Actes - XVIème Congrès de l`Amérique latine et de la Caraïbe de la
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Actes - XVIème Congrès de l`Amérique latine et de la Caraïbe de la
Sesiones para docentes e investigadores de Francés Lengua Extranjera CONGRES REGIONAL DE LA COMMISSION POUR L’AMERIQUE LATINE ET LA CARAIBE (COPALC) DE LA FEDERATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS (FIPF) Heredia, du 3 au 7 février 2014 Actes du Congrès FIPF COORDINATEUR: Comité Organisateur REVISION: Comité Organisateur GRAPHISME: Mauricio Alvarez Organisation du congrès Fédération Internationale des Professeurs de français (FIPF) Commission pour l'Amérique latine et la Caraïbe (COPALC) Association costaricienne des professeurs de français (ACOPROF) Institut français d'Amérique centrale (IFAC) Ambassade de France au Costa Rica Alliance française de San José FIPF 3 Ce congrès a été réalisé en partenariat avec Le Ministère français des Affaires Etrangères et Européennes Le Ministère de l'Education Publique L'Université Nationale de Heredia (UNA) L'Organisation Internationale de la Francophonie L'Agence universitaire de la Francophonie TV5 MONDE, Radio France Internationale (RFI) L´institut Français, La Fondation Alliance Française 4 Message du président de la FIPF En français, naturellement… Seize fois ! Oui, cela fait seize fois que les professeurs de français de l’Amérique latine et de la Caraïbe accourent de tous les points du continent et des îles pour leur grande réunion professionnelle et amicale. Autant dire que ce rendez-vous des SEDIFRALE est maintenant une tradition bien établie dans le paysage francophone. Elle a d’ailleurs «fait des petits», comme on dit. C’est-à-dire qu’elle a donné de (bonnes) idées à toutes les autres commissions de la FIPF qui ressentent elles aussi aujourd’hui le besoin de se réunir par région à date régulière. Cette convivialité que tous leur reconnaissent, les Américains latins et caribéens l’ont en quelque sorte exportée sur tous les continents. Car pour les professeurs de français, se rencontrer est nécessaire comme le sont les réunions de famille. C’est l’occasion de se voir, de s’écouter, de partager les savoirs et les savoir-faire, les espoirs et bien sûr… les inquiétudes. Elles ne manquent certes pas, en cette période économique incertaine et où les responsables à courte vue croient trop souvent que le B-A Ba de la politique économique se résume à faire des économies. Sur l’éducation, sur les langues étrangères… Qui ne voit que ce sont pourtant des dépenses d’investissement, non de fonctionnement? Et que la facture non seulement humaine mais même économique sera à terme plus lourde qu’il n’y parait. D’autres l’ont compris. Car le français progresse ! Jamais il n’y a eu autant de francophones en Afrique (pour des raisons démographiques certes, mais aussi culturelles et économiques aujourd’hui); la Chine et l’Inde voient aussi progresser fortement la demande d’enseignement du français et d’autres langues vivantes. L’Amérique latine et la Caraïbe ont encore aujourd’hui une avance historique dans leur tradition d’enseignement du français. Notre congrès du Costa Rica va montrer que cet avantage ne doit rien au hasard: c’est avant tout la compétence et l’enthousiasme des professeurs de français qui continuent et continueront à attirer les familles pour parfaire l’éducation de leurs enfants. Et à Heredia nous le montrerons… en français, naturellement! Jean-Pierre Cuq Président de la FIPF Message de la Présidente de la COPALC Au nom de la COPALC (Commission pour l’Amérique Latine et la Caraïbe), je vous souhaite la bienvenue, professeurs de français latino-américains. Vous avez compris que, malgré la crise économique qui nous touche, il était nécessaire de participer aux SEDIFRALE. Participer aux SEDIFRALE est devenu une nécessité et un plaisir. Nous y avons la possibilité de nous voir, de nous écouter, de partager nos expériences, nos inquiétudes… Les SEDIFRALE ont donc réussi à être à l’heure actuelle une voie de communication par-dessus les frontières nationales. Je voudrais souligner qu’elles ont été le premier congrès régional de la FIPF et que, dès 1979, lors des premières qui ont eu lieu à Mérida, au Mexique, elles se sont déroulées depuis sans interruption, d’abord tous les deux ans, actuellement tous les quatre ans. Je salue votre engagement et l’engagement de vos associations en faveur de l’enseignement du français malgré parfois des politiques éducatives nationales adverses. J’aspire que vous aurez un excellent congrès plein de fructueux échanges! Elda Dagnino Présidente de la COPALC Message de la présidente du Comité d'Organisation C'est une occasion très spéciale pour nous, les enseignants de français costariciens de vous accueillir au Costa Rica dans le cadre des seizièmes SEDIFRALE -Sesiones para Docentes e Investigadores de Francés Lengua Extranjera-. En effet, il y a 34 ans, certains d'entre nous, présents aujourd'hui, étaient déjà là, réunis pour la deuxième édition des SEDIFRALE, que le Costa Rica avait accueillie. Ce congrès constitue le fil d'Ariane de notre histoire, et c'est pourquoi ce jour-ci est très important, et c'est pourquoi je suis si heureuse et si émue de vous accueillir aujourd'hui. Le temps s'écoule et l'enseignement de Français Langue Étrangère évolue, se transforme... Des exercices structuraux aux tâches interactives, des cours contemplatifs de civilisation aux analyses profondes de l'interculturel. Faire le bilan de notre activité et de nos pratiques, et nous projetter, ensemble, vers de nouveaux projets et de nouvelles étapes: nous avons besoin de tels moments. Le temps passe aussi pour l'humanité et de nouveaux défis apparaissent, des cataclysmes se succèdent partout dans le monde et toute la planète est menacée. C'est la responsabilité de tous et aussi la nôtre, les enseignants de français, de nous engager avec notre enseignement. Celui-ci ne peut pas se réduire à l'enseignement du verbe être par coeur, il faut aller au delà, vers une écologie de l'enseignement qui nous mène à former des êtres humains profondément engagés pour provoquer un vrai changement vers un avenir meilleur. L'enseignement des langues n'est pas une démarche technique et utilitariste, mais un apprentissage qui engage la part d'humanité de l'être humain, ses valeurs, sa vision. C'est pourquoi nous avons choisi ce slogan: le français, naturellement. Comme une évidence, comme une démarche globale, qui prend en compte notre environnement. Le Costa Rica, dernier pays de l'Amérique Latine où le français reste obligatoire dans les programmes de l'éducation publique, vous accueille et vous offre ces seizièmes SEDIFRALE pour que nous puissions nous rencontrer, renouveler nos idées et nos connaissances, et pour nous enrichir et proposer ce changement bio-pédagogique. Je fais le vœu que ces SEDIFRALE ouvrent un nouvel horizon au FLE au Costa Rica, en Amérique Latine et ailleurs María Gabriela Núñez Présidente d'ACOPROF Président du Comité d'Organisation 5 Comité organisateur du congrès M. Jean Pierre Cuq (FIPF) Mme. María Gabriela Núñez M. Raymond Gevaert (FIPF) Mme. Elda Dagnino Mme. Fabienne Lallement Mme. Eugenia Rodríguez M. Ronald Ramírez Président de la FIPF, Président du congrès Présidente de l’ACOPROF, Présidente du Comité Vice-président de la FIPF Présidente de la COPALC Secrétaire Générale de la FIPF Vice-présidente de l'ACOPROF Trésorier de l'ACOPROF Comité directeur de l’ACOPROF Mme. María Gabriela Núñez Mme. Eugenia Rodríguez M. Ronald Ramírez Mme. Diana Cárdenas M. Carlos Luis Hernández M. Róger Retana M. Aldo Gullock Mme. Norma Zúñiga Commissions Commission scientifique M. Róger Retana (ACOPROF) Coordinateur Mme. Gabriela Vargas (UNA) Secrétaire M. Jimmy Chao (UCR) Mme. Olga Fatjó (MEP) Mme. Delma González (UNA) Mme. Ligia Salas (ULASALLE) M. Raymond Gevaert (FIPF) Commission sponsoring et salon des exposants M. Aldo Gullock (ACOPROF) Coordinateur Mme. Amandine Decorne (Alliance Française) Mme. Marianne Rival (Ambassade de France) Commission communication M. Carlos Luis Hernández (ACOPROF) Coordinateur et Webmestre M. Diego Fonseca (FIPF) Webmestre Mme. Ileana Arias (UCR) Mme. Nixa Bonilla (UCR) Mme. Amalia Chaves (UNED) Mme. Maud Le Chartier (IFAC) Mme. Nancy Martinez (ACOPROF) Commission culturelle Mme. Diana Cardenas (ACOPROF) Coordinatrice Mme. Elvira Fajardo (ACOPROF) Mme. Milena Montoya (UNA) Mme. Mathilde Vanmansart (Alliance française) Mme. Lorena Zapata (UCR) M. Héctor del Potro Commission logistique Mme. Eugenia Rodríguez G (ACOPROF) Coordinatrice Mme. Christine Dupuich (Lycée franco-costaricien) Mme. Beatrice Passot (ACOPROF) M. Renato Ulloa (UCR) Mme. Norma Zuñiga (ACOPROF) Graphisme M. Mauricio Alvarez 6 Conference d'ouverture - Carlos Cortés Au cours de la séance d’ouverture: spectacle de danses folkloriques et de chansons populaire costariciennes par le groupe Tiquicia. Le groupe Tiquicia est un groupe de danses folkloriques costaricien qui s’est assigné pour tâche de préserver l’art populaire. C’est un organisme culturel costaricien avec une vaste carrière tant nationale qu’internationale qui donne vie à l’identité culturelle du Costa Rica. L’hospitalité d’une langue étrangère Carlos Cortés [email protected] à Graciela Villanueva-Bardot et Patrick Deville “Si vous êtes assez chanceux pour avoir vécu jeune homme à Paris, ou que vous y passiez le reste de votre vie, cela reste en vous, car Paris est une fête” écrivit Ernest Hemingway dans ses mémoires The Moveable Feast (Paris était une fête). Je ne suis pas arrivé à Paris à l’âge où l’aurait souhaité Hemingway, sinon dix ans plus tard, sans parler un mot de français, ou à peine quelques phrases, et avec une vision du monde partiellement complète. Quand je suis arrivé à l’appartement que nous occuperions rue de Latran, je me suis senti excité mais également vide, nu, d’ailleurs. Il y a un mot pour exprimer ce décalage avec la réalité: je me suis senti étranger. Cette première semaine quelqu’un avait peint un graffiti au fond de la rue avec une phrase de Richard III. Les mots de Shakespeare me regardèrent droit dans les yeux depuis un mur blanc et dévastateur: “Voici venu l’hiver de notre mécontentement”. Quinze ans ont passé depuis et en regardant en arrière, je comprends que ma vie à Paris fut essentiellement une expérience de langage. Comme je l’ai dit de nombreuses fois à ma femme, qui m’a convaincu de me désister d’une bourse pour les Etats Unis et m’a demandé de l’accompagner en France, il y a un cadeau que je ne pourrai jamais égaler parce que c’est l´ expérience limite, qui ne se donne pas et pourtant se reçoit, qu’est la langue étrangère. Toute langue, quand bien même elle est maternelle, à un moment donné devient impalpable à l’écrivain et heurte sa conscience et son désir irrésistible de dire. Pourtant, existe-t-il une pensée sans langage? Qu’est-ce que ce brouillard de sons qui lutte pour devenir et qui disparaît comme un écho au fond de l’innommable? Dans ma famille, comme dans nombre de lieux d’Amérique Latine, au vingtième siècle, la culture française était présente, mais pas la langue française. Mon père affectif répétait et me faisait reprendre la fameuse épigramme du poète espagnol Nicolás Fernández de Moratín: Admirose... Un portugais n’en revenait pas de voir que dans sa tendre enfance tous les enfants de France sachent parler français. C’est un “Art diabolique”, dit-il tordant sa moustache que pour parler en «gabacho» un gentilhomme au Portugal arrive à vieux pour mal le faire et qu’ici, même un enfant le parle. «Gabacho» vient du provençal où occitan «gavach» veut dire montagnard rustique ou grossier. Pendant les dix-huitièmes et dix-neuvièmes siècles on l’utilisait pour se référer avec mépris aux français, ainsi «gavatx» voulait dire étranger en catalan. Enfant j’appris par cœur ce poème, de manière innocente, comme on répète une comptine, sans penser qu’il résume un problème linguistique et culturel d’énorme magnitude et profondeur. Un problème qui plus est, auquel je serai moi même soumis. Par les hasards, «gabacho» est passé dans la langue populaire mexicaine et a été utilisé comme synonyme de gringo. J’ignore à quel moment j’ai commencé à écrire, longtemps avant de vouloir être écrivain ou d’être conscient du poids des mots ou de la tradition littéraire. Pour moi écrire a à voir avec l’impossibilité ou la difficulté de me trouver chez moi, de trouver un lieu propre, d’être à l’intérieur de soi-même. La langue française caractérise fort bien cette expression idiomatique. La maison est l’endroit où chacun est en soi-même, dans cette maison intérieure construite avant tout autre lieu physique tangible. Peut être qu’à travers mon histoire familiale ma maison, la maison où je suis chez moi, est un peu comme la Hollande: submergée par la mer. Carlos Fuentes, l’écrivain mexicain, disait que les Hollandais gagnent chaque jour un millimètre de terrain sur la mer. Pour moi les lieux physiques sont invisibles et deviennent tangibles -Je n’oserais pas dire réels- à travers l’écriture. Ils restent des lieux mais d’une certaine manière sont ou redeviennent, ou récupèrent quelque peu le poids qu’ils ont eu un jour dans une mémoire perdue: la mémoire de ma famille, d’une maison ancestrale qu’ont perdue trois générations de ma famille. 7 Ce provisoire, cet état transitoire, un peu hypothétique, par rapport aux choses et aux lieux, est présent dans ma relation compliquée aux mots. Le monde est provisoire et se fixe par les mots, en un rapport complexe, de méfiance mutuelle. Le fait d’être écrivain se rapporte à assumer sa propre langue comme une langue étrangère, celle que parle un autre que je ne suis pas. Ce que finalement je suis se révèle dans ce processus d’écriture. La langue maternelle est celle qui a confiance en soi, celle qui est donnée, celle qu’on ne remet pas en cause, comme un héritage transmis de génération en génération. La langue étrangère doit être acquise dans un processus d’échange, un commerce entre soi et autrui, comme je l’expliquerai plus tard. L’écrivain est toujours un «marrano» (un juif converti pratiquant en secret), parce qu’il trouve dans sa propre langue celle d’autrui. La langue qui dans les mots du poète argentin Juan Gelman se trouve «dibaxu» (dessous, en séfarade, la langue de l’exil). Enfant, Gelman tomba amoureux de la poésie en entendant son frère aîné réciter des poèmes de Pouchkine sans les comprendre. Gelman, argentin d’origine juive, ukrainien et ashkénaze, pas séfarade, redécouvre une langue endormie, qui se trouve «dibaxu» l’espagnol. De grands écrivains modernes, comme Joyce, Kafka, Borges, Beckett, Canetti et Nabokov sont des écrivains linguistiquement «sans maison», comme les appelle le critique George Steiner. La condition extraterritoriale est ce que Steiner appelle le «manque de foyer» et c’est le fait de porter en soi un double exil: celui de l’espace maternel (la patrie, la nation) et l’espace linguistique (la langue maternelle). Nabokov abandonna la Russie et abandonna le russe. Comme dit Steiner: «Nabokov s’est construit une maison de mots». La maison n’est pas la langue, parce que c’est un territoire apache à conquérir, mais plutôt le langage, même si c’est un espace de doutes, un espace qui balbutie, qui se dit mal. C’est un étranger sur sa propre terre, un étranger de soi même qui cherche dans le langage une façon d’être dans le monde, de dire l’indicible et d’élargie aux limites de la conscience des mots. Quand je suis arrivé au français, pas en France, à la langue française, me sentant isolé, exclu, aveugle, muet, je me suis senti confronté à une frontière, face à un pays inconnu et d’une certaine manière invisible pour moi, même si en même temps je pouvais le reconnaître. Le reconnaître mais pas le nommer. Peut-être ne devrais-je pas dire invisible mais plutôt silencieux parce que je me refusais la possibilité de le dire. Un pays indicible, un pays sans dire. Pour cette raison j’explique que, avant toute chose, pour moi, París/Paris a été une expérience de la parole. *Dans une France crépusculaire, à la fin de l’ère Mitterrand et de la seconde cohabitation, dans l’hiver de notre mécontentement, la langue française fut en même temps âpre et soyeuse, cruelle et veloutée. A quel moment me suis-je immergé en elle comme on rentre dans un océan glacé auquel peu à peu notre corps s´acclimate? Comment me suis-je laissé envahir par une «algarabía» (c’est à dire charabia, en français, patois) qui est devenu sens? Comme vous savez Algarabía vient de l’arabe al arabîya (la langue arabe) et en espagnol cela signifie criaillerie confuse ou langage incompréhensible. D’où vient le pouvoir des mots? Quels mots sont plus puissants et insignifiants que oui et non? Le monde n’est-il pas contenu entre ces deux sons quasi inaudibles?, comme l’a découvert Dante quand dans De vulgari eloquentia (1303-1305) il a classé les langues romanes en trois groupes selon la parole de l’affirmation: langues de si (Italie et Espagne), langue d’oc (sud de la France) et langue d’ oïl (nord de la France). Encore aujourd’hui on parle de la région du Languedoc. Qu’y a-t-il de plus important qu’un signe de ponctuation? Comme l’a dit l’écrivain russe Isaac Babel: «Aucun métal ne peut pénétrer le cœur humain avec autant de force qu’un point placé à l’endroit précis» Chaque mot ou signe verbal raconte une histoire secrète. Un chemin de mots amène le lecteur ou l’auditeur à traverser le miroir vide qui se remplit de soi- même, comme dit Georges Perec dans La disparition: «Il n'y a pas plus obscur qu'un blanc». C’est le pouvoir de «Il était une fois», «Il y avait une fois», le pouvoir de dire: «Aujourd'hui, maman est morte.» «Longtemps, je me suis couché de bonne heure». «Nous étions à l'Etude, quand le Proviseur entra suivi d'un nouveau, habillé en bourgeois et d'un garçon de classe qui portait un grand pupitre». «Un 8 jour, j’étais âgée déjà, dans le hall d’un lieu public, un homme est venu vers moi. Il s’est fait connaître et il m’a dit: «Je vous connais depuis toujours...» L’histoire secrète des mots est mystérieuse, labyrinthique. Il y a dix ans, le romancier français Patrick Deville, Prix Fémina 2012, publia son roman Pura vida. Vie et mort de William Walker. Ce n’est pas une biographie du flibustier gringo qui a envahi l’Amérique Centrale en 1856 mais plutôt une chronique des révolutions qui ont eu lieu dans le monde entre 1789 et le bicentenaire de la Révolution Française en 1989, année de la chute du mur de Berlin. Pura vida. Pourquoi est-ce que les Costariciens avons pris cette expression d’un film comique mexicain de 1955 et l’avons convertie en cri de guerre d’un pays sans armée? Quand il a écrit son roman, Patrick s’était déjà abreuvé de la Révolution Cubaine, à La Havane et du café Sorocabana, à Montevideo, Uruguay, et parlait l’espagnol. Mais quelque chose l’a séduit dans une phrase dite à moitié comme «pura vida», qui veut tout et rien dire à la fois, qui affirme quelque chose qui n’est pas dit, dont on ne sait de quoi il s’agit, qui est intangible et à la fois totale. Peut être que les Costariciens sommes trop habitués à dire «pura vida» pour en découvrir son extraordinaire pouvoir parce que, comme je l’ai dit au début, pour écrire il faut entrer en terre étrangère. C’est le même mécanisme que celui de la mémoire. Nous écrivons à partir du fantasme que nous laissent les faits et choses, que sont la nostalgie. Perec prévient que le premier souvenir, le plus lointain dans le temps, est aussi le plus proche. Comment me suis-je laissé attraper par le discours des mots comme celui d’une mer dont on perçoit seulement le son de la marée, à la distance et qui peu à peu devient reconnaissable jusqu’à ce qu’on en soit encerclé? Je ne vais pas tout vous raconter pour ne pas vous ennuyer mais je garde une image que je veux ramener au présent. Je traverse le Quartier Latin sous la neige, à 8h00, dans un long hiver. Face à moi, une file indienne d’enfants d’école maternelle traverse la rue. Il fait froid, pas encore jour et j’écoute un bruit sourd dans mes oreilles. Je répète de manière ininterrompue le poème de Fernández de Moratín: Admiróse un portugués… Envie, admiration, incrédulité, sentiments confus, tout mélangé. Ai-je bien fait d’être là? Suis-je au bon endroit? Je suis la piste des enfants sur la neige qui y laissent des traces de mots. Mots, sons, sens qui m’échappent et que le soleil fond à la neige. Une autre image: Le premier jour de classes, à l’Université de Paris II, j’avais cherché à l’aveuglette une salle dans l’immense temple grec de la Faculté de Droit face au Panthéon, la meilleure incarnation en pierre de l’esprit de la République Française, qui a fait de l’Etat son Dieu. Il était aisé de se perdre dans la termitière des élèves et dans le labyrinthe des édifices qui obéissaient à une logique fuyante. Quelques étudiants eurent pitié de moi et avec des instructions spécifiques je pus revenir sur mes pas. Je descendis au rez-de-chaussée, pris le premier escalier à droite et montai. Je suivis scrupuleusement les recommandations, mais au lieu de descendre au rez-de-chaussée, je continuai jusqu’au sous-sol. La lumière déclinante d’un automne, qui se filtrait encore à travers les fenêtres démesurées qui donnent sur la rue des Écoles, à la Sorbonne et à une porte fermée me permit de voir les quatre corps. L’atmosphère sale d’urines fut asphyxiante, mais au delà de ce bouillon humain souffla une bouffée de bière et de rhum agricole de la Martinique, le plus bon marché de Paris. Un instant avant de remonter l’escalier à toute vitesse et de plonger dans la salle de classe, je me demandais s´ils étaient morts, mais jusqu’à moi arriva la respiration désordonnée et éthylique de la cloche et un ronflement de vie. C’était la cloche. La bande de clochards du Panthéon. Ce même soir je les vis en sortant de la classe. Ce même soir je tombai sur la vision fantasmagorique de la gigantesque coupole du Panthéon découpée sur la voûte céleste, à peine illuminée par des projecteurs qui augmentèrent la sensation d’immensité. Au pied de la place, on appréciait quatre silhouettes de théâtre d’ombres, d’un film de Chaplin, ou du cirque Médrano. L’année suivante j’accompagnai Maria Lourdes, ma femme, et son amie Graciela Villanueva-Bardot au séminaire de Jacques Derrida à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales du boulevard Raspail. Je n’étais pas arrivé dix ans après que ce soit nécessaire, selon Hemingway, mais je pouvais reconnaître que j’étais devant l´un des grands philosophes du XXº siècle. Chaque semaine à 5h00 de l’après-midi, des centaines d’étudiants nord-américains, japonais, latino-américains et européens nous nous rassemblions dans l’amphithéâtre du rez-de-chaussée pour écouter un complexe, multilingue et érudit Sermon de la montagne. Ce n’était pas chose facile, ni pour lui ni pour nous, et au début mon français était si précaire que je me sentais dans un meeting politique ou dans un concert dans lequel le vent emportait les paroles et les dissolvaient dans l’air. A la sortie de l’amphithéâtre nous nous engouffrions au Trait d’Union, le bistrot de Montparnasse, pour prendre un café, essayant de comprendre ce que nous avions écouté, et que nous n’avions pas pu écouter, et je crois que j’étais heureux. Jusqu’à sa mort en a 2004, Derrida a dédié son séminaire à ce qu’il a appelé “Questions de responsabilité” et il s’est consacré aux problèmes de l’éthique et de la politique. Bien que je ne comprenais pas tout, c’était difficile de ne pas se laisser attraper par la séduction de son discours, un discours qui se sentait étranger à lui- même et qui, à tout moment, se remettait en question . Derrida mélangeait le grec, l’hébreu, le latin, l’allemand, le yiddish, le français et l’espagnol de Borges avec trois autres langues: les racines indo-européennes, la terminologie philosophique et la langue perdue des étymologies, les mots qui sont sous les mots. De par ses origines séfarades et algériennes, en tant que philosophe et écrivain, Derrida s’est défini comme un «marrano paradoxal». Marrano (en espagnol «cochon») est aussi le nom donné aux juifs convertis d’Espagne, provient de l’arabe máhram, chose interdite. Séfarade correspond à l’expression latine «Finis terrae» ou finisterre: région transfrontalière. C’est à dire, les séfarades sont les juifs qui portent en eux, l’extraterritorialité et l’étranger. Cet autre lieu, (Sefarad pour les séfarades) est un non-dit qui se dit, une maison qu’on ne peut habiter: la langue. Quelle est la langue maternelle? Dans mon cas, je me suis toujours demandé quelle a été ma langue maternelle et le livre que je viens de publier, Larga noche hacia mi madre (Une longue nuit vers ma mère), s’est d’abord appelé La langue paternelle. L’écrivain revient souvent sur une langue maternelle qu’il a perdue ou qu’il n’a jamais eue, voulant s’établir dans une maison qu’il sait ne pas être la sienne. La langue maternelle est celle qu’on parle. La langue de naissance, de la tradition, de l’héritage. La langue paternelle c’est l’écriture. La langue de l’adoption, de la culture, mais aussi du mensonge, de la vérité historique et pour autant, des contradictions. A ce point je voudrais arriver au cœur de mes réflexions. Derrida m’a rapproché du problème de l’hospitalité, qui est un thème essentiel au XXI siècle. De quoi parle-t-on quand on parle d’hospitalité? En paraphrasant Malraux, on devrait penser que le XXIº siècle sera hospitalier, multiculturel et multilingue ou ne sera pas. L’hospitalité est un problème politique et juridique qui a de nombreuses implications. Dans cette conférence, en toute modestie, je voudrais poser la question de l’hospitalité de la langue étrangère et de l’importance de nous savoir multilingues, dans la globalisation, pour pouvoir communiquer avec l’autre. Au fond, ce dont il s’agit c’est de la relation avec l’autre. Comme l’exprime admirablement le Talmud: «Si je ne suis pas pour moi, qui le sera? Si je suis seulement pour moi, qui suis-je? Mon intérêt, depuis le début, dans cette brève intervention, a été, cette question de l’hospitalité de la langue étrangère. Ce n’est pas un thème facile ni exempt de polémique. Au Costa Rica, que je considère comme une société hospitalière, vivent quelque 300 000 nicaraguayens. Théoriquement, nous communiquons dans la même langue. Pourtant, beaucoup d’immigrants déguisent leur accent pour ne pas être reconnus et cachent, sous l’espagnol costaricien les expressions natives. En réalité, nous parlons la même langue mais nous la parlons différemment. Les Costariciens nous disons «qué dicha» quel bonheur (un état intérieur) et les Nicaraguayens «qué alegría» quelle joie (un état extérieur) «Qui provoque tant de joie?» «La conception de Marie» répondent en criant des milliers de Nicaraguayens tous les 7 décembre, veille de l’immaculée conception, pendant la fête de la criée. Les costariciens voyons (avec le sens de la vue), les Nicaraguayens regardent (jouissent de ce qu’ils voient). C’est peut être pour ça que nous ne faisons pas de poésie. On voit tout ce qu’on regarde, mais on ne regarde pas tout ce qu’on voit. Dès la première rencontre avec l’envahisseur espagnol, les Nicaraguayens font de la poésie. Ruben Dario a dit qu’au Costa Rica on cultivait le café, pas la poésie. Mon apprentissage du français m’a enseigné doublement l’espagnol parce qu’on ne peut se regarder soi même sans se regarder dans le miroir de l’autre. L’autre est toujours présent. C’est un don pour lequel je remercie souvent ma femme, comme je l’ai dit, mais qui n’est ni d’elle ni de personne. La langue est soumise aux même règles de l’hospitalité que lorsque nous invitons quelqu’un à entrer à la maison. Un de mes étudiants chinois à l’université m’a raconté que quand il passe le seuil de sa maison il commence à parler le cantonnais sans s’en rendre compte. Sa maison est son foyer: une maison faite de mots. La langue maternelle. En sortant dans la rue, sans s’en rendre compte non plus, il devient hispanophone. La langue paternelle. Dans la famille de cet étudiant, comme pour la majorité des Costariciens d’origine chinoise, nous pouvons approcher un autre problème, qui est celui d’une minorité au sein d’une minorité plus grande. Les chinois Costariciens ne parlent ni comprennent le mandarin parce qu’ils ont émigré de Hong Kong et pas de la Chine continentale. Dans quelle langue rêve-t-il? Dans quelle langue exprime-t-il ses sentiments les plus profonds, mon étudiant chinois? Comment lui parle sa mémoire? Comme disait Nabokov. 9 Je n’en sais rien. Dans le cadre du langage costaricien, nous passons du vos au usted comme on passe de la salle de séjour sociale à la chambre à coucher privée, pour créer, linguistiquement, le lieu de l’émotion. Il y a des dizaines d’années, l’espace de l’intériorité, de la relation de couple ou des parents et des enfants était le usted. Mais il s’agissait d’une société hiérarchisée, patriarcale et autoritaire. Aujourd’hui, les chambres de la maison, les espaces et les lieux de pouvoirs se sont mélangés. Le vos est menacé par la présence du tú qui, comme une marchandise de contrebande, arrive par l’audiovisuel mexicain ou global. L’hospitalité et l’hostilité ont les mêmes origines étymologiques et sont donc l’endroit et l’envers. Néanmoins, je suis convaincu que l’hospitalité linguistique est beaucoup plus solidaire que les politiques migratoires. «Devons-nous imposer à l’invité des règles de conduites?» se demandait Derrida. Quand on rentre dans une maison, comme invité, l’hospitalité est inconditionnelle. En même temps, la maison a ses règles -la loi, la grammaire, la syntaxe, l’orthographe- que tous nous suivons si nous voulons participer à cette communauté à laquelle nous avons été invités. Qu’est-ce qu’on partage? La parole, les repas, les rituels, les espaces de la socialisation. Je n’ai pas inventé l’espagnol en écrivant, disait Juan Gelman, un autre «marrano» paradoxal comme Derrida et Elias Canetti. D’une certaine manière, la langue invente l’écrivain, mais également dialogue avec lui et se transforme en une langue étrangère à elle-même. La langue littéraire. Sa langue à soi, la maison où l’écrivain est chez lui, même s´il est un nomade et doit changer de maison beaucoup de fois. La langue française m’a fait comprendre que le langage est hospitalier et qu’on peut entrer chez lui et partager avec les autres -communiquer- les règles de la socialisation. C’est la grande leçon de mes années en France mais je pense que c’est aussi la grande leçon d’un monde dangereusement monolingue comme est le XXº siècle. Je peux considérer que le français est une langue de conversion en tant que langue impure, contaminée de l’accent parisien, né de l’Europe multilingue, multiculturelle du XXIº siècle, du Pura vida de Patrick Deville et du Clandestino de Manu Chao. Mais aussi de la lecture des Mémoires d’outre-tombe, de Zazie dans le métro, de L’écume des jours ou du Petit Robert. C’est une langue «marrana», gitane, mandingue, en concubinage, embrouillée (sic). J’ai découvert les Mémoires d’outre-tombe en V.O. (version originale) dans les Cours de Civilisation Française à la Sorbonne. Comme un critique espagnol je suis sûr que «ça pourrait se lire cent fois, si la vie suffisait, et que nous continuerions avec l’envie de recommencer sa lecture». Comme dans la légende chinoise sur Confucius, si la mort me donnait dix ans, le les passerais à lire les Mémoires. Il y a exactement dix ans, en février 2004, j’ai participé au cycle de rencontres Le lecteur idéal à la Maison des Écrivains et des Traducteurs Étrangers (Meet) de Saint-Nazaire. Les rencontres avaient été suspendues et pour des raisons personnelles je doutais de ma participation. J’ai accepté par amitié pour Patrick Deville, directeur de la Meet, et pour sa dévotion envers l’Amérique Centrale, qui l’amena à écrire Pura vida. Vie et mort de William Walker. J’avais entrevu Olivier Rolin dinant avec Jane Birkin dans un restaurant du Quartier Latin, mais je ne le connaissais pas. Rolin était l’un des invités au colloque avec Pierre Michon, Derek Walcott et d’autres écrivains célèbres. Je passais par un moment difficile de ma vie, qui avait pris un tour incertain, et je me demandais à nouveau si j’étais au bon endroit. Paris était resté loin, des années derrière, et je devais assumer une réalité différente. Saint-Nazaire est un endroit spécial pour moi. Depuis la ville on voit l’embouchure de La Loire, qui a la même proportion que la baie d’Istanbul. Saint-Nazaire possède cette qualité de finis terrae que voyaient les passagers qui des dizaines d’années en arrière prenaient le paquebot vers l’Amérique. C’est un lieu inhospitalier plein d’hospitalité, croisé d’anciens phares qui émettent leur lumière comme des étoiles mortes se rappelant les jours passés du Big Bang. De la vieille ville il ne reste rien parce qu’elle a été détruite pendant la deuxième guerre mondiale. N’a survécu intacte et surréaliste que la base de sous-marins allemands qui n’ont pas été touchés par les bombes des alliés. Ce n’est pas un hasard que la Maison des Écrivains et des Traducteurs Étrangers (Meet) soit à Saint-Nazaire, un passage de transit entre les époques, les continents, les cultures. 10 Dans ce panorama, Olivier Rolin a lu quelques fragments des Mémoires. Ce ne furent pas ses fragments préférés mais plutôt les miens ou du moins c’est ce que j’ai senti cet après-midi là du 24 février 2004, dans ma maison faite de mots. Paroles d’un autre qui étaient les miennes: Livre Vingt-Troisième. “Le 18 juin 1815, vers midi, je sortis de Gand par la porte de Bruxelles… Un vent du sud s’étant levé m’apporta plus distinctement le bruit de l’artillerie. Cette grande bataille, encore sans nom, dont j’écoutais les échos au pied d’un peuplier, et dont une horloge de village venait de sonner les funérailles inconnues, était la bataille de Waterloo!” Je n’ai pas le temps ici de parler de ma relation avec la chanson française. Je me contente de mentionner qu’elle est présente dans mon dernier roman, où est expliqué, en passant, le fort lien émotionnel entre la mort de ma mère et La Javanaise de Serge Gainsbourg et Juliette Greco. Durant des années La Javanaise, qui est une chanson d’amour, a été pour moi quelque chose comme toute la douleur du monde. Je vous invite à écouter la récente version de Alizée, qui est très belle, même si il lui manque le réduit saumâtre et fataliste de la voix cassée de Gainsbourg/Gainsbarre. Je t’aime moi non plus. Baby alone in Babylone. Mais ça, c’est une autre histoire. Le français m’a fait bilingue, imparfaitement bilingue, bien sûr et je l’en remercie. Il m’a fait un peu citoyen du XXIº siècle, qui est un statut en construction, qui se débat entre la méfiance et le scepticisme, entre les ruines d’une idée de civilisation et l’image d’une maison où tous nous puissions vivre. Une maison où tous nous puissions parler entre tous, pas à partir du rêve d’une langue unique mais d’une diversité de langues. Le monolinguisme conduit aussi aux camps de concentration. Un quelconque éloge à l’hospitalité passe par un éloge à la formation multilingue et multiculturelle. Je ne sais si le contraire de l’hospitalité est l’hostilité, la xénophobie et le nationalisme. Mais ceux-là sont les maux que nous devons combattre à travers l’éducation, l’apprentissage mutuel, le dialogue interculturel et la vie en commun. C’est la reconnaissance des différences ce qui permet à tous de recevoir un traitement égalitaire. Je voudrais remercier les organisateurs de cette seizième édition des SEDIFRALE pour l’honneur de m’être adressé à vous dans cette conférence d’ouverture. Je vous invite à vous sentir les bienvenus dans un pays étranger qui connaît et apprécie la valeur de l’hospitalité et la solidarité. Chacun d’entre vous, depuis la place qu’il occupe, contribue à faire d’une langue étrangère une langue familière. C’est la tâche de tout enseignant, faire du monde inconnu une maison habitable grâce à la connaissance. Remerciements Le Comité Organisateur des XVIe SEDIFRALE, le Comité Directeur de l’ ACOPROF, la COPALC et le Bureau Exécutif de la FIPF tiennent à remercier très chaleureusement toutes les personnes, qui, par leur travail, leur engagement, leur appui et leur aide, ont permis la réalisation de ce congrès. Nos remerciements vont au Ministère de l’Education Publique, Monsieur le Ministre Dr Leonardo Garnier, la Dirección Curricular, M. Rigoberto Corrales, et aux Conseillères de français du primaire, Mme Olga Fatjó, et en secondaire, Mme Marielos Sánchez, aux collaborateurs qui ont contribué avec leur participation; à l’ Université Nationale qui nous a accueilli pour ce congrès dans des locaux et un cadre extraordinaire, à madame la Rectrice, Sandra León, à messieurs les Doyens de la Faculté de Philosophie et Lettres, Albino Chacón, et de la Faculté de Sciences Sociales, Carlos Buezo, à monsieur le Directeur de l’Ecole de Littérature et des Sciences du Langage, Jimmy Ramírez, et à tout le personnel et les collaborateurs qui ont contribué au soutien de cette rencontre académique et culturelle; à la Mairie de la province de Heredia, à monsieur le Maire Jose Manuel Ulate, et à Mme Heidy Hernández pour leur appui et contribution à la réussite de cette manifestation éducative et culturelle dans leur ville et dans cette belle région; au Ministère français des Affaires étrangères pour l’appui à la réalisation du congrès et tout particulièrement à son excellence M. Jean Baptiste Chauvin, Ambassadeur de France au Costa Rica pour son soutien constant et à l’Institut Français pour l’Amérique centrale (IFAC), à ses responsables et à ses équipes, M. Jean Claude Reith, M. Jean-Luc Belmonte, et Mlle Maud Le Chartier, pour leur engagement pour assurer une réussite du congrès; à l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) pour son soutien constant à la communauté mondiale des professeurs de français, aux actions de la FIPF et plus particulièrement pour son appui à la tenue de cette rencontre régionale en Amérique centrale; à l'Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) pour son soutien indéfectible aux actions de la FIPF, en particulier pour la tenue de ces SEDIFRALE; aux Ambassades et Consulats Francophones au Costa Rica qui soutiennent et appuient le français et les manifestations francophones dans le pays. Notre remerciement à M. Jean Zambeaux, cónsul honoraire des Seychelles, pour ses actions et son aide toujours opportunes. aux proviseurs du Lycée de Heredia, messieurs Jacobo Villegas et Mauricio Moreira, au Conseil d’administration pour leur contribution et la mise à disposition de la belle Sala Magna du Lycée d’Heredia. Au professeur Eric Bogarín pour son aide et enthousiasme. à l’Alliance Française de Costa Rica, à sa directrice Mathilde Vanmansart et à ses équipes pour la réalisation des activités culturelles francophones des SEDIFRALE. à l’Université Nationale à Distance, pour sa présence et la collaboration des autorités, le Recteur, et la Coordinatrice de la section de français Mme Amalia Chaves Pittier. à l’Université De La Salle, ses autorités, sa coordinatrice, Dra Ligia Salas pour leur appui, participation et la présence au Congrès. aux collaborateurs de l’Université du Costa Rica, Directrice de l’Ecole des Langues Modernes, Dra Gilda Pacheco, le personnel académique et la responsable du Bureau d’ Activités Culturelles Teresita Reyes. à la Dra Lucía Fallas, coordinatrice de deuxièmes SEDIFRALE 1980, notre remerciement pour ses conseils et sa collaboration. aux comités de lecture nationaux et régionaux qui ont collaboré pour la lecture et la sélection des travaux. aux institutions et groupes artistiques du Costa Rica, d’Amérique latine, des pays francophones qui contribuent à ouvrir et à élargir notre vision du monde, à en montrer la richesse de la création et à nous régaler en moments d’émotion et de partage. 11 Discours de la Rectrice de l'Université Nationale Es para mí un motivo de satisfacción, como Rectora de la Universidad Nacional (UNA), darles la más calurosa bienvenida a estas SEDIFRALE que cada cuatro años reúnen a investigadores y a docentes de todos los rincones de esta nuestra América. Hoy la UNA abre con alborozo las puertas de su casa para recibirlos a todos ustedes, inspirada en el deseo de compartir esta riqueza multicultural que nos congrega en torno al francés lengua extranjera y a la vez en torno a esta realidad diversa y hermosa que constituyen América Latina y el Caribe; todo reunido en un evento académico de alto nivel. La UNA es una universidad joven, llena de vida, que recién celebró sus 40 años. Con esa energía que la caracteriza asumió con entusiasmo y convencimiento esta aventura de conjugar experiencias, investigaciones, vivencias y metas de los docentes venidos de cerca y de lejos, fiel a sus orígenes. Estos lazos de cooperación que establecimos con la Federación Internacional de Profesores de Francés, nos permiten manifestar una vez más nuestra trayectoria de apoyo a la enseñanza de la lengua francesa en Costa Rica, que continúa ininterrumpidamente al día de hoy. Con la hospitalidad que caracteriza a los costarricenses, les decimos de corazón: ¡Bienvenidos a la UNA! Sandra León Coto Rectrice de l'université Nationale 12 Conférence de clôture - Daniel Maximin Daniel Maximin, romancier, poète et essayiste né en Guadeloupe, donnera la conférence de clôture des XVIème SEDIFRALE. Sa carrière est liée aux affaires culturelles et éducatives et son récit autobio graphique Tu, c’est l’enfance a obtenu le Grand Prix de l’Académie française Maurice Genevoix. La Francopolyphonie et les cultures de la Caraïbe Aux sources de la diversité culturelle Daniel Maximin La Caraïbe francophone (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Haïti), a été un élément moteur de la naissance de la Francophonie culturelle, dans les années 1930-1960. Et notamment dans une relation très étroite avec les autres cultures voisines hispanophones et anglophones, représentées en nombre à cette époque par de nombreux écrivains, musiciens et artistes rassemblés à Paris, de Nicolas Guillén à Wifredo Lam, de Claude Mac Kay à Alejo Carpentier, de Léon Damas et Aimé Césaire à Jacques Roumain et Jean Price-Mars, de Miguel-Angel Asturias jusqu'aux poètes de la Négro-Renaissance de Harlem. Elle a joué un rôle essentiel dans la définition des modalités culturelles de la décolonisation, dès les années 40, et lors de rendez-vous internationaux essentiels comme le Premier Congrès international des écrivains et artistes noirs de Paris en 1956 jusqu'au Festival mondial des Arts Nègres à Dakar en 1966. La Francophonie, dans cette dimension caribéenne, n’est ni un virus politique porteur attardé de nostalgies néocoloniales, ni non plus un vaccin linguistique contre la dégénérescence supposée de la langue par une épidémie d’anglais. Elle est dès l'origine un outil d'émancipation politique et culturel, œuvrant pour la défense et illustration de la diversité culturelle, dont les autres cultures de la Caraïbe et de l'Amérique centrale sont aussi parmi les plus dynamiques représentantes. Ce rôle important s'explique parce que, dans les pays baignés par la mer Caraïbe, le dialogue des cultures, des langues et des arts, est la source essentielle de leurs identités, qui s’édifient par une transgression libre des langues coloniales, des contraintes historiques et géographiques, et des palettes artistiques imposées ou conquises. Aussi, langues et pratiques culturelles, au départ objets de soumission politique et d’aliénation, se libèrent en devenant sujets de création, outils d'émancipation en vérité dont le pouvoir de résistance se mesure à la puissance de création des peuples qui les ont conquis pour exprimer leur identité. La genese apres l’exil Daniel Maximin (Guadeloupe) Nous sommes la création de mondes émigrés de la mer et de la fin du monde. Peuples trouvés nous savons ne pas nous perdre dans les fissures du temps, durer pour endurer, fuir vers d’autres armes á forger dans le répit des héroïsmes et des frayeurs, plutôt déménager que couler le navire et capituler devant la récolte, en familier des cataclysmes , toujours en avançant. Le cyclone nous fait racines: on ne bague pas du tronc des cases, on laisse passer arc-boutés, seule la case peut bouger le raz de marée nous fait rhizomes: herbes laminaires pliées sous la lame pour survivre sans respirer. Le séisme nous fait feuilles: tremble avant d’avoir peur, le pesanteur se dérobe, on évacue la case, on cherche á s’envoler les bras au ciel, et pouvoir trembler , c’est preuve de pieds sur terre, donc , de terre sous les pieds. L’éruption nous projette sous les cendres les yeux fixés sur la route des rêves déracinés qui supplieraient la mer de refluer et de les embarquer. Et moi, je dis que nous sommes descendus des enfers en canot á la mer héritiers d’ouragans légataires de déluges et d’éruptions nous avons pas maudit la sécheresse de la mer et du ciel et respectons le feu, pour la maitrise des cendres n’entraine pas le fin possible du soleil, car l’existence précède l’errance et l’incendie ne nous a pas éteint. Oui notre ile est un arbre en dépit de racines, poteau-mitan d’ un jet de sève jusqu’au volcan Ou notre ile est une tortue , la patience et la force et la sagesse d’un toit sans raison de maison Oui notre ile est un foyer de sept rayons en quête de l’arc en ciel perdu Un pays né tout grand par manque de temps pour l’innocence Un pays de chair nue par manque d’espace pour trier les couleurs Un pays d’avenir á nu. 13 Présentation Daniel Maximin, né à la Guadeloupe, est poète, romancier et essayiste. Il a d’abord été professeur de Lettres, et d‘Anthropologie. Puis de 1982 à 1989, producteur-animateur de programmes francophones à Radio-France et France-Culture. Il a été ensuite Directeur des Affaires Culturelles de la Guadeloupe de 1989 à 1997. En 1998, il a été nommé Commissaire de la Célébration nationale du cent cinquantenaire de l’abolition de l’esclavage de 1848. De 2000 à 2004, il est nommé au Ministère de l’Éducation Nationale comme Conseiller à la Mission pour les Arts et la Culture à l’École. puis de 2006 à 2010, Chargé de mission à l'Inspection Générale du Ministère de la Culture et de la Communication. En 2006, il est Commissaire littéraire du Festival Francophone en France: francofffonies. Il a été nommé de janvier 2010 à avril 2012: Commissaire général de «2011, L’année des outre-mer». Il est l’auteur entre autres de trois romans: L’ISOLÉ SOLEIL (1981), SOUFRIERES (1987), et L’ÎLE ET UNE NUIT (1996), publiés aux Éditions du Seuil, d’un récit autobiographique: TU, C’EST L’ENFANCE, (Éd.Gallimard, 2004. Grand prix Maurice Genevoix de l’Académie Française), d’un essai: LES FRUITS DU CYCLONE, UNE GÉOPOÉTIQUE DE LA CARAÏBE (Éd.du Seuil.2007), ainsi qu’un recueil de poèmes: L’INVENTION DES DESIRADES, (Seuil. collection Points-poésie, 2009) ll a aussi publié trois ouvrages illustrés: LA GUADELOUPE VUE DU CIEL (HC Éditions.2008 avec la photographe Anne Chopin; un livre-guide: ANTILLES SECRÈTES ET INSOLITES (Éd.Glénat. 2011). Ainsi que l'ouvrage: CÉSAIRE ET LAM, insolites bâtisseurs. (H.C éditions. Paris 2011) dans le cadre de l'exposition: Césaire, Lam, Picasso, au Galeries nationales du Grand Palais à Paris, ( Février-Juin 2011) dont il a été le Commissaire général. Il a aussi édité en 2009 une anthologie illustrée: CENT POÈMES D’AIMÉ CÉSAIRE (éd. Omnibus avril 2009), ainsi que le recueil: LE GRAND CAMOUFLAGE, ECRITS DE DISSIDENCE, de Suzanne Césaire (Éd. du Seuil mai 2009). A l'occasion du centenaire de naissance d'Aimé Césaire en 2013, il a collaboré comme conseiller à la dramaturgie de la pièce Une saison au Congo, produite par le TNP dans une mise en scène de son directeur Christian Schiaretti, et représentée à Lyon-Villeurbanne, Sceaux, et en Martinique entre mai et novembre 2103 Et il a été le Commissaire général de l'exposition: Aimé Césaire, Lam, Picasso: "nous nous sommes trouvés", organisée par la Fondation Clément à la Martinique de décembre à février 2014. Son dernier ouvrage publié s'intitule: AIMÉ CÉSAIRE, FRÈRE-VOLCAN. ( JUIN 2013 Seuil), le récit de quarante ans de dialogue avec le poète. ŒUVRE LITTÉRAIRE: - L’ISOLE SOLEIL (Roman. Seuil. 1981. Points -Seuil 1988)) - SOUFRIERES (Roman. Seuil. 1987 Points-Seuil 1996) - ENFANCES D’AILLEURS ( Recueil. Belfond. 1993) - L’ILE ET UNE NUIT (Roman. Seuil. 1996. Points-Seuil.2003) - PARADIS BRISÉ Nouvelles des Caraïbes ( Collectif) Ed. Hoëbeke 2004. - TU, C’EST L’ENFANCE (Récit. Gallimard 2004. Grand Prix Maurice Genevoix de l’Académie Française. Prix Tropiques de l’AFD. 2004) - LES FRUITS DU CYCLONE (UNE GÉOPOÉTIQUE DE LA CARAÏBE) Essai. Seuil. 2006 - PARIS PORTRAITS (Une voix sous berges) (Folio-inédit. collectif.Gallimard. 2007) - LA GUADELOUPE VUE DU CIEL Présentation et choix de textes.(H.C Éditions. 2008) - L'EX-ÎLE Livre d'artiste, avec Nathalie Hartog. (Editions Transignum. Paris 2007) - L’INVENTION DES DESIRADES (Poésie. Points-Seuil. 2009) - ANTILLES SECRÈTES ET INSOLITES (Glénat. 2011) - CÉSAIRE ET LAM, insolites bâtisseurs. (H.C éditions. Paris 2011) - AIMÉ CÉSAIRE,FRÈRE-VOLCAN ( Récit. Seuil. juin 2013) - (Ouvrages traduits en anglais, espagnol, allemand,portugais) ÉDITION: - Éditeur de CENT POÈMES d’Aimé Césaire (éditions Omnibus. 2009) - Éditeur des: ÉCRITS DE DISSIDENCE de Suzanne Césaire (éd. Du Seuil 2009)) - Éditeur de: Aimé CÉSAIRE: LA POÉSIE (poésie complète) Éditions du Seuil. 1993 - Coéditeur de: TROPIQUES MÉTIS. Mémoires et cultures de Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion, Musée des arts et traditions populaires. Editions RMN, 1998. - Auteur du catalogue de l’exposition: WIFREDO LAM. 2004. Galerie BOULAKIA. Paris - Éditeur de: PRÉSENCE ANTILLAISE: Numéro spécial de Présence Africaine. Anthologie de Textes inédits de 60 auteurs des Antilles-Guyane. 1982) - Éditeur et préfacier de la traduction du THÉÂTRE DE WOLE SOYINKA. (5 pièces.) Éditions P_J.Oswald.1975) 14 15 16 Participants au Congrès ABHES, Lazhar ACUÑA,Teresa Azucena del Valle ALAS MARTINS, Selma ALBUQUERQUE-COSTA, Heloísa ALEMÁN Guillén, Pedro AMAR Ivan ANGULO ESPINOZA Helmut ARAYA JIMÉNEZ, Andrés ARGUEDAS ROJAS, César ARIAS CORRALES, Ileana ARRIETA, Alexandra ASSUDANI, Mayuri AZAMBUJA DE BORBA CUNHA, Daniele AZUCENA DES VALLE ACUNA Teresa BAÏDA, Abdellah BARAONA, Geneviève BARRERA, Rosa BARTH, Jorge Pablo BATALHA, MaríaCristina BAUDET, Christine BELMONTE, Jean-Luc BENATTI ROCHEBOIS, Christianne BERMUDEZ Saldana BERMÚDEZ, Stella Maris BECHTEL Marine BLEYS, Françoise BLUNDA GRUBERT, Ana BOCAR ALY, Pam BOELLINGER, Raoul BOGLIOTTI, Amelia BOIRON, Michel BOIVIN, Hélène BONILLA, Nixa BOULAICH Assma BRASILEIRO HÉRAUD, Francisca BROCHIER, Gabriela BROSSARD, Jean-Pierre BUISSERET, Christiane BUTRON TORREBLANCA, María Andrea BUTTIN, Christine CACERES Gabriela CÁMARA, Lucía CANSIGNO GUTIERREZ, Yvonne CARBALLO José CARDENAS, Diana CASEMIRO BARIONI, Mariana CASTILLO Daniel CASTILLO, José CEBERIO, María Elena CHACÓN, Albino CHAILLOT, Christophe CHANG, Rosita CHAO, Jimmy CHARDENET, Patrick CHAUVIN, Jean-Baptiste CHAVES DE MELLO, María Elizabeth CHAVES PITTIER, Amalia CHIANCA VENÂNCIO, Karina CHNANE-DAVIN, Fatima CHRETIEN, Romain 17 CISARUCK Annick COOMAN, Jean Noel CORDERO SOTO, Johanna CORMANSKI, Alex CORRALES, Rigoberto CORTES, Carlos COSSON-FLANAGAN, Madeleine CRUZ Jaén, María Isabel CUQ, Jean-Pierre CUSTERS, Giedo DA CONCEICAO GONCALVES, Helena DAGNINO, Elda DALHET, Patrick DA SILVA, Emily Caroline DALMASSO, Nicolas DARGIROLLE, Francoise DEANGELI, MaríaAngelica DECORNE, Amandine DELLOYE, Fabrice DEL CARMEN Domínguez Isabel DENISOT, Hugues DESROCHES Frank DESCHENES, Jérôme DESGAGNE, Denis DE SCHUYTER HUALPA, Pascale DEZUTTER , Olivier DÍAZ, Olga María DOMÍNGUEZ, Isabel del Carmen DUPUICH, Christine ELSTEIN, Silvia Carmen ESCOBAR DURAND, Claudine FAJARDO, Elvira FANTINATO, MaríaTeresa FATJÓ, Olga FERNÁNDEZ, Marcela FERRAND, Sophie FERREIRA, Júlia Simone FERREIRA PINTO Manuela FLORES, Allan FLORES FLORES, Ociel FONSECA, Diego FOURTANIER, Marie-José GAIOTTI, Claudia GAMEZ APARICIO, Natalia Carolina GARCÍA MERCHAN, Beatriz GARNIER RIMOLO, Leonardo GENTILE, Ana María GEVAERT, Raymond GOHARD-RADENKOVI, Aline GOLDSTEIN, Danielle GÓMEZ Sánchez, Manuel GÓMEZ SÁNCHEZ, Ingrid GONÇALVES SOUSA MACHADO, Marstela GONZÁLEZ, Delma GONZÁLEZ, Rita GRANGEON-MAZAT Marie GRANGEON, Guillaume GREGORY BRUNET, Clarissa GREMIGER, Clide GRIVELET, Stéphane GROULT, Noëlle GUEVARA, Francisco GUILLOT, Marie-Cécile 18 GUINET, Philippe GULLOCK GUILLÉN, Aldo HERNÁNDEZ, Carlos Luis HERNÁNDEZ, Heidy HERNÁNDEZ VIDAL, Gualfrido HOLLE Alexandre HUCKEL Coralie JACOB DIAS DE BARROS, María Lúcia JARDIM DA SILVA, Gabriela JIMÉNEZ CHAPARRO, Andrea JULIA, Elisa JUVINEL DE EGEA, María Edy KABLAN, Fanny KANCELLARY DELAGE, Catherine KARAM, Henriete KOTTO-KOME, Max KULCZYCKI, Romain LACELLE, Nathalie LALLEMENT, Fabienne LAMBERT THIZY, Dominique LARA Juan Carlos LE CHARTIER, Maud LEBON, Stéphanie LEBRUN, Monique LECONTE Patrice LEFORT, Daniel LEON COTO, Sandra LEROY, Daniel LIFFOURRENA, Andrea LIRIA, Philippe LOKUR, Anjali LOPES, Marie José LOUSADA, Eliane LUCHETTI, María Fabiana MACHADO KEY, Yolibeth MARTINEZ, Nancy MARTÍNEZ ALVAREZ, Felino Julio MASELLO, Laura MASSARO, Paulo Roberto MATAMOROS Ramírez, Paula MATARRITA MATARRITA, Sugey Viviana MATEUDA, Ana María MAXIMIN, Daniel MEDINA DE Pérez, Gloria MEGRE, Bruno MELGAREJO GRANADA, María Gloria MENA LICAIRAC, Rigel METSSITANE, Layla MEZANGE, Céline MEZZETTA, Caroline MONGE, Esteban MONTILLAU, Pierre MONTOYA, Milena MORA, Yuliana MORAES, Stela MORALES, Hazel MORANDI, Liliana Mabel N. MACHADO, Nara Helena NACIF DE MORAES, Othon Jorge NARANJO GARITA, Alfonso NASCIMENTO DAY, Kelly Cristina NATALI, Caroline NINET, Silvina 19 NÚÑEZ QUESADA, María Gabriela OLIVENCIA, Rodrigo ORTEGA, José ORTIZ CABEZAS, Marcela OTZOY CATÜ, Ingrid OVERMANN, Manfred PACHECO, Gilda PACHECO, Sandra PAGEL, Dario PALKHIWALE, Alpana PASQUALE, Rosana PAQUIER, Evelyne PASSOT, Beatrice PEREIRA DE ALMEIDA, Claudia PEREIRA ZANINI, Mariza Pérez GUZMAN, Luis PIETRAROIA, Cristina PIGNARD, Corinne PINARD-PRÉVOST, Geneviève PINHEIRO-MARIZ, Josilene PLATA PEÑAFORT, Carolina POMIÉS, Christian PONGE, Robert POULIQUEN, Anouk PROST, Anaïs QUAGHEBEUR, Marc QUINTILIANO PEREIRA, Deise RAGHUNADAN, Amrita RAMAZZINA GHIRARDI, Ana Luiza RAMÍREZ, Ronald REITH, Jean-Claude RETANA, Roger REYES, Javier REYES, Teresita RIBA, Patrick RIVAL, Marianne RODRIGUES DE CASTRO, Juliana Rodríguez, Beatriz Rodríguez, Eugenia Rodríguez, Marie-Noëlle Rodríguez MÉNDEZ, Denis ROJAS CALDERÓN, Daniela ROJAS CHAVARRÍA, Aída Patricia ROJAS BONILLA José ROSSI, Anacristina RUGGIA, Simona SALAS, Ligia SALES CHIANCA, Rosalina Maria Sánchez, Edna Sánchez, Marielos SANCLER GÓMEZ, Joan Valentina SANTANDER Paula SARA, María Leonor SASSOLA, Griselda SCHUMACHER EDER FUÃO, Rebeca SEGALEN, Lena SEGURA CEDEÑO, Anthony SÉOUD, Amor SEVILLA, Jean-Claude SOLANO ROJAS, Mariana SOLÓRZANO, Carlos SORIN, Noelle SOTO COCCO, Cristina 20 SOUZA DOS SANTOS GOMES, Ivanete Maria SPENCER, Samia TEBES, Betsabe Romina TOMASINI BASSOLS, Lucia TOMATTI, Teresa TRAN DE GUEVARA, Van Thu TRINQUET, Patricia ULATE, José Manuel ULLOA-AGUILAR, Renato URBINA, Evelyn VALENTIM DUCA OYAMA, María Helena VALERA, Gilberto VANGOR, Anne VANMARSAT, Mathilde VANTHIER, Hélène VAN DIXHOORM Lidwien VARGAS MURILLO, Gabriela VELÁZQUEZ HERRERA, Adelina VENEL Marie-Dominique VENITUCCI, David VICTOR, Jean-Jacques VIGLIONE, Elisabeth VIVANCOS, Nuria WAGLE, Anuradha WERNER, Rosa del Valle ZÁRATE, Guido ZUÑIGA, Norma 21 Les articles publiés dans ces actes ont été présentés lors du Congrès SEDIFRALE XVI, qui s’est tenu á l’Université Nationale de Heredia, Costa Rica, du lundi 4 février au vendredi 7 février 2014. Certaines des communications présentées n’ont pas été soumises par les auteures et les auteurs. COMITE ORGANISATEUR En suivant les liens de la table des matières, vous pouvez télécharger les articles du congrès au format PDF. Les droits d’auteur demeurent la propriété des auteures et des auteurs. TABLE DE MATIERES AUTEUR PAYS COMMUNICATION ALEMÁN GUILLÉN, Pedro Universidad Central de Venezuela. VÉNÉZUELA Enseigner la grammaire FLE en utilisant la LSF. Une expérience enrichissante. ALEMÁN GUILLÉN, Pedro Universidad Central de Venezuela. VÉNÉZUELA Le CECRL au sein des universités vénézuéliennes. BROSSARD, Jean Pierre Université de Guadalajara MEXIQUE Importance de l’influence culturelle dans les années 1970 / 1980. CANSIGNO, Yvonne Université Autonome Metropolitaine-Azcapotzalco. MEXIQUE «La créativité littéraire en contexte universitaire à l’aide de la technologie?» CEBERIO, María Elena Universidad Nacional de Río Cuarto ARGENTINE Des représentations des formateurs à l´introduction des approches plurielles dans l´enseignement des langues. COOMAN, Jean Noel Universidad Nacional Autónoma de Honduras- UNAH. HONDURAS D’une recherche sur la gestion des compétences plurilingues à la proposition d’une maitrise innovante en didactique des langues et cultures au Honduras. DAGNINO, Elda ARGENTINE La classe orale: des stratégies croisées. DARGIROLLE. Françoise Université Bordeaux 3 et MAE FRANCE «Est-il trop tard pour donner envie d’écrire aux jeunes?» DA SILVA, Emily Université de São Paulo (USP) BRÉSIL L’approche des contenus culturels en question: une analyse des représentations construites dans et par les textes des enseignants. ELSTEIN, Silvia MORANDI, Lilliana Université Nationale de Rio Cuarto. ARGENTINE Activités ludiques et créatives à partir des ressources et outils du Web 2.0 Axe thématique: Didactique: un dialogue de réflexion et de pratiques. FERNANDEZ, Marcela LIFFOURRENA, Andrea ARGENTINE Regards croisés sur le discours académique: analyse comparatiste du résumé de communication en français et en espagnol 22 AUTEUR PAYS COMMUNICATION FERREIRA, Julia Simone Université Fédérale D’Acre - UFAC BRÉSIL Psychocritique et intimisme: une étude des œuvres Moderato Cantabile et Le Ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras GAMEZ, Natalia ARGENTINE Le Facebook: un outil didactique GONÇALVES SOUSA MACHADO, Maristela ZANINI. Mariza Universidade Federal de Pelotas- Brésil. BRÉSIL Figures de l’hypocrisie: de Tartuffe à la scène politique brésilienne GUILLOT, Marie-Cécile Québec, CANADA Transférabilité du Cadre européen commun de référence pour les langues à un programme non européen BRÉSIL Une étude des thèmes du fantastique dans Melmoth Réconcilié, récit d’Honoré de Balzac BRÉSIL Les locutions idiomatiques dans Omphale, conte de Théophile Gautier: Comment les traduire? KANCELLARY-DELAGE, Catherine Université Bordeaux- FRANCE SERIE PLUS FACILE!: Une proposition pour apprendre le français au Costa Rica. NÚÑEZ QUESADA, María Gabriela Ancien professeur FLE, Universidad Nacional de Costa Rica Présidente de l' ACOPROF Comité Organisateur des XVI SEDIFRALE COSTA RICA MATEUDA, Ana Institut Supérieur de Formation d’Enseignement, Inspector Albino Sánchez Barros Universidad Nacional de Rosario. HUCKEL, Coralie Université du Québec à Montréal JARDIM da SILVA, Gabriela KARAM, Henriette. UFRGS / UCS JARDIM da SILVA, Gabriela PONGE. Robert UFRGS VARGAS MURILLO, María Gabriela Professeur FLE et coordinatrice du Programme Français et Education Universidad Nacional de Costa Rica KULCZYCKI, Romain Ministère de l 'Éducation Nationale, Programme Jules Verne au Costa Rica. COSTA RICA Éducation au Développement Durable: enseignements transversaux, valeurs universelles. LE CHARTIER, Maud Ambassade de France au Costa Rica COSTA RICA L´utilisation du théâtre pour des activités d´expression orale en classe MARTÍNEZ ÁLVAREZ, Felino Alliance Française de la Havana. CUBA Du nouveau sur les méthodologies de l’enseignement des langues ces dernières années? MATAMOROS RAMÍREZ, Paula Universidad Nacional COSTA RICA Écrivons un conte! 23 AUTEUR PAYS COMMUNICATION MEDINA DE PÉREZ Gloria Institut Supérieur des Langues-Université Nationale d’Asunción. PARAGUAY «Formation des enseignants: un nouveau profil du professeur FLE?» MELGAREJO GRANADA Maria Gloria St. Cloud State University, Minnesota. ETATS-UNIS MERIEM, Rais Université de Biskra. ALGERIE CANDAU ESPE, Olivier-Serge Université des Antilles Guyane. GUADELOUPE ORTIZ CABEZAS, Marcela Professeur FLE. MEP COSTA RICA Sémiotique et publicité en classe de FLE PALKHIWALE, Alpana St. Xavier’s College, Mumbai. INDE Une étude de l’image de la femme dans l’écriture féminine francophone de l’Afrique noire et dans l’écriture féminine contemporaine en Inde d’expression régionale qui relèvent d’une problématique commune. PLATA PEÑAFORT Carolina Pontificia Universidad Javeriana de Bogotá. COLOMBIE Projets interculturels en cours de FLE. PONGE, Robert UFRGS. BRÉSIL Une étude thématique, didactique et littéraire des transformations urbaines de Paris de 1800 à 1870. SARDINHA CHAGAS DE MORAES, Stela Maria Universidade do Estado do Rio de Janeiro Alliance Française de Niterói Association des Professeurs de Français de l’État de Rio de Janeiro. BRÉSIL Louis Jouvet et le dialogue France-Amérique latine SOTO COCCO, Cristina Alliance Française de São Paulo BRÉSIL De la tradition de La Fontaine à la «twittefabulation»: un blog et des idées pour travailler les fables avec des adultes apprenants du FLE SOUZA DOS SANTOS GOMES, Ivanete Maria Centre d'Etat de Langue et Culture Française Danielle Mitterrand (Macapa-Amapa-Brésil) BRÉSIL Enseignement de l'oral et formation initiale et continue des enseignant(e)s de FLE en Amapa (Brésil): quelle place pour la réflexivité? TEBES, Betsabé. ALLIANCE FRANÇAISE GUATEMALA L’éveil aux langues en classe de FLE VALENTIM DUCA OYAMA, Maria Helena (UFRR/ APFRR). BRÉSIL Enseigner la francophonie à l´état de Roraima - quels défis? WAGLE, Anuradha INDE Le thème de l’environnement dans l’élaboration des manuels pour l’enseignement du FLE. L’Algérie, aux portes de la Caraïbe? Complexité du processus d’enseignement-apprentissage du français: effets de contextualisation sur les enjeux didactiques. MACHADO, Nara Helenba PUCRS. 24 Communications 25 Communication Betsabe Tebes - L’eveil aux langues en classe de FLE TEBES, Betsabé - Guatemala Alliance Française, Guatemala Ciudad • Raisons du choix effectué et besoins du terrain. Présentation du contexte sociolinguistique dans lequel est né l’ensemble pédagogique élaboré. • Définition ,caractérisation et finalités de l’éveil aux langues. • Présentation de l’ensemble pédagogique. Exemples d’activités. • Les apports potentiels de l’éveil aux langues dans la perspective d’une éducation plurilingue. • L’éveil aux langues dans le cadre de la diffusion du français. Points forts et faibles. • Conclusion. Contexte sociolinguistique du Guate: L’intérêt personnel par la complexité des relations entre les groupes linguistiques dans le pays centroaméricain et la passion par l’enseignement précoce du FLE, m’ont séduit et permis de consacrer mon mémoire professionnel à la mise en place d’un ensemble pédagogique destiné aux enfants dans le but de les motiver à l’apprentissage du français et les sensibiliser à la diversité linguistique présente dans le monde et particulièrement dans leur pays. Existence d’un processus de minoration des langues mayas, garifuna et xinka. Situation désavantageuse sur l’échelle de valeurs. L’espagnol: vu comme l’instrument à travers lequel s’établit et se configure la pensée sociale et spirituelle de ses locuteurs, en se transformant en étendard du peuple et de ses sentiments nationalistes. Les jugements de valeur que les locuteurs attribuent aux langues minorées sont souvent utilisés pour souligner leur infériorité par rapport à l’espagnol. Processus de minoration: racines dans la colonisation. Situation conflictuelle: diglossie. Configuration linguistique bouleversée. Les Accords de PAIX: base de la construction d’une nation multiculturelle, multiethnique et multilingue. L’ Accord sur l’identité et les droits des Peuples Indigènes ( AIDPI). Création de la «Commission des Réformes Constitutionnelles»: Referendum du 16 mai 1999. L’éveil aux langues, caractérisation: • Approches plurielles des langues et des cultures: des approches didactiques qui mettent en œuvre des activités impliquant à la fois plusieurs variétés linguistiques et culturelles. • Il y a éducation et ouverture aux langues lorsqu’une part des activités porte sur des langues que l’école n’a pas l’ambition d’enseigner (Cf. projet Evlang) Contribuer à la construction de sociétés solidaires, linguistiquement et culturellement pluralistes. Dans les activités, il s’agit d’aborder les langues: en multipliant les occasions de passer de l’une à l’autre, en prenant appui sur ce que les élèves savent dans l’une pour mieux en comprendre une autre, en découvrant ce qui est semblable ou différent dans les unes et les autres… Finalités de l’approche d’éveil aux langues: Développer chez les élèves des représentations et des attitudes positives d’ouverture à la diversité linguistique et culturelle et de confiance envers leur propre répertoire (attitudes, savoir-être); Développer leurs capacités d’observation, d’analyse et de réflexion à propos du langage et des langues (aptitudes, savoir-faire); Elargir leurs connaissances à propos des langues, en les inscrivant dans le contexte plurilingue du monde actuel (savoirs); Accroitre leur motivation à apprendre des langues et enrichir leurs stratégies d’apprentissages (attitudes, savoir-être, savoir-apprendre). 