice» de professeurs, elle donne l’exemple de comment
organiser l’interaction en classe. Dans les extraits 1 et 2, l’enseignante formule un jugement
positif et un autre négatif sur sa façon de faire la classe. Dans le troisième extrait, elle parle
clairement de sa satisfaction d’avoir eu cette oportunité de se regarder dans ce «miroir» (Cicurel,
2011) qui est le visionnage de son cours et de pouvoir prendre le recul nécessaire pour une
autocritique.
Conclusion
A travers cette étude, j’ai voulu montrer mes soucis par rapport la formation initiale et
continue des professeurs et futurs professeurs amapéens de FLE, qui ne disposent pas
57
toujours d’outils de formation pour bien jouer leur rôle de médiateurs dans les interactions. J’ai
voulu aussi mettre en évidence ce mécanisme d’investigation très peu répandu encore en DDL
(Cicurel et Aguilar, 2014: 13): l’analyse de la pensée enseignante aidée des autocommentaires de
l’enseignant. Bref, je me suis donnée par but de montrer la valeur formatrice du dispositif de
l’autoconfrontation qui favorise le processus d’autonomisation de l’enseignant par la prise de
conscience de ses points forts et faibles et par la recherche des moyens pour combler ces
derniers.
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LOUSADA E. G. (2009), «Retour sur les pratiques: rapport
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129-139.
La créativité littéraire en contexte universitaire à l’aide de la technologie?
CANSIGNO, Yvonne, Université Autonome Metropolitaine-Azcapotzalco/Mexique
Actuellement, l'importance des Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) dans le
domaine éducatif a un impact sur toutes les activités de l'individu, qu'il s'agisse de travail ou de recherche
ou d’activités personnelles. Chaque jour, les contenus éducatifs en ligne se multiplient et ont plus de
pertinence dans la promotion de l’apprentissage virtuel et de la culture. Tout au long des différentes
approches méthodologiques dans l’enseignement et l’apprentissage des langues, l’écriture constitue un
outil de communication essentiel, non seulement dans le domaine académique mais aussi dans la vie
quotidienne. Il est important que les étudiants développent de solides compétences scripturales dans le
cadre de leurs études universitaires.
L’écran prévoit un menu facile à manipuler:
Créativité littéraire1 propose d’aider à écrire à l'aide des TIC. C’est un dispositif qui permet de se rendre
sur des sites Internet, de parcourir un chemin et découvrir la beauté et l’application des genres littéraires et
ouvre la possibilité que l’apprenant exprime ses expériences, ses sentiments et ses besoins. L’accès à la
littérature grâce aux TIC est un oasis à la demande et illustre des aspects festifs, historiques, artistiques et
linguistiques. À cet égard, l’apprenant a le choix de manipuler les textes qui s'adaptent à ses intérêts bien
que l'information sur Internet soit incommensurable.
Créativité littéraire stimule l’imagination, propose d’utiliser de nombreux logiciels, tels que Adobe
Première, Photoshop et PowerPoint, conseille d’appliquer des correcteurs et de donner aux oeuvres une
dimension visuelle ou auditive. Il s’agit de favoriser la capacité et la possibilité de chaque apprenant à lire
et s’exprimer par écrit en français. Avec l'intégration des TIC, l'apprenant est placé dans un environnement
d'apprentissage interactif qui lui permet de développer ses propres initiatives dans le processus d'apprentissage de l’écrit et de s'adapter aux nouvelles façons de comprendre cette pratique. Il sera face au défi
d'utiliser la technologie de l'information et de la communication et de vivre des situations cognitives de vie
utiles en autonomie.
Le travail à réaliser est prévu par objectifs: linguistiques, communicatifs et interculturels. Il ne suffit pas
de mettre les apprenants en difficulté, mais il faut leur donner des outils et des supports pour parvenir à
travailler au mieux leurs activités d’apprentissage (adresses électroniques, schémas, exercices linguistiques, dictionnaires, correcteurs).
Il nous semble important de présenter quatre phases de travail pour réaliser les activités à l’écrit: la
sensibilisation, l’appropriation, l’exposition et la production. Pendant chaque étape, l’utilisateur doit être
capable de chercher des informations et des documents, choisir le(s) texte(s) qui l’intéresse et s’entraîner à
s’exprimer à l’écrit. Parmi les activités proposées, il peut raconter la même histoire vue par différents
personnages, changer l'époque, le lieu, les personnages, le caractère d'un personnage, écrire la même
histoire d'une autre manière, imaginer un poème, réécrire un texte en supprimant le maximum de mots
sans déplacer aucun mot ni en ajouter, etc.
58
1C’est
un dispositif que j’ai commencé à structurer et à utiliser avec mes
étudiants de FLE à l’Université Autonome Metropolitaine Azcapotzalco, au
Mexique.
Conclusion
Depuis quelques années, il existe un intérêt marqué pour l’écrit qui s’est manifesté apriori dans le
développement des nouvelles technologies qui ont transformé de façon importante les pratiques de
communication écrite. «Créativité littéraire» accorde une place importante à l’expression écrite et
prévoit que l’utilisateur arrive à acquérir une certaine autonomie et une stimulation des usages
technologiques.
Bibliographie
Dezutter, O., Cansigno, Y., Silva, H., Bleys, F. 2010. Défis
d’écriture. Développer la compétence scripturale en français langue
seconde ou étrangère à l’université. Mexico: UAM-Azcapotzalco/CONACYT / Université de Sherbrooke.
Duquette, L. et Laurier, M. 2000. Apprendre une langue dans un
environnement multimédia. Montréal: Les éditions logiques.
Le CECRL au sein des universités vénézuéliennes
ALEMÁN GUILLÉN, Pedro - Universidad Central de Venezuela
Cette communication porte sur un aspect de la transférabilité du CECRL en Amérique latine.
L’emploi du CECRL pour l’enseignement du FLE est-il envisageable au sein des universités
vénézuéliennes ? Il semble qu’il serait mieux de parler d’une utilisation adaptée aux buts de
chaque université vénézuélienne. Cet emploi adapté doit sans doute passer par la reconnaissance
des particularités de nos universités en tant que des institutions formatrices notamment d’enseignants de FLE et de traducteurs. Mais il doit aussi prendre en compte les descripteurs et les items
du CECRL visant à une performance qui favorise la communication dans une perspective actionnelle. En somme, il faudrait combiner les moyens et ressources déjà employés dans nos universités avec les postulats et référentiels du CECRL qui, même en étant plutôt utilisés pour certifier
les gens d’un niveau quelconque en langue française, pourraient être utiles pour organiser et
concevoir des cursus de français plus efficaces.
Le but de mon intervention est de présenter comment on a appliqué le CECRL au sein des
universités vénézuéliennes, notamment au sein de l’Ecole de Langues Modernes de l’Universidad
Central de Venezuela.
Le Cadre européen commun de référence pour les langues - Apprendre, Enseigner, Évaluer
(CECR), document publié par le Conseil de l'Europe en 2001, définit des niveaux de maîtrise
d'une langue étrangère en fonction du savoir-faire dans différents domaines de compétence. Ces
niveaux constituent désormais la référence dans le domaine de l'apprentissage et de l'enseignement des langues dans de nombreux pays. En France, ils l’ont repris dans l'éducation comme
niveaux de compétence en langues vivantes étrangères attendus des élèves des écoles, collèges
et lycées. Au Venezuela, la situation est différente. On enseigne le français seulement au lycée et
exclusivement dans une filière qui n’est pas majoritaire: la filière de Sciences Humaines. Puis, à
l’université on offre des licences en langues modernes.
Institution
Publique / privée
Diplômes
UCV (Caracas)
Publique
Licence en Langues Modernes
Licence en Traduction
Licence en Traduction et Interprétation
LUZ
Publique
Licence en Éducation, filière en Langues Modernes
ULA (Mérida)
Publique
Licence en Langues Modernes
ULA (Trujillo)
Publique
Licence en Langues Modernes
ULA (San Cristobal)
Publique
Licence en Langues Modernes
UPEL (Caracas)
Publique
Professeur de français
UC (Valencia)
Publique
Licence en Éducation, filière français ou anglais
UNIMET Caracas)
Privée
Licence en Langues Modernes (anglais)
Santos Michelena
Privée
Licence en Langues Modernes (anglais)
IUT Américo Vespucio
Privée
TSU en Langues Modernes
Universidad
Ces institutions mentionnées supra ont des objectifs de formation différents. Par exemple,
l’UCV forme majoritairement des traducteurs, donc l’emphase est mise sur la maîtrise de la
langue. A l’UPEL, institution qui forme les futurs enseignants du secondaire majoritairement, a
une orientation plutôt vers la formation pédagogique. L’UNIMET enseigne principalement
l’anglais, et le français, de même que l’italien et l’allemand sont enseignés seulement pendant 8
trimestres sur un total de 12 trimestres.
Bien qu’il y ait des différences dans le profil de formation du
futur diplômé de chaque institution, il faut souligner qu’il y a
des ressemblances obligées, à savoir, a) enseignement d’un
français de base au moyen d’une méthode; b) enseignement de
stratégies pour la production et compréhension de textes
académiques; c) enseignement d’une composante de culture et
de civilisation française et francophone.
Il est précisément dans ces points en commun, d’après moi,
que l’emploi du CECRL s’avère positif.
Pourquoi?
Tout d’abord parce que l'objectif général du CECR est
fondamentalement un objectif de simplification et de standardisation des systèmes d'enseignement et d'évaluation de
compétences linguistiques des langues au niveau européen.
Le Cadre se sert principalement de l’approche actionnelle par
compétences langagières. Quant à l’aspect pratique il faut dire
que l’existence de 6 niveaux standardisés (du A1 au C2), d’une
série de descripteurs des compétences et un système d’évaluation et d’auto évaluation vont faciliter le travail de l’enseignant
et le processus de l’apprenant au moment de déterminer la
situation des compétences langagières d'un apprenant (son
profil), spécifiant point fort et faibles, les aspects à améliorer
(objectifs pédagogiques personnels ou institutionnels), la
production de matériaux et activités pédagogiques, et d'évaluations sur la base des compétences visibles et des besoins de
l'apprenant.
Comment?
Selon ce qui est prôné par le Cadre le meilleur moyen serait
d’employer l’approche actionnelle. Selon cette approche la
communication implique que l’apprenant acquière des
compétences linguistiques, pragmatiques, et sociolinguistiques. La formation est centrée sur l’apprenant qui est un
acteur social authentique, qui agit et interagit avec les autres
membres par le biais d’un contrat social et des codes connus
ou à acquérir. L'interaction inter-individuelle est considérée
comme la situation réaliste et idéale à produire et à reproduire.
Il y a également La pédagogie par simulation ou par projet. La
pédagogie idéale ne se fait plus par simulations et situations
imaginaires lointaines, mais par l'emploi de la langue cible
dans la micro-société authentique qu'est la classe de langue, et
par projets. Alors de cette manière, on favoriserait la collaboration entre apprenants et cela inclut actes langagiers et actes
non langagiers, comme dans le réel. Les acteurs sociaux
doivent se coordonner, collaborer, agir dans la langue et
culture cible.
A l’UCV, la prétention est de faire que nos apprenants
atteignent l’équivalent d’un niveau B2 au bout des deux
premières années de formation (768 heures académiques en
tout = 12 heures par semaine pendant 64 semaines de cours).
Pendant les trois années suivantes le nombre d’heures
d’enseignement de français se réduit, et on se concentre
sur la préparation de textes académiques (résumé,
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compte-rendu, synthèse, dissertation). Alors là, nous devons avoir à des simulations comme le
modèle des Nations Unies, et aux TICES.
En guise de conclusion
Il faut dire que le CECRL représente sans doute un grand avantage pour la certification et
surtout au moment de concevoir les cursus centrés sur l’apprenant et sur des compétences. Il faut
également dire qu’il est nécessaire de prendre en compte les particularités de chaque institution:
les caractéristiques de cours offerts, le profil de l’apprenant et l’orientation de la formation. Tous
ces éléments peuvent soit favoriser la mise en oeuvre du Cadre, soit provoquer de la résistance
voire des contestations et des réserves d’ordre pédagogique ou didactique. Mais en tout cas,
n’existant encore d’initiatives locales bien fondées et structurées, le CECR, de même que les
référentiels québécois, est un outil très utile pour concevoir et organiser et surtout complémenter
les formations que nos universités donnent en FLE.
RÉFÉRENCES
http://eduscol.education.fr/cid45678/cadre-europeen-commun-de-reference-cecrl.html
http://www.france-langue.fr/pedagogie-du-francais/niveaux-de-fran%C3%A7ais.html
http://www.acpi.ca/ressources/referentiel-de-competences-orales
http://www.acpi.ca/ressources/referentiel-ecrit
Enseigner la grammaire FLE en utilisant la LSF. Une expérience enrichissante
ALEMÁN GUILLÉN, Pedro - Universidad Central de Venezuela
Dans cette communication je me propose de montrer les résultats de la mise en place de
l’enseignement de la Morphosyntaxe du Français à l’Université Centrale du Venezuela par le biais
de la Linguistique Systémique Fonctionnelle (LSF) (Halliday, 1985; Alemán, 2005; Banks, s/f;
Cafarel, s/f).
Cette expérience s’est avérée enrichissante, utile et innovatrice au moment d’enseigner la
grammaire aux étudiants de FLE. L’approche systémique-fonctionnelle est une approche sémantique et pragmatique qui tient compte de la langue comme un inventaire de choix lexico-grammaticaux. Cette approche permet donc de présenter et de faire comprendre le fonctionnement de
la langue française à partir d’une perspective centrée sur l’interaction et le rôle communicatif,
social et culturel du français. La LSF favorise également une participation active de l’apprenant
en tant qu’acteur social. Les résultats font preuve d’une meilleure appropriation des notions
grammaticales car elles sont associées par les apprenants (futurs enseignants et traducteurs) à
des contextes de situation particuliers et pertinents et font appel à des catégories soi-disant
moins «linguistiques» et plus proches de leurs réalités quotidiennes.
L’enseignement de la grammaire à l’Universidad Central du Venezuela (UCV).
A l’Universidad Central du Venezuela l’on enseigne le Français comme langue étrangère à
l’Ecole de Langues Modernes. On offre trois formations:
Licence en Langues Modernes
Licence en Traduction
Licence en Traduction et Interprétation
Dans les deux premières années nous enseignons un tronc commun qui est divisé par
modules. En première année: méthode, labo (phonétique), rédaction (compétence écrite),
grammaire.
En deuxième année: méthode, labo (phonétique), rédaction (compétence écrite), géographie,
histoire et grammaire.
Nous enseignons la grammaire tout au long des trois filières, pendant les cinq années de
formation, en général, comme un module à part qui sert à renforcer de façon systématique les
aspects grammaticaux que les apprenants étudient dans tous les autres modules.
L’enseignement de la Morphosyntaxe par le biais de la LSF
Cependant, dans la filière Langues Modernes il existe une UV appelée Morphologie et syntaxe
du français. Dans cette matière on est censés enseigner le métalangage de la morphosyntaxe.
Il est précisément dans cette matière que j’ai introduit la LSF comme contenu important de
l’UV.
La LSF, créée à l’origine par Michael Halliday pour étudier la langue chinoise, a été puis
adaptée à la langue anglaise. Elle l’a été moins pour la langue française. Comme partie d’une
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recherche plus large, j’ai contacté les membres de l’Association Française de Linguistique Fonctionnelle et j’ai appris
qu’Alice Caffarel, qui travaille en Australie a publié un livre sur
la LSF en Français, mais pour des raisons de restriction
monétaire dans mon pays je n’ai pas pu ni acheter son livre ni
avoir accès à son contenu. J’ai également connu David Banks
un autre expert en LSF, et il m’a dit que lui-même il était plutôt
angliciste, c'est-à-dire, qu’en général, il utilisait la LSF pour
analyser majoritairement des textes en anglais.
Alors, j’ai décidé de donner le cours en me basant sur la
LSF et, comme points de repère pour ce qui a à voir avec la
terminologie employée, dans les cas non précisés, je fais ma
propre traduction des termes et des notions liés à la LSF. Ceci
a été fait à partir d’une recherche pour master 2 dans laquelle
j’ai analysé un événement qui a eu lieu au Venezuela et qui a été
rapporté par la presse française. J’ai utilisé la LSF pour ce faire.
La linguistique systémique fonctionnelle
Cette approche considère la langue comme l’ensemble de
trois types de significations (ou metafonctions) qui sont construites dans l’interaction dans des contextes réels. A savoir, les
metafonctions expérientielle, interpersonnelle et textuelle. L’unité
d’analyse par excellence étant la clause ou le complexe clausulaire
De ce point de vue, la metafonction expérientielle sert à
exprimer la représentation du monde, autrement dit, on pourrait
considérer la clause comme la représentation de la réalité des
choses. Cette représentation se fait en termes de participants,
procès et circonstances. Dans d’autres mots, cette représentation
est le système de la Transitivité. Dans le système de la transitivité
on peut reconnaître six types de procès: Matériel (des actions
concrètes); Mental (de perception, de cognition ou affectif);
Relationnel (exprimé par les verbes que les autres grammaires
appellent copulatifs expriment l’identification, l’attribution et la
possession); Comportemental (on exprime des activités
physiologiques); Verbal (expriment l’énonciation à travers le
verbe dire et tous ses synonymes); et Existentiel (verbes qui
expriment l’existence de quelqu’un ou de quelque chose)
La metafonction interpersonnelle est liée à l’attitude et à
l’engagement que chaque locuteur a vis-à-vis de ce qu’il dit et de
son interlocuteur.
Dans cette metafonction l’on peut dire que la clause est vue
comme un moyen pour échanger de l’information, des biens et
de services et de l’évaluation.
Par le biais de cette metafonction on analyse des
phénomènes tels que le mode, la modalité la polarité et le
positionnement du locuteur. La distance et/ou inégalité sociale
est par exemple importante dans cette metafonction. Le rôle
des interlocuteurs est ici très important. Voilà une des raisons
pour lesquelles cette approche est, à mon avis, plus significative au moment d’enseigner une langue 2 et plus particulièrement le français. L’apprenant peut analyser des textes authentiques non pas seulement à un niveau abstrait mais dans une
dimension communicative d’interaction réelle.
Finalement, dans La metafonction textuelle l’on considère la
clause comme le message à transmettre. Alors, des notions
telles que le Thème et le Rhème (ordre syntaxique) ainsi que
l’emploi adéquat des éléments de cohésion tels que les
connecteurs logiques sont clés pour étudier cette metafonction. Ici si l’on analyse un texte comme un produit discursif et
social on peut voir comment il a été construit. Et si on le regarde comme un processus on peut
voir quels sont les possibles pas à suivre pour produire un texte efficace.
En guise de conclusion, il faut dire que l’emploi de ce modèle linguistique au moment d’enseigner la Morphologie et la Syntaxe du Français permet de rendre compte d’une meilleure
appropriation des notions grammaticales car elles sont associées par les apprenants (futurs
enseignants et traducteurs) à des contextes de situation particuliers et pertinents et font appel à
des catégories moins «linguistiques» et plus proches de leurs réalités quotidiennes.
RÉFÉRENCES
Alemán, P. (2005). La construcción discursiva de los sucesos del 11 de abril de 2002 en
venezuela reportados en periódicos franceses. Trabajo de Grado para optar al Título de Magister
Scientarum en Estudios del Discurso. (No publicado) Universidad Central de Venezuela.
Association française de Linguistique Systémique Fonctionnelle (ASFL) http://www.univ-brest.fr/erla/aflsf/
Banks, D. s/f. Glossaire de LSF. (version pdf)
Cafarel, A. s/f. Glossaire anglais-français des termes en Linguistique systémique-fonctonnelle. (version pdf)
Halliday, M. A. K. (1985). An introduction to functional grammar. Londres: Arnold.
Communication personnelle via courriel avec les rechercheurs Caffarel, Eason, y Banks de l’
Association Française de Linguistique Systémique Fonctionnelle
Une étude de l’image de la femme dans l’écriture féminine francophone de
l’Afrique noire et dans l’écriture féminine contemporaine en Inde d’expression
régionale qui relèvent d’une problématique commune.
Palkhiwale, Alpana - St. Xavier’s College, Mumbai
La dimension interculturelle reste la pierre angulaire de l’enseignement d’une langue. Comme
l’apprentissage n’est pas une simple acquisition de savoirs culturels liés à la langue apprise, il
importe de développer la capacité de l’apprenant à établir une relation entre sa culture d’origine
et la culture étrangère et à jouer le rôle d’un médiateur culturel pour redécouvrir et faire découvrir
sa propre culture en allant audelà des stéréotypes superficiels. Sous le nouveau cursus, nos
étudiants de la deuxième année étudient la littérature francophone. L’apprentissage du français
ouvre un monde littéraire à nos étudiants, et les aide à s’élancer vers la culture française ainsi que
francophone. Il leur introduit la culture des pays africains et les mènent vers une découverte de
ces civilisations. C’est à ce moment là que je me suis rendu compte que nos étudiants peuvent
plus facilement s’identifier aux oeuvres francophones de l’Afrique. Les protagonistes de ces
oeuvres reflètent la vie de leurs mères, leurs grand-mères et peut-être leur propre vie. Ce monde
romanesque de l’Afrique noire est plus proche d’eux que celui de l’Europe.
L’écriture féminine francophone de l’Afrique est vaste avec les écrivains comme Calixthe
Beyala, Fettouma Touati et Mariama Ba. Même en Inde, Meghna Péthé, Saniya et Asha Bage
créent un monde féminin à travers leur écriture en marathi. Mais la contrainte du temps ne nous
permet pas de parler de toutes ces écrivaines. A titre d’exemple on va concentrer sur le recueil
‘Àsthaa àni Gavarichi Bhaaji’ et ‘Hans Akela’ de Meghna Péthé ; les contes ‘Olakh’ et ‘Àapan àaple’
de Saniya, et le roman de Mariama Ba ‘Une si longue lettre’. On a trouvé beaucoup de parallélisme
intéressant entre l’image de la femme en Afrique noire et en Inde (Maharashtra).
Les changements socio-économiques dès 1991 et leurs manifestations dans la vie familiale
se reflètent dans le statut de la femme. Le monde romanesque leur offre un espace de rencontre
et de débat où elles se mettent à dialoguer et de mesurer l’évolution de leurs rôles dans la famille
et dans la société. Il s’agit d’appréhender comment à travers leurs actions et leurs aspirations les
femmes ont tour à tour façonné leur statut de la fille, de la mère, et de la femme.
Dans la société patriarcale prédominante en Inde et en Afrique les images et les représentations de la femme sont à partir de paramètres masculins. Donc il y a un besoin de redéfinir ces
images et de repenser le féminin. Les femmes se sont également habituées à se voir et à voir les
autres femmes comme des objets, il faut les libérer de cette prison de valeurs masculines. Le but
essentiel de cette communication est d’amener la femme dans ces deux régions à se voir
autrement. En mettant en cause l’image de la femme que
véhicule l’univers des romans, les femmes africaines et
indiennes découvriront leur vrai visage, leur voix réduite au
silence depuis des siècles. Pour toutes ces femmes il s’agit de
la déconstruction de l’ordre patriarcal à travers de nouveaux
rapports avec le corps, la maternité, la langue, l’identité, les
autres femmes et la justice sociale.
L’identité féminine est un fait social essentiellement ancré
dans l’histoire régionale. L’évolution du statut de la femme et
ses rôles sociaux émergent de son milieu social. Meghna
Péthé et Saniya sont les écrivaines urbaines nées en Inde post
indépendante. Leur enfance et leur jeunesse se correspondent
à l’évolution de la société urbaine surtout métropolitaine en
Inde. Les développements sociaux autour d’elles façonnent
leur vision de la ‘femme’ et du statut féminin. Avant 1947, très
nettement subordonnée à son père, puis à son mari, la femme
indienne ne sait qu’une valeur: obéissance inconditionnelle.
Elle est en réalité la première servante de l’homme que sa réelle
compagne. ‘Le sacrifice’ est l’essence de sa vie, ses aspirations, ses envies, ses sentiments, ses émotions, sa personnalité même son soi sont sacrifiés au nom de la tradition et des
préjugés.
Mais au cours du XXe siècle les relations familiales se sont
profondément transformées et ont transformé la conception
traditionnelle de la femme. L’écriture de Meghna Péthé et de
Saniya témoigne ce bouleversement des relations familiales
dans les grandes villes de l’Inde surtout à Mumbai. Les
changements sociaux de ces dernières décennies sont
ancrés dans le progrès économique et commercial de la
ville: explosion effectif scolaire, multiplication des
61
emplois, extension du salariat, transformation des structures familiales, immigration de la
population. La société devient hétérogène et l’étreinte des traditions s’affaiblit. Cet affaiblissement
des rites et des traditions aident à repenser et renouveler le ‘féminin’. Donc cette étude du ‘fait
féminin’ révèle par conséquent des transformations de la société dans son ensemble.
Sàniya commence à écrire pendant les années 1980, mais la plus grande partie de son oeuvre
ainsi que l’oeuvre de Meghna Péthé appartiennent aux deux dernières décennies. L’année 1991
est un grand tournant dans l’histoire de l’Inde. C’est le premier pas indien vers la libéralisation et
la globalisation. Ces deux phénomènes ont spectaculairement influencé la transformation
sociale. Ils ont également initié les changements sociodémographiques les plus notables de ces
dernières années: baisse de la nuptialité, baisse de la fécondité, apparition de nouvelles formes
de vie en couple et en famille, de nouveaux comportements en matière de contraception et de
procréation, de paramètres tout à fait innova tifs des relations physiques et psychiques entre les
deux sexes. Sàniya et Meghna Péthé explorent cet univers de la femme indienne.
9500 kilomètres de Mumbai dans la ville de Dakar au Sénégal, un pays qui a eu son
indépendance en 1960, un pays le plus industrialisé d’Afrique noire francophone s’ouvre un
monde romanesque de Mariama Ba dont les protagonistes ressemblent à celles de Sàniya et de
Meghna Péthé. Dans ces deux pays, l’ordre patriarcal a défini les rapports des femmes avec le
corps, la maternité et les autres femmes. Dans la société patriarcale prédominante en Inde et en
Afrique, les images et les représentations de la femme sont les créations de l’homme. Selon
Sàniya et Meghna Péthé ces images conditionnent le psychisme féminin même aujourd’hui.
Donc, il y a un besoin de redéfinir ces images. Elles se sont également habituées à se voir et à
voir les autres femmes comme des objets. Il faut libérer la femme indienne ainsi qu’africaine de
cette prison des valeurs masculines.
La femme n’est jamais acceptée, n’est jamais aimée telle qu’elle est mais comme telle qu’elle
doit être. Elle est constamment confrontée à l’image inaccessible de la Féminité. Autrefois elle
était obligée de définir son rôle d’après les femmes mythologiques et divines.
Vibha du conte ‘Chhaya, kaya maya’ de Meghna Péthé après son mariage semble être étouffée
par le piège vicieux des conventions. Je cite: Vibha fatiguée du voyage qui dure toute la journée
était entourée de sa belle mère, ses belles soeurs et les autres femmes de la belle famille. Les
conventions et les traditions ne la permettent pas de s’éloigner de leur regard surveillant qui
renforcent que des maintenant elle doit jouer le rôle de Sati Savitri (une femme idéale de la
mythologie hindoue) dans leur famille. Fin de citation.
Aujourd’hui cette image inaccessible de la féminité est réitérée par les publicités, les chaines
de télévision, même par les magazines destinées aux femmes. Une mère tendre, une femme
coquette, une ouvrière intelligente, en brève une divinité aux cents visages. L’indépendance
économique semble libérer la femme mais en vérité elle est poussée dans un labyrinthe des
attentes. Le piège est multidimensionnel: le foyer, le travail, les traditions et les conventions. Il n’y
a aucun repos.
Ramatoulaye dans le roman «Une si longue lettre», une femme qui travaille est un rappel de
toutes les femmes dans les métropolitaines indiennes quand elle dit.
Je cite «Allez leur expliquer qu’une femme qui travaille n’en est pas moins responsable de son
foyer. Allez leur expliquer que rien ne va si vous ne descendez pas dans l’arène, que vous avez
tout à vérifier, souvent tout à reprendre: ménage, cuisine, repassage. Vous avez les enfants à
débarbouiller, le mari à soigner. La femme qui travaille a des charges doubles aussi écrasantes
les unes que les autres, qu’elle essaie de concilier. Comment les concilier ? Là réside tout un
savoir-faire qui différencie les foyers». Fin de citation.
Dans la société patriarcale le foyer ne s’appartient qu’à la femme. On voit la présence
indifférente ou plutôt on peut dire l’absence de l’homme de toutes les responsabilités de la vie de
famille dans la plupart des contes de Sàniya et de Meghna Péthé.
Dans le conte ‘Chhaya kaya maya’ de Meghna Péthé, Nagesh sort de la chambre et sa femme
est envahie des questions Je cite: Qui est cet homme dans ma vie? Il écrase mes aspirations,
mes attentes. Il vit pour lui-même. Sa vie gravite autour de lui et il n’est pas au courant de ce
fait. Le seul mot qui le définit c’est l’égoïsme. Fin de citation.
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Le protagoniste du conte ‘Àasthaa àni Gavarichi Bhaaji’ de
Meghna Péthé, Anirudha ignore ses responsabilités vis-à-vis
de sa femme et de son fils. Les études, les maladies, les
réunions à l’école: tout est le domaine de la femme. Le père est
toujours absent.
Les attentes ne sont pas toujours de l’origine masculine. La
belle famille surtout la belle mère et la belle-soeur ne sont
qu’un miroir qui reflète la pensée patriarcale. Ce sont les
femmes qui nourrissent la perspective masculine. Le regard
aigu de la belle mère, sa surveillance, l’envie des
belles-soeurs, les attentes écrasantes de la belle famille et les
exigences rongent la vie d’une femme et ses aspirations. Le
sacrifice est le seul mot clé.
Ramatoulaye dans le roman «Une si longue lettre» dit, Je
cite Certaines de mes belles-soeurs n’enviaient guère ma façon
de vivre. Elles me voyaient me démener à la maison, après le
dur travail de l’école. Elles appréciaient leur confort, leur
tranquillité d’esprit, leur moment de loisirs et se laissent
entretenir par leurs maris que les charges écrasaient. D’autres,
limitées dans leurs réflexions, enviaient mon confort et mon
pouvoir d’achat. Elles s’extasiaient devant les nombreux
«trucs» de ma maison: fourneau à gaz, moulin à légumes,
pince à sucre. Elles oubliaient la source de cette aisance:
debout la première, couchée la dernière, toujours en train de
travailler… Fin de citation
Meghna Péthé, Saniya et Mariama Ba décrivent pour la
première fois les expériences des femmes qui gravitent autour
du corps. C’est un nouvel élément dans l’écriture. Parler des
expériences féminines par les femmes. On a abandonné la
perspective masculine. On nie le statut de la femme comme un
objet d’être possédé. L’institution du mariage qui se base sur
cette hypothèse de la femme comme un objet semble creuse,
d’où jaillit un des nombreux problèmes que rencontrent les
femmes au Sénégal, et dans tant d’autres pays africains, celui
de la polygamie. La femme comme un objet est réitéré quand
toutes les deux Ramatoulaye et Aissatou semblent victimes
d’un triste sort qu’elles n’ont pas choisi. Cela veut dire la
polygamie. Elles sont abandonnées par leurs époux qui
cherchent les jeunes filles dans leur vie. Modou le mari de
Ramatoulaye prend une lycéenne, une amie de sa fille qui est
du même âge que sa fille. Toutes les deux ont une vie
conjugale heureuse elles sont contentes elles sont mariées
pour l’amour et leurs maris Modou et Mawdo ont essayé dur de
solliciter leur main pour le mariage. Et donc pour toutes les
deux l’idée d’avoir une coépouse est douloureuse. Cela les
réduit au statut d’un objet.
Les tristes paroles de Ramatoulaye quand elle dit: Je cite: Et
dire que j’ai aimé passionnément cet homme, et dire que j’ai
porté douze fois son enfant. En aimant une autre il a brûlé son
passé moralement et matériellement il a osé pareil reniement.
Fin de citation.
Les deux hommes infidèles ont essayé de justifier leurs
actes d’infidélité. Ils les justifient en parlant de leurs instincts,
leur devoir, la fatalité et le destin. Ils ne veulent pas assumer la
responsabilité de leurs actions.
Je cite: Ce fait plaide la force des instincts enfouis dans
l’homme, instincts qui le dominent quelque soit son
intelligence.(..) On ne résiste pas aux lois impérieuses qui
exigent de l’homme nourriture et vêtements. Ces mêmes lois
poussent le ‘mâle’ ailleurs. Je dis bien ‘mâle’ pour marquer la
bestialité des instincts..Une femme doit comprendre une fois
pour toutes et pardonner ; elle ne doit pas souffrir en se -5souciant des trahisons charnelles. Ce qui importe c’est ce qu’il
y a là dans le coeur ; c’est ce qui lie deux êtres au-dedans Fin
de citation.
Mais Mariama Ba libère ses protagonistes de cette prison
de valeurs masculines.Ramatoulaye représente la redécouverte
de la voix féminine et elle refuse d’être un objet, quand Tamsir
sollicite sa main et elle répond
Je cite: Tu oublies que j’ai un coeur, une raison, que je ne
suis pas un objet que l’on se passe de main en main. Tu
ignores ce que se marier signifie pour moi: c’est un acte de foi
et d’amour, un don total de soi à l’être que l’on choisi et qui
vous a choisi. J’insistais sur le mot choisi. Fin de citation.
La bigamie ainsi que la polygamie est interdite en Inde par
l’Acte de Mariage Hindoue de 1955. Donc on peut dire c’est
une différence fondamentale entre les deux sociétés. Mais cette
une différence superficielle. Les héroïnes de Sàniya et de
Meghna Péthé ne doivent pas faire face au problème de la
polygamie mais elles ne sont que les objets sans personnalité,
sans identité, sans leur propre existence.
Le conte de Meghna Péthé ‘Athrava oont’ décrit la relation
entre un metteur en scène et ses actrices et l’isolement de sa
femme. Je cite Pourquoi le mariage ? Les raisons sont
différentes pour un homme et pour une femme. Pour un
homme la femme n’importe pas. Il est capable d’accepter
n’importe qu’elle femme qui est de beauté moyenne, sans
handicap, peut se conduire bien, faire le repas, se trouve a la
maison quand le mari rentre chez lui, est prête d’être baisée
quand le mari en a envie. Fin de citation.
l’individualisme. La recherche de leur identité pousse les femmes dans le labyrinthe de l’individualisme où le soi penche vers l’égoïsme. L’égoïsme prend les dimensions énormes et détruit la
famille, aveugle les femmes aux valeurs innées de l’existence humaine. La liberté féminine, la
rébellion perdent leur sens et deviennent les expressions creuses. Donc, l’essentiel est de trouver
un équilibre: le féminin ne doit pas devenir la proie des fausses idées de liberté et d’individualisme.
