Revue Transports OTI
Transcription
Revue Transports OTI
= køNV a¨ÅÉãÄêÉ=OMNM Une nouvelle fois, l’intermodalité a la part belle dans la Revue Transports du Sétra, avec la deuxième partie du dossier thématique « transport combiné ferroviaire et température dirigée » et une étude du CETE Méditerranée caractérisant les potentiels de report modal en région Paca. Le thème des marchandises en ville, sujet à forts enjeux, est ici abordé sous l’angle de la réglementation : quels leviers pour traiter quels effets ? Enfin, nous revenons sur l’année entière de négociations liées à l’ouverture du capital de la CMA-CGM, numéro trois mondial du transport de conteneurs maritimes. Une nouvelle fois le Réseau Scientifique et Technique du Ministère s’est impliqué dans ce numéro, avec les articles de Clémentine HARNOIS du CETE Méditerranée et de Rémi CORGET du CETE Normandie Centre. Le service « Organisation des Transports et Intermodalité » du Sétra accueille depuis le mois d’octobre deux nouveaux contributeurs à la revue : Bruno MEIGNIEN, chargé d’études transport et infrastructures ferroviaires et Antoine RIGAUX, chargé d’études Logistique et Intermodalité. Nous tenons à saluer Dominique GRILLY, jeune retraité, pour tout le travail qu’il a accompli et pour ses contributions répétées à notre revue. Edito par Pierre BILLET-LEGROS, Chargé d'études « Organisation des Transports et Intermodalité » [email protected] Intermodalité 2 Transport combiné ferroviaire sous température dirigée : Techniques et Marchés – Le cas d’ECS.....................................................................................2 Intermodalité 9 Caractéristiques des flux de marchandises en région PACA et report modal......................................................................................................................................9 Transport de marchandises en ville 16 Pratiques et outils à disposition des collectivités locales, concernant la réglementation des livraisons urbaines........................................................16 Transport Maritime 21 Conjoncture du transport maritime et ouverture du capital de CMA-CGM ........................................................................................................................................21 Intermodalité Transport combiné ferroviaire sous température dirigée : Techniques et Marchés – Le cas d’ECS Rédigé par Pierre BILLET-LEGROS, Sétra En écho à l’article du numéro de juillet sur le cas de Froid Combi, opérateur de transport rail-route continental, cet article un aperçu de l’activité d’ECS (European Containers Services), opérateur de transport maritime courte distance de conteneurs, assurant certains de ses post-acheminements d’UTI frigorifiques par le rail. [email protected] Organisation, périmètre et positionnement dans la chaîne de transport (1) Pour un aperçu du groupe familial dont fait parti ECS : http://www.dedijcker.be. ECS, European Containers Services, est un organisateur de transports internationaux, fondé en 1995, par la famille De Dijcker(1). Opérant principalement entre l’Europe continentale (France et Belgique) et le Royaume-Uni et l’Irlande, la compagnie dispose d’implantations dans six pays (Belgique, Pays-Bas, France, Italie, Irlande, Royaume-Uni) pour un effectif de 190 salariés, un chiffre d’affaires de 185 M€ et un excédent brut d’exploitation (EBE) de 7,5 M€ pour l’année 2009. Elle articule son activité autour du conteneur 45’ pallet wide, matériel adapté pour le marché européen, exclusivement en expédition de cargaisons complètes et injecte cette UTI dans plusieurs systèmes de transports, selon les marchés à desservir. Elle propose notamment des liaisons conteneurisées entre la France (Radicatel – port situé entre Rouen et Le Havre) et l’Irlande (Dublin) et des liaisons par ferry depuis Zeebrugge vers le Royaume-Uni et l’Irlande. Les moyens en propre qu’elle mobilise pour servir sa production sont avant tout constitués par sa flotte de conteneurs, constituée de 5500 unités, la très grosse majorité (4700) de type dry en 45’ high cube pallet wide (45’ de long, 9’6’’ de haut, 2,556m de large, dimensions hors tout), un parc de 600 conteneurs frigorifiques (au sens large, cf. ci-après), dont l’effectif a doublé en 3 ans, 200 unités de type vrac, à la structure renforcée par rapport à un conteneur classique, ainsi que quelques autres UTI de types plus rares. L’entreprise dispose également, à Zeebrugge, de 30 000 m² de surface d’entreposage, dont 2000 m² sont réfrigérés. En conséquence, ECS a recours à des partenaires sur les activités suivantes : (2) (3) - affrètement de capacité sur les navires porte-conteneurs de C2C Lines(2) (entreprise résultant d’une joint venture entre ECS et Cobelfret), soit une flotte de 3 unités affichant de 200 à 740 EVP de capacité chacune ; - achat de la prestation de manutention portuaire auprès des différents terminalistes du loop en question ; - achat de la prestation de traction routière à des partenaires locaux (à noter l’existence d’une entreprise « sœur » d’ECS, DDTrans(3), également fondée par la famille De Dijcker, qui dispose d’un parc de 250 tracteurs routiers et de 450 châssis porte-conteneurs, implantée à Zeebrugge ainsi qu’en Angleterre et Irlande, autour des ports escalés par C2C Lines) ; http://www.c2clines.com/ http://www.ddtrans.be/voorstelling/index_f r.html Revue Transports OTI – Numero 19 – décembre 2010 Page 2 (4) http://www.gtstrasporti.com/eng/index.asp (5) http://www.hupac.ch/ (6) http://www.interferryboats.be/ (7) http://www.cemat.it/site/ENGLISH/homepa ge/ (8) http://www.poferriesfreight.com/freight/ (9) http://www.cobelfret.com/ - achat de créneaux sur des trains de conteneurs au départ/à destination de Zeebrugge auprès de