26 • Exemples d’activités issues du programme élaboré pour l’’ecole Mundo Sesamo: Activité nº7 Cuentos de las abuelas y los abuelos «Ri Kitzijon kan ri Qati’t Qamama’» Durée: 1h. Description: activité de lecture qui propose aux enfants une introduction à la littérature maya-kaqchikel à travers un conte illustré. Langues utilisées: le kaqchikel, l’espagnol. Objectif visé: motiver les enfants à la lecture de contes propres à la culture maya, les aider à comprendre le pourquoi de l’existence de certaines croyances actuelles qui ont une explication dans les histoires des grands-parents. Les apports des démarches d’éveil aux langues: • Pluralité des langues: Elles font une place à toutes les langues quelque soit leur statut. • Elles concernent les aptitudes langagières (discrimination auditive et visuelle, capacités de repérage, etc.), les attitudes envers les langues (ouverture à la diversité linguistique et culturelle, motivation à apprendre des langues) et les savoirs à leur propos (combien de langues dans le monde…). • Elles concernent des aspects diversifiés du langage et des langues: communication, diversité et évolution, fonctionnement, usages, langage parlé et écrit, etc… • Apports: • Apprendre aux élèves que les langues ne sont pas sectaires et que les êtres humains peuvent s’enrichir en communicant dans plusieurs langues, ce qui débouche sur des choix des langues plus diversifiées. • Apprendre aux enfants que la nécessité des êtres humains de communiquer n’entre pas en conflit avec la diversité et que les langues ont coexisté pour des utilisations complémentaires depuis l’antiquité. A travers les activités conçues pour notre programme, nous avons voulu montrer aux apprenants que le bilinguisme et le multilinguisme offrent l’avantage de renforcer l’identité des gens puisque le fait d’utiliser telle ou telle langue constitue en soi un acte d’appartenance à une communauté en particulier. • Ces démarches ne visent pas la maitrise des langues travaillées et ne prétendent pas se substituer à un enseignement des langues, mais représentent un complément aux différents enseignements un cadre qui permet leur mise en relation dans un processus d'intégration et qui donne sens aux apprentissages. Conclusion: • C’est chez les enfants que la diffusion des langues trouvera sa place et pourra déboucher sur des choix linguistiques plus variés et riches. • Le chemin est long et difficile et surement il sera rempli des allées et des retours mais il mérite sans doute d’être parcouru. Transférabilité du Cadre européen commun de référence pour les langues à un programme non européen GUILLOT, Marie-Cécile - HUCKEL Coralie Université du Québec à Montréal Introduction Le Cadre européen commun de référence pour les langues (désormais le Cadre ou CECR), devenu une référence en Europe dans l’enseignement/apprentissage des langues, sort des frontières européennes. Néanmoins, le contexte de chaque pays étant différent, le Cadre est-il transférable à un programme non européen? Après avoir présenté le CECR, les raisons et objectifs de sa création, les concepts théoriques sur lesquels il repose, nous exposerons notre démarche en vue d’intégrer le CECR à notre programme, puis présenterons les impacts d’une telle intégration. Pour conclure, nous rendrons compte des résultats, à savoir dans quelles mesures le CECR est transférable à un programme non européen. Présentation du CECR et approche actionnelle Rappelons que le CECR est né d’un constat, celui du manque de transparence et de lisibilité des diplômes à l’échelle européenne (symposium intergouvernemental, Suisse 1991). Les experts recommandèrent la création de deux outils: d’une part, un outil commun à tous les pays, qui permettrait de faire le point sur les méthodologies de l’enseignement de toutes les langues et leur apprentissage, et d’autre part, un outil qui rendrait transparents les résultats de cet apprentissage1. Après plus de dix ans de travaux scientifiques, soutenus d’abord par le Fonds national suisse de recherche, puis par le Conseil de l’Europe, ces recommandations menèrent effectivement à un référentiel, le Cadre européen commun de référence pour les langues: apprendre, enseigner, évaluer, permettant la mise en place de programmes comparables en proposant un cadrage commun2 et prônant une approche actionnelle de l’enseignement/apprentissage des langues. Le CECR est aujourd’hui disponible en 39 langues, utilisé en Europe, mais aussi sur d’autres continents. Voyons à présent quels concepts théoriques le sous-tendent. La perspective privilégiée par le Cadre est de type actionnel: apprendre une langue est considéré comme une préparation à une utilisation active de la langue pour communiquer et si possible s’intégrer dans une communauté différente pour y devenir un acteur social à part entière. Le modèle actionnel reprend les concepts de l’approche communicative en y ajoutant l’idée de tâches à accomplir dans les multiples contextes auxquels un apprenant sera confronté dans la vie sociale. Pour réussir à accomplir diverses tâches, l’apprenant doit mobiliser l’ensemble de ses compétences et de ses ressources (stratégiques, cognitives, verbales et non-verbales) afin d’atteindre son objectif: la réussite de la communication langagière3. Les compétences Le Cadre précise la notion de compétence et distingue les compétences générales individuelles de la compétence à communiquer langagièrement4. Les compétences générales individuelles comprennent (1) les savoirs (culture générale, savoir socioculturel), (2) les aptitudes et savoir-faire (capacité à entrer en contact avec les natifs de la langue étrangère), (3) le savoir-être (personnalité de l’apprenant) et (4) le savoir-apprendre (capacité à observer de nouvelles expériences). La compétence à communiquer langagièrement comprend trois composantes: (1) la composante linguistique (savoir et savoir-faire relatifs au lexique, à la syntaxe, à la grammaire à l’orthographe et à la phonologie); (2) la composante sociolinguistique (connaissance et habiletés à faire fonctionner la langue dans un contexte de normes sociales, maîtriser les paramètres socioculturels de l’utilisation d’une langue); (3) la composante pragmatique (l’utilisation fonctionnelle des ressources de la langue, réalisation d’actes de parole, maîtrise, cohésion du discours, le repérage des genres et types textuels). Parallèlement, le Cadre met en oeuvre quatre activités langagières: la réception, la production, l’interaction et la médiation. Les trois premières sont des activités traditionnelles en enseignement des langues. Quant à la médiation, elle «permet de produire à l’intention d’un tiers une (re)formulation accessible d’un texte premier auquel ce tiers n’a pas d’abord accès5». Niveaux de compétences Les compétences langagières évaluées dans le Cadre sont regroupées en cinq catégories (1) comprendre (écouter, lire); (2) parler; (3) prendre part à une conversation; (4) s’exprimer librement en continu et (5) écrire. Le niveau de l’apprenant «est défini en fonction du plus ou moins grand nombre de tâches qu’il est capable de réaliser correctement6». Le Cadre distingue trois niveaux: le niveau A: utilisateur élémentaire, le niveau B: utilisateur indépendant et le niveau C: utilisateur expérimenté. Chacun de ces niveaux est subdivisé en deux; pour le niveau A: A1, niveau introductif ou découverte et A2, niveau intermédiaire ou de survie. Pour le niveau B: B1 qui correspond au niveau seuil (début d’autonomie) et B2 qui correspond au niveau avancé ou indépendant. Pour le niveau C: C1, autonome, et C2, maîtrise (capable de comprendre sans effort, de s’exprimer spontanément). Forces et limites du CECR La première force du Cadre est qu’il remplit sa mission de donner un cadrage commun et une référence commune quant au niveau d’apprentissage des langues. Sa richesse ne se réduit pas à ses échelles de niveaux de compétences. Il constitue un outil tant pour les apprenants que pour les institutions, facilitant la mobilité des étudiants. Comme le souligne Coste (2007), «l’utilisation la plus spectaculaire du CECR est […] celle qu’on constate dans le domaine de l’évaluation, des certifications, de la désignation des objectifs en termes de compétences. Les désormais fameux 6 niveaux.» (p. 3). Une des limites est que le Cadre est axé sur l’apprentissage des langues en Europe; il y est surtout question de mobilité européenne, de contexte européen. Bien que le Cadre ne doive pas être vu comme une norme prescriptive, il a été considéré comme tel7. C’est ainsi qu’Humeau (2012) considère qu’il est nécessaire de contextualiser le CECR. Rosen (cité dans Humeau, 2012) estime que cette contextualisation est nécessaire dans les contextes comme celui de la Chine en raison d’une «grand distance culturelle et géographique d’avec la France8». Par ailleurs, les frontières entre chaque niveau sont relatives et comme le mentionne Rosen9, «aucune indication n’est donnée sur les volumes d’heures d’enseignement/ apprentissage des langues»; les niveaux peuvent donc être sujets à interprétation. 1 Rosen, p.9-10 2 Rosen, p.14 3 Rosen, p.17-18 4 Le Cadre européen commun de référence pour les langues, 2005 5 Le Cadre européen commun de référence pour les langues, 2005, p.18 6 Rosen, p.18 7 Coste, 2007; Humeau, 2012 8 Humeau, 2012, p.133 9 2007, p.115 27 Une autre limite du Cadre concerne l’évaluation de la compétence interculturelle. Bien que le Cadre identifie clairement à l’intérieur des compétences générales le savoir socioculturel, la prise de conscience socioculturelle et les aptitudes et savoir-faire interculturels comme étant des objectifs dans l’enseignement/apprentissage d’une langue10, les niveaux d’acquisition ne sont pas intégrés. C’est ainsi que Zarate11 déplore que tout ce qui touche l’interculturel est placé «sous le chapeau des compétences générales et que le CERC élude la question centrale de leur évaluation». Intégration ou non du Cadre dans le programme FLS à l’Université du Québec à Montréal L’Université du Québec à Montréal est une université francophone installée à Montréal (Québec, Canada). Environ 42 000 étudiants y sont inscrits dans 160 programmes. Le Certificat de français écrit pour non-francophones s’adresse aux étudiants apprenant le français; il comporte 10 cours de 45 heures. Certains cours couvrent les quatre habiletés alors que d’autres sont axés sur une habileté en particulier: phonétique, compréhension écrite, production écrite, communication orale, etc. Environ 350 étudiants suivent ce programme. Il s’agit principalement d’immigrants ayant déjà suivi une formation de base en français et qui sont diplômés dans leur pays d’origine. Ces apprenants ont décidé d’immigrer au Québec et comptent y demeurer. Bibliographie • Conseil de l’Europe, Cadre européen commun de référence pour les langues, 2005, Didier. • Coste, D., Le Cadre européen commun de référence pour les langues. Contextualisation et/ou standardisation?, Colloque de la FIPF, juin 2007 • Frath, P. (2006). «Le portfolio européen des langues et le cadre européen commun de référence: entre normalisation institutionnelle et responsabilité individuelle», 12 pages téléchargeables à http://www.aplv-languesmodernes.org 12 2006, p.16 • Humeau, G. Le CECR, un outil pour réformer l’enseignement/apprentissage du français en milieu universitaire chinois, Synergies Chine nº 7, 2012, pp.129-139. Impacts Quels seraient les impacts de l’adoption du CECR pour notre programme? Le premier impact se ferait dès l’entrée, c’est-à-dire au niveau du test de classement. Notre test actuel doit être passé par tout étudiant désirant suivre le programme; il s’agit d’un test informatisé comprenant 4 volets: compréhension orale, compréhension écrite, production écrite (grammaire et composition) et production orale en continu. Notre test ne comporte pas de volet production orale en interaction, pour des raisons de gestion. Si nous voulions nous conformer au CECR, il faudrait ajouter la cinquième catégorie des compétences langagières à évaluer: la production orale en interaction. • Ministère de l’immigration, de la diversité et de l’inclusion du Québec (échelle québécoise des niveaux de compétences en français des personnes immigrantes adultes http://www.immigration-quebec.gouv.qc.ca/publications/fr/langue-francaise/ Echelle-niveaux-competences.pdf Un autre impact au niveau du test de classement est celui du traitement des résultats et du classement des étudiants. Actuellement, selon le nombre de points obtenus globalement à l’ensemble du test, l’étudiant est classé dans les différents niveaux de nos cours. Si nous adoptions le Cadre et adaptions notre façon de traiter les résultats du test, il nous faudrait décider si oui ou non nous voudrions avoir des cheminements individualisés pour nos étudiants, selon leurs forces et faiblesses dans les 5 catégories des compétences langagières. Ceci leur permettrait de suivre des cours à des niveaux différents durant le même semestre. Ce n’est pas le cas actuellement et cette vision serait fort intéressante. • Zarate, G. (2010). L’évaluation des compétences culturelles et interculturelles à travers le débat des institutions européennes, dans Implicites, stéréotypes, imaginaires, La composante culturelle en langue étrangère, sous la direction de Alao, G., et al. Éditions des archives contemporaines. • Rosen, E. (2007). Le point sur le Cadre européen commun de référence pour les langues, Clé International. En ce qui concerne l’étudiant, passer un test de classement qui suivrait les 6 niveaux du CECR aurait un impact positif: il saurait exactement à quoi correspond son niveau en français dans les certifications qui suivent le CECR. Le deuxième impact de l’adoption du CECR dans notre programme concernerait les contenus et approches pédagogiques. En effet, si certains de nos cours s’inscrivent déjà dans la perspective actionnelle et suivent une approche par les tâches, d’autres ne suivent pas cette approche. Les conséquences envisageables comprendraient une réflexion sur la pertinence d’adapter les approches pédagogiques de tous nos cours et d’en transformer les contenus, sans oublier la formation du corps enseignant. Conclusion L’intégration du Cadre au sein de notre programme est-elle pertinente compte tenu du contexte québécois? En effet, les étudiants apprenant le FLS sont majoritairement des immigrants provenant d’autres pays et peu sujets à la mobilité. Ils apprennent le français pour s’intégrer socialement et professionnellement à la société d’accueil. De plus, le Ministère de l’immigration, de la diversité et de l’inclusion du Québec a élaboré une «Échelle québécoise des niveaux de compétences en français des personnes immigrantes adultes». L’institution a procédé à une refonte complète du programme FLS, sans y avoir intégré ni le CECR ni l’Échelle québécoise des niveaux de compétences, préférant se concentrer sur le contenu des cours ainsi que sur une progression plus harmonieuse pour les étudiants. Comme le suggère Prath12, il faut «résister à la tentation de structurer l’apprentissage des langues exclusivement autour du Cadre et du Portofolio» de peur de normaliser les contenus et les méthodes risquant ainsi de «vider les enseignement de leur créativité». Ceci dit, la réflexion se poursuit, et l’intégration du Cadre au sein du programme FLS à l’UQAM demeure une question ouverte. 28 10 CECR, chapitre 5 11 2001, p.13 L’Algérie, aux portes de la Caraïbe? Complexité du processus d’enseignement-apprentissage du français: effets de contextualisation sur les enjeux didactiques MERIEM, Rais, Université de Biskra-Algérie,[email protected] Candau Olivier-Serge, ESPE de Guadeloupe, Université des Antilles- Guyane, [email protected] Résumé L’Algérie et l’île de Saint-Martin se caractérisent par une situation de multilinguisme et posent la question des stratégies pédagogiques et didactiques à adopter dans le cadre de l’enseignement du français. Cette étude a pour but de mettre en perspective les politiques linguistiques sur l’identité algérienne et saint-martinoise tenus par les experts. L’article conclura sur la manière dont ces représentations sociolinguistiques favorisent des lieux potentiels de directives pédagogiques implicites pour l’enseignement. Abstract Algeria and the island of Saint-Martin are characterized by a multilingual environment, and present the question of which educational and didactic strategies to adopt for French language teaching in these linguistic circumstances. The aim of this study is to examine sociolinguistic discourse on Algerian and Saint-Martinese identities by experts to examine them in the perspective of the education system on theses territories. The article concludes with a consideration of the ways in which such sociolinguistic representations favor the potential implementation of educational directives implicit in teaching. Mots-clés Alternances de langues, conflit diglossique, contextualisation didactique, glottophagie, multilinguisme. Key-words Code-switching, languages conflict, school context, glottophagy, multilingualism. Introduction Le croisement de la didactique du plurilinguisme et de l’approche interculturelle (Abdallah-Pretceille (2003) et Zarate (2003) dans l’enseignement-apprentissage des langues invite à s’interroger sur le rôle de l’institution scolaire dans le parcours identitaire de l’apprenant tout autant que dans l’appréciation de l’acte d’enseigner (Coste, Moore et Zarate, 1996). L’importance du panorama sociolinguistique impose de prolonger le débat sur les stratégies pédagogiques en place. Une comparaison des contextes partiellement francophones dont relèvent à la fois l’Algérie et Saint- Martin nous permettra d’aborder les points qui relèvent d’une interrogation soit commune soit divergente de contextualisation pédagogique (Beacco, 2001). La question se pose en effet de savoir si les représentations linguistiques émises en particulier par les autorités politiques et éducatives des deux territoires rendent vraiment compte de la réalité sociolinguistique en jeu. Alors que l’Algérie est indépendante depuis 1962, Saint-Martin gagne progressivement son autonomie, en devenant une Collectivité Ultra-Marine (COM) en 2007. Héritage d’une histoire coloniale tourmentée, l’enseignement du français, langue étrangère en Algérie, et langue unique d’enseignement à Saint-Martin, révèle des positionnements idéologiques marqués de la part des politiques qui assument la délicate tâche de lancer des réformes pédagogiques dans des sociétés multilingues. Notre étude vise à ainsi discuter l’écart entre la richesse multilingue des territoires en présence et les représentations sociolinguistiques des autorités éducatives. Contexte de l’étude On s’efforcera dans un premier temps d’esquisser un panorama sociolinguistique des deux territoires en présence. La répartition des parlers en Algérie se fait selon une bipartition assez nette: un premier groupe majoritaire constitué d’arabophones (parlant une variété algérienne d’arabe, le Darja) et une minorité de berbérophones. Les parlers berbères couvrent une réalité langagière hétérogène. On citera les variantes les plus usitées selon les régions où elles se pratiquent: Kabyle (Kabylie), Chaoui (Les Aurès), Mozabite (Mzab), Touareg (Sahara), Chelha (région frontalière du Maroc), Tagargent (Ouargla), Zénète (Gourara). Le passé colonial est un des paramètres incontournables pour comprendre la situation linguistique du pays. Dès 1830, le français s’impose dans les usages officiels. Grandguillaume souligne d’ailleurs en 2004 le paradoxe d’un pays façonné politiquement par l’envahisseur et qui lors de son indépendance se révèle incapable d’imposer la langue de l’héritage (l’arabe classique) cantonnée jusqu’alors à des usages religieux ou privés et de fait sans possibilité de traduire les exigences d’une société moderne. Les mouvements nationalistes arabophones peinent alors à rendre prestigieux l’usage d’une langue trop longtemps dévalorisée et pourtant seul perçue comme un ferment civilisationnel exclusif. Si la seule alternative proposée au français de la colonisation est désormais l’arabe de la nationalisation, un héritage du passé demeure: la glottophagie (Calvet, 1974) des parlers Amazighs en particulier dévorés par l’arabisation. L’arabisation du système éducatif se mesure d’ailleurs à la place attribuée au français, désormais langue étrangère, enseigné seulement à partir de la quatrième année. La situation de Saint-Martin relève en apparence d’une logique inverse. L’île de Saint-Martin s’inscrit comme un carrefour entre les Grandes et Petites Antilles. Alors qu’une frontière invisible la traverse, elle constitue le plus petit territoire insulaire au monde relevant de deux souverainetés européennes dont elle dépend, la France et les Pays-Bas, sur un ensemble de moins de 100 km². La partie française rattachée administrativement à la Guadeloupe depuis 1763 est devenue COM le 15 juillet 2007. Elle jouit donc d’un statut particulier disposant d’une certaine autonomie, en tant qu’entité distincte de l’État français, notamment dans l’exercice de ses compétences administratives et éducatives. Le répertoire langagier saint-martinois est complexe et comporte de nombreuses langues (anglais, créole haïtien, espagnol, le français, néerlandais, papimentu) dont un parler spécifique, le West Indian English. Alors que les démarches administratives et juridictionnelles s’inscrivent de plus en plus dans une démarche multilingue (anglais, français, espagnol) l’école pérennise des interventions monolingues. Si l’on aborde la question des langues de l’école (l’arabe classique ou le français standard), force est de reconnaître que le panorama des langues en présence invalide toute approche unilingue. L’identité culturelle construite par l’école (arabophone ou francophone) est moins une donnée construite par l’héritage de l’histoire que le reflet d’une volonté politique d’imposer un état nation fort. Cadre théorique C’est bien parce qu’on assigne aux langues un pouvoir d’identification qu’elles n’ont pas, qu’on peut dénoncer la menace qui règne sur la richesse des parlers en présence. Nous apporterons ici un éclairage théorique sur les présupposés de la langue comme vecteur identitaire (Gauthier, 2011) avant d’apporter quelques précisions sur le contexte postcolonial dans lequel elle émerge (Baneth-Nouailhetas, 2010). La gestion politique des langues en Algérie durant la période coloniale a servi de catalyseur à une glottophagie (Calvet, 1974). Ce processus d’exclusion d’une langue par une autre est réussi lorsqu’il recouvre l’absorption de la langue minorée par celle qui la domine. Pourtant, une des facteurs les plus efficients de la 29 résistance à la glottophagie se trouve au sein même du peuple colonisé dont la résistance politique prend alors une tournure linguistique. La minoration des parlers en présence en Algérie impulsée sous la colonisation s’élabore au cours d’une dépréciation progressive des formes considérées comme non standards et aboutissant à un véritable drame linguistique (Memi, 1995 et Morsly, 2012). La subordination linguistique (Boyer, 1997) entamée dès la période coloniale et poursuivie sous l’arabisation nationaliste instaure paradoxalement une instabilité linguistique (Sekai, 1999). Cette étude montre que la construction d’un projet éducatif porteur des valeurs éthiques de l’Algérie et de Saint-Martin ne peut faire l’économie d’une attention soutenue aux discours de référence qui la construisent, c’est à dire de son ethos (Redon, 2008). On établira les spécificités des identités des deux territoires pour analyser les possibilités d’impact sur les pratiques et les représentations pédagogiques. On fera deux hypothèses en particulier: - La reconnaissance des langues minoritaires peut s’avérer être un trait opératoire pour justifier d’une identité algérienne autant que saint-martinoise. - La mention des langues minoritaires dans les deux territoires par les autorités politiques ne relèverait pas d’une prise en compte réelle, mais dissimulerait en plus une suprématie de la langue standard. Méthodologie de la recherche Nous avons fait le choix de restituer une intelligibilité des contextes algérien et saintmartinois par une mise en perspective des discours qui les configurent, pour comprendre à plus long terme ce qui pourrait avoir un impact sur les représentations des enseignants et leurs pratiques pédagogiques. Le croisement des questions sociolinguistique et didactique sera étayé par deux enquêtes de terrain. La première concerne l’Algérie. Il s’agit d’exposer succinctement les résultats de l’analyse des discours institutionnels réalisée par Kebbas (2010) au sujet des recommandations de la Commission Nationale de Réforme du Système Educatif algérien (CNRSE), et leur mise en oeuvre dans les nouveaux programmes et manuels du secondaire publiés entre 2005 et 2007. Ces recherches portent sur l’importance des pratiques plurilingues dans l’apprentissage des langues étrangères en contexte algérien. L’étude du contexte saint-martinois se fera à partir des discours officiels tenus par des acteurs politiques, ou des personnages officiels impliqués dans la question du développement identitaire de Saint-Martin. Notre choix s’est arrêté sur quatre sources officielles: Le Dossier bilinguisme (2006) accessible sur le site de la COM, le compte-rendu journalistique du colloque Qui est Saint-Martinois? (2006), et la Charte de Communauté (2012)1 rédigée en présence du Préfet, de la représentante de M. le Recteur, et d’une classe de CM1. Résultats On présentera successivement les résultats obtenus sur les deux territoires avant d’en proposer une mise en perspective commune. L’Algérie On peut considérer que la réorganisation du système éducatif depuis 2003 constitue un premier pas de taille vers une orientation plurilingue dans l’enseignementapprentissage des langues. Cette réforme du système éducatif algérien a revalorisé l’enseignement des langues étrangères en prenant en considération la formation des enseignants, pourtant négligée depuis les années 80. La langue française comme première langue étrangère est réintroduite dès la deuxième année du primaire, ainsi que l’anglais (deuxième langue étrangère) enseignée autrefois en deuxième année du cycle moyen a été avancée à la première année moyenne. Le rapport du CNRSE met l’accent sur la nécessité de connaître les langues étrangères à la fois en termes d’ouverture culturelle, mais aussi d’accès aux nouvelles technologies: «Une politique des langues étrangères sérieuse est souhaitable et doit être mise en place dès que possible notamment dans le système éducatif. Elle aura pour finalité de redonner aux langues étrangères la place qui doit être la leur comme supports incontournables pour l’accès à la science, à la technologie et à la culture mondiale2». Les efforts déployés par le système éducatif algérien révèlent l’intention du monde éducatif de s’inscrire dans un nouveau projet de société. Ils dépassent aussi la composante linguistique pour s’ouvrir sur le monde international en intégrant la composante culturelle dans la conception scolaire: «Doter les apprenants d’un outil linguistique performant, permettant le plus de transactions possibles par la prise en compte de toutes les composantes de la compétence de communication car l’acquisition d’une langue étrangère ne peut pas se réaliser efficacement si on distingue l’aspect utilitaire de l’aspect culturel.Une langue maîtrisée est un atout pour la 30 réussite professionnelle dans le monde du travail (qui demande de plus en plus la connaissance des langues étrangères) et le moyen le plus objectif de connaissance de l’Autre à travers une réflexion entretenue sur l’identité/altérité3». (Nous soulignons). Comme le souligne Boudjadi (2012) la conception des manuels scolaires s’appuie explicitement sur la nécessité impérieuse d’allier langue et culture, en réhabilitant la dimension interculturelle de l’apprentissage. L’auteur mentionne que les manuels utilisés aujourd’hui en classe de langue, ne répondent plus aux attentes institutionnelles, dans la mesure où ils se concentrent sur un perfectionnement majoritairement linguistique. Kebbas4 confirme que la dimension interculturelle est largement négligée. L’auteure constate à travers les démarches adoptées pour les projets proposés dans les programmes de la première année secondaire que l’apprenant n’est invité ni à réfléchir sur la diversité linguistique mondiale ni à comparer les différentes situations langagières des autres pays avec celle de l’Algérie5. Dès l’introduction, invitant l’apprenant à s’interroger sur la diversité linguistique mondiale, le français est mis en relation avec le colonisateur «le français ainsi que, dans une moindre mesure l’anglais introduite par les anciens colonisateurs»6, et s’installe dans un parcours de lecture où l’on maintient une représentation idéologique colonialiste du français, en même temps que l’absence de paramètres socioculturels pour encadrer la lecture des textes renforce l’approche instrumentaliste de la langue, détachée de sa dimension culturelle. Le jugement de Kebbas est sans appel. «[…] la diversité régionale et sociale de l’Algérie n’est pas prise en compte dans les manuels algériens de français du secondaire , pas plus que celle de la communauté francophone. La langue enseignée est décontextualisée, vidée de sa substance.7» Soucieuse de mettre en exergue la dimension interculturelle dans les manuels algériens de français, Kebbas ébauche des pistes didactiques pour l’élaboration des nouveaux programmes conformes aux recommandations du CNRSE en soulignant l’importance des supports. L’objectif est de favoriser l’ouverture culturelle par la prise en compte des représentations négatives stéréotypées de la culture de l’autre, et le dialogue permanent entre la culture de l’apprenant et celle de l’apprentissage. 1 Le compte-rendu journalistique est accessible sur le site du journal Saint-Martin’s Week: http://www.stmartinweek.com/content/view/6370/766/. Le colloque peut être consulté sur le blog de Malvasio: http://www.vip-blog.com/vip/articles/2531771.html Le Dossier bilinguisme et la charte de communauté sont respectivement accessibles sur le site du statut de Saint-Martin (http://com-stmartin.org/) et celui de la préfecture (http://www.saintbarth- saint-martin.pref.gouv.fr/). 2 CNRSE (2001), p.23. 3 Boudjadi (2012), p.107-120. 4 Kebbas (2010), p.89. 5 Elle s’intéresse à l’enseignement de la vulgarisation scientifique, dans un projet intitulé Réaliser une compagne d’information à l’intention des élèves du lycée«à travers trois techniques d’expression: la prise de notes, le plan, le résumé. Deux rubriques sont proposées: la compréhension proprement dite, et la reformulation synthétique. 6 Keltoum (2005), p. 7. 7 Kebbas (2010), p.90. Saint-Martin Le choix des discours officiels tenus par des acteurs politiques d’origine saintmartinoise, ou des personnages officiels impliqués dans la question du développement identitaire de l’île repose sur une double contrainte: explicite, puisqu’il s’agit d’enregistrer le désir des experts eux même natifs d’assumer un discours engagé, clair et opérant, mais aussi implicite et non contrôlé de laisser émerger une vision du monde commune à un groupe. La restitution du colloque par Malvasio s’inscrit dans une dynamique personnelle décelable dès les premiers mots de l’article. Le chapeau fait état des conditions dans lesquelles le journaliste restitue les échanges: «‘Qui est Saint-Martinois?’. Cette simple question par sa forme n’en est pas moins subtile dans le fond, et les différents intervenants ont tenté de donner des éléments de réponses au public, curieusement peu nombreux à avoir assisté à ce rendez-vous.» Le journaliste appréhende alors la culture comme une notion complexe: «‘Les questions les plus intéressantes sont celles qui n’ont pas de réponses’ […] mais c’est ce qui peut en faire un débat riche, quand le respect et la tolérance sont au coeur des discussions». La mise en garde contre l’autorité d’une réponse unique laisse à penser que l’auteur ouvre non seulement au débat tout en ménageant l’opinion des lecteurs du seul journal gratuit francophone. La charte de Communauté, quant à elle, se veut un établissement d’une union des communautés et vise à fonder un avenir pacifique reposant sur les valeurs collectives, inaltérables et universelles et à promouvoir un développement équilibré et durable, dans le respect de la diversité des cultures et des traditions des communautés. Elle confirme la diversité culturelle comme un rempart à la discrimination. Tout citoyen qui participe à l’enrichissement culturel du territoire peut prétendre alors à la labellisation de «saint-martinois». Le manifeste de Saint-Martin enregistre l’acte de naissance de la Collectivité. Il repose sur deux parties clairement délimitées: le constat et la dénonciation. L’absence de troisième partie que l’on attendrait comme une synthèse prend peutêtre forme dans la naissance même de la Collectivité. Le comité des manifestants inscrit la situation dans une contextualisation rapide à partir de laquelle le collectif propose un accord préférable au nom d’une situation qui s’impose comme inacceptable: «Les membres du Comité de suivi […] CONSTATENT […] DÉNONCENT […]». L’approche du manifeste relève d’une logique très affirmée et alléguée par ses membres qui s’improvisent ici promoteurs d’un ordre nouveau. La problématique dans laquelle s’inscrit le manifeste est clairement formulée: «Le souhait de voir définir un nouveau statut est né de la nécessité de mettre en conformité les textes et lois en vigueur sur le territoire national avec les réalités sociales, économiques, culturelles et historiques de l’île». Le territoire devient un lieu de rencontre privilégié entre les exigences nationales que le Manifeste s’engage à respecter et les spécificités de l’île à prendre en compte. La contextualisation des lois de la République sur l’île est ici très forte au point qu’elle en devient le moyen par lequel l’application de règles en est possible, et l’objectif, puisqu’il s’agit ici d’optimiser leur exécution par une meilleure analyse des nécessités locales. La question de l’enseignement de la langue est abordée plus longuement dans le dossier «L’anglais langue régionale». Il montre l’importance du statut de l’anglais à Saint-Martin qualifié de «langue de communication régionale de Saint-Mar- tin». L’auteur fait état de la non reconnaissance officielle de l’anglais saint-martinois comme langue régionale à la différence des langues pratiquées en Alsace-Lorraine. Le succès de leur enseignement, puisqu’il s’agit de la première langue régionale enseignée en France, aurait dû encourager la mise en place d’un dispositif similaire à Saint-Martin. L’appellation ici de langue régionale est assez peu exemplifiée par Brangé. On trouve seulement une dizaine d’occurrences. Elles couvrent une appellation large («langue de Saint-Martin», «Langue saint-martinoise»), la nature de la langue («Anglais parlé à Saint-Martin», «Anglais de Saint-Martin» dont deux insistant sur la fonction première: «langue maternelle de Saint-Martin» et «langue maternelle»), et le statut visé: «la langue de communication régionale de Saint- Martin» ou «langue régionale». Dans la perspective de l’enseignement des langues, la dénomination choisie soulève un problème. Aucune spécificité sérieuse ne vient étayer la défense des particularismes d’une langue régionale. L’absence de commentaire particulier accordé à la suite de la référence à Leclerc laisse entendre que Brangé appuie ses vues en matière de définition. Or que dire de la dénomination d’«anglais saint-martinois» dont il restitue un équivalent largement hyperonymique «en anglais West Indian English»? L’indigence de la traduction invite à se tourner vers la dénomination de «Saint-Martin Talk» proposée par Romney (2011) et que l’on rendra par «parler saint-martinois». Cette insuffisance lexicale était déjà à déplorer et dans le Manifeste des Saint-Martinois et dans la loi organique. On peut s’étonner de ce que la revendication identitaire fasse l’économie d’une réflexion encore insuffisante sur la langue en usage. Brangé systématise pourtant ses efforts pour élaborer une expression juste du parler saint-martinois sans vraiment y réussir. L’indifférence envers le parler de l’île relève d’un refus des autorités éducatives d’accorder une quelconque spécificité à l’anglais local. L’argument invoqué relève d’un raisonnement spécieux. L’étiquette de langue «étrangère» accolé au parler saint-martinois le prive de toute appellation générique, telle que «régionale» ou «maternelle». Il y a fort à parier que l’indigence des études sur le Saint-Martin Talk risque à terme d’encourager sa disparition. L’absence de dénomination adéquate par un membre d’une autorité comme Brangé est déjà un facteur de risque en soi. Aucun enseignement de langue régionale ne pourra se faire sans la prise en compte d’une littérature scientifique qui fasse autorité. On peut aussi considérer que le sort réservé à l’«anglais académique reste lui aussi très incertain sur la partie française. Le terme d’ «anglais vernaculaire» utilisé par Lallemand ne donne qu’une stabilité très relative aux réalités du parler saint-martinois. L’inspectrice convoque la notion pour l’éliminer aussitôt: «[…] l’anglais vernaculaire présente quelques différences avec l’anglais standard mais l’essentiel des besoins des élèves concerne l’écrit. Certains élèves nonanglophones ont besoin d’apprendre une langue de base, alors que les anglophones ont besoin d’un approfondissement en langue maternelle». L’essentiel ne serait donc pas dans la reconnaissance de ses particularités comme on pourrait l’attendre mais dans la réalisation des productions écrites des élèves. Or pour examiner les conditions favorables à une amélioration de l’enseignement, n’est-il pas nécessaire d’objectiver les différences entre langue vernaculaire et standard, et de réfléchir aux passerelles possibles entre l’oral et l’écrit, au lieu de les renvoyer l’une dos à l’autre? Bully énumère les responsabilités que chacun doit assumer pour honorer sa citoyenneté saint-martinoise. L’affiliation à un vivre-ensemble pourrait seule dépasser l’unique droit du sol. Il insiste alors sur la pertinence de la langue dans la construction identitaire, et requiert alors l’appellation de «Saint-Martin Creol English» avant de lui préférer l’expression de «Saint-Martin English» soucieux de tenir compte des objections de son auditoire (Redon, 2007). Enfin, la charte de Communauté investit le champ de la citoyenneté en cultivant de multiples références humanistes et expansionnistes dans la tradition d’une Europe des Lumières favorable à la diffusion de ses idées. Le troisième paragraphe en donne un exemple instructif: «A cette fin, il est nécessaire, en les rendant plus visibles dans une Charte de Communauté, de renforcer la protection des droits fondamentaux à la lumière de l’évolution de la société et du progrès social (nous soulignons).» La Charte, dans la mesure où elle s’appuie sur les principes d’une idéologie largement assimilationniste ne risque-t-elle pas de ne rendre compte que très faiblement de la spécificité saint-martinoise? Le relevé de certains articles rendent compte de cet aspect: comme le 1er article: «Le Citoyen de Saint-Martin s’engage à respecter les lois de la République, ainsi que les traditions de l’île de Saint-Martin», ou encore le quatrième: «Le Citoyen de Saint- Martin s’engage à mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour vivre harmonieusement avec son voisin, en particulier dans le domaine de l’apprentissage du Français, langue de la République, et de l’Anglais, langue maternelle de Saint- Martin». Le choix lexical retenu dans le premier article, avec les termes de «lois» et de «traditions» concentre toute la signification d’une opposition entre une régulation émanant de l’état (la loi) et la transmission d’un savoir générationnel (la tradition). La disparité entre réalité 31 nationale et locale se prolonge dans le quatrième article. L’apparente symétrie rythmique entre «Français, langue de la République» et «l’Anglais, langue maternelle de Saint-Martin» révèle la trace d’une hiérarchie entre les langues, en particulier en matière de validation institutionnelle (l’expression d’ «apprentissage» étant limitée à celle du français). Aucune responsabilité n’est confiée au citoyen pour établir des passerelles entre les langues, alors qu’il existe aujourd’hui un consensus européen pour admettre la richesse d’une telle démarche. Conclusion La comparaison des contextes algériens et saint-martinois laisse entendre que les réalités linguistiques sont sensiblement identiques. On affirmera dans un premier temps que les deux hypothèses initiales se vérifient. La reconnaissance des langues minoritaires est au coeur de l’identité culturelle (qu’elles soient niées comme dans le cas des parlers berbères en Algérie, ou escamotées comme à Saint-Martin, où seul l’anglais standard a droit de cité, niant la présence des parlers créoles et espagnol en présence). L’écart se creuse d’autant entre l’aménagement linguistique (tourné résolument vers l’arabe classique et le français en Algérie, et seulement vers le français à Saint-Martin) et les réalités multilingues de ces territoires. Le parler saintmartinois n’est d’ailleurs pas même validé comme un objet institutionnel à part entière. Les réformes scolaires sont encore peu efficaces (en Algérie) ou dérisoires par rapport à la réalité du contexte d’enseignement à Saint-Martin. La non prise en charge des communautés ethnolinguistiques des deux territoires ne peut que rendre caduque toute perspective interculturelle qui trahit sinon une glottophagie, du moins une indigestion dont les états souverains risquent de pâtir sans solution de remède réelle. Références bibliographiques ABDALLAH-PRETCEILLE, M., (2003). Former et éduquer en contexte hétérogène, Paris: Anthropos. ANCIAUX, F. (2012): «Vers une didactique de l’alternance codique aux Antilles françaises», in V. Rivière (éd.), Spécificités et diversité des interactions didactiques, Paris: Riveneuves, p.73-84. BANETH-NOUAILHETAS, E. (2010). Anglophonie-francophonie: un rapport postcolonial? Langue française, 3, Paris: Armand Colin, p.73-94. BASSO, J., CANDAU, O.-S. (2007): «L’enseignement du français en Guadeloupe: réflexion pour une pédagogie adaptée à la diglossie créole/français. 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D’une recherche sur la gestion des compétences plurilingues à la proposition d’une maitrise innovante en didactique des langues et cultures au Honduras COOMAN, Jean Noel (Universidad Nacional Autónoma de Honduras- UNAH) Dans le but de construire une didactique du français et des langues en accord avec le contexte plurilingue du Honduras et les avancées scientifiques récentes en didactique des langues, une recherche-action-formation a été lancée au sein de l’Ecole de Langues Etrangères à l’UNAH. Celle-ci a permis de joindre une étude sur les représentations sociales d’étudiants et professeurs universitaires, sur les différents aspects en relation avec un enseignement-apprentissage plurilingue et pluriculturel, à l’innovation d’une nouvelle maquette de maîtrise en didactique des langues et cultures. C’est à partir des résultats de cette étude au niveau de l’évolution des représentations sur l’apprentissage et la communication plurilingue qu’un projet de maîtrise a été créé sur des bases plurilingues, offrant une formation dans laquelle un public très hétérogène d’enseignants de langues différentes se trouverait intégré autour d’un projet de formation commun. Cette initiative répond en plus aux besoins de formation spécialisée en didactique de langues de la part de ces enseignants. Après l’élaboration et mise en place du diagnostic qui a réussi à déterminer ces besoins de manière précise, le curriculum de la future maîtrise a été configuré en proposant e.a. les fondements épistémologiques et pédagogiques, le profil de sortie du diplômé, la description synthétique du cursus, et les axes principaux de recherche. En conclusion, le défi le plus important consistera à consolider une équipe «plurielle» d’enseignants et d’étudiants en maîtrise provenant d’écoles et traditions pédagogiques-différentes, capables de répondre aux diverses problématiques se manifestant dans le contexte plurilingue du pays. 33 Des représentations des formateurs à l´introduction des approches plurielles dans l´enseignement des langues CEBERIO, María Elena - Universidad Nacional de Río Cuarto, Río Cuarto, Argentina [email protected] L‘ hypothèse de départ de notre projet de recherchei mené à l´Université Nationale de Río Cuarto (Argentine) concerne la relation non évidente entre la suggestion ministérielleii d´introduire les approches plurielles dans la formation des professeurs de langues et les représentations des formateurs des formateurs responsables de cette introduction. La suggestion ministérielle provient d’un document produit par 34 professeurs, d’anglais, français, italien et portugais, issus d’institutions de formation supérieure (universités nationales et instituts provinciaux) réunis en 2010 par le Ministère de l’Education Nationale. Pour définir les approches plurielles, dorénavant dites AP, nous prenons les précisions du CARAP (2012:6): “Nous appelons “approches plurielles des langues et des cultures” des approches didactiques qui mettent en oeuvre des activités d’enseignement-apprentissage qui impliquent à la fois plusieurs (=plus d’une) variétés linguistiques et culturelles”. Utiliser plusieurs langues parallèlement au lieu d’une seule dans la communication implique un tour de force remarquable en ce qui concerne tant l’apprentissage que l’enseignement des langues. Le concept d’AP est révolutionnaire, voire “subversif” en didactique des langues, comme le dit Araújo e Sá (2008), étant donné spécialement la conception des compétences des apprenants, plurielles, diverses, inachevées. D’après Cuq (2008: 19), la nouveauté réside en ce que le plurilinguisme n’est pas une “addition de monolinguismes” mais “une compétence particulière”. Et il ajoute: “Cette compétence est en réalité une compétence de communication au sens fort du terme, c’est-à-dire de passage d’un état à l’autre du système linguistique d’un locuteur”. Castellotti et Moore, (2011: 244), citent Coste, Moore et Zarate (1997) et le CERC (2001) qui définissent le plurilinguisme comme une compétence plurielle, complexe, hétérogène qui inclut des compétences singulières mais qui est une, comme répertoire disponible de l’acteur social concerné. Les mêmes auteures (2011: 245) ajoutent: «La CPP est donc fondamentalement dynamique, évolutive et malléable, à la fois dans le temps et dans l’espace». Donc, c’est la compétence communicative d’acteurs sociaux qui peuvent la re-modeler et la renouveler au cours de leur trajectoire personnelle, c’est-à-dire, au cours de leurs vies. Dans un pays où la tradition de formation de professeurs de langues “étrangères” ne concerne qu’une langue (italien, ou français, ou anglais ou portugais), et où la formation de professeurs de langue maternelle (l’espagnol) n’a aucun rapport aux autres langues, nous nous sommes interrogés sur l’accueil que la suggestion ministérielle d’introduction d’approches plurielles dans la formation des professeurs pouvait avoir chez les formateurs. Et pour cela, nous avons observé leurs représentations sociales. Le CARAP (2012: 6, 7) distingue quatre approches plurielles: - l’approche interculturelle: ou mise en rapport entre la culture de l’apprenant et celle de la langue cible. Très associée à l’approche communicative, actuellement elle est orientée plutôt vers l’action conjointe des partenaires d’après les approches co-actionnelle et co-culturelle. - les didactiques intégrées: appui sur la langue de l’école pour favoriser l’accès à une deuxième langue étrangère; puis, sur ces deux pour faciliter l’accès à une seconde langue étrangère. - l’éveil aux langues: sensibilisation à plusieurs langues que l’école ne compte pas enseigner. Travail sur les langues des apprenants et sur d’autres, dans des institutions de composition multiculturelle. L’approche intègre des variétés linguistiques de l’environnement et d’ailleurs, sans exclusion. - l’intercompréhension: travail en parallèle sur plusieurs langues d’une même famille (romanes, germaniques, par exemple). Basée sur la comparaison entre les langues et le privilège de la réception. Deux courants méthodologiques: lecture en langues (moyennant des livres, des Cd, des sites web) et interaction en langues (forums, tchatche, messagerie sur des plateformes de formation à distance). 34 D´ailleurs, étudier les AP à travers son ancrage représentationnel nous demande des précisions sur les Représentations Sociales. À ce propos, dans nos recherches préalables nous avons abouti á une interrelation théorique adéquate à nos objectifs de catégorisation et description des types et champs d´insertions des représentations relevées, à savoir: nous partons du concept de Représentations Sociales de Moscovici, proposé en 1961, et qui, avec les précisions de Jodelet (1991) montre que toute représentation “est une forme de connaissance socialement élaborée et partagée… concourant à une construction d´une réalité commune à un ensemble social” (Jodelet, 1991:51). Parallèlement, elle se rend visible á travers le discours (Gremiger et Maria, 2004). C´est au moyen de l´observation de ce discours que nous étudions les possibilités d´évolution des représentations, étant donné que les représentations ont un noyau central (Abric, 1994) que seulement le sujet peut, par lui même, faire évoluer, mais qui est susceptible d´être influencé par la réflexion critique, et socialement ancrée. (Gremiger, 2010). Bref descriptif du projet et du résultat du premier instrument de recueil de données Le projet s’étend sur trois années académiques (2012-2014). Notre échantillon comprend 34 professeurs d’italien, espagnol, français, anglais et portugais, repartis dans toutes les régions du pays, provenant d’institutions d’enseignement supérieur publiques nationales et provinciales. Deux instruments contiennent le recueil de données: des enquêtes et des interviews.iii L’enquête passée sur internet, distribuée avec la collaboration des autorités des institutions de formation et des associations de professeurs, a compris 12 items. Les 9 premiers aident à situer l’enseignant du point de vue démographique et académique: institutions, niveaux d’enseignement (primaire, secondaire, supérieur), aires et disciplines de travail, matières enseignées. Les 34 enquêtés sont responsables de disciplines variées: langue, linguistique, grammaire, didactique, pratique de l’enseignement, latin, psycholinguistique, diction et phonologie, culture et civilisation, intercompréhension même. Les items 10 à 12 interrogent plus spécifiquement sur la connaissance/méconnaissance des AP, les expériences dans la pratique enseignante, et demandent une valorisation concernant leur introduction dans la formation initiale des professeurs de langues. Voici quelques résultats synthétiquement exprimés: - Les enseignants révèlent connaître et méconnaître les AP. - Parmi ceux qui les connaissent, il y en a qui les pratiquent dans leurs cours et qui en ont suivi une formation. - Les AP les plus connues sont l’interculturel et l’intercompréhension. La pratique de classe décrite révèle une interprétation assez large de l’interculturel ainsi qu’une conceptualisation de l’intercompréhension très juste en formation universitaire notamment. - Ceux qui ne connaissent pas les AP sont invités à exprim- er ce qu’elles évoquent pour eux. Ces perceptions intuitives dérivées du remue-méninge donnent les suivantes idées associées: travail en collaboration, intégration entre les langues. - (étrangères et maternelle), mondialisation, compréhension entre locuteurs de langues différentes, approches contrastives, motivation. - Les 34 enquêtés se manifestent pour l’inclusion des AP dans la formation initiale des professorats. Nous avons classé la modalisation utilisée pour exprimer l’adhésion en “impliquée, conditionnelle ou neutre”, d’après sa distance par rapport à l’assertion que les réponses contiennent. Parmi l’expression impliquée, la plus fréquente, les adjectifs “intéressante, enrichissante, nécessaire, urgent, vital, favorable à…” sont parmi les plus utilisés. - S’expriment en outre quelques exceptions à l’introduction d’AP, associées spécialement à la “possibilité” de les installer et mieux encore, à la possibilité de les intégrer dans les curricula existantes. Un enquêté exclurait les enseignants de langue maternelle de cette formation. En ce qui concerne l’information, voici quelques idées fournies: • La formation en AP implique une rupture par rapport à la formation actuelle et est jugée nécessaire étant donné le besoin de connaître des approches variées. Les AP sont mises en accord avec les procès de mondialisation actuels, situées dans le paradigme de la complexité et dans le besoin des enseignants de langues de prendre des décisions méthodologiques diversifiées suivant les contextes. L’association mondialisation/AP est récurrente et remet à “monde en transformation”. • Les AP sont associées à rénovation, innovation et sont déclarées “un défi”, contribuant à une compétence plus globale des sujets sociaux. • On attribue aux AP la capacité de favoriser les relations humaines, le respect, la tolérance, d’éradiquer l’hégémonie d’une culture sur les autres. • Les AP auraient besoin de politiques linguistiques qui les accueilleraient. Elles redéfiniraient le rôle de l’enseignant. Leur concept est associé à une intégration sociolinguistique et culturelle et à la compréhension de la langue comme phénomène global intégrée dans une culture particulière. Deuxième instrument de recueil de données: les interviews Le contenu de l’interview dérive de la considération des données déjà obtenues en enquêtes. Les questions prévues résultent facilitatrices de la métaréflexion qui rend compte des représentations post-enquête. Les analyses, à réaliser en 2014, orienteront prospectivement le dessin d’actions de formation destinées aux enseignants de niveau supérieur, appartenant aux instituts de formation ainsi qu’aux professorats universitaires dans le domaine des langues, situés en Argentine. Les interviews comprennent un échantillon (10 environ) d’enseignants de langues (maternelle et étrangère), parmi les 34 enquêtés. Elles sont passées par clavardage, moyen déjà prouvé par l’équipe lors de recherches précédentes. S’agissant d’un objet langagier côtoyant la conversation, il favorise la spontanéité. Le dessin prévoit peu de questions larges, presque sans directivité de la part de l’intervieweur. Chardenet (2010, sous presse), indique que l’utilisation de l’interview non directif implique considérer la pertinence de s’adresser aux individus mêmes au lieu d’observer leur comportement ou d’obtenir leur opinion ou leur évaluation à l’aide de questionnaires. Six sont les questions de base. La première interroge sur la connaissance de l’interviewé par rapport à la formation au plurilinguisme, actuellement dans le pays; la seconde demande de se prononcer pour ou contre l’offre de cette formation aux professeurs de toutes les langues (maternelle et étrangères) et de justifier le pourquoi et le pour quoi faire; la troisième invite à indiquer l’insertion de cette formation (niveau de deuxième ou de troisième cycle); la quatrième invite à proposer des contenus de formation méthodologique visant les approches plurielles; la cinquième demande de préciser dans quels niveaux de l’enseignement et pour quels publics, dans le contexte du pays, serait-il adéquat d’introduire l’intercompréhension et l’éveil aux langues; la sixième demande une opinion: le plurilinguisme pourrait-il devenir une formation de professorat à part, un champ nouveau en éducation? Les interviews sont en cours de passation et leurs instruments d´analyse en cours de construction. Cependant, dans les trois premières interviews réalisées, nous pouvons déjà relever certaines catégories des Représentations Sociales qui peuvent orienter les actions de formations dans l´avenir. D´abord, le type de question porte surtout sur deux champs des Représentations Sociales: l´attitude et l´information. Pour le premier, à partir de la distinction de Moscovici (1961) entre champ, attitude et information comme contenus des Représentations Sociales, Gilly (1980) signale qu´en éducation, l´attitude nous montre le sens que l´individu ou le groupe attribue à l´objet de la représentation sociale. Il s´agit d´une direction évaluative par positif o négatif, et constitue une corrélation de certitude ou d’ incertitude, de croyance ou d’incrédulité par rapport à une connaissance déterminée. Quant à l´information, elle renvoie «à la somme et l´organisation des connaissances sur l´objet de la représentation» (Gilly, 1980:31). Donc, la construction de catégories qu´on peut relever des discours des interviewés doit respecter cette orientation. Bien que jusqu’à présent nous avons très peu de données pour établir toutes les catégories possibles, nous percevons les suivantes: En ce qui concerne les attitudes, en général elles sont positives autour de l´insertion des AP, mais avec des limitations (méconnaissances des approches de la part des professeurs; sans spécificités sur les conditions d´insertion; non coïncidence pour le niveau éducatif le plus adéquat et avec des propositions méthodologiques hasardeuses ou également méconnaissantes). En ce qui concerne l´information, il y a très peu d´institutions avec des cours centrés sur le plurilinguisme et parmi ceux qui sont en marche, seulement un contemple la formation des professeurs. Conclusions La recherche qui vient d’être décrite aboutira fin 2014. Les Représentations Sociales des formateurs de formateurs par rapport à l’introduction des AP dans la formation initiale d’étudiants qui se forment pour l’enseignement d’une seule langue (tant étrangère que maternelle) en Argentine, à la lumière des données recueillies jusqu’à présent, paraît indiquer une réception très favorable fondée surtout sur le besoin de se former dans la diversité d’approches en concordance avec un monde qui est perçu pluriel. Pourtant, on observe plutôt le manque de formation spécifique en didactique du plurilinguisme chez les formateurs et le flou dans lequel restent des questions tant épistémologiques que méthodologiques précises. Cela à l’exception de quelques formateurs d’une région du centre du pays où l’intercompréhension a bien pris pied au niveau de la formation universitaire et s’est élargie à la formation d’enseignants de niveau secondaire. Bibliographie ABRIC, J-C (1994) Les Représentations sociales: aspects théoriques. En J. C. Abric (éd.), Pratique sociales et représentations, pp. 10-36, Paris, Presses Universitaires de France. ARAÚJO E SÁ, H. (2008). L’intercompréhension: état de lieux et fondements théoriques. Université Gaston Berger de St. Louis de Sénégal. PPT. CASTELLOTTI, V. et MOORE, D. (2011) La compétence plurilingue et pluriculturelle: génèse et évolutions d’une notion-concept. In Guide pour la recherche en Didactique des Langues et des cultures. Dirigée par Blanchet, Ph. Et P. Chardenet. Éditions des Archives Contemporains. Paris, France. 35 CHARDENET. P. (2010). L’échange avec les acteurs comme méthode de production de données pour la recherche sur l’enseignement / apprentissage des langues (entretiens et groupes de discussion. Sous presse. CUQ, J.P. (2008). Diversité culturelle et diversité linguistique, les nouveaux horizons des professeurs de français. In Pour une culture de la diversité. Actes Xe Congrès National des Professeurs de Français. Septembre 2008. Salta, Argentine. GILLY, M. (1980) Maitres-élèves: rôles institutionnels et représentations. Paris, Presses Universitaires de France. GREMIGER, C. (2010) El trabajo en proyecto socio-constructivista: un desafío para las representaciones de los docentes, volumen III, La didáctica de la lengua: una cuestión de representaciones, in Magdalena Viramonte de Ávalos (Coord.) “Salud y aprendizajes Lingüísticos. Complejidades en la enseñanza de la lengua”, Córdoba, Argentina, Comunicarte. GREMIGER, C. et MARIA, P. (2004) Estudiar las representaciones. Un problema adicional: el relevamiento de datos. In Jornadas de Investigación de la Facultad de Ciencias Humanas [CD], Universidad Nacional de Río Cuarto, Argentina. JODELET, D. (1991) Représentations Sociales: domaine en expansion. In Denise Jodelet (org) Les Représentations Sociales, Paris, Presses Universitaires de France. MOSCOVICI (1961) La psychanalyse, son image et son public. Paris, Presses Universitaires de France. DOCUMENTS CARAP-MAREP (2012). Cadre de Référence pour les Approches Plurielles des langues et des Cultures. Coord. Michel Candelier. Graz: CELM (Centre Européen de Langues Modernes du Conseil de l’Europe). Coord. Michel Candelier. 1 Títre du projet: La evolución de las representaciones de docentes y alumnos en el tratamiento de la Lengua Materna y las Lenguas Extranjeras. Estudio lingüístico y didáctico de casos. Directora: Dra. Clide Gremiger. 2PROYECTO DE MEJORA PARA LA FORMACIÓN INICIAL DE PROFESORES DE NIVEL SECUNDARIO. (2010). MINISTERIO DE EDUCACIÓN DE LA NACIÓN (ARGENTINA), SECRETARÍA DE POLÍTICAS UNIVERSITARIAS (SPU), INSTITUTO NACIONAL DE FORMACIÓN DOCENTE (INFOD). LENGUAS EXTRANJERAS: PÁG.147-199. HTTP://WWW.ME.GOV.AR/INFOD/DOCUMENTOS/LENGUAS_EXTRANJERAS.PDF 3 UN DESCRIPTIF PLUS APPROFONDI DU PROJET ET DE L’ANALYSE DU PREMIER INSTRUMENT DE RECUEIL DE DONNÉES SE TROUVE DANS CEBERIO, M.E. et alii (2012). Relación entre sugerencia ministerial sobre inserción de la Intercomprensión en formación inicial de profesorados de lenguas y representaciones de docentes formadores en Argentina. In Actes du Colloque IC 2012. Intercompréhension: compétences plurielles, corpus, intégration. Degache, Ch et S. Garbarino (Éd.). Université Stendhal Grenoble 3 (France).. 36 Éducation au Développement Durable: enseignements transversaux, valeurs universelles KULCZYCKI, Romain, Ministère de l ‘Éducation Nationale, Programme Jules Verne au Costa Rica Autrefois appelée Éducation à l’environnement, l’Éducation au Développement Durable est devenue bien plus qu’un enseignement où l’élève apprend à connaître et à respecter la nature. Il s’agit aujourd’hui d’une éducation faisant appel à toutes les disciplines où l ‘élève va non seulement acquérir des connaissances, mais aussi apprendre à réfléchir par lui-même, adopter un esprit critique, échanger et coopérer, agir en tant que citoyen responsable et solidaire: prendre conscience des problèmes d’actualité (sociaux, économiques, écologiques) du monde dans lequel il vit pour pouvoir agir sur celui-ci. Cela peut paraître relever d’objectifs utopiques lorsqu’on fait face à un groupe de jeunes français ou d’étrangers à qui on doit enseigner à lire et écrire. Cependant une fois que ces savoirs prennent sens pour l’élève et se traduisent dans la classe sous forme de projets concrets, ils servent aussi bien au développement de compétences disciplinaires (linguistiques, scientifiques, mathématiques) qu’à la construction de compétences transversales (méthodologiques, éthiques, ou civiques). Nous verrons donc ici en quoi cette Education au sens large du terme peut s’adapter à l’enseignement du français langue seconde en contexte bilingue. 1. Education au Développement Durable et transversalité: Une approche par compétence. 1.1 Par compétence on entend... Lorsque l’on parle de pédagogie de projet et/ou de transversalité des enseignements, il est important de savoir que l’on sort d’une logique de transmission de connaissances (modèle encore dominant bien que remit en question) pour se diriger vers une logique de construction de compétences. Cette logique qui s’applique tant à l’école publique française (Socle commun de connaissances et de compétences) que dans l’enseignement des langues (Cadre Européen de référence pour les langues) s’est lentement imposée mais parfois sans que l’on sache les changements pédagogiques et variables didactiques que cette orientation implique. Qu’est-ce qu’alors une qu’une compétence? Il s’agit d’un ensemble de savoirs, savoirsfaire et savoirs-être qui vont permettre à l’élève de résoudre une situation, ou encore: «un ensemble intériorisé d’apprentissages non observables directement» (Patricia Pottier, CIEP). Une compétence ne se résume donc pas à un savoir mais elle mobilise plusieurs connaissances et types de connaissances qui s’articulent entre elles et mobilisables dans différents contextes. Parmi celles-ci, certaines sortent des dites matières, on parle alors de compétences transversales, elles peuvent être de différents ordres: éthiques, civiques, méthodologiques etc… Le savoir en tant que tel, bien que nécessaire, passe donc ici au second plan. Or il reste dans de nombreux systèmes éducatifs le seul élément à être évaluer. En FLE, l’approche communicationnelle et actionnelle a permis de rendre les connaissances utiles et réinvestissables dans différents types de situations réelles. On a un donc un dialogue entre savoirs et savoirs-faire qui s’est opéré lors de la dernière décennie, mais qu’en est-il des savoirs-être ou attitudes qui ne sont pas directement observables, mais dont l’école publique se veut garante et se doit de construire? 1.2 Pluridisciplinarité, interdisciplinarité, transversalité. Réfléchir et fonctionner par compétence c’est donc sortir d’une conception où les apprentissages scolaires s’organisent au travers de blocs hermétiques ou de structures indépendantes. Chaque discipline participe au renforcement de compétences qui ne lui sont pas directement associées. A travers la notion de transversalité, nous sortons d’une conception disciplinaire de l’enseignement. Ces apprentissages transversaux vont ainsi aider l’élève à acquérir des méthodes, des valeurs, des compétences citoyennes et éthiques: des savoirs-être et savoirs-faire qui serviront à toutes les disciplines et à l’individu lui même en qu’élève et futur citoyen. Exemple: travail sur l’identité, la communication, les méthodologies, la motivation, la confiance en soi etc... Cette notion de transversalité se distingue de celles de pluridisciplinarité (fait de mettre en lien différentes disciplines) et de l’interdisciplinarité qui est le décloisonnement de disciplines dans le but d’avoir des retombées directes dans ces disciplines concernées (qui peut par exemple prendre la forme d’un projet interdisciplinaire). Cela peut paraître un changement anodin mais la présence de ces compétences transversales est un signe de la conception du rôle éducatif de l’école publique pour une société donnée. L’école publique a t-elle pour fonction une stricte transmission des connaissances, laissant ainsi la partie éducative aux parents ou au contraire doit-elle en partie se consacrer à l’éducation de ses futurs citoyens et à leur intégration? 2. L’éducation au développement durable, ou la formation d’un futur citoyen. Depuis le Rapport Bruntland (1987) le développement durable est défini tel qu’: «un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs.» Cette définition a le plus souvent été interprétée dans sa dimension écologique (notamment à l’école primaire pour permettre davantage d’accès au sens) mais n’oublions pas que le concept de développement durable inclut également les piliers sociaux et économiques au même titre que le pilier écologique. L’EDD est une éducation qui responsabilise les élèves, leur fait prendre conscience du monde dans lequel ils vivent sans pour autant le dramatiser. Ses valeurs sont liées aux droits de l’homme, à la lutte contre les inégalités, les exclusions, la pauvreté, au bien-être de chacun (santé, ressources, paix, …), à la solidarité avec les générations futures, au respect de notre Planète, et à la responsabilité de chacun pour promouvoir ces objectifs. (cf rapport UNESCO 2009). On se situe donc dans une perspective universelle. Il ne s’agit pas d’une éducation civique centrée sur le respect du drapeau, de l’hymne, ou d’autres symboles nationaux mais sur une éducation qui nous présente la complexité du monde dans lequel nous vivons et nous apporte des clés de réflexion et d’action sur celui-ci. Ces attitudes (pouvant paraître abstraites) ne peuvent prendre sens pour l’élève que si on les intègre dans leur environnement, dans leur quotidien, et à leurs possibilités de compréhension. Cela passe donc par l’école et les communautés au sein desquels les élèves font partie. Il ne s’agit pas d’adopter un discours misérabiliste, pessimiste, culpabilisateur sur des processus sociaux et environnementaux complexes mais bien de faire prendre conscience à l’élève qu’il a un rôle à jouer dans le monde actuel, et ce, à son échelle. Pour que l’élève développe des compétences éco-citoyennes quoi de mieux que d’en faire dès à présent un éco-citoyen? Parce que le développement durable ne se réduit pas à un champ, l’EDD est en son essence un enseignement transdisciplinaire: «l’EDD invite les recherches en didactique à dépasser leurs approches classiques qui interrogent les noyaux durs de l’identité de chaque discipline, en termes de savoirs, de méthodes d’analyse et de pratiques d’enseignement. Aborder cette finalité éducative suppose une démarche inverse: voir comment les différentes disciplines scolaires la prennent en charge en adoptant un point de vue plus centré sur l’élève. Il convient alors de s’interroger sur la contribution de ces disciplines en fonction de leur tradition, de leur structuration et de leur fonctionnement internes, mais surtout d’analyser leurs points d’articulation (réels ou potentiels) et d’en étudier la cohérence pour l’élève.» (source EDUSCOL) 37 3. EDD et Pédagogie de projet bilingue. De par sa définition, l’EDD se prête donc parfaitement une pédagogie dite de projet. Le fait pour l’apprenant de participer à un projet concret face à une situation dérivée d’un problème environnemental lui permet d’accéder à un degré d’abstraction supérieur et de se rendre compte de l’intérêt général de ses actions. La célèbre phrase «penser global, agir local» s’applique et s’insère dans le quotidien de l’élève. Pour la plupart d’entre eux, les élèves du primaire ont déjà une certaine sensibilité vis-à-vis de ces thématiques: la nature, le climat, les déchets etc... L’enseignant peut s’y appuyer et s’en servir comme point de départ, levier, élément déclencheur pour monter un projet* plus ample qui amènera l’élève l’amènera à surpasser ses représentations initiales. Il existe un nombre infini de projets possibles à mener en lien avec développement durable (projets qui peuvent donc s’étendre, s’adapter à d’autres disciplines). Ils peuvent prendre la forme d’expos photos ou d’affiches; la création de panneaux solaires; des actions de sensibilisation au sein de l’école, de la commune; la réalisation d’un film-documentaire ou de fiction; une pièce de théâtre; la construction de nichoirs, d’une mare, d’un jardin ou d’un potager; l’écriture d’une BD, d’un album de littérature de jeunesse; une correspondance scolaire (avec une classe de son pays ou de l’étranger), une charte de pratiques éco-responsables; des interventions sur l’équilibre alimentaire etc… Les domaines sont aussi nombreux que peuvent l’être les types de production visés. Dans ce sens, la pédagogie par projet se situe dans une perspective actionnelle et socioconstructiviste à travers la place importante qu’elle accorde aux choix de l’élève, à l’erreur et son traitement, puis à la multitude de styles et stratégies d’apprentissage qu’elle implique (cf notion d’intelligences multiples, Gardner, De La Garanderie). «Une pédagogie de projet est avant tout une pédagogie qui s’appuie sur la motivation, la participation et la très forte implication de ces apprenants. Elle doit déboucher sur des productions originales le plus souvent collectives (ce qui la distingue des pédagogies de centres d’intérêts), ce qui signifie aussi des obligations de parvenir à des résultats, identifiables et évaluables. C’est incontestablement une pédagogie du plaisir, de la découverte: elle doit permettre de développer la confiance en soi, de faire vivre à chacun la fécondité du travail collectif. (…) C’est une pédagogie constructiviste, fonctionnelle et opérationnelle, une pédagogie qui se veut porteuse d’une éthique. Elle globalise et fédère de nombreux apports de pédagogies dites nouvelles où l’acte d’apprendre appartient à celui qui apprend.» Jean Duverger , le professeur de DNL: Statut, fonctions, pratiques pédagogiques. La pédagogie par projet a donc un caractère plus que stimulant, l’apprenant passe d’un statut de récepteur à celui d’acteur. Il apprend pour faire et voit ainsi le résultat de ses actions. Mis en responsabilité, il acquiert une image positive de lui-même qui lui sert dans l’ensemble de son expérience scolaire. Il apprend à échanger et coopérer pour parvenir à un but commun. Ce type de pédagogie s’adapte parfaitement aux sections bilingues du primaire à travers la présence des DNL, la polyvalence du maître, la curiosité des élèves. 