Les protagonistes de ces deux mondes romanesques: indiens et sénégalais semblent
entreprendre cette recherche d’équilibre. Le dernier chapitre du roman ‘Une si longue lettre’ ne
souligne pas l’égalité des sexes mais leur complémentarité.
Je cite Je reste persuadée de l’inévitable et nécessaire complémentarité de l’homme et de la
femme. L’amour, si imparfait soit-il dans son contenu et son expression, demeure le joint naturel
entre ces deux êtres. S’aimer ! Si chaque partenaire pouvait tendre sincèrement vers l’autre ! S’il
essayait de se fondre dans l’autre ! S’il assumait ses échecs et ses réussites ! S’il exhaussait ses
qualités au lieu de dénombrer ses défauts ! S’il réprimait les mauvais penchants sans s’y
appesantir ! S’il franchissait les repaires les plus secrets pour prévenir les défaillances et
soutenir, en pansant, les maux tus ! C’est de l’harmonie du couple que nait la réussite familiale,
comme l’accord de multiples instruments crée la symphonie agréable. Fin de citation.
Saniya dans son roman Aapan àaple dit. Je cite: c’est un voyage des jeunes pleins de sensibilité qui se trouvent au seuil d’une étape importante de la vie, où on est doué du pouvoir ainsi que
de l’opportunité de prendre les responsabilités. C’est un voyage vers la maturité avec les
questions diverses posées, une quête désespérée de trouver leurs réponses et d’approfondir la
croyance dans la vie harmonieuse et à travers tout cela provient la recherche et la compréhension
du Soi et de l‘autrui. Il y a un effort de se garder contre l’engourdissement du coeur. Fin de citation
Ainsi les protagonistes de Saniya, Meghna Péthé ainsi que celles de Mariama Ba parlent du
besoin d’avoir le choix: découvrir leur vrai visage, leur voix réduite au silence depuis des siècles.
Cette découverte de leur identité les conduira vers le chemin de la liberté. Nous attendons le jour
où la femme dans ces deux pays l’Inde et le Sénégal aurait le droit de dire: je suis avant tout un
être humain au même titre que l’homme mais à la fois je vais retenir le féminin chez moi.
Un autre moyen de libérer la voix étouffée depuis des
siècles est la représentation politique. Apres l’indépendance
les femmes sénégalaises ainsi que indiennes ont gagné les
droits politiques, le suffrage universel, la représentation dans
les Assemblées. Les protagonistes de Saniya et de Meghna
Péthé se penchent vers les idéologies socialistes. Celle de
Mariama Ba dit
Je cite: Mais Daouda, les restrictions demeurent, mais
Daouda, les vieilles croyances renaissent, mais Daouda
l’égoïsme émerge, le scepticisme pointe quand il s’agit du
domaine politique. La femme ne doit plus être l’accessoire qui
orne. L’objet que l’on déplace, la compagne que l’on flatte ou
calme avec des promesses. La femme est la racine première,
fondamentale de la nation où se greffe tout apport, d’où pat
aussi toute floraison. Fin de citation
Mais à chaque pas elles affrontent une opposition amère
des hommes, mais elles continuent la découverte de leur soi.
Conclusion
Ainsi, d’une part les femmes dans la société indienne et
sénégalaise semblent être les victimes des traditions patriarcales, d’autre part il y a un danger inné. Cette période du
progrès économique et technologique s’égale au progrès de
63
Situation, influences, importance del minorites francophones: VALD’AOSTE / ITALIE, ROMANDIE / SUISSE,
WALLONIE / BELGIQUE, QUEBEC / CANADA, LOUISIANE / USA
BROSSARD Jean-Pierre - Université de Guadalajara / Mexique
Importance de l’influence culturelle dans les années 1970 / 1980
Dans les années 1970/1980, il est intéressant de constater que c’est un élément culturel que
fait jaillir l’intérêt pour la Belgique, le Québec et la Suisse : le cinéma francophone. Il va susciter
un vif intérêt dans le petit monde des festivals de cinéma du monde, puis auprès d’un public :
cinéphiles qui fréquentent les salles d’art et essai présentant des cinématographies alternatives.
Durant une bonne dizaine d’années 1970 / 1980 le 7eme Art produit et réaliser par les minorités
francophones va représenter la culture de ces mêmes trois nations sur le plan international. D’une
certaine manière, il va en être de même avec les littératures très prolixes des petits frères francophones. Ces littératures comme le cinéma va devoir recevoir le satisfecit de Paris afin d’élargir
son public cinéphiles et de lecteurs. A cette époque, il était indispensable de d’avoir la reconnaissance de la critique parisienne pour faire qu’une oeuvre aussi bien littéraire que cinématographique atteigne un large public. Ce fut notamment le cas pour le cinéaste Alain Tanner (1929)
et « La Salamandre »(1971) ou Jacques Chessex(1934-2009) avec « L’Ogre » (1973) qui est le
seul écrivain romanda obtenir le Prix Goncourt. Ce que l’on peut nommer phénomène culturel va
avoir une importance sur la politique culturelle des états a minorité francophone puisque cette
minorité va être le porte drapeau utilise par ces mêmes nations lors de manifestations culturelles,
économiques ou politiques organisées par ces mêmes états à travers le monde. Grande
importance donc pour les pays mais aussi surtout pour les minoritaires qui se voient jouer un
rôle important pour leur propre pays qui va d’ailleurs établir de nouvelles lois de promotion de la
culture, se basant sur le succès des domaines que je viens de traiter.
ITALIE VAL D’AOSTE
Population de l’Italie 61.261.254 habitants (2011)
Val d’Aoste : 128.000 /90.000 francophones.
GDP por capita 30.100.-- $
Chômage : 10,2% (mai 2012)
Inflation : 2,8%
Langues reconnues : Italien, Français, Slovène, Allemand
Dépenses pour l’éducation : 4,3 % GDP
Partis politiques : Union Valdotaine, autonomiste.
VAL D’AOSTE / Italie
Le Val d’Aoste est une minorité linguistique, officiellement
francophone, constitue par une petite communauté montagnarde de quelque 100.000 habitants qui vit du cote italien du
Mont Blanc. Ce lieu a fait partie intégrante du royaume de
Savoie puis de Piémont – Sardaigne. Le français y est utilisé
depuis le 14e siècle dans l’administration, comme en Savoie.
Le français a été pendant longtemps la langue des élites
valdotaines, ca n’a plus été le cas depuis les années 1930 car
sous le régime de Mussolini, le Val D’Aoste a souffert de la
politique d’italianisation brutale du régime fasciste. Apres la
seconde guerre mondiale le Val d’Aoste a obtenu un statut
d’autonomie très avantageux base sur un statut de région
bilingue français /italien. En 1945, est fonde un mouvement
politique fédéraliste qui existe toujours l’Union Valdotaine. Les
noms de villes n’ont qu’une seule forme officielle, la forme
française, l’administration a beau être bilingue, et favoriser
largement le français, l’éducation a beau être officiellement
bilingue a tous les niveaux depuis les années 1980, rien n’y
fait, le français reste une langue étrangère pour la majorité de
la population qui, bien que capable de la parler, ne l’utilise pas
pour les interactions entre valdotains. C’est la langue des
autonomistes, car parler français a Aoste, c’est montrer une
appartenance politique. En réalité, la problématique linguiste
est plus complexe. Durant des centaines d’années ont a vu
cohabiter le français, le franco-provençal, le piémontais et le
latin, une bonne partie de la population étant pour le moins
trilingue. Le français s’utilisait pour parler aux classes
dirigeantes, le franco-provençal ou patois entre soi et le
piémontais pour le commerce.
Aujourd’hui, le français a presque disparu d’un usage
quotidien, alors que le franco-provençal est parlé par plus de
40% de la population et compris par 60 % des valdotains de
toutes les générations. Et demain ? Le gouvernement valdotain
ne va pas laisser tomber le français, qui lui garantit un statut de
large autonomie et des revenus confortables. Il existe des
projets d’introduction du franco-provençal dans les écoles car
son image s’est notablement améliorée ces trente dernières
années. Mais il semble que le gouvernement valdotain ne
prenne pas réellement conscience des enjeux sociaux et
linguistiques : le franco-provençal est une langue menacée au
Val d’Aoste, et sans une politique linguistique digne de ce
nom, dans cinquante le français subsistera, parler par une
minorité et le franco-provençal aura disparu. Signe d’espoir
tout de même, le gouvernement valdotain commence a éditer
des publications pour la jeunesse en franco-provençal.
64
SUISSE
Populations : 7.655.628 habitants (2012)
GDP pro capita : 43.400.-- $
Chômage : 2 %
Inflation : 0,4%
Langues : reconnues Allemand : 64 %, Français 20 %
Italien :7,5%, romanche 0,5%, autres 7%
Dépenses pour l’éducation : 5,2 %
LA SUISSE
La définition d’un modèle capable de faire vivre ensemble
les communautés est appelé un « pacte linguistique » qui doit
être compris comme étant les mécanismes garantissant les
équilibres politiques et le respect des minorités. L’avènement
d’un tel pacte linguistique en Suisse ne fut possible que par la
nature démocratique du système politique permettant l’expression de tous les acteurs de plus le fédéralisme a été choisi
comme la solution politique qui permet de faire vivre ensemble
les communautés nationales. La Suisse a relativement réussi a
construire son équilibre dès sa naissance comme Etat
moderne en 1848. L’allemand était la seule langue de
l’ancienne Confédération helvétique qui était avant tout une
ligue d’Etats germaniques. Durant la tutelle française
napoléonienne, entre 1798 et 1813, le français et l’italien
devinrent des langues officielles, mais dans la foulée de la
Restauration, l’allemand fut rétabli comme langue officielle
unique.
L’intégration du territoire de l’évêché de Bale d’autrefois au
canton de Berne en 1815 ne fut pas une solution viable à terme.
La Constitution fédérale de 1848, organisa une Suisse unitaire,
fédérale et démocratique et rétablit le trilinguisme. Une des
vertus du fédéralisme fut d’assurer l’autonomie cantonale aux
minorités et quelques équilibres au niveau central. La Suisse
fait confiance a la pluralité de ses entités fédérées (26 cantons
dont 6 majoritairement francophones) pour permettre aux
minorités (religieuses et linguistiques) de se préserver d’un centralisme trop marque par l’esprit
protestant et/ou germanophone. En 1939, le retho-romanche, langue ultra minoritaire alors en
voie de disparition, a acquis le statut de langue nationale (mais pas administrative) sauf dans sa
région.
L’unique dérogation surgit des 1947, avec le mouvement séparatiste du Jura qui revendique
un canton propre pour le peuple jurassien fort de quelques 60.000 habitants. L’histoire de la
séparation du Jura du canton de Berne va connaitre une trentaine d’années de péripéties qui voit
la division du Jura en région Nord indépendantiste et Sud qui reste rattache au canton de Berne
et finalement en 1978 le peuple suisse accepte le canton du Jura comme membre de la
confédération avec une majorité de 81%.La question jurassienne a fait trembler quelques
certitudes helvétiques sur l’absence de conflits linguistique. Si le principe de l’autodétermination
a permis aux Jurassiens de choisir leur canton d’appartenance et a la Suisse de se féliciter des
vertus de la démocratiehelvétique, la question du Jura a montrer que l’Helvétie n’était pas à l’abri
de conflits nourrissant violence et haine locale. Le pacte linguistique est implicitement insère
dans le pacte fédéral qui, lui-même, repose sur une vie collective a 26 et pas à quatre groupes
linguistiques. Dans la pratique, l’hégémonie alémanique – de par son poids démographique
–deux tiers de germanophones contre un tiers de francophone – reste acceptable pour les
minorités francophones et italophones tant qu’il s’agit d’un léger paternalisme politique et non
pas d’un égocentrisme nationaliste comme cela est apparu dans les années 1990. La dernière
version de la Constitution fédérale (avril 1999), l’article 70 de la nouvelle loi sur les langues
souhaite renforcer « l’intercompréhension des langues », en promouvant les échanges entre les
régions linguistiques. Les minorités redoutent toujours la trop forte prépondérance alémanique
de la Suisse de la finance qui risque de relativiser la faiblesse du poids de la Romandie en termes
de poids démographique, d’autonomie politique et de dépendance économique. Un phénomène
nouveau est apparu dans les années 2000/2010 avec le désir de plusieurs cantons alémaniques
de substituer l’anglais au français comme option linguistique, décision qui pourrait rompre les
bonnes pratiques du pacte dont nous avons parlé antérieurement. Il ne faut pas oublier qu’au
parlement, si les Romands ou les députés italophones veulent faire entendre leurs voix ou faire
passer leurs propositions au parlement, ils doivent s’exprimer en Suisse – allemand, ou alors
voir l’hémicycle parlementaire se vider des députés, qui préfèrent aller fumer ou boire un café à
la buvette que de faire l’effort d’écouter les propositions de leurs coreligionnaires !Un nouveau
sujet de discorde entre les communautés linguistiques a surgi comme nous l’avons mentionné
antérieurement avec l’arrivée au parlement fédéral de partis politiques d’une droite néo-libéral
issue de la Suisse économique dominante. Ainsi, plusieurs cantons de Suisse alémanique,
notamment la ville de Zurich, des cantons de Suisse primitive (Suisse fondatrice) et celui des
Grisons (communautés romanches) remettent en cause l’apprentissage du français comme
première langue seconde, en prônant l’enseignement de l’anglais dès l’école primaire. Cette
tendance impliquerait de retarder l’enseignement du français qui deviendrait une deuxième
langue étrangère ou même, dans certains cantons, une troisième langue étrangère, reléguée au
secondaire. La presse romande s’est emparée du sujet, et agite le spectre de l’anglais, langue
concurrente, menaçant l’effort de cohésion nationale du pays et dénoncent la « traitrise » des
Suisses alémaniques.
Il est devenu clair pour chacun en Suisse que la maitrise des langues nationales plus l’anglais,
langue internationale, permet d’accéder a un bon emploi et a un meilleur salaire tant dans le
secteur administratif, éducatif de même que dans le secteur privé du commerce et des entreprises. Posséder des langues nationales représente donc une « plus-value » reconnue dans le
parcours académique et, ou professionnel des Suisses. Cette plus-value contribue également a
la mobilité interne, le plus souvent de la Suisse Romande vers la Suisse alémanique, cette
dernière concentrant les pôles économique et politique.
La Suisse découvre la francophonie politique
En 2010, pour la première fois en 40 ans d’histoire de la Francophonie, la Suisse a accueilli
en grande pompe, la plus haute instance de l’organisation faisant résonner au bord du lac Léman
la voix des francophones qui sont une minorité dans la
Confédération helvétique. Il s’agit d’un des plus importants rendez-vous internationaux que la
Suisse ait organise avec la présence de 40 chefs d’état et de gouvernement, quelques 3000
délégués et près de 600 journalistes. Mais l’intéressant est ce qui s’est passe dans les coulisses avant la rencontre qui était prévue à Madagascar mais qui n’a pas pu avoir lieu en raison
des troubles politiques qui perturbèrent l’ile malgache. La Suisse donc a hérité de la
65
rencontre au pied levé. Les organisateurs romands ont présenté le projet au parlement à majorité
Suisse alémanique et les parlementaires ont rogne le budget propose de 35 à 30 millions de
francs, trouvant exagéré les pauses cafés a 19 FRS par personne !!! La rencontre qui se livra a une
réflexion sur les orientations futures de l’OIF permis également au président Sarkozy d’exposer
des priorités du G 20 au sommet de la francophonie marquant également quelques pistes a future
pour le continent africain qui est le lieu de la plus grande croissance des parlants francophones
dans le monde. La réunion de Montreux démontra également que la francophonie doit a l’avenir
prendre position sur les grands dossiers de la planète et que l’OIF est devenu un acteur de plus
en plus présent dans la solution de conflits internationaux.
BELGIQUE
Population : 11.071.483 habitants (2011)
Flamands 57% ; Wallons 40% ; Allemands 1% ; divers 2%.
GDP pro capita : 37,600.-- $
Chômage : 7,7 %
Inflation : 3,1 %
Langues reconnues : flamand, français, allemand
Dépenses pour l’éducation : 6,00%
LA BELGIQUE
Grace à sa situation géographique, a ses voies de communication développées, la Belgique
occupe une position stratégique dans la vie économique et politique de l’Europe. Ayant acquis
son indépendance en 1830, la Belgique, nouvel Etat est dans un premier temps, unilinguiste
francophone. Il a fallu une centaine d’année pour effacer la minorisation linguistique des néerlandophones. La majorité flamande voyait sa place légitime de sa langue reconnue (1893-1932), la
minorité wallonne s’inquiétant a son tour de son statut de minorité. Ultérieurement, le pays a
connu quatre reformes constitutionnelles en 1970, 1980, 1988/89 et en 1993 qui ont été les
étapes ayant fait évolué progressivement le pays d’un état unitaire a un état fédéral. L’article
premier de la constitution dit que la Belgique est un état fédéral qui comprend des communautés
et des régions. Il existe trois communautés : la flamande (57%), la francophone(40%) et la
germanophone (1%) et diverses autres communautés, comme la musulmane qui a cru
fortement au cours des dernières années. L’Etat fédéral est responsable de tous les domaines
qui ne sont pas ceux de la langue, de la culture et de la région. Autre spécificité du système
66
politique belge, il n’existe pas de parti politique au niveau
fédéral mais des partis différents pour chaque zone linguistique. Etudiant les affinités entre les nationalismes francophones ou autres, en particulier ceux de la Belgique et le
Québec, et si l’on est tente de considérer plutôt le français, tout
au contraire le nationalisme québécois ressemble plus au
nationalisme flamand qu’au wallon. Les nationalismes flamand
et québécois sont tous deux motives par une distinction
linguistique ; ils ont tenté de redresser la division culturelle du
travail et ils ont également essaye de bâtir des structures
politiques de rechange a l’Etat central afin de parvenir à une
redistribution culturelle du pouvoir. Cependant la situation a
évoluée vers une option différente : depuis la rupture des
négociations de la Nouvelle Alliance Flamande (NAF) d’avec
les représentants des formations francophones, la question de
la séparation du territoire est désormais posée. Les mois de
2010/11 sans solution politique pour le pays ont provoqué ce
qui sera considéré comme une provocation conduisant a la
sécession avec des conséquences pour une ville comme
Bruxelles, considérée comme la capitale de l’Europe.
Si les Flamands peuvent être considéré comme les Québécois de la Belgique, a l’oppose, les francophones belges sont
plutôt les « fédéralistes »de la Belgique. Les deux communautés constituant la francophonie belge, les Wallons et les
Bruxellois, ont une vue de la Belgique très semblable à la
vision canadienne-anglaise du Canada. Ils font ainsi souvent
référence a un nationalisme « civique » tout en critiquant ce
qu’ils considèrent comme un nationalisme flamand ethnique.
La population de langue néerlandaise de la partie nord de la
Belgique, malgré son plus grand territoire, sa richesse plus
importante et sa démographie plus imposante que la partie sud
francophone, a produit un nationalisme ressemblant à
plusieurs égards au nationalisme québécois. Malgré tout,
plusieurs éléments les distinguent. De son cote le nationalisme flamand a été porte par la démocratie chrétienne, alors
que le nationalisme québécois a plutôt profite de l’appui de la
gauche laïque. Pour sa part, le nationalisme wallon se situe
clairement dans un cadre idéologique de gauche, mais se
distingue du nationalisme québécois par l’absence de revendications linguistique et culturelles. En Belgique, le gouvernement de la Communauté française a adopté plusieurs décrets a
caractère linguistique. Les décrets règlementent l’emploi de la
langue française dans les domaines de la radiotélévision et des
relations sociales entre les employeurs et leur personnel : le
Décret sur la défense de la langue française du 12 juillet 1978
reste l’un des principaux textes juridiques. Le décret imposait
l’usage de termes français a la place de termes étrangers dans
une série d’actes et de documents d’intérêt public ; cette
mesure visait notamment à combattre les anglicismes.
En ce qui a trait au code linguistique (la langue elle-même),
le Service de la langue française de la Communauté française
de Belgique a établi huit grandes actions pour une politique de
la langue française :
-la recherche et la publication de données objectives sur la
situation du français ;
-l’enrichissement de la langue française : néologie et
terminologie ;
-la féminisation des noms de métiers, de fonction, de grade
ou de titre ;
-l’amélioration de la lisibilité des textes administratifs ;
-la promotion du français dans les sciences ;
-la promotion du plurilinguisme et de français dans les
institutions de l’Union européenne ;
-la sensibilisation du public a sa langue ;
-la coopération avec les autres organismes de promotion de
la langue française.
CANADA QUEBEC
Population du Canada : 34.300.083 (2011)
Anglais 58,8 %, Français 21,6 %, Autres 19,6 %
Population du Québec : 8.002.098 (2011)
Français 81 %, Anglais 8 %, autres langues
non officielles 10 %
GDP pro capita : 40.300.- $
Chômage : 7,5 %
Inflation : 2,8 %
Dépenses pour l’éducation : 4,9 %
le-France s’accélère entre 1660 et 1713. Au cours de la guerre franco-anglaise, les armées de Wolfe
assiègent Québec. La bataille des Plaines d'Abraham marque la défaite des troupes de Montcalm,
le 13 septembre 1759. Quatre ans plus tard, par le traite de Paris, le roi de France cède à « Sa
Majesté britannique, en toute propriété, le Canada avec toutes ses dépendances ». Cette cession
entraine vers le Nouveau Monde, une importante immigration de colons, anglais, irlandais et
écossais.
Après la conquête de 1760, le Canada est devenu une colonie britannique, comportant, dans la
vallée du Saint – Laurent, un inaltérable bassin de population francophone. En 1791, l’Acte
constitutionnel du Canada établit deux provinces : le Haut-Canada (l’Ontario) a majorité
anglophone, et le Bas-Canada (le Québec) a majorité francophone. De 1837 à 1838, la Rébellion
des Patriotes du Bas-Canada se solde par une cuisante défaite face à l’armée anglaise. En 1867, la
signature de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique consacre la fédération des provinces du
Canada, qui compte alors le Québec, l’Ontario, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Ecosse. A la
fin du XIXe siècle, le Canada était devenu un Etat anglophone comportant une minorité francophone dont seul le cadre provincial du Québec assurait la réalité politico-territoriale propre.
Longtemps le Québec s’enferma politiquement dans le conservatisme politique affirmant certes une
forte défense de l’autonomie provinciale face a Ottawa, mais admettant finalement le statu quo
linguistique.
Jusqu’au début du XXe siècle, la vie économique québécoise est étroitement liée à l’agriculture
et à l’industrie forestière. Par la suite, le processus d’urbanisation s’accélère et la croissance du
secteur manufacturier attire les ruraux vers les villes. A cette époque, le Québec continue d’accueillir des immigrants, en majorité de souche européenne, qui fuient les guerres et la misère.
Dans les années 1960, de profonds changements touchèrent le Québec, et la sécularisation de
la société favorisa aussi l’éclosion d’un nouveau nationalisme dont l’un des combats était d’asseoir
définitivement le caractère francophone de la province.
Entre 1960/70, Le Canada lui-même évoluait. Les élites anglophones ne se reconnaissaient pas
dans le processus d’américanisation de la société canadienne dont le symbole visible fut le drapeau
à la feuille d’érable de 1964. Face aux Etats-Unis et à l’héritage britannique, la double nature
linguistique du Canada apparaissait comme un facteur de personnalité propre. A cette époque
également le secteur de l’éducation a été le premier champ de bataille du nouveau mouvement
nationaliste, qui faisait également pression en faveur de réformes modernistes. Jusque-là, le
système éducatif au Québec était dual catholique et protestant. Après la campagne pour une
réforme de l’éducation qui a su rassembler aussi bien le mouvement laïque de la langue française,
que l’école laïque de Montréal, le rassemblement pour l’indépendance nationale et le mouvement
souveraineté – association, semant les germes d’un nouveau nationalisme progressiste et laïque.
LE QUEBEC
Envoyé par François 1er, roi de France, Jacques Cartier
aborde Gaspé en 1534 et prend possession d’un territoire habite
depuis des millénaires par des Amérindiens et des Inuits. Puis
en 1608, Samuel Champlain accoste sur la rive Nord du fleuve
Saint-Laurent, en un endroit que les Indiens appellent Kebec. En
1642, Paul Chomedey de Mainsonneuve fonde une petite
mission d’évangélisation qu’il baptise Ville-Marie et qui deviendra Montréal à la fin du XVIIIe siècle L’expansion de la Nouvel-
Dix ans plus tard, les débats autour de la question de la prépondérance du français se cristallisent. Entre 1965 et 1971, la commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme
(Commission B & B) créée par le gouvernement, constata officiellement la mauvaise situation des
francophones au Canada et la place mineure du français dans l’administration fédérale. Dans les
provinces, les minorités francophones du Canada anglais étaient menacées d’anglicisation, alors
qu’au Québec même, le français ne bénéficiait pas de la place qui devait lui revenir. La Loi 22 de
1974 rend le français langue officielle dans l’enseignement, mais permet à tous l’accès à l’école
anglaise à condition d’en réussir le test d’admission, inutile de constater que cet Loi est mal reçue
aussi bien par les francophones que par les anglophones. En 1976, le Parti Québécois, dirige par
René Levesque est porte au pouvoir. Ce changement politiquepermit de mettre en oeuvre une
politique linguistique ambitieuse, avec le vote par l’Assemblée nationale québécoise en 1977 de la
Charte de la langue française. La fameuse « Loi 101 » établit au Québec la primauté absolue de la
langue française tout en engageant un processus volontariste de francisation de la société. Quatre
ans plus tard, la population rejette, par voie de referendum, le projet de souveraineté – association
avec le gouvernement fédéral ( 40,4 % en faveur).Un projet similaire sera à nouveau rejeté en 1995
(pour 49,40%). Au cours de ces dernières années, le nationalisme québécois s’est transformé pour
devenir plus libéral et sécessionniste que social-démocrate. Bien que toujours base sur la défense
de la langue française, qui reste le « cheval de bataille », ce néonationalisme se caractérise
paradoxalement par un ancrage territorial, abandonnant par cela-même les francophones éparpillés
dans les autres provinces.Les souverainistes sont très confiants lorsqu’ils évoquent l’avenir. Pour
eux, il ne fait aucun doute que le prochain referendum sera le bon. Cet optimisme repose sur le fait
que les jeunes québécois se montrent beaucoup plus nationalistes que leurs ainés. Ceci
s’explique en partie par l’éducation qui leur est donnée dans les écoles. Les manuels d’histoire,
notamment, rédigés selon la volonté des souverainistes au pouvoir, sont axes sur le conflit
67
canado-québécois et sur l’opposition continuelle entre anglophones et francophones au cours de
l’histoire de l’Amérique du Nord. Les jeunes sont donc nourris de ce sentiment anti-anglophone.
Rappelons que le territoire du Québec est égal à la superficie de la France, de l’Allemagne et de
l’Espagne réunis. Jouissant d’un niveau de vie élevé, le Québec possède des richesses naturelles
et énergétiques abondantes. Il se distingue dans les secteurs du génie, du transport, des télécommunications, de l’aéronautique et de l’aérospatiale, de la recherches et des soins médicaux, de
l’informatique et des biotechnologies et des énergies alternatives.
Pour sa part, le Canada n’a jamais clarifie les usages linguistiques officiels dans les zones
minoritaires, participant de leur fragilité et nourrissant la contestation québécoise.
Actualité
Très intéressant le débat lance par les étudiants en révolte contre l’augmentation des taxes
universitaires.
Ce conflit qui oppose depuis plus de trois mois, le monde universitaire aux politiciens entre
dans le cycle des « indignes » qui de par le monde luttent pour des causes communes ou voisines
comme l’éducation pour tous, le chômage des jeunes qui atteint dans certains pays 40 / 50 % pour
la tranche d’âges 17 / 25 ans, comme c’est notamment le cas en Espagne et en Grèce.
Les étudiants ont été rejoints par leurs parents, les retraites, les chômeurs et des manifestants
de tous les horizons venus s’opposer a l’augmentation des frais de scolarités.
Ces mouvements se sont étendus non seulement en Europe mais également en Amérique
Latine, Chili et Mexique notamment. Dans ce dernier pays, le mouvement estudiantin manifeste
contre les politiciens et plus spécifiquement pour le peu d’intérêt que ces derniers portent à
l’éducation, a peine mentionne dans leurs programmes électoraux.
On remarque donc que de nouveau, les protestations, les manifestations d’une ampleur grandissante, sont les seuls moyens dont disposent les jeunes pour se faire entendre, la rue imposant et
forçant au dialogue à la politique établie.
LOUISIANE / ETATS - UNIS / USA
Population de la Louisiane : 4,601.893 habitants (2010)
Capitale : Baton Rouge
Superficie :125.625 km2 ( l/4 de la France)
Origines : 16,8 % Français Américains : 9,5%
8,3 % Allemands Irlandais : 7,5 %
6,6 % Anglais Italiens : 4,8 %
% Racial Blancs 62,6 %
Noirs 32 %
Natif Americain 0,7 %
GDP pro capita : 30.952 $ (41eme)
Chômage : 7, 4 %
Inflation : 2,8 %
Dépenses pour l’éducation : ???
Au XVIIe siècle, les Anglais fondent autour de Boston les treize
colonies qui constitueront le noyau des Etats – Unis d’aujourd’hui.
Mais les Français sont, eux aussi, présents et construisent au nord et
à l’ouest de la Nouvelle Angleterre, une Nouvelle – France. Samuel
Champlain avait fait du Québec un centre commercial de fourrures,
les Jésuites avaient fondé des missions sur le lac Michigan, bases
idéales de départ pour les explorations. C’est de là que partirent en
1673, Joliet et le père Marquette, un trappeur et un jésuite, sur de
petits canots d’écorce jusqu’au Mississippi.
Plus tard Cavalier de la Salle et son équipe devaient entreprendre
la plus périlleuse mais aussi la plus glorieuse des expéditions : la
descente du Mississippi. Parti du Lac Michigan, à l’emplacement
approximatif de Chicago, ils trouvèrent le vieux fleuve encombré de
glaces, lors de leur traversée de l’Illinois. Mais au fur et à mesure
qu’ils progressaient vers le Sud les eaux devenaient de plus en plus
chaude, la végétation plus luxuriante ; ils débouchèrent ainsi dans le
Golfe du Méxique. La Salle pris officiellement possession de
l’immense empire qu’il venait de découvrir et le nomma Louisiane, en
l’honneur du roi Louis XIV. C’était le 9 avril 1682. Mais le Roi Soleil
était trop occupé par ses guerres en Europe et l’aménagement de son
château à Versailles, pour se soucier d’un tel gain perdu au coeur du
Nouveau Monde. Il accorda alors à La Salle quelques vaisseaux, une
petite troupe, mais cela était insuffisant. En 1687, au cours d’un
second voyage en Louisiane, La Salle devait être assassiné par un de
ses compagnons de route. Le sacrifice de La Salle ne devait pas rester
inutile, car il se trouvait des hommes ambitieux comme d’Iberville et
son frère Bienville. Le premier fonda en 1699, une petite colonie à
Mobile, sur le Golfe du Mexique (aujourd’hui en Alabama). Le
second, la Nouvelle Orleans en 1718.
Ces deux colonies perdues au milieu d’un immense domaine
allant du Québec au Golfe du Mexique.
Présence française en Louisiane
En 1712, le vaste territoire de Louisiane est administré par Antoine
Croizat qui a toute liberté de commerce sur l’ensemble de la colonie.
Il est prévu de faire venir, chaque année, de France un certain nombre
de colons ;ils représenterons le premier noyau d’une présence
française sur le territoire. Croizat est remplaçé par le banquier John
Law, en 1717 qui fonde la Compagnie du Mississippi.
Il recrute près de 1600 allemands en Rhénanie et en Silésie ; ils
fondent une colonie près de La Nouvelle-Orléans (région dite « des
Allemands »).
Mais les rivalités entre colons anglais et colons français devaient
vite apparaitre : l’insouciance du roi, l’indifférence des Français firent
le reste. Les forts et les villes fortifiées de la Nouvelle France, au nord
des Grands Lacs (Fort Frontenac, Québec) tombèrent les uns après
les autres. Le traité de Paris de 1763, donne aux Anglais tous les
territoires français d’Amérique du Nord, sauf la Louisiane, qui fut
cédée à l’Espagne par un accord secret.
La perte du Canada devait annoncer la disparition de la forte
présence française sur le continent Nord-américain.
En 1800, Napoléon réacquière la Louisiane de l’Espagne par le
traité de San Ildefonso, un arrangement maintenu secret pendant deux
ans.
« Aux mains des Américains, la Louisiane sera plus utile à la
politique et même au commerce de la France que si je tentais de la
garder »déclare à St-Cloud le 10 avril 1803,le premier consul. Pour
les Américains, la Louisiane représente une excellente affaire,
l’acquisition de 2.275.000km2 pour la somme dérisoire de
68
11.250.000 dollars (soit trois dollars par hectare). En mars 1804 est
nommé un premier gouverneur américain, William Clairbone. Huit
ans plus tard, la Louisiane est admise dans l’Union en tant qu’Etat.
La population compte près de 77.000 habitants en 1810 qui
doublera 10 ans plus tard. L’Angleterre a des visées sur la Louisiane
mais les habitants s’allient pour faire rétrograder les Anglais. En 1815
la Louisiane est libre et peu aller vers le progrès, même si subsiste
une honteuse traite d’esclave.
Vers 1850, les planteurs firent leurs fortunes, constituant ainsi les
premiers millionnaires américains. A cette époque, 66.000 familles
possédaient alors 20 esclaves, cependant que 2.000 familles en
possédaient plus de 100.
En1861, treize Etats du Sud, esclavagistes, font sécession. Moins
bien organisés que les Nordistes, ces derniers s’emparent de la
Nouvelle-Orléans en 1862 après cinq jours d’intenses bombardements. La Louisiane est ravagée, ruinée, occupée par les troupes du
Nord jusqu’en 1877. Elle sera réadmise dans l’Union en 1868, mais
avec une Constitution qui assurera aux Noirs émancipés le droit de
vote.
En 1901,la découverte du pétrole, la conquête du chemin de fer,
les débuts du jazz, annoncent une nouvelle Amérique, un nouveau
Sud, une Louisiane moderne.
Dans l’actualité il n’existe pas de réelle désir de faire reconnaître le
français comme langue officielle des Etats – Unis, bien que certains
textes officielles et légaux du XIXeme siècle n’existe qu’en français.