GTS(4), Hupac(5), IFB(6), Cemat(7), principalement ; - achat de créneaux sur des services rouliers au départ/à destination de Zeebrugge auprès de P&O(8), Cobelfret(9), etc. L’entreprise réalise un trafic annuel de l’ordre de 120000 UTI, le transport de conteneurs frigorifiques (ou reefers) représentant environ 20% de ces volumes. C’est à ces volumes particuliers, et plus précisément à ceux faisant l’objet d’un pré ou post acheminement ferroviaire, auxquels s’intéresse la suite de cet article. Marchés et perspectives De par la nature de son outil de production, ECS se concentre principalement sur les échanges entre le Royaume-Uni et l’Irlande avec le continent. Dans le domaine de la température dirigée, son organisation sert ainsi de support aux exportateurs irlandais de produits laitiers (fromages et beurre), de viennoiseries ainsi que de produits pharmaceutiques, dans une moindre mesure aux exportateurs de viande et poisson surgelés, et aux exportateurs italiens de mozzarella, de pâtes fraîches et de pizzas surgelées. (10) Cette allocation peut parfois être systématique, que l’opérateur ait des volumes prévisionnels ou non, ce que l’on peut comparer à un « abonnement ». ECS assume alors le risque commercial sur le l’usage de ces créneaux. Afin de capter ces marchés, ECS a opté pour le recours au transport combiné ferroviaire depuis et vers Zeebrugge vers et en provenance de l’Italie, par l’allocation de capacité(10) sur les services ferroviaires opérés par les entreprises listées dans la partie précédente. Les volumes débarquant à Zeebrugge pour l’Italie peuvent alors arriver depuis l’une des origines touchée par l’un des différents services référencés ci-dessous. Revue Transports OTI – Numero 19 – décembre 2010 Page 3 (11) La mobilisation d’un maillon maritime, même sur courte distance, amène le donneur d’ordre à anticiper davantage le transport qu’il ne le ferait dans le cadre d’une chaîne continentale, ne serait-ce que vis-à-vis des fréquences offertes par les services. Le choix du ferroviaire en tant que moyen de post acheminement à l’import italien est le fruit de la conjonction de plusieurs critères : - Les temps de parcours et les délais minimum de réservation additionnels, qui sont pour ces derniers de 72h contre 24-48 h pour du sec, sont compatibles avec l’anticipation nécessaire(11) à l’importateur pour la planification de ses approvisionnements. Les services auxquels fait appel ECS affichent des « temps ferroviaires » (entre la remise de la caisse au terminal de départ et sa mise à disposition au terminal d’arrivée) de l’ordre de 48h(12), par exemple pour un Zeebrugge – Milan, ECS réalisant du A pour D(13) voire du A pour E(13) avec l’Irlande, contre du A pour C(13) avec l’Angleterre. - La longue distance renchérit significativement le coût du mode routier en post acheminement depuis Zeebrugge vers l’Italie. - La charge utile supérieure permise par le maillon ferroviaire est, d’après ECS, un facteur de compétitivité de ce mode. Ainsi, l’UTI frigorifique offre une capacité d’emport de 24 tonnes par le rail (pre et post acheminements routiers inclus), contre 22 tonnes par la route. (12) Le site internet d’IFB (http://www.interferryboats.be/index.php? navpage=8.%20ITALY10026&tree=3.2.2.8& pageid=108) donne pour chaque service et chaque sens les TBR admissibles sur ses trains. Au vu de ceux-ci, moins contraignants que ceux avec lesquels doit composer Froid Combi, il est légitime de penser que le régime d’exploitation de ses navettes n’autorise pas des vitesses aussi importantes. (13) Dans le langage des transporteurs, réaliser du A pour C (respectivement D ou E), c’est offrir la mise à disposition de la marchandise à son destinataire le surlendemain de (respectivement 3 ou 4 jours après) son jour de sa remise. Une prise en compte accrue de certains aspects environnementaux par certains grands groupes alimentaires, ce qui se traduit pour eux en un objectif de volume à faire transiter par des chaînes intermodales. Conteneur frigorifique sur wagon porte conteneur Crédits : ECS Revue Transports OTI – Numero 19 – décembre 2010 Page 4 Les terminaux italiens ainsi desservis sont les suivants : Les terminaux de Novara, Desio et Piacenza concentrent la très grande majorité des volumes de l’opérateur, en proportions équivalentes. A l’instar de ce qui a été observé dans le cas de Froid Combi (cf. le numéro 17 de la revue), ECS est confronté à un déséquilibre des flux, le sens Nord → Sud étant plus important que le Sud → Nord). En effet, les exports italiens en matière d’envois sous température dirigée sont davantage à destination du Benelux que des îles anglaises et irlandaises : le maillon ferroviaire s’inscrit donc, à la montée, dans un schéma continental, qui, comme détaillé dans le cas de Froid Combi, est un segment particulièrement en concurrence avec le mode routier, notamment sur la question des temps de parcours. Les 48h de trajet ferroviaire pour un Milan – Zeebrugge, soit un peu plus de 1000 km par la route, constituent déjà un délai supérieur à un transport tout route, qui quant à lui est réalisé de porte à porte. Les exportateurs italiens préfèrent à l’heure actuelle les temps de transit routier, l’opérateur quant à lui étant confiant dans un changement des mentalités prochain. Revue Transports OTI – Numero 19 – décembre 2010 Page 5 L’opérateur a donc eu recours au même procédé que Froid Combi pour compléter ses volumes sur le sens faible de la rotation : les capacités au départ d’Italie offertes par les caisses vides à repositionner sont chargées de produits « secs », c’est à dire ne nécessitant pas le recours à la température dirigée (certains produits alimentaires, eau minérale, etc.) Il est à noter que le déséquilibre des flux s’inverse