4. La langue française: un outil pour la réussite du projet. 4.1Une langue en situation En contexte bilingue, malgré la présence des DNL, les objectifs langagiers doivent restés omniprésents et prioritaires. A travers la notion de projet, le français (plus que d’être une finalité ou un contenu d’enseignement «abstrait») devient un moyen pour mener à bien son (ses) action(s). Les gains pour l’élève se traduisent ainsi autant dans son implication, sa motivation, que dans la construction de compétences linguistiques (CO, CE, PO, PE) et métalinguistiques. Les élèves s’investissent dans un large panel d’activités, ils sont amenés à échanger, débattre, coopérer, travailler sur et à partir de documents authentiques, à l’oral puis à l’écrit. Ils sont confrontés au langage verbal propre à chaque discipline mais seront aussi seront confrontés à différents types de langages, discours, structures et types d’écrits. La dynamique du projet leur permettra d’avoir une image positive de la langue étudiée car elle sera étudiée pour être utilisée en situation. Les objectifs langagiers (ainsi que leurs critères d’évaluation) doivent être cependant 38 définis en amont par l’enseignent. Comme toutes règles du jeu, elles doivent être clairement explicitées et l’élève doit savoir ce qu’on attend de lui: on définit ainsi le «contrat didactique». 4.2 Pour une didactique de l’alternance des langues: Dans une telle méthodologie, nous cherchons à mettre deux langues en interaction car «il ne s’agit pas de juxtaposer deux enseignements monolingues» (Jean Duverger). Un tel décloisonnement implique donc une réflexion sur les spécificités de chacune des langues et des «ponts entre celles-ci» (exemples: racines épistémologiques communes, syntaxe..). L’alternance des langues est donc utilisée selon les besoins et objectifs de l’élève comme du professeur. On cherchera cependant à privilégier le mode d’expression en L2 afin de développer les compétences de l’élève dans la langue visée. Si chaque professeur fixe ses propres variables didactiques, nous pouvons remarquer des régularités dans une majorité de projets. Il existe certains moments où l’élève communique ou cherche à communiquer davantage en L1 (ici espagnol). Les phases de recherche coopérative et travaux en ateliers, les moments de communication spontanée entre élèves, les écrits de recherche ou les phases de reformulation sont quelques exemples. Par ailleurs, lors de présentation de résultats et de productions à l’oral, d’exposés, d’écrits de synthèse, de leçons, d’échanges verbaux avec l’enseignant, de recherches documentaires et de phases lecture de documents, c’est bien la L2 qui doit être mobilisée. Ces moments au sein desquels nous passons d’une langue à l’autre se nomment alternances. Gérard Vigner (Adeb) nomme micro-alternances la forme d’interaction la plus utilisée, il s’agit de «passages ponctuels et non programmés d’une langue à l’autre». D’après lui, l’enseignant cherche à réduire ces micro-alternances par des alternances séquentielles (ou méso-alternances) qui renvoient à un emploi alterné des deux langues à travers des activités et des supports différents. Cette alternance est donc plus complexe à mettre en place et demande un travail de préparation plus important, mais en favorisant le développement des capacités de transfert des élèves elle permet une réelle didactisation de l’alternance des langues (Jean Duverger). Les deux langues entrent alors en communication de manière pensée, et l’élève acquiert un regard réflexif sur la langue qui participe au développement de compétences métalinguistiques. La capacité de l’élève à passer d’une langue à l’autre devient alors signe qu’il se situe réellement dans une perspective bilingue. *autour de la notion de projet: Le projet doit amener à une production finale, être défini dans le temps, doit être motivé, motivant pour l’élève. Les élèves doivent se l’approprier et le faire vivre; l’enseignant y joue davantage le rôle de médiateur (organisation d’activités, consignes, gestion matériel, validation des résultats, organisation des échanges entre élèves…). Il n’est donc ni absent, ni en retrait, Il échange, propose, valide, soumet des idées, et y inclus ses enseignements de manière planifiée mais c’est l’élève reste acteur et décideur du projet. Figures de l’hypocrisie: de Tartuffe à la scène politique brésilienne GONÇALVES SOUSA MACHADO, Maristela - PEREIRA ZANINI, Mariza, Universidade Federal de Pelotas- Brésil [email protected] - [email protected] «Je ne pense pas du tout que tout Shakespeare, ou tout Molière, soit actuel. Les Femmes savantes ou Les Précieuses ridicules, par exemple, ne m’intéressent pas beaucoup. Même Le Bourgeois gentilhomme ne me passionne pas. Alors que Tartuffe, au contraire, est une fontaine de jouvence». Ariane Mnouchkine “Já o leitor compreendeu que era a Razão que voltava à casa, e convidava a Sandice a sair, clamando, e com melhor jus, as palavras de Tartufo: ‘La maison est à moi, c’est à vous d’en sortir’.” Machado de Assis In: Memórias Póstumas de Brás Cubas Introduction Visant à la formation de lecteurs littéraires capables de percevoir la présence des universels littéraires au texte de théâtre, nous proposons une perspective interculturelle et interlinguistique pour motiver à la réflexion sur le théâtre et ses rapports possibles au quotidien local. Notre ancrage part d’une réflexion sur nos pratiques didactiques de formation enseignante dans le cadre de la Licenciatura en portugais et français de l’Universidade Federal de Pelotas, le but de ce travail est donc d’indiquer des voies pour l’approche du texte théâtral en salle de classe. Comment attirer l’attention de nos jeunes étudiants, à priori méfiants devant l’accès à la lecture de textes qui leur semblent linguistiquement opaques et tout à fait déconnectés de la réalité contemporaine? Telle est la question que l’on se pose quotidiennement dans la formation enseignante où nous sommes. Des années de travail et des expériences successives nous ont permis quelques convictions toujours temporaires nos publics changent. Elles nous ont surtout fait acquérir le goût de l’expérimentation de techniques de travail différentes visant à atteindre à l’objectif de motiver nos étudiants à la lecture en langue étrangère (LE). Nous agissons en tant que médiateurs, facilitateurs et stimulateurs en ce qui concerne le texte littéraire (TL). Le cadre de cette proposition est celui des pratiques didactiques de la formation enseignante dans la Licenciatura en portugais et français de l’Universidade Federal de Pelotas. Les étudiants du cours de Littératures de Langue Française IV - Le Théâtre sont notre public cible. Ils sont au 8ème semestre de la formation, après 760 heures de langue française ayant déjà un niveau B1-B2 selon le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues. Il s’agit, par conséquent, d’un public de sujets-lecteurs et de futurs formateurs ayant une bonne compétence linguistique et l'expérience de lecture de récits courts, de romans et de poèmes. Ils ont également suivi la discipline de Cultura e civilização francófonas au 4ème semestre. Feliciano, dans la scène politique brésilienne. Nous avons ainsi décidé d’analyser ce personnage à la lumière de la lecture du Tartuffe de Molière. Il faut souligner que la structure en vers e rimes du Tartuffe ne sera pas complètement étrangère à ces étudiants ayant déjà côtoyé la poésie en LF un semestre plus tôt. La thématique même de la pièce théâtrale où le personnage principal fait une «présentation de soi» plus qu’idéalisée en vue de s’immiscer dans la scène familiale, elle non plus leur est probablement étrangère et sera rendue encore plus actuelle à travers la corrélation à la scène politique brésilienne contemporaine. Dans l’étude d’Erving Goffman (1973) sur les interactions sociales, par exemple, le sociologue s’approprie la terminologie technique du théâtre en vue d’établir une lecture des relations sociales, les envisageant comme une scène sociale. Les actions qui correspondent aux rôles sont attendues et la déviance est mal vue voire punie. Marco Feliciano: un improbable président pour la Commission des Droits Humains Ancien cireur de chaussures, fondateur de l’église Assembleia de Deus - Catedral do Avivamento, Marco Feliciano est député pour le petit Parti social-chrétien de São Paulo. Il a obtenu une notoriété instantanée grâce au poste de Président de la Commission des droits de l’homme et des minorités (CDHM) de la chambre des députés à Brasilia qu’il a occupé en mars 2013. La raison de cette renommée se trouve dans un paradoxe, une véritable aberration: la religion de ce pasteur évangélique professe ouvertement l’homophobie, le racisme, la misogynie et l’intolérance (SEQUEIRA et TORRES, 2013). Suite à l’élection de Marco Feliciano pour la présidence de la CDHM, les manifestations organisées par les mouvements sociaux ont gagné les rues, les campagnes sur les réseaux sociaux ont mobilisé les Brésiliens. Mais il a tenu: Marco Feliciano n’a quitté le poste qu’en décembre 2013 résistant aux pressions populaires et aux négociations politiques pour le remplacer. La question qu’une grande partie de la société brésilienne s’est immédiatement posée était incontournable: comment est-il possible qu’un homme politique aux positions si réactionnaires et objet de plusieurs enquêtes judicaires soit à la tête d’une commission de cette nature? Nous n’avons pas la prétention d’y répondre ici vue la complexité de la matière. L’opportunisme politique des petits partis qui composent la base alliée du gouvernement de la présidente Dilma Roussef, associé à la connivence et aux intérêts de grands partis ont certainement eu un rôle important dans l’ascension de ce personnage. La préparation à la lecture de la pièce Pour créer un horizon d’attente, nous allons demander aux étudiants de rechercher la présence du Tartuffe de Molière au Brésil soit par sa présence à la scène, soit par l’évocation même de ce nom comme synonyme de personnage hypocrite. Représentée au Brésil pour la première fois en 1875, la pièce de Molière est bien connue des spectateurs brésiliens des grandes villes. Les mises en scène les plus célèbres demeurent celles d’Augusto Boal avec Gianfrancesco Guarnieri en 1964 et d’Antonio Abujamra avec Jardel Filho en 1966. Largement employé, le mot tartufo (et ses dérivés tartufaria, tartuficar, tartufice, tartufismo, tartufista, tartufístico e tartufizar) a acquis le droit de cité dans le portugais en 1858 (HOUAISS, 2001). Les étudiants vont ensuite rechercher l’usage de cette antonomase métaphorique dans la littérature (Memórias Póstumas de Brás Cubas de Machado de Assis, en est un exemple) et dans les journaux brésiliens. Le Tartuffe ou l’Imposteur de Molière est au programme du cours de Littératures de Langue Française IV - Le Théâtre et, comme nous cherchons toujours de nouvelles manières de motiver au texte, nous avons identifié du potentiel à la vive controverse qu’a créée la posture d’un député, Marco 39 L’observation de trois photos1 de différentes mises en scènes du Tartuffe au Brésil précédera aussi la lecture de l’oeuvre. Fronde. Orgon se désespère jusqu’à ce qu’un coup de théâtre sauve la famille: à travers un exempt, le roi juste et tout puissant rétablit l’ordre. Tartuffe est puni, Orgon pardonné et l’ordre rétabli. Proposition d’activité La lecture du Tartuffe conclue, nous stimulerons le débat sur l’hypocrisie dans la scène politique brésilienne actuelle. Pourrait-on actualiser la figure du faux dévot et de l’hypocrite à la lumière des événements récents liés au président de la Commission des droits de l’homme et des minorités et à ses propos fortement médiatisés? Il est vrai que Tartuffe est un personnage énigmatique. Les critiques littéraires, les metteurs en scène et les acteurs ne cessent d’essayer de le percer à jour et d’en offrir des lectures contradictoires. Nous proposerons néanmoins aux étudiants d’essayer de trouver ce qui caractérise Tartuffe comme hypocrite. Comment agit l’imposteur? Que dit le faux dévot? Comment sa duplicité se donne à voir? Pour ce faire, les étudiants devront choisir des extraits de la pièce où les traits de l’hypocrite apparaissent de façon plus évidente. Ils pourraient en repérer cinq, par exemple. Voilà une typologie possible: Pour terminer cette étape de préparation à la lecture, nous focaliserons la réflexion sur le mot hypocrite et son étymologie liée à l’activité de l’acteur: «V. 1175, ipocrite; bas lat. hypocrita, grec hupokritês «acteur, mime, imitateur (qui accompagnait l'acteur parlant par des gestes)», de hupokrinesthai «feindre, jouer un rôle»» (Grand Robert Électronique, 2005). On soulèvera un débat ayant en vue le concept de «présentation de soi» (GOFFMAN, 1973) et la notion de theatrum mundi, bien connue depuis la Renaissance, et qui se caractérise par une vision du monde réel conçu comme un grand théâtre où chacun joue son rôle sur la scène, où l’artifice prédomine. Les étudiants devront prendre position sur la maxime de La Rochefoucauld «L’hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu» et sur les phrases de Voltaire «L'hypocrisie ne consiste pas à cacher ses vices, mais à faire parade des vertus qu'on n'a pas.» et de Balzac - «En France, l’esprit est plus fort que tout, et les journaux ont de plus que l’esprit de tous les hommes spirituels, l’hypocrisie de Tartufe.» On leur dira également de citer les tartuffes qu’ils connaissent dans la fiction et dans la vie. Il est probable que des vilains des feuilletons télévisés, des personnages littéraires comme Amaro (O Crime de Padre Amaro d’Eça de Queiroz) et Brás Cubas (Mémorias Póstumas de Brás Cubas de Machado de Assis) seront cités. Quelques mots sur Le Tartuffe ou l’Imposteur de Molière Deuxième grande comédie de Molière après L’École de Femmes, Tartuffe est représenté pour la première fois à Versailles en 1664. Immédiatement interdite par le roi, la pièce ne sera définitivement autorisée qu’en 1669 après cinq ans de querelles et polémiques avec des rigoristes religieux et des hommes d’Église. Devenu synonyme de faux dévot et de personnage hypocrite, Tartuffe se fait passer pour un homme immaculé, austère et vertueux de manière à atteindre des objectifs ténébreux. Une famille est bouleversée par la domination qu’il exerce sur le père, Orgon. Celui-ci, intransigeant et complètement aveuglé par l’influence du «dévot personnage» (v. 1122) qu’il a recueilli chez lui, ne voit pas que Tartuffe est un imposteur qui veut tout: le pouvoir, la fortune, la fille et la femme d’Orgon. La rupture entre les deux n’arrive que grâce à la stratégie de la famille qui dévoile la vraie nature de l’être double et répugnant. Mais Tartuffe s’enrage et contre-attaque. Il s’empare de la fortune d’Orgon et menace de le dénoncer comme ancien membre de La 40 - Le portrait double du personnage commence à se dresser dès la scène d’exposition (Acte I, scène 1). Madame Pernelle, la mère d’Orgon, critique la famille en raison de sa vie mondaine et ostentatoire en défendant l’austérité et la vertu de Tartuffe, absent de la scène. Elmire (la femme d’Orgon), Damis (son fils), Cléante (le frère d’Elmire) et la soubrette Dorine défendent la liberté (et non pas le libertinage) de leur conduite et l’indifférence à l’opinion des malveillants. Le conflit de générations et de philosophie de vie s’installe. Absent de la scène - il faut attendre l’acte III pour le voir - Tartuffe est présent dans le discours de la famille dont les points de vue sont divergents. Pour Madame Pernelle, Tartuffe est «Un homme de bien, qu’il faut qu’on écoute» (v. 42)2, parce que «C’est contre le péché que son coeur se courrouce/ Et l'intérêt du Ciel est tout ce qui le pousse.» (v. 76, 77). Damis le voit comme «un cagot de critique» (v. 45). Dorine, la suivante de Marianne essaye d’ouvrir les yeux à la vieille dame, - «il se passe pour saint dans votre fantaisie» (v. 69), elle suggère même qu’il convoite la jeune femme d’Orgon («Je crois que de Madame il est, ma foi, jaloux» (v. 84) - et dénonce son opportunisme (v. 63 à 66): Qu'un gueux qui, quand il vint, n'avait pas de souliers, Et dont l'habit entier valait bien six deniers, En vienne jusque-là, que de se méconnaître, De contrarier tout, et de faire le maître. 1Les images présentées de mises en scène à São Paulo (2004), Jaboatão de Guararapes (2010) et Porto Alegre (2011), ont été prises respectivement de http://www.fotolog.com/teatroecia/8115649/ http://luznegra1.blogspot.com.br/; http://teatropoa.blogspot.com.br/2011_08_01_archive.html. Disponible sur l’Internet le 20/12/2013. 2Toutes les indications d’actes, de scènes et de vers, renverront à: Molière. Tartuffe. Paris: GF Flammarion, 1997. Dorine parle de l’hypocrisie religieuse comme «métier» (v. 134), pratique courante dans la vie mondaine et moyen de réussite sociale, d’accéder au pouvoir. Première caractéristique du faux dévot: les personnes le voient de façon divergente. - De façon comique, la duplicité de Tartuffe se fait encore plus évidente à l’Acte I, scène 4. Orgon rentre de voyage et ne demande que de nouvelles de Tartuffe. Dorine essaye en vain de lui parler d’Elmire qui était tombée malade. Le maître lui demande plusieurs fois «Et Tartuffe?» (v.233, 239, 245 et 252) et quoique la servante lui insiste ironiquement que le dévot est en pleine santé, Orgon exprime à chaque fois son zèle ardent répétant mécaniquement: «Le pauvre homme !» (v. 235, 241, 249 et 256). On apprend aussi dans cette scène que le pauvre homme «gros et gras, le teint frais, et la bouche vermeille» (v. 234) est bon buveur, a un appétit gargantuesque et dort du sommeil du juste. Comment concilier l’image d’austérité et rigorisme - il dit porter même la haire et la discipline pour s’infliger des châtiments corporels (v. 853) ! - avec celle de l’appréciateur des plaisirs terrestres, de la sensualité physique? Au-dessus de tout soupçon, Tartuffe tient son masque. Le ridicule de la situation n’empêche pas qu’on se rende compte du danger que courent ceux qui à l’esprit faible, sont entichés d’un faux dévot. Incapable de voir ces contradictions, Orgon perd la raison, devient tyrannique et veut donner la main de sa fille Marianne à l’intrus. Orgon met en risque le futur des siens quand il les déshérite en donnant tous ses biens à Tartuffe. Deuxième caractéristique du tartuffe: «faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais». Le discours de serviteur de Dieu leur sert comme une cuirasse d’une respectabilité, d’une ascendance morale que ses actes ne confirment pas. Ses actes camouflent sa pensée et les crédules sont ses victimes. - Homme saint et irréprochable ou imposteur ambitieux? Quand finalement Tartuffe entre en scène (Acte III, scène 2), ses contradictions deviennent évidentes. La didascalie tout au début de la scène informe qu’«apercevant Dorine», il commence à jouer sa comédie de saint homme - on rappellera l’étymologie d’hypocrite déjà citée - il parle mortifications physiques, aumônes, offense outrée devant le décolleté de Dorine. Mais sa réaction à la proposition d’une rencontre avec Elmire témoigne du paradoxe: «Hélas ! Très volontiers» (v.875). Déception ou élan? Troisième caractéristique de l’imposteur: comme un acteur, il agit de façon calculée, mais son discours peut le trahir, son masque ne tient pas toujours. - Le masque de dévot tombe définitivement à la scène suivante (Acte III, scène 2) quand Elmire rencontre Tartuffe avec l’intention de lui demander de renoncer à Marianne. On y voit un homme audacieux et sensuel qui ose même serrer les doigts et poser la main sur le genou de l’épouse de son bienfaiteur. Tartuffe s’utilise de plusieurs mots du champ lexical de la dévotion (ferveur, grâce, zèle, etc.) et en détourne le sens pour exprimer son désir pour Elmire. Le personnage risible devient effrayant en dépit du comique de la situation provoqué par l’ambigüité des répliques, le mélange des registres amoureux et religieux, les allusions à l’anatomie d’Elvire, les gestes contrastant avec le discours et le jeu de chaises. La manière dont Tartuffe fait glisser peu à peu son discours de dévot au discours galant révèle les ajustements, les accommodements sans scrupules qui le rendent capable de manipuler, de nuire pour achever ses projets tout en gardant un registre pieux. Il passe à l’action, à l’offensive quand il propose l’adultère à Elmire. Quatrième caractéristique de l’hypocrite: la manipulation cynique du discours de la dévotion pour obéir à ses intérêts ou appétits. - Le début de la scène dernière de l’Acte V (v. 1861 à 1996) présente un intérêt particulier par sa dimension politique: Tartuffe n’hésite pas à y porter le masque de serviteur du Prince («Mais l'intérêt du Prince est mon premier devoir», v. 1880) superposé à celui de serviteur de Dieu pour atteindre ses objectifs. C’est vrai qu’il n’ambitionne aucun poste officiel, mais il ose chercher la justice royale pour dénoncer Orgon oubliant que lui-même - «un fourbe renommé» (1923) - est recherché par la justice pour ses escroqueries. Démasqué grâce à la ruse d’Elmire, Tartuffe arrive chez Orgon accompagné d’un exempt. Toute la famille est réunie, accablée par les menaces du faux dévot. Orgon lui avait confié une cassette avec des documents compromettants et il n’a pas hésité à dénoncer le naïf. Ainsi l’imposteur se prépare pour témoigner l’emprisonnement de son bienfaiteur et pour s’approprier sa fortune. Menaçant et sarcastique («Tout beau, Monsieur, tout beau, ne courez point si vite»), Tartuffe se présente comme légitime représentant du Prince («Et de la part du Prince on vous fait prisonnier»). Comme l’Orgon d’avant, il agit en maître tyrannique de la maison, totalement insensible aux arguments de la famille («Vos injures n'ont rien à me pouvoir aigrir/Et je suis pour le Ciel appris à tout souffrir» v. 1867-1868). Se croyant triomphant il ne sera interrompu que par un coup de théâtre: il se fait arrêter par l’exempt, vrai représentant du roi. Ses derniers mots dans la pièce «Qui? moi, Monsieur?» et «Pourquoi donc la prison?» - témoignent de sa surprise indignée. Cinquième caractéristique de l’imposteur: il est ambitieux, haineux, et capable de modifier ses jeux de scène, de superposer des masques sans scrupules pour atteindre ses buts. À l’étape finale, nous demanderons aux étudiants de rechercher sur Internet des discours de Marco Feliciano et des informations sur ses positions politiques. Quels rapprochements entre le pasteur-député et Tartuffe? En guise de conclusion Quoiqu’on dise souvent que Tartuffe est une pièce d’actualité, il s’agit bien évidemment d’une actualité différente de celle du XVIIe siècle. Nous proposerons aux étudiants de vérifier s’il est quand même possible de détecter des similarités dans les discours de Tartuffe et du député-pasteur brésilien. Les étudiants constateront que Marco Feliciano a fait couler l’encre au Brésil et à l’étranger: ses déclarations polémiques ont occupé les pages de nombreux journaux et revues. Voyons comment Nicolas Bourcier du Monde synthétise les propos recueillis aux messes télévisées et sur le compte Twitter du pasteur-député: Il affirme ainsi que "le sida est un cancer gay" et que "les Africains sont maudits de par leur ascendance". À l'hebdomadaire Veja, il déclare: "Je ne veux pas voir dans la rue un homme en embrasser un autre." Ailleurs, il précise que la société n'est pas prête à croiser "deux hommes avec des barbes et les jambes épilées" se donner publiquement un baiser. D'un même ton, il ajoute: "Quand on donne aux femmes les mêmes droits qu'aux hommes, elles annulent leur côté maternel, elles ne se marient plus ou développent une relation avec une personne du même sexe. Dans son discours d'investiture à la commission, l'intéressé a nié être homophobe ou raciste. Loin de calmer ses adversaires, il a même réitéré certains de ses propos dans les médias, toujours plus nombreux à l'interviewer. Les fréquents démentis ne sont pas la seule contradiction du discours rigoriste de Marco Feliciano, il est la cible de deux arrêts de la Cour Suprême Fédérale (STF). Une unité disciplinaire l'accusant d'homophobie («la pourriture des sentiments homoaffectifs mène à la haine, au crime, au rejet» a-t-il écrit sur Twitter le 31 mars 2011) et une action pénale pour racket. Son ambition politique est flagrante et lui permet de vaticiner que d’ici 10 ans, «il sera impossible de faire de la politique au Brésil sans s’allier avec les évangéliques» (ORLOTT, 2013). 41 La polémique s’intensifie par les activités de ce pasteur-entrepreneur qui commande des émissions télévisées, commercialise cours, voyages, livres, CDs et DVDs et a quasiment fait de son bureau à la Chambre des députés une filière de son église. Très soucieux de son image, Marco Feliciano n’hésite pas à déclarer qu’il est adepte du lissage des cheveux et qu’il épile ses sourcils. Il pose comme un artiste, un chanteur gospel, mais affiche la modestie: «Je ne suis pas un artiste. Je n'aime pas l’épithète. Les applaudissements et la gloire sont destinés uniquement au Seigneur. J'ai juste le don de l'oratoire et une voix qui est un don de Dieu.»3 La lecture croisée entre la pièce et le matériel de presse actuel permettra-t-elle de confirmer la pertinence de l’hypothèse initiale? Le pasteur-député brésilien correspond-il à la typologie du faux dévot que les étudiants auront établie à partir de leur lecture de la pièce? Est-ce que, comme il est arrivé avec d’autres groupes d’apprenants, au fur et à mesure que la réflexion progresse ils deviendront de plus en plus critiques du personnage d’Orgon? Comment a-t-il pu devenir insensible, aveuglé et sourd à la réalité qui l’entourait? Comment est-il possible qu’il ait perdu la raison se laissant tromper par l’imposteur? Les Tartuffes n’existeraient pas sans les Orgons. Nous espérons pouvoir réaffirmer que, plus de trois cents ans après, Le Tartuffe de Molière gène. Ses «dehors fardés» (v. 200), sa «forfanterie» (857) troublent encore. Comme le dit Bénédicte Louvat, (p. 30, 1997), «Par lui, Molière laisse entendre que la fausse dévotion peut être le ferment d’un chaos social autrement grave que le cocuage.» Références bibliographiques BOURCIER, N. «Au Brésil, l'Eglise évangélique étend sa toile». Le Monde. <http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/04/09/au-bresil-l-eglise-evangelique-etend-satoile_3156846_3232.html>. Disponible sur l’Internet le 20/12/2013. GOFFMAN, E. La mise en scène de la vie quotidienne; tome I: La présentation de soi. Paris: Éditions de Minuit, 1973. HOUAISS, A. Dicionário eletrônico Houaiss da língua portuguesa. São Paulo: Objetiva, 2001. LE ROBERT/SEJER. Version électronique du Grand Robert de la langue française, 2005. CD-ROM. LOUVAT, B. «Présentation». In: MOLIÈRE. Tartuffe. Paris: GF Flammarion, 1997. MOLIÈRE. Tartuffe. Paris: GF Flammarion, 1997. OHLOTT, P. «Le pasteur-député Marco Feliciano dénonce la "dictature gay" !». Actu-Chrétienne.com http://actualitechretienne.wordpress.com/2013/06/07/le-pasteur-depute-marco-feliciano-denonce-la-dictature-gay/. Disponible sur l’Internet le 20/12/2013. SEQUEIRA, C. et TORRES, I. «Marco Feliciano, o homem que desafia o país». Isto é, nº 2263, 3/4/2013. p. 41-45. 3 “Não sou artista. Não gosto dessa alcunha. Os aplausos e a glória são destinadas (sic) somente ao Senhor. Tenho apenas o dom da oratória e uma voz que é uma dádiva de Deus. Traduction libre. <http://veja.abril.com.br/blog/ricardo-setti/politica-cia/veja-entrevistou-o-controvertido-deputado-pastor-marco-feliciano-leia-e-chegue-as-suas-proprias-conclusoes/>. Disponible sur l’Internet le 20/12/2013. 42 Est-il trop tard pour donner envie d’écrire aux jeunes? DARGIROLLE, Françoise - Université Bordeaux 3 et MAE Dans toutes les missions que j’ai pu effectuer à travers le monde, il est un problème récurrent soulevé par tous les enseignants de français sur tous les continents et souvent posé sous forme de question «comment donner envie de lire et d’écrire aux jeunes apprenants?» «Comment leur donner envie d’écrire des textes longs et structurés alors qu’ils passent la majorité de leur temps à écrire des textes brefs et la plupart du temps oralisés sur leur clavier ou leur mobile?» La novlangue: simplification, immédiateté Contrairement à Michel Serres1, je n’admire pas les «petits poucets et les petites poucettes» même si leur dextérité sur le clavier d’un téléphone portable est largement supérieure à celle de ma génération. «Il ou elle écrit autrement. Pour l’observer, avec admiration, envoyer, plus rapidement que je ne saurai jamais le faire de mes doigts gourds, envoyer, dis-je, des SMS avec les deux pouces, je les ai baptisés, avec la plus grande tendresse que puisse exprimer un grand-père, Petite Poucette et Petit Poucet. Voilà leur nom, plus joli que le vieux mot, pseudo-savant, de «dactylo». Ils ne parlent plus la même langue. Depuis Richelieu, l’Académie française publie, à peu près tous les vingt ans, pour référence, le Dictionnaire de la nôtre. Aux siècles précédents, la différence entre deux publications s’établissait autour de quatre à cinq mille mots, chiffre à peu près constant; entre la précédente et la prochaine, elle sera de trente-cinq mille environ». Autrement dit, si 35 000 mots séparent deux générations, il faudra peu de temps pour que la communication intergénérationnelle disparaisse. Ainsi, les langues qu’elles soient maternelles ou étrangères ne pourront plus servir non seulement à transmettre le patrimoine culturel engrangé pendant des siècles mais ne permettra plus de communiquer entre générations. A quoi serviront les langues sinon à établir des frontières entre gens d’un même pays, d’une même famille? En quelques pas dans le temps, la mémoire collective humaine aura disparu, la transmission d’héritages engrangés ne pourra plus se faire. Je ne citerai pas le nombre d’exemples auxquels se heurtent les enseignants quotidiennement. Une fois ce constat posé, j’ai pensé tout d’abord que nous étions, nous les enseignants, dans un combat d’arrière-garde jusqu’au jour où j’ai eu deux chocs: le premier à une conférence à laquelle j’ai assisté l’an passé et le second, un livre. Les chocs sont salutaires. a) La conférence: poussée par des amis scientifiques, je suis allée assister à une conférence faite par Jean Michel Besnier, professeur de philosophie et aussi de formation scientifique, enseignant dans les grandes écoles d’ingénieurs françaises dont polytechnique. Or, cette conférence qui portait sur le «transhumanisme» et le «posthumanisme» - (je fais ici une petite disgression) Pour en donner une définition plus que succincte, nous dirions que le transhumanisme cherche à développer les processus techniques et scientifiques pour améliorer l’homme actuel (lutte contre le vieillissement, la maladie, la mort, etc.) tandis que le posthumanisme peut faire référence à un posthumain qui a éventuellement quitté son statut d’humain. Autrement dit, dans le transhumanisme, l’homme est toujours homme mais additionné de machines qui peuvent l’aider (exemple des marins américains en Afghanistan/ poids du sac à dos; projet d’annihiler la fatigue, etc.). En revanche, pour le posthumanisme, la part humaine disparait et ce sont les machines qui décident. L’homme devient une coquille vide. Ainsi, certains laboratoires de recherches travaillent actuellement sur la possibilité de télécharger le cerveau d’un homme pour le mettre sur un ordinateur, voire une clé USB. Nous en sommes heureusement encore loin mais on arrive déjà à connecter une mémoire électronique à un cerveau de souris. Sous couvert de progrès technologiques incessants, ce philosophe démasquait pendant sa conférence les dangers de ces révolutions à la marche silencieuse qui permettent des profits commerciaux incommensurables à de grandes entreprises d’internet (Google par exemple vient de créer une université pour ces projets et les étudiants qui y ont accès sont triés sur le volet) qui vont mettre davantage l’homme au service des techniques que l’inverse. Plus l’homme sera «augmenté» par les outils technologiques sous couvert de faire son bonheur, plus il sera simplifié dans sa pensée parce qu’asservi par des machines qui lui imposent leur système. Conscient de ce danger, plusieurs scientifiques dont J. M. Besnier ont mis en place dans des cursus scientifiques destinés à des chercheurs et des ingénieurs des cours de lecture commentée de morceaux choisis de la littérature classique «pour toucher du doigt la subtilité des comportements décrivant une négociation marchande dans«le Rouge et le Noir»2, ou le retournement de rapports de forces dans le «bonheur des dames» de Zola3. Je cite J.M. Besnier «Mieux que n’importe quelle technique de management pétrie de modèles rationnels, la littérature offre une incomparable approche de la complexité de l’humain. Le grain de l’analyse est assurément plus fin quand on ne se laisse pas abuser par les algorithmes de résolution de problèmes issus des techniques informatiques. Force est de conclure que la littérature, parce qu’elle résiste à la simplification requise par toute modélisation, serait un judicieux recours pour sauvegarder en l’homme la dimension de l’humain que lui contestent les machines».4 Une conclusion à laquelle l’écrivain et philosophe George Steiner a depuis longtemps souscrit en rappelant dans les années trente «il y a, indéniablement, une vision plus aiguë de l’homme dans Homère, Shakespeare ou Dostoïevski que dans l’ensemble des statistiques ou de la neurologie». On pourrait encore ajouter que la lecture de romans de Dostoïevski comme «le joueur» «l’idiot» surpasseront toujours au niveau des descriptions des caractères psychologiques toutes les machines qui sont sur le point d’advenir. David Grossman à qui l’on demanda comment il avait pu continuer à écrire après l’annonce de la mort de son fils pendant la guerre du Liban, répondit «en cherchant le bon mot, comme font tous les écrivains». «Peut-on mieux dire, conclut J.M. Besnier, combien l’attachement au langage qui transfigure la réalité et proclame la supériorité de l’esprit n’est pas obsolète, combien il est requis dans un monde de violence et de barbarie?» 5. En sortant de cette conférence, je me suis dit qu’il aurait été salutaire pour nombre d’universitaires d’écouter cette conférence où les scientifiques défendaient plus âprement la langue que leurs collègues spécialistes et que la collaboration entre disciplines scientifiques et littéraires honnie par bon nombre de professeurs étaient urgentissime. 1 Michel SERRES ««Petite poucette», 2012, Editions Le Pommier, p.14. 2 Cf. les tractations du vieux Sorel avec l’abbé Chélan destinées à libérer Julien du carcan familial 3 Zola décrivant les manoeuvres d’Octave Mouret pour assurer la prospérité de son magasin. 4 Jean-Michel BESNIER «L’homme simplifié» le syndrome de la touche étoile, 2012, Editions Fayard, pp198-199. 5 Jean-Michel BESNIER «l’homme simplifié», 2012, Editions Fayard. 43 Cette conférence et les descriptions de notre avenir trans- et post-humaniste renvoyait automatiquement à la relecture du roman fictionnel de George Orwell, «1984» publié en 1949. Dans son roman, La novlangue est la langue officielle d ’ «Océania» et a été entièrement imaginée par l’auteur. Le principe est simple: plus on diminue le nombre de mots d'une langue et plus on fusionne les mots entre eux, plus on diminue le nombre de concepts avec lesquels les gens peuvent réfléchir en éliminant les finesses du langage, plus on rend les gens incapables de réfléchir, et plus ils raisonnent à l'affect. La mauvaise maîtrise de la langue rend ainsi les gens stupides et manipulables par les instruments de propagande massifs tels que la télévision. C'est donc une simplification lexicale et syntaxique de la langue destinée à rendre impossible l'expression des idées potentiellement subversives. Elle permet d’éviter toute formulation de critique de l’État, l'objectif ultime étant d'aller jusqu'à empêcher l'«idée» même de cette critique. Le mot novlangue est depuis passé dans l'usage au féminin par analogie avec langue, lorsqu'il désigne péjorativement un langage destiné à déformer une réalité. Ce concept illustre également un propos du logicien Bertrand Russell assurant que nul problème ne pourra être résolu, voire perçu, si l'on prend soin d'éliminer au départ toute possibilité de le poser. Du roman fictionnel à la réalité, il n’y a eu malheureusement qu’un pas et nous avons le témoignage bouleversant d’un ouvrage de Victor Klemperer (1881-1960), professeur d’université, philologue et spécialiste de la littérature française et italienne, «LTI la langue du troisième Reich», (LTI = lingua tertii imperii = langue du troisième empire ou Reich). Ce livre a eu un très fort retentissement lorsqu’il a été publié en 1995, bien longtemps après la mort de Klemperer. Les termes latins ne sont pas anodins, l’idée étant de noyer les «masses populaires» sous un flot de termes étrangers ou énigmatiques afin de noyer ainsi la pensée claire et concise. Ce langage est au service de l’idéologie non pas «conductrice» au sens de «imperare» = celui qui conduit le peuple, au sens noble du terme» mais d’une idéologie qui conduit le peuple à la violence. Le langage est ici au service d’une idéologie quelle qu’elle soit et l’appauvrissement du langage donc de la pensée est un atout formidable pour tous ceux qui veulent diriger le monde. Tous ces éléments que je viens d’évoquer ne manquent pas de nous interpeler, nous les professeurs de langue. Ils nous obligent à prendre position et à nous dire que, contrairement à ce qu’on nous fait croire actuellement, en tout cas en France, pour dévaloriser et moquer bien souvent le statut d’enseignant, notre rôle et notre métier est de contrer jour après jour ces menaces: menace de découvertes scientifiques et technologiques déshumanisant l’homme et menaçant clairement les démocraties. Développer et enrichir la pensée de nos futures générations pour leur permettre de ne pas adhérer à toutes les thèses aussi brillantes et miroirs aux alouettes qu’elles soient, est un travail de fourmi, un travail de l’ombre mais il constitue un des contre-pouvoirs essentiels. Il ne faut pas le prendre à la légère. I) Que faire? l’atelier d’écriture, une des réponses possibles Même si nous sommes conscients de tous ces dangers, nous savons que ce n’est pas parce que nous ferons des remarques à la majorité des jeunes que nous côtoyons en classe que nous les verrons se précipiter dans une bibliothèque et prendre un livre de littérature ou se mettre à écrire. Les injonctions ne servent à rien. On ne peut plus demander aux jeunes de lire directement dans leur langue maternelle, Tolstoï, Victor Hugo ou tout autre écrivain. Il y a des étapes transitoires obligatoires à mettre en place. Les enseignants d’autrefois n’avaient pas à le faire puisque nous n’étions pas sollicités par l’immédiateté et la vitesse. Nous avions le temps et on les livres étaient maîtres par rapport aux technologies. Qu’il s’agisse d’une langue maternelle ou de l’apprentissage d’une langue étrangère, le problème se pose en termes similaires car la connaissance approfondie d’une langue maternelle permet un apprentissage plus facile en langue étrangère (siglée LE) et nous avons maints exemples à ce sujet que nous ne pouvons développer ici. Le concept de «centration sur l’apprenant» au coeur de la pédagogie et des recherches en didactique des langues/cultures depuis une quarantaine d’années place toute personne en situation d’apprentissage en situation de faire, de créer, de découvrir par lui-même. Les activités pédagogiques sollicitent tout cela. Actuellement par exemple, «La pédagogie du 44 projet» qui est devenu un concept central en enseignement/apprentissage des langues étrangères cherche à développer l’autonomie, la réflexion, la création, l’innovation et l’organisation individuelle et collective. Tout ceci rejoint en fait ce en quoi nous croyons, à savoir, la construction d’un être conscient, d’un citoyen au sens premier du terme «qui participe à la construction et à la vie de la cité», capable grâce à ses connaissances de pouvoir continuer à conserver et à transmettre aux générations suivantes, la part d’humanité dont le monde a tant besoin. L’atelier d’écriture est un dispositif plus léger que «la pédagogie du projet» (nous en avions déjà parlé pendant nos missions au Honduras et à Panama). Il permet avec un matériel simplissime (papier/crayon/ photo) de découvrir tout d’abord le plaisir d’écrire, d’exprimer peu à peu sa pensée, de la développer. Il n’est bien évidemment pas le seul outil d’apprentissage d’une LE mais il la rend plus vivante et proche, même si elle est étrangère. Vivante, parce que l’élève ou l’étudiant va se l’approprier, jouer avec. Autrement dit, il peut et va construire avec elle une pensée. La langue vivante va devenir proche parce que les jeunes vont se familiariser avec cet objet inconnu et ils vont pouvoir peu à peu l’apprivoiser. La LE ne sera pas à distance de lui mais avec lui. Parfois, la langue telle qu’elle est présentée dans les manuels FLE donne une part très importante à un apprentissage mécaniciste de la langue et la part créative y est très restreinte. Cette mécanisation est indispensable pour mémoriser des structures ou du lexique mais ne pourrait-on pas en fonction des groupes de niveaux, par le biais d’un atelier d’écriture, donner aux élèves et aux étudiants un espace de liberté pendant lequel ils pourront créer, imaginer, innover et se stimuler entre eux? III) Alors, qu’est-ce qu’un atelier d’écriture? • Préparation et déroulement • Ses avantages • Ses limites 1. Préparation et déroulement Il faut savoir qu’un atelier d’écritures demande une bonne préparation au formateur mais lorsque vous aurez construit quelques ateliers d’écriture, vous pourrez bien évidemment les réutiliser non seulement d’une année sur l’autre mais dans des classes de différents niveaux en les adaptant. Je vous remettrai des exemples possibles d’atelier d’écriture lors de l’atelier de vendredi matin et nous essayerons concrètement d’en faire un, voire deux si le temps imparti nous le permet. Voici en résumé le déroulement d’une séance Déclencheur: une phase de démarrage sans ou avec des documents (un seul mot peut suffire, une phrase, un dessin, une photo, des photos, un extrait de texte, un poème, une phrase que vous avez entendue ou aimée, de la musique, des bruits enregistrés, un objet apporté, etc.). - Consignes C’est à partir de là, que vous donnerez une consigne en lien avec le support. Il faut essayer de donner des consignes inattendues. C’est l’effet de surprise qui donne envie d’écrire et la variété de vos consignes qui sont importantes. - Ecritures un temps d’écriture en solitaire: le temps doit être limité et doit être impérativement limité. - Lectures Un temps de lecture à voix haute des textes produits avec écoute et intervention des autres. - Construction collective Tout ceci peut bien sûr déboucher sur la construction d’un recueil remis à la fin de l’année avec les textes produits ou bien ce peut-être une lecture de toutes les classes de FLE réunies à la fin de l’année. Nous reviendrons sur ce déroulement pendant l’atelier car vous avez en tant qu’enseignant un rôle à jouer et une part psychologique importante à instaurer pour créer une ambiance la plus agréable possible. C’est l’objectif transversal valable pour tous vos élèves: leur donner confiance en eux et susciter le plaisir et l’envie d’aller de plus en plus loin. 2. Avantages Il y a des avantages à tous les niveaux - Tout d’abord le plaisir • Apprentissage: créer par soi-même» quel que soit leur bagage linguistique et si minime soit-il, ce que Célestin Freinet appelle «le tâtonnement expérimental». Ce tâtonnement, seul ou avec votre aide ou avec celui de ses copains de classe, va leur permettre de prendre confiance en eux. Par effet d’entraînement, cette créativité permet de développer leur curiosité, leur observation et ainsi leur motivation. «je peux faire» «je suis donc moi aussi capable de faire». Nous sommes ici dans les principes essentiels préconisés autrefois l’approche communicative et le projet pédagogique «la centration sur l’apprenant». «NOUS SOMMES TOUS CREATEURS. NOUS SOMMES TOUS CAPABLES» • Une expérience Plaisir d’être et de participer à une classe «différente» des cours parfois pris dans un ronron quotidien. • Un échange parce que l’élève va créer et échanger au sein de la classe et apprendre à partager ce plaisir avec d’autres en lisant son texte puis en écoutant à son tour le texte des autres. • Des Jeux Plaisir aussi de jouer avec les sons, les mots, d’inventer des mots, des sons, des poèmes, etc.; plaisir donc de surmonter les obstacles de la langue aussi. Nous voyons ainsi que ce qui faisait l’obstacle «je ne peux pas bien parler la langue étrangère» n’est plus un handicap. Les quelques mots qu’ils savent et les quelques structures qu’ils connaissent vont déjà pouvoir être réutilisés tout de suite, même maladroitement. L’élève va pouvoir se les approprier au sens littéral du terme. En d’autres termes, l’écriture créative modifie peu à peu l’attitude de l’apprenant par rapport à son apprentissage. Vous jouez un rôle capital en l’encourageant et en valorisant tout ce qu’il a fait MÊME AVEC DES ERREURS, ce qui est obligatoire pour tout apprentissage. Autre avantage • La socialisation des jeunes: l’écriture créative permet également de socialiser les jeunes. Dans un monde où les incivilités sont fréquentes, apprendre à écouter un texte puis à donner son opinion avec une critique constructive (jamais négative) est un apprentissage aussi important. Combien de personnes sont-elles capables de porter attention à la parole de l’autre? La classe d’écriture créative est un lieu d’entraide, de renforcement des liens entre les enfants. La notion de collectivité apparaît. On verra dans l’atelier comment créer une ambiance de groupe. Règle du jeu: les jugements et moqueries sont totalement interdits et les évaluations entre élèves également. En résumé, je dirais que nous ne sommes plus dans l’enseignement mais dans l’apprentissage qui est primordial en tout domaine. «c’est parce que moi élève, je fais, que je vais pouvoir comprendre progressivement comment font les autres, les écrivains» «c’est parce que je fais que je vais avoir envie peu à peu de lire» et vous, les enseignants, en leur donnant des consignes d’écriture telles que nous en avons parlé ci-dessus, vous les amènerez peu à peu à la lecture (tous certainement pas, mais on ne sait jamais les effets produits). Ils rejoindront peut-être un jour les fervents admirateurs de la littérature classique qu’elle soit française ou espagnole ou autre. C’est ainsi que les langues peuvent rester vivantes. C’est l’héritage humaniste qui perdure. Votre rôle est de première importance. Si j’avais à résumer ces quelques lignes je dirai qu’un atelier d’écriture - C’est une philosophie parce qu’elle met du sens dans le travail d’un élève (je vais m’exprimer non pas sur un texte d’un ou d’une autre mais pour moi et sur moi et mon environnement et avec mes idées et mon imaginaire); - L’élève transforme ainsi son rapport à l’écriture. Celle-ci n’est plus seulement utilitariste et basée sur la note à avoir. - L’élève devient sujet et construit sa pensée: on lui donne ici le temps et l’écoute du professeur et de ses camarades. - Cette écriture est regardée de façon positive: j’ai le droit à l’erreur, j’ai le droit de me tromper dans la consigne et j’ai le droit de ne pas faire comme la consigne me l’a demandé. La consigne est un support que l’on peut dépasser, oublier, suivre à la lettre. Elle n’est là qu’en tant que support. - C’est une conception de l’apprentissage Elle permet un tissage des idées et un métissage car l’élève va se confronter à toutes les autres façons de penser. C’est un voyage et un passage en quelque sorte. C’est aussi la découverte avec les supports choisis d’autres personnes disparues ou non et la découverte de soi-même. C’est le voyage aussi vers l’inconnu et la découverte de la complexité du monde. C’est aussi la découverte des risques que l’on court. Risque de se donner à voir aux autres et risque de se trouver confronté à des idées qui bousculent, qui dérangent. Si les ateliers accrochent les élèves, vous verrez que peu à peu, ils vont se piquer au jeu et vous poser des questions, chercher de nouveaux mots sur Internet et dans leur dictionnaire, demander et poser des questions. C’est un éveil à la curiosité. C’est parce que ces étapes de créativité seront mises en place que les élèves vont pouvoir s’approcher des textes des «autres», des écrivains et parce que vous allez utiliser parfois des extraits de textes qu’ils vont pouvoir aller vers des extraits, puis des chapitres, puis des livres. Et si ils s’approchent de textes ainsi, c’est toute les langues qui seront approchées et appréhendées y compris leur langue maternelle. Or, ce renforcement en langue maternelle est aussi un plus pour l’apprentissage d’une langue étrangère. Je terminerai en soulignant que • L’atelier d’écriture est à mon sens, une des étapes essentielles qui permet l’accession non abrupte et non impérative (et pas de norme opposé à la créativité à développer) à la lecture et à l’écriture. Il peut aussi aider l’enseignant lui-même à retrouver le plaisir de la langue. • L’atelier d’écritures relie aussi à toutes les autres compétences linguistiques (CO/EO/) • L’atelier d’écritures oppose un temps plus long à l’immédiateté et la vitesse de notre société • Il permet grâce à ce temps donné d’accepter la complexité, l’ambiguïté, le choix, le foisonnement par rapport à la simplification, voire le simplisme. • Il oppose les mots aux formules mathématiques et aux logarithmes qui nous gouvernent 45 Je ne peux résister avant de terminer de vous citer un auteur de livres pour enfants que j’aime tout particulièrement, Gianni Rodari. Il écrivait dans une préface pour présenter un recueil de textes d’enfants publié à Florence en 1972. «J’appelle situation créative une situation où l’enfant n’est pas considéré comme un consommateur (de savoir, de valeurs préfabriquées, de traditions, de livres, d’invention d’autrui) mais comme un véritable producteur…. Dans une situation créative, l’enfant est mis en mesure de construire sa propre liberté. C’est un travail délicat, patient, long. Il ne suffit pas de dire à l’enfant «tu es libre» pour que sa vie change, de même qu’il ne suffit pas de lui dire «dessine ce que tu veux» pour qu’il fasse un dessin libre. […..] On parle souvent de l’imagination comme d’une qualité superflue, ou d’une activité dangereuse, ou d’une faculté réservée à un groupe privilégié de personnes. En fait, l’imagination est un instrument dont l’esprit ne peut jamais se passer [….]. Elle sert pour jouer, pour travailler, pour vivre. Il faut de l’imagination pour critiquer la réalité et pour se proposer de la modifier». - «Ecritures créatives» S. Bara, a-M. Bonvallet, C. Rodier, PUG, juin 2011. - «Si tu t'imagines...» Atelier de littérature, lecture, écriture. JACKSON G. et autres, Paris, Hatier/Didier(1994) De la tradition de La Fontaine à la «twittefabulation»: un blog et des idées pour travailler les fables avec des adultes apprenants du FLE SOTO COCCO, Cristina - Professeur à l’Alliance Française de São Paulo [email protected] Introduction Dans l’enseignement d’une langue-culture, la littérature mérite une place importante et sert comme porte d’entrée au développement de la compétence interculturelle. La tradition populaire a conservé un des plus riches héritages de l’humanité: la fable. Sa popularité aux quatre coins du monde permet son exploitation en cours de français langue étrangère (FLE) dès un niveau élémentaire avec des activités qui privilégient la musicalité de la langue, tandis que sa critique sociale favorise de riches débats aux niveaux plus avancés. 1. La tradition et la modernité des fables Au début, ces narratives populaires étaient transmises oralement de génération en génération et s’adaptaient aux cultures locales qui les recevaient et les transformaient selon les besoins culturels et historiques de chaque civilisation. Avec l’invention de l’écriture, les fabulistes ont pu enregistrer la sagesse populaire de forme à garder l’héritage culturel transmis à partir de l’oralité. Au XVe siècle, un public plus important a commencé à avoir accès aux oeuvres littéraires grâce à l’invention de l’imprimerie. Actuellement, le partage d’informations via Internet gagne des proportions gigantesques et apporte de nouvelles possibilités d’interaction avec le texte. 1.1 La richesse de La Fontaine La Fontaine reprend les fables d’Ésope et de Phèdre en les renouvelant au XVIIe siècle. Il y ajoute une touche d’humour qui donne de la beauté et de la légèreté au texte. Le thème est seulement le prétexte pour travailler la langue et le style. Il valorise la perfection formelle et la manière de raconter au détriment de la vérité ou de la vraisemblance. Ses textes privilégient la musicalité, les rimes et le rythme, c’est-à-dire, les éléments qui rendent de la beauté au contenu. La morale apparaît sous différentes formes, non seulement à la fin de la fable de manière très explicite, mais aussi subtilement. Le lecteur est invité à participer activement à la lecture, et, plusieurs fois, à dialoguer avec le fabuliste ou les personnages de la fable. des apprenants pour les réseaux sociaux, il est intéressant de tester et adapter les nouvelles formes créatives qui surgissent, telles que la "twittérature"1, basée sur la contrainte du microblog Twitter de transmettre des messages en utilisant 140 caractères maximum. 2. «La Fontaine des Fables» Ayant pour but de faciliter le contact des apprenants du FLE avec la richesse culturelle des oeuvres littéraires, le blog http://fontainedefables.canalblog.com2 a été conçu comme un espace où les apprenants peuvent entrer en contact avec les fables de La Fontaine et, à partir de quelques activités interactives, faire des échanges avec d’autres francophiles dans une ambiance où ceux qui aiment la langue française se sentent à l’aise pour s’exprimer en français. Le blog «La Fontaine des Fables» est un espace ouvert destiné à tous ceux qui s’intéressent aux fables et à la langue française. Il permet aux apprenants de rester en contact avec la langue cible hors classe et sans caractère obligatoire. L’interaction n’est pas restreinte à un groupe mais l’accès au contenu et aux commentaires est liberé à tous ceux qui veulent participer aux activités. Les commentaires sont lus par le modérateur qui ne fait pas de corrections linguistiques mais qui motive la participation des apprenants qui commencent à découvrir le français bien comme la contribution de ceux qui maîtrisent déjà la langue ou qui sont des francophones. 1.2 La littérature en classe de FLE Nombreux sont les bénéfices de travailler la littérature auprès des apprenants, cependant, une question capitale se pose: comment exploiter les textes littéraires avec les apprenants du FLE ? Jean-Marc Luscher (2009) observe que le but de l’enseignement de la littérature selon la perspective actionnelle doit être l’enrichissement personnel, l’ouverture à d’autres cultures, la découverte du monde de l’auteur. Outre les vertus de travailler les fables en salle de classe, et en considérant le vif intérêt 46 1 Pour plus d’informations sur le parcours de ce nouveau genre littéraire, consultez le website de l’Institut la Twittérature Comparée: http://www.twittexte.com 2 Ce blog a été mis en ligne en décembre 2013 et se développe grâce aux réactions des participants et au fur et à mesure des découvertes personnelles concernant les nouvelles technologies et la création d’activités dans l’espace virtuel. 2.1 Des idées autour d’un blog, espace de partage et interaction hors classe Le blog «La Fontaine des Fables» propose la pratique de la «#twittefabulation» (twitter + fables + création), c’est-à-dire, les internautes participent au blog en exprimant leurs émotions, en faisant une relecture voire en reformulant la morale des fables qui sont exposées en ayant comme contrainte le nombre de signes connu par les utilisateurs du Twitter. Ainsi, l’accueil du blog annonce la consigne: «Exprimez-vous en utilisant 140 caractères maximum. Twittefabulez !» L’idée initiale est de proposer toujours une fable dans la page d’accueil accompagnée par son enregistrement audio - à partir de l’intégration des vidéos disponibles sur Youtube ou Dailymotion. Des jeux interactifs accompagnent aussi chaque fable. Références BIARD, Jean Dominique. Le style des Fables de La Fontaine. Paris, Éditions A.-G. Nizet, 1969 JEUNE, Simon. Taine interprète de La Fontaine: Poésie et système. Paris, Armand Colin, 1968. KOHN, Renée. Le Goût de La Fontaine. Grenoble, Imprimerie Allier, 1962. LA FONTAINE, Jean de. Fables, Paris, Borbas, 1985. LUSCHER, Jean-Marc. L’enseignement de la littérature selon la perspective actionnelle. Que pourrait être une «tâche littéraire» ? Site Internet de l’AUF, 2009. Consulté le 15 juillet 2013. Disponible sur http://www.bulletin.auf.org/index.php?id=835 PUREN, Christian. Explication de textes et perspective actionnelle: la littérature entre le dire scolaire et le faire social. Site Internet de l’APLV, 2006. Consulté le 3 août 2013. Disponible sur http://www.aplv-languesmodernes.org/spip.php?article389 De plus, le blog est organisé par des rubriques qui facilitent la visualisation du contenu et des activités suggérées à partir de différents thèmes liés au monde des fables et de La Fontaine. 3. Passer de l’utilisation à la création d’activités pédagogiques en ligne Nombreux sont les sites Internet qui proposent des activités ludiques interactives aux apprenants de FLE. Très utilisées par les professeurs comme un complément du cours, ces activités sont de plus en plus variées. Pourtant, comment pourrait-on les créer ? Sans logiciel à télécharger ou à installer, en quelques minutes il est possible de concevoir différents types d’activités de sélection, d’association, de séquence, d’écriture, des grilles de mots, des jeux du pendu, entre autres, pour l’exploitation en salle de classe en version imprimable ou en version en ligne, pour la publication sur un blog ou sur Facebook. Voici trois sites incontournables qui offrent des possibilités intéressantes et gratuites aux professionnels de l’éducation qui ne maîtrisent pas la programmation mais qui veulent créer des activités interactives et passer de l’utilisation passive des jeux pédagogiques à la webcréation: 1. Educaplay: http://fr.educaplay.com/ 2. LearningApps: http://learningapps.org 3. Quizz.biz: http://www.quizz.biz/ Conclusion En alliant l’enseignement du FLE aux technologies numériques qui sont naturellement présentes dans le quotidien des apprenants on facilite la multiplicité de découvertes et de l’autonomie dans l’apprentissage. «La Fontaine des Fables» s’adresse donc à tous les francophiles et propose des activités simples mais qui mènent à la (re)lecture des fables et à la découverte de la richesse de l’oeuvre de La Fontaine. Le numérique est envisagé comme un support pour la diffusion de la langue et de la littérature. 47 Du nouveau sur les méthodologies de l’enseignement des langues ces dernières années? MARTÍNEZ ALVAREZ, Felino - Alliance Française de la Havana «Les quelques réflexions exposées ici ont la finalité de mettre en évidence, de manière opérationnelle, des démarches méthodologiques pour organiser les cours de langue française selon les perspectives actuelles car, si l’on accepte de concevoir la maîtrise des langues comme un ensemble structuré de compétences diverses, acquises à des niveaux différents, alors on peut estimer qu’il existe potentiellement au moins autant de méthodologies d’enseignement distinctes qu’il existe de compétences identifiées». Ce recueil reprend les idées principales de M. JC Beacco, exposées dans son ouvrage «L’approche par compétences dans l’enseignement des langues», ainsi que celles de plusieurs auteurs dont M. C. Puren, recueillies dans divers articles parus dans le numéro 45 de «Recherches et application», revue spécialisée de «Français dans le monde». Il nous a semblé pertinent de partager avec le public enseignant ces idées choisies, de façon résumée, afin de faire en quelque sorte le point de l’enseignement du français dans notre institution et ailleurs ces derniers temps. La situation nouvelle créée par l’adoption du CECRL se caractérise par le fait que les approches de l’enseignement des langues par compétences, qui a toujours constitué une composante forte de l’approche communicative, reviennent sur le devant de la scène didactique, d’autant que les dispositifs d’évaluation ont adopté cette perspective (certifications en langues proposées). Le Cadre préconise: «les méthodes à mettre en oeuvre pour l’apprentissage, l’enseignement et la recherche sont celles que l’on considère comme les plus efficaces pour atteindre les objectifs convenus en fonction des besoins des apprenants, dans leur contexte social.» Les méthodologies d’enseignement des langues Les méthodologies d’enseignement sont à considérer comme des ensembles solidaires de principes et d’activités d’enseignement, organisées en stratégies, fondées en théorie (c’est-à-dire qui s’appuient sur des concepts ou des connaissances élaborés au sein d’autres disciplines impliquées dans l’enseignement des langues) et/ou par la pratique (par son efficacité constatée, par exemple) et dont la finalité est d’accompagner les apprentissages. Les éléments constitutifs de chaque méthodologie ne lui sont pas nécessairement propres: on peut, par exemple, utiliser des exercices structuraux ailleurs que dans la méthodologie structuro-globale audio-visuelle, et la priorité à l’oral est partagée aussi bien par cette dernière méthodologie que par les approches communicatives. C’est l’inclusion de chaque élément dans un dispositif d’ensemble qui lui donne sa fonction et spécifie la stratégie élaborée pour accompagner les processus d’apprentissage. Certains de ces éléments peuvent entrer dans la composition d’autres méthodologies ou être utilisés isolément (comme la classe de conversation ou les jeux de rôles). Les choix méthodologiques Si les méthodologies sont des ensembles solidaires de principes et d’activités d’enseignement, la configuration de chacune d’elles dépend de choix à effectuer à propos des éléments qui les constituent. Mais les objets sur lesquels portent ces choix sont toujours de même nature, car ils constituent l’infrastructure de tout enseignement de langue. Ces choix méthodologiques incontournables, quelle que soit la solution adoptée concernent: • les échantillons de langue, qui doivent servir de support aux activités d’enseignement. Toute méthodologie d’enseignement de langues a pour fonction première de ménager un contact physique avec la langue cible, sous forme d’échantillons de langue (orale ou écrite), puisque ce contact est la condition sine qua non des apprentissages; ce contact doit être créé ou recréé en classe; • les démarches destinées à assurer la compréhension des échantillons. Ils doivent être interprétables. S’ils ne font pas sens, ils se réduisent à une suite de sons inintelligibles et ne permettent pas l’acquisition. Les techniques d’accès au sens ont pour fonction de rendre ce contact utilisable; • des formes de la systématisation à mettre en place à partir des supports. Par systématisation on entend les informations (ou descriptions) de la langue et les activités spécifiquement conçues pour permettre d’organiser, de manière plus ou moins réflexive, l’acquisition des régularités de la langue cible, quelles qu’elles soient (morphologiques, syntaxiques, discur48 sives, culturelles...). L’enseignement à proprement parler réside dans cet apport d’informations et dans la création d’activités d’appropriation systématiques. C’est dans ce secteur des méthodologies que les choix les plus complexes sont à effectuer (quelles informations, de quelle origine, sous quelle forme ?); • des formes de réinvestissement. Après la phase antérieure on est conduit à mettre en place des activités visant à permettre le réinvestissement des éléments acquis (ou en voie d’acquisition), dans des contextes moins contraints, destinés à constituer un espace d’expérimentation et d’appropriation personnelles pour l’apprenant, qui teste le matériel linguistique découvert, et qui en recherche une maîtrise majeure par une pratique individuelle; • des formes de l’évaluation des acquis et des connaissances. Au terme de ces apprentissages, se pose en effet la question sociale de l’auto-évaluation et de l’évaluation des acquis ou des connaissances/compétences. On signale qu’à des fins d’évaluation externe, calibrée et ayant un statut d’officialité (dans le cas de certifications institutionnelles), plus les objectifs proposés sont définis finement, plus l’évaluation est, potentiellement, fiable. Les choix précédents concernent plutôt la séquence d’enseignement. Il en est d’autres à effectuer relativement à l’organisation d’ensemble d’un enseignement, en particulier à propos: • de la structuration des activités dans une séquence. Une séquence d’enseignement est abstraite, en ce qu’elle ne se réalise pas nécessairement suivant la logique méthodologique décrite jusqu’ici: elle reçoit des formes concrètes (unité, leçon, dossier, module...) résultant aussi de considérations pédagogiques et éditoriales et qui supposent des choix explicites; • de la distribution linéaire, dans la durée des apprentissages, de ces contenus d’enseignement (selon quel ordre ?); • de la répartition quantitative des éléments proposés à l’apprentissage, qui devrait permettre de contrôler l’exposition, de manière à éviter que l’immeersion ne devienne submersion de l’apprenant; • des formes de cohérence méthodologique, puisque les méthodologies sont des stratégies organisées. Il s’agit de construire la cohérence interne des actes pédagogiques constituant une séquence, la cohérence entre les séquences, la cohérence entre les supports d’enseignement et les activités de systématisation, la cohérence entre la systématisation communicative et la systématisation formelle... Si l’enseignement a pour fonction de permettre à l’apprenant de mieux organiser et de rentabiliser ses apprentissages, alors une démarche d’enseignement doit être lisible pour l’apprenant. Cette lisibilité méthodologique lui permet de savoir quelle est la finalité de chaque activité, comment elle se relie aux autres et comment on vise à atteindre les objectifs fixés. Dans l’idéal, une méthodologie d’enseignement donnée est constituée par l’ensemble des choix convergents effectués à propos des points décrits précédemment, pour lesquels il existe des possibilités différentes, mais en nombre variable (considérable pour la systématisation, par exemple, moindre pour les réinvestissement. Dans les faits, les méthodologies historiquement attestées ne présentent pas le même degré de structuration: certaines peuvent être plus explicites en ce qui concerne la nature des échantillons (documents authentiques, par exemple) ou les exercices de systématisation (exercices structuraux, par exemple) mais ne donnent que peu d’indications sur la cohérence ou la répartitions linéaire des contenus d’enseignement. Ce qui est vérifiable pour les méthodologies, l’est à plus forte raison pour les manuels d’enseignement qui en dérivent. Cet état de fait invite à relativiser le rôle des méthodologies, par rapport à celui de la pédagogie, celui des savoirs de nature savante par rapport à ceux de nature expérientielle qui sont conjointement constitutifs de la didactique des langues, de manière intrinsèque. Le contact avec une langue étrangère ne devient productif d’acquisition que si ces échantillons de langue sont interprétables dans leur fonction sociale, globalement ou littéralement. Par exemple, concernant la compréhension, plusieurs démarches sont disponibles. Certaines de ces démarches peuvent être utilisées concurremment mais, le plus souvent, les choix effectués par les différentes méthodologies constituées en privilégient une seule. Les démarches disponibles pour permettre l’accès au sens des échantillons de langue sont: • la traduction vers la langue des apprenants, effectuée par l’enseignant ou sollicitée auprès des apprenants eux-mêmes. C’est sans doute le plus rapide des moyens, ce qui ne signifie pas qu’il est le plus efficace. La traduction peut demeurer une ressource habituelle du professeur de langue, malgré un tabou rémanent , sans doute hérité des méthodologies audiovisuelles qui évitaient le recours à la langue maternelle; • le recours à la définition ou à la paraphrase explicative, l’énoncé paraphrastique ayant alors la même valeur de communication ou la même valeur informative que l’énoncé de départ; • le recours à l’image. Les images (photographies, dessins au trait, fac simile des documents écrits...) peuvent représenter la situation de communication dans sa matérialité ou uniquement certains de ses éléments. L’image est utilisable pour accompagner la compréhension des interactions orales, sous forme d’illustration globale de la situation. • le recours aux processus d’inférence et de déduction à partir de connaissances acquises. Celles-ci peuvent être de nature encyclopédique (connaissance du monde, comme dans le cas de compréhension d’informations médiatiques internationales), de nature discursive (par exemple, connaissance de la structure et du contenu des conversations ordinaires standard, si elles sont comparables d’une langue à l’autre) ou de nature linguistique (connaissance des mots et de leurs combinatoires au niveau de la phrase et du groupe de mots). L’approche globaliste dans l’enseignement du français L’approche globaliste n’est pas prise en compte dans les inventaires historiques des méthodologies, probablement parce qu’on ne lui reconnaît pas le statut de méthodologie et qu’elle n’a pas été théorisée, c'est-à-dire exposée de manière argumentée dans les discours de la didactique des langues. L’identification de l’approche globaliste ordinaire est occultée par les conceptions courantes mêmes de l’analyse des méthodologies, ce qui en explique l’absence dans la description et l’histoire des méthodologies d’enseignement des langues. Une lecture très répandue des rapports entre les méthodologies consiste à les opposer comme autant d’entités constituées «pleines» et identifiées par une dénomination, qui circule comme signe du caractère unique de chacune d’elles. Les méthodologies, une fois repérées par une dénomination qui leur tient largement lieu d’identité (méthodologies «grammaticale», «structuraliste», «approche communicative»....), sont alors aisément cristallisées en un corps de doctrine, opposées les unes aux autres et finissent par être considérées comme des orthodoxies, source exclusive de toute vérité méthodologique. Elles se succèdent harmonieusement dans le temps, la dernière chassant la précédente, dans une sorte d’histoire notionnelle abstraite. Cette «histoire naturelle» des méthodologies d’enseignement est comme complétée par une perspective idéologique qui consiste à opposer la didactique des didacticiens à celle des enseignants. Celle-ci présenterait la vertu d’être authentique et de procéder de choix conscients qui permettraient d’adapter l’organisation des enseignements à la pluralité des situations éducatives. Les méthodologies constituées, toutes universalistes, viendraient brouiller cette méthodologie de la «base» parfois dénommée «éclectisme». Le triomphe final actuel de l’éclectisme signifierait une sorte de libération de la pratique des carcans méthodologiques, laquelle entraînerait, après la mort du manuel (prédite en son temps par Debyser), celles des méthodologies d’enseignement. L’éclectisme comme principe méthodologique est proposé comme la solution à l’inadaptation des stratégies méthodologiques aux contextes de leur utilisation. Il consisterait en un choix individuel éclairé, effectué dans les méthodologies existantes, et produit d’un calcul pédagogique permettant à chacun d’en tirer le meilleur parti. C’est que les enseignants se construisent des options méthodologiques préférentielles et stabilisées, qui sont reliées à leur conception du monde, de l’éducation, de l’effort, de l’équité pédagogique...qui commandent ces choix. Si l’on en juge par le matériel produit, on constate que c’est une certaine homogénéité méthodologique qui domine, au-delà de la diversité des mises en scènes éditoriales (titre, mise en page, illustrations, formes de séquences...) de chaque manuel et des rattachements explicites à telle ou telle méthodologie. Plus de soixante manuels et matériels d’enseignement pour le français langue étrangère (y compris les matériels «précoces») ont été publiés en France de 1981 à 2001, ce qui laisse à penser que leurs différences sont largement cosmétiques, puisque dans cette période, aucune méthodologie nouvelle ne s’est constituée. Une méthodologie communicative? Dans la littérature sur l’approche communicative, la mise en oeuvre concrète de cette conception de l’enseignement/apprentissage des langues n’est pas développée avec la même précision que dans les méthodologies constituées antérieures, en termes de choix techniques relatifs aux supports, aux formes de la systématisation... Les principes directeurs de l’approche communicative fournissent des indications opérationnelles pour: • les supports dont l’authenticité discursive est considérée comme fondamentale; • les activités de systématisation, dont on comprend qu’elles doivent être réalistes et vraisemblables. Elles sont conçues pour permettre aux apprenants de développer leur compétence générale de communication, dans des conditions contrôlées mais comparables aux conditions réelles; • les activités de systématisation dont on souligne qu’elles sont d’une autre nature que des exercices formels à réponse fermée et dans lesquelles l’initiative communicationnelle de l’apprenant doit être sollicitée. Ces orientations ont donné lieu au développement de certaines techniques permettant aux apprenants de construire des activités interactives de communication. Certaines peuvent être relativement fermées; d’autres sont plus ouvertes comme les jeux de rôles. Pour d’autres activités encore, leur définition et leur gestion elles-mêmes sont de la responsabilité des apprenants: font partie de cette catégorie les simulations globales et, plus largement, les approches par tâches ou par résolution de problème. 