ANNEXE INFORMATIF SEPARATION DE LA
TCHECOSLOVAQUIE
Apres la révolution de velours, la séparation de velours
Les Tchèques et les Slovaques ne regrettent pas leur
sécession
Certains prennent comme exemple ce qui s’est passe en Europe
centrale après l’effondrement du mur de Berlin, ou nous avons deux
exemples un mauvais le démentiellement douloureux de la Yougoslavie et la séparation à l’amiable de la Tchécoslovaquie. Dans ce dernier
cas, les dirigeants des deux parties du pays ont mis en oeuvre,
quelques années après la Révolution de velours, une "séparation de
velours". A peine une semaine après la proclamation de
l’indépendance par le Parlement slovaque, l’affaire était réglée. Le 31
décembre 1992, la Tchécoslovaquie cessait officiellement d’exister.
Selon les hommes politiques concernés, les dissensions étaient
devenues insurmontables.
Les habitants ne furent pas tous satisfaits de cette évolution, loin
de là. D’après les sondages, une majorité des Tchèques et des
Slovaques étaient même contre. Mais aujourd’hui, ils ne regrettent
pas cette séparation. Même les Slovaques, les petits frères fragiles, et
pauvres n’en ont pas souffert sur le plan économique. En tant que
citoyens d’un Etat indépendant, ils savent mieux se défendre que
lorsqu’ils dépendaient des finances des Tchèques.
Ce sont surtout leurs relations mutuelles qui ont tiré parti de la
séparation. Elles sont actuellement bien meilleures que lorsque les
Tchèques et les Slovaques étaient compatriotes.La séparation de
velours devrait donc être un possible exemple pour la Belgique, où les
problèmes communautaires sont bien plus exacerbés que dans
l’ancienne Tchécoslovaquie. Une crise économique n’est par ailleurs
pas à redouter. Contrairement aux Tchèques et aux Slovaques en
1992, les Flamands et les Wallons ont le filet de sécurité du marché
unique européen.Même en ce qui concerne le problème de Bruxelles, qui est à la fois une région distincte
et la capitale de la Flandre, la séparation n’est pas forcément un obstacle.
La conception d’une solution belge ne devrait donc pas, surtout en des temps où la notion de territorialité est plus flexible, constituer une mission insurmontable. Le pacte linguistique est fragile, il peut trembler
quand l’une des communautés dénonce l’impérialisme linguistique de l’autre lors de frictions nationales
(par exemple les langues dans l’administration fédérale) ou locales (le bilinguisme dans certaines
communes). L’entente nationale tremble surtout pour des raisons économiques et politiques d’inadéquation
des intérêts et des aspirations des communautés.
EVALUATIONS DES T E N D A N C E S POLITIQUES ECONOMIQUES ET CULTURELLES
SITUATION 2014 APRES AUDITION DE L’EXPOSE SUR LA PROBLEMATIQUE
REGIONS PAYS
MOUVEMENT PARTI AUTONOMISTE
SITUATION ACTUELLE
VAL D’AOSTE
ITALIE
ROMANDIE SUISSE
WALLONIE BELGIQUE
QUEBEC
CANADA
LOUISIANE
ETATS – UNIS
EVALUATIONS DES T E N D A N C E S POLITIQUES ECONOMIQUES ET CULTURELLES
SITUATION 2014
VAL D’AOSTE
Parti autonomiste très minoritaire
Ne revendique pas
l’indépendance
ni la session de l’Italie
ROMANDIE/SUISSE
Mouvement autonomiste qui a
obtenu l’indépendance autonomie
cantonale pour la partie Nord du Jura
francophone, le Sud devant encore
prendre des décisions dans les mois
qui viennent.
Les francophones ont obtenus
quelques avantages dans les années
1960 /1980. Le français dans les
régions germanophones connait des
sorts divers étant en forte
concurrence avec l’anglais en
particulier dans la capitale
économique Zurich
WALLONIE/ BELGIQUE
Bien que minoritaire, le français
domine jusque dans les années
1980/90 la scène belge. avec la
résurgence de parties et mouvements
flamands demandant la séparation de
la Belgique
Les partis flamands demandant un
référendum, les partis francophones
sont toujours favorables a un pays
uni. L’argument flamand étant que la
Flandre est riche et la Wallonie
pauvre.
CANADA/QUEBEC
Parti indépendantiste qui s’est déjà
présenté deux fois devant les citoyens
pour promouvoir l’indépendance du
Québec et n’a pas obtenu le succès
souhaité
Bien qu’une entité québécoise
indépendante soit viable pouvant
être le 8eme pays du monde, les
habitants en particulier les
émigrants préfèrent la sécurité du
Canada.
ETATS - UNIS LOUISIANE
Parti indépendantiste très minoritaire qui
a obtenu quelques avantages pour la
promotion du français
Efforts et soutien au niveau de
l’éducation et de la culture, mais
impossible de penser que français
puisse être considéré comme langue
nationale, l’espagnol avec une
population bien supérieur n’a
jamais pu l’obtenir.
69
Regards croisés sur le discours académique: analyse comparatiste du
résumé de communication en français et en espagnol
FERNÁNDEZ, Marcela B. - Universidad Nacional de Rosario, [email protected]
LIFFOURRENA, Andrea - Universidad Nacional de Rosario, [email protected]
Résumé: Le résumé de communication revêt des complexités multiples même s’il apparaît
comme un genre académique simple. A partir de l’analyse d’un corpus de 40 textes en espagnol
et en français du domaine de la linguistique générale et de la linguistique appliquée, l’article
décrit les caractéristiques génériques du résumé de communication dans une perspective
contrastive dégageant celles communes à l’espagnol et au français et celles propres à chaque
langue. Les résultats de la recherche enrichissent le débat sur l’analyse des genres textuels ainsi
que les possibilités d’interventions pédagogiques.
Motsclés: résumé de communication, perspective contrastive, linguistique.
Abstract: The conference abstract involves multiple complexities although it poses as a
genre of apparent simplicity. Through the analysis of a corpus of 40 general linguistics and
appliedlinguistics texts both in Spanish and French; this article describes the generic characteristics of the conference abstract in view of a contrastive approach. It highlights the characteristics
which both languages bear in common as well as the specific characteristics of each. The
outcome of the research brings about an enriching debate on the analysis of discourse genre and
it contributes to new educational interventions.
Keywords: conference abstract, contrastive approach, linguistic.
Resumen: El resúmen de ponencia reviste complejidades multiples aunque aparente ser un
género académico simple. A traves del análisis de un corpus de 40 textos en español y en francés
del campo de la linguistica general y la linguistica aplicada se describen las características
genéricas del resumen de ponencia desde una perspectiva contrastiva, identificando aquellas
que son comunes al español y al francés y aquellas propias a cada lengua. Los resultados
enriquecen el debate sobre el análisis de los géneros textuales así como las posibilidades de
intervención pedagógica.
Palabras clave: resumen de ponencia, perspectiva contrastiva, linguistica.
La notion de genre occupe une place de plus en plus importante dans la recherche en linguistique. A partir de la publication en France des travaux de Bakhtine, elle est rentrée au domaine de
l’ Analyse des discours donnant lieu à des typologies diverses et des théories variées. Cette
pluralité de théories a contribué ainsi au développement d’un important courant de recherches
sur les genres textuels. Ceuxci, conçus comme “des formes d’organisation concrètes qui se
modifient avec le temps” (Bronckart, 1996) agissent comme des contraintes à plusieurs niveaux
et deviennent des instruments ou modèles psychosociolinguistiques auxquels on a recours pour
la production et l’interprétation des textes.
De nombreux travaux portent actuellement sur les genres académiques, notamment l’article de
recherche et l’abstract: en anglais nous pouvons citer les travaux de Swales (1990), Hyland
(2000) et Bazerman (1994), entre autres, du côté du français, nous trouvons les travaux de
l’équipe du LIDILEM de l’Université de Grenoble (Tutin 2010, Vold 2008), tandis qu’en espagnol
il y a les travaux sur le résumé de communication de Brottier (2000) ainsi que des travaux
comparés sur l’abstract en anglais et en espagnol faits par Adriana Bolivar (Bolivar 1997,1999).
Dans le cadre des recherches sur les genres académiques, notre travail analyse le résumé de
communication en français et en espagnol à partir d’ une perspective contrastive. Il fait partie
d’une recherche plus large, dirigée par Florencia Miranda (20102012), dont le titre est « Análisis
Interlingüístico de géneros textuales : el caso del resumen de ponencia » qui a été mis en place
par le « Centro de Estudios Comparatistas » de la Facultad de Humanidades y Artes de la Universidad Nacional de Rosario, Argentine. Le but de ce projet est d’identifier les caractéristiques
génériques communes dans des textes du domaine de la linguistique, en portugais, français et
espagnol.
Pourquoi le résumé de communication?
Loin de son apparente simplicité, le résumé de communication est un genre qui revêt des
complexités multiples: d’une part, il y a celles inhérentes à l’enjeu de sa production, d’autre
part il y a les contraintes propres à l’appel aux communications. En effet, la nature même de
la situation de communication impose à ce texte une série de caractéristiques: il doit
70
répondre aux exigences de l’appel aux communications,
notamment en termes de nombre de mots et de pertinence de
la thématique, mais en même temps, il doit démontrer la
solidité de la proposition et l’intérêt qu’elle peut présenter. Son
enjeu est potentiellement considérable: premièrement, le
résumé de communication doit susciter une impression
favorable auprès du comité d’expertise en vue de la sélection
de la communication. Puis, lors du colloque, le résumé
constitue un repère fort auprès des participants pour choisir
d’assister ou non à la communication orale. Enfin, une fois le
colloque fini, le résumé reste accessible sur Internet, constituant ainsi une porte d’entrée particulièrement efficace pour les
chercheurs.
Par sa concision et son esprit de synthèse, le résumé de
communication peut s’apparenter du résumé d’article ou
abstract, mais celuici n’a pas nécessairement la visée
argumentative dérivée de l’enjeu de l’acceptation par un comité
scientifique.
Le résumé d’article ou abstract est un genre réglé par des
normes ISO 2141976 et en espagnol la norme UNE 5010390,
traduction littérale de la précédente et plus dernièrement la
norme ANSI/NISO Z39.141997 et française AFNOR NF44004.
Bien que ces normes n’aient pas l’obligatoriété d’une norme
juridique, dans le domaine des chercheurs leur respect s’est
imposé avec le temps.
Le résumé de communication, pour sa part, n’est pas
explicitement réglé, mais il y a une tendance à accepter qu’il
devrait réunir les mêmes caractéristiques que l’abstract.
Cependant, les contraintes citées cihaut nous permettent de
mettre en doute cette affirmation préliminaire. Une remarque
intéressante c’est le fait qu’en français le flou autour de ce
genre se met en évidence même dans le nom qu’il reçoit: tantôt
les organisateurs d’un événement le désignent comme
“résumé de communication”, tantôt comme “proposition de
communication” terme qui rend mieux compte de la visée
argumentative implicite. Le résumé de communication est un
genre associé à la communauté académique et scientifique,
que nous identifions d’après les caractéristiques des communautés discursives de Swales (1990). Les chercheursauteurs
d’une même communauté partagent donc les mêmes genres de
textes. J.C Béacco (1992) a ajouté à cela la dimension internationale: il nous parle des “communautés communicatives
translangagières: celles qui sont fortement fondées sur une
institution […] dans lesquelles les statuts des scripteurs sont
fixés […], mais qui fonctionnent en plus d’une langue
naturelle”. Notre objet de recherche sera constitué alors de
textes produits par la communauté de chercheurs en linguistique et linguistique appliquée, Français et Argentins, dans le
but d’identifier les caractéristiques communes et les différences qui apparaissent dans la réalisation du même genre dans
ces langues naturelles d’origine latine.
Méthodologie
Le cadre général de notre projet comme point de départ les
propositions méthodologiques et épistémologiques de
l’Interactionnisme Sociodiscursif (ISD) mais a fait appel aussi
à d’autres perspectives théoriques permettant de décrire et de
comparer les textes ciblés notamment la théorie de mouvements rhétoriques ou modèle CARS de Swales (1996).
L’analyse des genres d’après le ISD prend en compte les
caractéristiques de la dimension sociopsychologique de la
production des textes, c’est à dire, les formes de l’interaction
discursive par rapport aux conditions de réalisation. La
description d’une action langagière, unité psychologique,
implique d’ “identifier les valeurs précises qui sont attribuées
par l’agent producteur, d’une part a chacun des paramètres du
contexte, d’autre part aux éléments du contenu thématique
mobilisé” (Bronckart,1996:102). Nous avons donc fait la
description sociosubjective des textes de notre corpus et mis
en rapport le lieu social des auteurs avec certaines caractéristiques de leurs textes.
Pour faire l’étude des caractéristiques formelles du résumé
de communication nous avons pris les critères de production
proposés par les normes internationales pour rédiger des
résumés (abstract).
L’emploi du modèle CARS de Swales nous a permis
d’analyser comparativement l’ organisation rhétorique des
textes. Ce modèle qui reconnaît trois mouvements “moves”,
c’est à dire, des segments qui jouent une fonction précise dans
l’organisation du matériel textuel, a été développé pour analyser l’introduction de l’article de recherche. Bien que dans notre
cas il ne s’agisse pas exactement du même genre, beaucoup
d’auteurs ont eu recours à cet outil pour décrire d’autres genres
académiques.
Le corpus à analyser a été constitué de 40 résumés de
communication, correspondant à six événements scientifiques
dans le domaine de la linguistique et la linguistique appliquée,
disponibles sur Internet. On a choisi des auteurs français de
façon à réduire les biais liés à la culture et à une éventuelle
maîtrise insuffisante du français. Pour l’espagnol, tous les
résumés du corpus appartiennent à des auteurs argentins.
Comme les résumés de communication peuvent soit présenter
les résultats de recherches, soit résumer des expériences, des
analyses de cas, de propositions de projets ou des réflexions
théoriques, nous avons sélectionné à l’intérieur de ce groupe
de 40 textes ceux qui résument des recherches en cours ou
déjà achevées à fin d’homogénéiser le corpus. Les autres
résumés, ayant un objet différent, présentent des particularités
autres. Nous avons travaillé alors sur 28 résumés de communications, 14 en français et 14 en espagnol. Nous avons pris
également en compte le status des auteurs faisant entrer dans
notre sélection deux évènements de jeunes chercheurs (5 en
espagnol et 5 en français).
Pour certains événements nous avons trouvé également le
texte d’appel aux communication, ce qui nous a fourni les
informations et les prérequis dont disposaient les auteurs
avant de rédiger leurs propositions de communication.
Caractérisation des conditions de production
textuelle du résumé de communication d’après l’ISD.
Reprenant l’analyse de Florencia Miranda (2012) la production
du résumé de communication comme pratique associée à l’activité académique (en tant qu’activité sociale et activité langagière), se rapporte à la participation dans des événements scientifiques
en général. La production de textes de ce genre est parfois condition nécessaire pour pouvoir y
participer. Les auteurs peuvent se trouver dans l’une des deux situations: soit ils ont été invités à
participer de l’événement, dont les organisateurs demandent un résumé de leur communication
qui ne sera pas soumis à évaluation, soit ils ont appris de l’organisation de cet événement et
doivent présenter une proposition de communication pour y être acceptés à partir de l’évaluation
réalisée par un comité d’experts. On pourrait faire l’hypothèse que le résumé qui sera soumis à
une évaluation devrait présenter une organisation plus argumentative, étant donné le but
“persuasif” ajouté.
Le contenu thématique:
Le choix du thème dépend en même temps de la thématique du congrès et des intérêts,
recherches ou réflexions de l’auteur. On pourrait supposer que les résumés présentent des
propositions parfaitement intégrées aux thématiques générales de l’événement. Cependant, notre
corpus comprend des résumes qui semblent ne pas être nettement en rapport avec la propositions des organisateurs. Comme ils ont tout de même été acceptés, on pourrait interpréter que le
comité de sélection a privilégié le domaine scientifique qui convoquait les participants plutôt que
les thèmes spécifiques de l’événement.
L’agent producteur et les destinataires:
La production des résumés se présente comme une activité soit individuelle, soit collective.
Dans la plupart des textes, les auteurs jouent un rôle social professionnel comme membre d’une
institution académique, ce qui apparaît dans les données peritextuelles comme signature, sous
la forme “Nom, prénom, institution”. Parfois, on y trouve aussi un renseignement supplémentaire
de catégorie: “doctorant”, et très fréquemment l’adresse électronique. Quoique son rôle social de
chercheur, professeur, étudiantchercheur ne soit pas toujours explicite il peut s’entrevoir à partir
des termes employés pour se référer à son propre travail, du type “cette recherche, cette étude,
etc” La production d’un résumé de communication a un double destinataire: si en principe le
résumé s’adresse aux pairs qui connaissent en gros la thématique et qui seront présents dans
l’événement, il est clair que l’auteur, au moment d’écrire, doit tenir compte du comité d’experts qui
devra évaluer sa proposition de communication. Il doit donc faire appel à des stratégies pour
valoriser son travail : on y trouve le recours aux citations, la mention de la bibliographie, ou des
valorisations positives ou négatives.
Les contextes physique et sociosubjectif de production des résumés de communication.
Le lieu de production des textes:
Par rapport au lieu de production, on peut analyser deux dimensions: l’une physique, l’autre
sociosubjective.
Si nous considérons l’espace physique de production, il est évident que l’analyse des textes
ne nous apporte rien sur cette donnée. Par contre, il est intéressant de réfléchir au lieu social qui
occupe l’activité académique. Ce domaine d’activité a ses propres règles tantôt d’ordre
praxéologique comme linguistique. Dans les textes que nous avons analysés, on trouve toujours
la localisation géographique de l’institution à laquelle appartient le chercheur. Cette information
est vraiment importante car elle traduit des valeurs positives ou négatives, des préjugés culturels
associés, etc, tantôt pour celui qui produit le textequi se situe en tant que membre de la communauté scientifiquecomme pour celui qui l’évalue. Bref, cette inscription n’est pas une donnée sans
intérêt ni pour l’auteur ni pour le lecteur.
Le moment de production des textes:
Il est possible qu’au moment de présenter le résumé de communication, le texte à partir
duquel on devrait le faire ne soit pas encore écrit ou bien que la recherche dont il est question ne
soit pas encore achevée. Cette circonstance ajoutée aux enjeux de la sélection et évaluation du
résumé nous permet de penser que le résumé est un texte indépendant ce qui explique plusieurs
traits linguistiques du genre, par exemple l’emploi du futur ou de formules qui expriment le but
de la communication. D’ailleurs, ce caractère inachevé de la communication ou de la recherche
est caché par le terme “résumé” tandis que celui de “proposition de communication” laisse
entrevoir une dimension programmatique.
71
Les relations intertextuelles:
L’intertexte constitue pour Bronckart (1996) l’ensemble des genres de textes élaborés par les
générations précédentes tels qu’ils sont utilisés et éventuellement transformés et reorientés par
les formations sociales contemporaines. Il explique aussi que ces genres sont nécessairement
indexés, c’estàdire porteurs d’une ou de plusieurs valeur d’usage et que c’est en fonction de la
connaissance effective des genres et de leurs conditions d’utilisation que l’agent choisit un
modèle textuel. Ainsi, lorsqu’un auteur choisit de produire un texte avec certaines caractéristiques il met en évidence non seulement les représentations qu’il s’est faites de ce genre à
l’intérieur de sa communauté disciplinaire mais aussi celles des conditions d’utilisations et de
son image de soi. D‘après un sens plus général d’ intertextualité, on atteste aussi le dialogue entre
l’auteur et d’autres textes, dialogue qui se manifeste de manière explicite à travers des citations
ou de la bibliographie. Dans certains cas l’auteur dialogue avec soi même faisant référence à ses
recherches précédentes.
Le résumé de communication et le résumé d’article (abstract)
Nous passons en revue les normes de rédaction de résumés d’article: (normes UNE 501031990
et 501351996 équivalente de ISO 5966:82) pour voir jusqu’à quel point le résumé de communication s’y apparente.
a) Nous voyons que les informations demandées par les normes sont le nom de l’auteur, le titre,
le numéro d’identification du rapport, l’organisation ou institution de référence et la date de publication. La majorité des résumes de communication offrent la même information, sauf le numéro
d’identification du rapport. En plus, l’adresse électronique s’ajoute à la plupart des résumes de
communication, et dans certains résumés en espagnol, le nom de la ville et du pays sont présents.
b) Par rapport à la longueur du texte, les normes tiennent compte de la nature de l’article et
établissent 250 mots maximum comme critère général, fixant un maximum de 100 mots pour les
notes brèves et 500 mots pour les résumés de rapports ou thèse. Il faut remarquer que dans les
appels à communication des différents événements pris en compte dans notre corpus, les consignes
de longueur sont exprimées avec des paramètres différents: parfois avec une quantité de mots (250
à 400 mots), parfois de caractères (1500, équivalent à moins de 200 mots), parfois en terme de
pages (une demipage) ou de lignes (max.5). Cela montre que lors de l’appel à communication les
organisateurs n’ont pas pris en considération les normes internationales pour la production des
résumés ou abstracts. Pourtant la moitié de notre corpus dans les deux langues a entre 250 et 500
mots, indépendamment des exigences posées par l’événement: en français la majorité des résumés
respecte la consigne de longueur, à exception de ceux qui étaient limités à 5 lignes, où la plupart a
légèrement dépassé la longueur. En espagnol, plus de la moitié des textes dépasse le nombre de
mots suggérés.
c) Concernant l’organisation en paragraphes, les normes ISO ?1982 et UNE ?1990 établissent
que le résumé doit avoir un seul paragraphe, mais la norme UNE ?1996 accepte la possibilité de
plus d’un paragraphe si le résumé est long. Notre corpus montre que le paragraphe unique est très
peu fréquent: sur 14 textes en chaque langue, en espagnol on atteste seulement trois cas où les
auteurs ont fait un seul paragraphe tandis qu’en français on a trouvé six cas, cinq dont la consigne
était de ne pas dépasser 5 lignes plus un autre qui en admettait davantage. Les autres résumés
présentent de trois à six paragraphes avec une particularité intéressante: en espagnol, ce sont les
jeunes chercheurs qui écrivent les textes les plus longs tandis qu’en français cela correspond aux
auteurs chevronnés.
d) A propos des motsclés, les normes suggèrent la possibilité d’en ajouter deux ou quatre.
Pourtant, en aucun cas des mots clés accompagnent les résumés de communication recensés
même si dans deux événements analysés, l’un en français, l’autre en espagnol, il était demandé de
le faire.
e) Les normes ne prévoient pas que le résumé présente les données bibliographiques consultés
par l’auteur. Cependant un tiers des résumés de communication en espagnol et un seul en français
sont suivis d’une liste de bibliographie, sans que cela ait été exigé dans les consignes de l’évènement.
f) Les normes admettent l’usage des citations s’il s’avère indispensable mais dans les corpus
analysé l’emploi des citations varie selon les langues: elles sont très fréquentes dans les productions en espagnol (deux tiers (66%) des textes en font usage) contre une petite minorité (15%
) en français.
72
g) A propos du style du résumé, les normes recommandent
vivement l’emploi de la voix active. Les résumés de communication analysés respectent largement en français cet emploi,
tandis qu’en espagnol on trouve quelques résumés rédigés
avec une dominance de la voix passive.
h) Quant aux caractéristiques de la première phrase du
résumé, la norme ANSI/NISO Z39.141997 recommande
d’éviter d’y énoncer la nature du document. Dans la moitié des
résumés étudiés (dans les deux langues) cette recommandation n’a pas été prise en compte: on trouve ainsi des résumés
qui commencent par: “Cette étude ” “Cette communication….”
“Cette recherche”/ “Este trabajo …” “Nuestro trabajo…”, “En
esta comunicación…”
D’après ces caractéristiques externes, nous pouvons donc
synthétiser que dans les deux langues l’identification des
auteurs répond largement aux mêmes procédés, ceux utilisés
normalement à l’intérieur de la communauté scientifique. Dans
les deux langues il y a une tendance à développer le résumé
dans plus d’un paragraphe: cette organisation est plus
marquée en espagnol, avec une moyenne de 2,5 paragraphe
pour les auteurs chevronnés et de 4 pour les jeunes chercheurs
contre une moyenne en français de 2,14 tous les auteurs
compris. Concernant l’extension des résumés il y a une
tendance à dépasser le nombre maximum de mots fixés par
l’appel aux communications, plus marquée en espagnol,
quoiqu’en général les auteurs semblent se situer entre les
limites fixés par les normes. La présence de bibliographie et
des citations dans le résumé est assez fréquente en espagnol et
assez rare en français, même si les appels respectifs ne disent
rien à ce propos. On dirait que les auteurs ne suivent pas de
très près les consignes formelles de présentation, soit celles
de normes soit celles des appels aux communications.
L’architecture interne des texte
Pour Bronckart l’organisation d’un texte est constituée de
trois strates: l’infrastructure générale du texte, les mécanismes
de textualisation et les mécanismes de prise en charge énonciative. Dans notre travail nous nous sommes limités à analyser
le premier et le dernier des ces niveaux. Pour l’étude du plan
général du texte, nous avons trouvé plus efficace d’employer la
notion d’organisation rhétorique de Swales (1990) et ses outils
d’analyse.
Organisation rhétorique:
Le concept de mouvement rhétorique de Swales (1990) a
été développé pour analyser l’introduction de l’article de
recherche. Swales pose l’existence dans le texte de trois
différentes segments ou mouvements (“moves”) qui
correspondent aux fonctions pragmatiques codées qu’elles
assurent au sein du genre, telles que la description du contexte
théorique, la déclaration d’une intention de recherche, la
précision de l’objet d’étude, la présentation des outils et des
méthodes, ou encore la présentation des résultats et des
conclusions auxquelles on a abouti.
Le premier mouvement sert à “établir un territoire”, le
deuxième permet d’établir “un niche” justifiant la recherche et
le troisième de “l’occuper”. Chaque mouvement peutêtre
réalisé par différentes étapes (steps) qui peuvent se présenter
individuellement ou non.
Voilà le modèle CARS de Swales: The Create A Research
Space (CARS):
Mouvement 1: Établir un territoire
Étape 1: Réclamer centralité et /ou
Étape 2: faire des généralisations thématiques et/ou
Étape 3: passer en revue les recherches précédentes
Mouvement 2 : Établir un niche
Étape 1A : “Counterclaiming” ou contreargumenter
Étape 1B: Indiquer un vide ou
Étape 1 C : se poser des question
Étape 1D : continuer une tradition
Mouvement 3 :Occuper le niche
Étape 1A: Énoncer les objectifs
Étape1B: Annoncer la recherche précédente
Étape 2: Annoncer les résultats principaux
Étape 3 : Annoncer le plan de l’article.
L’analyse de notre corpus de résumés de communication
offre comme résultat plusieurs remarques intéressantes. Du
total de 14 textes en français, seulement 6 ont le premier
mouvement qui permet de contextualiser la recherche ou le
travail. Parmi ceux qui n’ont pas le mouvement 1, un seul a le
mouvement deux celui qui définit un niche en explicitant ce qui
manque ou qui a été faiblement développé par les études
précédentes. Par contre, tous les résumés présentent le
troisième mouvement, où on annonce ce qui sera effectivement
exposé dans la communication. La situation est tout à fait
différente en espagnol car tous les textes ont le premier
mouvement et seulement deux textes manquent d’un mouvement. C’est à dire qu’en espagnol, dans presque tous les cas
on trouve les trois mouvements: bref, le résumé en espagnol
contextualise la recherche ou le travail, marque les manques
ou les faiblesses de la thématique et présente enfin ce qui sera
fait.
Concernant la réalisation de ces mouvements, en français le
mouvement 1 se présente en une seule étape (des généralisations sur le thème), tandis que c’est le mouvement 3 qui s’avère
le plus riche en étapes: la moitié des textes présente 2 étapes,
à savoir la présentation des résultats, accompagnés soit de la
finalité de la recherche ou des principaux acquis. En espagnol,
les mouvements 1 et le mouvement 3 comptent dans la plupart
des cas deux étapes, tandis que la réalisation du mouvement 2
se fait à partir d’étapes variées. Mais les étapes qui réalisent
chaque mouvement apparaissent parfois intercalées, (Ex: Este
trabajo pretende dar cuenta del uso del marcador discursivo “o
sea”.../ dans la première ligne, et “la hipótesis de la que parte
este trabajo y que pretende demostrar es que el marcador
discursivo “o sea” puede introducir…” dans la dernière ligne,
ce qui n’arrive en aucun cas en français.
La comparaison montre que les résumés en espagnol sont
plus complets que ceux en français parce qu’ils présentent les
3 mouvements décrits et aussi sontils plus riches en stratégies
vu l’emploi de plus d’une étape par mouvement. Par contre,
leur organisation rhétorique est moins nette.
Dans les mouvements 2 et 3, nous avons essayé de
retrouver les stratégies les plus fréquemment mises en places
pour indiquer un vide (créer le “gap”), à savoir (i) l’emploi d’un
lexique à connotation négative dans l’analyse des études préexistantes, (ii) la comparaison de
perspectives, (iii) la formulation de questions, (iv) l’expression d’énoncés hypothétiques et (v)
l’inscription de l’auteur dans une ligne de recherche. Nous avons attesté que dans les deux
langues les stratégies sont variées, mais il y a une préférence en français pour la formulation
directe des questions de recherche (Ex. “Quels rôles jouent…” “les étudiants, ontils un
rapport…?”), et l’inscription dans une ligne de recherche (Ex: Cette observation... en diachronie
et en synchronie a débuté en 1996. Le suivi de…”).On n’a pas trouvé de comparaison de
perspectives (ii). En espagnol, les stratégies (iii) et (iv) sont les moins fréquentes, devancées par
l’emploi d’un lexique négatif (i) (“dada la inexistencia de…” “los estudios...no son numerosos”,
“pese a...esta estructura ha sido poco estudiada) et les comparaisons ou contrastes (ii) marqués
par des connecteurs du type “por una parte...por otra parte”... “cada vez más…”). Mécanismes
de prise en charge énonciative: dans les deux langues l’auteur a le choix entre la première
personne du singulier, la première du pluriel a sujet individuel (nous de modestie), la première
du pluriel à sujet collectif, et la forme impersonnelle ou passive. Mais en général le discours
académique analysé utilise plus fréquemment des sujets de phrase à la troisième personne en
voix active que des pronoms personnels sujet. Il s’agit de noms qui renvoient, par un procédé
métonymique, au texte complet (et encore inexistant) en lui même (en français les plus fréquents
sont: “cette étude, cette recherche, cette communication”, tandis qu’en espagnol on utilise : “este
trabajo” “este estudio” “esta comunicación”. Ces noms nous fournissent aussi des informations
sur les représentations que l’auteur a de lui même et de son travail. Parmi les pronoms sujets, en
français le nous “de modestie” (un seul auteur identifiable) apparaît surtout lors de l’expression
d’un contreargument et pour énoncer les apports scientifiques “nous semble être…”, “nous
montrerons…” mais leur occurrence est plus faible qu’en espagnol où la première personne du
pluriel apparaît aussi parmi les verbes qui exposent les objectifs et les résultats : “Hemos intentado rastrear…”, “Consideramos oportuno…”, “Observamos…”. Cependant dans les deux
langues, pour énoncer les actions qui concernent les procédés méthodologiques, il y a une
tendance à présenter l’auteur éloigné de son travail en espagnol on a donc recours à la passive
impersonnelle tandis qu’en français on préfère les actions thématisées: (Ex. l’analyse…., la
méthode…). Ces procédés sont connus comme des stratégies pour apporter de l’objectivité au
texte scientifique et démontrent l’intérêt de l’auteur pour montrer le sérieux de son travail.
L’emploi des formules impersonnelles à la valeur de “nous” montre une distribution différente .
Si le “on” en français (à la valeur de nous) a quelques occurrences au moment où l’auteur
cherche à s’insérer dans une théorie ou formuler une hypothèse, “On peut émettre l’hypothèse…”
, en espagnol la formule impersonnelle “se + verbe” abonde dans les phrases qui explicitent les
choix méthodologiques ainsi que l’intention et volition: “se puede explicar” , “se parte de…”, ”se
busca precisar…”. En français, la structure la plus fréquente dans tous les résumés c’est la
phrase à sujet nominal du type: “l’analyse cherchera à” , “cette contribution essaie de penser”, ce
travail se propose de”. Ce procédé cherche à établir une distance entre l’auteur et son travail,
phénomène remarquable aussi par d’autres procédés tel que le recours à des syntagmes infinitifs
(périphrases verbales) à valeur modale “...prétende,...intenta” en espagnol, et en français.“...essaie...”, “cherche à...”, “ semble...”. On atteste un emploi similaire des atténuations dans les deux
langues. Si la plupart des auteurs a analysé ces procédés discursifs comme des marques
d’objectivité, d’après les travaux de Myers (1989, 1990) il y aurait aussi une stratégie de “courtoisie”: l’auteur veut par ces moyens mitiger l’impact que ses propos pourraient avoir sur l’auditoire,
au moment de marquer un vide ou une critique théorique. Par exemple, en espagnol: “este trabajo
se propone darle un enfoque argumentativo al estudio de las preposiciones, en el que rige un
estudio normativo”. L’emploi de ce procédé discursif dans un but de courtoisie est plus fréquent
dans notre corpus en espagnol que dans celui en français.
Conclusion
Il est évident que dans les deux langues les résumés de communication présentent des
caractéristiques formelles similaires issues du caractère “international” ou “globalisé” du genre
, probablement aussi sous l’influence des normes internationales. Mais l’analyse faite sous
différents regards permet d’aller au delà des apparences et dégager certaines représentations des
auteurs sur le genre “résumé de communication”. L’analyse comparative avec l’abstract semble
confirmer que le résumé de communication est perçu comme participant d’une instance “évaluative”, étant donné la présence de certains éléments qui peuvent être interprétés comme des
stratégies pour le valoriser, à savoir la longueur et notamment la présence des citations et de la
bibliographie. Ces stratégies sont particulièrement fréquentes en espagnol. Le caractère
prospectif ou programmatique de ce genre se manifeste dans l’emploi des temps verbaux du
futur, caractéristique plus fréquente en français qu’en espagnol. Les résultats de l’analyse
des mouvements rhétoriques souligne cet aspect programmatique et évaluatif surtout pour
73
les auteurs français dont les résumés de communication sont plutôt centrés sur le troisième
mouvement, celui “d’occuper le niche”. Pour les auteurs argentins le genre apparaît comme
faisant l’objet d’une production particulièrement complète en mouvements rhétoriques et très
riche en stratégies, bien que parfois la structure du texte soit moins nette. À propos de l’intertextualité, on pourrait interpréter que les textes en espagnol seraient plus “intertextuels” puisqu’ils
sont plus nombreux à inclure dans leur structure la création du vide ou “gap” où il est question
de faire allusion à d’autres études ou à l’état de l’art. Finalement, au niveau de la prise en charge
énonciative, l’analyse montre que l’emploi des différents procédés possibles (pronoms sujets,
forme impersonnelle, formes passives, sujets de la 3° personne active) ne coïncide pas dans les
deux langues si on tient compte du mouvement rhétorique où chacun d’eux est employé, mais
cela peut se correspondre avec les possibilités offertes par chacun des système de langue. Une
autre particularité mise en évidence dans l’analyse c’est que parmi les hispanophones, ce sont les
auteurs chevronnés ceux qui rédigent de manière plus structurée et proche des normes et des
consignes tandis que chez les francophones ce soin se manifeste surtout chez les jeunes
chercheurs.