saisonnièrement, de juin à août, les importations italiennes s’établissant alors en deçà des exportations dont les volumes restent stables. Ce phénomène est à l’origine d’une pénurie d’UTI à la montée, entraînant une impossibilité de satisfaire pendant l’été une partie de la demande. En termes de potentialité de marchés, ECS observe sur le segment de la température dirigée une croissance à deux chiffres entre 2009 et 2010. Les spécificités techniques du modèle ECS • (14) Les « gensets » sont des blocs générateurs que l’on peut trouver sur les châssis routiers porte-conteneurs à destination du transport initial/terminal de reefers. Il semble possible techniquement d’utiliser ces blocs en ferroviaire, clippés sur le conteneur, bien qu’aucun exemple français ne soit connu. Les UTI… Comme mentionné ci-dessus, ECS dispose de son propre parc d’UTI, dont 600 unités (soit 11% de sa capacité) sont dédiées au transport sous température dirigée. Il convient toutefois de distinguer les trois « souscatégories » d’UTI : les conteneurs frigorifiques « classiques », en 45’ pallet wide, qui ne sont pas autonomes en termes d’alimentation (300 unités), les conteneurs « diesel electric » (200 unités), disposant d’un groupe thermique semblable aux matériels routiers classiques, groupe qui peut être alimenté par gasoil (165 litres de capacité de réservoir, pour une autonomie maximale de 4 à 5 jours) ou par branchement électrique sur des prises spécifiques (32 A, 380-415 V), présentes dans les parcs à conteneurs, ou dont l’alimentation peut être assurée par un bloc d’alimentation indépendant(14). Les 100 dernières unités font référence à des semiremorques frigorifiques « classiques » qui effectuent les trajets entre le continent et les îles anglaises et irlandaises par les services ferries précités. Ce sont donc les conteneurs « diesel electric » qui sont utilisés sur les maillons ferroviaires, de par leur autonomie en alimentation. Ils sont préhensibles par leurs pièces de coin, au même titre que des conteneurs classiques et leurs propriétés de résistance au gerbage les rend apte à voyager sur des navires porte-conteneurs. On notera enfin que ce matériel n’est pas apte à la réalisation de transport bi-température. … et leur gestion. La question de la température dirigée et de la conservation de l’intégrité des marchandises a amené l’opérateur à définir, à l’usage de ses prestataires de traction routière, un manuel de procédures et vérifications à mener sur l’état de l’UTI, la consigne en température, le niveau de carburant dans le réservoir adjoint au groupe frigorifique, tout au long du placement de la caisse sous leur responsabilité, mais aussi aux interfaces entre les maillons routiers et ferroviaires. La question du réapprovisionnement en carburant est tout particulièrement critique, au vu des temps de transit considérés, les prestataires sur les opérations ferroviaires et de manutention ne fournissant pas de service de ce type à ECS. Revue Transports OTI – Numero 19 – décembre 2010 Page 6 (15) Cet effort de productivité est à rapprocher de la statistique donnée en introduction : ECS réalise 20 % de ses volumes avec 11% de sa capacité en conteneurs. Un autre facteur vient contraindre la gestion de ces reefers « diesel electric » : la tension sur la flotte de l’opérateur, vis-à-vis de ses besoins. Celle-ci est imputable à l’immobilisation incompressible des unités pendant les transits ferroviaires ainsi que les parcours terminaux et initiaux italiens, mais aussi au surcoût de ce matériel par rapport à un conteneur reefer « classique » (environ 40k€ contre 30k€ pour le matériel « classique »), agissant comme un relatif frein à l’investissement sur ce matériel. Dès lors, ECS vise à faire tourner le plus possible ces unités(15), là où elles sont le plus nécessaires : les parcours Benelux – Italie. En dépit de leur adaptation aux parcours maritimes, ces conteneurs quittent le moins possible le continent, de par l’immobilisation supplémentaire qu’induit un envoi outre Manche. L’entrepôt de Zeebrugge peut à ce titre servir de plate-forme de cross docking, la marchandise étant alors dépotée puis rempotée dans un conteneur reefer classique ou même dans une semi-remorque classique, dans le cas d’un embarquement sur service roulier. Cette manœuvre reste soumise à l’accord du client, les refus représentant environ 30 % des cas et étant motivés par une aversion du donneur d’ordre à voir sa marchandise manipulée, sur la base de considérations de délicatesse de la cargaison. Conteneur Diesel Electric sur châssis routier porte conteneur Crédits : ECS Le cas d’ECS illustre, d’une manière assez différente du cas Froid Combi les contraintes et difficultés de la réalisation de transport intermodal ferroviaire de produits sous température dirigée, en articulation avec un parcours maritime. Il démontre aussi, que par le recours à des UTI « autonomes » gérées en amont et aval du maillon ferroviaire par les prestataires de traction routière, il est possible d’utiliser des services ferroviaires qui ne sont pas à la base conçus pour du transport de produits périssables, cette organisation restant compétitive. Revue Transports OTI – Numero 19 – décembre 2010 Page 7 Il est toutefois intéressant de noter que l’opérateur a eu recours à la même stratégie d’optimisation de ses capacités que Froid Combi, en ouvrant le sens faible de sa rotation aux volumes secs, afin d’éviter les retours à vide. Le témoignage d’ECS confirme une fois de plus que selon la nature du transport (comprenant un maillon maritime ou purement continental), la relation des donneurs d’ordre au temps de parcours est très variable, ceux-ci étant plus enclin a priori à trouver les temps ferroviaires compétitifs dans le