TOPIC 7 : Le phénomène Big Data et ses

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TOPIC 7 : Le phénomène Big Data et ses
TOPIC 7 : Le phénomène Big Data et ses conséquences dans les
transports
Compte-rendu de l’ITS World Congress 2015
Par Étienne Corbillé, École des Ponts ParisTech
Introduction
Dans le domaine de la mobilité, la tendance actuelle est de créer de nouveaux services à destination des
usagers afin d’améliorer l’expérience utilisateur sur toute la chaîne de déplacements. Ces solutions de
mobilité ne sont souvent pas coordonnées avec une gestion du trafic à l’échelle du réseau ou de la ville.
Cependant, la profusion de services à destination des usagers permet également d’acquérir un grand
nombre de données sur les usages des réseaux de transports. Des plateformes Open Data se créent,
permettant un partage de données entre les différentes parties prenantes et ouvrant la voie à un nouveau
paradigme d’optimisation des réseaux qui pourrait enfin concilier la gestion globale du trafic avec les
besoins et désirs des usagers au niveau individuel. À partir de ma perception du Congrès ITS Bordeaux,
de son exposition et des conférences auxquelles j’ai pu assister, je vous propose un aperçu des enjeux
du phénomène Big Data dans le domaine de la mobilité intelligente.
Des innovations sources de gros volumes de données
Aujourd’hui, 50% de la population possède un smartphone et on assiste à un fort développement
d’applications facilitant la mobilité des individus. Ces applications mettent à disposition des usagers
des informations en temps réel sur les conditions de circulation que ce soit pour le réseau routier ou les
transports en commun. Ces services permettent également de faire remonter des données concernant les
usages individuels des réseaux de transport notamment grâce à la géolocalisation.
Les voitures connectées, très présentes lors du congrès, nous permettent aussi d’en apprendre davantage
sur l’utilisation des réseaux routiers et l’usage de l’automobile. Il y actuellement en France 500 000
voitures connectées du groupe PSA. Pour donner un ordre de grandeur, une centaine de voitures en
circulation permet de connaître l’état du trafic sur l’ensemble de la ville de Nice. Ces données temps
réel sont généralement stockées et on assiste alors à un accroissement exponentiel du volume de
données. Si le stockage de ces données pose question au niveau du respect de la vie privée, il ouvre aux
chercheurs de nouveaux horizons, notamment celui du machine learning.
En parallèle de la remontée d’informations issues des usagers, le phénomène Open Data, la mise à
disposition de données publiques et l’installation de nouveaux dispositifs de mesure sont également une
source nouvelle d’information sur l’état des réseaux. Certaines initiatives permettent d'accroître notre
connaissance des villes comme par exemple le projet iTowns de l’IGN qui fait circuler une voiture
équipée de capteurs laser qui génèrent des cartes vectorielles des lieux visités. De nombreuses villes
aux États-Unis tentent de remédier au problème du stationnement en installant des capteurs sur les
places de parking et en mettant à disposition une application pour trouver une place disponible et son
tarif (Streetline).
ATEC ITS France – Compte Rendu Congrès Mondial de Bordeaux – Octobre 2015
De nouveaux usages à explorer
Comment tirer profit de ces nouvelles sources d’informations ? A-t-on les connaissances et les capacités
techniques de traiter autant de données ? D’un côté, des entreprises comme IBM ont récemment
annoncé l'introduction réussie de “raisonnements cognitifs” dans leurs programmes mais d’autres
comme PSA estiment aujourd'hui n'être qu'à 5% de la compréhension de ce qu'il est possible de faire
avec ces données. Pourtant, les enjeux sont nombreux : diminuer les émissions de gaz à effet de serre,
diminuer le nombre de morts sur les routes, diminuer la congestion et optimiser les réseaux.
La rupture apportée par le Big Data pourrait s’opérer dans un changement de modèle économique. La
filiale de Transdev, CityWay, est en train d’adopter le modèle “informer pour vendre” : l’objectif est de
simplifier la mobilité via l'information voyageur pour permettre la vente à distance de titres de transport
grâce à des systèmes de m-billets ou de covoiturage en temps réel.
Concernant le groupe PSA, leur première piste est celle de la gestion de l'après-vente de ses véhicules :
utiliser les données des voitures connectées pour identifier en temps réel les problèmes, bien connaître
le client et anticiper sa venue en réparation afin d’accélérer le processus. La sécurité routière est
également un domaine d’application potentiel. On peut par exemple étudier le caractère accentogène
des routes par la cartographie des déclenchements d'ABS. Les recherches menées par K. Akaho sur
l’agressivité dans la conduite (mesurée par l’accélération centrifuge pendant les virages) pourraient être
utilisées à des fins de prévention des accidents et d’éducation des conducteurs.
Si peu de solutions concrètes sont pour l’instant proposées, ce qui ressort des conférences sur le Big
Data, c’est surtout la prise de conscience du potentiel de l’exploitation de ces données et nous allons
voir que c’est particulièrement pertinent concernant les politiques publiques.
Le Big Data au service des politiques publiques
En effet, le Big Data permet d'offrir de meilleurs services mais surtout d'optimiser les infrastructures
existantes. Il est aujourd’hui difficile de bâtir de nouvelles infrastructures, pour des raisons économiques
mais également à cause du manque de place. Par exemple, la ville de Montpellier a réalisé lors de la
réalisation de son PDU qu’en 4 ans, on avait utilisé autant d'espace qu'en 2000 ans à cause des parkings
et des routes. Une rupture devra s'opérer par une évolution de l’organisation des institutions impliquées
dans les transports : aujourd'hui, elles sont très orientées infrastructures et exploitation et pas assez
optimisation.
Pourtant, des solutions au service des politiques publiques sont en train d’émerger. L’entreprise
TomTom a présenté un concept d’application d’information multimodale qui affiche les temps de
parcours pour différents modes et différents itinéraires. La ville peut influencer le choix des citoyens en
récompensant via l’application le choix d’un mode doux ou d’un itinéraire particulier. De la même
manière, CityWay voudrait tester l'impact du calculateur d'itinéraire sur le choix modal afin d’être au
service d'une politique publique. L’entreprise met en avant le fait qu’aucun calculateur ne prend en
compte le temps nécessaire pour aller chercher sa voiture puis pour la garer.
Mais derrière ces nouveaux services, les algorithmes restent souvent propriété de l’entreprise qui les
développe. Comment garantir alors le respect de la volonté politique ? Pour la recherche publique
comme privée, l’enjeu est de développer des modèles “transparents” compréhensibles par les experts
métiers et pas uniquement par les chercheurs ou les data scientists.
ATEC ITS France – Compte Rendu Congrès Mondial de Bordeaux – Octobre 2015