Nous pouvons conclure avec une affirmation de Rastier (2005) qui explique que “ le genre
doit, au niveau du corpus, se conformer à la norme implicite définie par l’attente de la communauté de discours, tout en intégrant les variations introduites, au niveau du texte, par chaque
réalisation individuelle”, et l’élargir ajoutant aussi à ces éléments l’intégration des préférences
rhétoriques et discursives de chaque langue.
La connaissance de ces particularités du genre résumé de communication peutêtre utile dans
les cours de français à l’université; la recherche offre la possibilité d’être prolongée par l’analyse
contrastive avec le résumé en langue portugaise, ce qui pourrait contribuer à identifier des
représentations communes aux auteurs latinoaméricains.
Références
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& Medway (eds), Genre and the new Rhetoric (pp. 79101) Bristol: Taylor and Francis.
Beacco, JC. (1992). Les genres textuels dans l’analyse du discours : écriture légitime et
communautés translangagières, Langages 105, 827.
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Français et en formation d’adultes. Revue d’anthropologie des connaissances, (4), 527549.
Disponible sur http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=RAC_011_0527
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investigación para congresos. Akademos, 2, 121138.
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Tutin, A (2010). Dans cet article, nous souhaitons montrer que… Lexique verbal et positionnement de l’auteur dans les articles en sciences humaines, Lidil, Revue de linguistique et
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linguistique et médecine. Université de Bergen. Disponible sur https://bora.uib.no/bitstream/handle/1956/2653/Dr.Avh._Eva_T_Vold.pdfs?sequence=1
74
Activités ludiques et créatives à partir des ressources et outils du Web 2.0
Axe thématique : Didactique : un dialogue de réflexion et de pratiques
ELSTEIN, Silvia - [email protected] - MORANDI, Liliana - [email protected]
Université Nationale de Rio Cuarto - Argentina
Cette communication s’inscrit dans un projet institutionnel
PIIMEG qui vise l’amélioration de l’enseignement au niveau
universitaire, intitulé « Développement de compétences en
langues et leur relation dans un cadre d’apprentissage
plurilingue et pluriculturel ». Il s’agit d’une expérience de
pratiques de classe en FLE, menée à bien dans la filière
«Tecnicatura en Lenguas» de l’Université Nationale de Rio
Cuarto, en Argentine.
L’axe central du plan d’études, d’une durée de trois ans, met
en relief la formation en langue maternelle et en langues
étrangères. Ainsi, les étudiants abordent-ils trois niveaux de
Langue Anglaise et de Langue Française, à raison de 8 hs par
semaine et ils approfondissent aussi leurs compétences en
langue maternelle dans de différentes matières et séminaires
de spécialité. Il y a également des matières optionnelles
d´initiation à l´Allemand, au Portugais et à l’Italien ; un
entraînement en pratiques de communication plurilingue en
langues romanes et un traitement de textes en langues
maternelle et étrangères.
En tant qu’enseignantes participantes, nous nous sommes
fixés beaucoup d´objectifs généraux et particuliers mais celui
que nous avons sélectionné comme étant le plus important
consiste en « créer et mettre en pratique des interventions
didactiques favorisant la relation de connaissances et de
stratégies pour l’acquisition de langues, moyennant l’utilisation de TIC ». Cet objectif est en rapport direct avec deux
capacités exprimées dans le profil professionnel du Technicien
en Langues, celle « d´intégrer les compétences discursives
acquises en expression orale et écrite de textes en plusieurs
langues étrangères » et celle « de se servir efficacement des
ressources technologiques de l’information, la communication
et la gestion de textes ».
En l’occurrence, nous avons proposé des activités qui
intègrent les matières Technologies de l’Information et de la
Communication et Langue Française I. Cette pratique est
réalisée à partir de multiples ressources disponibles en ligne et
auprès du réseau SCÉRÉN sur l’opération organisée en
2012-2013 par le Ministère de la Culture et la Communication
de France: « Dis-moi Dix mots semés au loin ». Il s’agit d’un
concours d’improvisation d’expressions artistiques en Langue
Française sur les mots que les langues étrangères ont
empruntés au français. Ceux qui ont été choisis par les
partenaires francophones sont : atelier, bouquet, cachet, coup
de foudre, équipe, protéger, savoir-faire, unique, vis-à-vis et
voilà.
Dans notre contexte pédagogique de Langue Culture
étrangère (LCE) de nature exolingue, l´exposition virtuelle
d’arts combinés « Dis-moi Dix mots semés au loin » offre une
grande variété de perspectives et de contextes culturels qui
crée un domaine riche pour son ancrage. Abdallah-Pretceille et
Porcher (1996) considèrent que c’est l’un des multiples «
supports privilégiés pour les pratiques sur l’altérité ou capacité
de s’ouvrir à l´Autre car ce sont des expressions polyphoniques qui réunissent les différentes
voix de l’univers culturel et en même temps elles sont médiatisées transversalement par la
langue»
Le site propose aux enseignants et aux étudiants des ressources pour mieux connaître ces
mots et des fiches pédagogiques imprimables visant leur compréhension, approfondissement et
utilisation. Il présente un film animé complet de la série sur une chronique éducative qu’on peut
visionner ou télécharger. Dans les vidéos, une voix off donne la définition de chacun des dix
mots, dans les différentes acceptions, employées dans des domaines variés, selon leur évolution
historique, illustrées par des exemples d’emploi particuliers et leurs emprunts par les langues
étrangères. Les images contribuent à la compréhension de l’exposé oral.
Pour guider nos étudiants dans ce voyage avec les mots, ils visitent l’exposition d’affiches en
ligne, de vraies oeuvres d’art avec des textes d’Yvan Aman, professeur de lettres, journaliste,
homme de radio, producteur et présentateur des émissions sur la langue française à RFI. On peut
également visionner les affiches ou les télécharger. On y a accès par une table de matières.
Chaque mot est présenté par sa définition, des notations grammaticales, phonétiques et
lexicales, les différentes acceptions exemplifiées avec des citations littéraires, historiques,
philosophiques, des extraits de chansons, d’entretiens, etc. Les images qui illustrent chaque mot
enrichissent la lecture multiple et plurielle : photos, illustrations, peintures, dessins, estampes,
couvertures de revues, etc.
Le cadre du projet
La méthodologie du travail en collaboration au service de l’enseignement et l’apprentissage
des langues constitue l’une des formes les plus efficaces pour l’incorporation des TICE dans la
pratique de classe. On ne peut pas nier que chaque élève apprend mieux quand il le fait en
contexte de collaboration et d’échange. Selon Vigotsky (2009), la collaboration entre paires a une
influence positive sur la motivation et la qualité de l’apprentissage. Les TICE et, en particulier
plusieurs services et outils du WEB 2.0, ont été dessinés, dès leur conception initiale, pour
promouvoir l’interactivité entre les utilisateurs et pour enregistrer les échanges, afin de développer la base d’une culture participative.
Les activités collaboratives avec TIC constituent des expériences d’apprentissage qui encouragent le travail en équipe des étudiants d’un même groupe ou des groupes différents qui utilisent
les TIC comme un espace de développement, échange et publication. Avec le WEB 2.0, de
nouvelles pratiques sociales sont apparues, ce qui suppose diverses manières de produire,
distribuer, interchanger et recevoir des textes par des moyens électroniques qui impliquent une
autre manière de négociation du contenu.
Le travail s’est déroulé en deux parties, chacune d’entre elles comprenant plusieurs étapes et
a eu lieu pendant le deuxième semestre 2013, du mois d’août au mois de novembre. Le
groupe-classe, de 22 étudiants, a commencé le cours de Langue Française I au mois de mars, en
tant que débutants absolus et ils se sont aussi initiés à l’apprentissage des Technologies de
l’Information et la Communication dans le cadre de cette formation. Les séances de travail ont été
partagées entre le travail en classe, une fois par semaine et des activités développées en ligne sur
une plateforme.
Le projet concernant les « dix mots semés au loin » vise des activités ludiques de création,
récréation, collaboration, co-construction et interaction, à partir des ressources variées du Web
2.0, suivant un travail collaboratif et une approche actionnelle puisque l’objectif général vise
l’accomplissement des tâches particulières selon les ressources suggérées.
Le projet de création et récréation ludique des mots et expressions de la série « Dis-moi dix
mots semés au loin » comprend plusieurs étapes qui vont, dès la reconnaissance et
compréhension orale et écrite des documents jusqu’à la production orale et écrite dans des
espaces numériques. Pour ce faire, on a proposé de travailler à partir de différentes
75
ressources et outils du Web 2.0. L’objectif de travailler avec les réseaux sociaux, c’est qu’ils
permettent aux étudiants, en tant qu’usagers, d’échanger, inventer et interagir. On pourrait ainsi
dire que le Web 2.0 est le web des personnes et des échanges. À ce sujet, Christian Ollivier
affirme qu’« un parallèle se dessine entre, d’une part, le développement du web 2.0, aussi nommé
web participatif ou web social qui permet de collaborer, de co-construire des sites et d’interagir
et, d’autre part, l’émergence d’une didactique mettant en avant le (co-)agir et concevant
l’apprenant comme un acteur social ». Cette émergence didactique du Web 2.0 renvoie à une
perspective actionnelle et interactionnelle qui est à la base de l‘emploi réel des langues. En 2001,
le CECR, indiquait déjà que la perspective de l’enseignement des langues devait être « actionnelle tenant compte que l’apprenant est considéré comme un acteur social ayant à accomplir des
tâches dans des circonstances et un environnement donné, à l’intérieur d’un domaine d’action
particulier ».
Première Partie : volet linguistique
- Présentation du site Voyage avec les mots http://www.cndp.fr/voyage-avec-les-mots/accueil/
contenant la série des mots à travailler. Les étudiants ont fouillé dans le site afin de découvrir les différentes ressources pédagogiques pour s’introduire à la reconnaissance des dix
mots.
- Découverte des documents. Différentes ressources sont disponibles en ligne et auprès du
réseau SCÉRÉN des Centres régionaux de documentation pédagogique (départementale et
locale) : des films animés, des fiches pédagogiques, des documents audio, un livret des dix
mots et une exposition, de douze panneaux.
- Création des groupes de travail et choix des mots. Les étudiants se sont assemblés par
groupes de 3 ou 4 et ils ont distribué leurs rôles, visant les tâches à accomplir. Après avoir
fait la reconnaissance des dix mots, chaque groupe a choisi un mot et une tournure pour
travailler à partir du Web 2.0.
Deuxième partie : mise en place du projet
La proposition de travail visait l’accomplissement de plusieurs objectifs didactiques qui
allaient de la compréhension jusqu’à la production proprement dite, voire la publication sur le
réseau. De différentes ressources du Web 2.0 ont été suggérées pour la réalisation des tâches.
Les étapes décrites ci-desssous dessinent l’itinéraire suivi dans le projet.
- Organisation et hiérarchisation de l’information. Pour organiser et hiérarchiser l’information, les
étudiants ont créé des schémas conceptuels de la chronique travaillée. Cela leur a permis
de mettre en lumière les liens qui existent entre un concept ou une idée et les informations
qui leur sont associées. Pour ce faire, ils ont utilisé Cmap Tool.
- Création et publication des axes chronologies. Les différents documents linguistiques
disposés dans le site de la série « Dis-moi dix mots semés au loin », c’est-à-dire les
documents écrits, sonores et vidéographiques contiennent des informations sur l’évolution
de chaque mot ou tournure. Alors, à partir de Dipity, une ressource du Web 2.0 pour créer
des axes chronologiques, les étudiants ont organisé l’évolution sémantique des mots,
enrichie par l’incorporation des éléments multimédia. Cette activité a été le corolaire d’une
recherche sur de différents sites et publiée sur le réseau.
- Création de publications interactives dynamiques. Prezi est une application 2.0 très intéressante pour créer des présentations originales et créatives, avec des mouvements. Dans les
productions élaborées avec Prezi, les étudiants ont pu inclure des images, des vidéos, des
texte et des liens dans d’autres sites et ils ont pu ainsi configurer l’itinéraire de la présentation à partir de l’effet zoom, caractéristique de cette application. Comme dans les autres cas,
ce travail a été le produit d’une recherche et la mise en place de différentes données. Il a été
diffusé à partir de la publication sur les réseaux sociaux. - Création ludique de mots. Le
nuage de mots est le symbole du web2.0. Il s’agit d’une représentation graphique où les
mots les plus répétés dans un texte sont illustrés en gros caractères tandis que les moins
fréquents, en petits caractères. Il y a aussi d’autres options d’utilisation. Les étudiants ont
utilisé cette application tout simplement pour illustrer de manière créative le mot ou la
tournure travaillés. Il y a plusieurs applications pour faire des nuages de mots, dont la plus
utilisée par nos étudiants a été Tegxago.
- Elaboration et production de textes écrits en collaboration. Google Drive est une plateforme
très rependue, à la portée de main qui facilite le travail collaboratif. Les potentialités de cette
application sont nombreuses et variées, Drive permet de stocker des fichiers au même
endroit, de les consulter à tout moment et de les partager avec d’autres utilisateurs. En
plus, on peut créer et modifier des documents Google avec des tableaux, des commentaires et une mise en forme avancée. Sans doute, l’avantage le plus remarqué du pont
76
de vu didactique, c’est qu’on peut travailler au même
moment sur le même document, ce qui encourage le
travail collaboratif. Dans ce projet, cette phase de production collaborative a été très importante parce que les
étudiants ont pu appliquer les notions développées
pendant les étapes préalables pour faire des productions
personnelles. Les consignes de travail ont été diverses et
la production de textes très variée. En s’appuyant toujours
sur les mots de la série, ils ont écrit des souvenirs, des
poèmes, des acrostiches, des messages publicitaires et
des calligrammes.
- Publication en ligne de productions écrites. L’une des
applications Web2.0 qu’on a utilisées pour la publication
en ligne c’est Issuu. Cet outil permet de publier des
documents dans le réseau et de les partager dans une
grande bibliothèque virtuelle où l’on peut trouver une
grande variété de documents. Issuu admet plusieurs
formats, parmi lesquels se trouvent PDF, DOC, PPT. Le
résultat est visuellement très attrayant car les archives se
présentent en flash avec un zoom qui facilite la lecture.
Les publications en Issuu peuvent être diffusées dans des
blogs, des sites web ou dans les réseaux sociaux comme
Facebook ou Twitter. Dans le cadre du projet, les
étudiants se sont appropriés de cette application Web2.0
pour publier de différentes productions comme des
micro-magazines, ou leurs propres travaux écrits, qu’on a
réunis dans une brochure nommée : En jouant avec les
mots…, souvenirs, poèmes, messages.
- Publication et intégration des ressources. Glogster permet
d’incorporer facilement des textes, links à d’autres pages
web, images, documents audio ou vidéo. Cette application Web2.0, au-delà d’être une ressource très attrayante
pour atteindre des publications originelles et créatives,
offre la possibilité d’une grande variété de styles de
dessein pour configurer les différentes parties du poster
électronique.
Avec la monstration des productions de nos étudiants nous
croyons avoir mis en relief les avantages du travail proposé,
centrés sur la possibilité de développer les compétences de
compréhension orale et écrite, de mener à bien des pratiques
scripturales variées, originales, parfois insolites et cocasses et
de publier les productions en ligne pour les partager dans des
réseaux sociaux.
Bibliographie
Abdallah-Pretceille, M. et L. Porcher (1996) Éducation et
communication interculturelle. PUF. Paris.
Ollivier, Ch. et Puren, L. (2011): Le web 2.0 en classe de
langues. Paris: Editions Maison des Langues.
Plan d´Études de la filière : « Tecnicatura en Lenguas» de
l’Université Nationale de Rio Cuarto, en Argentine.
Projet PIIMEG « Développement de compétences en
langues et leur relation dans un cadre d’apprentissage
plurilingue et pluriculturel ».
Site web. « Dis-moi Dix mots semés au loin » dans Voyage
avec les mots http://www.cndp.fr/voyage-avec-les-mots/accueil/
Vigotsky (2009) en Alvarez, A. y Del Río, P: Educación y
Desarrollo. La Teoría de Vigotsky y la Zona De Desarrollo
Próximo http://vinculosygrupos.blogspot.com.ar/2009/09/educacion-y-desarrollo-la-teoria de_17.html
Une étude thématique, didactique et littéraire des transformations urbaines de Paris de 1800 à 1870
PONGE Robert, UFRGS, Brésil ([email protected])
MACHADO Nara Helena N., PUCRS, Brésil (nmachado@pucrs)
Introduction
Cette étude a été présentée comme atelier au SEDIFRALE
d’Heredia, Costa Rica. Son but? Examiner les transformations
urbaines connues par Paris de 1800 à 1870. Elle a été élaborée
dans une triple perspective: 1) thématique (l’examen de chaque
type d’objet urbain); 2) didactique: donner une idée du travail en
modules qui peut être mené sur ce sujet en cours de civilisation
française à l’université,à l’Alliance française; 3) littéraire, en
signalant quelques échos de ces transformations dans la
littérature de l’époque.
Comment avons-nous procédé? Nous avons situé rapidement
le contexte historique (la Révolution industrielle, les Révolutions
de 1789, 1830, 1848), puis suivi un schéma de périodisation et
d’analyse des transformations de la capitale. En même temps,
nous avons travaillé les dialogues entre la littérature et les faits
urbains.
Les premières transformations urbaines antérieures
à Haussmann
Le nouveau Paris ne naît pas avec Haussmann, mais vient du
XVIIIe siècle quand sont créées plusieurs places royales; il y a
aussi plusieurs agrandissements importants de rues. Le module
peut donc utilement étudier La Main enchantée de Gérard de
Nerval, où sont évoquées les places Royale et Dauphine, et lire
des extraits de Paris et ses environs: promenades pittoresque
(c.1829) où Charles Malo célèbre l’avenue des Champs Elysées:
«l’un des points de vue les plus imposants de l’intérieur de Paris».
Dans la première moitié du XIXe siècle, a lieu, entre autres, un
important processus de surgissement, affirmation et multiplication des passages (parfois nommés galeries), nouvelle typologie
architecturale, véritables mondes en miniature (selon la formule
de Walter Benjamin). Nous avons alors suggéré la lecture
d’extraits de Ferragus (1833), où Balzac met la figure du flâneur en
relief, ainsi que de Nana (1880), roman de Zola dont le personnage éponyme est fasciné par le passage des Panoramas.
Aggravation des problèmes
Cependant, la forte croissance démographique et économique
de la ville ainsi que l’extrême densification du tissu urbain dans la
première moitié du XIXe siècle accumulent et aggravent ses
principaux problèmes (insalubrité, épidémies, embarras de la
circulation, taudis, misère, contradictions sociales). Beaucoup ont
la sensation que Paris a cessé d’être habitable. On trouve des
échos (ou des reflets ?) de cette situation chez Balzac (La Cousine
Bette, 1846), dans Les Mystères de Paris (1842-1843) d’Eugène
Sue et dans Les Misérables (1862) de Victor Hugo, entre autres.
Les axes d’intervention de Haussmann Tout ce qui précède
aide à comprendre: 1) les raisons et les motivations de Napoléon
III pour mettre en oeuvre la rénovation urbaine de Paris (motivations politiques, motivations sanitaires, sociales et économiques,
motivations de nature policière); 2) les domaines d’intervention
urbaine du pouvoir public sous Haussmann: la sphère géographico-administrative (la ville passe de douze arrondissements à
vingt), la sphère esthétique (donner un nouveau visage à la
capitale), celle de la voirie, le champ architectonique d’édification
de bâtiments, l’assainissement et les espaces verts. Tout cela à
partir d’une approche synchronique, globale, où les parties ne
sont pas envisagées séparément, mais en rapport avec le tout, où le beau doit être autant présent que
l’utile.
Rythme accéléré de démolition, de construction et de spéculation Comment donner une idée de la
dimension et de la profondeur, de l’accélération des rythmes et des impacts des transformations au
cours de l’inexorable processus de modernisation du vieux Paris?
Le langage des chiffres est éloquent (20 à 25 mille démolitions, minimum de 40 mille nouvelles
constructions), mais les vers de Baudelaire sont peut-être plus suggestifs: «Le vieux Paris n’est plus
(La forme d’une ville / Change plus vite, hélas! Que le coeur d’un mortel); / [...] Paris change!» («Le
cygne», BAUDELAIRE, 1859).
On peut aussi mettre en relief l’intensité et la magnitude des grands travaux (vague de démolitions,
percement de grandes avenues et de boulevards) et de la spéculation en faisant appel à La Curée
(1871) et à L’Argent (1891) d’Émile Zola. Ou encore observer le destin du vieux marché central:
précaire et insalubre, il est démoli; à sa place s’élève les Halles, figure centrale du Ventre de Paris
(1873) du même Zola.
Le grand magasin
Impressionnante est la liste d’immeubles édifiés par les fonds privés pendant le II° Empire. Nous
aurions pu parler de la construction de gares, de théâtres, etc. Nous avons préféré souligner l’importance du grand magasin qui surgit dans la première moitié du siècle, vers 1824-1840. Dès les années
1850, il dépasse en prestige les passages couverts. Son triomphe est symbolique de l’ascension
inexorable de nouvelles formes de commerce (la grande entreprise capitaliste) au détriment du petit
commerce traditionnel. Au Bonheur des Dames (1883, toujours de Zola), chante l’épopée de cette
«[...] cathédrale du commerce moderne, solide et légère, faite pour un peuple de clients» (p. 244).
Quelques réflexions en guise de conclusion À l’université, l’enseignement du FLE comprend,
grosso modo, cinq grands domaines: l’enseignement de la langue française, de la didactique du FLE,
des littératures de langue française, de la traduction, enfin des civilisations de langue française.Tous
ou presque tous les centres universitaires de FLE dispensent un enseignement spécifique portant sur
les trois premiers domaines. Ce n’est pas le cas des deux derniers. Notre atelier s’est efforcé de
montrer l’importance de l’enseignement de la civilisation, d’apporter sa modeste contribution à la
réflexion des enseignants de FLE en ce domaine et, spécifiquement, de mettre en évidence les
multiples dialogues entre la littérature et les faits urbains.
Bibliographie
BAUDELAIRE, C. “Le Cygne”. (1859). In: Idem. Les Fleurs du Mal. (1861). Paris: Robert Laffont,
coll. “Bouquins”, 1989. p. 63-64. BALZAC, Honoré de. Ferragus. (1833). Paris: Gallimard, coll.
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BALZAC, Honoré de. La Cousine Bette. (1846). Paris: Gallimard, coll. “Folio”, 2010.
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Perspectiva, 1976.
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Lacoste d’après l’édition originale établie par Rolf Tiedemann. 3e éd. Paris: Éditions du CERF, 1997.
COMBEAU, Y. Histoire de Paris. 4e éd. Paris: PUF, coll. “Que sais-je?”, 2003.
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NERVAL, Gérard de. La Main enchantée. (1832). Paris: Atramenta, 2011.
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pionniers (1800-1910). Tournai (Belgique): Casterman, 1971. SUE, Eugène. Les mystères de Paris.
(1842-1843). Paris: Robert Laffont, 1991.
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ZOLA, É. L’Argent. (1891). Paris: Gallimard, coll. “Folio”, 1980.
77
PROJETS INTERCULTURELS EN COURS DE FLE
PLATA PEÑAFORT, Carolina - Pontificia Universidad Javeriana de Bogotá
L’approche par tâches a déjà une histoire longue de vingt ans dans la didactique de langues ;
celle-ci est le résultat de la mise en pratique de la perspective actionnelle selon laquelle la
réalisation d’actions motivées par un objectif communicatif aide l’apprenant à devenir plus qu’un
utilisateur de la langue, un véritable acteur social. (CECR, 2001). C’est la raison pour laquelle
l’apprentissage est considéré aujourd’hui, un processus collaboratif et la pédagogie du projet,
centrée sur le groupe, un outil idéal pour développer les compétences communicatives et
sociales dans la langue et la culture cible.
Tout d’abord, il est important souligner qu’à travers la tâche l’apprenant cherche à obtenir un
résultat donné en fonction d’un problème à résoudre, d’une obligation à remplir ou atteindre un
but qu’on s’est fixé. (Rosen, 2009). La simplicité du concept n’est qu’apparente car son intégration dans les matériels et sa réalisation dans le cours de langue devient complexe : tenir compte
des intérêts et des besoins du public visé tout en gardant l’authenticité d’utilisation de la langue
exige une véritable expertise de la part des enseignants. Le projet en didactique de langues est un
ensemble de tâches impliquant le groupe-classe en vue de la réalisation d’un produit déterminé
sur une durée relativement longue.
La Licence en Langues Modernes de l’Université Javeriana à Bogotá, s’inscrit dans ce courant
méthodologique et encourage la réalisation de projets pédagogiques où l’interaction devient l’axe
central du processus d’apprentissage ; cela signifie que les activités langagières de réception,
production, interaction et médiation s’accompagnent de la réalisation de tâches non langagières
telles que se déplacer ou manipuler des outils pour obtenir l’information requise. Il faut souligner
que pour impliquer vraiment les apprenants, les concepteurs doivent assurer la cohérence des
tâches, proposer des conditions et des contraintes afin de développer des stratégies de planification, exécution et d’évaluation du projet. En plus, il est nécessaire d’identifier les difficultés
potentielles, prévoir les aides nécessaires et envisager les différentes réalisations possibles. De
même, l’on tient à intégrer la dimension interculturelle dans le processus d’enseignement-apprentissage ; l’objectif est de stimuler la communication et favoriser l’échange positif entre des
personnes appartenant à des cultures différentes pour éviter le choc culturel, lutter contre les
stéréotypes et éviter de cette façon, les préjugés.
Dans ce contexte, nous avons eu l’occasion de partager deux projets pédagogiques lors du
congrès des SEDIFRALE 2014.
Le premier : « Parler d’une expérience esthétique au Musée Casa Botero de Bogotá» a pour
objectif principal l’expression de sensations et de sentiments provoqués par des oeuvres d’art
exposées dans ce musée de la capitale colombienne. Le musée est né grâce a une donation de
Fernando Botero et présente une collection importante qui inclut, en plus des oeuvres de l’artiste
colombien, de nombreuses pièces originales de grands artistes internationaux tels que Calder,
Picasso, Dalí, Monet, Braque, Miró, entre autres. La visite au centre historique de Bogotá permet
aussi aux jeunes d’apprécier, et parfois de découvrir, la maison magnifique style républicain où
fonctionne le musée. L’intégration des contenus linguistiques et culturels contemplés dans le
programme est essentielle ainsi que la mise en valeur de l’expérience des apprenants. Mais, le
plus important c’est qu’après cette activité le groupe a une image beaucoup plus positive de la
ville car cette collection exceptionnelle fait de Bogotá un centre d’intérêt pour les experts et les
amateurs d’art en Amérique latine.
Le deuxième : La « Gastronomie: un voyage dans le monde de la francophonie » cherche à
mettre en valeur la richesse culturelle du monde francophone à travers la cuisine. Par petits
groupes, les apprenants présentent un pays, ses habitudes alimentaires ainsi que les rituels liés
à la gastronomie. Les données géographiques, historiques et religieuses sont abordées en
fonction de leur rôle dans la façon de manger des gens de différentes cultures. Cette activité
favorise la rencontre culturelle avec des pays lointains qui ont souvent de comportements
surprenants pour les jeunes Colombiens qui n’ont pas eu encore l’expérience de vivre l’étranger.
De plus, ils apprennent que la Francophonie est présente et vivante sur les cinq continents du
Vietnam, jusqu’à la Louisiane en passant par las Antilles, la Polynésie et l’Afrique. Après avoir fait
la recherche sur le pays choisi, chaque groupe décide comment présenter les résultats du
projet : page web, vidéo, blog, affiche, préparation du plat ; tous les formats sont acceptés.
78
Pour chaque projet les apprenants font recours aux
nouvelles technologies : en plus des recherches sur Internet,
ils emploient des outils multimédia pour créer de sites web,
des fiches de vocabulaire, des potscats ou des affiches
virtuelles, par exemple. Les enseignants accompagnent le
processus à l’aide d’une plateforme wiki très convenable
s’agissant d’un environnement collaboratif qui offre une
gamme de possibilités pour gérer ce type de projets en classe
de langue.
Le travail est toujours réussi parce que les apprenants
s’enrichissent, collaborent, s’impliquent et créent à travers la
langue française.
Bibilographie
Coste D. (2009), Présentation. Le français dans le monde,
Recherches et Applications, n° 45.
Mangenot F. et Louveau E. (2006). Internet et la classe de
langue. Paris : CLE International.
Lions-Olivieri M-L et Liria Ph. (2009). L’approche actionnelle dans l’enseignement des langues. Barcelone : Difusion.
Rosen Evelyne, (2009), La perspective actionnelle et
l'approche par les tâches en classe de langue, Le français dans
le monde, Recherches et Applications, n° 45.
Exemples de projet disponibles sur :
Musée Botero : https://www.youtube.com/watch?v=5wJyxWiYtms
Gastronomie : https://www.youtube.com/watch?v=SXoEWFXycrg
Formation des enseignants: un nouveau profil du professeur FLE?
MEDINA DE PÉREZ, Gloria - Institut Supérieur des Langues-Université Nationale d’Asunción, Paraguay
[email protected]
MELGAREJO GRANADA María Gloria - St. Cloud State University, Minnesota, Etats-Unis.
[email protected]
Introduction
Ce travail propose une réflexion et mise en commun sur la
formation des enseignants et pour ce faire il cherche à retracer
un profil du professeur de FLE face aux événements de globalisation et aux emplois des nouvelles technologies qui modifient
sans cesse les rapports de communication entre enseignants
et apprenants. Il s’insère dans le cadre d’une recherche plus
large qui esquisse un profil du professeur des langues vivantes
dans une perspective comparatiste, en partant des expériences
des étudiants des Départements de Français, Allemand,
Anglais, Portugais et Guarani du niveau universitaire au
Paraguay.
Les objectifs spécifiques :
• Identifier les comportements des professeurs qui encouragent l’apprentissage du FLE
• Signaler les compétences essentielles appréciées chez
un professeur de FLE
• Identifier les aspects démotivants chez les professeurs de
FLE
La recherche, de type descriptif, offre la possibilité d’actualiser un profil du professeur de langue vivante en partant du
point de vue des étudiants, ce qui apporte de l’originalité à la
recherche.
Les résultats et les conclusions tirés de l’analyse des
données pourront être utiles pour tout public lié à l’enseignement et à l’apprentissage des langues, notamment des langues
étrangères, en spécial du FLE. De même, à la lumière de ces
nouvelles informations, on pourra, à l’avenir, proposer des
stratégies pour promouvoir le Français dans le cadre de la
diversité et de l’ouverture au monde.
Développement
Le présent travail est organisé comme il suit :
D’abord, la présentation des quelques réflexions à propos
de la mondialisation, les nouvelles technologies et l’enseignement de langues ; ensuite, quelques informations sur le
contexte institutionnel de la recherche ; après, la présentation
des informateurs et de l’instrument utilisé pour recueillir les
données ; puis les résultats du questionnaire et l’analyse des
données et finalement, le rôle, la place et les compétences du
professeur :
Mondialisation, nouvelles technologies et enseignement de langues
La Mondialisation et les nouvelles technologies posent de
toute évidence de nouveaux défis aux enseignants. D’une part,
l’accélération dans le temps réel de la communication et
l’expérience de l’immédiat virtuel demandent une analyse (qui
se fait en même temps qu’on utilise déjà tous les nouveaux
instruments avec toute sorte d’applications) et un recul même
de la part des pédagogues et spécialistes de méthodes d’enseignement, car des multiples « gadgets » sont proposés notam-
ment pour apprendre une langue sans la fatigue ou l’ennui des méthodes traditionnelles : « Vite,
facile, amusant et libre, absolument libre »…. Et la nouvelle culture populaire s’approprie de tout
sans trop savoir ce qui devra être retenu à la fin comme efficace et connaissance performante ou
permanente. Les étudiants, à condition de disposer de ces outils avancés, peuvent recevoir les
données dans leurs téléphones « smart » ou leur tablettes ou portables et à partir de là, créer
euxmêmes à volonté de nouveaux outils d’apprentissage (idéalement), des vidéoblogs, de photos
instantanées, etc. L’impression est celle de « faire comme tout le monde » ou « faire pareil »
partout dans le monde. Et après tout, il faudra évaluer les compétences. L’enseignant pourra
rester en perplexité, ou démarrer lui-même sa course vers les nouveaux objectifs des institutions
éducatives, qui seront de plus en plus fières de placer leurs apprenants, non seulement au centre
du processus d’apprentissage, mais tout simplement au centre du monde entier.
Il serait superflu déjà de distinguer les langues vivantes, tout semble si vivant en 2014 sur
internet, soit les vestiges du passé, soit les explorations de l’avenir. « Vivant » et surtout «
confiant », même si la Nature de temps en temps se charge de rappeler tous ces éternels
optimistes sur terre. La multiplicité de ressources est à la portée de tous nos écrans (mini ou
grands), de nos doigts, mais nous n’avons pas encore substitué (il y a des exceptions) dans la
plupart de nos contextes, le contact face à face, professeur/étudiant, et les professeurs qui
résistent encore aux productions audio-visuelles qui fabriquent une classe et « un prof » virtuels
qui nous rapprochent du monde robotique. Ainsi, ces professeurs cherchent à préserver leur
statut d’intermédiaire dans le processus de communication, d’apprentissage et d’évaluation, tant
qu’il y aura de salles de classes et des institutions qui fonctionnent, en principe, de façon encore
indépendante des machines.
Présentation du contexte de la recherche:
L’Institut Supérieur de Langues Créé le 12 avril 1965, l’Institut Supérieur de Langues (ISL) a
été mis sous l’administration académique et budgétaire de la Faculté de Philosophie de l’Université Nationale d’Asunción (Paraguay) à partir de l’année 2000. Au début, seule la licence en
langue anglaise était proposée, puis les autres sections ont été ouvertes: Français, Allemand,
Italien (aujourd’hui fermée) et Guarani (langue officielle du pays, avec l’Espagnol). La section de
langue portugaise a été inaugurée en 2011. L’ISL est la seule institution faisant partie de l’Université Nationale d’Asunción à préparer les étudiants à la licence en langues étrangères. Le diplôme
est octroyé après 4 ans d’études. Cette formation permet aux titulaires de la licence d’obtenir la
certification comme traducteur/interprète de langues et de se consacrer à l’enseignement.
Afin d’obtenir le diplôme, les étudiants doivent rédiger et défendre oralement un Mémoire de
Licence (Tesina) dans la langue étudiée, sous la supervision d’un directeur de thèse. En ce qui
concerne le nombre d’effectifs par classe, historiquement, la plupart des sections compte avec un
nombre réduit d’étudiants par classe qui est en fait fluctuant d’une année à l’autre, à l’exception
de la licence en langue anglaise.