premier cas que dans le second. La question de l’accessibilité routière des ports est peut être également un déterminant qui a son importance, dans cette problématique de choix modal. Revue Transports OTI – Numero 19 – décembre 2010 Page 8 Intermodalité Caractéristiques des flux de marchandises en région PACA et report modal Rédigé par Clémentine HARNOIS, CETE Méditerranée Suite à une commande de la DREAL PACA intervenue fin 2009, le CETE Méditerranée a réalisé une étude relative au fret en PACA visant à dégager les potentialités de développement du transport combiné rail-route dans la région. En effet, par l’association d’un maillon ferroviaire à de courts acheminements routiers, le transport combiné est un mode de transport qui permettrait de répondre en partie aux objectifs du Grenelle de l'Environnement en matière de report modal. [email protected] La DREAL souhaitait ainsi avoir une vision prospective des flux rail-route afin d'anticiper les besoins organisationnels et les mutations nécessaires au développement de ce mode de transport dans la région. Après une présentation des grandes caractéristiques du fret en PACA (partage modal, nature des marchandises...), l'étude s’attache à l'estimation des capacités de création de nouvelles lignes rail-route à partir des trafics routiers nationaux et internationaux observés dans la région PACA. La méthode employée s'inspire d'études antérieures d'évaluation de report modal. Les résultats, à savoir de potentielles nouvelles liaisons rail-route ont ensuite servi de base à des échanges avec des acteurs du transport combiné. Caractéristiques du fret en PACA(1) (1) Les données présentées dans cette partie sont issues de la base SITRAM 2006 et des fichiers Douanes 2006. En 2006, le total des flux nationaux de marchandises en région PACA (tous modes, hors flux internes à la région et transit) représentait 55 millions de tonnes et 20 milliards de tonnes-kilomètres. Ces flux sont quasiment équilibrés en tonnage, mais le total des flux cache des disparités selon les produits transportés, liés aux trafics industriels de la région PACA et à la présence d'un important bassin de consommation. Toujours en tonnage, la part modale de la route était de 81 % pour les flux entrants et de 74 % pour les flux sortants. En termes de volume de transport routier (en tonnes-kilomètres), les flux « longue distance » (supérieurs à 500 km) représentent environ 45 % du total des flux (43,5 % du volume des flux sortants et 48 % du volume des flux entrants). Selon la nature des marchandises, les parts modales (en tonnes) du rail et du fleuve diffèrent : de quasi-nulle pour le transport d'engrais, par exemple, le transport ferroviaire est majoritaire dans les expéditions de produits pétroliers et les réceptions de combustibles et supérieure à celle de la route pour les expéditions de produits métallurgiques. Revue Transports OTI – Numero 19 – décembre 2010 Page 9 En ce qui concerne les flux internationaux (hors transit), les échanges de la région PACA se font principalement vers les pays d'Europe occidentale (Italie, Espagne). Globalement, les exportations sont plus importantes. Le fret ferroviaire international de la région PACA consiste essentiellement en des exportations en direction de l'Italie (1,6 millions de tonnes) et dans une moindre mesure de l'Espagne (144 000 tonnes). Pour le transport international vers les pays de Méditerranée, le mode maritime concurrence les modes routiers et ferroviaires. Revue Transports OTI – Numero 19 – décembre 2010 Page 10 Le transport combiné rail-route en PACA – situation 2009 La région compte 5 plates-formes de transport combiné rail-route, permettant le chargement de contenants adaptés (caisses mobiles ou conteneurs) sur des wagons. Deux sont situées à chacun des bassins du Grand Port Maritime de Marseille (bassin Ouest : Fos et bassin Est : Mourepiane) et permettent le transit de conteneurs de la mer vers le rail (ou inversement). (2) Valeur utilisée dans « Détection d'opportunités de report modal selon deux stratégies de massification de flux de poids lourds en nombre et tonnage », CETE du Sud-Ouest, 2002 Elles sont toutes situées dans l'ouest de la région ; de ce fait, la partie Est de la région (dont la métropole niçoise) se situe à plus d’1h30(2) (temps de conduite PL) d’un chantier de transport combiné rail-route. 5 opérateurs de transport combiné, parmi les principaux français (Novatrans, Naviland Cargo, Rail Link Europe, T3M et Froidcombi) assurent 90 liaisons aller/retour hebdomadaires entre les plates-formes de PACA d'une part, et de grandes agglomérations (Lyon, Paris, Lille, Toulouse et Bordeaux) ou d'autres ports (Bordeaux, Bonneuil-sur-Marne, Anvers, Le Havre et Lyon) d'autre part. (3) Calcul effectué par le CETE à partir des plans de transport des opérateurs, et avec les hypothèses suivantes : 50 semaines d'activité par an, remplissage des trains : 38 UTI en moyenne pour tenir compte des aléas de remplissage (4) Source : MEEDDM En 2009, les opérateurs formaient pour la plupart des trains de 650 à 750 mètres (de 40 à 50 UTI transportées par train), soit un trafic estimé de 170 000 UTI pour l'année 2009(3). Pour comparaison, au niveau national, en 2009, près de 450 000 UTI transportées par le rail-route ont bénéficié de subventions « coup de pince » (4). Revue Transports OTI – Numero 19 – décembre 2010 Page 11 (5) (6) (7) Ces conditions sont basées sur des hypothèses issues d’études menées sur d’autres territoires. Le cas spécifique de PACA (niveau de péage des autoroutes, congestion, localisation et accessibilité des terminaux de transport combiné, etc.) n’a pas fait l’objet de développements spécifiques dans la présente étude. Évaluation des reports modaux de marchandises sur le