49 L’approche communicative s’est diffusée à travers les instruments élaborés au Conseil de l’Europe, en particulier Un Niveau-seuil (1976) qui fait suite à Threshold Level (1975). Un Niveau-seuil n’a pas de visée méthodologique, dans la mesure où il constitue un référentiel de programmes, à savoir un ensemble de ressources à partir desquelles il est possible de construire des programmes d’enseignement, différents mais comparables. En cela, il est destiné à contribuer à créer une culture éducative des langues partagée. Mais la matière verbale identifiée comme correspondant à ce niveau de compétence est présentée sous forme d’inventaires qui favorisent les catégories descriptives issues de l’approche communicative, à savoir celle de notion générale et celle de fonction (fonction discursive ou acte de langue), essentielle dans la conception du langage fondant l’approche communicative. De la sorte, ce sont les traits fondamentaux de l’approche communicative qui sont mis en circulation. La catégorie fonction va devenir rapidement l’identificateur de l’approche communicative dans le domaine du FLE où elle sera massivement utilisée dans les matériels d’enseignement. L’approche communicative de l’enseignement des langues se trouve pourtant correspondre, en large partie, à une nouvelle forme de demande sociale en langues. La compétence en langue étrangère étant passée, en certains lieux et pour certains groupes sociaux, du côté du capital professionnel; les utilisateurs attendent d’un enseignement qu’il leur permette d’acquérir un savoir-faire immédiatement ou rapidement réinvestissable. Ce phénomène se vérifie clairement pour les langues internationales, particulièrement pour l’anglo-américain dont on attend profit professionnel et réussite sociale. L’approche communicative raccourcit la distance vécue entre apprendre et utiliser. Ce réalisme est essentiellement traduit par: • l’emploi de supports authentiques ou présentant de la vraisemblance et de la pertinence sociale; • une organisation de la programmation linguistique au moyen de groupages de formes directement utilisables dans les échanges effectifs (notions générales, fonctions...) et non plus de catégories essentiellement formelles, enseignées séparément; • l’emploi de catégories compréhensibles par les apprenants parce que relevant de leur expérience communicative (se plaindre, remercier, s’excuser...) et non plus d’un métalangage grammatical (adjectif, complément d’object direct, anaphore...). • l’instauration d’une relation courte entre les formes de l’enseignement et celles de l’utilisation de la langue cible. Elle donne le sentiment aux apprenants qu’ils peuvent réinvestir, sans trop de délais, ce qui est enseigné dans les activités de communication réelle. Mais la diffusion de l’approche communicative a buté sur des résistances qui en ont parfois dénaturé les orientations. Certaines sont de nature technique/professionnelle. Par exemple, la grammaire de la communication, en particulier sous la forme d’analyse du discours, n’est pas aussi rassurante que la grammaire formelle, avec ses règles et ses exceptions attendues, portées par la tradition descriptive des langues. Ces facteurs agissent dans le sens d’un repli vers des interprétations formelles de la communication. Les perspectives ouvertes par l’approche communicative n’ont donc pas totalement pris en terrain globaliste. Les années passant et cette aproche étant banalisée par les formations d’enseignants ou les manuel d’enseignement du français, on a le sentiment que l’approche globaliste a absorbé l’approche communicative. Cette diversité évidente ne serait pas gênante, au contraire, si elle était le résultat de choix fondés. Mais elle semble plutôt être le produit d’une sorte de laisser-faire méthodologique généralisé, expression extrême de la méthodologie globaliste. Le Cadre de référence européen Le développement des échanges commerciaux, scientifiques et universitaires, l’augmentation des flux migratoires temporaires ou définitifs, l’impact des nouvelles technologies de la communication et les intentions politiques de créer des espaces géopolitiques ouverts créent chez les usagers de nouveaux besoins langagiers que la didactique des langues doit prendre en compte. L’initiative du CECR est née en 1991, au symposium de Rüschlikon (Suisse) dont la troisième des conclusions proposait: «il est souhaitable d’élaborer un Cadre européen commun de référence pour l’apprentissage des langues à tous les niveaux, dans le but (a) de promouvoir et faciliter la coopération entre les établissements d’enseignement de différents pays, (b) d’asseoir sur une bonne base la reconnaissance réciproque des qualifications en langues, 50 (c) d’aider les apprenants, les enseignants, les concepteurs de cours, les organismes de certifications et les administrateurs de l’enseignement à situer et à coordonner leurs efforts». Le CECR décrit, d’une part «ce que les apprenants d’une langue doivent apprendre pour communiquer» et il «énumère les connaissances et les habiletés nécessaires à un comportement langagier efficace» (dimension horizontale). D’autre part, il «définit les niveaux de compétence permettant de mesurer le progrès de l’apprenant à chaque étape de l’apprentissage et à tout moment de la vie» (dimension verticale). Et s’il «se veut aussi exhaustif que possible, ouvert, dynamique et non dogmatique, il ne peut prendre position dans les débats sur la nature de l’acquisition des langues et sa relation à l’apprentissage, pas plus qu’il ne saurait préconiser une approche particulière de l’enseignement». Les tâches et la perspective actionnelle Le CECR établit une continuité avec la méthodologie communicative et fonctionnelle dans la mesure où la dimension authentique des discours est mise en avant, mais également l’idée de tâches à accomplir dans l’utilisation ou dans l’apprentissage de la langue. Le couple texte/tâche est un des éléments clés de la perspective actionnelle développée dans le CECR. Le CECR préconise de suivre une perspective actionnelle puisque l’apprenant-utilisateur est considéré comme un acteur social qui évolue et agit dans un contexte social en accomplissant des tâches. C’est le contexte social, l’environnement qui, en établissant des contraintes, donne du sens aux tâches, aux actions de l’apprenant. Les activités langagières n’ont donc de sens que dans un contexte social. Le concept de tâche, tel qu’il est défini dans le CECR, met en avant l’idée d’un résultat identifiable auquel l’utilisateur/apprenant d’une langue étrangère va parvenir à travers des activités langagières qui mobilisent sa compétence communicative mais en utilisant également ses compétences générales et ses stratégies dans un domaine donné et dans une situation donnée. Ces éléments permettent un renouvellement des activités d’apprentissage en classe ou dans un cadre individuel: projet, échanges, réalisation collective ou individuelle. Cette façon de concevoir les activités d’apprentissage remet l’apprenant au centre du dispositif d’enseigement/apprentissage d’une langue étrangère pour plusieurs raisons: l’ensemble des compétences de l’individu est mobilisé et pris en compte, la compétence à communiquer langagièrement est vue comme un tout qui englobe langue maternelle et langues étrangères. Certains principes méthodologiques s’imposent donc naturellement: ne pas rejeter la langue maternelle, utiliser les capacités de l’apprenant dans le transfert d’une langue à l’autre, le placer dans des situations didactiques qui requièrent une attitude active mais également le recours à des compétences et des stratégies diversifiées. Le CECR, en choisissant de mettre au centre de l’usage et de l’apprentissage des langues étrangères la perspective actionnelle donne à la notion de tâche une importance particulière, car la réalisation de tâches est finalement l’aboutissement de toute activité langagière. Le terme «tâche» en didactique des langues a été et est utilisé avec différentes acceptions: on a associé dans un courant méthodologique tâche et résolution de problème, dans le terme tâche-problème, ce qui est sans doute la définition la plus restreinte. À l’inverse, la définition la plus large qui englobe toutes les activités d’apprentissage de la langue, est celle de M. Breen: «Le terme tâche est en somme supposé référer à un éventail de projets de travail qui ont globalement comme objectif de faciliter l’apprentissage d’une langue, depuis le simple et bref exercice jusqu’à des activités plus complexes et plus longues telles que la résolution de problèmes en groupe ou les simulations et les prises de décision». Les tâches dans la classe Il va de soi pour tous que le fait de travailler sur des tâches dans la classe facilite l’apprentissage puisque l’apprenant est placé dans des situations proches du réel et parce que, comme dans le communicatif, la réalisation de tâches en classe va permettre de les réaliser ensuite dans la vie quotidienne. Cela suppose que l’apprenant entre dans cette démarche didactique qui peut être problématique lorsqu’il n’a aucun contact à l’extérieur avec la langue qu’il apprend; par ailleurs, la simulation de la réalité n’est pas seule garante de l’apprentissage, il est concevable d’utiliser des tâches faisant appel par exemple à l’imaginaire et à la créativité. En outre, les tâches proposées dans la classe ne sont pas tout à fait identiques à celles de la vie car elles n’ont pas d’enjeu réel, la plupart du temps elles sont simulées, mais leur réalisation peut donner lieu à des interactions et des échanges comparables aux échanges réels. Par ailleurs, l’objectif de la tâche est double: c’est non seulement la tâche elle-même qui est visée mais également la correction de la langue utilisée pour la réaliser. La situation de double focalisation, inhérente à la classe de langue, conduit parfois à une dérive qui consiste à porter toute l’attention sur la langue, en oubliant le résultat, c’est donc un équilibre entre les deux pôles qui est nécessaire et une attention différenciée portée au résultat ou à la correction de la langue, objectif central dans les exercices. Les types de tâche Il est important de distinguer ce qui relève des tâches et ce qui relève des exercices; nous employons ce terme pour simplifier mais on pourrait dire également activités linguistiques; dans la définition qui suit, elles sont appelées «tâches de pré-communication pédagogique»; elles ont toujours comme objectifs la manipulation des formes. Le CECR distingue par ailleurs les tâches de simulation de la réalité et les tâches qui se fondent sur la communication dans la classe comme espace social. «Le CECR distingue trois catégories de tâches auxquelles participe l’apprenant: 1. les tâches «cibles», «de répétition» ou «proches de la vie réelle» choisies en fonction des besoins de l’apprenant hors de la classe ou du contexte de l’apprentissage; 2. les tâches de communication pédagogique fondées sur la nature sociale, interactive et immédiate de la situation de classe; les apprenants s’y engagent dans un «faire-sem- blant accepté volontairement» pour jouer le jeu de l’utilisation de la langue cible; ces tâches ont des résultats identifiables; 3. les tâches de pré-communication pédagogique constituées d’exercices spécifiquement axés sur la manipulation décontextualisée des formes.» Il est cependant évident que toute une série de tâches proposées en classe relève de la simulation du réel, nous sommes bien alors dans le «faire semblant accepté» comme règle pour apprendre la langue étrangère. Mais certaines tâches peuvent avoir un rapport étroit avec la réalité: comprendre un document sonore ou télévisé, avoir une conversation avec un autre apprenant sur une expérience personnelle... La perspective actionnelle implique davantage l’apprenant dans son parcours d’apprentissage mais le contraint à en modifier ses représentations. La principale cause de «résistance» face à la perspective préconisée est fortement liée aux représentations qu’ont certains apprenants et enseignants de l’apprentissage d’une langue. Les cultures d’apprentissage de nos apprenants sont très diverses puisque notre public est composé d’adultes entre 25 et 60 ans et qui ont pour la plupart déjà nappris une langue étrangère. Cependant aucun d’entre eux n’a vécu l’expérience de cette approche. Dans l’ensemble, la perspective actionnelle nous a apporté une dimension plus guidée par rapport aux approches communicatives et nous a ainsi permis de mieux appréhender et cadrer les besoins et les des apprenants. Il est pourtant légitime de se poser la question de savoir si l’apprenant sera à même de mobiliser ses compétences et les stratégies afférentes. Cette approche peut s’articuler dans la continuité des approches communicatives. En effet, alors qu’auparavant on utilisait les approches communicatives dans le but de communiquer, désormais on les utilise pour agir en réalisant des tâches ancrées dans un contexte social vraisemblable. «On connaît le mot de Georges Braque: «Il faut toujours deux idées. L’une pour tuer l’autre.» Je pense qu’il faut aller plus loin encore en DLC (Didactique des langues-cultures), pour y conserver disponibles non seulement la perspective de l’agir communicationnel (l’approche communicative) et celle de l’agir social (la perspective actionnelle du CECR), mais toutes les perspectives actionnelles antérieures. Cela me paraît nécessaire tout autant pour maintenir en permanence la possibilité d’une vision complexe -c’est-à-dire dynamique, enchaînant constamment différentes perspectives - que pour éviter à la dernière le destin qu’ont subi toutes les précédentes, celui d’opérer un «arrêt d’image automatique» imposant une vision unique et réductrice, ce que l’on appelle maintenant une «pensée unique». Je suis intimement persuadé que ce n’est qu’en maintenant ouvertes toutes les perspectives actionnelles possibles que pourra être construite cette «didactique complexe des langues-cultures» indispensable pour qu’enseignants de toutes cultures et traditions didactiques puissent être eux aussi, comme leurs apprenants, des co-acteurs à part entière de cette nouvelle «perspective de l’agir social». Christian Puren Bibliographie - Beacco, J-C. (2007), L’approche par compétences dans l’enseignement des langues. Paris, Didier. - Bérard, E. (1991), L’Approche communicative. Paris, Clé international. - Bérard, E. (2009), Les tâches dans l’enseignement du FLE: rapport à la réalité et dimension didactique. Recherches et applications. No. 45. LFDM Paris. Durietz, S. & Jérôme, N. (2009) Perspective actionnelle et approche basée sur scénario. Recherches et applications. No. 45. LFDM Paris. - Puren, C. (2209), Variations sur la perspective de l’agir social en didactique des langues-cultures étrangères. Recherches et applications. No. 45. LFDM Paris - Riba, P. (2009) Conception et validité de tâches évaluatives dans une perspective actionnelle. Recherches et applications No. 45. LFDM Paris. 51 ENSEIGNER LA FRANCOPHONIE À L´ÉTAT DE RORAIMA - QUELS DÉFIS? Maria Helena Valentim Duca Oyama (UFRR/ APFRR) A literatura negra toma como parte do corpus a História do povo negro vivida e interpretada do ponto de vista negro, propondo uma leitura transgressora da História oficial e escrevendo a história dos dominados. (Zilá Bernd) Enseigner la francophonie est une activité dont on peut se servir pour enrichir les cours de Français Langue Étrangère-FLE. Dans l´état brésilien Roraima, en Amazonie, on peut envisager l´enseignement de la francophonie à partir des projets interdisciplinaires en reliant la littérature brésilienne à la littérature francophone, en passant par la langue portugaise et la langue française mais aussi par l´interculturel, par des outils pédagogiques modernes. Le but de cette communication est de montrer l´approche utilisée pour l´enseignement de la francophonie surtout para la littérature, à un groupe d´élèves adolescents, dans deux écoles publiques de l´État de Roraima, dans le cadre d´un projet national - le PIBID (Programa Institucional de Bolsas de Iniciação à Docência) et du projet PIBID Interdisciplinaire Lettres - Français. Le projet PIBID est un projet brésilien soutenu par l´agence CAPES (Coordenação de Aperfeiçoamento de Professores do Ensino Superior) de valorisation des cours universitaires supérieurs au niveau de la licence, ayant le but de construire des connaissances theóriques, pratiques et méthodologiques, en visant la pratique pédagogique des étudiants, des futurs professeurs. Dans le cadre du PIBID Lettres Interdisciplinaire - Français, au Roraima, on vise à stimuler la pratique professionnelle à partir non seulement de la reconnaissance de la culture de l´Autre, dans une perspective multiculturelle, mais aussi de l´aide au processus de formation des professeurs de Français en construisant des projets interdisciplinaires. Cela met en oeuvre un partenariat entre le cours de Lettres-Français de l´UFRR et deux écoles de Roraima, Coema Souto Maior Nogueira et Antonio Ferreira de Souza, qui cherche à améliorer la qualité de l´enseignement aux enfants. Le PIBID Lettres Interdisciplinaire - Français met en valeur le lien entre la théorie et la pratique par l´étude de la culture et de la littérature afrodescendente, avec la collaboration des professeurs des deux écoles, choisis par la coordination générale du PIBID. De cette façon, on aide ces écoles à accomplir la Loi Fédérale 10.639/03 qui oblige les écoles du Brésil à diffuser des contenus sur la culture, l´histoire et la littérature africaines dans tout le territoire brésilien, auprès des élèves del´enseignement fandamental, ce qui est un défis dans un pays qui se veut métis mais qui a des épisodes de racisme et de discriminations liés à la peau des citoyens, surtout les cioyens afrodescendents. Les défis se trouvent dans l´objectif même du PIBID Lettres Interdisciplinaire - Français, quand on veut diffuser la littérature francophone à partir dês notion de littérature nègre et de 52 négritude dans les poèmes d´Aimé Césaire et de Léon Gontran Damas), chères aux Caraïbes/Antilles. Enseginer La langue française au nord du Brésil est déjà un grand projet, ce qui rend l´objectif d´enseigner la literature francophone un projet de plusieures dimentions. LES ACTIONS DEVELOPPÉES PAR LE PROJET LETTRES-FRANÇAIS: - étude de la langue française au niveau élémentaire; - étude sur la contribution des mouvements de valorisation de la culture et de la litterature nègre aux Antilles; - étude des poemes d´Aimé Césaire et de Damas. LES RÉSULTATS ATTENDUS: - le savoir-faire des élèves pour arriver à la compréhension des poèmes présentés; - l´autonomie des étudiants/boursiers et l´acceptation de l´école comme un espace de construction continue, en respectant l´Autre; - diffusion des poèmes francophones antillais; - stimuler les débats pour comprendre la notion de préjugé/racisme contre l´afrodescendent à l´école et hors l´école. RÉFÉRENCES BERND, Zilá. A questão da negritude. São Paulo, Brasiliense, 1984. Col. Qualé. Introdução à literatura negra. São Paulo: Brasiliense, 1988. O que é negritude. São Paulo: Brasiliense, 1988. (Col. Primeiros Passos) OYAMA, M.H.V.D. Édouard Glissant e o Pós-Colonial. São Paulo: FFLCH, 2009. (Dissertação/Mestrado) O Haiti como locus ficcional da identidade literária caribenha: olhares transnacionais em Césaire, Glissant e Alejo Carpentier. Niterói: Intituto de Letras, 2009. (Tese/Doutorado) UNE ÉTUDE DES THÈMES DU FANTASTIQUE DANS MELMOTH RÉCONCILIÉ, RÉCIT D’HONORÉ DE BALZAC Gabriela Jardim da SILVA / Henriete KARAM doctorante en littérature française à l'UFRGS / enseignante à l’UCS INTRODUCTION Élaboré dans le cadre d’un projet de thèse portant sur la littérature fantastique française du XIXe siècle, ce travail vise à se pencher sur les thèmes du fantastique figurant dans Melmoth réconcilié, récit d’Honoré de Balzac. Melmoth réconcilié est-il en fait un récit fantastique? MELMOTH RÉCONCILIÉ D’HONORÉ DE BALZAC Melmoth réconcilié est une nouvelle d’Honoré de Balzac publiée en 1835. Pour rédiger son récit, Balzac s’est inspiré du Melmoth the wanderer (1820) de Charles Maturin. Dans Melmoth réconcilié, au moment de s’enfuir de Paris avec de l’argent volée de la banque où il travaille, Castanier connaît John Melmoth. Ce dernier est une sorte de démon possédant des pouvoirs surnaturels. Épuisé d’en être bénéficiaire, il décide de transmettre ses dons à Castanier en échange de l’âme de celui-ci: le caissier hésite face à la proposition de l’étranger, mais, puisque Melmoth le menace, le pacte satanique est accompli. L’Anglais se débarrasse, par conséquent, de sa malignité et atteint une réconciliation avec le Divin. Quant à Castanier, il profite de sa toutepuissance, mais il se rend compte tôt qu’avoir de tels dons l’écarte du Divin et l’empêche de rejoindre l’Inconnu. MELMOTH RÉCONCILIÉ ET LE FANTASTIQUE L’histoire se produit dans la vie ordinaire d’un caissier d’une banque de Paris dans la première moitié du XIXe siècle. Autrement dit, l’ancrage dans le réel, aperçu par le moyen des rapports spatio-temporels et de la représentation d’un type social trivial, fait voir un décor réaliste qui ne se distingue guère des récits du réalisme stricto sensu de Balzac. Cette insertion de l’insolite dans un cadre réaliste est, d’après Gilbert Millet et Denis Labbé, 2 l’une des formules du fantastique: Le fantastique ne peut fonctionner qu’avec l’assentiment du lecteur qui doit accepter de se laisser entraîner dans ce train fantôme, autorisant ainsi le narrateur à lui faire peur et à le déstabiliser. Pour cela, il faut qu’il puisse y croire, qu’il ait au moins l’impression de se retrouver face à un univers familier ou d’apparence familière. Le réel est donc, en apparence du moins, la base de tout récit fantastique (2005, p. 11). En outre la rupture de l’ordre reconnu comme tangible dans le monde empirique, nous constatons dans Melmoth des thèmes qui peuvent être attribués au fantastique, comme la présence d’un démon et le pacte. Le rituel du pacte n’est pas décrit dans le récit, bien que le moment où Melmoth transmet ses pouvoirs à Castanier soit évident. Après avoir subi cette métamorphose diabolique, il ne reste à Castanier que tirer des avantages de sa nouvelle condition, comme profiter de l’extrême jouissance des sens, c’està- dire la jouissance sexuelle sans limites: il voulut une bacchanale digne des beaux jours de l’empire romain, et s’y plongea désespérément comme Balthazar à son dernier festin [...] En puisant à pleines mains dans le trésor des voluptés humaines dont la clef lui avait été remise par le Démon, il en atteignit promptement le fond (2012, p. 51). Nous nous trouvons ici vis-à-vis de la sexualité dans un état superlatif qui est, selon TzvetanTodorov, l’un des thèmes du fantastique (1976, p.146). Melmoth réconcilié peut-il être considéré comme un récit fantastique? D’après nous, la réponse est «oui». Il faut, cependant, en souligner ses limites, étant donné que ce choix est en accord avec une position théorique. Si nous prenons à la lettre la définition de «fantastique» de Todorov, nous serons dans le doute sur le caractère fantastique de Melmoth: Le fantastique occupe le temps de [l’]incertitude; dès qu’on choisit l’une ou l’autre réponse [il s’agit d’une illusion ou il s’agit d’une réalité régie par des lois inconnues de nous], on quitte le fantastique pour entrer dans un genre voisin, l’étrange ou le merveilleux. Le fantastique, c’est l’hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un événement en apparence surnaturel (1976, p.29). Le critère de l’hésitation n’est pas adéquat pour cerner Melmoth comme un récit fantastique, parce que, après avoir observé les entreprises dont Melmoth est capable, l’hésitation de Castanier disparaît. De ce point de vue, nous 3 concevons que, chez Todorov, Melmoth réconcilié pourrait être un ouvrage orienté plutôt vers le merveilleux. D’un autre côté, il y a un groupe de théoriciens du fantastique suivant, avec des variations, la formule qui a été proposée par Pierre-Georges Castex dans Le Conte fantastique en France: Le fantastique, en effet, ne se confond pas avec l’affabulation conventionnelle des récits mythologiques ou des féeries, qui implique un dépaysement de l’esprit. Il se caractérise au contraire par une intrusion brutale du mystère dans le cadre de la vie réelle (1994, p. 8). Ce que Castex met en cause est l’idée que le fantastique est déterminé par une sorte de bouleversement de ce qu’il nomme «la vie réelle», c’est-à-dire ce qui pourrait être plausible dans la vie réelle. Cette définition, moins stricte que celle de Todorov, rapproche Melmoth du fantastique. Castex est, au surplus, sûr et certain que le récit des mésaventures du caissier appartient au genre du fantastique: il prétend que «ce conte [parmi ceux de Balzac] répond plus que tout autre à la définition du genre du fantastique, puisqu’un héros fabuleux s’y trouve intimement mêlé à une réalité familière» (1994, p.210). EN GUISE DE CONCLUSION Dans cette étude, nous avons montré, d’abord, que le décor réaliste représenté au début de Melmoth est la base pour que «l’effet fantastique» se produise. Ensuite, en accord avec quelques savants qui se sont adonnés à l’étude des thèmes du fantastique, nous en avons établi trois dans Melmoth: la présence d’un démon, le pacte et la sexualité dans un état superlatif. Finalement, Melmoth réconcilié peut être considéré, malgré de possibles dissonances théoriques, comme un récit fantastique. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES BALZAC, H. Melmoth réconcilié. Paris: Berg International, 2012. CASTEX, P-G. Le conte fantastique en France: de Nodier à Maupassant. Paris: José Corti, 1994. MILLET, G.; LABBÉ, D. Le Fantastique. Paris: Belin, coll. «Sujets», 2005. TRITTER, V. Le Fantastique. Paris: Ellipses, coll. «Thèmes & études», 2001. TODOROV, T. Introduction à la littérature fantastique. Paris: Seuil, coll. «Points», 1976. 53 LES LOCUTIONS IDIOMATIQUES DANS OMPHALE, CONTE DE THÉOPHILE GAUTIER: COMMENT LES TRADUIRE? JARDIM DA SILVA, Gabriela - PONGE, Robert doctorante en littérature française à l'UFRGS / enseignant à l’UFRGS Introduction Inscrite dans le cadre du groupe de recherches, dirigé par Robert Ponge, se consacrant à l’examen des difficultés de compréhension et de traduction du FLE en portugais, cette étude vise à répertorier trois expressions idiomatiques observées dans Omphale, histoire rococo (1834), conte de Théophile Gautier, et à réfléchir sur leur traduction en langue portugaise. Difficultés de compréhension et de traduction du FLE: brève présentation du projet Notre projet de recherches poursuit deux objectifs: 1) l’objectif théorico-descriptif veut organiser une classification des principaux types de difficultés de compréhension et de traduction ainsi que décrire les spécificités de chacun d’eux. Pour élaborer une liste de ces types de difficultés, nous avons examiné la bibliographie sur le sujet; 2) l’objectif pratico-didactique vise à produire un glossaire dont les articles se rapportent aux nombreuses difficultés concrètes de compréhension et de traduction du FLE en portugais brésilien. Les locutions idiomatiques: un type de difficulté de compréhension et de traduction du FLE En raison de leur imprévisibilité en ce qui concerne la forme (caractéristique syntaxique) et, surtout, parce que le sens de la locution n’est pas déductible de la somme de ses éléments constitutifs (caractéristique sémantique), il nous est permis d’affirmer que les locutions idiomatiques représentent très souvent une difficulté de compréhension et de traduction du FLE Au niveau de la compréhension, parce que leur «significação não é dedutível dos significados das palavras que a compõem e que geralmente não pode ser entendida ao pé da letra» (HOUAISS, 2009, p. 860). Au niveau de la traduction, la difficulté concernant les locutions idiomatiques se présente, tout d’abord, à cause de l’impossibilité de reconnaître à première vue son vrai sens, mais aussi parce qu’il est peu facile (parfois impossible ou presque) de trouver une locution idiomatique équivalente. Trois locutions idiomatiques dans Omphale: «faire ventre», «noircir du papier» et «être pour quelque chose» Un examen préliminaire d’Omphale nous a permis d’y relever une dizaine de locutions idiomatiques environ. Pour le présent travail, nous en avons choisi trois que nous avons étudié en suivant leur ordre de parution dans le texte de Gautier: «faire ventre», «noircir du papier» et «être pour quelque chose». Nous les avons analysées en procédant d’abord à des recherches sémantiques dans des dictionnaires de la langue française et dans des dictionnaires français-français d’expressions idiomatiques (voir la bibliographie). Deuxièmement, nous avons recensé les diverses traductions offertes par des dictionnaires bilingues français-portugais (idem). Il nous a fallu aussi vérifier dans des dictionnaires de référence de la langue portugaise (idem) si les traductions trouvées dans les dictionnaires bilingues existent vraiment, quelles sont leurs acceptions, leurs emplois, leur registre et si elles sont usuelles en portugais brésilien. Finalement, nous nous sommes employés à offrir une traduction appropriée à chacune des trois locutions en prenant en compte leur registre et le contexte de leur réception. Parmi les possibilités de solution trouvées, nous avons choisi, à titre provisoire, celles figurant ci-dessous: Traduction Extrait d’Omphale «Les murs faisaient ventre; de larges plaques As paredes arqueavam-se; largas placas de de crépi s’étaient détachées et gisaient à terre reboco haviam se destacado e repousavam no chão entre as urtigas e a aveia-doida [...]. entre les orties et la folle avoine [...]». (p.103) «[...] tous ces petits grimauds qui se mêlent de [...] todos esses escrevinhadores que se metem noircir du papier et parlent irrévérencieuse- a borrar papel e falam irreverentemente das pessoas de estirpe. ment des personnes de qualité». (p.106) «Je me hasardai à regarder du côté d’Omphale, Arrisquei-me a olhar na direção de Ônfale, soupçonnant confusément qu’elle était pour suspeitando confusamente que, de algum modo, ela tomava parte em tudo isto. quelque chose dans tout cela». (p.108) 54 En guise de conclusion Dans cette étude, nous avons signalé les raisons pour lesquelles les locutions idiomatiques représentent l’un des types de difficultés de compréhension et de traduction du FLE. Pour rendre notre réflexion moins abstraite, nous sommes passés à trois exemples de locutions idiomatiques dans Omphale, dans le but de réfléchir sur quelques possibilités de traduction en prenant en compte leur registre et leur réception. Références bibliographiques BURTIN-VINHOLES, S. et alii. Dicionário Francês-Português/Português- Francês. Porto Alegre: Globo, 1972. Dictionnaire de l’Académie française. 8ème et 9ème ed. Disponible sur internet à: http://atilf.atilf.fr/academie.htm CAMPOS, A.M., Dicionário francês-português de locuções. Belo Horizonte: Tessitura, 2011. CARVALHO, O.C., Dicionário Porto. Porto: Porto Editora, s.d. FERREIRA, A. Buarque de Holanda. Novo dicionário da língua portuguesa. 3ª ed. Curitiba: Positivo, 2004. GAUTIER, Théophile. «Omphale, histoire rococo». In: GAUTIER, Théophile. Récits fantastiques. Paris: Flammarion, 2007. p. 102-113. HOUAISS, Antônio. Dicionário Houaiss da língua portuguesa. Rio de Janeiro: Objetiva, 2009. PONGE, Robert. “As dificuldades de compreensão e tradução do francês para o português”. Projeto de pesquisa. Porto Alegre: Instituto de Letras/UFRGS. 1a versão: 2005. 2a versão, revista e corrigida: 2010. Inédito. REY, A.; CHANTREAU, S. Dictionnaire des expressions et locutions. Paris: Dictionnaires Le Robert, 2003. ROBERT, Paul. Le Nouveau Petit Robert. Paris: Dictionnaires Le Robert, 2008. RÓNAI, P. Dicionário Francês-Português/Português-Francês. Rio de Janeiro: Nova Fronteira, 2004. SILVA, Gabriela Jardim da. Um estudo sobre os idiomatismos. Mémoire de licence ès lettres. Directeur de recherches: Robert Ponge. Porto Alegre: Université fédérale du Rio Grande do Sul (UFRGS), 2009. Trésor de la langue française informatisé. Disponible sur internet à: http://atilf.atilf.fr/tlf.htm. VALDEZ, J.F. Dicionário Francês-Português/Português-Francês. Rio de Janeiro: Garnier, 2000. Le thème de l’environnement dans l’élaboration des manuels pour l’enseignement du FLE WAGLE, Anuradha, Inde Les manuels locaux, élaborés pour apprendre le français dans la région du Maharashtra, s’appuient sur les conditions générales fournies par le gouvernement. Mon propos est de réunir les thèmes de l’environnement,des langues et de l’enseignement du Français langue étrangère dans la région du Maharahtra,d’où je viens.Dans un pays aussi vaste que L’Inde où la diversité est ahurissante, Il serait difficile d’évoquer une seule réalité. Je ferai donc un parcours général de la richesse environnementale, linguistique et humaine en Inde à travers les différentes communautés, de la présence française en Inde, de la situation de l’enseignement du FLE dans notre région, enfin une présentation globale des manuels élaborés pour l’enseignement secondaire. La richesse environmentale,linguistique et humaine: L’Etat du Maharashtra a une superficie de 307,714 kms² avec une population d’environ 112,4 million d’ habitants. Des 18 centres écologiques “BiodiversityHotspots”répertoriés dans le monde,deux se trouvent en Inde: Les Himalayas. Les “Western Ghats” dans le Maharashtra forment une chaîne de montagnes en pierre volcaniques qui traverse quatre états du nord au sud de L’Inde. L’UNESCO les a classés “patrimoine mondial” car si un pays perd sa biodiversité elle risque de perdre non seulement sa richesse mais aussi son avenir. Le Maharashtra est aussi un état riche en lieux sacrés protégés nommés «Sacred Groves» très souvent pour des raisons religieuses car ils sont consacrés aux déesses protectrices de communautés qui les vénèrent. Ces conservatoires forestiers de la nature au nombre de cinq mille ou plus sont riches en plantes médicinales et en espèces rares indigènes. La population locale les respecte par crainte de Dieu. La vie y est liée aux mythes et aux légendes qui jouent un rôle important dans la vie sociale. Le Maharashtra occupe le troisième rang pour le nombre de lieux sacrés protégés. Avec ses 800 kms de côtes il est aussi riche en mangroves. Une nouvelle loi leur a accordé le statut des forêts protégées. On y trouve une grande variété de vie marine et elles servent aussi de lieux de nidification pour les oiseaux migrateurs. C’est pourquoi entre autres, le thème de L’environnement est primordial dans l’enseignement et étroitement lié au programme non seulement des écoles mais des universités. L’Inde a une riche tradition linguistique. Selon un sondage mené par “People’s Linguistic survey of India- (PLSI ) terminé cette année, en 1961 Il y avait 1100 langues. Presque 220 ont disparu dans les 50 dernières années. Ces langues perdues étaient toutes parlées par les nomades, partout en Inde. Le Maharashtra occupe le troisième rang pour le nombre de langues parlées, soit 46 langues. (Il est intéressant de remarquer que la richesse linguistique est plus grande dans les régions riches en lieux sacrés) Arunachal Pradesh -90 Langues Assam -55 Langues Maharashtra-46 Langues. La première place est occupée par l’ ArunachalPradesh, à l’est de L’Inde , avec 90 langues, suivi de l’Assam avec 55 langues. En 1971, un sondage se limitant aux langues parlées par au moins 10.000 personnes présente une liste de 108 langues, selon une enquête menée en 2001 par le Deccan College. 96% de la population Indienne ne parle que 4% des langues Et 4% de la population parle 96% des langues indigènes. En général, tout le monde parle au moins deux langues indiennes: la langue régionale ou maternelle et la langue dite nationale, le Hindi. Il faudrait ajouter ici que le cinéma indien qui fête son centième anniversaire cette année utilise largement le Hindi. Les chiffres de ces enquêtes révèlent que dans les 50 dernières années, s’est produit un appauvrissement non seulement de l’environnement, mais aussi du nombre de langues. Le mal perpétré à l’encontre de l’environnement trouve un écho dans les langues. La Présence française en Inde: L’Inde française regroupe différentes possessions coloniales entre 1668 et 1954. Pondichéry, Karikal,Yanaon sur la côte de Coromandel (la côte est), Mahé , sur la côte de Malabar (côte ouest)et Chandernagor au Bengale (à l’ est de L’Inde) Aujourd’hui on pourrait dire qu’il existe en Inde un million d’étudiants qui apprennent le français et cinq mille professeurs. Un sondage est envisagé par L’Ambassade de France. La situation de l’enseignement du FLE: Dans l’enseignement du FLE, il convient de tenir compte de différentes réalités: milieu urbain/ rural, favorisé /défavorisé, écoles en milieu urbain où l’anglais est la langue d’instruction, écoles où tout l’apprentissage s’effectue en langues indiennes. Le FLE est enseigné dans les écoles de grandes villes comme Mumbai,Pune, Nagpur, Nashik, Kolhapuretc et aussi dans celles où l’anglais est la langue d’instruction. Le FLE est enseigné dans les écoles qui appartiennent aux différents «Boards», chaque «Board» ayant son propre curriculum, programme d’enseignement et d’évaluation. CBSE-Central Board of Secondary Education ICSE-Indian certificate of Secondary Education IGCSE-International General Certificate of Secondary Education. IB International Baccalaureat SSC- Secondary SchoolCertificate (Manuels elabores pour les ecoles par le gouvernement du Maharashtra -(«le Français, c’est fun» «le Français c’est un atout» «et «le Français, c’est un passe- partout») 55 Les manuels «Le Français, C’est un Atout» et «Le Français C’est un passe- partout» s’adressent à un public de jeunes adolescents de SSC. Le Français est une option de 50 points partagée avec une autre langue indienne à partir de la huitième classe (13 ans) jusqu’à la dixième. Environ 5000 élèves utilisant ces manuels se présentent pour un examen d’Etat de dixième classe. Pourquoi le français? Le Français est la langue étrangère la plus enseignée jusqu’à aujourd’hui.Cela pourrait changer à cause de la forte concurrence de l’Allemand et de l’informatique qui sont offerts en option, ainsi que d’autres langues comme le Russe et le Japonais. Les raisons d’apprendre le français sont nombreuses. Cette langue est utile pour trouver un emploi dans les multinationales, pour faire des études supérieures à L’étranger, pour gagner de bonnes notes à l’examen. On peut évoquer d’autres raisons comme le plaisir d’apprendre une nouvelle langue, différente des langues indiennes, la richesse d’ une ouverture sur une autre culture, ou simplement se faire remarquer par les autres, gagner un nouveau statut sur leur profil WHATS APP. Pourquoi un nouveau manuel? Les cours durent à peine trente minutes, trois fois par semaine, et encore moins si l’on prend en compte le temps de déplacement des profs d’une classe à l’autre, l’appel, le temps nécessaire pour capter l’attention des élèves, et les cours perdus à cause des activités extra scolaires. Cela varie environ de 36 h à 54 heures par an, selon les écoles. Le public dans une classe de langue est très hétérogène, en raison de l’environnement social et familial,des langues maternelles,de la culture …. Le grand éloignement géographique des pays où la langue est parlée ne favorise pas la création de situations concrètes et vécues de dialogues et de paroles, tant pour les élèves que pour les enseignants. Le niveau des enseignants n’est pas toujours très élevé car ils doivent enseigner plusieurs matières. Le coût du manuel doit être à la portée des tous, environ un dollar ou un petit peu plus, c’est-à-dire de 69 à 89 roupies. IL doit être conforme aux consignes de l’Etat dans toutes les matières. La presentation du manuel: Je cite ici quelques paramètres présents dans l’élaboration du manuel: 1 Valorisation de sa propre culture. 2 Ouverture sur les autres cultures. 3 Respect des aînés et des traditions culturelles. 4 Thème de l’environnement. Tous les manuels, quelle que soit la matière, s’ouvrent sur ces pages: - Le préambule de la constitution fondée sur les principes de justice,liberté, égalité et fraternité. -L’ hymne national, qui a été récemment voté le meilleur au monde par L’UNESCO . - «The Pledge»: L’engagement. La promesse de s’engager à garder l’unité dans la diversité. Le grand défi qui se pose au professeur c’est de retenir l’intérêt des étudiants.Avant tout, il s’agit de capter et de retenir l’intérêt d’un élève. A cette fin, les choix des thèmes ont été pensés très judicieusement.Il s’agit egalement de la pédagogie de grands groupes-les classes ayant souvent un effectif de 40 à 60 élèves. Nous vivons dans un monde visuel .Les images colorées et les dessins vifs prennent en compte l’importance du visuel chez les élèves. La partie ludique du livre c’est la PAUSE-CAFÉ avec des devinettes, des blagues, des proverbes à deviner. 56 Néanmoins on est loin d’être parfait. Il reste bien de choses à modifier -par exemple- modification de la forme d’evaluation qui reste trop basée sur la grammaire ,formulation des exercices plus interactifs et moins gramaticaux.Il faudrait également un allègement du programme .Bref on devrait arriver à un programme qui aurait moins de quantité et plus de qualité”. Enseignement de l'oral et formation initiale et continue des enseignant(e)s de FLE en Amapa (Brésil): quelle place pour la réflexivité? SOUZA DOS SANTOS GOMES, Ivanete Maria Enseignante au Centre d'Etat de Langue et Culture Française Danielle Mitterrand (Macapa-Amapa-Brésil) Doctorante à l’Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 – DILTEC (EA 2288) [email protected] Introduction La position géographique de l’Amapa, état frontalier de la Guyane Française avec le fleuve Oyapock et les accords signés entre la France et le Brésil pour la promotion du français et du portugais justifient les politiques de diffusion du français en Amapa. Dahlet (2009: 171) met en exergue le choix significatif du français dans quelques systèmes scolaires brésiliens, y compris celui de l’Amapa. Selon Baldwin (2010: 215), la présence brésilienne en Guyane commence à se faire remarquer à partir des années 60. Néanmoins, malgré cette proximité entre Guyanais et Amapéens, nombre d’etudiants amapéens ne maîtrisent pas la conversation en français. Voici le problème qui m’a poussée à en intéroger la DDL (la Didactique des langues) et d’autres sciences. Cette étude sur la formation de professeurs de FLE (Français langue étrangère) fait donc suite à une réflexion que j’ai entamée il y a onze ans sur le rôle des interactions verbales dans la construction du discours en contexte d’enseignement du FLE à Macapá (capitale de l'Etat brésilien de l'Amapa). En 2009, j’y ai ajouté une réflexion sur la formation et l’autoformation (cf. Gomes, 2006 et 2009). De nos jours, j’efféctue une recherche doctorale dans le but de décrire les parcours de formation professionnelle de ces enseignants. Depuis 2012, je m’appuie sur des travaux du groupe IDAP (Interactions Didactiques et Agir Professoral) attaché au centre de recherche DILTEC (Didactique des langues, des textes et des cultures) de l’Université Sorbonne Nouvelle pour mes analyses sur la pensée enseignante. La présente contribution se prête à en présenter quelques résultats. Réflexivité et autonomie dans la formation des enseignants FLE: les apports des entretiens d’autoconfrontation Je limite mon terrain d'investigation à trois établissements, y compris l’UNIFAP (Université Fédérale de l’Amapa), où j’intérroge la formation initiale. D’après Causa (2007: 169), «la formation initiale est le lieu privilégié dans lequel le futur enseignant construit ses savoirs, ses pratiques et son identité professionnels». En me guidant d’observations, d’enregistrements et d’analyses de cours, j’ai identifié des difficultés chez nombre d’éléves pour interagir en langue-cible, mais aussi chez quelques professeurs. En plus, ces enseignants ont des difficultés pour saisir les occasions où les apprenants essayent de parler plus librement. D’après Cicurel, dans la planification, il y a toujours le risque de déplanification: «des résistances ou, de toute manière, la parole d’un autre» (2011: 124). Pour en faire face, il manque encore aux professeurs et futurs professeus amapéens une formation avec des visées réflexives. Lousada (2009) montre, par exemple, l’importance de l’analyse des discours du rapport de stage comme thermomètre d’un cours et comme outil de réflexion sur son action pour les futurs professeurs. Bertocchini et Costanzo (2008: 41) proposent une démarche réflexive dans formation des enseignants et avancent que toutes les formations doivent envisager à l’autonomie. Les entretiens d’autoconfrontation sont aussi un lieu privilégié de réflexion chez les enseignants en formation et les enseignants expérimentés. Cet outil aide le chercheur, le conseilleur pédagogique et les formateurs de formateurs à dévoiler la pensée enseignante, c’est-à-dire, la riche activité mentale qui se trouve derrière les actions du professeur au moment où t-il efféctue l’agencement des interactions (Cicurel et Aguilar, 2014: 7). L'analyse des verbalisations résultantes de ces entretiens aident à connaître le répertoire du professeur sur son action, ainsi que les stratégies dont il a recours dans l'interaction pour accomplir ses objectifs vis-à-vis les contenus travaillés. En plus, ce retour de l’enseignant sur son action (Cicurel, 2011) lui donne l'occasion de s'autoformer. Dans mes recherches actuelles, j’ai recours aux séances d’autoconfrontation pour être à même d’interpréter les interactions didactiques. A partir d'observations et filmages de cours et postérieurs entretiens d’autoconfrontation proposées à l’enseignant, je l’invite à verbaliser sur ses actions. Les transcriptions de verbalisations me fournissent nombre de pistes pour mon travail. Voici ensuite trois extraits d’une de ces séances que j’ai organisées. Il s’agit d’un entretien d’autoconfrontation réalisé en avril 2013 auprès de l’enseignante A, travaillant dans la licence de Lettres/Français de l’UNIFAP. Extrait 1 donc ça c'est un point que je trouve aussi intéressant je trouve un point positif parce que je donne au même temps que moi en tant (...) que formatrice (...) j'interagis avec eux je donne l'occasion pour que les apprenants interagissent entre eux aussi Extrait 2 j'ai remarqué et à mon avis c'est un point négatif c'est justement la disposition des tables comme la classe elle a vingt-quatre élèves et ce jour-là il a manqué beaucoup d'étudiants donc j'ai remarqué que (...) d'un côté il y en avait un groupe de l'autre côté il y avait d'autre (...) j'insiste mais c'est il est difficile (...) disposer bien les chaises (...) pour que (...) l'interaction se passe bien Extrait 3 bon j'ai bien aimé ce type de travail car je n'avais jamais observé (...) ma classe y donc là c'est (...) une expérience formidable pour moi donc en tant que formatrice (...) car j'ai eu l'occasion de mi (sic) voir (...) donc cette autoconfrontation m'a beaucoup m'a fait réflechir sur ma pratique (...) et si on à à partir d'aujourd'hui je pense il y a des choses qui certainement je vais changer (...) dans ma salle de classe je vais modifier par exemple ma façon d'organiser les tables pour que cela puisse améliorer l'interaction En interprétant ces extraits à la lumière des analyses de Cicurel (2014: 91, 93-95), on peut remarquer que les verbalisations de l’enseignante cherchent à donner un sens à ses actions par le biais de l’introspection/la rétrospection/la prospection: elle se tourne vers son activité mental (introspection) et se remémore des actions (rétrospection) pour en expliquer les motifs. La prospection (les tentatives de modéliser l’activité mental) peut être observée dans l’extrait 1, quand A affirme qu’«en tant que formatrice» de professeurs, elle donne l’exemple de comment organiser l’interaction en classe. Dans les extraits 1 et 2, l’enseignante formule un jugement positif et un autre négatif sur sa façon de faire la classe. Dans le troisième extrait, elle parle clairement de sa satisfaction d’avoir eu cette oportunité de se regarder dans ce «miroir» (Cicurel, 2011) qui est le visionnage de son cours et de pouvoir prendre le recul nécessaire pour une autocritique. Conclusion A travers cette étude, j’ai voulu montrer mes soucis par rapport la formation initiale et continue des professeurs et futurs professeurs amapéens de FLE, qui ne disposent pas 57 toujours d’outils de formation pour bien jouer leur rôle de médiateurs dans les interactions. J’ai voulu aussi mettre en évidence ce mécanisme d’investigation très peu répandu encore en DDL (Cicurel et Aguilar, 2014: 13): l’analyse de la pensée enseignante aidée des autocommentaires de l’enseignant. Bref, je me suis donnée par but de montrer la valeur formatrice du dispositif de l’autoconfrontation qui favorise le processus d’autonomisation de l’enseignant par la prise de conscience de ses points forts et faibles et par la recherche des moyens pour combler ces derniers. Bibliographie BALDWIN E. (2010), «Olhares cruzados sobre a imigração brasileira para a Guiana francesa: novas representações identitárias?», Synergies Brésil, Le Brésil et ses langues: perspectives en français, numéro spécial 1, p. 209-222. BERTOCCHINI P. et COSTANZO E. (2008), «Pour une démarche centrée sur l’enseignant», Le français dans le monde, nº 360, Paris, Clé Internacional, p. 38-41. CAUSA M. (2007), «Un outil pour apprendre à se former: le journal de formation», Le français dans le monde, Recherches et applications, n° 41, p. 169-179. CICUREL F. (2011), Les interactions dans l’enseignement de langues. Agir professoral et pratiques de classe, Didier, Paris. CICUREL F. (2014) , «Pensée en action/pensée sur l’action», Le français dans le monde, Recherches et applications, n° 56, p. 83-100. CICUREL F. et AGUILAR J. (2014), «Quelle place pour la pensée des enseignants dans le champ de l’enseignement du français ?, Présentation», Le français dans le monde, Recherches et applications, n° 56, p. 7-13. DAHLET P. (2009), «Le Brésil entre ses langues: relances du français», Synergies Brésil, Le Brésil et ses langues: perspectives en français, nº 7, 169-175. GOMES I. M. S. S. (2006), Dynamiser l’Apprentissage de la Production Orale en Classe de FLE: la Perspective Interactive, Mémoire (D.E.A, option Sciences du Langage et Didactique des Langues), Université Antilles-Guyane, Martinique, Universidade Federal do Para, Belém. GOMES I. M. S. S. (2009), Interação verbal e ensino de uma competência discursiva oral em turmas de Francês Língua Estrangeira de Macapá, Dissertação (Mestrado em Linguística), Universidade Federal do Para, Belém. LOUSADA E. G. (2009), «Retour sur les pratiques: rapport de stage et planification de formation». Synergies Brésil, Le Brésil et ses langues: perspectives en français, nº 7, p. 129-139. La créativité littéraire en contexte universitaire à l’aide de la technologie? CANSIGNO, Yvonne, Université Autonome Metropolitaine-Azcapotzalco/Mexique Actuellement, l'importance des Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) dans le domaine éducatif a un impact sur toutes les activités de l'individu, qu'il s'agisse de travail ou de recherche ou d’activités personnelles. Chaque jour, les contenus éducatifs en ligne se multiplient et ont plus de pertinence dans la promotion de l’apprentissage virtuel et de la culture. Tout au long des différentes approches méthodologiques dans l’enseignement et l’apprentissage des langues, l’écriture constitue un outil de communication essentiel, non seulement dans le domaine académique mais aussi dans la vie quotidienne. Il est important que les étudiants développent de solides compétences scripturales dans le cadre de leurs études universitaires. L’écran prévoit un menu facile à manipuler: Créativité littéraire1 propose d’aider à écrire à l'aide des TIC. C’est un dispositif qui permet de se rendre sur des sites Internet, de parcourir un chemin et découvrir la beauté et l’application des genres littéraires et ouvre la possibilité que l’apprenant exprime ses expériences, ses sentiments et ses besoins. L’accès à la littérature grâce aux TIC est un oasis à la demande et illustre des aspects festifs, historiques, artistiques et linguistiques. À cet égard, l’apprenant a le choix de manipuler les textes qui s'adaptent à ses intérêts bien que l'information sur Internet soit incommensurable. Créativité littéraire stimule l’imagination, propose d’utiliser de nombreux logiciels, tels que Adobe Première, Photoshop et PowerPoint, conseille d’appliquer des correcteurs et de donner aux oeuvres une dimension visuelle ou auditive. Il s’agit de favoriser la capacité et la possibilité de chaque apprenant à lire et s’exprimer par écrit en français. Avec l'intégration des TIC, l'apprenant est placé dans un environnement d'apprentissage interactif qui lui permet de développer ses propres initiatives dans le processus d'apprentissage de l’écrit et de s'adapter aux nouvelles façons de comprendre cette pratique. Il sera face au défi d'utiliser la technologie de l'information et de la communication et de vivre des situations cognitives de vie utiles en autonomie. Le travail à réaliser est prévu par objectifs: linguistiques, communicatifs et interculturels. Il ne suffit pas de mettre les apprenants en difficulté, mais il faut leur donner des outils et des supports pour parvenir à travailler au mieux leurs activités d’apprentissage (adresses électroniques, schémas, exercices linguistiques, dictionnaires, correcteurs). Il nous semble important de présenter quatre phases de travail pour réaliser les activités à l’écrit: la sensibilisation, l’appropriation, l’exposition et la production. Pendant chaque étape, l’utilisateur doit être capable de chercher des informations et des documents, choisir le(s) texte(s) qui l’intéresse et s’entraîner à s’exprimer à l’écrit. Parmi les activités proposées, il peut raconter la même histoire vue par différents personnages, changer l'époque, le lieu, les personnages, le caractère d'un personnage, écrire la même histoire d'une autre manière, imaginer un poème, réécrire un texte en supprimant le maximum de mots sans déplacer aucun mot ni en ajouter, etc. 58 1C’est un dispositif que j’ai commencé à structurer et à utiliser avec mes étudiants de FLE à l’Université Autonome Metropolitaine Azcapotzalco, au Mexique. Conclusion Depuis quelques années, il existe un intérêt marqué pour l’écrit qui s’est manifesté apriori dans le développement des nouvelles technologies qui ont transformé de façon importante les pratiques de communication écrite. «Créativité littéraire» accorde une place importante à l’expression écrite et prévoit que l’utilisateur arrive à acquérir une certaine autonomie et une stimulation des usages technologiques. Bibliographie Dezutter, O., Cansigno, Y., Silva, H., Bleys, F. 2010. Défis d’écriture. Développer la compétence scripturale en français langue seconde ou étrangère à l’université. Mexico: UAM-Azcapotzalco/CONACYT / Université de Sherbrooke. Duquette, L. et Laurier, M. 2000. Apprendre une langue dans un environnement multimédia. Montréal: Les éditions logiques. Le CECRL au sein des universités vénézuéliennes ALEMÁN GUILLÉN, Pedro - Universidad Central de Venezuela Cette communication porte sur un aspect de la transférabilité du CECRL en Amérique latine. L’emploi du CECRL pour l’enseignement du FLE est-il envisageable au sein des universités vénézuéliennes ? Il semble qu’il serait mieux de parler d’une utilisation adaptée aux buts de chaque université vénézuélienne. Cet emploi adapté doit sans doute passer par la reconnaissance des particularités de nos universités en tant que des institutions formatrices notamment d’enseignants de FLE et de traducteurs. Mais il doit aussi prendre en compte les descripteurs et les items du CECRL visant à une performance qui favorise la communication dans une perspective actionnelle. En somme, il faudrait combiner les moyens et ressources déjà employés dans nos universités avec les postulats et référentiels du CECRL qui, même en étant plutôt utilisés pour certifier les gens d’un niveau quelconque en langue française, pourraient être utiles pour organiser et concevoir des cursus de français plus efficaces. Le but de mon intervention est de présenter comment on a appliqué le CECRL au sein des universités vénézuéliennes, notamment au sein de l’Ecole de Langues Modernes de l’Universidad Central de Venezuela. Le Cadre européen commun de référence pour les langues - Apprendre, Enseigner, Évaluer (CECR), document publié par le Conseil de l'Europe en 2001, définit des niveaux de maîtrise d'une langue étrangère en fonction du savoir-faire dans différents domaines de compétence. Ces niveaux constituent désormais la référence dans le domaine de l'apprentissage et de l'enseignement des langues dans de nombreux pays. En France, ils l’ont repris dans l'éducation comme niveaux de compétence en langues vivantes étrangères attendus des élèves des écoles, collèges et lycées. Au Venezuela, la situation est différente. On enseigne le français seulement au lycée et exclusivement dans une filière qui n’est pas majoritaire: la filière de Sciences Humaines. Puis, à l’université on offre des licences en langues modernes. Institution Publique / privée Diplômes UCV (Caracas) Publique Licence en Langues Modernes Licence en Traduction Licence en Traduction et Interprétation LUZ Publique Licence en Éducation, filière en Langues Modernes ULA (Mérida) Publique Licence en Langues Modernes ULA (Trujillo) Publique Licence en Langues Modernes ULA (San Cristobal) Publique Licence en Langues Modernes UPEL (Caracas) Publique Professeur de français UC (Valencia) Publique Licence en Éducation, filière français ou anglais UNIMET Caracas) Privée Licence en Langues Modernes (anglais) Santos Michelena Privée Licence en Langues Modernes (anglais) IUT Américo Vespucio Privée TSU en Langues Modernes Universidad Ces institutions mentionnées supra ont des objectifs de formation différents. Par exemple, l’UCV forme majoritairement des traducteurs, donc l’emphase est mise sur la maîtrise de la langue. A l’UPEL, institution qui forme les futurs enseignants du secondaire majoritairement, a une orientation plutôt vers la formation pédagogique. L’UNIMET enseigne principalement l’anglais, et le français, de même que l’italien et l’allemand sont enseignés seulement pendant 8 trimestres sur un total de 12 trimestres. Bien qu’il y ait des différences dans le profil de formation du futur diplômé de chaque institution, il faut souligner qu’il y a des ressemblances obligées, à savoir, a) enseignement d’un français de base au moyen d’une méthode; b) enseignement de stratégies pour la production et compréhension de textes académiques; c) enseignement d’une composante de culture et de civilisation française et francophone. Il est précisément dans ces points en commun, d’après moi, que l’emploi du CECRL s’avère positif. Pourquoi? Tout d’abord parce que l'objectif général du CECR est fondamentalement un objectif de simplification et de standardisation des systèmes d'enseignement et d'évaluation de compétences linguistiques des langues au niveau européen. Le Cadre se sert principalement de l’approche actionnelle par compétences langagières. Quant à l’aspect pratique il faut dire que l’existence de 6 niveaux standardisés (du A1 au C2), d’une série de descripteurs des compétences et un système d’évaluation et d’auto évaluation vont faciliter le travail de l’enseignant et le processus de l’apprenant au moment de déterminer la situation des compétences langagières d'un apprenant (son profil), spécifiant point fort et faibles, les aspects à améliorer (objectifs pédagogiques personnels ou institutionnels), la production de matériaux et activités pédagogiques, et d'évaluations sur la base des compétences visibles et des besoins de l'apprenant. Comment? Selon ce qui est prôné par le Cadre le meilleur moyen serait d’employer l’approche actionnelle. Selon cette approche la communication implique que l’apprenant acquière des compétences linguistiques, pragmatiques, et sociolinguistiques. La formation est centrée sur l’apprenant qui est un acteur social authentique, qui agit et interagit avec les autres membres par le biais d’un contrat social et des codes connus ou à acquérir. L'interaction inter-individuelle est considérée comme la situation réaliste et idéale à produire et à reproduire. Il y a également La pédagogie par simulation ou par projet. La pédagogie idéale ne se fait plus par simulations et situations imaginaires lointaines, mais par l'emploi de la langue cible dans la micro-société authentique qu'est la classe de langue, et par projets. Alors de cette manière, on favoriserait la collaboration entre apprenants et cela inclut actes langagiers et actes non langagiers, comme dans le réel. Les acteurs sociaux doivent se coordonner, collaborer, agir dans la langue et culture cible. A l’UCV, la prétention est de faire que nos apprenants atteignent l’équivalent d’un niveau B2 au bout des deux premières années de formation (768 heures académiques en tout = 12 heures par semaine pendant 64 semaines de cours). Pendant les trois années suivantes le nombre d’heures d’enseignement de français se réduit, et on se concentre sur la préparation de textes académiques (résumé, 59 compte-rendu, synthèse, dissertation). Alors là, nous devons avoir à des simulations comme le modèle des Nations Unies, et aux TICES. En guise de conclusion Il faut dire que le CECRL représente sans doute un grand avantage pour la certification et surtout au moment de concevoir les cursus centrés sur l’apprenant et sur des compétences. Il faut également dire qu’il est nécessaire de prendre en compte les particularités de chaque institution: les caractéristiques de cours offerts, le profil de l’apprenant et l’orientation de la formation. Tous ces éléments peuvent soit favoriser la mise en oeuvre du Cadre, soit provoquer de la résistance voire des contestations et des réserves d’ordre pédagogique ou didactique. Mais en tout cas, n’existant encore d’initiatives locales bien fondées et structurées, le CECR, de même que les référentiels québécois, est un outil très utile pour concevoir et organiser et surtout complémenter les formations que nos universités donnent