L’ISL a pour objectif de: “mettre à la disposition des étudiants futurs diplômés les meilleurs
outils linguistiques, sociologiques, méthodologiques, pédagogiques, techniques, scientifiques
et culturelles nécessaires pour atteindre le niveau désiré conformément aux énoncés de l’Université Nationale d’Asunción (UNA).” Ainsi, “les étudiants et diplômés ayant reçu cette formation,
seront qualifiés pour l’enseignement, la recherche, la traduction, le commerce International, entre
autres”.1
1Schvartzman B., “El Instituto Superior de Lenguas. Calidad educativa en un mundo competitivo”,
Revista Humanidades Nº 1, p. 98
79
En dehors des carrières aboutissant à un diplôme, l’ISL propose régulièrement des cours
d’espagnol, guarani, italien, portugais, coréen et chinois-mandarin. Ces cours en deux modules
ont une durée de quatre mois. L’institution propose également un cours de traduction de l’anglais
vers l’espagnol. L’ISL est actuellement l’institution désignée comme centre d’examens pour les
candidats intéressés à la certification de Traducteur Public dans les langues de leur spécialisation.
les étudiants sont habitués à employer comme support de leur
apprentissage et ce que le professeur offre pendant le déroulement de son cours : pour les premiers ce sont les nouvelles
technologies tandis que pour le deuxième, sauf exception, c’est
encore presque entièrement manuel, imprimés en général,
tableau et feutre…
Présentation des informateurs
La population qui a participé à cette étude correspond à des étudiants de l’Institut Supérieur
des Langues de l’Université Nationale d’Asunción. Nous avons appliqué un questionnaire à un
échantillon de 88 étudiants, choisis d’une manière aléatoire de chaque Département de langue
dont 31 de Français.
Item 8 : Pour communiquer avec leurs professeurs et
parler de leur progrès académique dans le cours, le moyen de
prédilection des étudiants est signalé comme il suit :
De la totalité de 31 étudiants de français enquêtés, 7 appartiennent au sexe masculin et 24 au
sexe féminin ce qui reflète la caractéristique institutionnelle d’une forte présence féminine dans
tous les Départements.
La langue maternelle qui prédomine parmi ces étudiants est l’espagnol, puis se trouve le
guarani et finalement le français. La plupart d’étudiants parlent d’autres langues en plus de leur
langue maternelle et la langue objet d’étude. Ainsi, ils ont mentionné l’anglais en premier lieu,
puis le portugais, l’italien et l’espagnol.
Présentation de l’instrument
Comme instrument pour recueillir les informations, on a élaboré un questionnaire composé
de 13 items, dont les dix premiers sont du type réponses fermées et les trois derniers du type
réponses ouvertes. Le questionnaire est rédigé en espagnol, langue partagée par tous les
étudiants de l’Institut. L’application de l’instrument a été faite entre septembre et octobre 2011 et
puis actualisée entre septembre et octobre 2013.
Résultats du questionnaire et analyse des données
À partir des données recueillies, on signale les défis et les barrières rencontrés par les professeurs face à un public qui demande de nouvelles compétences ; on identifie et différencie les
catégories de comportements des professeurs qui favorisent l’apprentissage de la langue ; on
explore les nouveaux rôles et la place de l’enseignant ainsi que ses compétences essentielles. À
l’occasion de cette présentation on tiendra compte des résultats des six derniers items de
l’enquête, ceux qui sont directement reliés au sujet de cette communication.
Item 6: Les informateurs signalent les outils de contact avec la langue les plus utilisés
pendant leurs cours (Trois choix au plus) :
Manuel ou autre texte imprimé (94%) ; CDs/DVDs (29%) ; moteurs de recherche sur internet
(26%) ; rétroprojecteur (26%) ; Diaporama ou PowerPoint (23%) ; Vidéos sur YouTube (13%) ;
Autres (3%).
Ces réponses montrent que le manuel ou autre texte imprimé reste le principal support
employé par les professeurs. Dans le cas du Département de Français, 5 il a une relation avec les
pauvres possibilités technologiques offertes par l’institution. L’utilisation des nouvelles technologies en classe dépend alors presque entièrement des ressources que l’enseignant (et aussi
l’étudiant) peut apporter au processus d’enseignement et d’apprentissage.
Item 7: En ce qui concerne les outils technologiques dont les étudiants se servent le plus
souvent pour leurs exposés/devoirs/projets de classe, ils signalent (possibilité de faire plusieurs
choix) :
Documents en libre accès sur internet (56%) ; dictionnaire en ligne (48%) ; sites web préférés
(48%) ; sites web pour l’apprentissage de la langue (45%) ; vidéos sur YouTube (45%) ; moteurs
de recherche sur internet (16%) ; vos photos personnelles (13%) ; vos blogs préférés (3%) ;
radios sur internet (0%).
En premier lieu apparaissent les « documents en libre accès sur internet » et puis le «
dictionnaire en ligne » et « sites web préférés ». Si l’on compare les résultats obtenus dans
cet item avec ceux de l’item précédent, on se rend compte qu’il y a un décalage entre ce que
80
Entretiens personnels (80%) ; courrier électronique (16%) ;
communication par écrit (3%) ; réseaux sociaux sur internet
(2%).
Les « entretiens personnels » continuent à être la manière
privilégiée des étudiants pour recevoir des informations sur
leur progrès académique. Ils remarquent aussi la possibilité
d’utiliser un moyen technologique, le « courriel». D’autres
moyens tels la « communication par écrit » ou des « réseaux
sociaux sur internet » ont été très peu signalés.
Item 9 : Quant aux compétences nécessaires pour être un
bon professeur de langues, les informateurs signalent par
ordre d’importance :
1er maîtrise de la langue orale
2ème maîtrise de la langue écrite
3ème possède une bonne stratégie d’enseignement
4ème donne des consignes claires
5ème bon choix d’activités
À partir des réponses indiquées par les étudiants, on peut
constater que ce sont les compétences linguistiques qui
acquièrent une importance primordiale devant leurs yeux.
Ainsi, la première place est occupée par la « maîtrise de la
langue orale » et puis « maîtrise de la langue écrite ». D’autres
compétences sont : « possède une bonne stratégie d’enseignement » ; « donne des consignes claires »; et finalement « bon
choix d’activités »
Item 10 : Sur l’existence de rapports de communication et
d’interaction avec les autres Départements de langue de
l’Institut, les étudiants ont marqué :
Non, aucun rapport (87%) ; oui (13%)
D’après ce qu’ils manifestent, on remarque l’absence
presque totale de communication et d’interaction entre les
étudiants qui font partie des différentes Sections de l’ISL. Cela
nous indique que les possibilités de partage des savoirs,
savoir-faire et savoir-être se voient réduites parce que les
Départements de langue, fonctionnent en parallèle. Ce
phénomène révèle la nécessité d’une réflexion de la part de
l’institution, étant donné que les tendances actuelles en matière
d’éducation poussent aux projets de collaboration entre
disciplines et à la diversification des contenus du curriculum
universitaire, pour mieux préparer leurs futurs diplômés aux
postes et aux fonctions qui exigent une aptitude aux tâches
interdisciplinaires, c’est-à-dire à une productivité qui exige
une vision plus totalisante (et globale), et à la base, la capacité
de réflexion critique, d’adaptabilité et de flexibilité au moment
de considérer et d’aborder le monde du travail. Pour y arriver,
le professeur doit réexaminer son profil de carrière personnel
et par rapport à son institution et ses associations professionnelles et se réaffirmer en tant que sujet, lui ou elle aussi, d’une
formation continue qui entraîne une meilleur connaissance et
application des nouvelles technologies. Les responsables
pédagogiques devraient en principe répondre à ces défis avec
leur soutien sur les plans de la formation tout en encourageant
les travaux de recherche et de mise en pratique des nouvelles
techniques d’enseignement.
Item 11 : En ce qui concerne les aspects que les étudiants
apprécient le mieux chez leurs enseignants, voici ce qu’ils
manifestent (par ordre d’importance):
dynamisme, respect, empathie, ouverture à l’écoute…
Ensuite, les compétences linguistiques « maîtrise de la langue orale et écrite » acquièrent une
place prépondérante ainsi que les savoirs (culture générale, savoir socioculturel, savoirs liés à la
matière de spécialité…) et le savoir-faire.
Il ne faut pas non plus oublier un autre aspect très souligné par les enquêtés : ce qui fait partie
du « quotidien du professeur », les compétences didactiques et pédagogiques qui se mettent en
oeuvre conjointement. Les premières relèvent d’une démarche personnelle d’analyse, de
définition d’objectifs et de choix de stratégies d’enseignement au moment de la préparation du
cours. Les secondes ressortissent de la mise en oeuvre des objectifs dans le cadre de la relation
maître-élève.
Capacité de motiver les étudiants ; respect ; connaissance
des contenus ; bonne stratégie d’enseignement ; maîtrise de la
langue ; respect du programme établi pour le cours ; utilisation
de nouvelles technologies ; capacité de diversifier les activités
de classe ; utilisation d’un support intéressant pendant les
cours ; tolérance, patience ; connaissance du socioculturel ;
amour de son métier ; dynamisme ; créativité.
Rôle, place, compétences du professeur. Profil du professeur.
On peut signaler que pour les étudiants une bonne maîtrise du sujet ou de la matière viennent
en premier lieu, ce qui suppose une formation continue de la part de l’apprenant qui doit ainsi
viser à l’excellence (par exemple, la prononciation, dans quelques cas de « bon accent »),
puisque le professeur apparait aussi comme un modèle à suivre et le responsable ultime du
succès ou de l’échec dans le processus d’acquisition de la langue de leur choix. L’enseignant est
alors quelqu’un de très professionnel, très motivé par son métier, très organisé, très au courant
des nouvelles technologies (et de leur application dans le domaine des langues), d’un esprit
ouvert à la communication.
Ex. « Preparación: clases con objetivos claros y alcanzables, más actitud investigativa e inquisidora, más dominio
total de la lengua de enseñanza (4 habilidades), más uso
correcto y pertinente de las nuevas tecnologías”.
Ils ont signalé plusieurs fois qu’un enseignant démotivé, désintéressé à son travail ou qui
manifestement ne fait que le minimum parce qu’il n’exerce la profession que pour des raisons
financières, provoque avec ses attitudes une réaction très négative chez les apprenants, qui eux
aussi ont besoin de motivation, d’encouragement, d’écoute attentive, etc.
Item 12 : À propos des aspects démotivants chez un
enseignant, les étudiants signalent :
Un autre aspect important est celui de la formation du professeur dans les domaines de la
culture et de la civilisation dans la langue d’étude. Certes, les nouvelles technologies permettent
en principe un accès aux articles, documents, photos et cartes des différents pays, mais celui qui
est à la charge d’enseigner la langue est aussi vu comme un reflet ou un véhicule de la culture,
de l’histoire, des arts…
Comportements discriminatoires ; manque de feed-back ;
manque de dynamisme ; méconnaissance de la langue et de la
culture ; mauvais accent ; manque de motivation, clarté,
patience ou de responsabilité ; méconnaissance du contenu ;
manque de préparation et de formation ; ne pas utiliser les
nouvelles technologies ; mauvais choix d’activités ; manque de
bons supports d’enseignement ; manque d’interaction avec
l’apprenant.
Ex. « La llegada tardía, la falta de motivación, les lecturas
en clase sin despertar interés, los trabajos prácticos con
cuestionarios poco claros, la informalidad”.
Item 13 : En ce qui concerne les comportements ou
attitudes chez les professeurs, essentiels pour faciliter
l’apprentissage d’une langue étrangère, les étudiants ont relevé
les facteurs suivants:
Attitude positive ; spontanéité ; clarté dans la transmission
des connaissances ; enthousiasme et dynamisme ; créativité ;
connaissance du contenu ; amour du métier ; ouverture à
l’écoute et à l’interaction ; bonne tenue ; empathie ; encouragement à la participation ; connaissance de la langue et de la
culture ; bon choix d’activités.
Ex. « La interacción que debe haber entre profesor y
alumno, la buena presencia del profesor, el conocimiento
general de su materia, la correcta pronunciación de la lengua”.
Avec l’analyse des trois derniers items, on constate que les
étudiants apprécient très spécialement chez les professeurs les
compétences liées au savoir-être, leur côté humain :
compréhension, enthousiasme, sympathie, spontanéité,
Conclusion
Pour conclure ce travail, quelques réflexions émergent : on présente des lignes directrices
pour tracer un profil du professeur FLE, esquissé à partir des réponses données par les participants à l’enquête.
- L’enseignant FLE est un professionnel dont on attend un haut niveau de formation, non
seulement en linguistique, mais aussi dans les domaines socioculturels.
- L’enseignant est à la charge de la motivation et de l’interaction ou participation des
apprenants.
- L’enseignant maîtrise la langue à l’oral et à l’écrit.
- L’enseignant est capable d’appliquer les nouvelles technologies de manière efficace.
- L’enseignant est au courant de nouvelles techniques ou nouvelles pédagogies.
- L’enseignant est au courant des recherches dans les domaines de l’interaction et de
l’interculturel.
- L’enseignant présente ses objectifs de manière explicite, ainsi que ses attentes en ce qui
concerne l’évaluation. Il présente un programme.
- L’enseignant est dynamique, apporte aux apprenants un modèle positif, il encourage
l’apprentissage, il évite de se montrer de mauvaise humeur ou trop encombré d’activités ou
trop occupé pour répondre aux apprenants.
- L’enseignant évite de se limiter à distribuer des photocopies, il met en place des stratégies
pour assurer le succès dans les épreuves de contrôle.
- L’enseignant évite les comportements considérés discriminatoires ou injustes, il reste donc
attentif à la structure et fonctionnement « social » de son groupe. Il n’ignore personne, il ne
ridiculise personne.
- L’enseignant a une bonne tenue, il a une présence agréable aux yeux des apprenants.
- Et finalement, l’enseignant est un être humain compréhensif mais exigeant, qui aime son
métier et la langue qu’il enseigne.
Ces conclusions pourraient aider à la diffusion des expériences pédagogiques partagées, à
envisager des facteurs essentiels au moment de la formation des professeurs et futurs
professeurs et à la mise en oeuvre de nouvelles stratégies de promotion du FLE.
81
Bibliographie/Sitographie
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• PECHEUR J. « Quand l’enseignant est conduit à changer de rôle » in Le Français dans le Monde nº
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Hatier, Paris, 1981.
• SCHVARTZMAN B., « Instituto Superior de Lenguas: Calidad educativa en un mundo competitivo »
in Revista Humanidades, Facultad de Filosofía UNA, Octubre 2010, p. 97-100.
• VERA PÉREZ C., “Le web 2.0 dans l’enseignement des langues étrangères » in Le Français dans le
Monde, nº 363, 2009, p. 27-29.
• CAVAZZA F. « Web 2.0 : la révolution par les usages ». Site : http://www.journaldunet.com 2005 10
• DEROSNAY J., « Réflexions sur internet et implications en éducation ».
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• PEKAREK DOEHLER, Simone. « Approches interactionnistes
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perspectives. » Revue Aile, Décembre 2000.
• LAMBERT, Monique. « Les profils d’apprenants comme mode
de description et d’explication à la variabilité des apprentissages en
langue étrangère » Revue Aile, Avril 1994.
• DANIEL, Véronique. « Quel profil d’apprenant ? » Réflexions
méthodologiques. Revue Aile Avril 1994.
Louis Jouvet et le dialogue France-Amérique latine
SARDINHA CHAGAS DE MORAES, Stela Maria - Universidade do Estado do Rio de Janeiro
Alliance Française de Niterói
Association des Professeurs de Français de l’État de Rio de Janeiro
[email protected]
Le 17 avril 1947, lors de la « causerie » de Louis Jouvet au Théâtre de l’Athénée, à Paris,
quatre années s’étaient écoulées depuis le départ du célèbre metteur-en-scène avec sa troupe
vers l’Amérique latine.
L’odyssée a eu son prologue au mois de janvier 1941, en Suisse, où la troupe de l’Athénée
était partie en tournée pour présenter l’École des femmes, de Molière.
Il n’est pas inutile de souligner que la guerre avait éclatée en septembre 1939 et que le 14 juin
1940, les Allemands marchaient sur Paris.
En février 1941, on vint me demander de partir avec ma Compagnie en
Amérique du Sud, faire la tournée habituelle que font les Compagnies dramatiques françaises à Rio de Janeiro et à Buenos Aires.(JOUVET, 1945, p. 17)
Selon Jouvet, le départ a été préparé, à Lyon, dans des circonstances difficiles, tout en continuant de représenter l’École des femmes dans la zone non occupée de la France.
Les statistiques concernant les régions traversées et les espaces parcourus sont assez
étonnantes : « Nous sommes allés dans quinze pays [...] nous avons parcouru 67.000 kilomètres
(une fois et demie le tour de la terre) [...] » (JOUVET, 1945, p. 18).
Le relevé des équipements et des décors est aussi épatant : « [...] avec 47 décors dont quatre
comportent une importante machinerie permettant des changements à vue), un équipement
complet de scène et d’éclairage, [...] » (JOUVET, 1945, p. 18-9).
Au total il y a eu, toujours d’après Jouvet, qui en a fait la comptabilité, 1.077 répétitions pour
les 376 représentations jouées devant quelque 700.000 spectateurs.
Cet exploit, malgré tous les problèmes – parmi lesquels, les difficultés financières n’étaient
pas les moindres – a constitué une vraie réussite.
De Rio de Janeiro à Buenos-Aires, du Brésil à l’Argentine, de São Paulo à
Rosario et à Santa-Fé, de Montevidéo en Uruguay, au Chili, au Pérou, à l’Équateur, en Colombie, du Vénézuéla à La Havane, de Port-au-Prince en Haïti au
Mexique, puis à la Martinique et en Guadeloupe, longeant tantôt l’Atlantique,
tantôt le Pacifique, traversant deux fois la Cordillère des Andes, d’étonnements
en étonnements et de surprise en surprise, nous avons ressenti profondément
en nous la signification de ce mot « latinité ». (JOUVET, 1945, p. 15)
Et ce n’est pas par hasard : Jouvet et sa troupe dans tous ces pays, dans toutes ces villes,
ont reçu des preuves d’amitié et même de fraternité « les plus sincères, les plus spontanées
» (JOUVET, 1945, p. 15), en plus de dons et des subventions des gouvernements.
82
Les raisons pour lesquelles j’ai quitté Paris, puis la
France, ne sont ni religieuses, ni politiques, mais
uniquement professionnelles. J’ai quitté Paris pour
aller en Suisse, parce qu’on m’interdisait de jouer
deux de mes auteurs : Jules Romains et Jean
Giraudoux. On les trouvait anticulturels, on m’offrait
de les échanger contre Schiller et contre Goethe. Ce
n’était plus mon métier, il y aurait eu équivoque
(JOUVET, 1945, p.12)
La déclaration de Jouvet suscitera des questionnements à
Denis Rolland, qui se demandera quelles auraient été les
‘vraies’ raisons qui auraient poussé le metteur-en-scène à
décider de quitter la France.
Dans Paris occupée, Jouvet constate que sa marge de
manoeuvre est réduite. Plus que d’autres, il a du mal à
imaginer une normalisation possible de la vie
culturelle parisienne, en dépit de la programation de
l’École des femmes à l’Athénée, en décembre.
(ROLLAND, 2000, p. 139)
Déjà au mois de mars, pendant la période surnomée ‘la drôle
de guerre’, ne croyant pas aux possibilités de reprise du théâtre,
Jouvet aurait proposé trois projets à l’Association française
d’action artistique (AFAA) qui ont néanmoins échoué. Il cherche
à faire revivre rapidement son théâtre et dans cette logique, « il
faut reprendre les projets de tournée du printemps, jouer un
temps hors de la zone occupée [...] » (ROLLAND, 2000, p. 139).
Citant la thèse de Serge Added sur le théâtre en France
durant la guerre, Rolland (ROLLAND, 2000, p. 188) démontre
que l’autorisation donnée à Louis Jouvet et à la troupe de
l’Athénée de quitter Paris pour aller jouer en Suisse, puis en
zone libre et, finalement, en Amérique Latine, à évolué pas à pas
et a constitué un cas inédit sous l’Occupation.
Toujours pendant la conférence proférée en 1947, Jouvet, se
rapportant à leur exploit, déclarait : « Cette tournée, que
l’impossible et l’extraordinaire semblaient organiser tous les
jours, nous a appris la spiritualité du théâtre. » (JOUVET, 1945,
p. 11).
Le Brésil sera le premier des pays d’Amérique latine à
recevoir la troupe de l’Athénée. Après une escale à Recife et
une autre à Salvador, le paquebot brésilien Bagé arrive à Rio de
Janeiro (JOUVET, 1945, p. 21) :
Je me souviens des premières représenttions que
nous avons données à Rio de Janeiro. Je lisais sur les
visages de mes compagnons une angoisse que je n’ai
pas oubliée. L’attention, le silence du public étaient si
intenses, si inhabituels pour nous, que nous étions
tout à coup effrayés. Comment n’aurions-nous pas
pris ce recueillement pour une froideur, un
douloureux reproche. Eh bien !ce silence redoutable,
nous l’avons compris ensuite, n’était fait que d’une
poignante émotion, émotion que donne l’attente à
ceux qui se retrouvent, émotion de retrouver l’esprit
français, émotion, dans la chaleur des applaudissements, de nous affirmer leur amour et leur fidélité.
(JOUVET, 1945, p.11-2)
D’où la déclaration pleine d’ironie de Denis Rolland :
La troupe de l’Athénée a sans doute cette culture
moyenne sur l’Amérique latine que l’on trouve dans
une France qui cultive son sentiment de supériorité
culturelle : c’est–à–dire pratiquement rien, au-delà de
quelques stéréotypes en particulier sur la richesse
exubérante des Argentins ou des Brésiliens [...].
(ROLLAND, 2000, p. 331-2)
Il faut, toutefois, reconnaître que le Brésil était alors – il l’est
toujours – profondément francophile.
Les origines lointaines de cette admiration remonteraient,
paradoxalement, au XVIe siècle lors des tentatives échouées de
colonisation à Rio, avec la France Antarctique, et puis au
Maranhão, avec la France equinoxiale et se sédimentera
progressivement.
Cette influence française, librement choisie et vécue,
d'abord par une minorité élitiste, moins comme la
figure réelle de l'autre que comme l'image idéale de
soi, a paradoxalement ouvert à la majorité du pays la
possibilité d'affirmer sa brasilianité. (ELMALAN,
2000)
Effectivement, dans la seconde moitié du dix-neuvième
siècle,
[...] l’élite brésilienne pensait, parlait et écrivait en
français. Le commerce de livres était tel que nos ports
étaient les premiers du monde en livres importés de
France, parmi lesquels figuraient en bonne place des
livres d’auteurs brésiliens, comme Machado de Assis,
imprimés par le célèbre éditeur Jean-Baptiste-Louis
Garnier. (BANDEIRA, 2006, p. 101)
L’Alliance française, fondée en 1883, à Paris, a établi en
1885 sa première représentation internationale à Rio de
Janeiro, sous le principe de ‘liberté, égalité, fraternité’ et avec
des idées de progrès et d’émancipation diffusées initialement
par la Mission Française. (TERZIAN, in : KECHICHIAN, 2009,
p. 133)
Selon Françoise Terzian,
L’importance de l’institution est perçue non seulement dans l’intérêt à apprendre
la langue, mais aussi dans la diffusion d’une culture appréciée par les Brésiliens
de l’époque. (TERZIAN, in : KECHICHIAN, 2009, p. 133)
Cela expliquerait la réaction du public carioca (c’est-à-dire, de la ville de Rio de Janeiro) lors
des présentations de la troupe de l’Athénée :
Une société choisie y parle couramment le français avec grâce et distinction, et
nous a donné, parmi tous les publics devant qui nous avons joué, une audience
qui pourrait rivaliser avec celle de Paris, par son élégance, le sens des nuances
de notre langue, une sympathie qui fait d’une représentation dans le grand
théâtre de Rio de Janeiro une réunion de bon ton, où il est vraiment agréable de
se trouver. (JOUVET, 1945, p. 22)
Il faut remarquer qu’au début du XXe siècle, l’aristocratie brésilienne vit la période de la Belle
Époque qui, au Brésil, durera, selon quelques auteurs, jusqu’à la première moitié des années
vingt, et selon d’autres, jusqu’à 1930, au moment où finit la « Vieille République ».
Le Brésil vit en fonction de la mode dictée par Paris. On importe des meubles,
des objets de décoration, des vêtements et des livres. Les intellectuels du pays
dévorent les oeuvres des écrivains et des poètes français [...].(TERZIAN in :
KECHICHIAN, 2009, p. 139)
À Rio de Janeiro, alors Capitale Fédérale, 1900 marque une période de grande influence
française, soit dans le domaine des arts ou dans celui des affaires. Dans ce contexte, le maire
Pereira Passos essayera de transformer la ville, en s’inspirant des réformes de Haussmann à
Paris.
Des grands noms de l’élite culturelle au Brésil, parmi lesquels, Oswald de Andrade et Mário
de Andrade, s’inspirant des mouvements avant-gardistes européens très en vogue en France,
lancent en 1922 La Semaine d’Art Moderne .
De toute évidence, le phénomène de cette attraction culturelle pour la France ne s’astreint pas
uniquement au Brésil dans le continent. Se rapportant à la littérature hispano-américaine,
Jean-Claude Villegas souligne :
Les modernistes choisissent le parricide et, transgressant les frontières nationales, parviennent à établir des contacts transnationaux par le biais d’une
stratégie de fuite. Tournant le dos à leur propre tradition nationale, ils se fondent
dans une actualité littéraire française, qui représente à leurs yeux l’essence
même de la nouveauté, de l’anticonformisme et de l’ouverture du monde. Mais
citoyens du monde sans pour autant renier totalement leurs origines, ils signent
ainsi l’acte de naissance de la littérature latino-américaine. (VILLEGAS, 2007, p.
16)
À partir de cette théorie qui se rapproche des idées exposées par Oswald de Andrade dans le
Manifeste Anthropophage – l’un des textes fondateurs du modernisme brésilien -, Villegas
déclare:
C’est cependant la capitale française qui, tout au long du vingtième siècle, reste
le centre même de la géographie universelle. Par là même elle devient la
capitale excentrée de la littérature latino-américaine. [...] Depuis les modernistes, jusqu’aux générations les plus contemporaines, en passant pas les
avant-gardes, par le très voyant boom latino-américain, par la génération de
l’exil, c’est à Paris que se conçoit, que s’écrit et se fabrique la littérature
hispano-américaine. (VILLEGAS, 2007, p. 17)
Effectivement, les pièces jouées par Jouvet, au Brésil – comme dans les autres pays de
l’Amérique latine - ne sont pas traduites. Le public, comme cité précédemment - surtout le
public féminin - accompagne le texte sans problèmes de compréhension. Il suffit de penser
83
que les filles de l’élite sociale brésilienne suivent ses études dans des écoles dirigées par des
religieuses françaises (Notre-Dame de Sion, Les Oiseaux...).
Culturellement, d’autres institutions instalées dans le pays après la Première Guerre mondiale
donnent aussi un aperçu du rayonnement de la France au Brésil. L’Institut franco-brésilien de
haute culture, à Rio et à São Paulo, en constitue un exemple. Il est également important de signaler la participation, en 1934, de six professeurs agrégés français à la création de la faculté de
philosophie, sciences et lettres de l’Université de São Paulo (USP) auxquels bientôt se rejoigneront Braudel, Lévi-Strauss, Monbeig, Hourtade et Maugüé. (ROLLAND, 2000, p. 392)
Quoique « fortement implantée, la langue française est cependant en net retrait et sa place
dans les programmes d’enseignement est contestée. » (ROLLAND, 2000, p. 393)
L’élite lisait nos livres, se faisait donner nos pièces de théâtre, buvait nos vins
fins ; la masse, parvenue, fréquentera les cinémas américains, lira des romans
policiers traduits de l’anglais, boira de la bière ou des alcools brutaux. [...] La
France, à cet égard, est un peu démodée, et on nous le dit assez. (SIEGFRIED,
in : ROLLAND, 2000, p. 392)
Analysant les raisons de ce basculage d’intérêts qui remonterait vers la Première Guerre
mondiale en fonction, d’une part, à la décroissance de l’immigration française, d’autre part, à la
réduction des investissements français au Brésil - surtout après la crise de 1929 –, Rolland
(ROLLAND, 2000, p. 393-5) soulève encore quatre phénomènes qui se conjuguent malencontreusement :
- l’anglais répondrait aux nécessités de la vie courante en Amérique du Sud : des entreprises
anglaises et américaines implantées dans le continent recrutaient du personnel sur place ;
- l’engouement croissant pour tout ce qui provient des États-Unis (musique, films, mais aussi
habitudes, théories, doctrines) ;
- l’anglais est exigé dans un nombre croissant d’examens entre les deux guerres ;
- les livres américains sont ‘déversés en abondance’ tandis qu’on éprouve des difficultés à se
procurer des ouvrages en français.
À cette dernière raison, Rolland ajoute un dédoublement : « Il n’existe ainsi, en 1941, aucun
des livres de Jouvet en espagnol ou en portugais ; la quasi totalité des pièces de Romains et de
Giraudoux ne sont pas traduites... » (ROLLAND, 2000, p. 395).
Et l’on estime volontiers en France que, puisque le français sert (servait) de
langue universelle, point n’est besoin de faciliter l’accès de la littérature
française en traduction. (ROLLAND, 2000, p. 395)
Les changements de la situation de la langue française en Amérique du Sud par rapport au
XIXe siècle ne semblent donc pas tellement évidents aux yeux des Français :
[...] dans de nombreuses capitales, la mention ‘película toda hablada en francés’
[‘film entièrement parlé en français’] demeure, aux yeux des observateurs
français, un témoignage du rayonnement de la langue française et un argument
de vente : mais c’est alors la seule élite traditionnelle francophile qui sert de
miroir aux diplomates français. (ROLLAND, 2000, p. 393).
Considérant toujours le cinéma, Rolland constate que le nombre de films français distribués
en Amérique du Sud comparé à celui des films nord-américains est très restreint. Un autre
inconvénient : tandis que les films nord-américains, fréquemment doublés, sont programmés à
peu près simultanément partout en Amérique, les films français ne parviennent que de façon très
tardive, sur des copies usagées et, comme cité précédemment, entièrement parlés en français.
(ROLLAND, 2000, p. 394).
En ce qui concerne le théâtre, si les pièces présentées par la troupe de l’Athénée sont encore
comprises par l’élite sociale brésilienne qui a reçu son éducation quelque vingt ou trente ans
auparavant, il n’est pas certain que leurs enfants puissent les comprendre.
Établissant une comparaison entre les présentations de plusieurs compagnies au Brésil,
en Argentine et en Uruguay, Rolland conclut :
84
Mais Rio n’est ni Buenos Aires, ni Montevideo. À la
lecture des archives comme de la presse locale, le
public de Rio semble plus régulier. Il est peut-être
plus francophile, et, à tout dire, moins susceptible – si
pour le même spectacle, la qualité s’avère moins
bonne qu’en Europe - ; peut-être est-il moins
‘européen’ que celui des capitales uruguayenne ou
argentine. (ROLLAND, 2000, p. 399/400)
Cela expliquerait « les beaux succès obtenus à Rio comme
à São Paulo » par « nombre de troupes ayant fait des saisons
médiocres à Buenos Aires ou à Montevideo. » (ROLLAND,
2000, p. 400)
« Quoi qu’il en soit, avec le déclin de la langue, s’affirme le
retrait – par rapport aux concurrences étrangères – de
l’influence française. » (ROLLAND, 2000, p. 399)
Au Brésil, cependant,
D’une certaine manière, Jouvet aurait alors fait ses
premiers pas dans l’histoire du théâtre brésilien,
apportant une contribution aux contours incertains
mais déterminante à la rénovation de l’art de la scène
; une influence toutefois largement exagérée en France
ou par les Français et masquée, au Brésil, par les
rénovations « nationales » postérieures. (ROLLAND,
2000, p. 367)
Gustavo Dória, l’un des créateurs du groupe Os Comediantes, cite l’un des plus importants enseignements de Jouvet :
[…] toute initiative qui aurait pour but de fixer au
Brésil un théâtre de qualité, un théâtre qui puisse
vraiment toucher le public, devrait privilégier la
littérature nationale. […] Le point de départ était
l’auteur brésilien. (DÓRIA in : PONTES, 2000, p. 15-6)
Selon Heloísa Pontes, le conseil de Jouvet deviendra
presqu’une obsession pour le groupe qui aura la grande
chance d’être dirigé, trois ans plus tard, par Zbignew Ziembinski. Acteur et metteur-en-scène d’origine polonaise, Ziembinski sera le responsable de la mise-en-scène de Vestido de
noiva que Os Comediantes joueront en 1944.
De cette rencontre entre un conseil donné, un point de
vue partagé, un groupe de théâtre amateur décidé à
rénover la scène théâtrale, un auteur encore inconnu
(Nelson Rodrigues) et un scénographe talentueux
(Santa Rosa) découlera le moderne théâtre brésilien
[...]. (PONTES, 2000, p. 127)
On ne peut pas nier qu’avec le déclin de la langue s’affirme
le retrait – par rapport aux concurrences étrangères – de
l’influence française au Brésil comme dans les autres pays du
continent américain.
On ne peut tout de même pas oublier l’héritage culturel
français qui émerge dès que l’on étudie l’histoire de l’Amérique
latine.
Les XVIe SEDIFRALE au Costa Rica en sont la preuve
incontestable.
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Psychocritique et intimisme : une étude des oeuvres Moderato Cantabile
et Le Ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras
FERREIRA, Julia Simone - Brésil
Professeur Docteur en langue et Littérature Française - L’Université Fédérale D’Acre – UFAC
[email protected][email protected]
Marguerite Duras est un écrivain que nous désignons
d’intimiste. Elle est intimiste lorsque l’auteur met en scène vie
et oeuvre, oeuvre et vie. Ces deux mondes expriment le secret,
le mystère et l’obscurité, lorsqu’il s’agit des faits profonds qui
l’ont fortement marquée. C’est ainsi que l’auteur met en lumière
sa vie familiale et personnelle. En effet, Duras garde toujours,
en elle-même, une part de réserve quand elle "dévoile" à ses
lecteurs les souffrances du coeur, l’enfance difficile, la
pauvreté, la mère, les frères et la précocité amoureuse,
c’est-à-dire, tout un vécu intime marqué par les désillusions
sentimentales et amoureuses.