corridor francoibérique, CETE du Sud-Ouest, 2000. D'autres études parlent d'une distance minimale de 700 km, mais dans une approche de recherche de liaisons potentielles, le parti a été pris de choisir la distance la plus faible. Détection d'opportunités de report modal selon deux stratégies de massification de flux de poids lourds en nombre et tonnage, CETE du Sud-Ouest, 2002. Estimation du potentiel de report modal de la route vers le transport combiné rail-route Pour être rentable, dans un contexte d'une forte concurrence du mode routier, notamment pour les origines-destinations continentales, le transport combiné doit remplir chacune des conditions suivantes(5) : - un maillon ferroviaire d'au minimum 500 km(6) ; - des pré et post acheminements optimisés, inférieurs à 1 H 30(7) ; - un remplissage maximum des trains (40 UTI ou plus)(7), ce qui implique un volume d'échange conséquent. Dans le cadre de l'étude, une matrice des flux routiers de la région PACA a été constituée (International, National, interne à la région mais hors transit). Le travail a ensuite consisté à identifier parmi tous les couples originesdestinations, lesquels répondaient aux critères précédents. Il ressort de cette analyse que peu de nouvelles liaisons pourraient se développer à très court terme. Revue Transports OTI – Numero 19 – décembre 2010 Page 12 Il convient d’être prudent sur l’interprétation de ces résultats : la matrice routière utilisée est de moins en moins significative à mesure que l’on s'éloigne du Sud-Est de la France. De ce fait, l'estimation du potentiel reportable sur les longues distances (notamment Nord de la France et Benelux) s'est révélée délicate car il a fallu agréger les trafics de zones parfois très étendues. Toutefois, l'étude montre que les plus gros volumes d'échanges de la région PACA se font sur des distances moyennes. A un horizon plus lointain (2025), des nouvelles liaisons pourraient se développer sur l'axe Lille – Paris – Marseille, mais aussi en direction du Nord-Est de la France, du Sud-Ouest ou de l'Italie du Nord. Ces résultats correspondent globalement aux perspectives de croissance des opérateurs de transport combiné. Les acteurs interrogés ont fait remonter des besoins en infrastructures, qu’ils estiment nécessaires à leur gain de compétitivité : modernisation des chantiers de Marseille – Canet et de Avignon – Courtine, aménagement de la ligne PLM de façon à faire circuler des trains rapides de 1000 mètres. Ils ont aussi fait part des besoins de communication et de transparence sur ce mode et sur les aides de l'État existantes. Revue Transports OTI – Numero 19 – décembre 2010 Page 13 Le problème récurrent de la fiabilité du transport ferroviaire est également ressorti des entretiens ; avec l'ouverture à la concurrence de la traction ferroviaire, certains opérateurs comme Rail Link Europe ou T3M ont recours à de nouvelles entreprises ferroviaires pour cette raison (respectivement Europorte et ECR). Enfin, les chargeurs interrogés regrettent que les horaires des liaisons ne soient pas en accord avec les exigences de leur métier ; bien souvent, avec la baisse conséquente du trafic de transport combiné observée depuis une dizaine d'années, il ne reste plus qu'une liaison quotidienne vers une destination donnée et il est difficile pour les opérateurs de trouver un sillon répondant aux exigences de chacun de leurs clients et de leurs fournisseurs. Revue Transports OTI – Numero 19 – décembre 2010 Page 14 Revue Transports OTI – Numero 19 – décembre 2010 Page 15 Transport de marchandises en ville Pratiques et outils à disposition des collectivités locales, concernant la réglementation des livraisons urbaines Rédigé par Rémi CORGET, CETE Normandie Centre Le thème des marchandises en ville est un sujet récurrent du débat public local et partage l’opinion. Si les livraisons urbaines représentent une source de nuisance mal ressentie par les riverains, leur importance économique pour les villes et les acteurs commerciaux est évidente. De plus, la marge de manœuvre dont disposent de nombreux acteurs économiques de ce secteur reste limitée. La tentation est grande pour les collectivités de les réglementer, mais cette réglementation peut se révéler difficile. [email protected] Remarques préalables Cet article a pour but de donner un aperçu des problèmes rencontrés et ne prétend pas à l’exhaustivité. Pour préciser son objet, nous commencerons par les remarques suivantes : (1) (2) • L'utilisation du terme livraison implique ici celui de desserte locale : cette problématique n'inclue pas uniquement les réglementations concernant le transit ou le stationnement qui sont largement généralisées. Réglementer le transit est plus facile, en termes d’acceptabilité et d’impact économique, car il s'agit juste de modifier l'itinéraire des véhicules, sans influer sur l'opération de livraison en elle même. • Il nous paraît important de ne pas limiter la problématique des livraisons urbaines aux seuls PL (Poids-Lourds) (c'est à dire les véhicules de plus de 3,5 tonnes de PTAC), qui sont les plus visibles. Les VUL (Véhicules Utilitaires Légers) représentent 52% des opérations de livraison(1). Hors de leur domaine de pertinence, ils sont moins efficaces, étant donné leur charge utile très limitée. Or, ils peuvent être les grands gagnants d'une politique de réglementation qui ne les aurait pas pris en compte, au risque d'une certaine dégradation de certains aspects du bilan global. • Le lecteur en quête de données précises caractérisant l'état des lieux des transports de marchandises en ville pourra se référer à une source de données importante : l'enquête « Transport de Marchandises en Ville »(2), en cours de réactualisation par le LET, sur Paris, Lille, Bordeaux