en FLE. RÉFÉRENCES http://eduscol.education.fr/cid45678/cadre-europeen-commun-de-reference-cecrl.html http://www.france-langue.fr/pedagogie-du-francais/niveaux-de-fran%C3%A7ais.html http://www.acpi.ca/ressources/referentiel-de-competences-orales http://www.acpi.ca/ressources/referentiel-ecrit Enseigner la grammaire FLE en utilisant la LSF. Une expérience enrichissante ALEMÁN GUILLÉN, Pedro - Universidad Central de Venezuela Dans cette communication je me propose de montrer les résultats de la mise en place de l’enseignement de la Morphosyntaxe du Français à l’Université Centrale du Venezuela par le biais de la Linguistique Systémique Fonctionnelle (LSF) (Halliday, 1985; Alemán, 2005; Banks, s/f; Cafarel, s/f). Cette expérience s’est avérée enrichissante, utile et innovatrice au moment d’enseigner la grammaire aux étudiants de FLE. L’approche systémique-fonctionnelle est une approche sémantique et pragmatique qui tient compte de la langue comme un inventaire de choix lexico-grammaticaux. Cette approche permet donc de présenter et de faire comprendre le fonctionnement de la langue française à partir d’une perspective centrée sur l’interaction et le rôle communicatif, social et culturel du français. La LSF favorise également une participation active de l’apprenant en tant qu’acteur social. Les résultats font preuve d’une meilleure appropriation des notions grammaticales car elles sont associées par les apprenants (futurs enseignants et traducteurs) à des contextes de situation particuliers et pertinents et font appel à des catégories soi-disant moins «linguistiques» et plus proches de leurs réalités quotidiennes. L’enseignement de la grammaire à l’Universidad Central du Venezuela (UCV). A l’Universidad Central du Venezuela l’on enseigne le Français comme langue étrangère à l’Ecole de Langues Modernes. On offre trois formations: Licence en Langues Modernes Licence en Traduction Licence en Traduction et Interprétation Dans les deux premières années nous enseignons un tronc commun qui est divisé par modules. En première année: méthode, labo (phonétique), rédaction (compétence écrite), grammaire. En deuxième année: méthode, labo (phonétique), rédaction (compétence écrite), géographie, histoire et grammaire. Nous enseignons la grammaire tout au long des trois filières, pendant les cinq années de formation, en général, comme un module à part qui sert à renforcer de façon systématique les aspects grammaticaux que les apprenants étudient dans tous les autres modules. L’enseignement de la Morphosyntaxe par le biais de la LSF Cependant, dans la filière Langues Modernes il existe une UV appelée Morphologie et syntaxe du français. Dans cette matière on est censés enseigner le métalangage de la morphosyntaxe. Il est précisément dans cette matière que j’ai introduit la LSF comme contenu important de l’UV. La LSF, créée à l’origine par Michael Halliday pour étudier la langue chinoise, a été puis adaptée à la langue anglaise. Elle l’a été moins pour la langue française. Comme partie d’une 60 recherche plus large, j’ai contacté les membres de l’Association Française de Linguistique Fonctionnelle et j’ai appris qu’Alice Caffarel, qui travaille en Australie a publié un livre sur la LSF en Français, mais pour des raisons de restriction monétaire dans mon pays je n’ai pas pu ni acheter son livre ni avoir accès à son contenu. J’ai également connu David Banks un autre expert en LSF, et il m’a dit que lui-même il était plutôt angliciste, c'est-à-dire, qu’en général, il utilisait la LSF pour analyser majoritairement des textes en anglais. Alors, j’ai décidé de donner le cours en me basant sur la LSF et, comme points de repère pour ce qui a à voir avec la terminologie employée, dans les cas non précisés, je fais ma propre traduction des termes et des notions liés à la LSF. Ceci a été fait à partir d’une recherche pour master 2 dans laquelle j’ai analysé un événement qui a eu lieu au Venezuela et qui a été rapporté par la presse française. J’ai utilisé la LSF pour ce faire. La linguistique systémique fonctionnelle Cette approche considère la langue comme l’ensemble de trois types de significations (ou metafonctions) qui sont construites dans l’interaction dans des contextes réels. A savoir, les metafonctions expérientielle, interpersonnelle et textuelle. L’unité d’analyse par excellence étant la clause ou le complexe clausulaire De ce point de vue, la metafonction expérientielle sert à exprimer la représentation du monde, autrement dit, on pourrait considérer la clause comme la représentation de la réalité des choses. Cette représentation se fait en termes de participants, procès et circonstances. Dans d’autres mots, cette représentation est le système de la Transitivité. Dans le système de la transitivité on peut reconnaître six types de procès: Matériel (des actions concrètes); Mental (de perception, de cognition ou affectif); Relationnel (exprimé par les verbes que les autres grammaires appellent copulatifs expriment l’identification, l’attribution et la possession); Comportemental (on exprime des activités physiologiques); Verbal (expriment l’énonciation à travers le verbe dire et tous ses synonymes); et Existentiel (verbes qui expriment l’existence de quelqu’un ou de quelque chose) La metafonction interpersonnelle est liée à l’attitude et à l’engagement que chaque locuteur a vis-à-vis de ce qu’il dit et de son interlocuteur. Dans cette metafonction l’on peut dire que la clause est vue comme un moyen pour échanger de l’information, des biens et de services et de l’évaluation. Par le biais de cette metafonction on analyse des phénomènes tels que le mode, la modalité la polarité et le positionnement du locuteur. La distance et/ou inégalité sociale est par exemple importante dans cette metafonction. Le rôle des interlocuteurs est ici très important. Voilà une des raisons pour lesquelles cette approche est, à mon avis, plus significative au moment d’enseigner une langue 2 et plus particulièrement le français. L’apprenant peut analyser des textes authentiques non pas seulement à un niveau abstrait mais dans une dimension communicative d’interaction réelle. Finalement, dans La metafonction textuelle l’on considère la clause comme le message à transmettre. Alors, des notions telles que le Thème et le Rhème (ordre syntaxique) ainsi que l’emploi adéquat des éléments de cohésion tels que les connecteurs logiques sont clés pour étudier cette metafonction. Ici si l’on analyse un texte comme un produit discursif et social on peut voir comment il a été construit. Et si on le regarde comme un processus on peut voir quels sont les possibles pas à suivre pour produire un texte efficace. En guise de conclusion, il faut dire que l’emploi de ce modèle linguistique au moment d’enseigner la Morphologie et la Syntaxe du Français permet de rendre compte d’une meilleure appropriation des notions grammaticales car elles sont associées par les apprenants (futurs enseignants et traducteurs) à des contextes de situation particuliers et pertinents et font appel à des catégories moins «linguistiques» et plus proches de leurs réalités quotidiennes. RÉFÉRENCES Alemán, P. (2005). La construcción discursiva de los sucesos del 11 de abril de 2002 en venezuela reportados en periódicos franceses. Trabajo de Grado para optar al Título de Magister Scientarum en Estudios del Discurso. (No publicado) Universidad Central de Venezuela. Association française de Linguistique Systémique Fonctionnelle (ASFL) http://www.univ-brest.fr/erla/aflsf/ Banks, D. s/f. Glossaire de LSF. (version pdf) Cafarel, A. s/f. Glossaire anglais-français des termes en Linguistique systémique-fonctonnelle. (version pdf) Halliday, M. A. K. (1985). An introduction to functional grammar. Londres: Arnold. Communication personnelle via courriel avec les rechercheurs Caffarel, Eason, y Banks de l’ Association Française de Linguistique Systémique Fonctionnelle Une étude de l’image de la femme dans l’écriture féminine francophone de l’Afrique noire et dans l’écriture féminine contemporaine en Inde d’expression régionale qui relèvent d’une problématique commune. Palkhiwale, Alpana - St. Xavier’s College, Mumbai La dimension interculturelle reste la pierre angulaire de l’enseignement d’une langue. Comme l’apprentissage n’est pas une simple acquisition de savoirs culturels liés à la langue apprise, il importe de développer la capacité de l’apprenant à établir une relation entre sa culture d’origine et la culture étrangère et à jouer le rôle d’un médiateur culturel pour redécouvrir et faire découvrir sa propre culture en allant audelà des stéréotypes superficiels. Sous le nouveau cursus, nos étudiants de la deuxième année étudient la littérature francophone. L’apprentissage du français ouvre un monde littéraire à nos étudiants, et les aide à s’élancer vers la culture française ainsi que francophone. Il leur introduit la culture des pays africains et les mènent vers une découverte de ces civilisations. C’est à ce moment là que je me suis rendu compte que nos étudiants peuvent plus facilement s’identifier aux oeuvres francophones de l’Afrique. Les protagonistes de ces oeuvres reflètent la vie de leurs mères, leurs grand-mères et peut-être leur propre vie. Ce monde romanesque de l’Afrique noire est plus proche d’eux que celui de l’Europe. L’écriture féminine francophone de l’Afrique est vaste avec les écrivains comme Calixthe Beyala, Fettouma Touati et Mariama Ba. Même en Inde, Meghna Péthé, Saniya et Asha Bage créent un monde féminin à travers leur écriture en marathi. Mais la contrainte du temps ne nous permet pas de parler de toutes ces écrivaines. A titre d’exemple on va concentrer sur le recueil ‘Àsthaa àni Gavarichi Bhaaji’ et ‘Hans Akela’ de Meghna Péthé ; les contes ‘Olakh’ et ‘Àapan àaple’ de Saniya, et le roman de Mariama Ba ‘Une si longue lettre’. On a trouvé beaucoup de parallélisme intéressant entre l’image de la femme en Afrique noire et en Inde (Maharashtra). Les changements socio-économiques dès 1991 et leurs manifestations dans la vie familiale se reflètent dans le statut de la femme. Le monde romanesque leur offre un espace de rencontre et de débat où elles se mettent à dialoguer et de mesurer l’évolution de leurs rôles dans la famille et dans la société. Il s’agit d’appréhender comment à travers leurs actions et leurs aspirations les femmes ont tour à tour façonné leur statut de la fille, de la mère, et de la femme. Dans la société patriarcale prédominante en Inde et en Afrique les images et les représentations de la femme sont à partir de paramètres masculins. Donc il y a un besoin de redéfinir ces images et de repenser le féminin. Les femmes se sont également habituées à se voir et à voir les autres femmes comme des objets, il faut les libérer de cette prison de valeurs masculines. Le but essentiel de cette communication est d’amener la femme dans ces deux régions à se voir autrement. En mettant en cause l’image de la femme que véhicule l’univers des romans, les femmes africaines et indiennes découvriront leur vrai visage, leur voix réduite au silence depuis des siècles. Pour toutes ces femmes il s’agit de la déconstruction de l’ordre patriarcal à travers de nouveaux rapports avec le corps, la maternité, la langue, l’identité, les autres femmes et la justice sociale. L’identité féminine est un fait social essentiellement ancré dans l’histoire régionale. L’évolution du statut de la femme et ses rôles sociaux émergent de son milieu social. Meghna Péthé et Saniya sont les écrivaines urbaines nées en Inde post indépendante. Leur enfance et leur jeunesse se correspondent à l’évolution de la société urbaine surtout métropolitaine en Inde. Les développements sociaux autour d’elles façonnent leur vision de la ‘femme’ et du statut féminin. Avant 1947, très nettement subordonnée à son père, puis à son mari, la femme indienne ne sait qu’une valeur: obéissance inconditionnelle. Elle est en réalité la première servante de l’homme que sa réelle compagne. ‘Le sacrifice’ est l’essence de sa vie, ses aspirations, ses envies, ses sentiments, ses émotions, sa personnalité même son soi sont sacrifiés au nom de la tradition et des préjugés. Mais au cours du XXe siècle les relations familiales se sont profondément transformées et ont transformé la conception traditionnelle de la femme. L’écriture de Meghna Péthé et de Saniya témoigne ce bouleversement des relations familiales dans les grandes villes de l’Inde surtout à Mumbai. Les changements sociaux de ces dernières décennies sont ancrés dans le progrès économique et commercial de la ville: explosion effectif scolaire, multiplication des 61 emplois, extension du salariat, transformation des structures familiales, immigration de la population. La société devient hétérogène et l’étreinte des traditions s’affaiblit. Cet affaiblissement des rites et des traditions aident à repenser et renouveler le ‘féminin’. Donc cette étude du ‘fait féminin’ révèle par conséquent des transformations de la société dans son ensemble. Sàniya commence à écrire pendant les années 1980, mais la plus grande partie de son oeuvre ainsi que l’oeuvre de Meghna Péthé appartiennent aux deux dernières décennies. L’année 1991 est un grand tournant dans l’histoire de l’Inde. C’est le premier pas indien vers la libéralisation et la globalisation. Ces deux phénomènes ont spectaculairement influencé la transformation sociale. Ils ont également initié les changements sociodémographiques les plus notables de ces dernières années: baisse de la nuptialité, baisse de la fécondité, apparition de nouvelles formes de vie en couple et en famille, de nouveaux comportements en matière de contraception et de procréation, de paramètres tout à fait innova tifs des relations physiques et psychiques entre les deux sexes. Sàniya et Meghna Péthé explorent cet univers de la femme indienne. 9500 kilomètres de Mumbai dans la ville de Dakar au Sénégal, un pays qui a eu son indépendance en 1960, un pays le plus industrialisé d’Afrique noire francophone s’ouvre un monde romanesque de Mariama Ba dont les protagonistes ressemblent à celles de Sàniya et de Meghna Péthé. Dans ces deux pays, l’ordre patriarcal a défini les rapports des femmes avec le corps, la maternité et les autres femmes. Dans la société patriarcale prédominante en Inde et en Afrique, les images et les représentations de la femme sont les créations de l’homme. Selon Sàniya et Meghna Péthé ces images conditionnent le psychisme féminin même aujourd’hui. Donc, il y a un besoin de redéfinir ces images. Elles se sont également habituées à se voir et à voir les autres femmes comme des objets. Il faut libérer la femme indienne ainsi qu’africaine de cette prison des valeurs masculines. La femme n’est jamais acceptée, n’est jamais aimée telle qu’elle est mais comme telle qu’elle doit être. Elle est constamment confrontée à l’image inaccessible de la Féminité. Autrefois elle était obligée de définir son rôle d’après les femmes mythologiques et divines. Vibha du conte ‘Chhaya, kaya maya’ de Meghna Péthé après son mariage semble être étouffée par le piège vicieux des conventions. Je cite: Vibha fatiguée du voyage qui dure toute la journée était entourée de sa belle mère, ses belles soeurs et les autres femmes de la belle famille. Les conventions et les traditions ne la permettent pas de s’éloigner de leur regard surveillant qui renforcent que des maintenant elle doit jouer le rôle de Sati Savitri (une femme idéale de la mythologie hindoue) dans leur famille. Fin de citation. Aujourd’hui cette image inaccessible de la féminité est réitérée par les publicités, les chaines de télévision, même par les magazines destinées aux femmes. Une mère tendre, une femme coquette, une ouvrière intelligente, en brève une divinité aux cents visages. L’indépendance économique semble libérer la femme mais en vérité elle est poussée dans un labyrinthe des attentes. Le piège est multidimensionnel: le foyer, le travail, les traditions et les conventions. Il n’y a aucun repos. Ramatoulaye dans le roman «Une si longue lettre», une femme qui travaille est un rappel de toutes les femmes dans les métropolitaines indiennes quand elle dit. Je cite «Allez leur expliquer qu’une femme qui travaille n’en est pas moins responsable de son foyer. Allez leur expliquer que rien ne va si vous ne descendez pas dans l’arène, que vous avez tout à vérifier, souvent tout à reprendre: ménage, cuisine, repassage. Vous avez les enfants à débarbouiller, le mari à soigner. La femme qui travaille a des charges doubles aussi écrasantes les unes que les autres, qu’elle essaie de concilier. Comment les concilier ? Là réside tout un savoir-faire qui différencie les foyers». Fin de citation. Dans la société patriarcale le foyer ne s’appartient qu’à la femme. On voit la présence indifférente ou plutôt on peut dire l’absence de l’homme de toutes les responsabilités de la vie de famille dans la plupart des contes de Sàniya et de Meghna Péthé. Dans le conte ‘Chhaya kaya maya’ de Meghna Péthé, Nagesh sort de la chambre et sa femme est envahie des questions Je cite: Qui est cet homme dans ma vie? Il écrase mes aspirations, mes attentes. Il vit pour lui-même. Sa vie gravite autour de lui et il n’est pas au courant de ce fait. Le seul mot qui le définit c’est l’égoïsme. Fin de citation. 62 Le protagoniste du conte ‘Àasthaa àni Gavarichi Bhaaji’ de Meghna Péthé, Anirudha ignore ses responsabilités vis-à-vis de sa femme et de son fils. Les études, les maladies, les réunions à l’école: tout est le domaine de la femme. Le père est toujours absent. Les attentes ne sont pas toujours de l’origine masculine. La belle famille surtout la belle mère et la belle-soeur ne sont qu’un miroir qui reflète la pensée patriarcale. Ce sont les femmes qui nourrissent la perspective masculine. Le regard aigu de la belle mère, sa surveillance, l’envie des belles-soeurs, les attentes écrasantes de la belle famille et les exigences rongent la vie d’une femme et ses aspirations. Le sacrifice est le seul mot clé. Ramatoulaye dans le roman «Une si longue lettre» dit, Je cite Certaines de mes belles-soeurs n’enviaient guère ma façon de vivre. Elles me voyaient me démener à la maison, après le dur travail de l’école. Elles appréciaient leur confort, leur tranquillité d’esprit, leur moment de loisirs et se laissent entretenir par leurs maris que les charges écrasaient. D’autres, limitées dans leurs réflexions, enviaient mon confort et mon pouvoir d’achat. Elles s’extasiaient devant les nombreux «trucs» de ma maison: fourneau à gaz, moulin à légumes, pince à sucre. Elles oubliaient la source de cette aisance: debout la première, couchée la dernière, toujours en train de travailler… Fin de citation Meghna Péthé, Saniya et Mariama Ba décrivent pour la première fois les expériences des femmes qui gravitent autour du corps. C’est un nouvel élément dans l’écriture. Parler des expériences féminines par les femmes. On a abandonné la perspective masculine. On nie le statut de la femme comme un objet d’être possédé. L’institution du mariage qui se base sur cette hypothèse de la femme comme un objet semble creuse, d’où jaillit un des nombreux problèmes que rencontrent les femmes au Sénégal, et dans tant d’autres pays africains, celui de la polygamie. La femme comme un objet est réitéré quand toutes les deux Ramatoulaye et Aissatou semblent victimes d’un triste sort qu’elles n’ont pas choisi. Cela veut dire la polygamie. Elles sont abandonnées par leurs époux qui cherchent les jeunes filles dans leur vie. Modou le mari de Ramatoulaye prend une lycéenne, une amie de sa fille qui est du même âge que sa fille. Toutes les deux ont une vie conjugale heureuse elles sont contentes elles sont mariées pour l’amour et leurs maris Modou et Mawdo ont essayé dur de solliciter leur main pour le mariage. Et donc pour toutes les deux l’idée d’avoir une coépouse est douloureuse. Cela les réduit au statut d’un objet. Les tristes paroles de Ramatoulaye quand elle dit: Je cite: Et dire que j’ai aimé passionnément cet homme, et dire que j’ai porté douze fois son enfant. En aimant une autre il a brûlé son passé moralement et matériellement il a osé pareil reniement. Fin de citation. Les deux hommes infidèles ont essayé de justifier leurs actes d’infidélité. Ils les justifient en parlant de leurs instincts, leur devoir, la fatalité et le destin. Ils ne veulent pas assumer la responsabilité de leurs actions. Je cite: Ce fait plaide la force des instincts enfouis dans l’homme, instincts qui le dominent quelque soit son intelligence.(..) On ne résiste pas aux lois impérieuses qui exigent de l’homme nourriture et vêtements. Ces mêmes lois poussent le ‘mâle’ ailleurs. Je dis bien ‘mâle’ pour marquer la bestialité des instincts..Une femme doit comprendre une fois pour toutes et pardonner ; elle ne doit pas souffrir en se -5souciant des trahisons charnelles. Ce qui importe c’est ce qu’il y a là dans le coeur ; c’est ce qui lie deux êtres au-dedans Fin de citation. Mais Mariama Ba libère ses protagonistes de cette prison de valeurs masculines.Ramatoulaye représente la redécouverte de la voix féminine et elle refuse d’être un objet, quand Tamsir sollicite sa main et elle répond Je cite: Tu oublies que j’ai un coeur, une raison, que je ne suis pas un objet que l’on se passe de main en main. Tu ignores ce que se marier signifie pour moi: c’est un acte de foi et d’amour, un don total de soi à l’être que l’on choisi et qui vous a choisi. J’insistais sur le mot choisi. Fin de citation. La bigamie ainsi que la polygamie est interdite en Inde par l’Acte de Mariage Hindoue de 1955. Donc on peut dire c’est une différence fondamentale entre les deux sociétés. Mais cette une différence superficielle. Les héroïnes de Sàniya et de Meghna Péthé ne doivent pas faire face au problème de la polygamie mais elles ne sont que les objets sans personnalité, sans identité, sans leur propre existence. Le conte de Meghna Péthé ‘Athrava oont’ décrit la relation entre un metteur en scène et ses actrices et l’isolement de sa femme. Je cite Pourquoi le mariage ? Les raisons sont différentes pour un homme et pour une femme. Pour un homme la femme n’importe pas. Il est capable d’accepter n’importe qu’elle femme qui est de beauté moyenne, sans handicap, peut se conduire bien, faire le repas, se trouve a la maison quand le mari rentre chez lui, est prête d’être baisée quand le mari en a envie. Fin de citation. l’individualisme. La recherche de leur identité pousse les femmes dans le labyrinthe de l’individualisme où le soi penche vers l’égoïsme. L’égoïsme prend les dimensions énormes et détruit la famille, aveugle les femmes aux valeurs innées de l’existence humaine. La liberté féminine, la rébellion perdent leur sens et deviennent les expressions creuses. Donc, l’essentiel est de trouver un équilibre: le féminin ne doit pas devenir la proie des fausses idées de liberté et d’individualisme. Les protagonistes de ces deux mondes romanesques: indiens et sénégalais semblent entreprendre cette recherche d’équilibre. Le dernier chapitre du roman ‘Une si longue lettre’ ne souligne pas l’égalité des sexes mais leur complémentarité. Je cite Je reste persuadée de l’inévitable et nécessaire complémentarité de l’homme et de la femme. L’amour, si imparfait soit-il dans son contenu et son expression, demeure le joint naturel entre ces deux êtres. S’aimer ! Si chaque partenaire pouvait tendre sincèrement vers l’autre ! S’il essayait de se fondre dans l’autre ! S’il assumait ses échecs et ses réussites ! S’il exhaussait ses qualités au lieu de dénombrer ses défauts ! S’il réprimait les mauvais penchants sans s’y appesantir ! S’il franchissait les repaires les plus secrets pour prévenir les défaillances et soutenir, en pansant, les maux tus ! C’est de l’harmonie du couple que nait la réussite familiale, comme l’accord de multiples instruments crée la symphonie agréable. Fin de citation. Saniya dans son roman Aapan àaple dit. Je cite: c’est un voyage des jeunes pleins de sensibilité qui se trouvent au seuil d’une étape importante de la vie, où on est doué du pouvoir ainsi que de l’opportunité de prendre les responsabilités. C’est un voyage vers la maturité avec les questions diverses posées, une quête désespérée de trouver leurs réponses et d’approfondir la croyance dans la vie harmonieuse et à travers tout cela provient la recherche et la compréhension du Soi et de l‘autrui. Il y a un effort de se garder contre l’engourdissement du coeur. Fin de citation Ainsi les protagonistes de Saniya, Meghna Péthé ainsi que celles de Mariama Ba parlent du besoin d’avoir le choix: découvrir leur vrai visage, leur voix réduite au silence depuis des siècles. Cette découverte de leur identité les conduira vers le chemin de la liberté. Nous attendons le jour où la femme dans ces deux pays l’Inde et le Sénégal aurait le droit de dire: je suis avant tout un être humain au même titre que l’homme mais à la fois je vais retenir le féminin chez moi. Un autre moyen de libérer la voix étouffée depuis des siècles est la représentation politique. Apres l’indépendance les femmes sénégalaises ainsi que indiennes ont gagné les droits politiques, le suffrage universel, la représentation dans les Assemblées. Les protagonistes de Saniya et de Meghna Péthé se penchent vers les idéologies socialistes. Celle de Mariama Ba dit Je cite: Mais Daouda, les restrictions demeurent, mais Daouda, les vieilles croyances renaissent, mais Daouda l’égoïsme émerge, le scepticisme pointe quand il s’agit du domaine politique. La femme ne doit plus être l’accessoire qui orne. L’objet que l’on déplace, la compagne que l’on flatte ou calme avec des promesses. La femme est la racine première, fondamentale de la nation où se greffe tout apport, d’où pat aussi toute floraison. Fin de citation Mais à chaque pas elles affrontent une opposition amère des hommes, mais elles continuent la découverte de leur soi. Conclusion Ainsi, d’une part les femmes dans la société indienne et sénégalaise semblent être les victimes des traditions patriarcales, d’autre part il y a un danger inné. Cette période du progrès économique et technologique s’égale au progrès de 63 Situation, influences, importance del minorites francophones: VALD’AOSTE / ITALIE, ROMANDIE / SUISSE, WALLONIE / BELGIQUE, QUEBEC / CANADA, LOUISIANE / USA BROSSARD Jean-Pierre - Université de Guadalajara / Mexique Importance de l’influence culturelle dans les années 1970 / 1980 Dans les années 1970/1980, il est intéressant de constater que c’est un élément culturel que fait jaillir l’intérêt pour la Belgique, le Québec et la Suisse : le cinéma francophone. Il va susciter un vif intérêt dans le petit monde des festivals de cinéma du monde, puis auprès d’un public : cinéphiles qui fréquentent les salles d’art et essai présentant des cinématographies alternatives. Durant une bonne dizaine d’années 1970 / 1980 le 7eme Art produit et réaliser par les minorités francophones va représenter la culture de ces mêmes trois nations sur le plan international. D’une certaine manière, il va en être de même avec les littératures très prolixes des petits frères francophones. Ces littératures comme le cinéma va devoir recevoir le satisfecit de Paris afin d’élargir son public cinéphiles et de lecteurs. A cette époque, il était indispensable de d’avoir la reconnaissance de la critique parisienne pour faire qu’une oeuvre aussi bien littéraire que cinématographique atteigne un large public. Ce fut notamment le cas pour le cinéaste Alain Tanner (1929) et « La Salamandre »(1971) ou Jacques Chessex(1934-2009) avec « L’Ogre » (1973) qui est le seul écrivain romanda obtenir le Prix Goncourt. Ce que l’on peut nommer phénomène culturel va avoir une importance sur la politique culturelle des états a minorité francophone puisque cette minorité va être le porte drapeau utilise par ces mêmes nations lors de manifestations culturelles, économiques ou politiques organisées par ces mêmes états à travers le monde. Grande importance donc pour les pays mais aussi surtout pour les minoritaires qui se voient jouer un rôle important pour leur propre pays qui va d’ailleurs établir de nouvelles lois de promotion de la culture, se basant sur le succès des domaines que je viens de traiter. ITALIE VAL D’AOSTE Population de l’Italie 61.261.254 habitants (2011) Val d’Aoste : 128.000 /90.000 francophones. GDP por capita 30.100.-- $ Chômage : 10,2% (mai 2012) Inflation : 2,8% Langues reconnues : Italien, Français, Slovène, Allemand Dépenses pour l’éducation : 4,3 % GDP Partis politiques : Union Valdotaine, autonomiste. VAL D’AOSTE / Italie Le Val d’Aoste est une minorité linguistique, officiellement francophone, constitue par une petite communauté montagnarde de quelque 100.000 habitants qui vit du cote italien du Mont Blanc. Ce lieu a fait partie intégrante du royaume de Savoie puis de Piémont – Sardaigne. Le français y est utilisé depuis le 14e siècle dans l’administration, comme en Savoie. Le français a été pendant longtemps la langue des élites valdotaines, ca n’a plus été le cas depuis les années 1930 car sous le régime de Mussolini, le Val D’Aoste a souffert de la politique d’italianisation brutale du régime fasciste. Apres la seconde guerre mondiale le Val d’Aoste a obtenu un statut d’autonomie très avantageux base sur un statut de région bilingue français /italien. En 1945, est fonde un mouvement politique fédéraliste qui existe toujours l’Union Valdotaine. Les noms de villes n’ont qu’une seule forme officielle, la forme française, l’administration a beau être bilingue, et favoriser largement le français, l’éducation a beau être officiellement bilingue a tous les niveaux depuis les années 1980, rien n’y fait, le français reste une langue étrangère pour la majorité de la population qui, bien que capable de la parler, ne l’utilise pas pour les interactions entre valdotains. C’est la langue des autonomistes, car parler français a Aoste, c’est montrer une appartenance politique. En réalité, la problématique linguiste est plus complexe. Durant des centaines d’années ont a vu cohabiter le français, le franco-provençal, le piémontais et le latin, une bonne partie de la population étant pour le moins trilingue. Le français s’utilisait pour parler aux classes dirigeantes, le franco-provençal ou patois entre soi et le piémontais pour le commerce. Aujourd’hui, le français a presque disparu d’un usage quotidien, alors que le franco-provençal est parlé par plus de 40% de la population et compris par 60 % des valdotains de toutes les générations. Et demain ? Le gouvernement valdotain ne va pas laisser tomber le français, qui lui garantit un statut de large autonomie et des revenus confortables. Il existe des projets d’introduction du franco-provençal dans les écoles car son image s’est notablement améliorée ces trente dernières années. Mais il semble que le gouvernement valdotain ne prenne pas réellement conscience des enjeux sociaux et linguistiques : le franco-provençal est une langue menacée au Val d’Aoste, et sans une politique linguistique digne de ce nom, dans cinquante le français subsistera, parler par une minorité et le franco-provençal aura disparu. Signe d’espoir tout de même, le gouvernement valdotain commence a éditer des publications pour la jeunesse en franco-provençal. 64 SUISSE Populations : 7.655.628 habitants (2012) GDP pro capita : 43.400.-- $ Chômage : 2 % Inflation : 0,4% Langues : reconnues Allemand : 64 %, Français 20 % Italien :7,5%, romanche 0,5%, autres 7% Dépenses pour l’éducation : 5,2 % LA SUISSE La définition d’un modèle capable de faire vivre ensemble les communautés est appelé un « pacte linguistique » qui doit être compris comme étant les mécanismes garantissant les équilibres politiques et le respect des minorités. L’avènement d’un tel pacte linguistique en Suisse ne fut possible que par la nature démocratique du système politique permettant l’expression de tous les acteurs de plus le fédéralisme a été choisi comme la solution politique qui permet de faire vivre ensemble les communautés nationales. La Suisse a relativement réussi a construire son équilibre dès sa naissance comme Etat moderne en 1848. L’allemand était la seule langue de l’ancienne Confédération helvétique qui était avant tout une ligue d’Etats germaniques. Durant la tutelle française napoléonienne, entre 1798 et 1813, le français et l’italien devinrent des langues officielles, mais dans la foulée de la Restauration, l’allemand fut rétabli comme langue officielle unique. L’intégration du territoire de l’évêché de Bale d’autrefois au canton de Berne en 1815 ne fut pas une solution viable à terme. La Constitution fédérale de 1848, organisa une Suisse unitaire, fédérale et démocratique et rétablit le trilinguisme. Une des vertus du fédéralisme fut d’assurer l’autonomie cantonale aux minorités et quelques équilibres au niveau central. La Suisse fait confiance a la pluralité de ses entités fédérées (26 cantons dont 6 majoritairement francophones) pour permettre aux minorités (religieuses et linguistiques) de se préserver d’un centralisme trop marque par l’esprit protestant et/ou germanophone. En 1939, le retho-romanche, langue ultra minoritaire alors en voie de disparition, a acquis le statut de langue nationale (mais pas administrative) sauf dans sa région. L’unique dérogation surgit des 1947, avec le mouvement séparatiste du Jura qui revendique un canton propre pour le peuple jurassien fort de quelques 60.000 habitants. L’histoire de la séparation du Jura du canton de Berne va connaitre une trentaine d’années de péripéties qui voit la division du Jura en région Nord indépendantiste et Sud qui reste rattache au canton de Berne et finalement en 1978 le peuple suisse accepte le canton du Jura comme membre de la confédération avec une majorité de 81%.La question jurassienne a fait trembler quelques certitudes helvétiques sur l’absence de conflits linguistique. Si le principe de l’autodétermination a permis aux Jurassiens de choisir leur canton d’appartenance et a la Suisse de se féliciter des vertus de la démocratiehelvétique, la question du Jura a montrer que l’Helvétie n’était pas à l’abri de conflits nourrissant violence et haine locale. Le pacte linguistique est implicitement insère dans le pacte fédéral qui, lui-même, repose sur une vie collective a 26 et pas à quatre groupes linguistiques. Dans la pratique, l’hégémonie alémanique – de par son poids démographique –deux tiers de germanophones contre un tiers de francophone – reste acceptable pour les minorités francophones et italophones tant qu’il s’agit d’un léger paternalisme politique et non pas d’un égocentrisme nationaliste comme cela est apparu dans les années 1990. La dernière version de la Constitution fédérale (avril 1999), l’article 70 de la nouvelle loi sur les langues souhaite renforcer « l’intercompréhension des langues », en promouvant les échanges entre les régions linguistiques. Les minorités redoutent toujours la trop forte prépondérance alémanique de la Suisse de la finance qui risque de relativiser la faiblesse du poids de la Romandie en termes de poids démographique, d’autonomie politique et de dépendance économique. Un phénomène nouveau est apparu dans les années 2000/2010 avec le désir de plusieurs cantons alémaniques de substituer l’anglais au français comme option linguistique, décision qui pourrait rompre les bonnes pratiques du pacte dont nous avons parlé antérieurement. Il ne faut pas oublier qu’au parlement, si les Romands ou les députés italophones veulent faire entendre leurs voix ou faire passer leurs propositions au parlement, ils doivent s’exprimer en Suisse – allemand, ou alors voir l’hémicycle parlementaire se vider des députés, qui préfèrent aller fumer ou boire un café à la buvette que de faire l’effort d’écouter les propositions de leurs coreligionnaires !Un nouveau sujet de discorde entre les communautés linguistiques a surgi comme nous l’avons mentionné antérieurement avec l’arrivée au parlement fédéral de partis politiques d’une droite néo-libéral issue de la Suisse économique dominante. Ainsi, plusieurs cantons de Suisse alémanique, notamment la ville de Zurich, des cantons de Suisse primitive (Suisse fondatrice) et celui des Grisons (communautés romanches) remettent en cause l’apprentissage du français comme première langue seconde, en prônant l’enseignement de l’anglais dès l’école primaire. Cette tendance impliquerait de retarder l’enseignement du français qui deviendrait une deuxième langue étrangère ou même, dans certains cantons, une troisième langue étrangère, reléguée au secondaire. La presse romande s’est emparée du sujet, et agite le spectre de l’anglais, langue concurrente, menaçant l’effort de cohésion nationale du pays et dénoncent la « traitrise » des Suisses alémaniques. Il est devenu clair pour chacun en Suisse que la maitrise des langues nationales plus l’anglais, langue internationale, permet d’accéder a un bon emploi et a un meilleur salaire tant dans le secteur administratif, éducatif de même que dans le secteur privé du commerce et des entreprises. Posséder des langues nationales représente donc une « plus-value » reconnue dans le parcours académique et, ou professionnel des Suisses. Cette plus-value contribue également a la mobilité interne, le plus souvent de la Suisse Romande vers la Suisse alémanique, cette dernière concentrant les pôles économique et politique. La Suisse découvre la francophonie politique En 2010, pour la première fois en 40 ans d’histoire de la Francophonie, la Suisse a accueilli en grande pompe, la plus haute instance de l’organisation faisant résonner au bord du lac Léman la voix des francophones qui sont une minorité dans la Confédération helvétique. Il s’agit d’un des plus importants rendez-vous internationaux que la Suisse ait organise avec la présence de 40 chefs d’état et de gouvernement, quelques 3000 délégués et près de 600 journalistes. Mais l’intéressant est ce qui s’est passe dans les coulisses avant la rencontre qui était prévue à Madagascar mais qui n’a pas pu avoir lieu en raison des troubles politiques qui perturbèrent l’ile malgache. La Suisse donc a hérité de la 65 rencontre au pied levé. Les organisateurs romands ont présenté le projet au parlement à majorité Suisse alémanique et les parlementaires ont rogne le budget propose de 35 à 30 millions de francs, trouvant exagéré les pauses cafés a 19 FRS par personne !!! La rencontre qui se livra a une réflexion sur les orientations futures de l’OIF permis également au président Sarkozy d’exposer des priorités du G 20 au sommet de la francophonie marquant également quelques pistes a future pour le continent africain qui est le lieu de la plus grande croissance des parlants francophones dans le monde. La réunion de Montreux démontra également que la francophonie doit a l’avenir prendre position sur les grands dossiers de la planète et que l’OIF est devenu un acteur de plus en plus présent dans la solution de conflits internationaux. BELGIQUE Population : 11.071.483 habitants (2011) Flamands 57% ; Wallons 40% ; Allemands 1% ; divers 2%. GDP pro capita : 37,600.-- $ Chômage : 7,7 % Inflation : 3,1 % Langues reconnues : flamand, français, allemand Dépenses pour l’éducation : 6,00% LA BELGIQUE Grace à sa situation géographique, a ses voies de communication développées, la Belgique occupe une position stratégique dans la vie économique et politique de l’Europe. Ayant acquis son indépendance en 1830, la Belgique, nouvel Etat est dans un premier temps, unilinguiste francophone. Il a fallu une centaine d’année pour effacer la minorisation linguistique des néerlandophones. La majorité flamande voyait sa place légitime de sa langue reconnue (1893-1932), la minorité wallonne s’inquiétant a son tour de son statut de minorité. Ultérieurement, le pays a connu quatre reformes constitutionnelles en 1970, 1980, 1988/89 et en 1993 qui ont été les étapes ayant fait évolué progressivement le pays d’un état unitaire a un état fédéral. L’article premier de la constitution dit que la Belgique est un état fédéral qui comprend des communautés et des régions. Il existe trois communautés : la flamande (57%), la francophone(40%) et la germanophone (1%) et diverses autres communautés, comme la musulmane qui a cru fortement au cours des dernières années. L’Etat fédéral est responsable de tous les domaines qui ne sont pas ceux de la langue, de la culture et de la région. Autre spécificité du système 66 politique belge, il n’existe pas de parti politique au niveau fédéral mais des partis différents pour chaque zone linguistique. Etudiant les affinités entre les nationalismes francophones ou autres, en particulier ceux de la Belgique et le Québec, et si l’on est tente de considérer plutôt le français, tout au contraire le nationalisme québécois ressemble plus au nationalisme flamand qu’au wallon. Les nationalismes flamand et québécois sont tous deux motives par une distinction linguistique ; ils ont tenté de redresser la division culturelle du travail et ils ont également essaye de bâtir des structures politiques de rechange a l’Etat central afin de parvenir à une redistribution culturelle du pouvoir. Cependant la situation a évoluée vers une option différente : depuis la rupture des négociations de la Nouvelle Alliance Flamande (NAF) d’avec les représentants des formations francophones, la question de la séparation du territoire est désormais posée. Les mois de 2010/11 sans solution politique pour le pays ont provoqué ce qui sera considéré comme une provocation conduisant a la sécession avec des conséquences pour une ville comme Bruxelles, considérée comme la capitale de l’Europe. Si les Flamands peuvent être considéré comme les Québécois de la Belgique, a l’oppose, les francophones belges sont plutôt les « fédéralistes »de la Belgique. Les deux communautés constituant la francophonie belge, les Wallons et les Bruxellois, ont une vue de la Belgique très semblable à la vision canadienne-anglaise du Canada. Ils font ainsi souvent référence a un nationalisme « civique » tout en critiquant ce qu’ils considèrent comme un nationalisme flamand ethnique. La population de langue néerlandaise de la partie nord de la Belgique, malgré son plus grand territoire, sa richesse plus importante et sa démographie plus imposante que la partie sud francophone, a produit un nationalisme ressemblant à plusieurs égards au nationalisme québécois. Malgré tout, plusieurs éléments les distinguent. De son cote le nationalisme flamand a été porte par la démocratie chrétienne, alors que le nationalisme québécois a plutôt profite de l’appui de la gauche laïque. Pour sa part, le nationalisme wallon se situe clairement dans un cadre idéologique de gauche, mais se distingue du nationalisme québécois par l’absence de revendications linguistique et culturelles. En Belgique, le gouvernement de la Communauté française a adopté plusieurs décrets a caractère linguistique. Les décrets règlementent l’emploi de la langue française dans les domaines de la radiotélévision et des relations sociales entre les employeurs et leur personnel : le Décret sur la défense de la langue française du 12 juillet 1978 reste l’un des principaux textes juridiques. Le décret imposait l’usage de termes français a la place de termes étrangers dans une série d’actes et de documents d’intérêt public ; cette mesure visait notamment à combattre les anglicismes. En ce qui a trait au code linguistique (la langue elle-même), le Service de la langue française de la Communauté française de Belgique a établi huit grandes actions pour une politique de la langue française : -la recherche et la publication de données objectives sur la situation du français ; -l’enrichissement de la langue française : néologie et terminologie ; -la féminisation des noms de métiers, de fonction, de grade ou de titre ; -l’amélioration de la lisibilité des textes administratifs ; -la promotion du français dans les sciences ; -la promotion du plurilinguisme et de français dans les institutions de l’Union européenne ; -la sensibilisation du public a sa langue ; -la coopération avec les autres organismes de promotion de la langue française. CANADA QUEBEC Population du Canada : 34.300.083 (2011) Anglais 58,8 %, Français 21,6 %, Autres 19,6 % Population du Québec : 8.002.098 (2011) Français 81 %, Anglais 8 %, autres langues non officielles 10 % GDP pro capita : 40.300.- $ Chômage : 7,5 % Inflation : 2,8 % Dépenses pour l’éducation : 4,9 % le-France s’accélère entre 1660 et 1713. Au cours de la guerre franco-anglaise, les armées de Wolfe assiègent Québec. La bataille des Plaines d'Abraham marque la défaite des troupes de Montcalm, le 13 septembre 1759. Quatre ans plus tard, par le traite de Paris, le roi de France cède à « Sa Majesté britannique, en toute propriété, le Canada avec toutes ses dépendances ». Cette cession entraine vers le Nouveau Monde, une importante immigration de colons, anglais, irlandais et écossais. Après la conquête de 1760, le Canada est devenu une colonie britannique, comportant, dans la vallée du Saint – Laurent, un inaltérable bassin de population francophone. En 1791, l’Acte constitutionnel du Canada établit deux provinces : le Haut-Canada (l’Ontario) a majorité anglophone, et le Bas-Canada (le Québec) a majorité francophone. De 1837 à 1838, la Rébellion des Patriotes du Bas-Canada se solde par une cuisante défaite face à l’armée anglaise. En 1867, la signature de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique consacre la fédération des provinces du Canada, qui compte alors le Québec, l’Ontario, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Ecosse. A la fin du XIXe siècle, le Canada était devenu un Etat anglophone comportant une minorité francophone dont seul le cadre provincial du Québec assurait la réalité politico-territoriale propre. Longtemps le Québec s’enferma politiquement dans le conservatisme politique affirmant certes une forte défense de l’autonomie provinciale face a Ottawa, mais admettant finalement le statu quo linguistique. Jusqu’au début du XXe siècle, la vie économique québécoise est étroitement liée à l’agriculture et à l’industrie forestière. Par la suite, le processus d’urbanisation s’accélère et la croissance du secteur manufacturier attire les ruraux vers les villes. A cette époque, le Québec continue d’accueillir des immigrants, en majorité de souche européenne, qui fuient les guerres et la misère. Dans les années 1960, de profonds changements touchèrent le Québec, et la sécularisation de la société favorisa aussi l’éclosion d’un nouveau nationalisme dont l’un des combats était d’asseoir définitivement le caractère francophone de la province. Entre 1960/70, Le Canada lui-même évoluait. Les élites anglophones ne se reconnaissaient pas dans le processus d’américanisation de la société canadienne dont le symbole visible fut le drapeau à la feuille d’érable de 1964. Face aux Etats-Unis et à l’héritage britannique, la double nature linguistique du Canada apparaissait comme un facteur de personnalité propre. A cette époque également le secteur de l’éducation a été le premier champ de bataille du nouveau mouvement nationaliste, qui faisait également pression en faveur de réformes modernistes. Jusque-là, le système éducatif au Québec était dual catholique et protestant. Après la campagne pour une réforme de l’éducation qui a su rassembler aussi bien le mouvement laïque de la langue française, que l’école laïque de Montréal, le rassemblement pour l’indépendance nationale et le mouvement souveraineté – association, semant les germes d’un nouveau nationalisme progressiste et laïque. LE QUEBEC Envoyé par François 1er, roi de France, Jacques Cartier aborde Gaspé en 1534 et prend possession d’un territoire habite depuis des millénaires par des Amérindiens et des Inuits. Puis en 1608, Samuel Champlain accoste sur la rive Nord du fleuve Saint-Laurent, en un endroit que les Indiens appellent Kebec. En 1642, Paul Chomedey de Mainsonneuve fonde une petite mission d’évangélisation qu’il baptise Ville-Marie et qui deviendra Montréal à la fin du XVIIIe siècle L’expansion de la Nouvel- Dix ans plus tard, les débats autour de la question de la prépondérance du français se cristallisent. Entre 1965 et 1971, la commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (Commission B & B) créée par le gouvernement, constata officiellement la mauvaise situation des francophones au Canada et la place mineure du français dans l’administration fédérale. Dans les provinces, les minorités francophones du Canada anglais étaient menacées d’anglicisation, alors qu’au Québec même, le français ne bénéficiait pas de la place qui devait lui revenir. La Loi 22 de 1974 rend le français langue officielle dans l’enseignement, mais permet à tous l’accès à l’école anglaise à condition d’en réussir le test d’admission, inutile de constater que cet Loi est mal reçue aussi bien par les francophones que par les anglophones. En 1976, le Parti Québécois, dirige par René Levesque est porte au pouvoir. Ce changement politiquepermit de mettre en oeuvre une politique linguistique ambitieuse, avec le vote par l’Assemblée nationale québécoise en 1977 de la Charte de la langue française. La fameuse « Loi 101 » établit au Québec la primauté absolue de la langue française tout en engageant un processus volontariste de francisation de la société. Quatre ans plus tard, la population rejette, par voie de referendum, le projet de souveraineté – association avec le gouvernement fédéral ( 40,4 % en faveur).Un projet similaire sera à nouveau rejeté en 1995 (pour 49,40%). Au cours de ces dernières années, le nationalisme québécois s’est transformé pour devenir plus libéral et sécessionniste que social-démocrate. Bien que toujours base sur la défense de la langue française, qui reste le « cheval de bataille », ce néonationalisme se caractérise paradoxalement par un ancrage territorial, abandonnant par cela-même les francophones éparpillés dans les autres provinces.Les souverainistes sont très confiants lorsqu’ils évoquent l’avenir. Pour eux, il ne fait aucun doute que le prochain referendum sera le bon. Cet optimisme repose sur le fait que les jeunes québécois se montrent beaucoup plus nationalistes que leurs ainés. Ceci s’explique en partie par l’éducation qui leur est donnée dans les écoles. Les manuels d’histoire, notamment, rédigés selon la volonté des souverainistes au pouvoir, sont axes sur le conflit 67 canado-québécois et sur l’opposition continuelle entre anglophones et francophones au cours de l’histoire de l’Amérique du Nord. Les jeunes sont donc nourris de ce sentiment anti-anglophone. Rappelons que le territoire du Québec est égal à la superficie de la France, de l’Allemagne et de l’Espagne réunis. Jouissant d’un niveau de vie élevé, le Québec possède des richesses naturelles et énergétiques abondantes. Il se distingue dans les secteurs du génie, du transport, des télécommunications, de l’aéronautique et de l’aérospatiale, de la recherches et des soins médicaux, de l’informatique et des biotechnologies et des énergies alternatives. Pour sa part, le Canada n’a jamais clarifie les usages linguistiques officiels dans les zones minoritaires, participant de leur fragilité et nourrissant la contestation québécoise. Actualité Très intéressant le débat lance par les étudiants en révolte contre l’augmentation des taxes universitaires. Ce conflit qui oppose depuis plus de trois mois, le monde universitaire aux politiciens entre dans le cycle des « indignes » qui de par le monde luttent pour des causes communes ou voisines comme l’éducation pour tous, le chômage des jeunes qui atteint dans certains pays 40 / 50 % pour la tranche d’âges 17 / 25 ans, comme c’est notamment le cas en Espagne et en Grèce. Les étudiants ont été rejoints par leurs parents, les retraites, les chômeurs et des manifestants de tous les horizons venus s’opposer a l’augmentation des frais de scolarités. Ces mouvements se sont étendus non seulement en Europe mais également en Amérique Latine, Chili et Mexique notamment. Dans ce dernier pays, le mouvement estudiantin manifeste contre les politiciens et plus spécifiquement pour le peu d’intérêt que ces derniers portent à l’éducation, a peine mentionne dans leurs programmes électoraux. On remarque donc que de nouveau, les protestations, les manifestations d’une ampleur grandissante, sont les seuls moyens dont disposent les jeunes pour se faire entendre, la rue imposant et forçant au dialogue à la politique établie. LOUISIANE / ETATS - UNIS / USA Population de la Louisiane : 4,601.893 habitants (2010) Capitale : Baton Rouge Superficie :125.625 km2 ( l/4 de la France) Origines : 16,8 % Français Américains : 9,5% 8,3 % Allemands Irlandais : 7,5 % 6,6 % Anglais Italiens : 4,8 % % Racial Blancs 62,6 % Noirs 32 % Natif Americain 0,7 % GDP pro capita : 30.952 $ (41eme) Chômage : 7, 4 % Inflation : 2,8 % Dépenses pour l’éducation : ??? Au XVIIe siècle, les Anglais fondent autour de Boston les treize colonies qui constitueront le noyau des Etats – Unis d’aujourd’hui. Mais les Français sont, eux aussi, présents et construisent au nord et à l’ouest de la Nouvelle Angleterre, une Nouvelle – France. Samuel Champlain avait fait du Québec un centre commercial de fourrures, les Jésuites avaient fondé des missions sur le lac Michigan, bases idéales de départ pour les explorations. C’est de là que partirent en 1673, Joliet et le père Marquette, un trappeur et un jésuite, sur de petits canots d’écorce jusqu’au Mississippi. Plus tard Cavalier de la Salle et son équipe devaient entreprendre la plus périlleuse mais aussi la plus glorieuse des expéditions : la descente du Mississippi. Parti du Lac Michigan, à l’emplacement approximatif de Chicago, ils trouvèrent le vieux fleuve encombré de glaces, lors de leur traversée de l’Illinois. Mais au fur et à mesure qu’ils progressaient vers le Sud les eaux devenaient de plus en plus chaude, la végétation plus luxuriante ; ils débouchèrent ainsi dans le Golfe du Méxique. La Salle pris officiellement possession de l’immense empire qu’il venait de découvrir et le nomma Louisiane, en l’honneur du roi Louis XIV. C’était le 9 avril 1682. Mais le Roi Soleil était trop occupé par ses guerres en Europe et l’aménagement de son château à Versailles, pour se soucier d’un tel gain perdu au coeur du Nouveau Monde. Il accorda alors à La Salle quelques vaisseaux, une petite troupe, mais cela était insuffisant. En 1687, au cours d’un second voyage en Louisiane, La Salle devait être assassiné par un de ses compagnons de route. Le sacrifice de La Salle ne devait pas rester inutile, car il se trouvait des hommes ambitieux comme d’Iberville et son frère Bienville. Le premier fonda en 1699, une petite colonie à Mobile, sur le Golfe du Mexique (aujourd’hui en Alabama). Le second, la Nouvelle Orleans en 1718. Ces deux colonies perdues au milieu d’un immense domaine allant du Québec au Golfe du Mexique. Présence française en Louisiane En 1712, le vaste territoire de Louisiane est administré par Antoine Croizat qui a toute liberté de commerce sur l’ensemble de la colonie. Il est prévu de faire venir, chaque année, de France un certain nombre de colons ;ils représenterons le premier noyau d’une présence française sur le territoire. Croizat est remplaçé par le banquier John Law, en 1717 qui fonde la Compagnie du Mississippi. Il recrute près de 1600 allemands en Rhénanie et en Silésie ; ils fondent une colonie près de La Nouvelle-Orléans (région dite « des Allemands »). Mais les rivalités entre colons anglais et colons français devaient vite apparaitre : l’insouciance du roi, l’indifférence des Français firent le reste. Les forts et les villes fortifiées de la Nouvelle France, au nord des Grands Lacs (Fort Frontenac, Québec) tombèrent les uns après les autres. Le traité de Paris de 1763, donne aux Anglais tous les territoires français d’Amérique du Nord, sauf la Louisiane, qui fut cédée à l’Espagne par un accord secret. La perte du Canada devait annoncer la disparition de la forte présence française sur le continent Nord-américain. En 1800, Napoléon réacquière la Louisiane de l’Espagne par le traité de San Ildefonso, un arrangement maintenu secret pendant deux ans. « Aux mains des Américains, la Louisiane sera plus utile à la politique et même au commerce de la France que si je tentais de la garder »déclare à St-Cloud le 10 avril 1803,le premier consul. Pour les Américains, la Louisiane représente une excellente affaire, l’acquisition de 2.275.000km2 pour la somme dérisoire de 68 11.250.000 dollars (soit trois dollars par hectare). En mars 1804 est nommé un premier gouverneur américain, William Clairbone. Huit ans plus tard, la Louisiane est admise dans l’Union en tant qu’Etat. La population compte près de 77.000 habitants en 1810 qui doublera 10 ans plus tard. L’Angleterre a des visées sur la Louisiane mais les habitants s’allient pour faire rétrograder les Anglais. En 1815 la Louisiane est libre et peu aller vers le progrès, même si subsiste une honteuse traite d’esclave. Vers 1850, les planteurs firent leurs fortunes, constituant ainsi les premiers millionnaires américains. A cette époque, 66.000 familles possédaient alors 20 esclaves, cependant que 2.000 familles en possédaient plus de 100. En1861, treize Etats du Sud, esclavagistes, font sécession. Moins bien organisés que les Nordistes, ces derniers s’emparent de la Nouvelle-Orléans en 1862 après cinq jours d’intenses bombardements. La Louisiane est ravagée, ruinée, occupée par les troupes du Nord jusqu’en 1877. Elle sera réadmise dans l’Union en 1868, mais avec une Constitution qui assurera aux Noirs émancipés le droit de vote. En 1901,la découverte du pétrole, la conquête du chemin de fer, les débuts du jazz, annoncent une nouvelle Amérique, un nouveau Sud, une Louisiane moderne. Dans l’actualité il n’existe pas de réelle désir de faire reconnaître le français comme langue officielle des Etats – Unis, bien que certains textes officielles et légaux du XIXeme siècle n’existe qu’en français. ANNEXE INFORMATIF SEPARATION DE LA TCHECOSLOVAQUIE Apres la révolution de velours, la séparation de velours Les Tchèques et les Slovaques ne regrettent pas leur sécession Certains prennent comme exemple ce qui s’est passe en Europe centrale après l’effondrement du mur de Berlin, ou nous avons deux exemples un mauvais le démentiellement douloureux de la Yougoslavie et la séparation à l’amiable de la Tchécoslovaquie. Dans ce dernier cas, les dirigeants des deux parties du pays ont mis en oeuvre, quelques années après la Révolution de velours, une "séparation de velours". A peine une semaine après la proclamation de l’indépendance par le Parlement slovaque, l’affaire était réglée. Le 31 décembre 1992, la Tchécoslovaquie cessait officiellement d’exister. Selon les hommes politiques concernés, les dissensions étaient devenues insurmontables. Les habitants ne furent pas tous satisfaits de cette évolution, loin de là. D’après les sondages, une majorité des Tchèques et des Slovaques étaient même contre. Mais aujourd’hui, ils ne regrettent pas cette séparation. Même les Slovaques, les petits frères fragiles, et pauvres n’en ont pas souffert sur le plan économique. En tant que citoyens d’un Etat indépendant, ils savent mieux se défendre que lorsqu’ils dépendaient des finances des Tchèques. Ce sont surtout leurs relations mutuelles qui ont tiré parti de la séparation. Elles sont actuellement bien meilleures que lorsque les Tchèques et les Slovaques étaient compatriotes.La séparation de velours devrait donc être un possible exemple pour la Belgique, où les problèmes communautaires sont bien plus exacerbés que dans l’ancienne Tchécoslovaquie. Une crise économique n’est par ailleurs pas à redouter. Contrairement aux Tchèques et aux Slovaques en 1992, les Flamands et les Wallons ont le filet de sécurité du marché unique européen.Même en ce qui concerne le problème de Bruxelles, qui est à la fois une région distincte et la capitale de la Flandre, la séparation n’est pas forcément un obstacle. La conception d’une solution belge ne devrait donc pas, surtout en des temps où la notion de territorialité est plus flexible, constituer une mission insurmontable. Le pacte linguistique est fragile, il peut trembler quand l’une des communautés dénonce l’impérialisme linguistique de l’autre lors de frictions nationales (par exemple les langues dans l’administration fédérale) ou locales (le bilinguisme dans certaines communes). L’entente nationale tremble surtout pour des raisons économiques et politiques d’inadéquation des intérêts et des aspirations des communautés. EVALUATIONS DES T E N D A N C E S POLITIQUES ECONOMIQUES ET CULTURELLES SITUATION 2014 APRES AUDITION DE L’EXPOSE SUR LA PROBLEMATIQUE REGIONS PAYS MOUVEMENT PARTI AUTONOMISTE SITUATION ACTUELLE VAL D’AOSTE ITALIE ROMANDIE SUISSE WALLONIE BELGIQUE QUEBEC CANADA LOUISIANE ETATS – UNIS EVALUATIONS DES T E N D A N C E S POLITIQUES ECONOMIQUES ET CULTURELLES SITUATION 2014 VAL D’AOSTE Parti autonomiste très minoritaire Ne revendique pas l’indépendance ni la session de l’Italie ROMANDIE/SUISSE Mouvement autonomiste qui a obtenu l’indépendance autonomie cantonale pour la partie Nord du Jura francophone, le Sud devant encore prendre des décisions dans les mois qui viennent. Les francophones ont obtenus quelques avantages dans les années 1960 /1980. Le français dans les régions germanophones connait des sorts divers étant en forte concurrence avec l’anglais en particulier dans la capitale économique Zurich WALLONIE/ BELGIQUE Bien que minoritaire, le français domine jusque dans les années 1980/90 la scène belge. avec la résurgence de parties et mouvements flamands demandant la séparation de la Belgique Les partis flamands demandant un référendum, les partis francophones sont toujours favorables a un pays uni. L’argument flamand étant que la Flandre est riche et la Wallonie pauvre. CANADA/QUEBEC Parti indépendantiste qui s’est déjà présenté deux fois devant les citoyens pour promouvoir l’indépendance du Québec et n’a pas obtenu le succès souhaité Bien qu’une entité québécoise indépendante soit viable pouvant être le 8eme pays du monde, les habitants en particulier les émigrants préfèrent la sécurité du Canada. ETATS - UNIS LOUISIANE Parti indépendantiste très minoritaire qui a obtenu quelques avantages pour la promotion du français Efforts et soutien au niveau de l’éducation et de la culture, mais impossible de penser que français puisse être considéré comme langue nationale, l’espagnol avec une population bien supérieur n’a jamais pu l’obtenir. 