Intime, elle l’est aussi dans les textes que nous avons
retenus ici pour faire notre analyse : Moderato Cantabile et
Le ravissement de Lol V. Stein. Dans ces textes, nous
allons analyser l’intime des personnages féminins, une histoire
chargée de silence et de non-dits, un vécu obscur, douloureux
et traumatisant qui demeurent dans l’état latent. C’est ainsi que
Duras met en pleine lumière, les tensions internes, les conflits
qui déchirent les régions les plus profondes de l’être et cela
pour un travail d’écriture sur de grands thèmes paradoxaux, à
titre d’exemples : le passé et le présent, l’amour et la mort, la
mémoire et l’oubli. Écrire dans l’opposition et dans le mystère,
Duras décrit ce qui est le plus secret chez l’être.
Dans les textes, on aperçoit que l’intime des personnages
féminins se traduit par la musique. Elle est symboliquement
liée à l’événement vécu. La musique déclenche chez les heroї
nes le sentiment de l’absence et le manque de l´être passionnément aímé. Elle fait l´écho intérieur d’un deuil impossible,
d’une inconsolable perte. Dans ce sens, l’écriture part à la
recherche de « quelque chose qui se refuse à être cerné. […]
Ce qui est douloureux, la douleur – le danger – c’est la mise en oeuvre, la mise en page, de cette
douleur, c’est crever [l’] ombre noire afin qu’elle se répande sur le blanc du papier, mettre en
dehors ce qui est de nature intérieure ». (DURAS, 1977, p.123, 124).
C’est justement à travers ce quelque chose qui se refuse à être cerné, dans les non-dits du
discours que l’auteur va obstinément « crever l’ombre noire [et] mettre dehors, sur le blanc du
papier », le vécu traumatisant des héroïnes des textes. En effet, c’est par le biais de la musique
que nous allons comprendre cet intime mystérieux qui retentit intérieurement dans la vie personnelle des héroïnes : Anne Desbaresdes et Lol V. Stein.
Dès l’ouverture de Moderato cantabile, la musique jouée au piano par l’enfant d’Anne, éveille
chez l’héroїne le sentiment d’absence. En effet, la musique liée à des sons venus de l’extérieur,
c’est-à-dire, le cri entendu d’une femme souffrante fait l’écho intérieurement d’un deuil impossible. La musique et le monde des sons ont la fonction de faire naître la sensibilité cachée d’Anne.
Au fond, la musique du piano et le cri de la femme mourante représentent un au-delà de la parole.
Ils ouvrent sur un monde dans lequel la mémoire et l’oubli sont intimement liés. La musique et
les sons entendus ont le pouvoir de toucher les puissances émotives qui sont enfoui chez le
personnage. À ses yeux, ils traduisent l’amour et la mort, vécus autrefois, en effet :
– Ce cri était si fort que vraiment il est bien naturel que l’on cherche à savoir.
J’aurais pu difficilement éviter de le faire, voyez-vous.
– C’était un cri très long, très haut, qui s’est arrêté net alors qu’il était au plus
fort de lui-même, dit-elle.
– […] Le cri a dû s’arrêter au moment où elle a cessé de le voir, dit Chauvin.
(DURAS, 1958, p. 27).
Le cri entendu est en réalité une force mystérieuse qui attire de plus en plus l’héroïne, comme
si elle était envoûtée. Pour Anne, le cri est un symbole de l’événement aperçu, un crime passionnel. À ses yeux, il représente la nature violente et inintelligible du drame amoureux. Réveillée et
touchée par le cri d’une femme mourante, poussé par une inconnue au café, Anne franchit
d’un pas: un monde abstrait pour un monde concret. Le cri de l’agonisante va déclencher
des souvenirs profonds, comme si Anne s’identifiait à la femme assassinée. Tout port à
85
croire que le cri de la femme agonisante fait l’écho, de son propre cri intérieur. Ainsi, l’héroïne
s’exprime: « Une fois, il me semble bien, oui, une fois j’ai dû crier un peu de cette façon,
peut-être, oui, […] ». (DURAS, 1958, p. 41, 42).
Nous remarquons que les paroles de l’héroïne sont hésitantes, confuses voire même inexplicables. En vérité, dans tout le long du texte, Anne n’arrive pas vraiment à dire la vraie raison de
son propre « cri », puisqu’il symbolise une émotion intime, voire même secrète. Il touche en
profondeur une expérience personnelle cachée.
C’est probablement ce même « cri » de douleur qui fait écho intérieurement chez Lol V. Stein,
lorsqu’elle voit son fiancé Michael Richardson danser, dans un désir fou, avec une inconnue du
bal de T. Beach. On le sait, Lol a été arrachée de son fiancé qu’elle amait d’une
passion-amoureuse. On sent déjà son « anéantissement », son « effacement » intérieur. Comme
chez Anne de Moderato, le « cri discontinu » (DURAS, 1976, p. 19, 23) de Lol traduit alors une
souffrance ineffable qui ne peut être oubliée. Il est interprété, au premier abord, comme un
traumatisme, un désespoir d’amour, car Le ravissement de Lol désigne aussi l’arrachement,
l’enlèvement, donc elle est victime. La musique du bal va lui déclencher alors l’histoire d’une
présence lointaine : la perte ou mort d’un être passionnément-aimé. À ses yeux, la danse des
amants est l’image-même de la dépossession, de la perte, où elle transforme, inconsciemment,
ce lieu du désir en lieu de mort.
Dans une interview, Duras relie les innombrables cris qui parcourent son oeuvre à ceux qui
s’exprime à sa mère : « La mére crie comme Moїse dans son désert. Il était tellement imprégné
de l’idée de Dieu qu’il ne pouvait plus en parler, qu’il criait. Et ma mère était tellement imprégnée
de l’injustice qu’elle criait dans le vide ». (DURAS, PIVOT, 1984). Nous savons que Duras a
beaucoup écrit sur sa mère, l’injustice dont elle a été victime et sa folie symbolique. Dans ses
oeuvres, le cri remplace une parole puissante. Il représente en réalité « le cri de mort qui dure,
chez Duras, comme une maladie ; on peut identifier les traits d’Éros et de Thanatos. Le cri est le
chant paroxystique de cette union prolongée ». (DOUMET, 2000, p. 87)
Dans tout au long du premier chapitre de Moderato cantabile, le lecteur se demande, d’autre
part, pourquoi l’héroïne insiste autant sur le fait que son enfant doit apprendre le piano. Les
discours répétitifs d’Anne, concernant cet apprentissage, sont illogiques, inexprimables, voire
obscurs:
– Il faut apprendre le piano, il le faut; la deuxième fois: – Il le faut, continua
Anne, il le faut, Ou encore: Anne Desbaresdes prit son enfant par les épaules,
le serra à lui faire mal, cria presque. Il faut apprendre le piano, il le faut. [Et
l’héroïne en conclut]: – La musique, mon amour... (DURAS, 1958, p. 12, 13).
C’est nous qui soulignons.
En vérité, nul doute que la musique de Moderato cantabile appartient à l’enfant d’Anne,
cependant derrière cette appartenance explicite en cache une autre : la puissance musicale
dévoile l’intime. En effet, on remarque qu’Anne n’arrive pas à exprimer sa vraie obstination. Ses
phrases sont dépouillées, vagues et vides de sens. Par le biais de la musique, l’héroïne se
souvient d’un événement de son passé. En fait, la musique agit sur elle comme une force
invisible et qui échappe par définition au langage. C’est ainsi que l’on voit l’héroïne impuissante
à convaincre son enfant par un langage raisonnable. Anne reconnaît, d’elle-même, que la
musique éveille quelques faits marquants, cependant elle ne sait pas trop comment exprimer
cette évidence. Ainsi, chaque récurrence du verbe falloir pointe une dimension vers l’indicible.
On le sait, Lol V. Stein reconnaît aussi cet étrange pouvoir obscur que la musique exerce sur
elle. La musique du bal symbolise une force invisible qui est liée à l’absolu, à la mort et à l’éternité. Il y a là des émotions personnelles que seule les héroїnes des textes sont capables de
reconnaître. En ce sens, pour réanimer la musique et remplir un « vide » intérieur, Lol se marie
avec le musicien, Jean Bedford. Pendant la nuit, il fait quelques exercices avant le concert. Tout
porte à croire que les notes musicales entendues par l’héroïne déclenchent l’événement-même
du bal, puisqu’il « tremblait au loin. […] Le bal reprend un peu de vie, frémit, s’accroche à Lol.
Elle le réchauffe, le protège, le nourrit, il grandit, sort de ses plis, s’étire, un jour il est prêt. Elle y
rentre chaque jour ». (DURAS, 1976, p. 45, 46).
On aperçoit que la musique jouée par son mari traduit alors son secret intérieur. Elle
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dévoile sa pensée et son état d’âme. Tout se passe comme si
les sons éclairaient des images où les formes et les couleurs
se mêlaient et faisaient sens pour Lol, comme devant un
tableau dont les couleurs et les images se confondent. Au
fond, ce que souhaite le personnage, c’est de reconstituer la
scène de danse des amants, encore et toujours, jusqu’à ce
qu’elle devienne obsessionnelle.
On sait que la récurrence obsessionnelle de la musique
constitue l’un des traits dominants de l’écriture durassienne.
Le piano, par exemple, est essentiel dans ses oeuvres, ainsi
que dans sa production filmique. Selon Duras, il représente
“un instrument très proche de la voix, [il] est un instrument
parlant”. (NOGUEZ, 1984, p.30). À ce titre, nous pouvons
mentionner que cet instrument est doté d’une puissance qui
traduit l’âme humaine. Ainsi, lorsque Duras souligne: “le
souvenir du désespoir, ça reste, quelquefois ça tue”,
(NOGUEZ, 1984, p.31) cela peut faire référence à la musica de
son enfance. Entre réalité et éléments fantasmatiques
rappelons que sa mère, Marie Donnadieu, a joué du piano – et
a donné des cours – pour subvenir aux besoins financiers de
la famille. La musique, à travers les méandres de la mémoire,
renvoie au lieu mythique de l’enfance, de la souffrance.
L’auteur, reconnaît elle-même, ce monde dont la musique et les
voix intérieures lui sont familières. Elle représente, chez Duras,
une sorte de transe émotionnelle, une force capable d’éveiller
les images d’autrefois, ancrées dans la mémoire et l’oubli.
Ainsi, elle écrit d’ailleurs que :
La musique [l’] épouvante [...]. [Elle] pense qu’il y a
dans la musique un accomplissement, un temps que
nous ne pouvons pas actuellement recevoir. Il y a une
sorte d’annonciation dans la musique d’un temps à
venir où on pourra l’entendre. La musique, ça [la]...
enfin, ça [la] bouleverse et [elle] ne peu[t] pas l’écouter, [...] ça [lui] est très difficile d’en entendre sans
être... enfin... bouleversée... (DURAS, 1999, p. 92).
En vérité, les leçons de piano imposées à l’enfant, de
Moderato cantabile, représente sur le plan personnel un
moyen pour que l’héroïne puisse apaiser ses peines personnelles. Elle apparaît comme un remède, un palliatif, pour
atténuer ou pour cacher sa désolation. Ainsi, la musique jouée
par l’enfant amène symboliquement à la mémoire puis à
l’oubli. L’obstination d’Anne pour que son enfant apprenne de
la musique devient alors significative. Au fur et à mesure que
le texte évolue, la compréhension de cette obsession devient,
visible, voire éclatante:
Elle écoutait la sonatine. Elle venait du tréfonds des
âges, portée par son enfant à elle. Elle manquait
souvent, à l’entendre, aurait-elle pu croire, s’en
évanouir.
[Ou encore] La sonatine résonna encore, portée comme
une plume par ce barbare, qu’il le voulût ou non, et elle
s’abattit de nouveau sur sa mère, la condamna de
nouveau à la damnation de son amour. Les portes de
l’enfer se refermèrent. (DURAS, 1958, p.78).
Dans ces passages, nous remarquons la force du lexique. Il
y a là autant de termes hyperboliques qui renvoient à l’excès et
que seule la sonatine suggère: “damnation, amour, enfer”. En
vérité, la sonatine de Diabelli dévoile un autre monde,
puisqu’elle parle de mort, de malédiction, de damnation, d’un
amour promis à la mort qui se fait jour dans les moindres
paroles de la narratrice. Elle exprime symboliquement une
douleur au coeur qui demeure dans sa pensée intime. La
musique parle à sa place, et de ce fait, fait parler ce qui ne parle
plus chez Anne. Ayant perdu le sens des mots pour exprimer la
vraie souffrance intérieure, elle se laisse complètement envahir
par la sonorité maléfique qui résonne “portée par ce barbare,
qu’il le voulût ou non”. La sonatine de Diabelli renvoie à celle
du diable, ou des “portes de l’enfer”. (DURAS, 1958, p.78). En
somme, la sonatine de Diabelli évoque un amour-passion vécu
dans la mort. Ainsi, nous ne pouvons nier que la musique
éveille la tragédie, la mort et l’écriture durassienne retrouve ici
la conception racinienne: La passion est liée à la mort, on ne
peut ni lutter ni échapper à cette évidence.
On le sait, chez Duras, les images, les sonorités, les
paroles, les chants et les musiques ne doivent pas seulement
êtres vues et entendues mais déchiffrées ; les paroles
atteignent l’indicible, le non-communicable par la perte d’un
être aimé.
L’émotion esthétique propre à la musique du violon, joué
par le mari de Lol, plonge l’héroïne, malgré elle, dans sa
pensée intime. Les sons entendus déclenchent, malgrè elle,
des images qui rappellent la fameuse nuit du bal. Il y a là une
sorte d’appel où les images ancienne reviennent, comme un «
tout venant ». Ainsi, en écoutant la musique, Lol essaie de
parler, quelque chose du bal, et elle n’arrive pas à l’exprimer
vraiment. La parole muette, accompagnée par le non-dit du
discours, constitue comme une réponse. Ainsi, Tatiana Karl,
une ancienne amie du collège, comprend également que le
violon joue considérablement dans le comportement expressif
et étrange de Lol ; il rend sensible sa douleur secrète :
Écoute Jean. Parfois il joue jusqu’à quatre heures du
matin.
– Tu écoutes toujours ?
– Presque toujours. Surtout quand je…
– Tatiana attend. Le reste de la phrase ne viendra pas.
[Ou encore] :
– Écoute la musique [...] que j’aime ça, tu vois.
Une tristesse se lit dans son regard. […] Elle se lève.
Elle s’éloigne de Tatiana sur la pointe des pieds
comme s’il y avait un sommeil d’enfant à préserver,
tout près. Tatiana la suit, un peu contrite devant […]
l’agrandissement de la tristesse de Lol. (DURAS,
1976, p. 93 e 97)
La musique dévoile la reconnaissance des faits intimes.
Ainsi, les réticences dans les phrases traduisent quelque
chose d’interdit chez le personnage : le manque ou la perte de
l’être aimé. En effet, en l’écoutant, il y a des faits qui touchent
en profondeur son âme, des faits obsessionnels réaparessent.
Le violon, joué par son mari, ébranle l’íntérieur, comme une
force démentielle, difficile à cacher. En vérité, les points de
suspension attestent la présence d’un blocage, de ce qui ne
peut être avoué. Et le silence intérieur prend forme, au sein
même de l’oeuvre. Finalement, Lol comprend, pour toujours, le
sens de l’étrange pouvoir que la musique exerce sur elle. En
effet, elle se souvient qu’à la fin du bal, quand le violon « se
retire » de la scène, il a creusé « un trou », un vide intérieur, parce qu’il « laisse derrière lui les
cratères ouverts des souvenirs immédiat ». (DURAS, 1976, p. 118).
Dans les textes durassiens, les personnages féminins sont considérablement silencieux. Le
silence est pour Duras quelque chose de mystérieux et de personnel. Il désigne ce qui est intimement lié à l’être. L’auteur confie d’ailleurs que : « Il y a deux fois le silence de la femme et le
silence qui vient de sa vie, à elle, de sa personne. C’est ce double, c’est la conjugaison de ces
deux silences […] cette fascination dure toujours, je ne m’en sors pas, c’est une véritable histoire
d’amour ». (DURAS, PORTE, 1977, p. 69). Le désir, l’amour ou la passion est pour Duras «
l’amour [...] sans limites – cela par définition – sans autre finalité que la mort ». (LABARRÈRE,
1992, p.88) À ses yeux, l’amour est impossible à vivre, il est condamné d’avance. Ainsi, l’absolu
de l’amour autant recherché par les héroїnes : Anne Desbaresdes et Lol V.
Stein, ne semble pouvoir exister que par la perte ou la mort de l’être passionnément-aimé.
Enfin, conscientes de leur « vague à l’âme », tout porte à croire que les héroïnes sont en quête
de combler un manque. Le secret d’Anne et le Lol est, alors, remplir un vide intérieur, une douleur
indélébile qui rend sensible par la perception auditive et par la perception visuelle. Au fond, elles
sont conscientes que malgré les dix ans de mariage, les enfants et la vie quotidienne n’ont pas
réussi à effacer et à guérir le traumatisme de la perte, d’une passion-amoureuse vécue dans la
jeunesse. Il y a là des traces du passé laissées en elles par la mémoire et l’oubli.
Finalement, sans relier vie et oeuvre, on constate que tous les « fantasmes » de l’écriture
durassienne qui constituent autour du manque, de l’absence, du vide, de la douleur, de l’amour
et de la mort, de la mémoire et de l’oubli, du présent et du passé, qu’à partir d’eux s’esquisse
l’horizon de l’oeuvre et que tous ces « fantasmes » (BORGOMANO, 1985, p.10) sont directement
ou indirectement liés à l’enfance de l’auteur, à sa mère et plus précisément liés à la mort du jeune
frère de Duras : le petit frère du Barrage. Cet événement historique et inoubliable a en effet
profondément marqué Duras dans sa pensée intime, dont elle a gardait en elle comme un secret
douloureux et ce probablement même jusqu’à sa mort. En effet, lorsque Yann Andréa, son
compagnon de l’époque, lui questionne: “Votre livre préféré absolument? Elle lui répond: “Le
Barrage, l’enfance” (DURAS, 1995, p.10) ou comme le suggère encore le souvenir de son jeune
frère mort, lorsqu’elle déclare: “J’ai voulu vous dire que je vous aimais. Le crier. C’est tout”
(DURAS, 1995, p.13).
Bibliographie
BLOT-LABARRÈRE, Christiane. Marguerite Duras. Paris : Éditions du Seuil, 1992.
BORGOMANO, Madeleine. Duras, une lecture des fantasmes. Belgique : Édition Cistre-Essais, 1985.
DOUMET, Christian. « La musique mon amour », dans : Lire Duras, textes réunis et présentés
par Claude Burgelin et Pierre de Gaulmyn. Lyon : Éditions PUL, coll. Lire, 2000.
DURAS, Marguerite et PORTE, Michelle. Les lieux de Marguerite Duras. Paris : Éditions de
Minuit, 1977.
DURAS, Marguerite. Un barrage contre le Pacifique. Paris: Gallimard, 1950.
__. Moderato cantabile. Paris: Éditions de Minuit, 1958.
__. Le ravissement de Lol V. Stein. Paris: Gallimard, 1964. Pour l’édition de référence ; coll.
Folio n° 810, 1976.
__. Écrire. Paris: Folio, n° 2754, 1995(a).
__. Le camion. Paris: Minuit, 1977.
__. C’est tout. Paris: POL, 1995.
DURAS, Marguerite et GAUTHIER, Xavier. Les parleuses. Paris: Minuit, 1974.
DURAS, Marguerite et ALPHAN, Maurice. Marguerite Duras ou le ravissement de la parole.
Entretiens radiographiques, coffret de 4 CD d’archives sonores de L’INA Radio-France, 1977.
DURAS, Marguerite. La vie matérielle. Paris : Folio, n°2623, 1999.
DURAS, Marguerite et PIVOT, Bernard « Apostrophes », entretiens, réalisation Jean-Luc
Léridon, Antenne 2, 1984.
NOGUEZ, Dominique. La Couleur des mots, entretiens avec Marguerite Duras autours de huit
films. Paris : Édition vidéographique critique, ministère des Relations extérieures, 1984.
87
LA CLASSE ORALE : DES STRATÉGIES CROISÉES
DAGNINO, Elda, Argentina
Widdowson affirme que pour apprendre une langue nous devons « non seulement apprendre
à construire et à comprendre des phrases correctes mais aussi à utiliser ces phrases de manière
appropriée pour accomplir une intention de communication »
C’est l’objectif du cours de compréhension et de production orales que j’assure à la Faculté
des Sciences Politiques de l’UNR. Mes étudiants ont déjà assisté aux deux premiers niveaux des
cours de FOS. Au premier niveau on met l’accent sur la C.E., au deuxième on privilégie l’E.E.
C’est au troisième niveau qu’on commence à travailler systématiquement aussi l’E.O.
La chaire de français offre depuis cinq ans un cours hebdomadaire où l’on facilite les processus de compréhension et production de français standard, les étudiants y assistent volontairement. Il s’agit généralement des étudiants du troisième niveau de français de la carrière des RRII
qui doivent faire quatre niveaux.
Je voudrais exposer ma démarche pédagogique. L’objectif fondamental de cette démarche est
la prise de conscience par les étudiants des stratégies langagières mises en pratique pour
acquérir la maîtrise de l’oral. Michèle Pendanx affirme que « l’oral en LE est fascinant et
intimidant à la fois ; les étudiants ressentent bien que c’est là la pierre de touche de l’approche
d’une langue ».
COMPRÉHENSION ORALE
La CO est un savoir-faire qui a été longtemps négligé. Il existait – il existe parfois aujourd’hui
– une opposition entre réception/production assimilée à une opposition actif/passif. Cette dualité
est fausse car écouter n’est pas un processus passif, de pure réception, comprendre exige du
récepteur une réelle activité mentale qui aboutit à une production de sens.
Il serait absurde de croire qu’il suffit de mettre un apprenant face à un document oral en LE
pour qu’il puisse découvrir tout seul les chemins qui le mènent à le comprendre. Dans cette
situation, il va probablement se trouver dans une situation qui le fera perdre la motivation initiale.
La CO est complexe, elle requiert la mise en oeuvre simultanée de plusieurs activités
mentales, elle est vécue par les étudiants comme difficile. Il faut donc essentiellement leur
apprendre des stratégies qui leur permettent de se repérer dans un ensemble de sonorités
étrangères où se mêlent des mots et des structures partiellement ou totalement inconnus.
On peut énumérer quelques difficultés qui apparaissent pendant le processus d’accès au sens
par le récepteur en situation d’écoute active en LE :
- la compréhension n’est pas aussi rapide qu’en LM, elle peut devenir si lente que l’auditeur
perd le fil de ce qu’il écoute et il ne comprend plus rien ;
- quand il écoute un document en LE l’auditeur reconnaît les voyelles, les consonnes, il
perçoit les unités phonétiques mais il ne les associe pas avec le sens ;
- Le manque de confiance en soi-même de l’apprenant-auditeur et l’inquiétude d’écouter une
langue différente à sa LM apparaissent,
- L’activité d’écoute oblige le récepteur à s’adapter au rythme de l’autre, en conséquence à un
rythme qui n’est pas le sien. Un autre parle et il doit le suivre, tandis que dans la production orale
il suit son rythme, il peut balbutier, recommencer, s’approcher à la forme correcte.
Quant au document, le succès de l’activité de compréhension est dû fréquemment à ce qu’on
propose, il est donc important de choisir de « bons » documents en ce qui concerne les aspects
formels. Les spécialistes ont démontré qu’il y a une notion de facilité d’écoute. Par exemple ils
sont arrivés à la conclusion que plus un document contient des éléments qui se rapprochent de
la langue parlée, plus il est facile à comprendre. D’autres aspects qui rendent la compréhension
des documents oraux plus faciles sont :
- un nombre limité de personnes ou d’objets,
- des personnes ou d’objets clairement distincts,
- des relations spatiales simples
- le respect de l’ordre chronologique des faits
- des liens entre les différents énoncés,
- la possibilité de relier facilement la nouvelle information aux connaissances antérieures
88
- l’accompagnement d’aides visuelles (illustrations, photos,
documents vidéo)
Les tâches à réaliser à partir des textes vont aider les
étudiants à atteindre la CO. Quelques tâches qu’ils peuvent
faire pendant et après l’écoute sont :
- Pendant l’écoute :
- remplir une grille d’écoute, ex. « Tirage au sort »
- mettre en relation des éléments visuels avec le document,
ex « Faits divers »
- repérer des mots porteurs d’information grâce à l’intonation,
- trouver des réponses aux questions posées : directes, à
choix multiples ex ou du type Vrai/Faux,
- compléter des exercices lacunaires, ex « C’est où ? »
- prendre notes, ex « Dialogues entre deux femmes »
- Après l’écoute :
- réaliser des tâches à partir du matériel visuel (mettre des
images dans un ordre correspondant au contenu, ex «
Comment ça marche ? »
- chercher parmi plusieurs images assez proches celle qui
correspond à la situation/à l’information,
- compléter des images grâce à l’information du texte, ex :
« Version originale »p.63
- rectifier, modifier le contenu d’une ou plusieurs images en
fonction des informations entendues,
- trouver parmi des titres donnés, celui qui correspond au
contenu du document,
- retrouver parmi plusieurs descriptions de situations, celle
qui correspond au document,
- retrouver le résumé qui correspond au document parmi
des résumés différents sur des points importants ex « The
artist » (film)
PRODUCTION ORALE
Pour passer de la CO et de la saisie des éléments nouveaux à
leur intégration en PO l’étudiant doit effectuer une série d’opérations complexes difficiles à décrire parce qu’elles diffèrent selon
chaque étudiant.
Pour établir en classe une communication orale il faut
toujours un artifice afin de faire communiquer les étudiants entre
eux. On est obligé de mettre en oeuvre une sorte de mise en scène
pour que les échanges s’engagent ; on doit aussi proposer des
déclencheurs et des contraintes situationnelles et langagières
pour motiver la production.
L’étudiant doit incorporer les éléments de la langue : le rythme
et l’intonation mais aussi les découpages sémantiques et la
syntaxe. Mais on ne peut pas ignorer que l’oral en LE exige de
surmonter un certain degré d’inhibition, il met en jeu le caractère
plus ou moins extraverti des étudiants, leur place au sein du
groupe-classe, la facilité des uns à accepter les nouveaux sons,
ou, au contraire le refus souvent non conscient des autres.
Les stratégies de communication mises en oeuvre en situation
d’échange, visent essentiellement à réguler l'interaction, et tout
spécialement à pallier les lacunes de la compétence langagière.
On peut distinguer trois catégories des stratégies de communication :
- les stratégies de formulation (ou compensatoires) qui visent
la réussite de la communication pour compenser des moyens
limités ou pour éviter le risque d’erreur
• emprunts à la LM,
• traductions littérales,
• mots inventés et créations de néologismes
• emploi de mots vides (truc),
• emploi d’hyperonymes (« animal » pour « vache »)
• paraphrases et circonlocutions (« d’une manière fréquente »
plutôt que fréquemment, « objet pour ouvrir les bouteilles » pour
« décapsuleur »)
• recours systématique à certaines tournures ou structures
plutôt que d’autres, dire « je dois aller » au lieu du subjonctif « il
faut que j’aille »
• communication non verbale : gestes, dessins
- les stratégies de sollicitation qui font appel à une
aide extérieure :
• annonce de son identité d’étranger,
• demande d’aide à son interlocuteur ou à une tierce personne,
• vérification que l’on a été compris ou que l’on a compris,
• recours à des sources d’information (dictionnaire)
- les stratégies d’éludage, concernent le contenu de
l’échange :
• modification : renoncer à nuancer sa pensée en ayant
recours à des formules ou des expressions dont on est sûr,
• évitement : changer de sujet, passer la parole à quelqu’un
d’autre,
• abandon de la relation de communication : on renonce, on
se tait.
Les stratégies de l’apprenant
L’étudiant applique diverses stratégies que lui-même n’arrive
pas à identifier et qu’il n’est pas fréquemment conscient de les
utiliser. Pour réussir à rendre l’étudiant conscient des stratégies
qu’il utilise, il est convenable :
- qu’il réfléchisse sur ce qu’il fait quand il écoute ou quand il
parle,
- qu’il se rende compte de ce qu’il possède déjà comme acquis,
- qu’il puisse mettre en oeuvre des stratégies pour s’aider :
utilisation de l’inférence, du contexte, de la prédiction ou de
l’anticipation
- qu’il ait une juste idée de ses forces et de ses faiblesses,
Les stratégies de l’enseignant
L’enseignant doit mettre l’accent sur l’activation des stratégies
permettant de surmonter les difficultés de l’étudiant, comment le
faire ?
- on doit le convaincre qu’il sait plus qu’il ne le croit, et qu’il
peut avec l’aide de son savoir restituer une grande partie du
message ou qu’il peut l’utiliser pour communiquer. Le convaincre
aussi que tout ce qu’il sait est légitime, même s’il l’a acquis en
contexte extra-scolaire,
- on doit tâcher de résoudre l’inquiétude provoquée chez
l’étudiant par le contact avec des documents sonores en LE ou par
la situation de parler en une langue différente à la sienne, en
adaptant les interventions de l’enseignant à ses caractéristiques
affectives et en assurant une atmosphère favorable pour les
activités de classe.
- nous savons tous qu’il est possible de comprendre un
texte en LM sans en avoir compris tous les mots mais l’étudiant en LE reste bloqué sur le premier
mot qu’il ne comprend pas. On doit activer les stratégies qui permettent de franchir l’obstacle,
étant donné qu’il a déjà acquis cette compétence à l’écrit, et de compenser une composante plus
faible, par exemple la composante linguistique
- En ce qui concerne l’organisation du cours, la première stratégie de l’enseignant est celle de
la cohérence, c’est-à-dire que l’étudiant perçoive le lien entre ses cours. Cette cohérence devrait
être une cohérence composite qui permette à chaque étudiant de trouver son rythme et de mesurer son parcours vers son objectif.
- Une autre stratégie est de bien distribuer les tâches concrètes aux étudiants, elles ne doivent
être aléatoires mais avoir une place définie dans la construction d’un savoir-faire et être orientées
vers un but. Il faut que ces tâches soient variées et à la fois efficaces et organisées et que l’enseignant s’efforce d’encourager tous les étudiants sans négliger personne.
- Une stratégie essentielle est de consolider une aide mutuelle, une solidarité. Cela entraîne la
prise en compte de chaque étudiant pour l’aider à atteindre l’autonomie, en estimant aussi la
singularité du groupe-classe, en comprenant ce qui le motive, ce qui le décourage, ce qui
l’ennuie.
- Enfin, le choix méthodologique-stratégique de l’enseignant doit se caractériser par l’éclectisme, se garder de toute uniformisation et, ce qui est essentiel, être autonome soi-même qui est
la principale composante de la stratégie enseignante.
PROPOSITIONS MÉTHODOLOGIQUES
- CRÉER UNE ATMOSPHÈRE CONVIVIALE :
- Il s’agit de tout mettre en oeuvre pour créer un climat favorable en classe. Voici quelques
facteurs qui peuvent y contribuer : l’empathie, le jeu, l’esprit ouvert de l’enseignant, les
techniques de correction (si l’enseignant exécute trop de corrections explicites il peut décourager
l’étudiant qui, de moins en moins sûr d’être compris, ne sait plus ce qu’il voulait dire ; il peut
changer de thème ou décide même de se taire), les activités de réflexion sur la communication,
la mise en pratique d’une évaluation explicitée et coopérative.
- ÉVITER LA CENTRALITÉ DE L’ENSEIGNANT :
- MOTIVER LA PAROLE :
- Dans un enseignement de la langue à des fins communicatives, il est utile de créer une
motivation à la parole qui soit la plus légitime possible : besoins simulés (situations de communication explicites, simulations globales), besoins réels à l’intérieur de la classe ou venant des
contacts hors classe (travail en groupes, échanges scolaires par Internet, utilisation de l’environnement)
- PROPOSER DIFFÉRENTS TYPES D’ACTIVITÉS DE PRODUCTION :
- On peut classer ces activités selon trois critères principaux :
1) le type de discours dont elles relèvent :
• échanges avec l’enseignant ou les pairs, réponses à des questions sur les documents, ex «
SEL »
• paraphrases ou reformulations,
• sketches élaborés et interprétés en groupe,
• exposés oraux, opinions ou commentaires, ex : « Femmes »
• jeux de rôles, ex « BD Simple formalité »
• échanges d’opinions et débats, ex : « L’épouse infidèle »
2) l’interaction qu’elles impliquent :
• rapport enseignant/apprenant ou enseignant/groupe classe : (échanges relativement
codés),
• échanges entre pairs (échanges plus détendus), ex « Gestes et interactions »
• prise de parole devant le groupe-classe, seul ou en sous-groupe (échanges où la situation
est une contrainte particulière), ex : « Paroles de touristes »
• échanges avec des partenaires hors institution (échanges où l’implication personnelle,
affective est le plus souvent importante
3) le type de production requise du point de vue de l’apprentissage :
• activités de reproduction et mémorisation : correction de la phonétique, récitation de
poèmes, chansons ex : « Exercices des sons et des lettres »
• activités de variation langagière : synthèse d’informations, paraphrases, passage de
discours écrit à des discours oraux,
• activités de créativité : production de discours à partir de contraintes situationnelles,
jeux, ex : « Mariage »
89
• activités d’improvisation et d’initiative
L’étudiant ne peut être soumis de manière aléatoire à toutes ces activités. Elles doivent au
contraire faire l’objet d’une progression. Comment préparer l’étudiant à l’improvisation et à la
prise de parole ?
• l’entraîner à poser des questions, lui donner l’initiative d’interroger ses camarades,
• orienter certaines activités de parole vers un but d’expression personnelle, justifier ses
préférences, faire un autoportrait, exprimer des sentiments,
• consacrer certaines séances à encourager les propositions venant des étudiants, ils peuvent
apporter un matériel en classe qu’ils souhaitent présenter à leurs camarades, ex : une
chanson, une poésie, la vie d’un auteur français…
La dynamique du cours varie beaucoup. C’est-à-dire que les étudiants trouvent que dans
chaque classe on aborde un sujet différent, des activités différentes.
Ces activités stimulent la créativité, l’imagination, la spontanéité, le sens de l’humour. Ils y
trouvent du plaisir et tout ce travail débouche sur une production langagière désentravée, libérée des angoisses provoquées
par la nécessité de « bien parler »
Ce cours satisfait en quelque sorte la motivation pour
étudier le français des étudiants qui est due probablement à un
projet personnel : établir des échanges avec des stagiaires
français, faire des études en France, utiliser le français dans un
contexte international.
Il y a cinq ans que j’assure ce cours et je trouve un vrai
intérêt de la part des étudiants qui varient tous les ans. Même
que j’éprouve la satisfaction de dire qu’il y a des étudiants qui
le suivent depuis le début, en 2009.