et Marseille. Seul l'aspect réglementaire sera abordé ici. • Les villes citées à titre d’exemple sur chaque thème ne constituent pas des listes exhaustives, l’évolution potentiellement rapide de ces arrêtés rendant délicate la démarche de recensement systématique. Source : Programme National Transport de Marchandises en Ville, 1995-1997. http://www.transports-marchandises-enville.org Revue Transports OTI – Numero 19 – décembre 2010 Page 16 Grands principes et typologies de la réglementation Objectifs poursuivis Les objectifs poursuivis par les acteurs locaux, en termes de réglementation de la livraison finale des marchandises en ville, sont divers. On peut toutefois distinguer les axes suivants : (3) (4) On notera que de nombreuses initiatives existent pour palier cet inconvénient des livraisons nocturnes, tel le programme PIEK, lancé à l'instigation du gouvernement néerlandais, qui vise à limiter le bruit de pointe (et non plus le bruit moyen) émis par les poids-lourds. Toutefois, ces initiatives restent difficiles à imposer réglementairement au niveau d'une ville. C'est cas du véhicule Modec, de deux tonnes de charge utile, commercialisé par Electruckcity (groupe Deret), affichant un PTAC de 5,5 tonnes. Il est donc virtuellement interdit dans certains centre-villes, où seuls les véhicules de moins de 3,5 tonnes sont autorisés. Les véhicules thermiques de charge utile équivalente ont un PTAC inférieur à 3,5 tonnes, notamment pour pouvoir être conduit avec le seul permis B. • favoriser l'usage de véhicules plus respectueux de l'environnement ; • découpler les déplacements marchandises des déplacements de voyageurs ; • diminuer les nuisances nocturnes ; • diminuer le nombre global de véhicules en circulation ; • diminuer les dimensions et poids des véhicules en circulation, ce qui vise en général à diminuer l'encombrement, et améliorer la sécurité routière. Ces objectifs devant bien sûr être compatibles avec le maintient de l'activité commerçante fixe ou mobile (les marchés). Ces objectifs sont parfois contradictoires. Ainsi, la livraison de nuit permet de réduire le nombre de véhicules en circulation en heures de pointe, mais peut générer des nuisances sonores nocturnes(3). Restreindre le poids des véhicules autorisés peut pénaliser les véhicules électriques, qui à charge utile égale sont souvent plus lourds, car pénalisés par leur batterie(4), ce qui s’oppose à la promotion des véhicules propres. Également, restreindre les dimensions maximales des véhicules autorisés va a priori conduire à multiplier le nombre de véhicules en circulation, toutes choses égales par ailleurs... Tour d'horizon des réglementations (5) On peut se référer au dossier du CERTU « Les livraisons au centre-ville », qui a étudié l'ensemble des pratiques réglementaires des grandes villes françaises, relatives au transport de marchandise en ville. Ce dossier a fait l'objet d'un article dans la revue OTI numéro 15. La réglementation des livraisons est relativement courante, mais moins que la réglementation du transit(5), pour les raisons évoquées précédemment. Ce type d’arrêté est donc courant dans les petites villes touristiques confronté à une forte contrainte de circulation (cas d'Etretat en Normandie), mais moins dans les grandes agglomérations. On peut distinguer les réglementations visant à contrôler l'accès de l'hypercentre (cas de Montpellier, Langres, La Rochelle, etc.) et les réglementations visant à réglementer l'ensemble ou la plus grande partie du territoire communale (Paris, Nice, Lyon, etc.). En général, plus le territoire réglementé est petit à l’échelle de la zone économique globale, plus on peut se permettre d'édicter des réglementations contraignantes. Très souvent, ces réglementations prévoient des dérogations (autres que les dérogations concernant les services publics) pour certains types de marchandises (sous température dirigée, boisson, chantier, etc.) ou certains usages (marché, etc.). On remarquera que l’utilisation non contrôlée de dérogations générales peut dans certains cas conduire à vider l’arrêté de sa substance. Revue Transports OTI – Numero 19 – décembre 2010 Page 17 Il s'agit le plus souvent de réserver l'accès des véhicules de transports de marchandises à une certaine zone, selon des critère de poids (La Rochelle, Langres...), de surface occupée par le véhicule (Paris, Lyon...) ou encore de largeur (Montpellier). Parfois, l'adoption de la réglementation a été couplée à la création d'une offre alternative (Centre de Distribution Urbaine, etc.), comme à Langres ou La Rochelle. Récemment, ont été incorporés à plusieurs arrêtés des critères environnementaux (Langres, Paris, Lyon, etc.), visant à privilégier les véhicules « propres » ou pénaliser les véhicules les plus polluants, selon des définitions variables. Outils à disposition pour caractériser les véhicules de transport Pour qu'une réglementation soit crédible et efficace, il est essentiel de se référer à des caractéristiques précises, qui pourront le cas échéant être contrôlées par les forces de l'ordre. En matière de poids et de dimensions (6) Article R317-11 du code de la route Le principal outil est la plaque de tare, présente obligatoirement(6) au côté droit sur l'ensemble des véhicules transportant des marchandises. Cette plaque indique le poids (à vide, PTAC, PTRA), et les dimensions (longueur, largeur et surface) du véhicule. Ces informations ne sont pas reprises sur la nouvelle version de la carte grise. En matière de pollution de l'air Les véhicules routiers neufs vendus dans l'Union Européenne depuis 20 ans doivent respecter les normes EURO, qui limitent les émissions en polluants locaux nocifs pour la santé, tels que le souffre et les oxydes d'azote. Ces normes ne réglementent