69 Regards croisés sur le discours académique: analyse comparatiste du résumé de communication en français et en espagnol FERNÁNDEZ, Marcela B. - Universidad Nacional de Rosario, [email protected] LIFFOURRENA, Andrea - Universidad Nacional de Rosario, [email protected] Résumé: Le résumé de communication revêt des complexités multiples même s’il apparaît comme un genre académique simple. A partir de l’analyse d’un corpus de 40 textes en espagnol et en français du domaine de la linguistique générale et de la linguistique appliquée, l’article décrit les caractéristiques génériques du résumé de communication dans une perspective contrastive dégageant celles communes à l’espagnol et au français et celles propres à chaque langue. Les résultats de la recherche enrichissent le débat sur l’analyse des genres textuels ainsi que les possibilités d’interventions pédagogiques. Motsclés: résumé de communication, perspective contrastive, linguistique. Abstract: The conference abstract involves multiple complexities although it poses as a genre of apparent simplicity. Through the analysis of a corpus of 40 general linguistics and appliedlinguistics texts both in Spanish and French; this article describes the generic characteristics of the conference abstract in view of a contrastive approach. It highlights the characteristics which both languages bear in common as well as the specific characteristics of each. The outcome of the research brings about an enriching debate on the analysis of discourse genre and it contributes to new educational interventions. Keywords: conference abstract, contrastive approach, linguistic. Resumen: El resúmen de ponencia reviste complejidades multiples aunque aparente ser un género académico simple. A traves del análisis de un corpus de 40 textos en español y en francés del campo de la linguistica general y la linguistica aplicada se describen las características genéricas del resumen de ponencia desde una perspectiva contrastiva, identificando aquellas que son comunes al español y al francés y aquellas propias a cada lengua. Los resultados enriquecen el debate sobre el análisis de los géneros textuales así como las posibilidades de intervención pedagógica. Palabras clave: resumen de ponencia, perspectiva contrastiva, linguistica. La notion de genre occupe une place de plus en plus importante dans la recherche en linguistique. A partir de la publication en France des travaux de Bakhtine, elle est rentrée au domaine de l’ Analyse des discours donnant lieu à des typologies diverses et des théories variées. Cette pluralité de théories a contribué ainsi au développement d’un important courant de recherches sur les genres textuels. Ceuxci, conçus comme “des formes d’organisation concrètes qui se modifient avec le temps” (Bronckart, 1996) agissent comme des contraintes à plusieurs niveaux et deviennent des instruments ou modèles psychosociolinguistiques auxquels on a recours pour la production et l’interprétation des textes. De nombreux travaux portent actuellement sur les genres académiques, notamment l’article de recherche et l’abstract: en anglais nous pouvons citer les travaux de Swales (1990), Hyland (2000) et Bazerman (1994), entre autres, du côté du français, nous trouvons les travaux de l’équipe du LIDILEM de l’Université de Grenoble (Tutin 2010, Vold 2008), tandis qu’en espagnol il y a les travaux sur le résumé de communication de Brottier (2000) ainsi que des travaux comparés sur l’abstract en anglais et en espagnol faits par Adriana Bolivar (Bolivar 1997,1999). Dans le cadre des recherches sur les genres académiques, notre travail analyse le résumé de communication en français et en espagnol à partir d’ une perspective contrastive. Il fait partie d’une recherche plus large, dirigée par Florencia Miranda (20102012), dont le titre est « Análisis Interlingüístico de géneros textuales : el caso del resumen de ponencia » qui a été mis en place par le « Centro de Estudios Comparatistas » de la Facultad de Humanidades y Artes de la Universidad Nacional de Rosario, Argentine. Le but de ce projet est d’identifier les caractéristiques génériques communes dans des textes du domaine de la linguistique, en portugais, français et espagnol. Pourquoi le résumé de communication? Loin de son apparente simplicité, le résumé de communication est un genre qui revêt des complexités multiples: d’une part, il y a celles inhérentes à l’enjeu de sa production, d’autre part il y a les contraintes propres à l’appel aux communications. En effet, la nature même de la situation de communication impose à ce texte une série de caractéristiques: il doit 70 répondre aux exigences de l’appel aux communications, notamment en termes de nombre de mots et de pertinence de la thématique, mais en même temps, il doit démontrer la solidité de la proposition et l’intérêt qu’elle peut présenter. Son enjeu est potentiellement considérable: premièrement, le résumé de communication doit susciter une impression favorable auprès du comité d’expertise en vue de la sélection de la communication. Puis, lors du colloque, le résumé constitue un repère fort auprès des participants pour choisir d’assister ou non à la communication orale. Enfin, une fois le colloque fini, le résumé reste accessible sur Internet, constituant ainsi une porte d’entrée particulièrement efficace pour les chercheurs. Par sa concision et son esprit de synthèse, le résumé de communication peut s’apparenter du résumé d’article ou abstract, mais celuici n’a pas nécessairement la visée argumentative dérivée de l’enjeu de l’acceptation par un comité scientifique. Le résumé d’article ou abstract est un genre réglé par des normes ISO 2141976 et en espagnol la norme UNE 5010390, traduction littérale de la précédente et plus dernièrement la norme ANSI/NISO Z39.141997 et française AFNOR NF44004. Bien que ces normes n’aient pas l’obligatoriété d’une norme juridique, dans le domaine des chercheurs leur respect s’est imposé avec le temps. Le résumé de communication, pour sa part, n’est pas explicitement réglé, mais il y a une tendance à accepter qu’il devrait réunir les mêmes caractéristiques que l’abstract. Cependant, les contraintes citées cihaut nous permettent de mettre en doute cette affirmation préliminaire. Une remarque intéressante c’est le fait qu’en français le flou autour de ce genre se met en évidence même dans le nom qu’il reçoit: tantôt les organisateurs d’un événement le désignent comme “résumé de communication”, tantôt comme “proposition de communication” terme qui rend mieux compte de la visée argumentative implicite. Le résumé de communication est un genre associé à la communauté académique et scientifique, que nous identifions d’après les caractéristiques des communautés discursives de Swales (1990). Les chercheursauteurs d’une même communauté partagent donc les mêmes genres de textes. J.C Béacco (1992) a ajouté à cela la dimension internationale: il nous parle des “communautés communicatives translangagières: celles qui sont fortement fondées sur une institution […] dans lesquelles les statuts des scripteurs sont fixés […], mais qui fonctionnent en plus d’une langue naturelle”. Notre objet de recherche sera constitué alors de textes produits par la communauté de chercheurs en linguistique et linguistique appliquée, Français et Argentins, dans le but d’identifier les caractéristiques communes et les différences qui apparaissent dans la réalisation du même genre dans ces langues naturelles d’origine latine. Méthodologie Le cadre général de notre projet comme point de départ les propositions méthodologiques et épistémologiques de l’Interactionnisme Sociodiscursif (ISD) mais a fait appel aussi à d’autres perspectives théoriques permettant de décrire et de comparer les textes ciblés notamment la théorie de mouvements rhétoriques ou modèle CARS de Swales (1996). L’analyse des genres d’après le ISD prend en compte les caractéristiques de la dimension sociopsychologique de la production des textes, c’est à dire, les formes de l’interaction discursive par rapport aux conditions de réalisation. La description d’une action langagière, unité psychologique, implique d’ “identifier les valeurs précises qui sont attribuées par l’agent producteur, d’une part a chacun des paramètres du contexte, d’autre part aux éléments du contenu thématique mobilisé” (Bronckart,1996:102). Nous avons donc fait la description sociosubjective des textes de notre corpus et mis en rapport le lieu social des auteurs avec certaines caractéristiques de leurs textes. Pour faire l’étude des caractéristiques formelles du résumé de communication nous avons pris les critères de production proposés par les normes internationales pour rédiger des résumés (abstract). L’emploi du modèle CARS de Swales nous a permis d’analyser comparativement l’ organisation rhétorique des textes. Ce modèle qui reconnaît trois mouvements “moves”, c’est à dire, des segments qui jouent une fonction précise dans l’organisation du matériel textuel, a été développé pour analyser l’introduction de l’article de recherche. Bien que dans notre cas il ne s’agisse pas exactement du même genre, beaucoup d’auteurs ont eu recours à cet outil pour décrire d’autres genres académiques. Le corpus à analyser a été constitué de 40 résumés de communication, correspondant à six événements scientifiques dans le domaine de la linguistique et la linguistique appliquée, disponibles sur Internet. On a choisi des auteurs français de façon à réduire les biais liés à la culture et à une éventuelle maîtrise insuffisante du français. Pour l’espagnol, tous les résumés du corpus appartiennent à des auteurs argentins. Comme les résumés de communication peuvent soit présenter les résultats de recherches, soit résumer des expériences, des analyses de cas, de propositions de projets ou des réflexions théoriques, nous avons sélectionné à l’intérieur de ce groupe de 40 textes ceux qui résument des recherches en cours ou déjà achevées à fin d’homogénéiser le corpus. Les autres résumés, ayant un objet différent, présentent des particularités autres. Nous avons travaillé alors sur 28 résumés de communications, 14 en français et 14 en espagnol. Nous avons pris également en compte le status des auteurs faisant entrer dans notre sélection deux évènements de jeunes chercheurs (5 en espagnol et 5 en français). Pour certains événements nous avons trouvé également le texte d’appel aux communication, ce qui nous a fourni les informations et les prérequis dont disposaient les auteurs avant de rédiger leurs propositions de communication. Caractérisation des conditions de production textuelle du résumé de communication d’après l’ISD. Reprenant l’analyse de Florencia Miranda (2012) la production du résumé de communication comme pratique associée à l’activité académique (en tant qu’activité sociale et activité langagière), se rapporte à la participation dans des événements scientifiques en général. La production de textes de ce genre est parfois condition nécessaire pour pouvoir y participer. Les auteurs peuvent se trouver dans l’une des deux situations: soit ils ont été invités à participer de l’événement, dont les organisateurs demandent un résumé de leur communication qui ne sera pas soumis à évaluation, soit ils ont appris de l’organisation de cet événement et doivent présenter une proposition de communication pour y être acceptés à partir de l’évaluation réalisée par un comité d’experts. On pourrait faire l’hypothèse que le résumé qui sera soumis à une évaluation devrait présenter une organisation plus argumentative, étant donné le but “persuasif” ajouté. Le contenu thématique: Le choix du thème dépend en même temps de la thématique du congrès et des intérêts, recherches ou réflexions de l’auteur. On pourrait supposer que les résumés présentent des propositions parfaitement intégrées aux thématiques générales de l’événement. Cependant, notre corpus comprend des résumes qui semblent ne pas être nettement en rapport avec la propositions des organisateurs. Comme ils ont tout de même été acceptés, on pourrait interpréter que le comité de sélection a privilégié le domaine scientifique qui convoquait les participants plutôt que les thèmes spécifiques de l’événement. L’agent producteur et les destinataires: La production des résumés se présente comme une activité soit individuelle, soit collective. Dans la plupart des textes, les auteurs jouent un rôle social professionnel comme membre d’une institution académique, ce qui apparaît dans les données peritextuelles comme signature, sous la forme “Nom, prénom, institution”. Parfois, on y trouve aussi un renseignement supplémentaire de catégorie: “doctorant”, et très fréquemment l’adresse électronique. Quoique son rôle social de chercheur, professeur, étudiantchercheur ne soit pas toujours explicite il peut s’entrevoir à partir des termes employés pour se référer à son propre travail, du type “cette recherche, cette étude, etc” La production d’un résumé de communication a un double destinataire: si en principe le résumé s’adresse aux pairs qui connaissent en gros la thématique et qui seront présents dans l’événement, il est clair que l’auteur, au moment d’écrire, doit tenir compte du comité d’experts qui devra évaluer sa proposition de communication. Il doit donc faire appel à des stratégies pour valoriser son travail : on y trouve le recours aux citations, la mention de la bibliographie, ou des valorisations positives ou négatives. Les contextes physique et sociosubjectif de production des résumés de communication. Le lieu de production des textes: Par rapport au lieu de production, on peut analyser deux dimensions: l’une physique, l’autre sociosubjective. Si nous considérons l’espace physique de production, il est évident que l’analyse des textes ne nous apporte rien sur cette donnée. Par contre, il est intéressant de réfléchir au lieu social qui occupe l’activité académique. Ce domaine d’activité a ses propres règles tantôt d’ordre praxéologique comme linguistique. Dans les textes que nous avons analysés, on trouve toujours la localisation géographique de l’institution à laquelle appartient le chercheur. Cette information est vraiment importante car elle traduit des valeurs positives ou négatives, des préjugés culturels associés, etc, tantôt pour celui qui produit le textequi se situe en tant que membre de la communauté scientifiquecomme pour celui qui l’évalue. Bref, cette inscription n’est pas une donnée sans intérêt ni pour l’auteur ni pour le lecteur. Le moment de production des textes: Il est possible qu’au moment de présenter le résumé de communication, le texte à partir duquel on devrait le faire ne soit pas encore écrit ou bien que la recherche dont il est question ne soit pas encore achevée. Cette circonstance ajoutée aux enjeux de la sélection et évaluation du résumé nous permet de penser que le résumé est un texte indépendant ce qui explique plusieurs traits linguistiques du genre, par exemple l’emploi du futur ou de formules qui expriment le but de la communication. D’ailleurs, ce caractère inachevé de la communication ou de la recherche est caché par le terme “résumé” tandis que celui de “proposition de communication” laisse entrevoir une dimension programmatique. 71 Les relations intertextuelles: L’intertexte constitue pour Bronckart (1996) l’ensemble des genres de textes élaborés par les générations précédentes tels qu’ils sont utilisés et éventuellement transformés et reorientés par les formations sociales contemporaines. Il explique aussi que ces genres sont nécessairement indexés, c’estàdire porteurs d’une ou de plusieurs valeur d’usage et que c’est en fonction de la connaissance effective des genres et de leurs conditions d’utilisation que l’agent choisit un modèle textuel. Ainsi, lorsqu’un auteur choisit de produire un texte avec certaines caractéristiques il met en évidence non seulement les représentations qu’il s’est faites de ce genre à l’intérieur de sa communauté disciplinaire mais aussi celles des conditions d’utilisations et de son image de soi. D‘après un sens plus général d’ intertextualité, on atteste aussi le dialogue entre l’auteur et d’autres textes, dialogue qui se manifeste de manière explicite à travers des citations ou de la bibliographie. Dans certains cas l’auteur dialogue avec soi même faisant référence à ses recherches précédentes. Le résumé de communication et le résumé d’article (abstract) Nous passons en revue les normes de rédaction de résumés d’article: (normes UNE 501031990 et 501351996 équivalente de ISO 5966:82) pour voir jusqu’à quel point le résumé de communication s’y apparente. a) Nous voyons que les informations demandées par les normes sont le nom de l’auteur, le titre, le numéro d’identification du rapport, l’organisation ou institution de référence et la date de publication. La majorité des résumes de communication offrent la même information, sauf le numéro d’identification du rapport. En plus, l’adresse électronique s’ajoute à la plupart des résumes de communication, et dans certains résumés en espagnol, le nom de la ville et du pays sont présents. b) Par rapport à la longueur du texte, les normes tiennent compte de la nature de l’article et établissent 250 mots maximum comme critère général, fixant un maximum de 100 mots pour les notes brèves et 500 mots pour les résumés de rapports ou thèse. Il faut remarquer que dans les appels à communication des différents événements pris en compte dans notre corpus, les consignes de longueur sont exprimées avec des paramètres différents: parfois avec une quantité de mots (250 à 400 mots), parfois de caractères (1500, équivalent à moins de 200 mots), parfois en terme de pages (une demipage) ou de lignes (max.5). Cela montre que lors de l’appel à communication les organisateurs n’ont pas pris en considération les normes internationales pour la production des résumés ou abstracts. Pourtant la moitié de notre corpus dans les deux langues a entre 250 et 500 mots, indépendamment des exigences posées par l’événement: en français la majorité des résumés respecte la consigne de longueur, à exception de ceux qui étaient limités à 5 lignes, où la plupart a légèrement dépassé la longueur. En espagnol, plus de la moitié des textes dépasse le nombre de mots suggérés. c) Concernant l’organisation en paragraphes, les normes ISO ?1982 et UNE ?1990 établissent que le résumé doit avoir un seul paragraphe, mais la norme UNE ?1996 accepte la possibilité de plus d’un paragraphe si le résumé est long. Notre corpus montre que le paragraphe unique est très peu fréquent: sur 14 textes en chaque langue, en espagnol on atteste seulement trois cas où les auteurs ont fait un seul paragraphe tandis qu’en français on a trouvé six cas, cinq dont la consigne était de ne pas dépasser 5 lignes plus un autre qui en admettait davantage. Les autres résumés présentent de trois à six paragraphes avec une particularité intéressante: en espagnol, ce sont les jeunes chercheurs qui écrivent les textes les plus longs tandis qu’en français cela correspond aux auteurs chevronnés. d) A propos des motsclés, les normes suggèrent la possibilité d’en ajouter deux ou quatre. Pourtant, en aucun cas des mots clés accompagnent les résumés de communication recensés même si dans deux événements analysés, l’un en français, l’autre en espagnol, il était demandé de le faire. e) Les normes ne prévoient pas que le résumé présente les données bibliographiques consultés par l’auteur. Cependant un tiers des résumés de communication en espagnol et un seul en français sont suivis d’une liste de bibliographie, sans que cela ait été exigé dans les consignes de l’évènement. f) Les normes admettent l’usage des citations s’il s’avère indispensable mais dans les corpus analysé l’emploi des citations varie selon les langues: elles sont très fréquentes dans les productions en espagnol (deux tiers (66%) des textes en font usage) contre une petite minorité (15% ) en français. 72 g) A propos du style du résumé, les normes recommandent vivement l’emploi de la voix active. Les résumés de communication analysés respectent largement en français cet emploi, tandis qu’en espagnol on trouve quelques résumés rédigés avec une dominance de la voix passive. h) Quant aux caractéristiques de la première phrase du résumé, la norme ANSI/NISO Z39.141997 recommande d’éviter d’y énoncer la nature du document. Dans la moitié des résumés étudiés (dans les deux langues) cette recommandation n’a pas été prise en compte: on trouve ainsi des résumés qui commencent par: “Cette étude ” “Cette communication….” “Cette recherche”/ “Este trabajo …” “Nuestro trabajo…”, “En esta comunicación…” D’après ces caractéristiques externes, nous pouvons donc synthétiser que dans les deux langues l’identification des auteurs répond largement aux mêmes procédés, ceux utilisés normalement à l’intérieur de la communauté scientifique. Dans les deux langues il y a une tendance à développer le résumé dans plus d’un paragraphe: cette organisation est plus marquée en espagnol, avec une moyenne de 2,5 paragraphe pour les auteurs chevronnés et de 4 pour les jeunes chercheurs contre une moyenne en français de 2,14 tous les auteurs compris. Concernant l’extension des résumés il y a une tendance à dépasser le nombre maximum de mots fixés par l’appel aux communications, plus marquée en espagnol, quoiqu’en général les auteurs semblent se situer entre les limites fixés par les normes. La présence de bibliographie et des citations dans le résumé est assez fréquente en espagnol et assez rare en français, même si les appels respectifs ne disent rien à ce propos. On dirait que les auteurs ne suivent pas de très près les consignes formelles de présentation, soit celles de normes soit celles des appels aux communications. L’architecture interne des texte Pour Bronckart l’organisation d’un texte est constituée de trois strates: l’infrastructure générale du texte, les mécanismes de textualisation et les mécanismes de prise en charge énonciative. Dans notre travail nous nous sommes limités à analyser le premier et le dernier des ces niveaux. Pour l’étude du plan général du texte, nous avons trouvé plus efficace d’employer la notion d’organisation rhétorique de Swales (1990) et ses outils d’analyse. Organisation rhétorique: Le concept de mouvement rhétorique de Swales (1990) a été développé pour analyser l’introduction de l’article de recherche. Swales pose l’existence dans le texte de trois différentes segments ou mouvements (“moves”) qui correspondent aux fonctions pragmatiques codées qu’elles assurent au sein du genre, telles que la description du contexte théorique, la déclaration d’une intention de recherche, la précision de l’objet d’étude, la présentation des outils et des méthodes, ou encore la présentation des résultats et des conclusions auxquelles on a abouti. Le premier mouvement sert à “établir un territoire”, le deuxième permet d’établir “un niche” justifiant la recherche et le troisième de “l’occuper”. Chaque mouvement peutêtre réalisé par différentes étapes (steps) qui peuvent se présenter individuellement ou non. Voilà le modèle CARS de Swales: The Create A Research Space (CARS): Mouvement 1: Établir un territoire Étape 1: Réclamer centralité et /ou Étape 2: faire des généralisations thématiques et/ou Étape 3: passer en revue les recherches précédentes Mouvement 2 : Établir un niche Étape 1A : “Counterclaiming” ou contreargumenter Étape 1B: Indiquer un vide ou Étape 1 C : se poser des question Étape 1D : continuer une tradition Mouvement 3 :Occuper le niche Étape 1A: Énoncer les objectifs Étape1B: Annoncer la recherche précédente Étape 2: Annoncer les résultats principaux Étape 3 : Annoncer le plan de l’article. L’analyse de notre corpus de résumés de communication offre comme résultat plusieurs remarques intéressantes. Du total de 14 textes en français, seulement 6 ont le premier mouvement qui permet de contextualiser la recherche ou le travail. Parmi ceux qui n’ont pas le mouvement 1, un seul a le mouvement deux celui qui définit un niche en explicitant ce qui manque ou qui a été faiblement développé par les études précédentes. Par contre, tous les résumés présentent le troisième mouvement, où on annonce ce qui sera effectivement exposé dans la communication. La situation est tout à fait différente en espagnol car tous les textes ont le premier mouvement et seulement deux textes manquent d’un mouvement. C’est à dire qu’en espagnol, dans presque tous les cas on trouve les trois mouvements: bref, le résumé en espagnol contextualise la recherche ou le travail, marque les manques ou les faiblesses de la thématique et présente enfin ce qui sera fait. Concernant la réalisation de ces mouvements, en français le mouvement 1 se présente en une seule étape (des généralisations sur le thème), tandis que c’est le mouvement 3 qui s’avère le plus riche en étapes: la moitié des textes présente 2 étapes, à savoir la présentation des résultats, accompagnés soit de la finalité de la recherche ou des principaux acquis. En espagnol, les mouvements 1 et le mouvement 3 comptent dans la plupart des cas deux étapes, tandis que la réalisation du mouvement 2 se fait à partir d’étapes variées. Mais les étapes qui réalisent chaque mouvement apparaissent parfois intercalées, (Ex: Este trabajo pretende dar cuenta del uso del marcador discursivo “o sea”.../ dans la première ligne, et “la hipótesis de la que parte este trabajo y que pretende demostrar es que el marcador discursivo “o sea” puede introducir…” dans la dernière ligne, ce qui n’arrive en aucun cas en français. La comparaison montre que les résumés en espagnol sont plus complets que ceux en français parce qu’ils présentent les 3 mouvements décrits et aussi sontils plus riches en stratégies vu l’emploi de plus d’une étape par mouvement. Par contre, leur organisation rhétorique est moins nette. Dans les mouvements 2 et 3, nous avons essayé de retrouver les stratégies les plus fréquemment mises en places pour indiquer un vide (créer le “gap”), à savoir (i) l’emploi d’un lexique à connotation négative dans l’analyse des études préexistantes, (ii) la comparaison de perspectives, (iii) la formulation de questions, (iv) l’expression d’énoncés hypothétiques et (v) l’inscription de l’auteur dans une ligne de recherche. Nous avons attesté que dans les deux langues les stratégies sont variées, mais il y a une préférence en français pour la formulation directe des questions de recherche (Ex. “Quels rôles jouent…” “les étudiants, ontils un rapport…?”), et l’inscription dans une ligne de recherche (Ex: Cette observation... en diachronie et en synchronie a débuté en 1996. Le suivi de…”).On n’a pas trouvé de comparaison de perspectives (ii). En espagnol, les stratégies (iii) et (iv) sont les moins fréquentes, devancées par l’emploi d’un lexique négatif (i) (“dada la inexistencia de…” “los estudios...no son numerosos”, “pese a...esta estructura ha sido poco estudiada) et les comparaisons ou contrastes (ii) marqués par des connecteurs du type “por una parte...por otra parte”... “cada vez más…”). Mécanismes de prise en charge énonciative: dans les deux langues l’auteur a le choix entre la première personne du singulier, la première du pluriel a sujet individuel (nous de modestie), la première du pluriel à sujet collectif, et la forme impersonnelle ou passive. Mais en général le discours académique analysé utilise plus fréquemment des sujets de phrase à la troisième personne en voix active que des pronoms personnels sujet. Il s’agit de noms qui renvoient, par un procédé métonymique, au texte complet (et encore inexistant) en lui même (en français les plus fréquents sont: “cette étude, cette recherche, cette communication”, tandis qu’en espagnol on utilise : “este trabajo” “este estudio” “esta comunicación”. Ces noms nous fournissent aussi des informations sur les représentations que l’auteur a de lui même et de son travail. Parmi les pronoms sujets, en français le nous “de modestie” (un seul auteur identifiable) apparaît surtout lors de l’expression d’un contreargument et pour énoncer les apports scientifiques “nous semble être…”, “nous montrerons…” mais leur occurrence est plus faible qu’en espagnol où la première personne du pluriel apparaît aussi parmi les verbes qui exposent les objectifs et les résultats : “Hemos intentado rastrear…”, “Consideramos oportuno…”, “Observamos…”. Cependant dans les deux langues, pour énoncer les actions qui concernent les procédés méthodologiques, il y a une tendance à présenter l’auteur éloigné de son travail en espagnol on a donc recours à la passive impersonnelle tandis qu’en français on préfère les actions thématisées: (Ex. l’analyse…., la méthode…). Ces procédés sont connus comme des stratégies pour apporter de l’objectivité au texte scientifique et démontrent l’intérêt de l’auteur pour montrer le sérieux de son travail. L’emploi des formules impersonnelles à la valeur de “nous” montre une distribution différente . Si le “on” en français (à la valeur de nous) a quelques occurrences au moment où l’auteur cherche à s’insérer dans une théorie ou formuler une hypothèse, “On peut émettre l’hypothèse…” , en espagnol la formule impersonnelle “se + verbe” abonde dans les phrases qui explicitent les choix méthodologiques ainsi que l’intention et volition: “se puede explicar” , “se parte de…”, ”se busca precisar…”. En français, la structure la plus fréquente dans tous les résumés c’est la phrase à sujet nominal du type: “l’analyse cherchera à” , “cette contribution essaie de penser”, ce travail se propose de”. Ce procédé cherche à établir une distance entre l’auteur et son travail, phénomène remarquable aussi par d’autres procédés tel que le recours à des syntagmes infinitifs (périphrases verbales) à valeur modale “...prétende,...intenta” en espagnol, et en français.“...essaie...”, “cherche à...”, “ semble...”. On atteste un emploi similaire des atténuations dans les deux langues. Si la plupart des auteurs a analysé ces procédés discursifs comme des marques d’objectivité, d’après les travaux de Myers (1989, 1990) il y aurait aussi une stratégie de “courtoisie”: l’auteur veut par ces moyens mitiger l’impact que ses propos pourraient avoir sur l’auditoire, au moment de marquer un vide ou une critique théorique. Par exemple, en espagnol: “este trabajo se propone darle un enfoque argumentativo al estudio de las preposiciones, en el que rige un estudio normativo”. L’emploi de ce procédé discursif dans un but de courtoisie est plus fréquent dans notre corpus en espagnol que dans celui en français. Conclusion Il est évident que dans les deux langues les résumés de communication présentent des caractéristiques formelles similaires issues du caractère “international” ou “globalisé” du genre , probablement aussi sous l’influence des normes internationales. Mais l’analyse faite sous différents regards permet d’aller au delà des apparences et dégager certaines représentations des auteurs sur le genre “résumé de communication”. L’analyse comparative avec l’abstract semble confirmer que le résumé de communication est perçu comme participant d’une instance “évaluative”, étant donné la présence de certains éléments qui peuvent être interprétés comme des stratégies pour le valoriser, à savoir la longueur et notamment la présence des citations et de la bibliographie. Ces stratégies sont particulièrement fréquentes en espagnol. Le caractère prospectif ou programmatique de ce genre se manifeste dans l’emploi des temps verbaux du futur, caractéristique plus fréquente en français qu’en espagnol. Les résultats de l’analyse des mouvements rhétoriques souligne cet aspect programmatique et évaluatif surtout pour 73 les auteurs français dont les résumés de communication sont plutôt centrés sur le troisième mouvement, celui “d’occuper le niche”. Pour les auteurs argentins le genre apparaît comme faisant l’objet d’une production particulièrement complète en mouvements rhétoriques et très riche en stratégies, bien que parfois la structure du texte soit moins nette. À propos de l’intertextualité, on pourrait interpréter que les textes en espagnol seraient plus “intertextuels” puisqu’ils sont plus nombreux à inclure dans leur structure la création du vide ou “gap” où il est question de faire allusion à d’autres études ou à l’état de l’art. Finalement, au niveau de la prise en charge énonciative, l’analyse montre que l’emploi des différents procédés possibles (pronoms sujets, forme impersonnelle, formes passives, sujets de la 3° personne active) ne coïncide pas dans les deux langues si on tient compte du mouvement rhétorique où chacun d’eux est employé, mais cela peut se correspondre avec les possibilités offertes par chacun des système de langue. Une autre particularité mise en évidence dans l’analyse c’est que parmi les hispanophones, ce sont les auteurs chevronnés ceux qui rédigent de manière plus structurée et proche des normes et des consignes tandis que chez les francophones ce soin se manifeste surtout chez les jeunes chercheurs. Nous pouvons conclure avec une affirmation de Rastier (2005) qui explique que “ le genre doit, au niveau du corpus, se conformer à la norme implicite définie par l’attente de la communauté de discours, tout en intégrant les variations introduites, au niveau du texte, par chaque réalisation individuelle”, et l’élargir ajoutant aussi à ces éléments l’intégration des préférences rhétoriques et discursives de chaque langue. La connaissance de ces particularités du genre résumé de communication peutêtre utile dans les cours de français à l’université; la recherche offre la possibilité d’être prolongée par l’analyse contrastive avec le résumé en langue portugaise, ce qui pourrait contribuer à identifier des représentations communes aux auteurs latinoaméricains. Références Bazerman, Ch. (1994). System of genre and the enactment of social intentions in A. Freedman & Medway (eds), Genre and the new Rhetoric (pp. 79101) Bristol: Taylor and Francis. Beacco, JC. (1992). Les genres textuels dans l’analyse du discours : écriture légitime et communautés translangagières, Langages 105, 827. Boch F. et ad (2010). Le résumé de communication: analyse contrastive en didactique du Français et en formation d’adultes. Revue d’anthropologie des connaissances, (4), 527549. Disponible sur http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=RAC_011_0527 Bolivar, A. (1999). 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Dans cet article, nous souhaitons montrer que… Lexique verbal et positionnement de l’auteur dans les articles en sciences humaines, Lidil, Revue de linguistique et didactique des langues, 41, 1540. Disponible sur http://lidil.revues.org/3040. Vold, E (2008). Modalité épistémique et discours scientifique. Une étude contrastive des modalisateurs épistémiques dans des articles de recherche français, norvégiens et anglais, en linguistique et médecine. Université de Bergen. Disponible sur https://bora.uib.no/bitstream/handle/1956/2653/Dr.Avh._Eva_T_Vold.pdfs?sequence=1 74 Activités ludiques et créatives à partir des ressources et outils du Web 2.0 Axe thématique : Didactique : un dialogue de réflexion et de pratiques ELSTEIN, Silvia - [email protected] - MORANDI, Liliana - [email protected] Université Nationale de Rio Cuarto - Argentina Cette communication s’inscrit dans un projet institutionnel PIIMEG qui vise l’amélioration de l’enseignement au niveau universitaire, intitulé « Développement de compétences en langues et leur relation dans un cadre d’apprentissage plurilingue et pluriculturel ». Il s’agit d’une expérience de pratiques de classe en FLE, menée à bien dans la filière «Tecnicatura en Lenguas» de l’Université Nationale de Rio Cuarto, en Argentine. L’axe central du plan d’études, d’une durée de trois ans, met en relief la formation en langue maternelle et en langues étrangères. Ainsi, les étudiants abordent-ils trois niveaux de Langue Anglaise et de Langue Française, à raison de 8 hs par semaine et ils approfondissent aussi leurs compétences en langue maternelle dans de différentes matières et séminaires de spécialité. Il y a également des matières optionnelles d´initiation à l´Allemand, au Portugais et à l’Italien ; un entraînement en pratiques de communication plurilingue en langues romanes et un traitement de textes en langues maternelle et étrangères. En tant qu’enseignantes participantes, nous nous sommes fixés beaucoup d´objectifs généraux et particuliers mais celui que nous avons sélectionné comme étant le plus important consiste en « créer et mettre en pratique des interventions didactiques favorisant la relation de connaissances et de stratégies pour l’acquisition de langues, moyennant l’utilisation de TIC ». Cet objectif est en rapport direct avec deux capacités exprimées dans le profil professionnel du Technicien en Langues, celle « d´intégrer les compétences discursives acquises en expression orale et écrite de textes en plusieurs langues étrangères » et celle « de se servir efficacement des ressources technologiques de l’information, la communication et la gestion de textes ». En l’occurrence, nous avons proposé des activités qui intègrent les matières Technologies de l’Information et de la Communication et Langue Française I. Cette pratique est réalisée à partir de multiples ressources disponibles en ligne et auprès du réseau SCÉRÉN sur l’opération organisée en 2012-2013 par le Ministère de la Culture et la Communication de France: « Dis-moi Dix mots semés au loin ». Il s’agit d’un concours d’improvisation d’expressions artistiques en Langue Française sur les mots que les langues étrangères ont empruntés au français. Ceux qui ont été choisis par les partenaires francophones sont : atelier, bouquet, cachet, coup de foudre, équipe, protéger, savoir-faire, unique, vis-à-vis et voilà. Dans notre contexte pédagogique de Langue Culture étrangère (LCE) de nature exolingue, l´exposition virtuelle d’arts combinés « Dis-moi Dix mots semés au loin » offre une grande variété de perspectives et de contextes culturels qui crée un domaine riche pour son ancrage. Abdallah-Pretceille et Porcher (1996) considèrent que c’est l’un des multiples « supports privilégiés pour les pratiques sur l’altérité ou capacité de s’ouvrir à l´Autre car ce sont des expressions polyphoniques qui réunissent les différentes voix de l’univers culturel et en même temps elles sont médiatisées transversalement par la langue» Le site propose aux enseignants et aux étudiants des ressources pour mieux connaître ces mots et des fiches pédagogiques imprimables visant leur compréhension, approfondissement et utilisation. Il présente un film animé complet de la série sur une chronique éducative qu’on peut visionner ou télécharger. Dans les vidéos, une voix off donne la définition de chacun des dix mots, dans les différentes acceptions, employées dans des domaines variés, selon leur évolution historique, illustrées par des exemples d’emploi particuliers et leurs emprunts par les langues étrangères. Les images contribuent à la compréhension de l’exposé oral. Pour guider nos étudiants dans ce voyage avec les mots, ils visitent l’exposition d’affiches en ligne, de vraies oeuvres d’art avec des textes d’Yvan Aman, professeur de lettres, journaliste, homme de radio, producteur et présentateur des émissions sur la langue française à RFI. On peut également visionner les affiches ou les télécharger. On y a accès par une table de matières. Chaque mot est présenté par sa définition, des notations grammaticales, phonétiques et lexicales, les différentes acceptions exemplifiées avec des citations littéraires, historiques, philosophiques, des extraits de chansons, d’entretiens, etc. Les images qui illustrent chaque mot enrichissent la lecture multiple et plurielle : photos, illustrations, peintures, dessins, estampes, couvertures de revues, etc. Le cadre du projet La méthodologie du travail en collaboration au service de l’enseignement et l’apprentissage des langues constitue l’une des formes les plus efficaces pour l’incorporation des TICE dans la pratique de classe. On ne peut pas nier que chaque élève apprend mieux quand il le fait en contexte de collaboration et d’échange. Selon Vigotsky (2009), la collaboration entre paires a une influence positive sur la motivation et la qualité de l’apprentissage. Les TICE et, en particulier plusieurs services et outils du WEB 2.0, ont été dessinés, dès leur conception initiale, pour promouvoir l’interactivité entre les utilisateurs et pour enregistrer les échanges, afin de développer la base d’une culture participative. Les activités collaboratives avec TIC constituent des expériences d’apprentissage qui encouragent le travail en équipe des étudiants d’un même groupe ou des groupes différents qui utilisent les TIC comme un espace de développement, échange et publication. Avec le WEB 2.0, de nouvelles pratiques sociales sont apparues, ce qui suppose diverses manières de produire, distribuer, interchanger et recevoir des textes par des moyens électroniques qui impliquent une autre manière de négociation du contenu. Le travail s’est déroulé en deux parties, chacune d’entre elles comprenant plusieurs étapes et a eu lieu pendant le deuxième semestre 2013, du mois d’août au mois de novembre. Le groupe-classe, de 22 étudiants, a commencé le cours de Langue Française I au mois de mars, en tant que débutants absolus et ils se sont aussi initiés à l’apprentissage des Technologies de l’Information et la Communication dans le cadre de cette formation. Les séances de travail ont été partagées entre le travail en classe, une fois par semaine et des activités développées en ligne sur une plateforme. Le projet concernant les « dix mots semés au loin » vise des activités ludiques de création, récréation, collaboration, co-construction et interaction, à partir des ressources variées du Web 2.0, suivant un travail collaboratif et une approche actionnelle puisque l’objectif général vise l’accomplissement des tâches particulières selon les ressources suggérées. Le projet de création et récréation ludique des mots et expressions de la série « Dis-moi dix mots semés au loin » comprend plusieurs étapes qui vont, dès la reconnaissance et compréhension orale et écrite des documents jusqu’à la production orale et écrite dans des espaces numériques. Pour ce faire, on a proposé de travailler à partir de différentes 75 ressources et outils du Web 2.0. L’objectif de travailler avec les réseaux sociaux, c’est qu’ils permettent aux étudiants, en tant qu’usagers, d’échanger, inventer et interagir. On pourrait ainsi dire que le Web 2.0 est le web des personnes et des échanges. À ce sujet, Christian Ollivier affirme qu’« un parallèle se dessine entre, d’une part, le développement du web 2.0, aussi nommé web participatif ou web social qui permet de collaborer, de co-construire des sites et d’interagir et, d’autre part, l’émergence d’une didactique mettant en avant le (co-)agir et concevant l’apprenant comme un acteur social ». Cette émergence didactique du Web 2.0 renvoie à une perspective actionnelle et interactionnelle qui est à la base de l‘emploi réel des langues. En 2001, le CECR, indiquait déjà que la perspective de l’enseignement des langues devait être « actionnelle tenant compte que l’apprenant est considéré comme un acteur social ayant à accomplir des tâches dans des circonstances et un environnement donné, à l’intérieur d’un domaine d’action particulier ». Première Partie : volet linguistique - Présentation du site Voyage avec les mots http://www.cndp.fr/voyage-avec-les-mots/accueil/ contenant la série des mots à travailler. Les étudiants ont fouillé dans le site afin de découvrir les différentes ressources pédagogiques pour s’introduire à la reconnaissance des dix mots. - Découverte des documents. Différentes ressources sont disponibles en ligne et auprès du réseau SCÉRÉN des Centres régionaux de documentation pédagogique (départementale et locale) : des films animés, des fiches pédagogiques, des documents audio, un livret des dix mots et une exposition, de douze panneaux. - Création des groupes de travail et choix des mots. Les étudiants se sont assemblés par groupes de 3 ou 4 et ils ont distribué leurs rôles, visant les tâches à accomplir. Après avoir fait la reconnaissance des dix mots, chaque groupe a choisi un mot et une tournure pour travailler à partir du Web 2.0. Deuxième partie : mise en place du projet La proposition de travail visait l’accomplissement de plusieurs objectifs didactiques qui allaient de la compréhension jusqu’à la production proprement dite, voire la publication sur le réseau. De différentes ressources du Web 2.0 ont été suggérées pour la réalisation des tâches. Les étapes décrites ci-desssous dessinent l’itinéraire suivi dans le projet. - Organisation et hiérarchisation de l’information. Pour organiser et hiérarchiser l’information, les étudiants ont créé des schémas conceptuels de la chronique travaillée. Cela leur a permis de mettre en lumière les liens qui existent entre un concept ou une idée et les informations qui leur sont associées. Pour ce faire, ils ont utilisé Cmap Tool. - Création et publication des axes chronologies. Les différents documents linguistiques disposés dans le site de la série « Dis-moi dix mots semés au loin », c’est-à-dire les documents écrits, sonores et vidéographiques contiennent des informations sur l’évolution de chaque mot ou tournure. Alors, à partir de Dipity, une ressource du Web 2.0 pour créer des axes chronologiques, les étudiants ont organisé l’évolution sémantique des mots, enrichie par l’incorporation des éléments multimédia. Cette activité a été le corolaire d’une recherche sur de différents sites et publiée sur le réseau. - Création de publications interactives dynamiques. Prezi est une application 2.0 très intéressante pour créer des présentations originales et créatives, avec des mouvements. Dans les productions élaborées avec Prezi, les étudiants ont pu inclure des images, des vidéos, des texte et des liens dans d’autres sites et ils ont pu ainsi configurer l’itinéraire de la présentation à partir de l’effet zoom, caractéristique de cette application. Comme dans les autres cas, ce travail a été le produit d’une recherche et la mise en place de différentes données. Il a été diffusé à partir de la publication sur les réseaux sociaux. - Création ludique de mots. Le nuage de mots est le symbole du web2.0. Il s’agit d’une représentation graphique où les mots les plus répétés dans un texte sont illustrés en gros caractères tandis que les moins fréquents, en petits caractères. Il y a aussi d’autres options d’utilisation. Les étudiants ont utilisé cette application tout simplement pour illustrer de manière créative le mot ou la tournure travaillés. Il y a plusieurs applications pour faire des nuages de mots, dont la plus utilisée par nos étudiants a été Tegxago. - Elaboration et production de textes écrits en collaboration. Google Drive est une plateforme très rependue, à la portée de main qui facilite le travail collaboratif. Les potentialités de cette application sont nombreuses et variées, Drive permet de stocker des fichiers au même endroit, de les consulter à tout moment et de les partager avec d’autres utilisateurs. En plus, on peut créer et modifier des documents Google avec des tableaux, des commentaires et une mise en forme avancée. Sans doute, l’avantage le plus remarqué du pont 76 de vu didactique, c’est qu’on peut travailler au même moment sur le même document, ce qui encourage le travail collaboratif. Dans ce projet, cette phase de production collaborative a été très importante parce que les étudiants ont pu appliquer les notions développées pendant les étapes préalables pour faire des productions personnelles. Les consignes de travail ont été diverses et la production de textes très variée. En s’appuyant toujours sur les mots de la série, ils ont écrit des souvenirs, des poèmes, des acrostiches, des messages publicitaires et des calligrammes. - Publication en ligne de productions écrites. L’une des applications Web2.0 qu’on a utilisées pour la publication en ligne c’est Issuu. Cet outil permet de publier des documents dans le réseau et de les partager dans une grande bibliothèque virtuelle où l’on peut trouver une grande variété de documents. Issuu admet plusieurs formats, parmi lesquels se trouvent PDF, DOC, PPT. Le résultat est visuellement très attrayant car les archives se présentent en flash avec un zoom qui facilite la lecture. Les publications en Issuu peuvent être diffusées dans des blogs, des sites web ou dans les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter. Dans le cadre du projet, les étudiants se sont appropriés de cette application Web2.0 pour publier de différentes productions comme des micro-magazines, ou leurs propres travaux écrits, qu’on a réunis dans une brochure nommée : En jouant avec les mots…, souvenirs, poèmes, messages. - Publication et intégration des ressources. Glogster permet d’incorporer facilement des textes, links à d’autres pages web, images, documents audio ou vidéo. Cette application Web2.0, au-delà d’être une ressource très attrayante pour atteindre des publications originelles et créatives, offre la possibilité d’une grande variété de styles de dessein pour configurer les différentes parties du poster électronique. Avec la monstration des productions de nos étudiants nous croyons avoir mis en relief les avantages du travail proposé, centrés sur la possibilité de développer les compétences de compréhension orale et écrite, de mener à bien des pratiques scripturales variées, originales, parfois insolites et cocasses et de publier les productions en ligne pour les partager dans des réseaux sociaux. Bibliographie Abdallah-Pretceille, M. et L. Porcher (1996) Éducation et communication interculturelle. PUF. Paris. Ollivier, Ch. et Puren, L. (2011): Le web 2.0 en classe de langues. Paris: Editions Maison des Langues. Plan d´Études de la filière : « Tecnicatura en Lenguas» de l’Université Nationale de Rio Cuarto, en Argentine. Projet PIIMEG « Développement de compétences en langues et leur relation dans un cadre d’apprentissage plurilingue et pluriculturel ». Site web. « Dis-moi Dix mots semés au loin » dans Voyage avec les mots http://www.cndp.fr/voyage-avec-les-mots/accueil/ Vigotsky (2009) en Alvarez, A. y Del Río, P: Educación y Desarrollo. La Teoría de Vigotsky y la Zona De Desarrollo Próximo http://vinculosygrupos.blogspot.com.ar/2009/09/educacion-y-desarrollo-la-teoria de_17.html Une étude thématique, didactique et littéraire des transformations urbaines de Paris de 1800 à 1870 PONGE Robert, UFRGS, Brésil ([email protected]) MACHADO Nara Helena N., PUCRS, Brésil (nmachado@pucrs) Introduction Cette étude a été présentée comme atelier au SEDIFRALE d’Heredia, Costa Rica. Son but? Examiner les transformations urbaines connues par Paris de 1800 à 1870. Elle a été élaborée dans une triple perspective: 1) thématique (l’examen de chaque type d’objet urbain); 2) didactique: donner une idée du travail en modules qui peut être mené sur ce sujet en cours de civilisation française à l’université,à l’Alliance française; 3) littéraire, en signalant quelques échos de ces transformations dans la littérature de l’époque. Comment avons-nous procédé? Nous avons situé rapidement le contexte historique (la Révolution industrielle, les Révolutions de 1789, 1830, 1848), puis suivi un schéma de périodisation et d’analyse des transformations de la capitale. En même temps, nous avons travaillé les dialogues entre la littérature et les faits urbains. Les premières transformations urbaines antérieures à Haussmann Le nouveau Paris ne naît pas avec Haussmann, mais vient du XVIIIe siècle quand sont créées plusieurs places royales; il y a aussi plusieurs agrandissements importants de rues. Le module peut donc utilement étudier La Main enchantée de Gérard de Nerval, où sont évoquées les places Royale et Dauphine, et lire des extraits de Paris et ses environs: promenades pittoresque (c.1829) où Charles Malo célèbre l’avenue des Champs Elysées: «l’un des points de vue les plus imposants de l’intérieur de Paris». Dans la première moitié du XIXe siècle, a lieu, entre autres, un important processus de surgissement, affirmation et multiplication des passages (parfois nommés galeries), nouvelle typologie architecturale, véritables mondes en miniature (selon la formule de Walter Benjamin). Nous avons alors suggéré la lecture d’extraits de Ferragus (1833), où Balzac met la figure du flâneur en relief, ainsi que de Nana (1880), roman de Zola dont le personnage éponyme est fasciné par le passage des Panoramas. Aggravation des problèmes Cependant, la forte croissance démographique et économique de la ville ainsi que l’extrême densification du tissu urbain dans la première moitié du XIXe siècle accumulent et aggravent ses principaux problèmes (insalubrité, épidémies, embarras de la circulation, taudis, misère, contradictions sociales). Beaucoup ont la sensation que Paris a cessé d’être habitable. On trouve des échos (ou des reflets ?) de cette situation chez Balzac (La Cousine Bette, 1846), dans Les Mystères de Paris (1842-1843) d’Eugène Sue et dans Les Misérables (1862) de Victor Hugo, entre autres. Les axes d’intervention de Haussmann Tout ce qui précède aide à comprendre: 1) les raisons et les motivations de Napoléon III pour mettre en oeuvre la rénovation urbaine de Paris (motivations politiques, motivations sanitaires, sociales et économiques, motivations de nature policière); 2) les domaines d’intervention urbaine du pouvoir public sous Haussmann: la sphère géographico-administrative (la ville passe de douze arrondissements à vingt), la sphère esthétique (donner un nouveau visage à la capitale), celle de la voirie, le champ architectonique d’édification de bâtiments, l’assainissement et les espaces verts. Tout cela à partir d’une approche synchronique, globale, où les parties ne sont pas envisagées séparément, mais en rapport avec le tout, où le beau doit être autant présent que l’utile. Rythme accéléré de démolition, de construction et de spéculation Comment donner une idée de la dimension et de la profondeur, de l’accélération des rythmes et des impacts des transformations au cours de l’inexorable processus de modernisation du vieux Paris? Le langage des chiffres est éloquent (20 à 25 mille démolitions, minimum de 40 mille nouvelles constructions), mais les vers de Baudelaire sont peut-être plus suggestifs: «Le vieux Paris n’est plus (La forme d’une ville / Change plus vite, hélas! Que le coeur d’un mortel); / [...] Paris change!» («Le cygne», BAUDELAIRE, 1859). On peut aussi mettre en relief l’intensité et la magnitude des grands travaux (vague de démolitions, percement de grandes avenues et de boulevards) et de la spéculation en faisant appel à La Curée (1871) et à L’Argent (1891) d’Émile Zola. Ou encore observer le destin du vieux marché central: précaire et insalubre, il est démoli; à sa place s’élève les Halles, figure centrale du Ventre de Paris (1873) du même Zola. Le grand magasin Impressionnante est la liste d’immeubles édifiés par les fonds privés pendant le II° Empire. Nous aurions pu parler de la construction de gares, de théâtres, etc. Nous avons préféré souligner l’importance du grand magasin qui surgit dans la première moitié du siècle, vers 1824-1840. Dès les années 1850, il dépasse en prestige les passages couverts. Son triomphe est symbolique de l’ascension inexorable de nouvelles formes de commerce (la grande entreprise capitaliste) au détriment du petit commerce traditionnel. Au Bonheur des Dames (1883, toujours de Zola), chante l’épopée de cette «[...] cathédrale du commerce moderne, solide et légère, faite pour un peuple de clients» (p. 244). Quelques réflexions en guise de conclusion À l’université, l’enseignement du FLE comprend, grosso modo, cinq grands domaines: l’enseignement de la langue française, de la didactique du FLE, des littératures de langue française, de la traduction, enfin des civilisations de langue française.Tous ou presque tous les centres universitaires de FLE dispensent un enseignement spécifique portant sur les trois premiers domaines. Ce n’est pas le cas des deux derniers. Notre atelier s’est efforcé de montrer l’importance de l’enseignement de la civilisation, d’apporter sa modeste contribution à la réflexion des enseignants de FLE en ce domaine et, spécifiquement, de mettre en évidence les multiples dialogues entre la littérature et les faits urbains. Bibliographie BAUDELAIRE, C. “Le Cygne”. (1859). In: Idem. Les Fleurs du Mal. (1861). Paris: Robert Laffont, coll. “Bouquins”, 1989. p. 63-64. BALZAC, Honoré de. Ferragus. (1833). Paris: Gallimard, coll. “Folio”, 2001. BALZAC, Honoré de. La Cousine Bette. (1846). Paris: Gallimard, coll. “Folio”, 2010. BENEVOLO, L. História da arquitetura moderna. Trad. do italiano por A. M. Goldberger. São Paulo: Perspectiva, 1976. BENJAMIN, W. Paris, capitale du 19e siècle: le livre des Passages. Trad. de l’allemand par Jean Lacoste d’après l’édition originale établie par Rolf Tiedemann. 3e éd. Paris: Éditions du CERF, 1997. COMBEAU, Y. Histoire de Paris. 4e éd. Paris: PUF, coll. “Que sais-je?”, 2003. FIERRO, A. Histoire et dictionnaire de Paris. Paris: Robert Laffont, coll. “Bouquins”, 2001. HUGO, Victor. Les Misérables. (1862). Paris: Gallimard, coll. “Folio”, 2009. MALO, Charles. Avenue des Champs Élysées. In: Paris et ses environs: promenades pittoresques. (c.1829). United States: Nabu Press, 2012. MIGNOT, C. L’architecture au XIXe siècle. Fribourg (Suisse): Office du livre, 1983. NERVAL, Gérard de. La Main enchantée. (1832). Paris: Atramenta, 2011. RAGON, M. Histoire mondiale de l’architecture et de l’urbanisme modernes. Tome I: Idéologies et pionniers (1800-1910). Tournai (Belgique): Casterman, 1971. SUE, Eugène. Les mystères de Paris. (1842-1843). Paris: Robert Laffont, 1991. ZOLA, É. La Curée. (1871). Paris: Gallimard, coll. “Folio”, 2008. ZOLA, É. Le Ventre de Paris. (1873). Paris: Charpentier, 1918. ZOLA, É. Nana. (1880). Paris: Pocket, coll. “Classiques Pocket”, 1991. ZOLA, É. Au bonheur des dames. (1883). Paris: Pocket, coll. “Classiques Pocket”, 1998. ZOLA, É. L’Argent. (1891). Paris: Gallimard, coll. “Folio”, 1980. 77 PROJETS INTERCULTURELS EN COURS DE FLE PLATA PEÑAFORT, Carolina - Pontificia Universidad Javeriana de Bogotá L’approche par tâches a déjà une histoire longue de vingt ans dans la didactique de langues ; celle-ci est le résultat de la mise en pratique de la perspective actionnelle selon laquelle la réalisation d’actions motivées par un objectif communicatif aide l’apprenant à devenir plus qu’un utilisateur de la langue, un véritable acteur social. (CECR, 2001). C’est la raison pour laquelle l’apprentissage est considéré aujourd’hui, un processus collaboratif et la pédagogie du projet, centrée sur le groupe, un outil idéal pour développer les compétences communicatives et sociales dans la langue et la culture cible. Tout d’abord, il est important souligner qu’à travers la tâche l’apprenant cherche à obtenir un résultat donné en fonction d’un problème à résoudre, d’une obligation à remplir ou atteindre un but qu’on s’est fixé. (Rosen, 2009). La simplicité du concept n’est qu’apparente car son intégration dans les matériels et sa réalisation dans le cours de langue devient complexe : tenir compte des intérêts et des besoins du public visé tout en gardant l’authenticité d’utilisation de la langue exige une véritable expertise de la part des enseignants. Le projet en didactique de langues est un ensemble de tâches impliquant le groupe-classe en vue de la réalisation d’un produit déterminé sur une durée relativement longue. La Licence en Langues Modernes de l’Université Javeriana à Bogotá, s’inscrit dans ce courant méthodologique et encourage la réalisation de projets pédagogiques où l’interaction devient l’axe central du processus d’apprentissage ; cela signifie que les activités langagières de réception, production, interaction et médiation s’accompagnent de la réalisation de tâches non langagières telles que se déplacer ou manipuler des outils pour obtenir l’information requise. Il faut souligner que pour impliquer vraiment les apprenants, les concepteurs doivent assurer la cohérence des tâches, proposer des conditions et des contraintes afin de développer des stratégies de planification, exécution et d’évaluation du projet. En plus, il est nécessaire d’identifier les difficultés potentielles, prévoir les aides nécessaires et envisager les différentes réalisations possibles. De même, l’on tient à intégrer la dimension interculturelle dans le processus d’enseignement-apprentissage ; l’objectif est de stimuler la communication et favoriser l’échange positif entre des personnes appartenant à des cultures différentes pour éviter le choc culturel, lutter contre les stéréotypes et éviter de cette façon, les préjugés. Dans ce contexte, nous avons eu l’occasion de partager deux projets pédagogiques lors du congrès des SEDIFRALE 2014. Le premier : « Parler d’une expérience esthétique au Musée Casa Botero de Bogotá» a pour objectif principal l’expression de sensations et de sentiments provoqués par des oeuvres d’art exposées dans ce musée de la capitale colombienne. Le musée est né grâce a une donation de Fernando Botero et présente une collection importante qui inclut, en plus des oeuvres de l’artiste colombien, de nombreuses pièces originales de grands artistes internationaux tels que Calder, Picasso, Dalí, Monet, Braque, Miró, entre autres. La visite au centre historique de Bogotá permet aussi aux jeunes d’apprécier, et parfois de découvrir, la maison magnifique style républicain où fonctionne le musée. L’intégration des contenus linguistiques et culturels contemplés dans le programme est essentielle ainsi que la mise en valeur de l’expérience des apprenants. Mais, le plus important c’est qu’après cette activité le groupe a une image beaucoup plus positive de la ville car cette collection exceptionnelle fait de Bogotá un centre d’intérêt pour les experts et les amateurs d’art en Amérique latine. Le deuxième : La « Gastronomie: un voyage dans le monde de la francophonie » cherche à mettre en valeur la richesse culturelle du monde francophone à travers la cuisine. Par petits groupes, les apprenants présentent un pays, ses habitudes alimentaires ainsi que les rituels liés à la gastronomie. Les données géographiques, historiques et religieuses sont abordées en fonction de leur rôle dans la façon de manger des gens de différentes cultures. Cette activité favorise la rencontre culturelle avec des pays lointains qui ont souvent de comportements surprenants pour les jeunes Colombiens qui n’ont pas eu encore l’expérience de vivre l’étranger. De plus, ils apprennent que la Francophonie est présente et vivante sur les cinq continents du Vietnam, jusqu’à la Louisiane en passant par las Antilles, la Polynésie et l’Afrique. Après avoir fait la recherche sur le pays choisi, chaque groupe décide comment présenter les résultats du projet : page web, vidéo, blog, affiche, préparation du plat ; tous les formats sont acceptés. 78 Pour chaque projet les apprenants font recours aux nouvelles technologies : en plus des recherches sur Internet, ils emploient des outils multimédia pour créer de sites web, des fiches de vocabulaire, des potscats ou des affiches virtuelles, par exemple. Les enseignants accompagnent le processus à l’aide d’une plateforme wiki très convenable s’agissant d’un environnement collaboratif qui offre une gamme de possibilités pour gérer ce type de projets en classe de langue. Le travail est toujours réussi parce que les apprenants s’enrichissent, collaborent, s’impliquent et créent à travers la langue française. Bibilographie Coste D. (2009), Présentation. Le français dans le monde, Recherches et Applications, n° 45. Mangenot F. et Louveau E. (2006). Internet et la classe de langue. Paris : CLE International. Lions-Olivieri M-L et Liria Ph. (2009). L’approche actionnelle dans l’enseignement des langues. Barcelone : Difusion. Rosen Evelyne, (2009), La perspective actionnelle et l'approche par les tâches en classe de langue, Le français dans le monde, Recherches et Applications, n° 45. Exemples de projet disponibles sur : Musée Botero : https://www.youtube.com/watch?v=5wJyxWiYtms Gastronomie : https://www.youtube.com/watch?v=SXoEWFXycrg Formation des enseignants: un nouveau profil du professeur FLE? MEDINA DE PÉREZ, Gloria - Institut Supérieur des Langues-Université Nationale d’Asunción, Paraguay [email protected] MELGAREJO GRANADA María Gloria - St. Cloud State University, Minnesota, Etats-Unis. [email protected] Introduction Ce travail propose une réflexion et mise en commun sur la formation des enseignants et pour ce faire il cherche à retracer un profil du professeur de FLE face aux événements de globalisation et aux emplois des nouvelles technologies qui modifient sans cesse les rapports de communication entre enseignants et apprenants. Il s’insère dans le cadre d’une recherche plus large qui esquisse un profil du professeur des langues vivantes dans une perspective comparatiste, en partant des expériences des étudiants des Départements de Français, Allemand, Anglais, Portugais et Guarani du niveau universitaire au Paraguay. Les objectifs spécifiques : • Identifier les comportements des professeurs qui encouragent l’apprentissage du FLE • Signaler les compétences essentielles appréciées chez un professeur de FLE • Identifier les aspects démotivants chez les professeurs de FLE La recherche, de type descriptif, offre la possibilité d’actualiser un profil du professeur de langue vivante en partant du point de vue des étudiants, ce qui apporte de l’originalité à la recherche. Les résultats et les conclusions tirés de l’analyse des données pourront être utiles pour tout public lié à l’enseignement et à l’apprentissage des langues, notamment des langues étrangères, en spécial du FLE. De même, à la lumière de ces nouvelles informations, on pourra, à l’avenir, proposer des stratégies pour promouvoir le Français dans le cadre de la diversité et de l’ouverture au monde. Développement Le présent travail est organisé comme il suit : D’abord, la présentation des quelques réflexions à propos de la mondialisation, les nouvelles technologies et l’enseignement de langues ; ensuite, quelques informations sur le contexte institutionnel de la recherche ; après, la présentation des informateurs et de l’instrument utilisé pour recueillir les données ; puis les résultats du questionnaire et l’analyse des données et finalement, le rôle, la place et les compétences du professeur : Mondialisation, nouvelles technologies et enseignement de langues La Mondialisation et les nouvelles technologies posent de toute évidence de nouveaux défis aux enseignants. D’une part, l’accélération dans le temps réel de la communication et l’expérience de l’immédiat virtuel demandent une analyse (qui se fait en même temps qu’on utilise déjà tous les nouveaux instruments avec toute sorte d’applications) et un recul même de la part des pédagogues et spécialistes de méthodes d’enseignement, car des multiples « gadgets » sont proposés notam- ment pour apprendre une langue sans la fatigue ou l’ennui des méthodes traditionnelles : « Vite, facile, amusant et libre, absolument libre »…. Et la nouvelle culture populaire s’approprie de tout sans trop savoir ce qui devra être retenu à la fin comme efficace et connaissance performante ou permanente. Les étudiants, à condition de disposer de ces outils avancés, peuvent recevoir les données dans leurs téléphones « smart » ou leur tablettes ou portables et à partir de là, créer euxmêmes à volonté de nouveaux outils d’apprentissage (idéalement), des vidéoblogs, de photos instantanées, etc. L’impression est celle de « faire comme tout le monde » ou « faire pareil » partout dans le monde. Et après tout, il faudra évaluer les compétences. L’enseignant pourra rester en perplexité, ou démarrer lui-même sa course vers les nouveaux objectifs des institutions éducatives, qui seront de plus en plus fières de placer leurs apprenants, non seulement au centre du processus d’apprentissage, mais tout simplement au centre du monde entier. Il serait superflu déjà de distinguer les langues vivantes, tout semble si vivant en 2014 sur internet, soit les vestiges du passé, soit les explorations de l’avenir. « Vivant » et surtout « confiant », même si la Nature de temps en temps se charge de rappeler tous ces éternels optimistes sur terre. La multiplicité de ressources est à la portée de tous nos écrans (mini ou grands), de nos doigts, mais nous n’avons pas encore substitué (il y a des exceptions) dans la plupart de nos contextes, le contact face à face, professeur/étudiant, et les professeurs qui résistent encore aux productions audio-visuelles qui fabriquent une classe et « un prof » virtuels qui nous rapprochent du monde robotique. Ainsi, ces professeurs cherchent à préserver leur statut d’intermédiaire dans le processus de communication, d’apprentissage et d’évaluation, tant qu’il y aura de salles de classes et des institutions qui fonctionnent, en principe, de façon encore indépendante des machines. Présentation du contexte de la recherche: L’Institut Supérieur de Langues Créé le 12 avril 1965, l’Institut Supérieur de Langues (ISL) a été mis sous l’administration académique et budgétaire de la Faculté de Philosophie de l’Université Nationale d’Asunción (Paraguay) à partir de l’année 2000. Au début, seule la licence en langue anglaise était proposée, puis les autres sections ont été ouvertes: Français, Allemand, Italien (aujourd’hui fermée) et Guarani (langue officielle du pays, avec l’Espagnol). La section de langue portugaise a été inaugurée en 2011. L’ISL est la seule institution faisant partie de l’Université Nationale d’Asunción à préparer les étudiants à la licence en langues étrangères. Le diplôme est octroyé après 4 ans d’études. Cette formation permet aux titulaires de la licence d’obtenir la certification comme traducteur/interprète de langues et de se consacrer à l’enseignement. Afin d’obtenir le diplôme, les étudiants doivent rédiger et défendre oralement un Mémoire de Licence (Tesina) dans la langue étudiée, sous la supervision d’un directeur de thèse. En ce qui concerne le nombre d’effectifs par classe, historiquement, la plupart des sections compte avec un nombre réduit d’étudiants par classe qui est en fait fluctuant d’une année à l’autre, à l’exception de la licence en langue anglaise. L’ISL a pour objectif de: “mettre à la disposition des étudiants futurs diplômés les meilleurs outils linguistiques, sociologiques, méthodologiques, pédagogiques, techniques, scientifiques et culturelles nécessaires pour atteindre le niveau désiré conformément aux énoncés de l’Université Nationale d’Asunción (UNA).” Ainsi, “les étudiants et diplômés ayant reçu cette formation, seront qualifiés pour l’enseignement, la recherche, la traduction, le commerce International, entre autres”.1 1Schvartzman B., “El Instituto Superior de Lenguas. Calidad educativa en un mundo competitivo”, Revista Humanidades Nº 1, p. 98 79 En dehors des carrières aboutissant à un diplôme, l’ISL propose régulièrement des cours d’espagnol, guarani, italien, portugais, coréen et chinois-mandarin. Ces cours en deux modules ont une durée de quatre mois. L’institution propose également un cours de traduction de l’anglais vers l’espagnol. L’ISL est actuellement l’institution désignée comme centre d’examens pour les candidats intéressés à la certification de Traducteur Public dans les langues de leur spécialisation. les étudiants sont habitués à employer comme support de leur apprentissage et ce que le professeur offre pendant le déroulement de son cours : pour les premiers ce sont les nouvelles technologies tandis que pour le deuxième, sauf exception, c’est encore presque entièrement manuel, imprimés en général, tableau et feutre… Présentation des informateurs La population qui a participé à cette étude correspond à des étudiants de l’Institut Supérieur des Langues de l’Université Nationale d’Asunción. Nous avons appliqué un questionnaire à un échantillon de 88 étudiants, choisis d’une manière aléatoire de chaque Département de langue dont 31 de Français. Item 8 : Pour communiquer avec leurs professeurs et parler de leur progrès académique dans le cours, le moyen de prédilection des étudiants est signalé comme il suit : De la totalité de 31 étudiants de français enquêtés, 7 appartiennent au sexe masculin et 24 au sexe féminin ce qui reflète la caractéristique institutionnelle d’une forte présence féminine dans tous les Départements. La langue maternelle qui prédomine parmi ces étudiants est l’espagnol, puis se trouve le guarani et finalement le français. La plupart d’étudiants parlent d’autres langues en plus de leur langue maternelle et la langue objet d’étude. Ainsi, ils ont mentionné l’anglais en premier lieu, puis le portugais, l’italien et l’espagnol. Présentation de l’instrument Comme instrument pour recueillir les informations, on a élaboré un questionnaire composé de 13 items, dont les dix premiers sont du type réponses fermées et les trois derniers du type réponses ouvertes. Le questionnaire est rédigé en espagnol, langue partagée par tous les étudiants de l’Institut. L’application de l’instrument a été faite entre septembre et octobre 2011 et puis actualisée entre septembre et octobre 2013. Résultats du questionnaire et analyse des données À partir des données recueillies, on signale les défis et les barrières rencontrés par les professeurs face à un public qui demande de nouvelles compétences ; on identifie et différencie les catégories de comportements des professeurs qui favorisent l’apprentissage de la langue ; on explore les nouveaux rôles et la place de l’enseignant ainsi que ses compétences essentielles. À l’occasion de cette présentation on tiendra compte des résultats des six derniers items de l’enquête, ceux qui sont directement reliés au sujet de cette communication. Item 6: Les informateurs signalent les outils de contact avec la langue les plus utilisés pendant leurs cours (Trois choix au plus) : Manuel ou autre texte imprimé (94%) ; CDs/DVDs (29%) ; moteurs de recherche sur internet (26%) ; rétroprojecteur (26%) ; Diaporama ou PowerPoint (23%) ; Vidéos sur YouTube (13%) ; Autres (3%). Ces réponses montrent que le manuel ou autre texte imprimé reste le principal support employé par les professeurs. Dans le cas du Département de Français, 5 il a une relation avec les pauvres possibilités technologiques offertes par l’institution. L’utilisation des nouvelles technologies en classe dépend alors presque entièrement des ressources que l’enseignant (et aussi l’étudiant) peut apporter au processus d’enseignement et d’apprentissage. Item 7: En ce qui concerne les outils technologiques dont les étudiants se servent le plus souvent pour leurs exposés/devoirs/projets de classe, ils signalent (possibilité de faire plusieurs choix) : Documents en libre accès sur internet (56%) ; dictionnaire en ligne (48%) ; sites web préférés (48%) ; sites web pour l’apprentissage de la langue (45%) ; vidéos sur YouTube (45%) ; moteurs de recherche sur internet (16%) ; vos photos personnelles (13%) ; vos blogs préférés (3%) ; radios sur internet (0%). En premier lieu apparaissent les « documents en libre accès