Le Facebook: un outil didactique
Didactique: un dialogue de réflexion et de pratiques
GAMEZ, Natalia - MATEUDA, Ana - Institut Supérieur de Formation d’Enseignement «Inspector Albino Sánchez Barros» La Rioja, Argentina
Introduction
Ce travail est le résultat d’expériences réalisées avec nos élèves du niveau secondaire à La Rioja,
Argentine. Notre communication est centrée sur l’usage du réseau social facebook et plus précisément des groupes. Nous présenterons quelques travaux pratiques mis en oeuvre pour illustrer
l’emploi d’une nouvelle stratégie pédagogique.
train d’apprendre, mettre en place les stratégies nécessaires
pour communiquer, favoriser l’interaction entre eux et développer les compétences communicatives et socio-culturelles à
partir de la réflexion métalinguistique si difficile pour quelques
uns, surtout les plus faibles.
Texto in extenso
Ce travail est le résultat d’expériences réalisées avec nos élèves du niveau secondaire à La Rioja,
Argentine. Notre communication est centrée sur l’usage du réseau social facebook et plus précisément des groupes. Nous présenterons quelques travaux pratiques mis en oeuvre pour illustrer
l’emploi d’une nouvelle stratégie pédagogique.
Les résultats vont dépendre de la motivation et l’intérêt des
étudiants, il y a quelques groupes qui marchent très bien et
d’autres qui ne marchent pas. Mais, c’est justement l’intervention du professeur en tant que guide en encourageant toujours
les élèves pour s’engager ce qui permettra ou pas la réussite du
fonctionnement des groupes tout au long de l’année.
On considère le facebook comme un espace riche qui privilégie les échanges et les interactions,
pas seulement avec nos élèves, mais parmi eux. On croit de même, que c’est un moyen pour créer
des liens entre les contenus et la culture. De cette façon, ce réseau devient un bon outil pour continuer l’apprentissage de la langue française au-delà de l’école.
Le but de cette activité est d’une part, la mise en contexte des apprentissages, c'est-à-dire que
les élèves soient capables de les réutiliser dans une autre situation que celle de l'école, sans
oublier leurs besoins langagiers et leurs intérêts. D’autre part, faire place à l’autonomie progressive
des étudiants aussi bien qu’éveiller la motivation, la curiosité et le désir de se communiquer et de
s’exprimer en langue française.
Les interactions dans les groupes facebook permettent aux élèves l’aperture d’un nouveau
regard sur la langue, un « agir et réagir » dans un contexte virtuel. Pour y arriver, ils mettent en
oeuvre les démarches nécessaires pour accomplir des tâches concrètes dont la structure de
l’activité devient souple et ouverte, de sorte que les parcours d’exploration et de découverte soient
libres. Dans ce sens, le facebook apparaît comme un outil pédagogique qui peut contribuer à la
construction et le développement des savoirs (savoir-faire, savoir-être, savoir-apprendre) de
manière collective. Notre intervention en tant que professeur facilite le déroulement de toutes ces
activités visant l'encouragement chez les apprenants.
Le début est simple, ce sont les élèves qui désignent un copain responsable de l’administration
et de la création du groupe. Lorsque le groupe a été créé, l’élève- administrateur invite aux autres
membres de la classe pour y participer. Ensuite, tous les élèves sont chargés de personnaliser le
groupe, ils choisissent un nom, ceci peut être en français ou en espagnol (leur langue maternelle),
ils modifient la confidentialité au secret et ils peuvent télécharger une image de profil.
La page principal du groupe permet d'accéder directement à la création d’un espace de travail
collaboratif dont les groupes sont invités à réagir aux différentes contributions en postant un
commentaire, exprimer une pensée, afficher des images, publier des vidéos, des chansons,
entre autres. Ce type d’activité permet aux apprenants redécouvrir la langue qu’ils sont en
90
N’oublions pas que l’un des principaux objectifs proposés
est de dépasser les murs de la classe pour que les étudiants
puissent poursuivre leur apprentissage depuis chez eux et de
cette façon inciter le plaisir d’apprendre la langue française à
travers la curiosité et la découverte dans ce contexte virtuel.
« La construction des savoirs ne se fait plus in cathedra mais
par l’interaction avec ses pairs, dans un environnement virtuel,
social et culturel, au travers d’un écran. L’enseignant met à
disposition de l’apprenant de FLE les éléments nécessaires à
l’ossature de son savoir. Il devient un guide, à la fois tuteur et
médiateur » (Bruno Marchal, Français dans le monde, Nº 368,
mars-avril 2010).
Évidement qu’ils existent plusieurs manières de travailler
mais cela va dépendre des objectifs. On essaie seulement de
montrer et de faire connaître une option à tenir compte au
moment de penser à des nouvelles ressources didactiques.
Bibliographie
OLLIVIER, Christian, PUREN, Laurent (2011) : Le web 2.0 en
classe de langue: Une réflexion théorique et des activités
pratiques pour faire le point. Paris. Éditions Maison de Langues.
LIONS-OLIVIERI, Marie-Laure, LIRIA, Philippe (2009):
L’approche actionnelle dans l’enseignement des langues: Onze
articles pour mieux comprendre et faire le point. Espagne.
Difusión Fle. Éditions Maison Des Langues.
MARCHAL, Bruno, Français dans le monde, Nº 368,
mars-avril 2010.
L’approche des contenus culturels en question: une analyse des représentations
construites dans et par les textes des enseignants
DA SILVA, Emily Caroline - Université de São Paulo (USP)
[email protected]
Comment les professeurs abordent-ils les contenus
culturels en classe de français langue étrangère ? Selon Byram
(2011), plusieurs documents qui orientent le travail du professeur véhiculent des expressions liées aux contenus culturels,
tels que la « compétence interculturelle », le « savoir-faire
interculturel » et la « prise de conscience interculturelle ».
Pourtant ces termes servent plutôt à nommer des finalités
éducatives qu’à définir ou à décrire des pratiques
pédagogiques actuelles ; c’est probablement une des raisons
pour lesquelles plusieurs congrès et ouvrages se sont concentrés sur cette problématique les dernières années. Byram
(2011) observe que, bien que la Didactique des Langues et
Cultures consacre une place d’importance pour ce thème dans
sa littérature, il y a peu d’ouvrages empiriques qui décrivent
effectivement ce qui font en classe les professeurs afin de
travailler ces contenus culturels et développer la compétence
interculturelle chez leurs apprenants.
Inspirés de cette question, nous avons entamé une
recherche de master qui propose d’analyser langagièrement les
«représentations» (Bronckart, 2006) construites dans des
textes produits par les professeurs sur la pertinence ou la
nécessité qu’ils ont (ou non) d’aborder des contenus culturels
dans des cours de FLE. Dans cet article, notre but est de
présenter le cadre théorique et méthodologique qui nous a
permis d’identifier, d’analyser et de comprendre ces
représentations, ainsi que le contexte de la recherche.
D’après le panorama fait par Byram (2011), nous avons
constaté que la Didactique de Langues et Cultures ne
présentait pas un cadre d’analyse des situations empiriques
d’enseignement, produisant plutôt des textes à des buts
réflexifs et d’orientation pour l’enseignement. Nous nous
sommes alors basés sur un cadre théorique-méthodologique
qui dialoguait avec la Didactique dans le carrefour avec
d’autres disciplines. En considérant l’agir du professeur ou,
autrement dit, le travail enseignant comme unité centrale
d’analyse, nous nous sommes ancrés dans les études
vygotskyennes comme cadre majeur (Vygotski, 1997 ;
Friedrich, 2012 ; Brossard, 2012), qui s’est déployé dans
l’Interactionnisme Socio-Discursif (Bronckart, 2008) pour
l’analyse des textes et dans deux des sciences du travail, à
savoir l’Ergonomie de l’Activité des Professionnels de l’Education (Amigues, 2004 ; Saujat, 2004) et la Clinique de l’Activité
(Clot, 2001) pour l’analyse des questions du métier.
Afin de comprendre qu’elles étaient les représentations des
professeurs face à leur travail avec les contenus culturels, nous
avons procédé à une méthode indirecte d’observation,
c’est-à-dire que, au lieu, d’aller observer et analyser les cours,
nous avons employé une méthode de co-analyse du travail,
entre enseignant et chercheur : l’auto-confrontation. Le cadre
méthodologique de l’autoconfrontation s’organise donc face à
une demande dans un milieu de travail.
Notre contexte de recherche est celui d’un cours offert sous
la modalité de cours d’extension à la communauté interne et
externe à l’université (Lousada, Silva, Menezes, 2014). Les enseignants sont des étudiants de
troisième cycle, jeunes diplômés, qui cherchent une formation pratique à l’enseignement et ils
sont rémunérés par une bourse. Fréquemment ils n’ont aucune expérience et cherchent à intégrer
ce groupe de travail, connaissant le dispositif de formation interne (des réunions pédagogiques,
des tutorats, des ateliers de formation) justement pour apprendre le métier (Lousada, 2011), ce
qui donne une caractéristique très particulière, sur laquelle nous y reviendrons plus tard. Ce
groupe est assez rotatif puisque, une fois qu’ils rompent leur rapport d’étudiant avec l’université,
c’est-à-dire, après leur soutenance, ils ne peuvent plus y travailler.
En tant que jeunes apprentis de la profession, ces enseignants se trouvent souvent face à des
dilemmes, à des conflits, soit dans la préparation, soit pendant ou après leurs cours. Un exemple
d’une de ces situations a été la difficulté de travailler des contenus culturels en classe de langue.
Ce besoin a rencontré l’intérêt de recherche d’une des enseignantes qui intégrait ce contexte et
qui était étudiante en master. Ainsi, deux enseignants se sont présentés volontairement pour se
faire filmer et discuter de leurs façons de travailler les contenus culturels. Ils ont eu une de leurs
séances filmées, ensuite ils se sont confrontés à leur activité lors d’un entretien d’auto-confrontation simple, en regardant chacun son filmage et en le commentant avec la chercheuse. Par la
suite, ils ont fait un entretien en auto-confrontation croisée, en regardant des extraits de leurs
cours dans la présence de la chercheur et de son collègue, et bien qu’une question précise les ait
préoccupés au départ, plusieurs autres sujets les ont interpellés lors du visionnage des séquences et de l’entretien : la façon de commencer le cours, la façon de réaliser la correction en classe,
la posture du professeur face aux élèves, le rythme du cours, les liens entre les cours, la façon
d’expliquer la consigne de l’activité etc. Les extraits des entretiens qui faisaient écho aux
difficultés et demandes des autres enseignants du groupe ont été apportés aux réunions de
formations, dans un mouvement de retour au collectif. C’est justement dans ces séances appelés
« retours au collectif » (Faïta, Clot et al, 2001), les dilemmes ressortis lors des entretiens
rétro-alimentent le collectif de départ, qui valident ou non les discussions faites, fournissant ainsi
des ressources pour augmenter leur pouvoir d’agir (Clot, 2001) face aux situations de travail.
Les entretiens réalisés ont été analysés selon le matériel verbal et interprétés à l’égard des
concepts des sciences du travail, tels que travail prescrit, travail réalisé et réel de l’activité. En ce
qui concerne l’analyse du matériel verbal, nous employons le modèle d’analyse socio-interactionniste (Bronckart, 1999, 2006, 2008), qui a développé un modèle d’analyse des textes en trois
couches. Le premier niveau d’analyse est le contexte de production du texte, qui fournit des
éléments pour mieux comprendre les rôles sociaux du producteur, du destinataire, ainsi que le
but du texte. Au deuxième niveau se trouvent l’infrastructure globale du texte (son contenu et
organisation discursive), les mécanismes de textualisation (la connexion et cohésion nominale).
Finalement, les mécanismes de prise en charge énonciative (foyer énonciatif, voix et attributions
modales).
Dans cet article nous avons donc présenté les questions de départ et l’objectif qui ont
déclenché la recherche, le cadre théorique qui la sous-tend, ainsi que le cadre méthodologique,
le modèle d’analyse et d’interprétation des données produites.
Mots-clés : contenus culturels ; travail enseignant ; interactionnisme sociodiscursif.
Références Bibliographiques
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Rachel. (org.) O ensino como trabalho: uma abordagem discursiva. Londrina: Eduel.
BYRAM, M. (2011) La compétence interculturelle. In : BLANCHET, P. ; CHARDENET, P. (dir.)
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sociodiscursivo. São Paulo: Educ. BRONCKART, J.P. (2006). Atividade de linguagem, discurso e
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BRONCKART, J.P. (2008) O agir nos discursos : das concepções teóricas às concepções dos
trabalhadores. 1ª ed. Trad. Anna Rachel Machado; Maria Lucia Meirelles Matêncio. Campi-
91
nas, Mercado de letras, 2008.
BROSSARD, M. (2012) Le développement comme transformation par appropriation des
oeuvres de la culture. In : CLOT, Y. (dir) Vygotski Maintenant. La Dispute.
CLOT, FAÏTA et al. (2001) Entretiens en auto-confrontation croisée: une méthode en clinique
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CLOT, Y. (2001) Editorial. In : Clinique de l’activité et pouvoir d’agir, Paris, n. 146, p. 7-16.
FRIEDRICH, J. (2012) Lev Vigotski - Mediação, Aprendizagem e Desenvolvimento. Uma
leitura filosófica e epistemológica. Campinas: Mercado de Letras.
LOUSADA, E. G. Aprendendo o “métier” de professor: uma análise de textos produzidos em
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César Araújo; Christine Siqueira Nicolaides; Kleber Aparecido da Silva. (Org.). Linguística
Aplicada e Sociedade: Ensino e Aprendizagem de Línguas no Contexto Brasileiro. 1 ed. Campinas: Pontes Editora, 2011, v. 1, p. 111-134.
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formation au travail enseignant à l’Université de São Paulo Le français à l’université , 19-02 |
2014 . Mise en ligne le: 05 juin 2014, consulté le: 31 août 2014.
SAUJAT, F. (2004) Comment les enseignants débutants entrent dans le métier. Formation et
pratiques d’enseignement en questions, 1-2004, p. 97-106._____. O agir nos discursos: das
concepções teóricas às concepções dos trabalhadores. Campinas: Mercado de Letras.
VYGOTSKI, L. S. (1997) Pensée et langage (Réédition de la
traduction française revue et modifiée de Françoise Sève,
présentation de Lucien Sève et avantpropos d’Yves Clot). Paris
: Éditions La Dispute, 540 p.
C.V.
Emily Caroline da Silva est étudiante en master-recherche à
l’Université de São Paulo et travaille avec l’enseignement-apprentissage des langues étrangères, notamment le français et le
portugais. En 2010-2011, elle a été professeureassistante de
langue portugaise dans un collège et un lycée en France et, en
2012, de langue française à l’Université de Guelph, au Canada.
De 2010 à 2013 elle a exercé en tant qu’enseignante de FLE
dans les cours extra-universitaires de l’Université de São
Paulo, au Brésil, où elle a aussi travaillé avec la formation
continue des enseignants.
Écrivons un conte!
MATAMOROS RAMÍREZ Paula - Professeure à l’Universidad Nacional, Heredia-Costa Rica
[email protected]
Cette recherche-action vise à décrire une expérience pédagogique innovatrice en ce qui
concerne l´enseignement et l´apprentissage du français comme langue étrangère, sous une
vision actionnelle mettant en pratique la pédagogie par projets.
Ces dernières années, la pédagogie du projet refonte les pratiques éducatives et met en
question le vrai but de l´éducation. C´est dans le cadre d´envisager les besoins des élèves, que
les enseignants sont censés remplir les vides des méthodologies dépassées ; insuffisantes pour
préparer les individus à répondre à leurs inquiétudes sur le monde, la vie et le respect d´autrui.
La « perspective actionnelle » mentionnée dans le Cadre Européen de Référence pour les
Langues (2005), fixe clairement à l’enseignement-apprentissage des langues un nouvel objectif
social de référence, à savoir la formation de l´élève en tant qu’un « acteur social ».
Cette émergence du concept d’acteur social et sa prise en compte aussi bien en classe qu’en
société est une conséquence directe de l’évolution des enjeux économiques, sociaux et
politiques du monde actuel. Il ne s’agit plus, comme au début des années 70, de former des
apprenants capables de prendre contact et de communiquer avec des étrangers de passage. Il
s’agit désormais de former les citoyens de sociétés multilingues et multiculturelles capables de
cohabiter harmonieusement, ainsi que des étudiants et des professionnels capables de travailler
avec d’autres maîtrisant une langue et culture étrangère.
En réalité, l´idée du projet n´est pas nouvelle. Les pratiques relevant de la pédagogie du
projet ont été ignorées par les pédagogues mais elles réapparaissent et se revalorisent un
demi-siècle après. Cet intérêt pour le projet est venu en réponse au problème de démotivation
des élèves et à la nécessité de les rendre acteurs-acteurs de leurs apprentissages. Une éducation
réussie est celle qui prépare les individus à une vie en société, en tolérance et en solidarité, où
ils se reconnaissent dans leurs capacités individuelles pour grandir et s´épanouir en améliorant
ensemble leur qualité de vie.
Ce travail est inspiré sous la modalité de recherche-action portant sur la didactique de
l´expression écrite, où les élèves ont participé à la rédaction d´un conte sous le modèle d´un
projet. Le projet s’insère dans le cursus appartenant à la deuxième année de formation en langue
française et à la formation en enseignement du français langue étrangère. Pendant le cours
d´Expression et Compréhension Écrite I, les élèves ont dû rédiger un conte de leur propre
inspiration et lequel a été évalué autant de façon formative que sommative à la fin du semestre.
92
On remarque que cette expérience a été innovatrice, aussi
bien pour l´enseignante que pour les élèves vu que la pédagogie par projets n´est pas pratiquée à l´Universidad Nacional au
département de français, et évidemment les élèves ne sont pas
habitués au travail collaboratif. Selon la perspective actionnelle,
les tâches préparent les individus à utiliser la langue en
intégrant tous les savoir-faire dans des situations comme c’est
bien du vrai, dans la vie réelle. Mais au-delà de récréer des
situations de la vie réelle en classe de langue, les tâches invitent
aux apprenants à faire partie d´une communauté, à tolérer
autrui, à respecter, à se responsabiliser, à devenir un acteur
social à part entière. Voici l´importance d´un projet de classe,
préparer les apprenants à une vie communautaire, le but ultime
de tous les systèmes éducatifs, préparer les êtres humains à la
vie en société.
Processus et objectifs de la démarche de la
pédagogie du projet
Dès le milieu du XXe siècle, les membres du courant dit de
l’Éducation nouvelle vont expérimenter et théoriser des
pratiques relevant de la pédagogie de projet. Selon de
nombreux didacticiens, la pédagogie de projet constitue une
avancée décisive dans l'organisation pédagogique, à condition
de respecter les exigences méthodologiques indispensables à
son efficacité et d’articuler le projet avec de véritables objectifs
d’apprentissage.
« La pédagogie du projet part du principe suivant : c´est en
agissant que l´élève se construit. Elle s´oppose au monde du
strict enseignement qui propose des contenus dont les élèves
perçoivent mal la signification et l´utilité immédiate. Ces
contenus à apprendre ne sont plus atomisés, hiérarchisés, mais
reliés entre eux par le problème à résoudre » (Bordalo & Ginestet, 1993 : p7)
Il s’agit alors d’une forme de pédagogie dans laquelle
l'apprenant est associé de manière contractuelle à l’élaboration
de ses savoirs. Le moyen d'action de cette pédagogie est fondé
sur la motivation des élèves, suscitée par l’aboutissement à
une réalisation concrète, en tenant compte des objectifs, de la
programmation et des imprévus. Elle induit un ensemble de
tâches dans lesquelles tous les élèves peuvent s’impliquer et
jouer un rôle actif, variable en fonction de chacun de moyens et
intérêts.
« Communication et apprentissage passent par la réalisation de tâches qui ne sont pas uniquement langagières même
si elles impliquent des activités langagières et sollicitent la
compétence à communiquer du sujet. Dans la mesure où ces
tâches ne sont ni routinières ni automatisées, elles requièrent
le recours à des stratégies de la part de l´acteur qui communique et apprend. Dans la mesure où leur accomplissement
passe par des activités langagières, elles comportent le
traitement (par la réception, la production, l´interaction, la
médiation) de textes oraux ou écrits » (Division des Politiques
Linguistiques, CECR 2005 : p.19)
La mise en oeuvre d’un projet permet d’atteindre des
objectifs d’apprentissage identifiables, figurant au programme
d’une ou plusieurs disciplines, de développer des savoirs,
savoir-faire et savoir-être liés à la gestion de projet ainsi que la
socialisation des apprenants.
Il s´agit d´une pédagogie de l´élaboration des savoirs : lors
de la démarche de projet, l´élève est placé en situation de
résolution de problèmes, en situation de recherche-action. Il
participe ainsi au processus d´apprentissage et peut s´approprier des savoirs plutôt que les subir. La réalisation d´un
produit socialisé sera vécue par les formés comme un véritable
défi qui incitera chacun à mobiliser toute son énergie et toutes
ses compétences.
Le projet est une entreprise qui permet à un collectif
d´élèves de réaliser une production concrète socialisable, en
intégrant des savoirs nouveaux. Le moyen d´action de cette
pédagogie est fondé sur la motivation des élèves, suscité par
l´aboutissement à une réalisation concrète, traduite en
objectifs et en programmation. Pour qu´il y ait réellement
projet et donc motivation, il est essentiel que les élèves se
sentent concernés et impliqués dans la réalisation des tâches
et puissent ainsi jouer un rôle actif, qui peut varier en fonction
de leurs moyens et intérêts.
Cette démarche amène l´apprenant à se poser des
questions et à trouver des réponses à toutes les étapes du
projet qui s´articule autour d´une intention que l´on propose
de réaliser dans un cadre institutionnel. El projet s´étale sur
une durée variable, il incite l´apprenant à faire des recherches
personnelles (documentation, interviews, contacts…), à
travailler en groupe, à apprendre à communiquer effectivement, à se développer sur le plan social et affectif et à résoudre
un problème dans son contexte social réel. Ainsi, l´apprenant
est dans un processus lui permettant d´apprendre à apprendre.
Un écrit de Phillipe Perrenoud (1999) faisant référence à
plusieurs ouvrages concernant la pédagogie du projet, nous
donne une liste de dix objectifs pouvant être visés par une telle
démarche.
1. Entraîner la mobilisation des savoirs et savoir-faire
acquis, construire des compétences.
2. Donner à voir des pratiques sociales qui accroissent le
sens des savoirs et des apprentissages scolaires.
3. Découvrir de nouveaux savoirs, de nouveaux mondes,
dans une perspective de sensibilisation ou de «motivation».
4. Placer devant les obstacles qui ne peuvent être surmontés qu´au prix de nouveaux apprentissages, à mener hors du projet.
5. Provoquer de nouveaux apprentissages dans le cadre du même projet.
6. Permettre d´identifier des acquis et des manques dans une perspective d´autoévaluation et
d´évaluation bilan.
7. Développer la coopération et l´intelligence collective.
8. Aider chaque élève à prendre confiance en soi, renforcer l´identité personnelle et collective
à travers une forme de prise pouvoir de l´acteur.
9. Développer l´autonomie et la capacité de faire de choix et de les négocier.
10. Former à la conception et à la conduite de projets.
Il est évident qu´un enseignant qui travaille sur un projet ne vise pas l´ensemble de ces
objectifs en même temps, mais cette liste semble pertinente pour mettre en valeur la richesse
d´une telle démarche de travail. Ainsi la pédagogie du projet dépasse toutes les méthodes actives
: il ne s´agit plus seulement de faire pour apprendre, mais les actions sont réfléchies, coordonnées, structurées dans un but précis. Ce résultat permettra de confronter l´accompli et
l´escompté.
L´apprentissage par projets vise donc à appliquer les habiletés acquises, à mettre l´accent sur
les compétences, à susciter la motivation intrinsèque et à favoriser une meilleure gestion des
apprentissages par l´élève. À l´intérieur d´un projet et par l´utilisation de différentes stratégies
d´apprentissage, l´élève est donc amené à développer ses compétences sociales, académiques,
intellectuelles et méthodologiques.
Didactique de l´expression écrite.
On écrit pour communiquer et la langue écrite est un vecteur de communication, l'approche
communicative s´intéressait déjà dans l'expression écrite dans les activités de correspondance
de classes. Pour l’approche communicative et actionnelle le premier enjeu de la maîtrise d'une
langue est ce besoin de communiquer nos souhaits, rêves, notre monde intime intérieur est
seulement possible à travers l´écriture.
On a proposé aux élèves de travailler dans une situation de production textuelle particulière :
l'écriture d'un conte dans une logique d'intégration de l'apprentissage de la langue. On aurait pu
leur demander d´écrire un journal, mais les représentations dans la culture costaricienne
empêchent les étudiants à s´ouvrir à une telle sorte d´activité et finissent par inventer des
histoires à double propos : éviter d´écrire sur eux-mêmes et accomplir avec un travail obligatoire
du cours.
« Les représentations sont à la fois le produit et le processus d´une activité mentale, par
laquelle un individu (ou un groupe) reconstitue le réel auquel il est confronté et lui attribue une
signification spécifique. » (Huber, 1999 : p32).
C´est pour cela qu´il m´a semblé en tout cas plus facile d´inviter les apprenants à produire un
texte imaginaire en utilisant les connaissances acquises et de prévoir une progression vers un
niveau proche du A2+.
Il faut retenir que l'activité d'écriture s'inscrit dans une globalité qui rend son apprentissage et
sa maîtrise nécessaire aux yeux de l'apprenant. Les étudiants doivent être témoins de leur propre
progression dans les domaines syntaxiques et grammaticaux, autrement ils sont déçus et ne
trouvent pas de sens à faire des efforts pour améliorer leur niveau de langue, l´idée d´un conte
en équipes de deux ou trois étudiants, m´a paru réaliste et réalisable. D´une part dans le processus de concrétisation du projet on pouvait témoigner d’une progression et d´autre part je voulais
consacrer une partie de mon cours à un atelier d´écriture créative.
Selon S. BARA (2011), les ateliers d´écriture sont nés aux États-Unis avec le but de former des
écrivains et leur donner des outils techniques : comment organiser le texte, quel style adopter,
etc. Du point de vue méthodologique, l´atelier d´écriture a pour vertu de déplacer l´objet
d´apprentissage, on écrit pour le plaisir et pas pour être noté. On donne de déclencheurs, de
modèles à imiter, reproduire ou à modifier. L´atelier doit devenir un lieu d´inspiration et d´ouverture pour l´apprenant.
La mise en place du projet nous a donné deux volets de travail : le projet du conte et
l´atelier d´écriture créative. Cette mise en projet nécessite parfois de bousculer les pratiques
93
traditionnelles de la classe : sortie des élèves, interdisciplinarité, collaboration et partage de
compétences, etc. et surtout que l’apprenant trouve impérativement du sens à ce qu'il fait pour
pouvoir apprendre.
En résumé, les activités d'écriture devraient s'articuler en trois phases. Le tableau ci-dessous,
proposé par Rouiller (1991), résume les principales dimensions de chacune d'elles.
se sont montrés dubitatifs à prendre le défi et d´une certaine
manière ils avaient raison, c´est grâce à quelques-uns qui ont
eu l´autodétermination, que et le projet a pu démarrer. Une fois
qu´ils ont appréhendé l´esprit du projet, ils ont eu confiance et
ont continué par eux-mêmes.
Types d'activités proposées en matière d'expression écrite.
Lors d´une expérience vicariante avec les camarades de
l´autre groupe d´expression écrite, on a eu la source de la
motivation extrinsèque.
Avant
Pendant
Après
Impliquer les élèves dans
une véritable situation de
communication.
Utiliser les ressources à
disposition (dictionnaires,
grilles de relecture ou les
personnes - maître, élève)
Utiliser des grilles
d'auto-correction ciblées sur
quelques critères.
Discuter les objectifs,
négocier et écrire les
consignes.
Élaborer les outils
nécessaires (pense-bête) et
échanger avec d'autres des
idées.
Imprégnation préalable à
partir de lecture de textes
existants ou de recherche de
vocabulaire.
Donner à l'élève une
méthode de travail et un
mode d'action.
Procéder par petite étape
(canevas, composer
l'introduction, développer
petit à petit le texte).
Pratiquer l'évaluation
mutuelle et l'autoévaluation.
Amener l'élève à parler
de son texte et de comment il
s'y est pris pour le réaliser.
Faire travailler un texte à deux
Différencier les types de
et solliciter les échanges ou
remarques et de corrections.
faire jouer aux élèves deux
rôles différents (l'écrivant et
le contrôleur).
Mettre en valeur le texte
(selon le projet d'écriture
défini au départ).
Maintenir une grande
disponibilité surtout pour les
élèves en difficulté. Aider les
élèves qui sont bloqués.
Susciter et maintenir la motivation
La motivation est un facteur crucial dans l’explication des performances scolaires et aussi
dans le processus de décrochage. Celle-ci correspond aux raisons qui stimulent le désir
d'apprendre. Pour les chercheurs motiver, « c'est maintenir l'apprenant attentif et actif, susciter
sa coopération et sa participation. D´autres signalent que le véritable moteur de la motivation des
élèves réside dans l´estime de soi que donnent l´apprentissage maîtrisé et l´exercice réussi. »
(FOULIN & TOCZEK, 2006 :p.90)
Ce concept de la motivation correspond aux forces (internes ou externes)
produisant :
• Le déclenchement de l´action.
• L´orientation de l´action vers le but.
• L´intensité de cette action, intensité observable généralement sur le comportement.
• La persistance caractérisant la poursuite de l´engagement dans l´action au cours du temps.
La motivation, c´est un engagement plus une action qui perdure à travers le temps. La motivation en contexte scolaire est un état dynamique qui a ses origines dans les perceptions qu’un
élève a de lui-même (estime de soi), et de son environnement et qui l’incite à choisir une activité,
à s’y engager et à persévérer dans son accomplissement afin d’atteindre un but.
Les sources de la motivation sont intrinsèques et extrinsèques La motivation intrinsèque est
liée à la réalisation de la tâche elle-même, implique le plaisir, le contentement, et la satisfaction.
La motivation extrinsèque est extérieure à la satisfaction que peut apporter la réalisation de la
tâche elle-même.
En faisant le lien entre la théorie et l´expérience vécue en classe, la source de la motivation
intrinsèque chez les étudiants a été le fait de démontrer qu´ils étaient capables de rédiger en
français plus qu´une carte postale ou un courriel électronique. Le jour du lancement du
projet, ils ont dit qu´ils ne pourraient pas parvenir à accomplir une telle sorte de projet. Ils
94
Les compétences mises en place.
Avant de commenter les compétences mises en place lors
du projet, il semble d’abord pertinent de préciser la notion du
terme :
« Une compétence peut être définie comme un ensemble de
capacités, connaissances et savoir-faire, organisés en vue
d´accomplir de façon adaptée une tâche ou un ensemble de
tâches satisfaisant à des exigences sociales précises, notamment scolaires. Les compétences se définissent par rapport
aux tâches qu´elles permettent d´accomplir. Ces tâches sont
de nature sociale, par exemple circuler en automobile en
respectant le code de la route, écrire une lettre selon les usages
et les normes en vigueur. Et elles comprennent notamment les
tâches scolaires, par exemple rédiger un récit à schéma narratif
simple en séparant état initial, transformation, état final, en
utilisant l´alternance passé simple/imparfait.
Les compétences se manifestent par des comportements
observables. Elles sont évaluables par un ensemble de
performances accomplies par le sujet. Comme telles, elles
constituent des objectifs de formation. » (BORDALO &
GINESTET, 1993: p 86)
D´après cette définition, l´éventail de compétences que les étudiants ont mis en place pour mener le
projet seraient :
• Trier, classer des informations pour un conte.
• Proposer une solution pour un problème donné.
• Organiser des idées, des connaissances en fonction d´un
objectif précis.
• Planifier, programmer la réalisation d´une tâche.
• Vérifier la vraisemblance d´un résultat, la cohérence
d´une démarche, d´un raisonnement.
• Vérifier le respect de normes, des consignes.
• Proposer des modifications à apporter à une réalisation,
à une démarche.
• Analyser un échec, en comprendre les causes, mettre en
oeuvre des procédures de ré-médiation.
• Constituer un dossier sur un sujet donné.
• Écrire un conte.
Produit final
Le fruit des efforts des apprenants a vu le jour pendant la
semaine d´évaluations, étant donné que le délai dans
l´échéancier de travail n´a pas été suffisant. Au même temps,
ils ont rendu un portfolio par équipe comportant toutes les
activités d´étayage réalisées en classe et les remises du conte.
On a prévu ceci avec l´intention qu´ils se rendent de compte de
tout le travail qu´il faut faire en amont afin d´ancrer les apprentissages, mais surtout de mettre en évidence l´échelle de
progrès qu´ils avaient subi en tant qu´acteurs-acteurs de leurs
propres apprentissages.
C´est important de mentionner que les étudiants étaient
surpris de la quantité d´activités qu´ils avaient accompli et
comment avaient dépassé même leurs propres expectatives.
On peut constater que les contes ne s´agissent pas d´oeuvres
littéraires, cependant tout au long du parcours les apprenants
ont surmonté d´autres sortes de faiblesses au domaine
linguistique, para rapport à la confiance en soi-même et le plus
important ; découvrir qu´ils étaient capables d´écrire plus
d´une dizaine de lignes en français.
Quelques atouts qu´on peut citer du projet final seraient le
fait d´avoir cherché et utilisé du nouveau vocabulaire, ils ont
travaillé la grammaire, les phrases imagées, le discours
rapporté et finalement, ils ont dû envisager le problème de se
mettre à penser en français dans une tâche de production écrite
à plusieurs. Le travail cognitif d´organiser les savoirs, les
répertorier, les adapter et les réutiliser, me semble la cible de
toute activité d´apprentissage, indiscutablement ; le but du
projet.
Objectivation
L´évaluation de l´ensemble du projet a été conçue sous une
forme de triangulation en obéissant les caractéristiques de la
recherche-action, les sources des données analysées sont les
sujets d´étude : les apprenants, l´enseignante et la démarche
de la pédagogie du projet.
Pour l´analyse des données fournies par l´enseignante et
les étudiants ont a utilisé l´observation, les notes du carnet de
bord et les cahiers des charges des équipes de travail. Concernant la pédagogie du projet, on a pris comme point de départ
une liste de dix objectifs pouvant être visés par cette démarche.
Cette liste, conçue selon les critères de Philipe Perrenoud
(1999), fait aussi référence à plusieurs ouvrages concernant la
pédagogie du projet.
95
Le projet permet aussi, de donner un sens aux apprentissages ;
en conséquence, cela va de pair avec la motivation des élèves. En
effet, le manque de motivation de certains élèves est le premier
obstacle à tout apprentissage et aux objectifs de formation que l´on
se fixe. Dansl´apprentissage des langues étrangères, il ne faut pas
seulement s´arrêter au système de la langue mais on doit travailler
les mises en situation afin de donner du sens.
Lors d´une deuxième expérience avec l´approche actionnelle, je
suis sûre que la gestion du temps et l´étayage seront plus évidents,
surtout au niveau de la didactique de l´expression écrite.