donc pas les émissions de CO2. L'intérêt des normes EURO (6 classes, une 7ème est prévue pour 2013-2014) est d'avoir imposé une baisse forte et régulière des émissions, et ainsi de pouvoir classer finement les véhicules, ce qui permet, dans une démarche de réglementation de l’accès des véhicules à certaines zones, de choisir le seuil le plus adapté aux objectifs et contextes locaux, et de le faire évoluer. Il est néanmoins difficile de connaître la norme EURO d'un véhicule ancien, car les informations de la carte grise française (item V.9) ne permettent pas de la retrouver simplement. Les communes qui ont édicté des réglementations basées sur les normes EURO se basent donc sur la date de première immatriculation. Toutefois, trois difficultés apparaissent : • certains constructeurs ont pu anticiper les normes ; • les directives européennes distinguent deux dates : la date à partir de laquelle les nouveaux types de véhicules doivent être en conformité et la date à partir de laquelle tous les nouveaux véhicules immatriculés doivent être en conformité ; • les dates d'application sont différentes pour les PL et les VUL, ces derniers étant de plus divisés en trois sous-classes. Revue Transports OTI – Numero 19 – décembre 2010 Page 18 (7) À ce sujet, on peut se référer à une note récente de l'IAURIF : http://www.iauidf.fr/fileadmin/Etudes/etude_740/NR_519 _web.pdf En définitive, les normes EURO, si elles permettent un texte réglementaire clair, n’offrent pas, dans le cas français, de moyen de contrôle sûr, en particulier en ce qui concerne les véhicules anciens. On relève toutefois plusieurs expériences européennes très concluantes, telles que les Low Emissions Zones(7), en particulier dans le cas allemand, où le gouvernement a instauré un cadre réglementaire utilisable librement par les villes. A un autre niveau, la carte grise (item P3) permet de connaître le type de motorisation du véhicule (électrique, gaz, hybride, etc.), ce qui en fait un critère de discrimination contrôlable. En matière de bruit (8) Directive 2007/34/CE Il n'existe que peu de références réglementaires utilisables. La Commission Européenne(8) a édicté des normes de bruit (moyenne selon un cycle d'essai normalisé), mais la faible fréquence de l'actualisation de cette norme, ainsi que sa complexité, diminuent son intérêt pour une utilisation locale. La problématique du bruit lors des livraisons nocturnes est également complexe. Les démarches en France visant à le réduire reposent sur le volontariat (initiatives privées), de la part de chargeurs qui s'engagent à utiliser des matériels (il ne s'agit pas uniquement du véhicule) certifiés PIEK, et à respecter une certaine organisation interne. Cette certification n’a pas de reconnaissance réglementaire à l’heure actuelle et la question du contrôle reste problématique, notamment par l’affectation des forces de police à d’autres missions pendant la nuit. En matière d'origine et de destination des véhicules Selon le décret 99-752, précisé par l'arrêté du 9 novembre 1999 relatif aux documents de transport ou de location devant se trouver à bord des véhicules de transport routier de marchandises, les chauffeurs des véhicules de transports de marchandises doivent pouvoir présenter (« aux autorités chargés du contrôle ») un document (« bon de livraison », « bon d'enlèvement » ou « lettre de voiture ») indiquant les lieux de chargement et de déchargement, ainsi que la nature et le poids des marchandises. Application concrète sur le terrain Au niveau local, c'est en général la police municipale (Paris étant un cas particulier) qui sera chargée en pratique de contrôler les arrêtés. Or ce contrôle se révèle souvent difficile. Le rôle des agents de police municipal est notamment exposé dans les articles L2212-5 du code général des collectivités territoriales et l'article L-21 du code de procédure pénale. Synthétiquement, les agents de police municipale sont des agents de police judiciaire adjoints, qui « [rendent] compte à leurs chefs hiérarchiques de tous crimes, délits ou contraventions dont ils ont connaissance » et « constatent » les infractions, notamment aux arrêtés municipaux et au code de la route. Il n'est pas dans leur pouvoir de mener des enquêtes de façon autonome. Or, déterminer qu'un camion est en fraude peut nécessiter des investigations, ou nécessiter d’arrêter des véhicules en circulation. Les acteurs de la livraison urbaines, côté opérateurs (en pratique, souvent des artisans ou très petites entreprises oeuvrant en sous-traitance de grands Revue Transports OTI – Numero 19 – décembre 2010 Page 19 groupes), sont soumis à des contraintes de productivité fortes, et sont souvent peu réceptifs à ce type de réglementation. La police municipale, quant à elle, ne dispose que de peu de marge de manœuvre et de leviers d’action sur le sujet, l'amende de classe 1 étant notoirement peu dissuasive. De l'avis officieux de certaines collectivités, les réglementations, notamment celles relatives aux critères environnementaux sont difficiles à contrôler sur le terrain. Par exemple, une collectivité admettait récemment dans un séminaire que le contrôle des livraisons avait été interrompu avec le départ du seul policier municipal qui s'était impliqué dans la problématique... A l’inverse, les systèmes qui fonctionnent sur des restrictions physiques (largeur limitée par des dispositifs à Montpellier, zones piétonnes fermées à la circulation à certaines heures par des plots rétractables dans certaines villes...) sont bien appliqués, mais ceux ci ne peuvent convenir qu'à des zones particulières. Il convient de souligner l'importance de la signalisation. Un arrêté trop complexe présente le risque d'être impossible à traduire en panneaux de signalisation