sur internet » et puis le « dictionnaire en ligne » et « sites web préférés ». Si l’on compare les résultats obtenus dans cet item avec ceux de l’item précédent, on se rend compte qu’il y a un décalage entre ce que 80 Entretiens personnels (80%) ; courrier électronique (16%) ; communication par écrit (3%) ; réseaux sociaux sur internet (2%). Les « entretiens personnels » continuent à être la manière privilégiée des étudiants pour recevoir des informations sur leur progrès académique. Ils remarquent aussi la possibilité d’utiliser un moyen technologique, le « courriel». D’autres moyens tels la « communication par écrit » ou des « réseaux sociaux sur internet » ont été très peu signalés. Item 9 : Quant aux compétences nécessaires pour être un bon professeur de langues, les informateurs signalent par ordre d’importance : 1er maîtrise de la langue orale 2ème maîtrise de la langue écrite 3ème possède une bonne stratégie d’enseignement 4ème donne des consignes claires 5ème bon choix d’activités À partir des réponses indiquées par les étudiants, on peut constater que ce sont les compétences linguistiques qui acquièrent une importance primordiale devant leurs yeux. Ainsi, la première place est occupée par la « maîtrise de la langue orale » et puis « maîtrise de la langue écrite ». D’autres compétences sont : « possède une bonne stratégie d’enseignement » ; « donne des consignes claires »; et finalement « bon choix d’activités » Item 10 : Sur l’existence de rapports de communication et d’interaction avec les autres Départements de langue de l’Institut, les étudiants ont marqué : Non, aucun rapport (87%) ; oui (13%) D’après ce qu’ils manifestent, on remarque l’absence presque totale de communication et d’interaction entre les étudiants qui font partie des différentes Sections de l’ISL. Cela nous indique que les possibilités de partage des savoirs, savoir-faire et savoir-être se voient réduites parce que les Départements de langue, fonctionnent en parallèle. Ce phénomène révèle la nécessité d’une réflexion de la part de l’institution, étant donné que les tendances actuelles en matière d’éducation poussent aux projets de collaboration entre disciplines et à la diversification des contenus du curriculum universitaire, pour mieux préparer leurs futurs diplômés aux postes et aux fonctions qui exigent une aptitude aux tâches interdisciplinaires, c’est-à-dire à une productivité qui exige une vision plus totalisante (et globale), et à la base, la capacité de réflexion critique, d’adaptabilité et de flexibilité au moment de considérer et d’aborder le monde du travail. Pour y arriver, le professeur doit réexaminer son profil de carrière personnel et par rapport à son institution et ses associations professionnelles et se réaffirmer en tant que sujet, lui ou elle aussi, d’une formation continue qui entraîne une meilleur connaissance et application des nouvelles technologies. Les responsables pédagogiques devraient en principe répondre à ces défis avec leur soutien sur les plans de la formation tout en encourageant les travaux de recherche et de mise en pratique des nouvelles techniques d’enseignement. Item 11 : En ce qui concerne les aspects que les étudiants apprécient le mieux chez leurs enseignants, voici ce qu’ils manifestent (par ordre d’importance): dynamisme, respect, empathie, ouverture à l’écoute… Ensuite, les compétences linguistiques « maîtrise de la langue orale et écrite » acquièrent une place prépondérante ainsi que les savoirs (culture générale, savoir socioculturel, savoirs liés à la matière de spécialité…) et le savoir-faire. Il ne faut pas non plus oublier un autre aspect très souligné par les enquêtés : ce qui fait partie du « quotidien du professeur », les compétences didactiques et pédagogiques qui se mettent en oeuvre conjointement. Les premières relèvent d’une démarche personnelle d’analyse, de définition d’objectifs et de choix de stratégies d’enseignement au moment de la préparation du cours. Les secondes ressortissent de la mise en oeuvre des objectifs dans le cadre de la relation maître-élève. Capacité de motiver les étudiants ; respect ; connaissance des contenus ; bonne stratégie d’enseignement ; maîtrise de la langue ; respect du programme établi pour le cours ; utilisation de nouvelles technologies ; capacité de diversifier les activités de classe ; utilisation d’un support intéressant pendant les cours ; tolérance, patience ; connaissance du socioculturel ; amour de son métier ; dynamisme ; créativité. Rôle, place, compétences du professeur. Profil du professeur. On peut signaler que pour les étudiants une bonne maîtrise du sujet ou de la matière viennent en premier lieu, ce qui suppose une formation continue de la part de l’apprenant qui doit ainsi viser à l’excellence (par exemple, la prononciation, dans quelques cas de « bon accent »), puisque le professeur apparait aussi comme un modèle à suivre et le responsable ultime du succès ou de l’échec dans le processus d’acquisition de la langue de leur choix. L’enseignant est alors quelqu’un de très professionnel, très motivé par son métier, très organisé, très au courant des nouvelles technologies (et de leur application dans le domaine des langues), d’un esprit ouvert à la communication. Ex. « Preparación: clases con objetivos claros y alcanzables, más actitud investigativa e inquisidora, más dominio total de la lengua de enseñanza (4 habilidades), más uso correcto y pertinente de las nuevas tecnologías”. Ils ont signalé plusieurs fois qu’un enseignant démotivé, désintéressé à son travail ou qui manifestement ne fait que le minimum parce qu’il n’exerce la profession que pour des raisons financières, provoque avec ses attitudes une réaction très négative chez les apprenants, qui eux aussi ont besoin de motivation, d’encouragement, d’écoute attentive, etc. Item 12 : À propos des aspects démotivants chez un enseignant, les étudiants signalent : Un autre aspect important est celui de la formation du professeur dans les domaines de la culture et de la civilisation dans la langue d’étude. Certes, les nouvelles technologies permettent en principe un accès aux articles, documents, photos et cartes des différents pays, mais celui qui est à la charge d’enseigner la langue est aussi vu comme un reflet ou un véhicule de la culture, de l’histoire, des arts… Comportements discriminatoires ; manque de feed-back ; manque de dynamisme ; méconnaissance de la langue et de la culture ; mauvais accent ; manque de motivation, clarté, patience ou de responsabilité ; méconnaissance du contenu ; manque de préparation et de formation ; ne pas utiliser les nouvelles technologies ; mauvais choix d’activités ; manque de bons supports d’enseignement ; manque d’interaction avec l’apprenant. Ex. « La llegada tardía, la falta de motivación, les lecturas en clase sin despertar interés, los trabajos prácticos con cuestionarios poco claros, la informalidad”. Item 13 : En ce qui concerne les comportements ou attitudes chez les professeurs, essentiels pour faciliter l’apprentissage d’une langue étrangère, les étudiants ont relevé les facteurs suivants: Attitude positive ; spontanéité ; clarté dans la transmission des connaissances ; enthousiasme et dynamisme ; créativité ; connaissance du contenu ; amour du métier ; ouverture à l’écoute et à l’interaction ; bonne tenue ; empathie ; encouragement à la participation ; connaissance de la langue et de la culture ; bon choix d’activités. Ex. « La interacción que debe haber entre profesor y alumno, la buena presencia del profesor, el conocimiento general de su materia, la correcta pronunciación de la lengua”. Avec l’analyse des trois derniers items, on constate que les étudiants apprécient très spécialement chez les professeurs les compétences liées au savoir-être, leur côté humain : compréhension, enthousiasme, sympathie, spontanéité, Conclusion Pour conclure ce travail, quelques réflexions émergent : on présente des lignes directrices pour tracer un profil du professeur FLE, esquissé à partir des réponses données par les participants à l’enquête. - L’enseignant FLE est un professionnel dont on attend un haut niveau de formation, non seulement en linguistique, mais aussi dans les domaines socioculturels. - L’enseignant est à la charge de la motivation et de l’interaction ou participation des apprenants. - L’enseignant maîtrise la langue à l’oral et à l’écrit. - L’enseignant est capable d’appliquer les nouvelles technologies de manière efficace. - L’enseignant est au courant de nouvelles techniques ou nouvelles pédagogies. - L’enseignant est au courant des recherches dans les domaines de l’interaction et de l’interculturel. - L’enseignant présente ses objectifs de manière explicite, ainsi que ses attentes en ce qui concerne l’évaluation. Il présente un programme. - L’enseignant est dynamique, apporte aux apprenants un modèle positif, il encourage l’apprentissage, il évite de se montrer de mauvaise humeur ou trop encombré d’activités ou trop occupé pour répondre aux apprenants. - L’enseignant évite de se limiter à distribuer des photocopies, il met en place des stratégies pour assurer le succès dans les épreuves de contrôle. - L’enseignant évite les comportements considérés discriminatoires ou injustes, il reste donc attentif à la structure et fonctionnement « social » de son groupe. Il n’ignore personne, il ne ridiculise personne. - L’enseignant a une bonne tenue, il a une présence agréable aux yeux des apprenants. - Et finalement, l’enseignant est un être humain compréhensif mais exigeant, qui aime son métier et la langue qu’il enseigne. Ces conclusions pourraient aider à la diffusion des expériences pédagogiques partagées, à envisager des facteurs essentiels au moment de la formation des professeurs et futurs professeurs et à la mise en oeuvre de nouvelles stratégies de promotion du FLE. 81 Bibliographie/Sitographie • HAMERS J.F. et BLANC M., Bilingualité et bilinguisme, Mardaga, Bruxelles, s.d. • PECHEUR J. « Quand l’enseignant est conduit à changer de rôle » in Le Français dans le Monde nº 369, 2010, p. 22-23. • RICHTERICH R. et WIDDOWSON H.G., Description, présentation et enseignement des langues, Hatier, Paris, 1981. • SCHVARTZMAN B., « Instituto Superior de Lenguas: Calidad educativa en un mundo competitivo » in Revista Humanidades, Facultad de Filosofía UNA, Octubre 2010, p. 97-100. • VERA PÉREZ C., “Le web 2.0 dans l’enseignement des langues étrangères » in Le Français dans le Monde, nº 363, 2009, p. 27-29. • CAVAZZA F. « Web 2.0 : la révolution par les usages ». 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Louis Jouvet et le dialogue France-Amérique latine SARDINHA CHAGAS DE MORAES, Stela Maria - Universidade do Estado do Rio de Janeiro Alliance Française de Niterói Association des Professeurs de Français de l’État de Rio de Janeiro [email protected] Le 17 avril 1947, lors de la « causerie » de Louis Jouvet au Théâtre de l’Athénée, à Paris, quatre années s’étaient écoulées depuis le départ du célèbre metteur-en-scène avec sa troupe vers l’Amérique latine. L’odyssée a eu son prologue au mois de janvier 1941, en Suisse, où la troupe de l’Athénée était partie en tournée pour présenter l’École des femmes, de Molière. Il n’est pas inutile de souligner que la guerre avait éclatée en septembre 1939 et que le 14 juin 1940, les Allemands marchaient sur Paris. En février 1941, on vint me demander de partir avec ma Compagnie en Amérique du Sud, faire la tournée habituelle que font les Compagnies dramatiques françaises à Rio de Janeiro et à Buenos Aires.(JOUVET, 1945, p. 17) Selon Jouvet, le départ a été préparé, à Lyon, dans des circonstances difficiles, tout en continuant de représenter l’École des femmes dans la zone non occupée de la France. Les statistiques concernant les régions traversées et les espaces parcourus sont assez étonnantes : « Nous sommes allés dans quinze pays [...] nous avons parcouru 67.000 kilomètres (une fois et demie le tour de la terre) [...] » (JOUVET, 1945, p. 18). Le relevé des équipements et des décors est aussi épatant : « [...] avec 47 décors dont quatre comportent une importante machinerie permettant des changements à vue), un équipement complet de scène et d’éclairage, [...] » (JOUVET, 1945, p. 18-9). Au total il y a eu, toujours d’après Jouvet, qui en a fait la comptabilité, 1.077 répétitions pour les 376 représentations jouées devant quelque 700.000 spectateurs. Cet exploit, malgré tous les problèmes – parmi lesquels, les difficultés financières n’étaient pas les moindres – a constitué une vraie réussite. De Rio de Janeiro à Buenos-Aires, du Brésil à l’Argentine, de São Paulo à Rosario et à Santa-Fé, de Montevidéo en Uruguay, au Chili, au Pérou, à l’Équateur, en Colombie, du Vénézuéla à La Havane, de Port-au-Prince en Haïti au Mexique, puis à la Martinique et en Guadeloupe, longeant tantôt l’Atlantique, tantôt le Pacifique, traversant deux fois la Cordillère des Andes, d’étonnements en étonnements et de surprise en surprise, nous avons ressenti profondément en nous la signification de ce mot « latinité ». (JOUVET, 1945, p. 15) Et ce n’est pas par hasard : Jouvet et sa troupe dans tous ces pays, dans toutes ces villes, ont reçu des preuves d’amitié et même de fraternité « les plus sincères, les plus spontanées » (JOUVET, 1945, p. 15), en plus de dons et des subventions des gouvernements. 82 Les raisons pour lesquelles j’ai quitté Paris, puis la France, ne sont ni religieuses, ni politiques, mais uniquement professionnelles. J’ai quitté Paris pour aller en Suisse, parce qu’on m’interdisait de jouer deux de mes auteurs : Jules Romains et Jean Giraudoux. On les trouvait anticulturels, on m’offrait de les échanger contre Schiller et contre Goethe. Ce n’était plus mon métier, il y aurait eu équivoque (JOUVET, 1945, p.12) La déclaration de Jouvet suscitera des questionnements à Denis Rolland, qui se demandera quelles auraient été les ‘vraies’ raisons qui auraient poussé le metteur-en-scène à décider de quitter la France. Dans Paris occupée, Jouvet constate que sa marge de manoeuvre est réduite. Plus que d’autres, il a du mal à imaginer une normalisation possible de la vie culturelle parisienne, en dépit de la programation de l’École des femmes à l’Athénée, en décembre. (ROLLAND, 2000, p. 139) Déjà au mois de mars, pendant la période surnomée ‘la drôle de guerre’, ne croyant pas aux possibilités de reprise du théâtre, Jouvet aurait proposé trois projets à l’Association française d’action artistique (AFAA) qui ont néanmoins échoué. Il cherche à faire revivre rapidement son théâtre et dans cette logique, « il faut reprendre les projets de tournée du printemps, jouer un temps hors de la zone occupée [...] » (ROLLAND, 2000, p. 139). Citant la thèse de Serge Added sur le théâtre en France durant la guerre, Rolland (ROLLAND, 2000, p. 188) démontre que l’autorisation donnée à Louis Jouvet et à la troupe de l’Athénée de quitter Paris pour aller jouer en Suisse, puis en zone libre et, finalement, en Amérique Latine, à évolué pas à pas et a constitué un cas inédit sous l’Occupation. Toujours pendant la conférence proférée en 1947, Jouvet, se rapportant à leur exploit, déclarait : « Cette tournée, que l’impossible et l’extraordinaire semblaient organiser tous les jours, nous a appris la spiritualité du théâtre. » (JOUVET, 1945, p. 11). Le Brésil sera le premier des pays d’Amérique latine à recevoir la troupe de l’Athénée. Après une escale à Recife et une autre à Salvador, le paquebot brésilien Bagé arrive à Rio de Janeiro (JOUVET, 1945, p. 21) : Je me souviens des premières représenttions que nous avons données à Rio de Janeiro. Je lisais sur les visages de mes compagnons une angoisse que je n’ai pas oubliée. L’attention, le silence du public étaient si intenses, si inhabituels pour nous, que nous étions tout à coup effrayés. Comment n’aurions-nous pas pris ce recueillement pour une froideur, un douloureux reproche. Eh bien !ce silence redoutable, nous l’avons compris ensuite, n’était fait que d’une poignante émotion, émotion que donne l’attente à ceux qui se retrouvent, émotion de retrouver l’esprit français, émotion, dans la chaleur des applaudissements, de nous affirmer leur amour et leur fidélité. (JOUVET, 1945, p.11-2) D’où la déclaration pleine d’ironie de Denis Rolland : La troupe de l’Athénée a sans doute cette culture moyenne sur l’Amérique latine que l’on trouve dans une France qui cultive son sentiment de supériorité culturelle : c’est–à–dire pratiquement rien, au-delà de quelques stéréotypes en particulier sur la richesse exubérante des Argentins ou des Brésiliens [...]. (ROLLAND, 2000, p. 331-2) Il faut, toutefois, reconnaître que le Brésil était alors – il l’est toujours – profondément francophile. Les origines lointaines de cette admiration remonteraient, paradoxalement, au XVIe siècle lors des tentatives échouées de colonisation à Rio, avec la France Antarctique, et puis au Maranhão, avec la France equinoxiale et se sédimentera progressivement. Cette influence française, librement choisie et vécue, d'abord par une minorité élitiste, moins comme la figure réelle de l'autre que comme l'image idéale de soi, a paradoxalement ouvert à la majorité du pays la possibilité d'affirmer sa brasilianité. (ELMALAN, 2000) Effectivement, dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle, [...] l’élite brésilienne pensait, parlait et écrivait en français. Le commerce de livres était tel que nos ports étaient les premiers du monde en livres importés de France, parmi lesquels figuraient en bonne place des livres d’auteurs brésiliens, comme Machado de Assis, imprimés par le célèbre éditeur Jean-Baptiste-Louis Garnier. (BANDEIRA, 2006, p. 101) L’Alliance française, fondée en 1883, à Paris, a établi en 1885 sa première représentation internationale à Rio de Janeiro, sous le principe de ‘liberté, égalité, fraternité’ et avec des idées de progrès et d’émancipation diffusées initialement par la Mission Française. (TERZIAN, in : KECHICHIAN, 2009, p. 133) Selon Françoise Terzian, L’importance de l’institution est perçue non seulement dans l’intérêt à apprendre la langue, mais aussi dans la diffusion d’une culture appréciée par les Brésiliens de l’époque. (TERZIAN, in : KECHICHIAN, 2009, p. 133) Cela expliquerait la réaction du public carioca (c’est-à-dire, de la ville de Rio de Janeiro) lors des présentations de la troupe de l’Athénée : Une société choisie y parle couramment le français avec grâce et distinction, et nous a donné, parmi tous les publics devant qui nous avons joué, une audience qui pourrait rivaliser avec celle de Paris, par son élégance, le sens des nuances de notre langue, une sympathie qui fait d’une représentation dans le grand théâtre de Rio de Janeiro une réunion de bon ton, où il est vraiment agréable de se trouver. (JOUVET, 1945, p. 22) Il faut remarquer qu’au début du XXe siècle, l’aristocratie brésilienne vit la période de la Belle Époque qui, au Brésil, durera, selon quelques auteurs, jusqu’à la première moitié des années vingt, et selon d’autres, jusqu’à 1930, au moment où finit la « Vieille République ». Le Brésil vit en fonction de la mode dictée par Paris. On importe des meubles, des objets de décoration, des vêtements et des livres. Les intellectuels du pays dévorent les oeuvres des écrivains et des poètes français [...].(TERZIAN in : KECHICHIAN, 2009, p. 139) À Rio de Janeiro, alors Capitale Fédérale, 1900 marque une période de grande influence française, soit dans le domaine des arts ou dans celui des affaires. Dans ce contexte, le maire Pereira Passos essayera de transformer la ville, en s’inspirant des réformes de Haussmann à Paris. Des grands noms de l’élite culturelle au Brésil, parmi lesquels, Oswald de Andrade et Mário de Andrade, s’inspirant des mouvements avant-gardistes européens très en vogue en France, lancent en 1922 La Semaine d’Art Moderne . De toute évidence, le phénomène de cette attraction culturelle pour la France ne s’astreint pas uniquement au Brésil dans le continent. Se rapportant à la littérature hispano-américaine, Jean-Claude Villegas souligne : Les modernistes choisissent le parricide et, transgressant les frontières nationales, parviennent à établir des contacts transnationaux par le biais d’une stratégie de fuite. Tournant le dos à leur propre tradition nationale, ils se fondent dans une actualité littéraire française, qui représente à leurs yeux l’essence même de la nouveauté, de l’anticonformisme et de l’ouverture du monde. Mais citoyens du monde sans pour autant renier totalement leurs origines, ils signent ainsi l’acte de naissance de la littérature latino-américaine. (VILLEGAS, 2007, p. 16) À partir de cette théorie qui se rapproche des idées exposées par Oswald de Andrade dans le Manifeste Anthropophage – l’un des textes fondateurs du modernisme brésilien -, Villegas déclare: C’est cependant la capitale française qui, tout au long du vingtième siècle, reste le centre même de la géographie universelle. Par là même elle devient la capitale excentrée de la littérature latino-américaine. [...] Depuis les modernistes, jusqu’aux générations les plus contemporaines, en passant pas les avant-gardes, par le très voyant boom latino-américain, par la génération de l’exil, c’est à Paris que se conçoit, que s’écrit et se fabrique la littérature hispano-américaine. (VILLEGAS, 2007, p. 17) Effectivement, les pièces jouées par Jouvet, au Brésil – comme dans les autres pays de l’Amérique latine - ne sont pas traduites. Le public, comme cité précédemment - surtout le public féminin - accompagne le texte sans problèmes de compréhension. Il suffit de penser 83 que les filles de l’élite sociale brésilienne suivent ses études dans des écoles dirigées par des religieuses françaises (Notre-Dame de Sion, Les Oiseaux...). Culturellement, d’autres institutions instalées dans le pays après la Première Guerre mondiale donnent aussi un aperçu du rayonnement de la France au Brésil. L’Institut franco-brésilien de haute culture, à Rio et à São Paulo, en constitue un exemple. Il est également important de signaler la participation, en 1934, de six professeurs agrégés français à la création de la faculté de philosophie, sciences et lettres de l’Université de São Paulo (USP) auxquels bientôt se rejoigneront Braudel, Lévi-Strauss, Monbeig, Hourtade et Maugüé. (ROLLAND, 2000, p. 392) Quoique « fortement implantée, la langue française est cependant en net retrait et sa place dans les programmes d’enseignement est contestée. » (ROLLAND, 2000, p. 393) L’élite lisait nos livres, se faisait donner nos pièces de théâtre, buvait nos vins fins ; la masse, parvenue, fréquentera les cinémas américains, lira des romans policiers traduits de l’anglais, boira de la bière ou des alcools brutaux. [...] La France, à cet égard, est un peu démodée, et on nous le dit assez. (SIEGFRIED, in : ROLLAND, 2000, p. 392) Analysant les raisons de ce basculage d’intérêts qui remonterait vers la Première Guerre mondiale en fonction, d’une part, à la décroissance de l’immigration française, d’autre part, à la réduction des investissements français au Brésil - surtout après la crise de 1929 –, Rolland (ROLLAND, 2000, p. 393-5) soulève encore quatre phénomènes qui se conjuguent malencontreusement : - l’anglais répondrait aux nécessités de la vie courante en Amérique du Sud : des entreprises anglaises et américaines implantées dans le continent recrutaient du personnel sur place ; - l’engouement croissant pour tout ce qui provient des États-Unis (musique, films, mais aussi habitudes, théories, doctrines) ; - l’anglais est exigé dans un nombre croissant d’examens entre les deux guerres ; - les livres américains sont ‘déversés en abondance’ tandis qu’on éprouve des difficultés à se procurer des ouvrages en français. À cette dernière raison, Rolland ajoute un dédoublement : « Il n’existe ainsi, en 1941, aucun des livres de Jouvet en espagnol ou en portugais ; la quasi totalité des pièces de Romains et de Giraudoux ne sont pas traduites... » (ROLLAND, 2000, p. 395). Et l’on estime volontiers en France que, puisque le français sert (servait) de langue universelle, point n’est besoin de faciliter l’accès de la littérature française en traduction. (ROLLAND, 2000, p. 395) Les changements de la situation de la langue française en Amérique du Sud par rapport au XIXe siècle ne semblent donc pas tellement évidents aux yeux des Français : [...] dans de nombreuses capitales, la mention ‘película toda hablada en francés’ [‘film entièrement parlé en français’] demeure, aux yeux des observateurs français, un témoignage du rayonnement de la langue française et un argument de vente : mais c’est alors la seule élite traditionnelle francophile qui sert de miroir aux diplomates français. (ROLLAND, 2000, p. 393). Considérant toujours le cinéma, Rolland constate que le nombre de films français distribués en Amérique du Sud comparé à celui des films nord-américains est très restreint. Un autre inconvénient : tandis que les films nord-américains, fréquemment doublés, sont programmés à peu près simultanément partout en Amérique, les films français ne parviennent que de façon très tardive, sur des copies usagées et, comme cité précédemment, entièrement parlés en français. (ROLLAND, 2000, p. 394). En ce qui concerne le théâtre, si les pièces présentées par la troupe de l’Athénée sont encore comprises par l’élite sociale brésilienne qui a reçu son éducation quelque vingt ou trente ans auparavant, il n’est pas certain que leurs enfants puissent les comprendre. Établissant une comparaison entre les présentations de plusieurs compagnies au Brésil, en Argentine et en Uruguay, Rolland conclut : 84 Mais Rio n’est ni Buenos Aires, ni Montevideo. À la lecture des archives comme de la presse locale, le public de Rio semble plus régulier. Il est peut-être plus francophile, et, à tout dire, moins susceptible – si pour le même spectacle, la qualité s’avère moins bonne qu’en Europe - ; peut-être est-il moins ‘européen’ que celui des capitales uruguayenne ou argentine. (ROLLAND, 2000, p. 399/400) Cela expliquerait « les beaux succès obtenus à Rio comme à São Paulo » par « nombre de troupes ayant fait des saisons médiocres à Buenos Aires ou à Montevideo. » (ROLLAND, 2000, p. 400) « Quoi qu’il en soit, avec le déclin de la langue, s’affirme le retrait – par rapport aux concurrences étrangères – de l’influence française. » (ROLLAND, 2000, p. 399) Au Brésil, cependant, D’une certaine manière, Jouvet aurait alors fait ses premiers pas dans l’histoire du théâtre brésilien, apportant une contribution aux contours incertains mais déterminante à la rénovation de l’art de la scène ; une influence toutefois largement exagérée en France ou par les Français et masquée, au Brésil, par les rénovations « nationales » postérieures. (ROLLAND, 2000, p. 367) Gustavo Dória, l’un des créateurs du groupe Os Comediantes, cite l’un des plus importants enseignements de Jouvet : […] toute initiative qui aurait pour but de fixer au Brésil un théâtre de qualité, un théâtre qui puisse vraiment toucher le public, devrait privilégier la littérature nationale. […] Le point de départ était l’auteur brésilien. (DÓRIA in : PONTES, 2000, p. 15-6) Selon Heloísa Pontes, le conseil de Jouvet deviendra presqu’une obsession pour le groupe qui aura la grande chance d’être dirigé, trois ans plus tard, par Zbignew Ziembinski. Acteur et metteur-en-scène d’origine polonaise, Ziembinski sera le responsable de la mise-en-scène de Vestido de noiva que Os Comediantes joueront en 1944. De cette rencontre entre un conseil donné, un point de vue partagé, un groupe de théâtre amateur décidé à rénover la scène théâtrale, un auteur encore inconnu (Nelson Rodrigues) et un scénographe talentueux (Santa Rosa) découlera le moderne théâtre brésilien [...]. (PONTES, 2000, p. 127) On ne peut pas nier qu’avec le déclin de la langue s’affirme le retrait – par rapport aux concurrences étrangères – de l’influence française au Brésil comme dans les autres pays du continent américain. On ne peut tout de même pas oublier l’héritage culturel français qui émerge dès que l’on étudie l’histoire de l’Amérique latine. Les XVIe SEDIFRALE au Costa Rica en sont la preuve incontestable. Bibliographie ALVES DE FREITAS NETO, J. et TASINAFO, C. R. História Geral do Brasil, São Paulo, Harbra, 2007. BANDEIRA, J. O Brasil na rota da navegação francesa - Le Brésil sur la route de navigation française, Rio de Janeiro, Reler Editora, 2006. BUENO, E. Brasil: uma história, São Paulo, Ática, 2003. ELMALAN, S. « Les 500 ans du Brésil. France et Brésil entretiennent des relations particulières faites de fascination et d’influences réciproques. 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ROLLAND, D. Louis Jouvet et le théâtre de l’Athénée, France, L’Harmattan , 2000. Psychocritique et intimisme : une étude des oeuvres Moderato Cantabile et Le Ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras FERREIRA, Julia Simone - Brésil Professeur Docteur en langue et Littérature Française - L’Université Fédérale D’Acre – UFAC [email protected] • [email protected] Marguerite Duras est un écrivain que nous désignons d’intimiste. Elle est intimiste lorsque l’auteur met en scène vie et oeuvre, oeuvre et vie. Ces deux mondes expriment le secret, le mystère et l’obscurité, lorsqu’il s’agit des faits profonds qui l’ont fortement marquée. C’est ainsi que l’auteur met en lumière sa vie familiale et personnelle. En effet, Duras garde toujours, en elle-même, une part de réserve quand elle "dévoile" à ses lecteurs les souffrances du coeur, l’enfance difficile, la pauvreté, la mère, les frères et la précocité amoureuse, c’est-à-dire, tout un vécu intime marqué par les désillusions sentimentales et amoureuses. Intime, elle l’est aussi dans les textes que nous avons retenus ici pour faire notre analyse : Moderato Cantabile et Le ravissement de Lol V. Stein. Dans ces textes, nous allons analyser l’intime des personnages féminins, une histoire chargée de silence et de non-dits, un vécu obscur, douloureux et traumatisant qui demeurent dans l’état latent. C’est ainsi que Duras met en pleine lumière, les tensions internes, les conflits qui déchirent les régions les plus profondes de l’être et cela pour un travail d’écriture sur de grands thèmes paradoxaux, à titre d’exemples : le passé et le présent, l’amour et la mort, la mémoire et l’oubli. Écrire dans l’opposition et dans le mystère, Duras décrit ce qui est le plus secret chez l’être. Dans les textes, on aperçoit que l’intime des personnages féminins se traduit par la musique. Elle est symboliquement liée à l’événement vécu. La musique déclenche chez les heroї nes le sentiment de l’absence et le manque de l´être passionnément aímé. Elle fait l´écho intérieur d’un deuil impossible, d’une inconsolable perte. Dans ce sens, l’écriture part à la recherche de « quelque chose qui se refuse à être cerné. […] Ce qui est douloureux, la douleur – le danger – c’est la mise en oeuvre, la mise en page, de cette douleur, c’est crever [l’] ombre noire afin qu’elle se répande sur le blanc du papier, mettre en dehors ce qui est de nature intérieure ». (DURAS, 1977, p.123, 124). C’est justement à travers ce quelque chose qui se refuse à être cerné, dans les non-dits du discours que l’auteur va obstinément « crever l’ombre noire [et] mettre dehors, sur le blanc du papier », le vécu traumatisant des héroïnes des textes. En effet, c’est par le biais de la musique que nous allons comprendre cet intime mystérieux qui retentit intérieurement dans la vie personnelle des héroïnes : Anne Desbaresdes et Lol V. Stein. Dès l’ouverture de Moderato cantabile, la musique jouée au piano par l’enfant d’Anne, éveille chez l’héroїne le sentiment d’absence. En effet, la musique liée à des sons venus de l’extérieur, c’est-à-dire, le cri entendu d’une femme souffrante fait l’écho intérieurement d’un deuil impossible. La musique et le monde des sons ont la fonction de faire naître la sensibilité cachée d’Anne. Au fond, la musique du piano et le cri de la femme mourante représentent un au-delà de la parole. Ils ouvrent sur un monde dans lequel la mémoire et l’oubli sont intimement liés. La musique et les sons entendus ont le pouvoir de toucher les puissances émotives qui sont enfoui chez le personnage. À ses yeux, ils traduisent l’amour et la mort, vécus autrefois, en effet : – Ce cri était si fort que vraiment il est bien naturel que l’on cherche à savoir. J’aurais pu difficilement éviter de le faire, voyez-vous. – C’était un cri très long, très haut, qui s’est arrêté net alors qu’il était au plus fort de lui-même, dit-elle. – […] Le cri a dû s’arrêter au moment où elle a cessé de le voir, dit Chauvin. (DURAS, 1958, p. 27). Le cri entendu est en réalité une force mystérieuse qui attire de plus en plus l’héroïne, comme si elle était envoûtée. Pour Anne, le cri est un symbole de l’événement aperçu, un crime passionnel. À ses yeux, il représente la nature violente et inintelligible du drame amoureux. Réveillée et touchée par le cri d’une femme mourante, poussé par une inconnue au café, Anne franchit d’un pas: un monde abstrait pour un monde concret. Le cri de l’agonisante va déclencher des souvenirs profonds, comme si Anne s’identifiait à la femme assassinée. Tout port à 85 croire que le cri de la femme agonisante fait l’écho, de son propre cri intérieur. Ainsi, l’héroïne s’exprime: « Une fois, il me semble bien, oui, une fois j’ai dû crier un peu de cette façon, peut-être, oui, […] ». (DURAS, 1958, p. 41, 42). Nous remarquons que les paroles de l’héroïne sont hésitantes, confuses voire même inexplicables. En vérité, dans tout le long du texte, Anne n’arrive pas vraiment à dire la vraie raison de son propre « cri », puisqu’il symbolise une émotion intime, voire même secrète. Il touche en profondeur une expérience personnelle cachée. C’est probablement ce même « cri » de douleur qui fait écho intérieurement chez Lol V. Stein, lorsqu’elle voit son fiancé Michael Richardson danser, dans un désir fou, avec une inconnue du bal de T. Beach. On le sait, Lol a été arrachée de son fiancé qu’elle amait d’une passion-amoureuse. On sent déjà son « anéantissement », son « effacement » intérieur. Comme chez Anne de Moderato, le « cri discontinu » (DURAS, 1976, p. 19, 23) de Lol traduit alors une souffrance ineffable qui ne peut être oubliée. Il est interprété, au premier abord, comme un traumatisme, un désespoir d’amour, car Le ravissement de Lol désigne aussi l’arrachement, l’enlèvement, donc elle est victime. La musique du bal va lui déclencher alors l’histoire d’une présence lointaine : la perte ou mort d’un être passionnément-aimé. À ses yeux, la danse des amants est l’image-même de la dépossession, de la perte, où elle transforme, inconsciemment, ce lieu du désir en lieu de mort. Dans une interview, Duras relie les innombrables cris qui parcourent son oeuvre à ceux qui s’exprime à sa mère : « La mére crie comme Moїse dans son désert. Il était tellement imprégné de l’idée de Dieu qu’il ne pouvait plus en parler, qu’il criait. Et ma mère était tellement imprégnée de l’injustice qu’elle criait dans le vide ». (DURAS, PIVOT, 1984). Nous savons que Duras a beaucoup écrit sur sa mère, l’injustice dont elle a été victime et sa folie symbolique. Dans ses oeuvres, le cri remplace une parole puissante. Il représente en réalité « le cri de mort qui dure, chez Duras, comme une maladie ; on peut identifier les traits d’Éros et de Thanatos. Le cri est le chant paroxystique de cette union prolongée ». (DOUMET, 2000, p. 87) Dans tout au long du premier chapitre de Moderato cantabile, le lecteur se demande, d’autre part, pourquoi l’héroïne insiste autant sur le fait que son enfant doit apprendre le piano. Les discours répétitifs d’Anne, concernant cet apprentissage, sont illogiques, inexprimables, voire obscurs: – Il faut apprendre le piano, il le faut; la deuxième fois: – Il le faut, continua Anne, il le faut, Ou encore: Anne Desbaresdes prit son enfant par les épaules, le serra à lui faire mal, cria presque. Il faut apprendre le piano, il le faut. [Et l’héroïne en conclut]: – La musique, mon amour... (DURAS, 1958, p. 12, 13). C’est nous qui soulignons. En vérité, nul doute que la musique de Moderato cantabile appartient à l’enfant d’Anne, cependant derrière cette appartenance explicite en cache une autre : la puissance musicale dévoile l’intime. En effet, on remarque qu’Anne n’arrive pas à exprimer sa vraie obstination. Ses phrases sont dépouillées, vagues et vides de sens. Par le biais de la musique, l’héroïne se souvient d’un événement de son passé. En fait, la musique agit sur elle comme une force invisible et qui échappe par définition au langage. C’est ainsi que l’on voit l’héroïne impuissante à convaincre son enfant par un langage raisonnable. Anne reconnaît, d’elle-même, que la musique éveille quelques faits marquants, cependant elle ne sait pas trop comment exprimer cette évidence. Ainsi, chaque récurrence du verbe falloir pointe une dimension vers l’indicible. On le sait, Lol V. Stein reconnaît aussi cet étrange pouvoir obscur que la musique exerce sur elle. La musique du bal symbolise une force invisible qui est liée à l’absolu, à la mort et à l’éternité. Il y a là des émotions personnelles que seule les héroїnes des textes sont capables de reconnaître. En ce sens, pour réanimer la musique et remplir un « vide » intérieur, Lol se marie avec le musicien, Jean Bedford. Pendant la nuit, il fait quelques exercices avant le concert. Tout porte à croire que les notes musicales entendues par l’héroïne déclenchent l’événement-même du bal, puisqu’il « tremblait au loin. […] Le bal reprend un peu de vie, frémit, s’accroche à Lol. Elle le réchauffe, le protège, le nourrit, il grandit, sort de ses plis, s’étire, un jour il est prêt. Elle y rentre chaque jour ». (DURAS, 1976, p. 45, 46). On aperçoit que la musique jouée par son mari traduit alors son secret intérieur. Elle 86 dévoile sa pensée et son état d’âme. Tout se passe comme si les sons éclairaient des images où les formes et les couleurs se mêlaient et faisaient sens pour Lol, comme devant un tableau dont les couleurs et les images se confondent. Au fond, ce que souhaite le personnage, c’est de reconstituer la scène de danse des amants, encore et toujours, jusqu’à ce qu’elle devienne obsessionnelle. On sait que la récurrence obsessionnelle de la musique constitue l’un des traits dominants de l’écriture durassienne. Le piano, par exemple, est essentiel dans ses oeuvres, ainsi que dans sa production filmique. Selon Duras, il représente “un instrument très proche de la voix, [il] est un instrument parlant”. (NOGUEZ, 1984, p.30). À ce titre, nous pouvons mentionner que cet instrument est doté d’une puissance qui traduit l’âme humaine. Ainsi, lorsque Duras souligne: “le souvenir du désespoir, ça reste, quelquefois ça tue”, (NOGUEZ, 1984, p.31) cela peut faire référence à la musica de son enfance. Entre réalité et éléments fantasmatiques rappelons que sa mère, Marie Donnadieu, a joué du piano – et a donné des cours – pour subvenir aux besoins financiers de la famille. La musique, à travers les méandres de la mémoire, renvoie au lieu mythique de l’enfance, de la souffrance. L’auteur, reconnaît elle-même, ce monde dont la musique et les voix intérieures lui sont familières. Elle représente, chez Duras, une sorte de transe émotionnelle, une force capable d’éveiller les images d’autrefois, ancrées dans la mémoire et l’oubli. Ainsi, elle écrit d’ailleurs que : La musique [l’] épouvante [...]. [Elle] pense qu’il y a dans la musique un accomplissement, un temps que nous ne pouvons pas actuellement recevoir. Il y a une sorte d’annonciation dans la musique d’un temps à venir où on pourra l’entendre. La musique, ça [la]... enfin, ça [la] bouleverse et [elle] ne peu[t] pas l’écouter, [...] ça [lui] est très difficile d’en entendre sans être... enfin... bouleversée... (DURAS, 1999, p. 92). En vérité, les leçons de piano imposées à l’enfant, de Moderato cantabile, représente sur le plan personnel un moyen pour que l’héroïne puisse apaiser ses peines personnelles. Elle apparaît comme un remède, un palliatif, pour atténuer ou pour cacher sa désolation. Ainsi, la musique jouée par l’enfant amène symboliquement à la mémoire puis à l’oubli. L’obstination d’Anne pour que son enfant apprenne de la musique devient alors significative. Au fur et à mesure que le texte évolue, la compréhension de cette obsession devient, visible, voire éclatante: Elle écoutait la sonatine. Elle venait du tréfonds des âges, portée par son enfant à elle. Elle manquait souvent, à l’entendre, aurait-elle pu croire, s’en évanouir. [Ou encore] La sonatine résonna encore, portée comme une plume par ce barbare, qu’il le voulût ou non, et elle s’abattit de nouveau sur sa mère, la condamna de nouveau à la damnation de son amour. Les portes de l’enfer se refermèrent. (DURAS, 1958, p.78). Dans ces passages, nous remarquons la force du lexique. Il y a là autant de termes hyperboliques qui renvoient à l’excès et que seule la sonatine suggère: “damnation, amour, enfer”. En vérité, la sonatine de Diabelli dévoile un autre monde, puisqu’elle parle de mort, de malédiction, de damnation, d’un amour promis à la mort qui se fait jour dans les moindres paroles de la narratrice. Elle exprime symboliquement une douleur au coeur qui demeure dans sa pensée intime. La musique parle à sa place, et de ce fait, fait parler ce qui ne parle plus chez Anne. Ayant perdu le sens des mots pour exprimer la vraie souffrance intérieure, elle se laisse complètement envahir par la sonorité maléfique qui résonne “portée par ce barbare, qu’il le voulût ou non”. La sonatine de Diabelli renvoie à celle du diable, ou des “portes de l’enfer”. (DURAS, 1958, p.78). En somme, la sonatine de Diabelli évoque un amour-passion vécu dans la mort. Ainsi, nous ne pouvons nier que la musique éveille la tragédie, la mort et l’écriture durassienne retrouve ici la conception racinienne: La passion est liée à la mort, on ne peut ni lutter ni échapper à cette évidence. On le sait, chez Duras, les images, les sonorités, les paroles, les chants et les musiques ne doivent pas seulement êtres vues et entendues mais déchiffrées ; les paroles atteignent l’indicible, le non-communicable par la perte d’un être aimé. L’émotion esthétique propre à la musique du violon, joué par le mari de Lol, plonge l’héroïne, malgré elle, dans sa pensée intime. Les sons entendus déclenchent, malgrè elle, des images qui rappellent la fameuse nuit du bal. Il y a là une sorte d’appel où les images ancienne reviennent, comme un « tout venant ». Ainsi, en écoutant la musique, Lol essaie de parler, quelque chose du bal, et elle n’arrive pas à l’exprimer vraiment. La parole muette, accompagnée par le non-dit du discours, constitue comme une réponse. Ainsi, Tatiana Karl, une ancienne amie du collège, comprend également que le violon joue considérablement dans le comportement expressif et étrange de Lol ; il rend sensible sa douleur secrète : Écoute Jean. Parfois il joue jusqu’à quatre heures du matin. – Tu écoutes toujours ? – Presque toujours. Surtout quand je… – Tatiana attend. Le reste de la phrase ne viendra pas. [Ou encore] : – Écoute la musique [...] que j’aime ça, tu vois. Une tristesse se lit dans son regard. […] Elle se lève. Elle s’éloigne de Tatiana sur la pointe des pieds comme s’il y avait un sommeil d’enfant à préserver, tout près. Tatiana la suit, un peu contrite devant […] l’agrandissement de la tristesse de Lol. (DURAS, 1976, p. 93 e 97) La musique dévoile la reconnaissance des faits intimes. Ainsi, les réticences dans les phrases traduisent quelque chose d’interdit chez le personnage : le manque ou la perte de l’être aimé. En effet, en l’écoutant, il y a des faits qui touchent en profondeur son âme, des faits obsessionnels réaparessent. Le violon, joué par son mari, ébranle l’íntérieur, comme une force démentielle, difficile à cacher. En vérité, les points de suspension attestent la présence d’un blocage, de ce qui ne peut être avoué. Et le silence intérieur prend forme, au sein même de l’oeuvre. Finalement, Lol comprend, pour toujours, le sens de l’étrange pouvoir que la musique exerce sur elle. En effet, elle se souvient qu’à la fin du bal, quand le violon « se retire » de la scène, il a creusé « un trou », un vide intérieur, parce qu’il « laisse derrière lui les cratères ouverts des souvenirs immédiat ». (DURAS, 1976, p. 118). Dans les textes durassiens, les personnages féminins sont considérablement silencieux. Le silence est pour Duras quelque chose de mystérieux et de personnel. Il désigne ce qui est intimement lié à l’être. L’auteur confie d’ailleurs que : « Il y a deux fois le silence de la femme et le silence qui vient de sa vie, à elle, de sa personne. C’est ce double, c’est la conjugaison de ces deux silences […] cette fascination dure toujours, je ne m’en sors pas, c’est une véritable histoire d’amour ». (DURAS, PORTE, 1977, p. 69). Le désir, l’amour ou la passion est pour Duras « l’amour [...] sans limites – cela par définition – sans autre finalité que la mort ». (LABARRÈRE, 1992, p.88) À ses yeux, l’amour est impossible à vivre, il est condamné d’avance. Ainsi, l’absolu de l’amour autant recherché par les héroїnes : Anne Desbaresdes et Lol V. Stein, ne semble pouvoir exister que par la perte ou la mort de l’être passionnément-aimé. Enfin, conscientes de leur « vague à l’âme », tout porte à croire que les héroïnes sont en quête de combler un manque. Le secret d’Anne et le Lol est, alors, remplir un vide intérieur, une douleur indélébile qui rend sensible par la perception auditive et par la perception visuelle. Au fond, elles sont conscientes que malgré les dix ans de mariage, les enfants et la vie quotidienne n’ont pas réussi à effacer et à guérir le traumatisme de la perte, d’une passion-amoureuse vécue dans la jeunesse. Il y a là des traces du passé laissées en elles par la mémoire et l’oubli. Finalement, sans relier vie et oeuvre, on constate que tous les « fantasmes » de l’écriture durassienne qui constituent autour du manque, de l’absence, du vide, de la douleur, de l’amour et de la mort, de la mémoire et de l’oubli, du présent et du passé, qu’à partir d’eux s’esquisse l’horizon de l’oeuvre et que tous ces « fantasmes » (BORGOMANO, 1985, p.10) sont directement ou indirectement liés à l’enfance de l’auteur, à sa mère et plus précisément liés à la mort du jeune frère de Duras : le petit frère du Barrage. Cet événement historique et inoubliable a en effet profondément marqué Duras dans sa pensée intime, dont elle a gardait en elle comme un secret douloureux et ce probablement même jusqu’à sa mort. En effet, lorsque Yann Andréa, son compagnon de l’époque, lui questionne: “Votre livre préféré absolument? Elle lui répond: “Le Barrage, l’enfance” (DURAS, 1995, p.10) ou comme le suggère encore le souvenir de son jeune frère mort, lorsqu’elle déclare: “J’ai voulu vous dire que je vous aimais. Le crier. C’est tout” (DURAS, 1995, p.13). Bibliographie BLOT-LABARRÈRE, Christiane. Marguerite Duras. Paris : Éditions du Seuil, 1992. BORGOMANO, Madeleine. Duras, une lecture des fantasmes. Belgique : Édition Cistre-Essais, 1985. DOUMET, Christian. « La musique mon amour », dans : Lire Duras, textes réunis et présentés par Claude Burgelin et Pierre de Gaulmyn. Lyon : Éditions PUL, coll. Lire, 2000. DURAS, Marguerite et PORTE, Michelle. Les lieux de Marguerite Duras. Paris : Éditions de Minuit, 1977. DURAS, Marguerite. Un barrage contre le Pacifique. Paris: Gallimard, 1950. __. Moderato cantabile. Paris: Éditions de Minuit, 1958. __. Le ravissement de Lol V. Stein. Paris: Gallimard, 1964. Pour l’édition de référence ; coll. Folio n° 810, 1976. __. Écrire. Paris: Folio, n° 2754, 1995(a). __. Le camion. Paris: Minuit, 1977. __. C’est tout. Paris: POL, 1995. DURAS, Marguerite et GAUTHIER, Xavier. Les parleuses. Paris: Minuit, 1974. DURAS, Marguerite et ALPHAN, Maurice. Marguerite Duras ou le ravissement de la parole. Entretiens radiographiques, coffret de 4 CD d’archives sonores de L’INA Radio-France, 1977. DURAS, Marguerite. La vie matérielle. Paris : Folio, n°2623, 1999. DURAS, Marguerite et PIVOT, Bernard « Apostrophes », entretiens, réalisation Jean-Luc Léridon, Antenne 2, 1984. NOGUEZ, Dominique. La Couleur des mots, entretiens avec Marguerite Duras autours de huit films. Paris : Édition vidéographique critique, ministère des Relations extérieures, 1984. 87 LA CLASSE ORALE : DES STRATÉGIES CROISÉES DAGNINO, Elda, Argentina Widdowson affirme que pour apprendre une langue nous devons « non seulement apprendre à construire et à comprendre des phrases correctes mais aussi à utiliser ces phrases de manière appropriée pour accomplir une intention de communication » C’est l’objectif du cours de compréhension et de production orales que j’assure à la Faculté des Sciences Politiques de l’UNR. Mes étudiants ont déjà assisté aux deux premiers niveaux des cours de FOS. Au premier niveau on met l’accent sur la C.E., au deuxième on privilégie l’E.E. C’est au troisième niveau qu’on commence à travailler systématiquement aussi l’E.O. La chaire de français offre depuis cinq ans un cours hebdomadaire où l’on facilite les processus de compréhension et production de français standard, les étudiants y assistent volontairement. Il s’agit généralement des étudiants du troisième niveau de français de la carrière des RRII qui doivent faire quatre niveaux. Je voudrais exposer ma démarche pédagogique. L’objectif fondamental de cette démarche est la prise de conscience par les étudiants des stratégies langagières mises en pratique pour acquérir la maîtrise de l’oral. Michèle Pendanx affirme que « l’oral en LE est fascinant et intimidant à la fois ; les étudiants ressentent bien que c’est là la pierre de touche de l’approche d’une langue ». COMPRÉHENSION ORALE La CO est un savoir-faire qui a été longtemps négligé. Il existait – il existe parfois aujourd’hui – une opposition entre réception/production assimilée à une opposition actif/passif. Cette dualité est fausse car écouter n’est pas un processus passif, de pure réception, comprendre exige du récepteur une réelle activité mentale qui aboutit à une production de sens. Il serait absurde de croire qu’il suffit de mettre un apprenant face à un document oral en LE pour qu’il puisse découvrir tout seul les chemins qui le mènent à le comprendre. Dans cette situation, il va probablement se trouver dans une situation qui le fera perdre la motivation initiale. La CO est complexe, elle requiert la mise en oeuvre simultanée de plusieurs activités mentales, elle est vécue par les étudiants comme difficile. Il faut donc essentiellement leur apprendre des stratégies qui leur permettent de se repérer dans un ensemble de sonorités étrangères où se mêlent des mots et des structures partiellement ou totalement inconnus. On peut énumérer quelques difficultés qui apparaissent pendant le processus d’accès au sens par le récepteur en situation d’écoute active en LE : - la compréhension n’est pas aussi rapide qu’en LM, elle peut devenir si lente que l’auditeur perd le fil de ce qu’il écoute et il ne comprend plus rien ; - quand il écoute un document en LE l’auditeur reconnaît les voyelles, les consonnes, il perçoit les unités phonétiques mais il ne les associe pas avec le sens ; - Le manque de confiance en soi-même de l’apprenant-auditeur et l’inquiétude d’écouter une langue différente à sa LM apparaissent, - L’activité d’écoute oblige le récepteur à s’adapter au rythme de l’autre, en conséquence à un rythme qui n’est pas le sien. Un autre parle et il doit le suivre, tandis que dans la production orale il suit son rythme, il peut balbutier, recommencer, s’approcher à la forme correcte. Quant au document, le succès de l’activité de compréhension est dû fréquemment à ce qu’on propose, il est donc important de choisir de « bons » documents en ce qui concerne les aspects formels. Les spécialistes ont démontré qu’il y a une notion de facilité d’écoute. Par exemple ils sont arrivés à la conclusion que plus un document contient des éléments qui se rapprochent de la langue parlée, plus il est facile à comprendre. D’autres aspects qui rendent la compréhension des documents oraux plus faciles sont : - un nombre limité de personnes ou d’objets, - des personnes ou d’objets clairement distincts, - des relations spatiales simples - le respect de l’ordre chronologique des faits - des liens entre les différents énoncés, - la possibilité de relier facilement la nouvelle information aux connaissances antérieures 88 - l’accompagnement d’aides visuelles (illustrations, photos, documents vidéo) Les tâches à réaliser à partir des textes vont aider les étudiants à atteindre la CO. Quelques tâches qu’ils peuvent faire pendant et après l’écoute sont : - Pendant l’écoute : - remplir une grille d’écoute, ex. « Tirage au sort » - mettre en relation des éléments visuels avec le document, ex « Faits divers » - repérer des mots porteurs d’information grâce à l’intonation, - trouver des réponses aux questions posées : directes, à choix multiples ex ou du type Vrai/Faux, - compléter des exercices lacunaires, ex « C’est où ? » - prendre notes, ex « Dialogues entre deux femmes » - Après l’écoute : - réaliser des tâches à partir du matériel visuel (mettre des images dans un ordre correspondant au contenu, ex « Comment ça marche ? » - chercher parmi plusieurs images assez proches celle qui correspond à la situation/à l’information, - compléter des images grâce à l’information du texte, ex : « Version originale »p.63 - rectifier, modifier le contenu d’une ou plusieurs images en fonction des informations entendues, - trouver parmi des titres donnés, celui qui correspond au contenu du document, - retrouver parmi plusieurs descriptions de situations, celle qui correspond au document, - retrouver le résumé qui correspond au document parmi des résumés différents sur des points importants ex « The artist » (film) PRODUCTION ORALE Pour passer de la CO et de la saisie des éléments nouveaux à leur intégration en PO l’étudiant doit effectuer une série d’opérations complexes difficiles à décrire parce qu’elles diffèrent selon chaque étudiant. Pour établir en classe une communication orale il faut toujours un artifice afin de faire communiquer les étudiants entre eux. On est obligé de mettre en oeuvre une sorte de mise en scène pour que les échanges s’engagent ; on doit aussi proposer des déclencheurs et des contraintes situationnelles et langagières pour motiver la production. L’étudiant doit incorporer les éléments de la langue : le rythme et l’intonation mais aussi les découpages sémantiques et la syntaxe. Mais on ne peut pas ignorer que l’oral en LE exige de surmonter un certain degré d’inhibition, il met en jeu le caractère plus ou moins extraverti des étudiants, leur place au sein du groupe-classe, la facilité des uns à accepter les nouveaux sons, ou, au contraire le refus souvent non conscient des autres. Les stratégies de communication mises en oeuvre en situation d’échange, visent essentiellement à réguler l'interaction, et tout spécialement à pallier les lacunes de la compétence langagière. On peut distinguer trois catégories des stratégies de communication : - les stratégies de formulation (ou compensatoires) qui visent la réussite de la communication pour compenser des moyens limités ou pour éviter le risque d’erreur • emprunts à la LM, • traductions littérales, • mots inventés et créations de néologismes • emploi de mots vides (truc), • emploi d’hyperonymes (« animal » pour « vache ») • paraphrases et circonlocutions (« d’une manière fréquente » plutôt que fréquemment, « objet pour ouvrir les bouteilles » pour « décapsuleur ») • recours systématique à certaines tournures ou structures plutôt que d’autres, dire « je dois aller » au lieu du subjonctif « il faut que j’aille » • communication non verbale : gestes, dessins - les stratégies de sollicitation qui font appel à une aide extérieure : • annonce de son identité d’étranger, • demande d’aide à son interlocuteur ou à une tierce personne, • vérification que l’on a été compris ou que l’on a compris, • recours à des sources d’information (dictionnaire) - les stratégies d’éludage, concernent le contenu de l’échange : • modification : renoncer à nuancer sa pensée en ayant recours à des formules ou des expressions dont on est sûr, • évitement : changer de sujet, passer la parole à quelqu’un d’autre, • abandon de la relation de communication : on renonce, on se tait. Les stratégies de l’apprenant L’étudiant applique diverses stratégies que lui-même n’arrive pas à identifier et qu’il n’est pas fréquemment conscient de les utiliser. Pour réussir à rendre l’étudiant conscient des stratégies qu’il utilise, il est convenable : - qu’il réfléchisse sur ce qu’il fait quand il écoute ou quand il parle, - qu’il se rende compte de ce qu’il possède déjà comme acquis, - qu’il puisse mettre en oeuvre des stratégies pour s’aider : utilisation de l’inférence, du contexte, de la prédiction ou de l’anticipation - qu’il ait une juste idée de ses forces et de ses faiblesses, Les stratégies de l’enseignant L’enseignant doit mettre l’accent sur l’activation des stratégies permettant de surmonter les difficultés de l’étudiant, comment le faire ? - on doit le convaincre qu’il sait plus qu’il ne le croit, et qu’il peut avec l’aide de son savoir restituer une grande partie du message ou qu’il peut l’utiliser pour communiquer. Le convaincre aussi que tout ce qu’il sait est légitime, même s’il l’a acquis en contexte extra-scolaire, - on doit tâcher de résoudre l’inquiétude provoquée chez l’étudiant par le contact avec des documents sonores en LE ou par la situation de parler en une langue différente à la sienne, en adaptant les interventions de l’enseignant à ses caractéristiques affectives et en assurant une atmosphère favorable pour les activités de classe. - nous savons tous qu’il est possible de comprendre un texte en LM sans en avoir compris tous les mots mais l’étudiant en LE reste bloqué sur le premier mot qu’il ne comprend pas. On doit activer les stratégies qui permettent de franchir l’obstacle, étant donné qu’il a déjà acquis cette compétence à l’écrit, et de compenser une composante plus faible, par exemple la composante linguistique - En ce qui concerne l’organisation du cours, la première stratégie de l’enseignant est celle de la cohérence, c’est-à-dire que l’étudiant perçoive le lien entre ses cours. Cette cohérence devrait être une cohérence composite qui permette à chaque étudiant de trouver son rythme et de mesurer son parcours vers son objectif. - Une autre stratégie est de bien distribuer les tâches concrètes aux étudiants, elles ne doivent être aléatoires mais avoir une place définie dans la construction d’un savoir-faire et être orientées vers un but. Il faut que ces tâches soient variées et à la fois efficaces et organisées et que l’enseignant s’efforce d’encourager tous les étudiants sans négliger personne. - Une stratégie essentielle est de consolider une aide mutuelle, une solidarité. Cela entraîne la prise en compte de chaque étudiant pour l’aider à atteindre l’autonomie, en estimant aussi la singularité du groupe-classe, en comprenant ce qui le motive, ce qui le décourage, ce qui l’ennuie. - Enfin, le choix méthodologique-stratégique de l’enseignant doit se caractériser par l’éclectisme, se garder de toute uniformisation et, ce qui est essentiel, être autonome soi-même qui est la principale composante de la stratégie enseignante. PROPOSITIONS MÉTHODOLOGIQUES - CRÉER UNE ATMOSPHÈRE CONVIVIALE : - Il s’agit de tout mettre en oeuvre pour créer un climat favorable en classe. Voici quelques facteurs qui peuvent y contribuer : l’empathie, le jeu, l’esprit ouvert de l’enseignant, les techniques de correction (si l’enseignant exécute trop de corrections explicites il peut décourager l’étudiant qui, de moins en moins sûr d’être compris, ne sait plus ce qu’il voulait dire ; il peut changer de thème ou décide même de se taire), les activités de réflexion sur la communication, la mise en pratique d’une évaluation explicitée et coopérative. - ÉVITER LA CENTRALITÉ DE L’ENSEIGNANT : - MOTIVER LA PAROLE : - Dans un enseignement de la langue à des fins communicatives, il est utile de créer une motivation à la parole qui soit la plus légitime possible : besoins simulés (situations de communication explicites, simulations globales), besoins réels à l’intérieur de la classe ou venant des contacts hors classe (travail en groupes, échanges scolaires par Internet, utilisation de l’environnement) - PROPOSER DIFFÉRENTS TYPES D’ACTIVITÉS DE PRODUCTION : - On peut classer ces activités selon trois critères principaux : 1) le type de discours dont elles relèvent : • échanges avec l’enseignant ou les pairs, réponses à des questions sur les documents, ex « SEL » • paraphrases ou reformulations, • sketches élaborés et interprétés en groupe, • exposés oraux, opinions ou commentaires, ex : « Femmes » • jeux de rôles, ex « BD Simple formalité » • échanges d’opinions et débats, ex : « L’épouse infidèle » 2) l’interaction qu’elles impliquent : • rapport enseignant/apprenant ou enseignant/groupe classe : (échanges relativement codés), • échanges entre pairs (échanges plus détendus), ex « Gestes et interactions » • prise de parole devant le groupe-classe, seul ou en sous-groupe (échanges où la situation est une contrainte particulière), ex : « Paroles de touristes » • échanges avec des partenaires hors institution (échanges où l’implication personnelle, affective est le plus souvent importante 3) le type de production requise du point de vue de l’apprentissage : • activités de reproduction et mémorisation : correction de la phonétique, récitation de poèmes, chansons ex : « Exercices des sons et des lettres » • activités de variation langagière : synthèse d’informations, paraphrases, passage de discours écrit à des discours oraux, • activités de créativité : production de discours à partir de contraintes situationnelles, jeux, ex : « Mariage » 89 • activités d’improvisation et d’initiative L’étudiant ne peut être soumis de manière aléatoire à toutes ces activités. Elles doivent au contraire faire l’objet d’une progression. Comment préparer l’étudiant à l’improvisation et à la prise de parole ? • l’entraîner à poser des questions, lui donner l’initiative d’interroger ses camarades, • orienter certaines activités de parole vers un but d’expression personnelle, justifier ses préférences, faire un autoportrait, exprimer des sentiments, • consacrer certaines séances à encourager les propositions venant des étudiants, ils peuvent apporter un matériel en classe qu’ils souhaitent présenter à leurs camarades, ex : une chanson, une poésie, la vie d’un auteur français… La dynamique du cours varie beaucoup. C’est-à-dire que les étudiants trouvent que dans chaque classe on aborde un sujet différent, des activités différentes. Ces activités stimulent la créativité, l’imagination, la spontanéité, le sens de l’humour. Ils y trouvent du plaisir et tout ce travail débouche sur une production langagière désentravée, libérée des angoisses provoquées par la nécessité de « bien parler » Ce cours satisfait en quelque sorte la motivation pour étudier le français des étudiants qui est due probablement à un projet personnel : établir des échanges avec des stagiaires français, faire des études en France, utiliser le français dans un contexte international. Il y a cinq ans que j’assure ce cours et je trouve un vrai intérêt de la part des étudiants qui varient tous les ans. Même que j’éprouve la satisfaction de dire qu’il y a des étudiants qui le suivent depuis le début, en 2009. Le Facebook: un outil didactique Didactique: un dialogue de réflexion et de pratiques GAMEZ, Natalia - MATEUDA, Ana - Institut Supérieur de Formation d’Enseignement «Inspector Albino Sánchez Barros» La Rioja, Argentina Introduction Ce travail est le résultat d’expériences réalisées avec nos élèves du niveau secondaire à La Rioja, Argentine. Notre communication est centrée sur l’usage du réseau social facebook et plus précisément des groupes. Nous présenterons quelques travaux pratiques mis en oeuvre pour illustrer l’emploi d’une nouvelle stratégie pédagogique. train d’apprendre, mettre en place les stratégies nécessaires pour communiquer, favoriser l’interaction entre eux et développer les compétences communicatives et socio-culturelles à partir de la réflexion métalinguistique si difficile pour quelques uns, surtout les plus faibles. Texto in extenso Ce travail est le résultat d’expériences réalisées avec nos élèves du niveau secondaire à La Rioja, Argentine. Notre communication est centrée sur l’usage du réseau social facebook et plus précisément des groupes. Nous présenterons quelques travaux pratiques mis en oeuvre pour illustrer l’emploi d’une nouvelle stratégie pédagogique. Les résultats vont dépendre de la motivation et l’intérêt des étudiants, il y a quelques groupes qui marchent très bien et d’autres qui ne marchent pas. Mais, c’est justement l’intervention du professeur en tant que guide en encourageant toujours les élèves pour s’engager ce qui permettra ou pas la réussite du fonctionnement des groupes tout au long de l’année. On considère le facebook comme un espace riche qui privilégie les échanges et les interactions, pas seulement avec nos élèves, mais parmi eux. On croit de même, que c’est un moyen pour créer des liens entre les contenus et la culture. De cette façon, ce réseau devient un bon outil pour continuer l’apprentissage de la langue française au-delà de l’école. Le but de cette activité est d’une part, la mise en contexte des apprentissages, c'est-à-dire que les élèves soient capables de les réutiliser dans une autre situation que celle de l'école, sans oublier leurs besoins langagiers et leurs intérêts. D’autre part, faire place à l’autonomie progressive des étudiants aussi bien qu’éveiller la motivation, la curiosité et le désir de se communiquer et de s’exprimer en langue française. Les interactions dans les groupes facebook permettent aux élèves l’aperture d’un nouveau regard sur la langue, un « agir et réagir » dans un contexte virtuel. Pour y arriver, ils mettent en oeuvre les démarches nécessaires pour accomplir des tâches concrètes dont la structure de l’activité devient souple et ouverte, de sorte que les parcours d’exploration et de découverte soient libres. Dans ce sens, le facebook apparaît comme un outil pédagogique qui peut contribuer à la construction et le développement des savoirs (savoir-faire, savoir-être, savoir-apprendre) de manière collective. Notre intervention en tant que professeur facilite le déroulement de toutes ces activités visant l'encouragement chez les apprenants. Le début est simple, ce sont les élèves qui désignent un copain responsable de l’administration et de la création du groupe. Lorsque le groupe a été créé, l’élève- administrateur invite aux autres membres de la classe pour y participer. Ensuite, tous les élèves sont chargés de personnaliser le groupe, ils choisissent un nom, ceci peut être en français ou en espagnol (leur langue maternelle), ils modifient la confidentialité au secret et ils peuvent télécharger une image de profil. La page principal du groupe permet d'accéder directement à la création d’un espace de travail collaboratif dont les groupes sont invités à réagir aux différentes contributions en postant un commentaire, exprimer une pensée, afficher des images, publier des vidéos, des chansons, entre autres. Ce type d’activité permet aux apprenants redécouvrir la langue qu’ils sont en 90 N’oublions pas que l’un des principaux objectifs proposés est de dépasser les murs de la classe pour que les étudiants puissent poursuivre leur apprentissage depuis chez eux et de cette façon inciter le plaisir d’apprendre la langue française à travers la curiosité et la découverte dans ce contexte virtuel. « La construction des savoirs ne se fait plus in cathedra mais par l’interaction avec ses pairs, dans un environnement virtuel, social et culturel, au travers d’un écran. L’enseignant met à disposition de l’apprenant de FLE les éléments nécessaires à l’ossature de son savoir. Il devient un guide, à la fois tuteur et médiateur » (Bruno Marchal, Français dans le monde, Nº 368, mars-avril 2010). Évidement qu’ils existent plusieurs manières de travailler mais cela va dépendre des objectifs. On essaie seulement de montrer et de faire connaître une option à tenir compte au moment de penser à des nouvelles ressources didactiques. Bibliographie OLLIVIER, Christian, PUREN, Laurent (2011) : Le web 2.0 en classe de langue: Une réflexion théorique et des activités pratiques pour faire le point. Paris. Éditions Maison de Langues. LIONS-OLIVIERI, Marie-Laure, LIRIA, Philippe (2009): L’approche actionnelle dans l’enseignement des langues: Onze articles pour mieux comprendre et faire le point. Espagne. Difusión Fle. Éditions Maison Des Langues. MARCHAL, Bruno, Français dans le monde, Nº 368, mars-avril 2010. L’approche des contenus culturels en question: une analyse des représentations construites dans et par les textes des enseignants DA SILVA, Emily Caroline - Université de São Paulo (USP) [email protected] Comment les professeurs abordent-ils les contenus culturels en classe de français langue étrangère ? Selon Byram (2011), plusieurs documents qui orientent le travail du professeur véhiculent des expressions liées aux contenus culturels, tels que la « compétence interculturelle », le « savoir-faire interculturel » et la « prise de conscience interculturelle ». Pourtant ces termes servent plutôt à nommer des finalités éducatives qu’à définir ou à décrire des pratiques pédagogiques actuelles ; c’est probablement une des raisons pour lesquelles plusieurs congrès et ouvrages se sont concentrés sur cette problématique les dernières années. Byram (2011) observe que, bien que la Didactique des Langues et Cultures consacre une place d’importance pour ce thème dans sa littérature, il y a peu d’ouvrages empiriques qui décrivent effectivement ce qui font en classe les professeurs afin de travailler ces contenus culturels et développer la compétence interculturelle chez leurs apprenants. Inspirés de cette question, nous avons entamé une recherche de master qui propose d’analyser langagièrement les «représentations» (Bronckart, 2006) construites dans des textes produits par les professeurs sur la pertinence ou la nécessité qu’ils ont (ou non) d’aborder des contenus culturels dans des cours de FLE. Dans cet article, notre but est de présenter le cadre théorique et méthodologique qui nous a permis d’identifier, d’analyser et de comprendre ces représentations, ainsi que le contexte de la recherche. D’après le panorama fait par Byram (2011), nous avons constaté que la Didactique de Langues et Cultures ne présentait pas un cadre d’analyse des situations empiriques d’enseignement, produisant plutôt des textes à des buts réflexifs et d’orientation pour l’enseignement. Nous nous sommes alors basés sur un cadre théorique-méthodologique qui dialoguait avec la Didactique dans le carrefour avec d’autres disciplines. En considérant l’agir du professeur ou, autrement dit, le travail enseignant comme unité centrale d’analyse, nous nous sommes ancrés dans les études vygotskyennes comme cadre majeur (Vygotski, 1997 ; Friedrich, 2012 ; Brossard, 2012), qui s’est déployé dans l’Interactionnisme Socio-Discursif (Bronckart, 2008) pour l’analyse des textes et dans deux des sciences du travail, à savoir l’Ergonomie de l’Activité des Professionnels de l’Education (Amigues, 2004 ; Saujat, 2004) et la Clinique de l’Activité (Clot, 2001) pour l’analyse des questions du métier. Afin de comprendre qu’elles étaient les représentations des professeurs face à leur travail avec les contenus culturels, nous avons procédé à une méthode indirecte d’observation, c’est-à-dire que, au lieu, d’aller observer et analyser les cours, nous avons employé une méthode de co-analyse du travail, entre enseignant et chercheur : l’auto-confrontation. Le cadre méthodologique de l’autoconfrontation s’organise donc face à une demande dans un milieu de travail. Notre contexte de recherche est celui d’un cours offert sous la modalité de cours d’extension à la communauté interne et externe à l’université (Lousada, Silva, Menezes, 2014). Les enseignants sont des étudiants de troisième cycle, jeunes diplômés, qui cherchent une formation pratique à l’enseignement et ils sont rémunérés par une bourse. Fréquemment ils n’ont aucune expérience et cherchent à intégrer ce groupe de travail, connaissant le dispositif de formation interne (des réunions pédagogiques, des tutorats, des ateliers de formation) justement pour apprendre le métier (Lousada, 2011), ce qui donne une caractéristique très particulière, sur laquelle nous y reviendrons plus tard. Ce groupe est assez rotatif puisque, une fois qu’ils rompent leur rapport d’étudiant avec l’université, c’est-à-dire, après leur soutenance, ils ne peuvent plus y travailler. En tant que jeunes apprentis de la profession, ces enseignants se trouvent souvent face à des dilemmes, à des conflits, soit dans la préparation, soit pendant ou après leurs cours. Un exemple d’une de ces situations a été la difficulté de travailler des contenus culturels en classe de langue. Ce besoin a rencontré l’intérêt de recherche d’une des enseignantes qui intégrait ce contexte et qui était étudiante en master. Ainsi, deux enseignants se sont présentés volontairement pour se faire filmer et discuter de leurs façons de travailler les contenus culturels. Ils ont eu une de leurs séances filmées, ensuite ils se sont confrontés à leur activité lors d’un entretien d’auto-confrontation simple, en regardant chacun son filmage et en le commentant avec la chercheuse. Par la suite, ils ont fait un entretien en auto-confrontation croisée, en regardant des extraits de leurs cours dans la présence de la chercheur et de son collègue, et bien qu’une question précise les ait préoccupés au départ, plusieurs autres sujets les ont interpellés lors du visionnage des séquences et de l’entretien : la façon de commencer le cours, la façon de réaliser la correction en classe, la posture du professeur face aux élèves, le rythme du cours, les liens entre les cours, la façon d’expliquer la consigne de l’activité etc. Les extraits des entretiens qui faisaient écho aux difficultés et demandes des autres enseignants du groupe ont été apportés aux réunions de formations, dans un mouvement de retour au collectif. C’est justement dans ces séances appelés « retours au collectif » (Faïta, Clot et al, 2001), les dilemmes ressortis lors des entretiens rétro-alimentent le collectif de départ, qui valident ou non les discussions faites, fournissant ainsi des ressources pour augmenter leur pouvoir d’agir (Clot, 2001) face aux situations de travail. Les entretiens réalisés ont été analysés selon le matériel verbal et interprétés à l’égard des concepts des sciences du travail, tels que travail prescrit, travail réalisé et réel de l’activité. En ce qui concerne l’analyse du matériel verbal, nous employons le modèle d’analyse socio-interactionniste (Bronckart, 1999, 2006, 2008), qui a développé un modèle d’analyse des textes en trois couches. Le premier niveau d’analyse est le contexte de production du texte, qui fournit des éléments pour mieux comprendre les rôles sociaux du producteur, du destinataire, ainsi que le but du texte. Au deuxième niveau se trouvent l’infrastructure globale du texte (son contenu et organisation discursive), les mécanismes de textualisation (la connexion et cohésion nominale). Finalement, les mécanismes de prise en charge énonciative (foyer énonciatif, voix et attributions modales). Dans cet article nous avons donc présenté les questions de départ et l’objectif qui ont déclenché la recherche, le cadre théorique qui la sous-tend, ainsi que le cadre méthodologique, le modèle d’analyse et d’interprétation des données produites. Mots-clés : contenus culturels ; travail enseignant ; interactionnisme sociodiscursif. Références Bibliographiques AMIGUES, R (2004). Trabalho do professor e trabalho de ensino. In: MACHADO, Anna Rachel. (org.) O ensino como trabalho: uma abordagem discursiva. Londrina: Eduel. BYRAM, M. (2011) La compétence interculturelle. In : BLANCHET, P. ; CHARDENET, P. (dir.) Guide pour la recherche en didactique des langues et des cultures. AUF. BRONCKART, J-P. (1999) Atividade de linguagem, textos e discursos: por um interacionismo sociodiscursivo. São Paulo: Educ. BRONCKART, J.P. (2006). Atividade de linguagem, discurso e desenvolvimento humano. 