En ayant eu l´expérience de la pédagogie du projet, j´estime que
celle-ci développe chez l´apprenant une analyse réflexive,
transforme son rapport au savoir permettant d´entrer davantage dans
l´apprentissage et progresser.
En guise de conclusion, la pédagogie du projet est une démarche
qui permet aux étudiants d´agir dans un environnement si réel que
possible, en utilisant la langue cible et en plus elle révèle les vraies
potentialités des élèves, leurs rendant uniques et irremplaçables.
Bibliographie
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VASSILEF, J. (2003). La pédagogie du projet en formation. Lyon:
Chronique sociale.
Conclusion
Au terme de cette étude, on peut se rendre compte que les pratiques en matière d'enseignement de
l'expression écrite sont multiples et très variées. L´intérêt évident de la pédagogie par projet est donc de
l´activité de l´élève. Élève qui est alors au centre de sa formation, il en est acteur principal, disposant
de ressources documentaires et de l´enseignant, dont sa fonction principale est dynamiser et guider
les élèves au cours de la réalisation des différentes tâches.
96
Documents en ligne
•POTEAUX, Nicole. La pédagogie de projet. Juin 2001.
•PERRENOUD, Philippe. Apprendre à l'école à travers des
projets : pourquoi ? comment ? Genève : Faculté de psychologie et
des sciences de l'éducation / Université de Genève, 1999.
•http://expositions.bnf.fr/contes/pedago/atelier/index.htm,
atelier d´écriture. Récupéré le 12 novembre 2011.
•http://www.sculfort.fr/articles/ecrire/ecrireconte.html. Site de
Madame Sculfort. Atelier d´écriture. Récupéré le 12 novembre 2011.
•http://croquebouquins.e-monsite.com/pages/comment-ecrire-et-evaluer-des-contes.html Récupéré le 12 novembre 2011.
•http://papy43-documentation.blogspot.com/2007/11/le-conte_13.html Récupéré le 12 novembre 2011.
Sémiotique et publicité en classe de FLE
ORTIZ CABEZAS, Marcela - Professeur FLE, MEP - Costa Rica
[email protected]
Cette communication est le résultat d’une étude autour de
l´analyse de la publicité en classe de FLE laquelle a été mise en
pratique dans deux contextes différents : le Lycée Carrillos de
Poas et le Lycée de Poas, dans la province d´Alajuela, au Costa
Rica. L´étude s´est déroulée durant les années 2010, 2011 et
2012, avec des groupes d'environ 15 sujets chaque année.
Adressé aux élèves ayant acquis le niveau A1 du Cadre
Commun Européen de Référence pour les Langues, cette étude
prétend présenter une nouvelle approche pédagogique pour
l´abordage de la publicité, du point de vue sémiologique. Il
propose un entrainement à l’analyse du discours et une
réflexion sur son importance.
L´intention c´est d´éveiller chez l´apprenant l´esprit
critique, orientée vers l´apprentissage de la prise raisonnée
des décisions, à travers l´analyse du discours publicitaire :
nous ne pouvons pas éviter qu´ils deviennent des consommateurs, alors, qu´ils soient des consommateurs intelligents…
D´une façon collatéral, cette approche vise l´ouverture de
l´esprit vers l´importance de la reconnaissance des différences
culturelles et des moeurs qui sont prises en compte par les
publicitaires dans l´intention de nous séduire.
D’après les apports d’Ivranova-Glédel, de Charaudeau, de
Barthes, et à partir du concept d’iconotexte de Lugrin, un
dispositif est proposé -dont trois étapes sont prévues en
utilisant un ensemble de sept fiches pédagogiques- dans une
formulation visant son application intégrée dans les cours de
langue dispensés pour la dixième année du lycée.
La proposition a été formulée à partir de la synthèse des études diagnostiques menées sur
• L´analyse des contenus du programme d’études
• L´analyse des commentaires des enseignants consultés
• La synthèse des théories consultées sur la communication, le langage et la publicité
• La séquence d’analyse iconotextuelle proposée
Le dispositif comme tel, est composé de 7 fiches pédagogiques dont trois étapes peuvent être
reconnues :
a) sensibilisation (réflexion sur la publicité : influence et signification)
b) analyse de l´iconotexte (analyse de l´iconotexte)
c) production
« Lecture» de la publicité
L´importance de lire ou d´interpréter la publicité est multiple, car cette compréhension nous
permet d´accéder aux messages implicites ainsi qu´aux aspects culturels qui sont introduits par
les publicitaires. C´est une façon d´approcher la culture et la civilisation d´un peuple, en découvrant l´intertextualité.
Quand on « lit » une image publicitaire, puisqu´elle est chargée d´un message de contenu
économique, il est important d´envisager l´analyse sur deux axes : celui du vocabulaire et de la
linguistique ; et celui de la sémantique de l´image, qui nous permettra d´associer langage
visuel-langue-culture, pour une interprétation plus approfondie.
Nous avons travaillé avec certains images qui nous ont permis de bien saisir l´importance des
préconstruits culturels (PCC) dans la publicité, par exemple,
L´Hommage à Van Gogh, du Petit Beurre de LU.
Mots clés : enseignement du FLE, sémiotique, publicité,
analyse du discours, iconotexte
Introduction
L´analyse de la publicité en classe de FLE c´est un sujet
toujours présent dans les programmes d´études de langue
Française. Cependant, il nous a paru que l´approche mené, en
général, est un peu flou et superficiel. Nous avons pensé donc,
à faire une analyse plus profonde, qui nous permette d´aller
plus loin par rapport à l´analyse de l´iconotexte proprement
dit, mais aussi, de la pensée critique des étudiants.
Comme résultat de cette étude, nous avons obtenu un
dispositif méthodologique innovateur pour l´approche de
l´analyse de la publicité en classe de FLE.
L´objectif du dispositif est d´établir les aspects linguistiques –sémiotiques et du discours- à repérer et à analyser lors
de l’étude du discours publicitaire dans les iconotextes
imprimés.
Notre motivation a été fondée sur le Programme d´études
du Ministère de l´Éducation Publique Costaricien, car il était
un peu ambigu. Alors il nous a paru important d´entamer une
analyse du discours publicitaire plus systématisé et mieux
exploité.
Pour arriver à comprendre la relation entre Vincent Van Gogh et le Petit Beurre au coin craqué,
il faut savoir que le peintre hollandais, dans une crise de folie s´est coupé l´oreille, puis, qu´il a
peint l’autoportrait à l’oreille coupée (1889), et encore, il faut savoir que les quatre coins de ce
biscuit sont connus par les enfants, en France, comme les « oreilles ».
Proposition du dispositif
Le dispositif proprement dit consiste à une séquence d’activités pour l’analyse iconotextuelle,
conformant un ensemble de séances. Cet ensemble de séances possède des objectifs, des
activités de médiation et des activités d’évaluation qui lui sont propres en dépendant les unes des
autres.
L’ensemble est conçu en séances séquentielles organisées autour de trois étapes :
• Sensibilisation
• Analyse des iconotextes
97
•Production
La sensibilisation est une étape où les apprenants prendront conscience de l´influence de la
publicité dans leurs vies.
Dans l´analyse des iconotextes, nous pouvons distinguer trois moments aussi séquentiels.
Un premier moment proposera une analyse décortiquée de l’image car c´est la partie la plus
attirante d´un iconotexte et c´est pour cela que nous avons choisi de faire son analyse en premier.
Pour cela faire, nous présentons des images sans texte. Les apprenants les ont décrites quant
aux couleurs, composition, objets utilisés, etc. Puis, nous leurs avons demandé d´émettre des
hypothèses au sujet du produit, marque, etc.
Un deuxième moment sera constitué par l´analyse des signes linguistiques apparaissant sur
les textes publicitaires.
Nous avons pris le schéma de Mme Helena Ivranova-Glédel qui en propose la décomposition
en:
• Signes linguistiques: le slogan, le pavé rédactionnel, le nom de la marque
• Signes iconiques: le pack shot et le visuel
• Signes plastiques: la typographie, la forme, la couleur, la texture, le plan, la composition
Dans une autre séance, nous avons mis en relief les aspects linguistiques les plus utilisés
dans le discours publicitaire : la définition, l’impératif, l’énumération, la rime, la rhétorique, les
jeux de mots, les termes scientifiques furetés.
Un troisième moment abordera l´analyse communicative traditionnelle, inspirée sur le modèle
de Jakobson.
Finalement viendra la production, conçue comme le moment où les apprenants vont réinvestir
tous les acquis, dans une application pratique, sous la consigne de produire un iconotexte. Le
travail se déroulera sous les conditions suivantes :
Il doit y avoir au moins une image
Il doit y avoir une marque
Il doit y avoir un slogan
Il doit y avoir un petit pavé rédactionnel
Le concept d’iconotexte
En ce qui concerne l´analyse de l´iconotexte, nous séparons d´abord l´image du textuel. Les
apprenants émettent des hypothèses par rapport au produit et/ou message de la publicité en
question.
Une fois noté leurs appréciations, nous leurs avons montré les iconotextes dans sa totalité,
(image et texte).
Ils ont pu constater si leurs hypothèses étaient correctes ou pas. Mais ce qui est plus
important, ils ont pu constater que les images, divorcées du texte, n´ont pas toujours le même
sens. Ils ont donc, compris le concept de l´iconotexte :
Car l´iconotexte est « un objet discursif pluri-sémiotique qui désigne un message mixte, un
ensemble formant une unité signifiante à part entière, dans laquelle le linguistique et l´iconique
se donnent comme une totalité insécable, mais dans laquelle ils conservent chacun leur spécificité propre. » (Lugrin 2006)
Production iconotextuelle des apprenants
Cette étape finale aboutit à un produit concret, permettant d’évaluer l’application. Nous
présentons un des produits finaux, réalisé par l´étudiant Marco Porras du Lycée Carrillos de
Poas, au 2010. Les produits de cette étape ont été analysés pour vérifier l´assimilation du
processus et l´application des savoirs à la construction de l´iconotexte.
98
Références bibliographiques
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Doctorante, Université de Bretagne Sud Faculté de droit, des
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750&h=533&ei=I_fyT43FIoKo8QT3hPTNCQ&zoom=1&iact=hc&vpx=102&vpy=117&dur=640
&hovh=189&hovw=266&tx=146&ty=184&sig=103436672445908790851&page=1&tbnh=162
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Magritte : Ceci n´est pas une pipe
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Publicité, société et culture, chapitre 4
(Krishna Julieta Samayoa Ramírez. CESEM-UDLA)
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Cours de linguistique appliquée à la publicité n° 2-3
Elena Ivanova-Glédel
http://leanantes.com/LICENCE3/Linguistique_Image.pdf
http://www.les-infostrateges.com/article/000992/la-theorie-de-la-communication
TravoDiam
http://www.comanalysis.ch/ComAnalysis/Publication85.htm
http://www.guiascostarica.com/provi/poas.htm
http://historiacostarricense.blogspot.com/ (a revisar)
http://www.drea.co.cr/direccion_regional/instituciones.php
99
SERIE PLUS FACILE!:
UNE PROPOSITION POUR APPRENDRE LE FRANÇAIS AU COSTA RICA
KANCELLARY, Catherine - Delage Maître de Conférences, Université Bordeaux-Montaigne, DEFLE; FRECCAP (Formation, Recherche Ecoute Corticale et Corporelle) France.
NÚÑEZ QUESADA, María Gabriela - Ancien professeur FLE, Universidad Nacional de Costa Rica Présidente de l' ACOPROF Comité Organisateur des XVI SEDIFRALE
VARGAS MURILLO, María Gabriela - Professeur FLE et coordinatrice du Programme Français et Education Universidad Nacional de Costa Rica
Au Costa Rica existe une longue tradition de 150 ans d’enseignement de deux langues
étrangères au niveau secondaire : l’anglais et le français. Bien que le français ne partage plus de
statut égalitaire avec l’anglais, il demeure une matière obligatoire dans plusieurs modalités
éducatives (Ministerio de Educación Pública (MEP), 2005) de telle sorte que plus de 200.000
adolescents costariciens l’étudient actuellement à raison de deux heures hebdomadaires.
La dimension physique tient compte de la xénité
géographique évidente : milieu non francophone (fortement
orienté vers l’anglais), pas de contact hors classe avec la
langue française. À cela s’ajoutent de nombreuses contraintes
au sein des établissements publics.
Les enseignants costariciens ont utilisé pendant des années les méthodes françaises dans
leurs cours, mais un bon nombre a vérifié l’impossibilité d’obtenir les résultats escomptés. De
plus, le coût extrêmement élevé des livres français a provoqué d’énormes difficultés pour leur
utilisation dans l’enseignement public.
Des caractéristiques propres au Costa Rica lient fortement
la dimension linguistique à la source culturelle. Objet d’étude
complexe et vivant, la langue se voit constamment
transformée. Le français et l’espagnol vivent, au Costa Rica,
une dichotomie parenté-xénité.
Etant donné les nombreuses contraintes, il a fallu établir une voie alternative pour l’apprentissage du français langue étrangère (FLE). Celle-ci possède des limites bien circonscrites : elle est
développée spécifiquement pour son application par un enseignant francophone non natif en
milieu institutionnel spécifique d’un pays non francophone, mais veut adopter la proposition de
l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation et la culture (UNESCO) (2007) concernant
l’éducation et la culture invitant à lutter pour “la mise en marche des politiques d’enseignement
bilingue ou multilingue… en promouvant la diversité linguistique et culturelle”.
Un projet en deux étapes
La série PLUS FACILE est un projet en deux étapes. Dans la première, deux enseignantes
costariciennes ont déjà présenté dans des instances internationales un « parcours pédagogique
» composé de trois manuels renforçant l’identité culturelle des élèves et les accompagnant vers
la culture cible en s’appuyant sur la leur. Dans la deuxième, une équipe franco costaricienne
élabore à partir du premier manuel, le matériel pédagogique pour le travail des compétences
orales, envisageant une démarche d’apprentissage renforcé en autonomie. L’atelier propose une
place plus large à la deuxième étape en construction.
Première étape: un parcours spécifique au Costa Rica pour l’apprentissage du
FLE
Deux types de fondements théoriques ont soutenu la première étape: d’une part, six dimensions interagissant entre elles et définissant le contexte du FLE au Costa Rica; d’autre part, des
sources nourrissant les aspects clés pour l’organisation du dispositif. Ils offrent un panorama
assez complet de la situation costaricienne et des éléments à considérer.
Dimensions
Les six dimensions1 sont des éléments conçus comme s’il s’agissait du « tableau » d’un
peintre où le paysage est composé de différents éléments constituant un tout : les arbres, les
montagnes, le ciel, la rivière…
Dans la dimension politique économique, les besoins économiques déterminent les
politiques éducatives et linguistiques au Costa Rica. L’anglais joue un rôle capital dans l’attraction des investissements étrangers, le français n’ayant presque aucune influence sur la vie
quotidienne dans le pays.
Dans une dimension éducative formative (Núñez y Vargas, 2005), les lois nationales prévoient
deux aspects : la formation des apprenants (dans une perspective générale et un accès garanti à
l’éducation publique) et la formation des enseignants (assurée par les universités, mais qui laisse
cependant un important pourcentage de non diplômés pour diverses raisons, notamment dans le
cas du français les connaissances de nombreux enseignants n’atteignent pas le niveau B1).
La dimension sociale s’appuie sur les configurations de l’actualité costaricienne. Il y a une
convergence entre l’entrée dans l’ère de la mondialisation (le français représente peu à l’heure
actuelle), l’immigration (spécialement en provenance du Nicaragua et de la Colombie) et les
besoins de mobilisation sociale (où l’anglais joue un rôle primordial).
100
Une dimension cognitive émotionnelle des apprenants et
des enseignants va fortement influencer le processus.
Sources
Les sources sont de deux natures : d’une part, les éléments
de la culture (d’après Kramsch (1995), la « représentation
qu’un groupe social donne de lui-même et des autres au
travers de ses productions matérielles ») ; d’autre part, l’inspiration dans les procédés généraux de la construction.
Cet élément culturel vise alors deux directions : d’un côté,
l’identité culturelle propre, en construction pendant toute la
période scolaire -et elle-même multiple à l’intérieur-; d’un autre
côté, l’identité culturelle cible, inconnue pour la plupart des
apprenants et fortement représentée par l’action et la présence
de l’enseignant.
Les procédés de construction de la langue étrangère se sont
inspirés des procédés de construction de bâtiments, où
l’adaptation et la prise en compte du terrain sont des bases
fondamentales.
Dispositif
Les auteurs envisagent un processus de construction chez
l’élève, mais avec une forte présence médiatrice de l’enseignant
au début du processus, pour aboutir peu à peu à l’autonomie.
Cette médiation implique l’entrée en jeu d’un apprentissage
conçu comme significatif pour l’élève, ancré dans son vécu et
dans ses connaissances préalables, matérialisé dans un
dispositif en trois livres, déjà utilisés par environ quarante
mille élèves du secondaire au Costa Rica.
Dans une deuxième étape, une équipe franco costaricienne
propose deux CD pour le travail des compétences orales pour
chaque niveau du « parcours ». Le CD 1 envisage la sensibilisation des apprenants aux sons du français et le travail des
aspects de chaque leçon, leur révision et leur systématisation
et le CD2 une démarche d’apprentissage renforcée en autonomie.
1Une dimension est conçue comme « grandeur qui mesure un corps »
et comme « importance, valeur, aspect significatif d’une chose ».
Deuxième étape: pour une démarche d’Apprentissage
Renforcé en Autonomie (A.R.E.A.) avec PLUS FACILE
volume 1.
Apprendre une langue étrangère ne peut se limiter à un exercice
académique dispensé auprès de jeunes scolarisés ou étudiants.
Apprendre une langue étrangère, c’est apprendre à communiquer
autrement, à s’ouvrir aux autres dans un échange de qualité
recherchant la compréhension mutuelle. C’est mettre en oeuvre un
panel d’acquisitions syntaxiques, grammaticales et lexicales pour ce
qui relève des compétences de l’écrit (compréhension et production de
l’écrit) sans négliger le facteur oral (compréhension et production
orales) engagés dans l’interaction avec le locuteur. Toutefois, savoir
faire « fonctionner l’ensemble de ces acquis » relève d’une constante
démarche d’appropriation qui se structure grâce à un entraînement
spécifique favorisant l’intégration des données inhérentes à la langue
cible.
Un apprentissage complémentaire
Outil complémentaire de la progression scolaire ou universitaire,
l’A.R.E.A. ne peut se prévaloir comme la fin en soi d’un apprentissage
autodidacte. L’autodidaxie proposée par le CD2 est intrinsèquement
conçue à partir des pratiques pédagogiques proposées par PLUS
FACILE.
Lieu d’étude et d’apprentissage, la classe ne favorise pas toujours
l’engrammation. Même des élèves sérieux et motivés peuvent
éprouver une déstabilisation de la vigilance pour de multiples raisons
notamment les très nombreuses stimulations sonores baignant le
milieu scolaire (bruits de chaises, de feuilles de papier, micro-conversations en aparté etc…). Ces stimulations exogènes à l’apprenant
associées à une certaine fatigue et aux stimulations visuelles dans le
champ de celui-ci sont autant de facteurs entraînant un manque de
concentration par une fragilisation de la vigilance rendant le facteur
mnésico-attentionnel moins disponible pour favoriser une mise en
mémoire de qualité.
PLUS FACILE, CD2 propose une approche de la langue cible
exogène à la classe de langue mais cependant complémentaire.
L’apprenant prendra en charge son appropriation des données initiées
pendant la classe selon des facteurs motivants. Rompant avec les
exigences institutionnelles (emplois du temps etc…) et afin d’assurer
un meilleur rendement à son entraînement quotidien, l’apprenant
choisira le moment et le lieu propices à son travail en autonomie
respectant son propre biorythme acquisitionnel. Ainsi responsabilisé,
la conscientisation de l’apprenant deviendra efficiente, sa disponibilité
mobilisant sa capacité attentionnelle pour recevoir les stimulations
sensorielles auditives.
Favoriser une écoute sélective motivante
Lorsque les processus cognitifs de la langue maternelle sont
installés, il devient plus difficile pour l’apprenant de saisir et d’intégrer
des informations auditives dans une langue phonologiquement
différente de la sienne. Or, l’acquisition des compétences requises à
cet apprentissage (discrimination, production orale, aspect
rythmo-mélodique, compréhension et écriture) dépend de la saisie
correcte des informations par la voie auditive (Kancellary-Delage,
1998).
D’autre part, pour traiter toute information sonore, notre cerveau
dispose de deux hémisphères aux fonctions différentes mais complémentaires. Si l’hémisphère gauche se définit comme la zone de toute
information verbale avec une stratégie analytique faisant émerger « ce
qui est dit », l’hémisphère droit par une stratégie analogique assure la
« façon de dire ». D’après Feldman, Gardey et Raynaud, (1985) «
l’information prosodique binaurale est discriminée, identifiée et intégrée à partir de l’hémisphère droit tandis
que l’information digitale (la séquence de phonèmes segmentaux) » l’est à partir de l’hémisphère gauche. La
conjugaison des stratégies hémisphériques permet la réception du message sonore dans sa globalité
réalisant l’osmose essentielle à la compréhension du message ainsi qu’à l’organisation de la réponse
adéquate exprimée par la cohérence entre la pensée, le lexique, la morpho-syntaxe, les éléments segmentaux
et supra-segmentaux.
Les spécificités de PLUS FACILE, CD2
Discrimination et intégration auditive : entraînement analogique.
Afin de préparer la réactivité du tractus phonatoire à la production orale, un travail de mise en disposition
des circuits audiopsychophonatoires spécifiques (Kancellary-Delage, 1998) est nécessaire. Alors que la
réception, la transmission et la perception de stimulations sonores relèvent de l’audition, “l’écoute procèderait plutôt à la discrimination, à l’identification et éventuellement, à l’intégration dans les comportements et
dans la mémoire de ces stimulations sonores” (Feldman, 1984). En travaillant les séquences d’exercices
préalables, l’apprenant devra donc apprendre à écouter au lieu d’entendre. Sollicitant les fonctions sensorielles auditives, il se laissera imprégner, familiariser par l’aspect rythmo-mélodique et phonologique des
stimuli proposés.
À l’oral, la prosodie présidant au sens, il convient d’intégrer rapidement l’aspect rythmo-prosodique en y
insérant les éléments segmentaux. Evitant la sur-imposition du rythme de la langue maternelle sur celui de
la langue cible, le recours à des stimuli produits par un natif permet de proposer à la perception de
l’apprenant un rythme articulatoire conforme au français, chaque langue possédant le sien. Les exercices
élaborés stimuleront donc les compétences bi-hémisphériques requises pour la bonne saisie de l’enveloppe
acoustique et assureront un conditionnement favorable des organes phonateurs pour la production.
Discrimination et intégration auditive : entraînement de l’information digitale.
En neuropsychologie, la boucle auditivo-phonatoire établit par son fonctionnement propre que le
comportement phonatoire est conditionné par l’expérience auditive.
La stimulation de l’attention auditive et l’entraînement de l’écoute sélective par le travail de chaque série
proposée rendront les sons et le rythme de plus en plus familiers améliorant la prononciation, la saisie de la
prosodie et du sens. L’oreille percevra les sons, les traitera et engendrera le processus d’appropriation et de
restitution.
Exercices de synthèse : écriture et compréhension
Dans l’apprentissage d’une langue étrangère, le facteur d’appropriation génère la mémorisation des
nouvelles références en prise directe avec de nouveaux modèles. La réussite de l’intégration dépend de cet
équilibre, de cette conversion de ce qui était inconnu en ce qui devient désormais familier, mien pour faire
sens. Au gré des exercices, les connaissances phonographématiques assureront le lien entre l’écriture des
mots, des phrases et leur prononciation tandis que de micro exercices de compréhension complèteront la
cohésion de l’approche didactique.
Conclusion
Encore en construction, PLUS FACILE a connu dès sa première étape des résultats convaincants. La
deuxième étape, axée sur l’oral, participe à l’élaboration d’un parcours pédagogique complet envisageant le
développement de l’autonomie parallèlement au développement langagier.
BIBLIOGRAPHIE
Feldman, David (1984) «Audition, écoute et phonosensibilité». Revue de phonétique appliquée 71-72.
Mons, Belgique.
Feldman, D., Gardey P, Raynaud J (1985) «Introduction à l’acousticothérapie». Pau : AFAAP.
Kancellary-Delage, Catherine (1998) « Entraînement de l’écoute corticale comme préalable à l’apprentissage d’une langue étrangère », intervention au International seminar on Learning disorders : assessment and
rehabilitation. Pittsburg : Holy Institute.
Kramsch, Claire (1995) « La composante culturelle de la didactique des langues ». Dans le numéro
spécial Le Français dans le monde: Recherches et applications: Méthodes et Méthodologies. Janvier. Paris :
CLE International.
Ministerio de Educación Pública de Costa Rica (2005) « Programmes d’étude de français ». San José,
Costa Rica.
Núñez, María Gabriela et Vargas, María Gabriela (2005) «Diagnóstico nacional sobre la enseñanza del
francés en Costa Rica». Proyecto Francés y Educación, Universidad Nacional, Heredia.
UNESCO (2007, Junio) « L’UNESCO et l’éducation primaire ». Disponible sur :
h t t p : / / p o r t a l . u n e s c o . o r g / e d u c a t i o n / fr/ev.php-URL_ID=40625&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html (consulté le 20 juin
2007)
101
L´utilisation du théâtre pour des activités d´expression orale en classe
LE CHARTIER, Maud - Ambassade de France au Costa Rica
[email protected]
Le théâtre est un art complet qui permet de mettre en jeu la pensée de l´acteur (ou du
locuteur), son corps et sa corporalité en général.
Pour un apprenant de langue étrangère, passer par l´expérience théâtrale pour aborder
l´expression orale peut permettre de débloquer certaines appréhensions et certaines inquiétudes
relatives à la prise de parole.
Il s´agit de créer un climat de confiance et de collaboration dans le groupe, de manière
également à permettre une solidarité entre les membres du groupes, de faire de la classe de
langue un moment ludique et collaboratif.
1. Du collectif à l´individuel
Une des conditions pour que le groupe se sente à l´aise et accepte le jeu, est que le professeur
soit un membre actif de celui-ci, lors des premières séances. La notion de public ne doit pas
exister dans la première étape de mise en place d´un travail théâtral avec des apprenants de
langue étrangère, car sinon, ils peuvent se sentir jugés, évalués et se bloquer. Les vertus expressives du théâtre perdent alors leur raison d´être et la prise de parole sera de plus en plus difficile.
Il conviendra donc, de la part du professeur-animateur, de se mettre sur un pied d´égalité avec
ses apprenants et de participer aux activités proposées comme un membre du groupe-classe,
avec une fonction d´animateur additionnelle.
Un autre point important est de permettre aux apprenants de passer en douceur à la prise de
parole individuelle ou en petits groupes. Il est donc recommandé, dans la direction d´un atelier
théâtre et FLE, de privilégier des exercices en grand groupe tout d´abord, avec une part très
cadrée de création individuelle (inventer un geste ou un son par exemple), qui font appel à la
mémorisation et à la réactivité. Le fait de travailler avec des exercices qui stimulent la spontanéité
et la surprise permettra également de développer une écoute des autres, nécessaire à la communication et à la prise de parole spontanée.
2. De l´expression corporelle à l´expression orale
La première étape, collective, concerne l´expression corporelle. Travailler l´expression
corporelle en classe de langue pourrait apparaître comme une perte de temps ou une digression
par rapport à un programme d´enseignement précis. Cependant, les exercices d´expression
corporelle permettront de briser la glace à l´intérieur du groupe, de générer un espace de
confiance, de libérer les tensions ou le stress dû à la prise de parole, en relaxant le corps. Par
exemple, des exercices de respiration abdominale sont un très bon point de départ d´un atelier
théâtre notamment avec des adultes. Cela permet de fixer la concentration sur un point très précis
et d´entrer dans un état de relaxation et d´ouverture plus grands.
La prise de conscience du corps et par exemple de l´appareil phonatoire à travers des exercices ludiques de répétitions et de reconnaissance des sons fait également partie de l´apprentissage
de la langue étrangère. Prendre conscience de la position des lèvres, de la langue, des caisses
résonnances naturelles, au moment de prononcer les sons de la langue cible peut aider les
apprenants à prendre conscience des efforts physiques à réaliser pour reproduire le plus
fidèlement possible les sons du français dans notre cas.
L´idée de passer par le collectif au moment de cette découverte permet également à chacun
de se positionner suivant son avancement dans l´apprentissage de la langue étrangère, sans se
sentir jugé par les autres. En effet, il s´agit d´exercices où le collectif est un prétexte pour que
chacun se concentre individuellement sur sa propre pratique, sans s´en rendre compte ni se
sentir observé. Ecouter ses camarades peut également aider l´apprenant à diagnostiquer ce qui
lui est plus difficile à faire et ainsi chercher son chemin pour y parvenir.
Une fois les exercices d´échauffement vocal réalisés, le groupe a déjà dépassé un premier
filtre de timidité. La deuxième étape est la prise de conscience de l´énergie du groupe, de
l´incidence de chacun sur celle-ci, donc de la responsabilité de chaque participant pour le bon
déroulement de l´activité. Si une personne ne « rentre pas dans le jeu » et ne transmet pas
l´énergie individuelle au groupe, la communication est coupée et il sera difficile de pouvoir
aller plus loin dans l´expression orale.
102
3. Les improvisations
Les improvisations doivent être également graduelles et
passer du collectif à l´individuel. On peut entendre comme
improvisation toute incitation à une expression spontanée
quelle que soit sa nature (corporelle, textuelle, sonore…).
Lorsque la confiance est créée à l´intérieur du groupe, à
travers d´exercices de répétition, de mimétisme où chaque
participant pourra se sentir intégré au collectif, l´animateur de
l´atelier pourra proposer graduellement des minis-improvisations : tout d´abord demander à chaque personne d´émettre un
son ou un geste différent et demander à chacun de mémoriser
les propositions de chacun, puis un mot, puis une phrase.
Il est recommandé de commencer par l´improvisation
corporelle avant d´introduire la parole, de manière à favoriser
l´expression spontanée des apprenants. S´ils pensent à la
corporalité, ils entreront de manière instinctive dans la dynamique d´un personnage, et se fixeront moins sur la grammaire
ou la prononciation dans la langue étrangère. La langue
deviendra l´outil de communication de leur personnage, ce qui
permet de créer une distance « magique » et souvent
libératrice au moment de s´exprimer.
Je vous recommande de commencer par des improvisations dans un cadre quotidien, connu de tous : l´attente à un
arrêt de bus, une scène dans un transport en commun, dans
une salle d´attente, chez le médecin etc.
Progressivement, vous pourrez développer des activités qui
surprennent les participants, des lieux plus insolites ou
imaginaires, pour inciter au développement de la créativité.
A la fin de plusieurs séances d´improvisation collectives, il
est possible de faire travailler les élèves en parallèle par
binômes, pour petit à petit les introduire à la notion de public,
de manière progressive et non frontale.
Les apprenants les plus extravertis se lanceront peut-être
plus rapidement dans les improvisations individuelles.
Il est recommandé de laisser l´espace scénique ouvert, et de
dire aux apprenants que, lorsque le travail proposé est un
travail d´improvisation, il est possible de circuler, de proposer,
de revenir dans le public à n´importe quel moment, en fonction
des sensations de chacun, tout en conservant à l´esprit la
notion d´écoute et de respect de la proposition des autres. Un
des grands fondements de l´improvisation est la dynamique «
Oui… et ? », c´est-à-dire d´être à la fois dans l´acceptation
des propositions du partenaire et de toujours chercher des
propositions nouvelles pour faire avancer l´action, comme un
jeu.
Il est également très important de travailler les « egos » des
membres du groupe, qui peuvent se sentir meurtris au moment
d´improviser, car le public n´a pas réagi ou parce que la
personne ne se sent pas inspirée.
Il suffit de savoir, en tant qu´animateur, mesurer l´exigence
mais également donner des retours positifs sur les propositions, encourager, dynamiser, motiver et donner des défis à
chacun en fonction de ses possibilités.
4. Le texte théâtral
Une autre possibilité est de travailler sur des textes déjà
écrits. Dans le cas de l´atelier présenté aux SEDIFRALE, je
proposais la scène du Bourgeois gentilhomme (acte II, scène
4) où Monsieur Jourdain prend un cours avec le Maître de
Philosophie sur la prononciation du français. Cette scène, pour
travailler en FLE présente, à mon sens deux avantages : elle
permet une métaréflexion sur la langue et la prononciation, tout
en dédramatisant l´erreur. Par ailleurs, elle permet de découvrir
un langage théâtral classique, un auteur de renommée internationale, lire Molière «dans le texte», en français est source de
motivation pour les apprenants, toujours friands de découvertes culturelles.
L´autre texte proposé est un texte de la Cantatrice Chauve,
de Ionesco, représentatif du théâtre de l´Absurde. Il s´agit de la
scène « comme c´est curieux» entre M. et Mme Martin qui
sont assis à côté dans le train et se rendent compte qu´ils sont
mari et femme.
L´avantage de ce texte est qu´il est dans un langage
relativement accessible pour des apprenants, à partir du début
du niveau B1. Il se passe dans un lieu du quotidien, donc les
apprenants peuvent s´identifier rapidement, et propose une
structure courte avec une chute inattendue.
Il est ensuite possible de créer des exercices de style à la
manière du théâtre de l´Absurde où les apprenants pourront
reprendre le cadre de la scène et l´adapter à une situation
différente de leur pays par exemple.
D´un point de vue culturel, il peut être intéressant de situer
le travail d´Eugène Ionesco du point de vue de l´histoire du
théâtre.
Voici donc, quelques pistes pour pouvoir utiliser le théâtre
comme un outil pédagogique au service de l´expression orale
en classe de FLE. A travers le théâtre sont abordés des
concepts de manière naturelle et presque sans s´en rendre
compte : par exemple, on ne travaille pas la prononciation mais
la capacité à se faire comprendre et écouter par le public ou
encore l´interculturel, qui apparaît à travers des gestes, des
attitudes corporelles différentes qui permettent de prendre
conscience de l´altérité.
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Collaborateurs
Universidad Estatal a Distancia
Universidad De La Salle
Universidad de Costa Rica
Lycèe Franco-Costaricien
Liceo de Heredia Diurno
Liceo de Heredia Nocturno
Junta Administradora de la Sala Magna Liceo de Heredia
Junta Administradora Centro Omar Dengo - Heredia
Librería Francesa
Instituto Nacional del Café (ICAFE)
Agencia de Turismo Travel Excellence
FRAVICO - Promocional S.A.
VISUAL Diseño/Fotografía
PRODAVIS, José Martínez - Sonido Luminotecnia
Floristería “Flores de Rivendel” - Heredia
Cruz Roja de Heredia
Scotiabank
Muñoz y Nanne
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