1ª ed. Trad. Anna Rachel Machado. Campinas, Mercado de Letras. BRONCKART, J.P. (2008) O agir nos discursos : das concepções teóricas às concepções dos trabalhadores. 1ª ed. Trad. Anna Rachel Machado; Maria Lucia Meirelles Matêncio. Campi- 91 nas, Mercado de letras, 2008. BROSSARD, M. (2012) Le développement comme transformation par appropriation des oeuvres de la culture. In : CLOT, Y. (dir) Vygotski Maintenant. La Dispute. CLOT, FAÏTA et al. (2001) Entretiens en auto-confrontation croisée: une méthode en clinique de l’activité. In : CLOT, Y (dir.) Clinique de l’activité et pouvoir d’agir, Paris, n. 146, p. 17–25. CLOT, Y. (2001) Editorial. In : Clinique de l’activité et pouvoir d’agir, Paris, n. 146, p. 7-16. FRIEDRICH, J. (2012) Lev Vigotski - Mediação, Aprendizagem e Desenvolvimento. Uma leitura filosófica e epistemológica. Campinas: Mercado de Letras. LOUSADA, E. G. Aprendendo o “métier” de professor: uma análise de textos produzidos em situação de formação inicial de professores de francês. In: Paula Tatianne Carréra Szundy; Júlio César Araújo; Christine Siqueira Nicolaides; Kleber Aparecido da Silva. (Org.). Linguística Aplicada e Sociedade: Ensino e Aprendizagem de Línguas no Contexto Brasileiro. 1 ed. Campinas: Pontes Editora, 2011, v. 1, p. 111-134. LOUSADA, E.; SILVA, E.; MENEZES, M. (2014) Méthodes d’intervention, coanalyse et formation au travail enseignant à l’Université de São Paulo Le français à l’université , 19-02 | 2014 . Mise en ligne le: 05 juin 2014, consulté le: 31 août 2014. SAUJAT, F. (2004) Comment les enseignants débutants entrent dans le métier. Formation et pratiques d’enseignement en questions, 1-2004, p. 97-106._____. O agir nos discursos: das concepções teóricas às concepções dos trabalhadores. Campinas: Mercado de Letras. VYGOTSKI, L. S. (1997) Pensée et langage (Réédition de la traduction française revue et modifiée de Françoise Sève, présentation de Lucien Sève et avantpropos d’Yves Clot). Paris : Éditions La Dispute, 540 p. C.V. Emily Caroline da Silva est étudiante en master-recherche à l’Université de São Paulo et travaille avec l’enseignement-apprentissage des langues étrangères, notamment le français et le portugais. En 2010-2011, elle a été professeureassistante de langue portugaise dans un collège et un lycée en France et, en 2012, de langue française à l’Université de Guelph, au Canada. De 2010 à 2013 elle a exercé en tant qu’enseignante de FLE dans les cours extra-universitaires de l’Université de São Paulo, au Brésil, où elle a aussi travaillé avec la formation continue des enseignants. Écrivons un conte! MATAMOROS RAMÍREZ Paula - Professeure à l’Universidad Nacional, Heredia-Costa Rica [email protected] Cette recherche-action vise à décrire une expérience pédagogique innovatrice en ce qui concerne l´enseignement et l´apprentissage du français comme langue étrangère, sous une vision actionnelle mettant en pratique la pédagogie par projets. Ces dernières années, la pédagogie du projet refonte les pratiques éducatives et met en question le vrai but de l´éducation. C´est dans le cadre d´envisager les besoins des élèves, que les enseignants sont censés remplir les vides des méthodologies dépassées ; insuffisantes pour préparer les individus à répondre à leurs inquiétudes sur le monde, la vie et le respect d´autrui. La « perspective actionnelle » mentionnée dans le Cadre Européen de Référence pour les Langues (2005), fixe clairement à l’enseignement-apprentissage des langues un nouvel objectif social de référence, à savoir la formation de l´élève en tant qu’un « acteur social ». Cette émergence du concept d’acteur social et sa prise en compte aussi bien en classe qu’en société est une conséquence directe de l’évolution des enjeux économiques, sociaux et politiques du monde actuel. Il ne s’agit plus, comme au début des années 70, de former des apprenants capables de prendre contact et de communiquer avec des étrangers de passage. Il s’agit désormais de former les citoyens de sociétés multilingues et multiculturelles capables de cohabiter harmonieusement, ainsi que des étudiants et des professionnels capables de travailler avec d’autres maîtrisant une langue et culture étrangère. En réalité, l´idée du projet n´est pas nouvelle. Les pratiques relevant de la pédagogie du projet ont été ignorées par les pédagogues mais elles réapparaissent et se revalorisent un demi-siècle après. Cet intérêt pour le projet est venu en réponse au problème de démotivation des élèves et à la nécessité de les rendre acteurs-acteurs de leurs apprentissages. Une éducation réussie est celle qui prépare les individus à une vie en société, en tolérance et en solidarité, où ils se reconnaissent dans leurs capacités individuelles pour grandir et s´épanouir en améliorant ensemble leur qualité de vie. Ce travail est inspiré sous la modalité de recherche-action portant sur la didactique de l´expression écrite, où les élèves ont participé à la rédaction d´un conte sous le modèle d´un projet. Le projet s’insère dans le cursus appartenant à la deuxième année de formation en langue française et à la formation en enseignement du français langue étrangère. Pendant le cours d´Expression et Compréhension Écrite I, les élèves ont dû rédiger un conte de leur propre inspiration et lequel a été évalué autant de façon formative que sommative à la fin du semestre. 92 On remarque que cette expérience a été innovatrice, aussi bien pour l´enseignante que pour les élèves vu que la pédagogie par projets n´est pas pratiquée à l´Universidad Nacional au département de français, et évidemment les élèves ne sont pas habitués au travail collaboratif. Selon la perspective actionnelle, les tâches préparent les individus à utiliser la langue en intégrant tous les savoir-faire dans des situations comme c’est bien du vrai, dans la vie réelle. Mais au-delà de récréer des situations de la vie réelle en classe de langue, les tâches invitent aux apprenants à faire partie d´une communauté, à tolérer autrui, à respecter, à se responsabiliser, à devenir un acteur social à part entière. Voici l´importance d´un projet de classe, préparer les apprenants à une vie communautaire, le but ultime de tous les systèmes éducatifs, préparer les êtres humains à la vie en société. Processus et objectifs de la démarche de la pédagogie du projet Dès le milieu du XXe siècle, les membres du courant dit de l’Éducation nouvelle vont expérimenter et théoriser des pratiques relevant de la pédagogie de projet. Selon de nombreux didacticiens, la pédagogie de projet constitue une avancée décisive dans l'organisation pédagogique, à condition de respecter les exigences méthodologiques indispensables à son efficacité et d’articuler le projet avec de véritables objectifs d’apprentissage. « La pédagogie du projet part du principe suivant : c´est en agissant que l´élève se construit. Elle s´oppose au monde du strict enseignement qui propose des contenus dont les élèves perçoivent mal la signification et l´utilité immédiate. Ces contenus à apprendre ne sont plus atomisés, hiérarchisés, mais reliés entre eux par le problème à résoudre » (Bordalo & Ginestet, 1993 : p7) Il s’agit alors d’une forme de pédagogie dans laquelle l'apprenant est associé de manière contractuelle à l’élaboration de ses savoirs. Le moyen d'action de cette pédagogie est fondé sur la motivation des élèves, suscitée par l’aboutissement à une réalisation concrète, en tenant compte des objectifs, de la programmation et des imprévus. Elle induit un ensemble de tâches dans lesquelles tous les élèves peuvent s’impliquer et jouer un rôle actif, variable en fonction de chacun de moyens et intérêts. « Communication et apprentissage passent par la réalisation de tâches qui ne sont pas uniquement langagières même si elles impliquent des activités langagières et sollicitent la compétence à communiquer du sujet. Dans la mesure où ces tâches ne sont ni routinières ni automatisées, elles requièrent le recours à des stratégies de la part de l´acteur qui communique et apprend. Dans la mesure où leur accomplissement passe par des activités langagières, elles comportent le traitement (par la réception, la production, l´interaction, la médiation) de textes oraux ou écrits » (Division des Politiques Linguistiques, CECR 2005 : p.19) La mise en oeuvre d’un projet permet d’atteindre des objectifs d’apprentissage identifiables, figurant au programme d’une ou plusieurs disciplines, de développer des savoirs, savoir-faire et savoir-être liés à la gestion de projet ainsi que la socialisation des apprenants. Il s´agit d´une pédagogie de l´élaboration des savoirs : lors de la démarche de projet, l´élève est placé en situation de résolution de problèmes, en situation de recherche-action. Il participe ainsi au processus d´apprentissage et peut s´approprier des savoirs plutôt que les subir. La réalisation d´un produit socialisé sera vécue par les formés comme un véritable défi qui incitera chacun à mobiliser toute son énergie et toutes ses compétences. Le projet est une entreprise qui permet à un collectif d´élèves de réaliser une production concrète socialisable, en intégrant des savoirs nouveaux. Le moyen d´action de cette pédagogie est fondé sur la motivation des élèves, suscité par l´aboutissement à une réalisation concrète, traduite en objectifs et en programmation. Pour qu´il y ait réellement projet et donc motivation, il est essentiel que les élèves se sentent concernés et impliqués dans la réalisation des tâches et puissent ainsi jouer un rôle actif, qui peut varier en fonction de leurs moyens et intérêts. Cette démarche amène l´apprenant à se poser des questions et à trouver des réponses à toutes les étapes du projet qui s´articule autour d´une intention que l´on propose de réaliser dans un cadre institutionnel. El projet s´étale sur une durée variable, il incite l´apprenant à faire des recherches personnelles (documentation, interviews, contacts…), à travailler en groupe, à apprendre à communiquer effectivement, à se développer sur le plan social et affectif et à résoudre un problème dans son contexte social réel. Ainsi, l´apprenant est dans un processus lui permettant d´apprendre à apprendre. Un écrit de Phillipe Perrenoud (1999) faisant référence à plusieurs ouvrages concernant la pédagogie du projet, nous donne une liste de dix objectifs pouvant être visés par une telle démarche. 1. Entraîner la mobilisation des savoirs et savoir-faire acquis, construire des compétences. 2. Donner à voir des pratiques sociales qui accroissent le sens des savoirs et des apprentissages scolaires. 3. Découvrir de nouveaux savoirs, de nouveaux mondes, dans une perspective de sensibilisation ou de «motivation». 4. Placer devant les obstacles qui ne peuvent être surmontés qu´au prix de nouveaux apprentissages, à mener hors du projet. 5. Provoquer de nouveaux apprentissages dans le cadre du même projet. 6. Permettre d´identifier des acquis et des manques dans une perspective d´autoévaluation et d´évaluation bilan. 7. Développer la coopération et l´intelligence collective. 8. Aider chaque élève à prendre confiance en soi, renforcer l´identité personnelle et collective à travers une forme de prise pouvoir de l´acteur. 9. Développer l´autonomie et la capacité de faire de choix et de les négocier. 10. Former à la conception et à la conduite de projets. Il est évident qu´un enseignant qui travaille sur un projet ne vise pas l´ensemble de ces objectifs en même temps, mais cette liste semble pertinente pour mettre en valeur la richesse d´une telle démarche de travail. Ainsi la pédagogie du projet dépasse toutes les méthodes actives : il ne s´agit plus seulement de faire pour apprendre, mais les actions sont réfléchies, coordonnées, structurées dans un but précis. Ce résultat permettra de confronter l´accompli et l´escompté. L´apprentissage par projets vise donc à appliquer les habiletés acquises, à mettre l´accent sur les compétences, à susciter la motivation intrinsèque et à favoriser une meilleure gestion des apprentissages par l´élève. À l´intérieur d´un projet et par l´utilisation de différentes stratégies d´apprentissage, l´élève est donc amené à développer ses compétences sociales, académiques, intellectuelles et méthodologiques. Didactique de l´expression écrite. On écrit pour communiquer et la langue écrite est un vecteur de communication, l'approche communicative s´intéressait déjà dans l'expression écrite dans les activités de correspondance de classes. Pour l’approche communicative et actionnelle le premier enjeu de la maîtrise d'une langue est ce besoin de communiquer nos souhaits, rêves, notre monde intime intérieur est seulement possible à travers l´écriture. On a proposé aux élèves de travailler dans une situation de production textuelle particulière : l'écriture d'un conte dans une logique d'intégration de l'apprentissage de la langue. On aurait pu leur demander d´écrire un journal, mais les représentations dans la culture costaricienne empêchent les étudiants à s´ouvrir à une telle sorte d´activité et finissent par inventer des histoires à double propos : éviter d´écrire sur eux-mêmes et accomplir avec un travail obligatoire du cours. « Les représentations sont à la fois le produit et le processus d´une activité mentale, par laquelle un individu (ou un groupe) reconstitue le réel auquel il est confronté et lui attribue une signification spécifique. » (Huber, 1999 : p32). C´est pour cela qu´il m´a semblé en tout cas plus facile d´inviter les apprenants à produire un texte imaginaire en utilisant les connaissances acquises et de prévoir une progression vers un niveau proche du A2+. Il faut retenir que l'activité d'écriture s'inscrit dans une globalité qui rend son apprentissage et sa maîtrise nécessaire aux yeux de l'apprenant. Les étudiants doivent être témoins de leur propre progression dans les domaines syntaxiques et grammaticaux, autrement ils sont déçus et ne trouvent pas de sens à faire des efforts pour améliorer leur niveau de langue, l´idée d´un conte en équipes de deux ou trois étudiants, m´a paru réaliste et réalisable. D´une part dans le processus de concrétisation du projet on pouvait témoigner d’une progression et d´autre part je voulais consacrer une partie de mon cours à un atelier d´écriture créative. Selon S. BARA (2011), les ateliers d´écriture sont nés aux États-Unis avec le but de former des écrivains et leur donner des outils techniques : comment organiser le texte, quel style adopter, etc. Du point de vue méthodologique, l´atelier d´écriture a pour vertu de déplacer l´objet d´apprentissage, on écrit pour le plaisir et pas pour être noté. On donne de déclencheurs, de modèles à imiter, reproduire ou à modifier. L´atelier doit devenir un lieu d´inspiration et d´ouverture pour l´apprenant. La mise en place du projet nous a donné deux volets de travail : le projet du conte et l´atelier d´écriture créative. Cette mise en projet nécessite parfois de bousculer les pratiques 93 traditionnelles de la classe : sortie des élèves, interdisciplinarité, collaboration et partage de compétences, etc. et surtout que l’apprenant trouve impérativement du sens à ce qu'il fait pour pouvoir apprendre. En résumé, les activités d'écriture devraient s'articuler en trois phases. Le tableau ci-dessous, proposé par Rouiller (1991), résume les principales dimensions de chacune d'elles. se sont montrés dubitatifs à prendre le défi et d´une certaine manière ils avaient raison, c´est grâce à quelques-uns qui ont eu l´autodétermination, que et le projet a pu démarrer. Une fois qu´ils ont appréhendé l´esprit du projet, ils ont eu confiance et ont continué par eux-mêmes. Types d'activités proposées en matière d'expression écrite. Lors d´une expérience vicariante avec les camarades de l´autre groupe d´expression écrite, on a eu la source de la motivation extrinsèque. Avant Pendant Après Impliquer les élèves dans une véritable situation de communication. Utiliser les ressources à disposition (dictionnaires, grilles de relecture ou les personnes - maître, élève) Utiliser des grilles d'auto-correction ciblées sur quelques critères. Discuter les objectifs, négocier et écrire les consignes. Élaborer les outils nécessaires (pense-bête) et échanger avec d'autres des idées. Imprégnation préalable à partir de lecture de textes existants ou de recherche de vocabulaire. Donner à l'élève une méthode de travail et un mode d'action. Procéder par petite étape (canevas, composer l'introduction, développer petit à petit le texte). Pratiquer l'évaluation mutuelle et l'autoévaluation. Amener l'élève à parler de son texte et de comment il s'y est pris pour le réaliser. Faire travailler un texte à deux Différencier les types de et solliciter les échanges ou remarques et de corrections. faire jouer aux élèves deux rôles différents (l'écrivant et le contrôleur). Mettre en valeur le texte (selon le projet d'écriture défini au départ). Maintenir une grande disponibilité surtout pour les élèves en difficulté. Aider les élèves qui sont bloqués. Susciter et maintenir la motivation La motivation est un facteur crucial dans l’explication des performances scolaires et aussi dans le processus de décrochage. Celle-ci correspond aux raisons qui stimulent le désir d'apprendre. Pour les chercheurs motiver, « c'est maintenir l'apprenant attentif et actif, susciter sa coopération et sa participation. D´autres signalent que le véritable moteur de la motivation des élèves réside dans l´estime de soi que donnent l´apprentissage maîtrisé et l´exercice réussi. » (FOULIN & TOCZEK, 2006 :p.90) Ce concept de la motivation correspond aux forces (internes ou externes) produisant : • Le déclenchement de l´action. • L´orientation de l´action vers le but. • L´intensité de cette action, intensité observable généralement sur le comportement. • La persistance caractérisant la poursuite de l´engagement dans l´action au cours du temps. La motivation, c´est un engagement plus une action qui perdure à travers le temps. La motivation en contexte scolaire est un état dynamique qui a ses origines dans les perceptions qu’un élève a de lui-même (estime de soi), et de son environnement et qui l’incite à choisir une activité, à s’y engager et à persévérer dans son accomplissement afin d’atteindre un but. Les sources de la motivation sont intrinsèques et extrinsèques La motivation intrinsèque est liée à la réalisation de la tâche elle-même, implique le plaisir, le contentement, et la satisfaction. La motivation extrinsèque est extérieure à la satisfaction que peut apporter la réalisation de la tâche elle-même. En faisant le lien entre la théorie et l´expérience vécue en classe, la source de la motivation intrinsèque chez les étudiants a été le fait de démontrer qu´ils étaient capables de rédiger en français plus qu´une carte postale ou un courriel électronique. Le jour du lancement du projet, ils ont dit qu´ils ne pourraient pas parvenir à accomplir une telle sorte de projet. Ils 94 Les compétences mises en place. Avant de commenter les compétences mises en place lors du projet, il semble d’abord pertinent de préciser la notion du terme : « Une compétence peut être définie comme un ensemble de capacités, connaissances et savoir-faire, organisés en vue d´accomplir de façon adaptée une tâche ou un ensemble de tâches satisfaisant à des exigences sociales précises, notamment scolaires. Les compétences se définissent par rapport aux tâches qu´elles permettent d´accomplir. Ces tâches sont de nature sociale, par exemple circuler en automobile en respectant le code de la route, écrire une lettre selon les usages et les normes en vigueur. Et elles comprennent notamment les tâches scolaires, par exemple rédiger un récit à schéma narratif simple en séparant état initial, transformation, état final, en utilisant l´alternance passé simple/imparfait. Les compétences se manifestent par des comportements observables. Elles sont évaluables par un ensemble de performances accomplies par le sujet. Comme telles, elles constituent des objectifs de formation. » (BORDALO & GINESTET, 1993: p 86) D´après cette définition, l´éventail de compétences que les étudiants ont mis en place pour mener le projet seraient : • Trier, classer des informations pour un conte. • Proposer une solution pour un problème donné. • Organiser des idées, des connaissances en fonction d´un objectif précis. • Planifier, programmer la réalisation d´une tâche. • Vérifier la vraisemblance d´un résultat, la cohérence d´une démarche, d´un raisonnement. • Vérifier le respect de normes, des consignes. • Proposer des modifications à apporter à une réalisation, à une démarche. • Analyser un échec, en comprendre les causes, mettre en oeuvre des procédures de ré-médiation. • Constituer un dossier sur un sujet donné. • Écrire un conte. Produit final Le fruit des efforts des apprenants a vu le jour pendant la semaine d´évaluations, étant donné que le délai dans l´échéancier de travail n´a pas été suffisant. Au même temps, ils ont rendu un portfolio par équipe comportant toutes les activités d´étayage réalisées en classe et les remises du conte. On a prévu ceci avec l´intention qu´ils se rendent de compte de tout le travail qu´il faut faire en amont afin d´ancrer les apprentissages, mais surtout de mettre en évidence l´échelle de progrès qu´ils avaient subi en tant qu´acteurs-acteurs de leurs propres apprentissages. C´est important de mentionner que les étudiants étaient surpris de la quantité d´activités qu´ils avaient accompli et comment avaient dépassé même leurs propres expectatives. On peut constater que les contes ne s´agissent pas d´oeuvres littéraires, cependant tout au long du parcours les apprenants ont surmonté d´autres sortes de faiblesses au domaine linguistique, para rapport à la confiance en soi-même et le plus important ; découvrir qu´ils étaient capables d´écrire plus d´une dizaine de lignes en français. Quelques atouts qu´on peut citer du projet final seraient le fait d´avoir cherché et utilisé du nouveau vocabulaire, ils ont travaillé la grammaire, les phrases imagées, le discours rapporté et finalement, ils ont dû envisager le problème de se mettre à penser en français dans une tâche de production écrite à plusieurs. Le travail cognitif d´organiser les savoirs, les répertorier, les adapter et les réutiliser, me semble la cible de toute activité d´apprentissage, indiscutablement ; le but du projet. Objectivation L´évaluation de l´ensemble du projet a été conçue sous une forme de triangulation en obéissant les caractéristiques de la recherche-action, les sources des données analysées sont les sujets d´étude : les apprenants, l´enseignante et la démarche de la pédagogie du projet. Pour l´analyse des données fournies par l´enseignante et les étudiants ont a utilisé l´observation, les notes du carnet de bord et les cahiers des charges des équipes de travail. Concernant la pédagogie du projet, on a pris comme point de départ une liste de dix objectifs pouvant être visés par cette démarche. Cette liste, conçue selon les critères de Philipe Perrenoud (1999), fait aussi référence à plusieurs ouvrages concernant la pédagogie du projet. 95 Le projet permet aussi, de donner un sens aux apprentissages ; en conséquence, cela va de pair avec la motivation des élèves. En effet, le manque de motivation de certains élèves est le premier obstacle à tout apprentissage et aux objectifs de formation que l´on se fixe. Dansl´apprentissage des langues étrangères, il ne faut pas seulement s´arrêter au système de la langue mais on doit travailler les mises en situation afin de donner du sens. Lors d´une deuxième expérience avec l´approche actionnelle, je suis sûre que la gestion du temps et l´étayage seront plus évidents, surtout au niveau de la didactique de l´expression écrite. En ayant eu l´expérience de la pédagogie du projet, j´estime que celle-ci développe chez l´apprenant une analyse réflexive, transforme son rapport au savoir permettant d´entrer davantage dans l´apprentissage et progresser. En guise de conclusion, la pédagogie du projet est une démarche qui permet aux étudiants d´agir dans un environnement si réel que possible, en utilisant la langue cible et en plus elle révèle les vraies potentialités des élèves, leurs rendant uniques et irremplaçables. Bibliographie BACCUS, N. (2003). Orthographe Francaise. E.J.L. Éditons Librio. BASCO, L., & COTE, F. (2010). Accompagner l´étudiant: De la connaissance de soi à la construction de la personne. Lyon: Chroniquesociale. BORDALO, I., & GINESTET, J. P. (1993). Pour une pédagogie du projet. Paris: Hachette. DIVISION DES POLITIQUES LINGUISTIQUES. (2005). Un Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues: Apprendre, Enseigner, Évaluer. Paris: Éditions Didier. FOULIN, J.-N., & TOCZEK, M.-C. (2006). Psychologie de l´enseignement. Paris: Armand Colin. HUBERT, M. (1999). Apprendre en projets: la pédagogie du projet-élèves. Lyon: chronique sociale. MÉRIEUX, R., & LOISEAU, Y. (2008). Méthode de francais: Latitudes 1 A1/A2. 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Élève qui est alors au centre de sa formation, il en est acteur principal, disposant de ressources documentaires et de l´enseignant, dont sa fonction principale est dynamiser et guider les élèves au cours de la réalisation des différentes tâches. 96 Documents en ligne •POTEAUX, Nicole. La pédagogie de projet. Juin 2001. •PERRENOUD, Philippe. Apprendre à l'école à travers des projets : pourquoi ? comment ? Genève : Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation / Université de Genève, 1999. •http://expositions.bnf.fr/contes/pedago/atelier/index.htm, atelier d´écriture. Récupéré le 12 novembre 2011. •http://www.sculfort.fr/articles/ecrire/ecrireconte.html. Site de Madame Sculfort. Atelier d´écriture. Récupéré le 12 novembre 2011. •http://croquebouquins.e-monsite.com/pages/comment-ecrire-et-evaluer-des-contes.html Récupéré le 12 novembre 2011. •http://papy43-documentation.blogspot.com/2007/11/le-conte_13.html Récupéré le 12 novembre 2011. Sémiotique et publicité en classe de FLE ORTIZ CABEZAS, Marcela - Professeur FLE, MEP - Costa Rica [email protected] Cette communication est le résultat d’une étude autour de l´analyse de la publicité en classe de FLE laquelle a été mise en pratique dans deux contextes différents : le Lycée Carrillos de Poas et le Lycée de Poas, dans la province d´Alajuela, au Costa Rica. L´étude s´est déroulée durant les années 2010, 2011 et 2012, avec des groupes d'environ 15 sujets chaque année. Adressé aux élèves ayant acquis le niveau A1 du Cadre Commun Européen de Référence pour les Langues, cette étude prétend présenter une nouvelle approche pédagogique pour l´abordage de la publicité, du point de vue sémiologique. Il propose un entrainement à l’analyse du discours et une réflexion sur son importance. L´intention c´est d´éveiller chez l´apprenant l´esprit critique, orientée vers l´apprentissage de la prise raisonnée des décisions, à travers l´analyse du discours publicitaire : nous ne pouvons pas éviter qu´ils deviennent des consommateurs, alors, qu´ils soient des consommateurs intelligents… D´une façon collatéral, cette approche vise l´ouverture de l´esprit vers l´importance de la reconnaissance des différences culturelles et des moeurs qui sont prises en compte par les publicitaires dans l´intention de nous séduire. D’après les apports d’Ivranova-Glédel, de Charaudeau, de Barthes, et à partir du concept d’iconotexte de Lugrin, un dispositif est proposé -dont trois étapes sont prévues en utilisant un ensemble de sept fiches pédagogiques- dans une formulation visant son application intégrée dans les cours de langue dispensés pour la dixième année du lycée. La proposition a été formulée à partir de la synthèse des études diagnostiques menées sur • L´analyse des contenus du programme d’études • L´analyse des commentaires des enseignants consultés • La synthèse des théories consultées sur la communication, le langage et la publicité • La séquence d’analyse iconotextuelle proposée Le dispositif comme tel, est composé de 7 fiches pédagogiques dont trois étapes peuvent être reconnues : a) sensibilisation (réflexion sur la publicité : influence et signification) b) analyse de l´iconotexte (analyse de l´iconotexte) c) production « Lecture» de la publicité L´importance de lire ou d´interpréter la publicité est multiple, car cette compréhension nous permet d´accéder aux messages implicites ainsi qu´aux aspects culturels qui sont introduits par les publicitaires. C´est une façon d´approcher la culture et la civilisation d´un peuple, en découvrant l´intertextualité. Quand on « lit » une image publicitaire, puisqu´elle est chargée d´un message de contenu économique, il est important d´envisager l´analyse sur deux axes : celui du vocabulaire et de la linguistique ; et celui de la sémantique de l´image, qui nous permettra d´associer langage visuel-langue-culture, pour une interprétation plus approfondie. Nous avons travaillé avec certains images qui nous ont permis de bien saisir l´importance des préconstruits culturels (PCC) dans la publicité, par exemple, L´Hommage à Van Gogh, du Petit Beurre de LU. Mots clés : enseignement du FLE, sémiotique, publicité, analyse du discours, iconotexte Introduction L´analyse de la publicité en classe de FLE c´est un sujet toujours présent dans les programmes d´études de langue Française. Cependant, il nous a paru que l´approche mené, en général, est un peu flou et superficiel. Nous avons pensé donc, à faire une analyse plus profonde, qui nous permette d´aller plus loin par rapport à l´analyse de l´iconotexte proprement dit, mais aussi, de la pensée critique des étudiants. Comme résultat de cette étude, nous avons obtenu un dispositif méthodologique innovateur pour l´approche de l´analyse de la publicité en classe de FLE. L´objectif du dispositif est d´établir les aspects linguistiques –sémiotiques et du discours- à repérer et à analyser lors de l’étude du discours publicitaire dans les iconotextes imprimés. Notre motivation a été fondée sur le Programme d´études du Ministère de l´Éducation Publique Costaricien, car il était un peu ambigu. Alors il nous a paru important d´entamer une analyse du discours publicitaire plus systématisé et mieux exploité. Pour arriver à comprendre la relation entre Vincent Van Gogh et le Petit Beurre au coin craqué, il faut savoir que le peintre hollandais, dans une crise de folie s´est coupé l´oreille, puis, qu´il a peint l’autoportrait à l’oreille coupée (1889), et encore, il faut savoir que les quatre coins de ce biscuit sont connus par les enfants, en France, comme les « oreilles ». Proposition du dispositif Le dispositif proprement dit consiste à une séquence d’activités pour l’analyse iconotextuelle, conformant un ensemble de séances. Cet ensemble de séances possède des objectifs, des activités de médiation et des activités d’évaluation qui lui sont propres en dépendant les unes des autres. L’ensemble est conçu en séances séquentielles organisées autour de trois étapes : • Sensibilisation • Analyse des iconotextes 97 •Production La sensibilisation est une étape où les apprenants prendront conscience de l´influence de la publicité dans leurs vies. Dans l´analyse des iconotextes, nous pouvons distinguer trois moments aussi séquentiels. Un premier moment proposera une analyse décortiquée de l’image car c´est la partie la plus attirante d´un iconotexte et c´est pour cela que nous avons choisi de faire son analyse en premier. Pour cela faire, nous présentons des images sans texte. Les apprenants les ont décrites quant aux couleurs, composition, objets utilisés, etc. Puis, nous leurs avons demandé d´émettre des hypothèses au sujet du produit, marque, etc. Un deuxième moment sera constitué par l´analyse des signes linguistiques apparaissant sur les textes publicitaires. Nous avons pris le schéma de Mme Helena Ivranova-Glédel qui en propose la décomposition en: • Signes linguistiques: le slogan, le pavé rédactionnel, le nom de la marque • Signes iconiques: le pack shot et le visuel • Signes plastiques: la typographie, la forme, la couleur, la texture, le plan, la composition Dans une autre séance, nous avons mis en relief les aspects linguistiques les plus utilisés dans le discours publicitaire : la définition, l’impératif, l’énumération, la rime, la rhétorique, les jeux de mots, les termes scientifiques furetés. Un troisième moment abordera l´analyse communicative traditionnelle, inspirée sur le modèle de Jakobson. Finalement viendra la production, conçue comme le moment où les apprenants vont réinvestir tous les acquis, dans une application pratique, sous la consigne de produire un iconotexte. Le travail se déroulera sous les conditions suivantes : Il doit y avoir au moins une image Il doit y avoir une marque Il doit y avoir un slogan Il doit y avoir un petit pavé rédactionnel Le concept d’iconotexte En ce qui concerne l´analyse de l´iconotexte, nous séparons d´abord l´image du textuel. Les apprenants émettent des hypothèses par rapport au produit et/ou message de la publicité en question. Une fois noté leurs appréciations, nous leurs avons montré les iconotextes dans sa totalité, (image et texte). Ils ont pu constater si leurs hypothèses étaient correctes ou pas. Mais ce qui est plus important, ils ont pu constater que les images, divorcées du texte, n´ont pas toujours le même sens. Ils ont donc, compris le concept de l´iconotexte : Car l´iconotexte est « un objet discursif pluri-sémiotique qui désigne un message mixte, un ensemble formant une unité signifiante à part entière, dans laquelle le linguistique et l´iconique se donnent comme une totalité insécable, mais dans laquelle ils conservent chacun leur spécificité propre. » (Lugrin 2006) Production iconotextuelle des apprenants Cette étape finale aboutit à un produit concret, permettant d’évaluer l’application. Nous présentons un des produits finaux, réalisé par l´étudiant Marco Porras du Lycée Carrillos de Poas, au 2010. Les produits de cette étape ont été analysés pour vérifier l´assimilation du processus et l´application des savoirs à la construction de l´iconotexte. 98 Références bibliographiques Amar ,Jennifer. 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DÉNOTATION ET CONNOTATION http://profjourde.wordpress.com/category/diaporama_powerpoint/page/2/ Site compagnon de Francois Jourde Diaporama du cours de F. Jourde, dans le cadre du BTS Communication des entreprises, F. Jourde, Lycée G. Berger, Lille, France. 2008 Albert Jacquard : « l’esprit critique est la force principale des peuples » http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article3367 Image : Hommage à Van Gogh http://issuu.com/marionlecoq3/docs/citation-personnages_personnalit_s?mode=window&pageNumber=4 h t t p : / / w w w. g o o g l e . c o m / i m g r e s ? q = r e l a t i o n + e n t r e + l % C 2 % B 4 o r e i l l e + coupe+de+van+gogh+et+le+petit+beurre+de+lu&hl=fr&biw=1140&bih=388&tbm=isch&tbnid=e x1BGqvOOqmqYM:&imgrefurl=http://www.lesartsdecoratifs.fr/archives/fr/03museepublicite/ex positions/artdanslapub/doc/lu100.html&docid=emg8aM4kykFDZM&imgurl=http://www.lesarts decoratifs.fr/archives/fr/03museepublicite/expositions/artdanslapub/graphics/lu/lu100.jpg&w= 750&h=533&ei=I_fyT43FIoKo8QT3hPTNCQ&zoom=1&iact=hc&vpx=102&vpy=117&dur=640 &hovh=189&hovw=266&tx=146&ty=184&sig=103436672445908790851&page=1&tbnh=162 &tbnw=194&start=0&ndsp=5&ved=1t:429,r:0,s:0,i:71 Magritte : Ceci n´est pas une pipe http://www.vulgart.be/?tag=surrealisme Publicité, société et culture, chapitre 4 (Krishna Julieta Samayoa Ramírez. CESEM-UDLA) http://catarina.udlap.mx/u_dl_a/tales/documentos/lni/samayoa_r_kj/capitulo4.pdf Cours de linguistique appliquée à la publicité n° 2-3 Elena Ivanova-Glédel http://leanantes.com/LICENCE3/Linguistique_Image.pdf http://www.les-infostrateges.com/article/000992/la-theorie-de-la-communication TravoDiam http://www.comanalysis.ch/ComAnalysis/Publication85.htm http://www.guiascostarica.com/provi/poas.htm http://historiacostarricense.blogspot.com/ (a revisar) http://www.drea.co.cr/direccion_regional/instituciones.php 99 SERIE PLUS FACILE!: UNE PROPOSITION POUR APPRENDRE LE FRANÇAIS AU COSTA RICA KANCELLARY, Catherine - Delage Maître de Conférences, Université Bordeaux-Montaigne, DEFLE; FRECCAP (Formation, Recherche Ecoute Corticale et Corporelle) France. NÚÑEZ QUESADA, María Gabriela - Ancien professeur FLE, Universidad Nacional de Costa Rica Présidente de l' ACOPROF Comité Organisateur des XVI SEDIFRALE VARGAS MURILLO, María Gabriela - Professeur FLE et coordinatrice du Programme Français et Education Universidad Nacional de Costa Rica Au Costa Rica existe une longue tradition de 150 ans d’enseignement de deux langues étrangères au niveau secondaire : l’anglais et le français. Bien que le français ne partage plus de statut égalitaire avec l’anglais, il demeure une matière obligatoire dans plusieurs modalités éducatives (Ministerio de Educación Pública (MEP), 2005) de telle sorte que plus de 200.000 adolescents costariciens l’étudient actuellement à raison de deux heures hebdomadaires. La dimension physique tient compte de la xénité géographique évidente : milieu non francophone (fortement orienté vers l’anglais), pas de contact hors classe avec la langue française. À cela s’ajoutent de nombreuses contraintes au sein des établissements publics. Les enseignants costariciens ont utilisé pendant des années les méthodes françaises dans leurs cours, mais un bon nombre a vérifié l’impossibilité d’obtenir les résultats escomptés. De plus, le coût extrêmement élevé des livres français a provoqué d’énormes difficultés pour leur utilisation dans l’enseignement public. Des caractéristiques propres au Costa Rica lient fortement la dimension linguistique à la source culturelle. Objet d’étude complexe et vivant, la langue se voit constamment transformée. Le français et l’espagnol vivent, au Costa Rica, une dichotomie parenté-xénité. Etant donné les nombreuses contraintes, il a fallu établir une voie alternative pour l’apprentissage du français langue étrangère (FLE). Celle-ci possède des limites bien circonscrites : elle est développée spécifiquement pour son application par un enseignant francophone non natif en milieu institutionnel spécifique d’un pays non francophone, mais veut adopter la proposition de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation et la culture (UNESCO) (2007) concernant l’éducation et la culture invitant à lutter pour “la mise en marche des politiques d’enseignement bilingue ou multilingue… en promouvant la diversité linguistique et culturelle”. Un projet en deux étapes La série PLUS FACILE est un projet en deux étapes. Dans la première, deux enseignantes costariciennes ont déjà présenté dans des instances internationales un « parcours pédagogique » composé de trois manuels renforçant l’identité culturelle des élèves et les accompagnant vers la culture cible en s’appuyant sur la leur. Dans la deuxième, une équipe franco costaricienne élabore à partir du premier manuel, le matériel pédagogique pour le travail des compétences orales, envisageant une démarche d’apprentissage renforcé en autonomie. L’atelier propose une place plus large à la deuxième étape en construction. Première étape: un parcours spécifique au Costa Rica pour l’apprentissage du FLE Deux types de fondements théoriques ont soutenu la première étape: d’une part, six dimensions interagissant entre elles et définissant le contexte du FLE au Costa Rica; d’autre part, des sources nourrissant les aspects clés pour l’organisation du dispositif. Ils offrent un panorama assez complet de la situation costaricienne et des éléments à considérer. Dimensions Les six dimensions1 sont des éléments conçus comme s’il s’agissait du « tableau » d’un peintre où le paysage est composé de différents éléments constituant un tout : les arbres, les montagnes, le ciel, la rivière… Dans la dimension politique économique, les besoins économiques déterminent les politiques éducatives et linguistiques au Costa Rica. L’anglais joue un rôle capital dans l’attraction des investissements étrangers, le français n’ayant presque aucune influence sur la vie quotidienne dans le pays. Dans une dimension éducative formative (Núñez y Vargas, 2005), les lois nationales prévoient deux aspects : la formation des apprenants (dans une perspective générale et un accès garanti à l’éducation publique) et la formation des enseignants (assurée par les universités, mais qui laisse cependant un important pourcentage de non diplômés pour diverses raisons, notamment dans le cas du français les connaissances de nombreux enseignants n’atteignent pas le niveau B1). La dimension sociale s’appuie sur les configurations de l’actualité costaricienne. Il y a une convergence entre l’entrée dans l’ère de la mondialisation (le français représente peu à l’heure actuelle), l’immigration (spécialement en provenance du Nicaragua et de la Colombie) et les besoins de mobilisation sociale (où l’anglais joue un rôle primordial). 100 Une dimension cognitive émotionnelle des apprenants et des enseignants va fortement influencer le processus. Sources Les sources sont de deux natures : d’une part, les éléments de la culture (d’après Kramsch (1995), la « représentation qu’un groupe social donne de lui-même et des autres au travers de ses productions matérielles ») ; d’autre part, l’inspiration dans les procédés généraux de la construction. Cet élément culturel vise alors deux directions : d’un côté, l’identité culturelle propre, en construction pendant toute la période scolaire -et elle-même multiple à l’intérieur-; d’un autre côté, l’identité culturelle cible, inconnue pour la plupart des apprenants et fortement représentée par l’action et la présence de l’enseignant. Les procédés de construction de la langue étrangère se sont inspirés des procédés de construction de bâtiments, où l’adaptation et la prise en compte du terrain sont des bases fondamentales. Dispositif Les auteurs envisagent un processus de construction chez l’élève, mais avec une forte présence médiatrice de l’enseignant au début du processus, pour aboutir peu à peu à l’autonomie. Cette médiation implique l’entrée en jeu d’un apprentissage conçu comme significatif pour l’élève, ancré dans son vécu et dans ses connaissances préalables, matérialisé dans un dispositif en trois livres, déjà utilisés par environ quarante mille élèves du secondaire au Costa Rica. Dans une deuxième étape, une équipe franco costaricienne propose deux CD pour le travail des compétences orales pour chaque niveau du « parcours ». Le CD 1 envisage la sensibilisation des apprenants aux sons du français et le travail des aspects de chaque leçon, leur révision et leur systématisation et le CD2 une démarche d’apprentissage renforcée en autonomie. 1Une dimension est conçue comme « grandeur qui mesure un corps » et comme « importance, valeur, aspect significatif d’une chose ». Deuxième étape: pour une démarche d’Apprentissage Renforcé en Autonomie (A.R.E.A.) avec PLUS FACILE volume 1. Apprendre une langue étrangère ne peut se limiter à un exercice académique dispensé auprès de jeunes scolarisés ou étudiants. Apprendre une langue étrangère, c’est apprendre à communiquer autrement, à s’ouvrir aux autres dans un échange de qualité recherchant la compréhension mutuelle. C’est mettre en oeuvre un panel d’acquisitions syntaxiques, grammaticales et lexicales pour ce qui relève des compétences de l’écrit (compréhension et production de l’écrit) sans négliger le facteur oral (compréhension et production orales) engagés dans l’interaction avec le locuteur. Toutefois, savoir faire « fonctionner l’ensemble de ces acquis » relève d’une constante démarche d’appropriation qui se structure grâce à un entraînement spécifique favorisant l’intégration des données inhérentes à la langue cible. Un apprentissage complémentaire Outil complémentaire de la progression scolaire ou universitaire, l’A.R.E.A. ne peut se prévaloir comme la fin en soi d’un apprentissage autodidacte. L’autodidaxie proposée par le CD2 est intrinsèquement conçue à partir des pratiques pédagogiques proposées par PLUS FACILE. Lieu d’étude et d’apprentissage, la classe ne favorise pas toujours l’engrammation. Même des élèves sérieux et motivés peuvent éprouver une déstabilisation de la vigilance pour de multiples raisons notamment les très nombreuses stimulations sonores baignant le milieu scolaire (bruits de chaises, de feuilles de papier, micro-conversations en aparté etc…). Ces stimulations exogènes à l’apprenant associées à une certaine fatigue et aux stimulations visuelles dans le champ de celui-ci sont autant de facteurs entraînant un manque de concentration par une fragilisation de la vigilance rendant le facteur mnésico-attentionnel moins disponible pour favoriser une mise en mémoire de qualité. PLUS FACILE, CD2 propose une approche de la langue cible exogène à la classe de langue mais cependant complémentaire. L’apprenant prendra en charge son appropriation des données initiées pendant la classe selon des facteurs motivants. Rompant avec les exigences institutionnelles (emplois du temps etc…) et afin d’assurer un meilleur rendement à son entraînement quotidien, l’apprenant choisira le moment et le lieu propices à son travail en autonomie respectant son propre biorythme acquisitionnel. Ainsi responsabilisé, la conscientisation de l’apprenant deviendra efficiente, sa disponibilité mobilisant sa capacité attentionnelle pour recevoir les stimulations sensorielles auditives. Favoriser une écoute sélective motivante Lorsque les processus cognitifs de la langue maternelle sont installés, il devient plus difficile pour l’apprenant de saisir et d’intégrer des informations auditives dans une langue phonologiquement différente de la sienne. Or, l’acquisition des compétences requises à cet apprentissage (discrimination, production orale, aspect rythmo-mélodique, compréhension et écriture) dépend de la saisie correcte des informations par la voie auditive (Kancellary-Delage, 1998). D’autre part, pour traiter toute information sonore, notre cerveau dispose de deux hémisphères aux fonctions différentes mais complémentaires. Si l’hémisphère gauche se définit comme la zone de toute information verbale avec une stratégie analytique faisant émerger « ce qui est dit », l’hémisphère droit par une stratégie analogique assure la « façon de dire ». D’après Feldman, Gardey et Raynaud, (1985) « l’information prosodique binaurale est discriminée, identifiée et intégrée à partir de l’hémisphère droit tandis que l’information digitale (la séquence de phonèmes segmentaux) » l’est à partir de l’hémisphère gauche. La conjugaison des stratégies hémisphériques permet la réception du message sonore dans sa globalité réalisant l’osmose essentielle à la compréhension du message ainsi qu’à l’organisation de la réponse adéquate exprimée par la cohérence entre la pensée, le lexique, la morpho-syntaxe, les éléments segmentaux et supra-segmentaux. Les spécificités de PLUS FACILE, CD2 Discrimination et intégration auditive : entraînement analogique. Afin de préparer la réactivité du tractus phonatoire à la production orale, un travail de mise en disposition des circuits audiopsychophonatoires spécifiques (Kancellary-Delage, 1998) est nécessaire. Alors que la réception, la transmission et la perception de stimulations sonores relèvent de l’audition, “l’écoute procèderait plutôt à la discrimination, à l’identification et éventuellement, à l’intégration dans les comportements et dans la mémoire de ces stimulations sonores” (Feldman, 1984). En travaillant les séquences d’exercices préalables, l’apprenant devra donc apprendre à écouter au lieu d’entendre. Sollicitant les fonctions sensorielles auditives, il se laissera imprégner, familiariser par l’aspect rythmo-mélodique et phonologique des stimuli proposés. À l’oral, la prosodie présidant au sens, il convient d’intégrer rapidement l’aspect rythmo-prosodique en y insérant les éléments segmentaux. Evitant la sur-imposition du rythme de la langue maternelle sur celui de la langue cible, le recours à des stimuli produits par un natif permet de proposer à la perception de l’apprenant un rythme articulatoire conforme au français, chaque langue possédant le sien. Les exercices élaborés stimuleront donc les compétences bi-hémisphériques requises pour la bonne saisie de l’enveloppe acoustique et assureront un conditionnement favorable des organes phonateurs pour la production. Discrimination et intégration auditive : entraînement de l’information digitale. En neuropsychologie, la boucle auditivo-phonatoire établit par son fonctionnement propre que le comportement phonatoire est conditionné par l’expérience auditive. La stimulation de l’attention auditive et l’entraînement de l’écoute sélective par le travail de chaque série proposée rendront les sons et le rythme de plus en plus familiers améliorant la prononciation, la saisie de la prosodie et du sens. L’oreille percevra les sons, les traitera et engendrera le processus d’appropriation et de restitution. Exercices de synthèse : écriture et compréhension Dans l’apprentissage d’une langue étrangère, le facteur d’appropriation génère la mémorisation des nouvelles références en prise directe avec de nouveaux modèles. La réussite de l’intégration dépend de cet équilibre, de cette conversion de ce qui était inconnu en ce qui devient désormais familier, mien pour faire sens. Au gré des exercices, les connaissances phonographématiques assureront le lien entre l’écriture des mots, des phrases et leur prononciation tandis que de micro exercices de compréhension complèteront la cohésion de l’approche didactique. Conclusion Encore en construction, PLUS FACILE a connu dès sa première étape des résultats convaincants. La deuxième étape, axée sur l’oral, participe à l’élaboration d’un parcours pédagogique complet envisageant le développement de l’autonomie parallèlement au développement langagier. BIBLIOGRAPHIE Feldman, David (1984) «Audition, écoute et phonosensibilité». Revue de phonétique appliquée 71-72. Mons, Belgique. Feldman, D., Gardey P, Raynaud J (1985) «Introduction à l’acousticothérapie». Pau : AFAAP. Kancellary-Delage, Catherine (1998) « Entraînement de l’écoute corticale comme préalable à l’apprentissage d’une langue étrangère », intervention au International seminar on Learning disorders : assessment and rehabilitation. Pittsburg : Holy Institute. Kramsch, Claire (1995) « La composante culturelle de la didactique des langues ». Dans le numéro spécial Le Français dans le monde: Recherches et applications: Méthodes et Méthodologies. Janvier. Paris : CLE International. Ministerio de Educación Pública de Costa Rica (2005) « Programmes d’étude de français ». San José, Costa Rica. Núñez, María Gabriela et Vargas, María Gabriela (2005) «Diagnóstico nacional sobre la enseñanza del francés en Costa Rica». Proyecto Francés y Educación, Universidad Nacional, Heredia. UNESCO (2007, Junio) « L’UNESCO et l’éducation primaire ». Disponible sur : h t t p : / / p o r t a l . u n e s c o . o r g / e d u c a t i o n / fr/ev.php-URL_ID=40625&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html (consulté le 20 juin 2007) 101 L´utilisation du théâtre pour des activités d´expression orale en classe LE CHARTIER, Maud - Ambassade de France au Costa Rica [email protected] Le théâtre est un art complet qui permet de mettre en jeu la pensée de l´acteur (ou du locuteur), son corps et sa corporalité en général. Pour un apprenant de langue étrangère, passer par l´expérience théâtrale pour aborder l´expression orale peut permettre de débloquer certaines appréhensions et certaines inquiétudes relatives à la prise de parole. Il s´agit de créer un climat de confiance et de collaboration dans le groupe, de manière également à permettre une solidarité entre les membres du groupes, de faire de la classe de langue un moment ludique et collaboratif. 1. Du collectif à l´individuel Une des conditions pour que le groupe se sente à l´aise et accepte le jeu, est que le professeur soit un membre actif de celui-ci, lors des premières séances. La notion de public ne doit pas exister dans la première étape de mise en place d´un travail théâtral avec des apprenants de langue étrangère, car sinon, ils peuvent se sentir jugés, évalués et se bloquer. Les vertus expressives du théâtre perdent alors leur raison d´être et la prise de parole sera de plus en plus difficile. Il conviendra donc, de la part du professeur-animateur, de se mettre sur un pied d´égalité avec ses apprenants et de participer aux activités proposées comme un membre du groupe-classe, avec une fonction d´animateur additionnelle. Un autre point important est de permettre aux apprenants de passer en douceur à la prise de parole individuelle ou en petits groupes. Il est donc recommandé, dans la direction d´un atelier théâtre et FLE, de privilégier des exercices en grand groupe tout d´abord, avec une part très cadrée de création individuelle (inventer un geste ou un son par exemple), qui font appel à la mémorisation et à la réactivité. Le fait de travailler avec des exercices qui stimulent la spontanéité et la surprise permettra également de développer une écoute des autres, nécessaire à la communication et à la prise de parole spontanée. 2. De l´expression corporelle à l´expression orale La première étape, collective, concerne l´expression corporelle. Travailler l´expression corporelle en classe de langue pourrait apparaître comme une perte de temps ou une digression par rapport à un programme d´enseignement précis. Cependant, les exercices d´expression corporelle permettront de briser la glace à l´intérieur du groupe, de générer un espace de confiance, de libérer les tensions ou le stress dû à la prise de parole, en relaxant le corps. Par exemple, des exercices de respiration abdominale sont un très bon point de départ d´un atelier théâtre notamment avec des adultes. Cela permet de fixer la concentration sur un point très précis et d´entrer dans un état de relaxation et d´ouverture plus grands. La prise de conscience du corps et par exemple de l´appareil phonatoire à travers des exercices ludiques de répétitions et de reconnaissance des sons fait également partie de l´apprentissage de la langue étrangère. Prendre conscience de la position des lèvres, de la langue, des caisses résonnances naturelles, au moment de prononcer les sons de la langue cible peut aider les apprenants à prendre conscience des efforts physiques à réaliser pour reproduire le plus fidèlement possible les sons du français dans notre cas. L´idée de passer par le collectif au moment de cette découverte permet également à chacun de se positionner suivant son avancement dans l´apprentissage de la langue étrangère, sans se sentir jugé par les autres. En effet, il s´agit d´exercices où le collectif est un prétexte pour que chacun se concentre individuellement sur sa propre pratique, sans s´en rendre compte ni se sentir observé. Ecouter ses camarades peut également aider l´apprenant à diagnostiquer ce qui lui est plus difficile à faire et ainsi chercher son chemin pour y parvenir. Une fois les exercices d´échauffement vocal réalisés, le groupe a déjà dépassé un premier filtre de timidité. La deuxième étape est la prise de conscience de l´énergie du groupe, de l´incidence de chacun sur celle-ci, donc de la responsabilité de chaque participant pour le bon déroulement de l´activité. Si une personne ne « rentre pas dans le jeu » et ne transmet pas l´énergie individuelle au groupe, la communication est coupée et il sera difficile de pouvoir aller plus loin dans l´expression orale. 102 3. Les improvisations Les improvisations doivent être également graduelles et passer du collectif à l´individuel. On peut entendre comme improvisation toute incitation à une expression spontanée quelle que soit sa nature (corporelle, textuelle, sonore…). Lorsque la confiance est créée à l´intérieur du groupe, à travers d´exercices de répétition, de mimétisme où chaque participant pourra se sentir intégré au collectif, l´animateur de l´atelier pourra proposer graduellement des minis-improvisations : tout d´abord demander à chaque personne d´émettre un son ou un geste différent et demander à chacun de mémoriser les propositions de chacun, puis un mot, puis une phrase. Il est recommandé de commencer par l´improvisation corporelle avant d´introduire la parole, de manière à favoriser l´expression spontanée des apprenants. S´ils pensent à la corporalité, ils entreront de manière instinctive dans la dynamique d´un personnage, et se fixeront moins sur la grammaire ou la prononciation dans la langue étrangère. La langue deviendra l´outil de communication de leur personnage, ce qui permet de créer une distance « magique » et souvent libératrice au moment de s´exprimer. Je vous recommande de commencer par des improvisations dans un cadre quotidien, connu de tous : l´attente à un arrêt de bus, une scène dans un transport en commun, dans une salle d´attente, chez le médecin etc. Progressivement, vous pourrez développer des activités qui surprennent les participants, des lieux plus insolites ou imaginaires, pour inciter au développement de la créativité. A la fin de plusieurs séances d´improvisation collectives, il est possible de faire travailler les élèves en parallèle par binômes, pour petit à petit les introduire à la notion de public, de manière progressive et non frontale. Les apprenants les plus extravertis se lanceront peut-être plus rapidement dans les improvisations individuelles. Il est recommandé de laisser l´espace scénique ouvert, et de dire aux apprenants que, lorsque le travail proposé est un travail d´improvisation, il est possible de circuler, de proposer, de revenir dans le public à n´importe quel moment, en fonction des sensations de chacun, tout en conservant à l´esprit la notion d´écoute et de respect de la proposition des autres. Un des grands fondements de l´improvisation est la dynamique « Oui… et ? », c´est-à-dire d´être à la fois dans l´acceptation des propositions du partenaire et de toujours chercher des propositions nouvelles pour faire avancer l´action, comme un jeu. Il est également très important de travailler les « egos » des membres du groupe, qui peuvent se sentir meurtris au moment d´improviser, car le public n´a pas réagi ou parce que la personne ne se sent pas inspirée. Il suffit de savoir, en tant qu´animateur, mesurer l´exigence mais également donner des retours positifs sur les propositions, encourager, dynamiser, motiver et donner des défis à chacun en fonction de ses possibilités. 4. Le texte théâtral Une autre possibilité est de travailler sur des textes déjà écrits. Dans le cas de l´atelier présenté aux SEDIFRALE, je proposais la scène du Bourgeois gentilhomme (acte II, scène 4) où Monsieur Jourdain prend un cours avec le Maître de Philosophie sur la prononciation du français. Cette scène, pour travailler en FLE présente, à mon sens deux avantages : elle permet une métaréflexion sur la langue et la prononciation, tout en dédramatisant l´erreur. Par ailleurs, elle permet de découvrir un langage théâtral classique, un auteur de renommée internationale, lire Molière «dans le texte», en français est source de motivation pour les apprenants, toujours friands de découvertes culturelles. L´autre texte proposé est un texte de la Cantatrice Chauve, de Ionesco, représentatif du théâtre de l´Absurde. Il s´agit de la scène « comme c´est curieux» entre M. et Mme Martin qui sont assis à côté dans le train et se rendent compte qu´ils sont mari et femme. L´avantage de ce texte est qu´il est dans un langage relativement accessible pour des apprenants, à partir du début du niveau B1. Il se passe dans un lieu du quotidien, donc les apprenants peuvent s´identifier rapidement, et propose une structure courte avec une chute inattendue. Il est ensuite possible de créer des exercices de style à la manière du théâtre de l´Absurde où les apprenants pourront reprendre le cadre de la scène et l´adapter à une situation différente de leur pays par exemple. D´un point de vue culturel, il peut être intéressant de situer le travail d´Eugène Ionesco du point de vue de l´histoire du théâtre. Voici donc, quelques pistes pour pouvoir utiliser le théâtre comme un outil pédagogique au service de l´expression orale en classe de FLE. A travers le théâtre sont abordés des concepts de manière naturelle et presque sans s´en rendre compte : par exemple, on ne travaille pas la prononciation mais la capacité à se faire comprendre et écouter par le public ou encore l´interculturel, qui apparaît à travers des gestes, des attitudes corporelles différentes qui permettent de prendre conscience de l´altérité. 103 Collaborateurs Universidad Estatal a Distancia Universidad De La Salle Universidad de Costa Rica Lycèe Franco-Costaricien Liceo de Heredia Diurno Liceo de Heredia Nocturno Junta Administradora de la Sala Magna Liceo de Heredia Junta Administradora Centro Omar Dengo - Heredia Librería Francesa Instituto Nacional del Café (ICAFE) Agencia de Turismo Travel Excellence FRAVICO - Promocional S.A. VISUAL Diseño/Fotografía PRODAVIS, José Martínez - Sonido Luminotecnia Floristería “Flores de Rivendel” - Heredia Cruz Roja de Heredia Scotiabank Muñoz y Nanne 104 ! p u o c u a e b i c r e M FIPF