réglementaires, ce qui limitera sa portée. En effet, plus la zone réglementée est étendue, plus le risque de juxtaposition et le chevauchement de différentes réglementations (notamment celle liée au transit) est grand. Ceci est à même de réduire grandement l’intelligibilité de la politique de desserte locale par les transporteurs, notamment par l'abondance de panneaux, en apparence contradictoires. Le cas spécifique du stationnement La réglementation du stationnement (ou plutôt ici, de l'arrêt) pourrait être un moyen de faire réglementer la livraison urbaine, notamment par le contrôle des aires de livraisons, régulièrement utilisées par les particuliers, mais aussi dont les emplacements et configurations ne sont pas toujours adaptés au différentes facettes de l'activité du chauffeur-livreur. (9) De nombreux programmes de recherche existent également. On peut par exemple citer le programme Freilot, dont un des axes vise à concevoir un système d'aires de livraison réservables à l'avance (source www.freilot.eu) Si des efforts ont été faits pour améliorer l'accessibilité des aires de livraisons(9), comme par exemple à Paris avec la diffusion d'un disque spécial réservé aux professionnels, le fait de contraindre physiquement les livreurs à utiliser ces aires (et plus encore, poser des conditions à l'utilisation de ces aires) paraît encore difficilement réalisable dans le contexte urbain français, même si une grande ville française avait édicté ce principe dans un de ces arrêtés. Aujourd'hui, la tendance réglementaire est au partage des aires de livraisons (utilisables à Paris par les particuliers, à l'exception des aires identifiées comme utilisables la nuit par les professionnels), ainsi qu’à l'absence de signalisation verticale (la peinture au sol est réglementairement suffisante). Ces évolutions sont tout à fait justifiables en terme d'utilisation de l'espace public mais imposent de ne pas réduire les efforts de pédagogie et de répression envers les automobilistes, sous peine de voir l'utilisation des aires de livraisons encore décroître. Revue Transports OTI – Numero 19 – décembre 2010 Page 20 Transport Maritime Conjoncture du transport maritime et ouverture du capital de CMA-CGM Rédigé par : Pierre BILLET-LEGROS, Sétra [email protected] (1) http://www.cmacgm.com/AboutUs/PressRoom/PressRelease_Agreement-between-CMA-CGMand-YILDIRIM_9994.aspx (2) Obligations qui, dans le cas général, seront à leur échéance soit remboursées, soit échangées contre des actions de l’entreprise émettrice, selon le choix de cette dernière. (3) Source : étude BRS-MLTC pour le MEDDLT, 2010. (4) http://www.meretmarine.com/article.cfm? id=112601 (5) http://www.cmacgm.fr/AboutUs/PressRoom/PressReleas eDetail.aspx?Id=9206& (6) http://www.meretmarine.com/article.cfm? id=111682 (7) http://www.isemar.asso.fr/fr/pdf/note-desynthese-isemar-120.pdf et http://www.isemar.asso.fr/fr/pdf/note-desynthese-isemar-91.pdf (8) Ceci apparaît être une adaptation du mécanisme de détermination du risque d’un investissement financier caractérisé par le ratio Loan to Value : http://www.meretmarine.com/article.cfm? id=111440 (9) Sur les quatre en question, le Vela et le Thalassa ont été revendus mais restent opérés par CMA-CGM, l’Hydra et le Musca étant toujours propriété de l’armateur. Source : http://www.cmacgm.com/ProductsServices/ContainerShi pping/VesselFleet/VesselFleetList.aspx (10) http://www.lexpress.fr/actualite/economie /cma-cgm-une-annee-en-eauxtroubles_919403.html Après plus d’un an de négociations, CMA-CGM vient d’ouvrir son capital au groupe turc Yildirim(1), acteur présent dans des industries telles que l’extraction et le transport de produits miniers, la construction navale ou encore la gestion de terminaux portuaires. Ce dernier injecte 500M$ dans l’armateur français, contre souscription d’obligations remboursables en actions(2), à 5 ans, soit une éventuelle prise de participation à terme à hauteur de 20%. La crise économique, qui a durement marqué les exercices 2009 des armateurs, du fait de l’enchaînement de la baisse des volumes, provoquant une sur-capacité du secteur et donc des revenus unitaires (les taux de fret) plus faibles (selon les routes maritimes, des chutes de 20 à 50% des prix unitaires ont été enregistrées entre début 2008 et la mi-2009, au plus fort de la crise(3)), avait mis en péril l’équilibre économique et financier de la CMACGM. Cette perte de revenus était d’autant plus critique qu’elle intervenait dans une période de lourd endettement de l’entreprise (5,6G$ à la mi-2009(4), pour un chiffre d’affaires sur l’année de 10,5 G$(5)), imputable à de forts investissements dans sa flotte de navires, sa trésorerie étant de surcroît grevée(6) par le mode de remboursement de ces crédits. En effet, en 2007 et 2008, l’industrie du transport maritime de conteneurs atteignait des niveaux records de volumes et de rentabilité, les armateurs passaient des commandes massives de navires auprès de chantiers navals, afin de ne pas se faire devancer dans la course à la capacité qui s’était alors instaurée(7). Afin de faire face à ce besoin de levée massive de fonds (106 G$ pour 2007-2009, tous armateurs confondus(7)), le recours à l’emprunt a été l’option de financement massivement adoptée. Les créanciers réclamant des garanties à leurs débiteurs, le navire en lui-même ne pouvant constituer intégralement une garantie, puisque dans le cas d’une conjoncture défavorable, sa valeur sur le marché chute fortement, des clauses de révision des versements furent insérées dans le contrat de prêt. Ainsi, le navire est réévalué à chaque date anniversaire de la contraction de l’emprunt : si sa valeur à cette échéance est inférieure au montant résiduel du prêt à rembourser (intérêts et capital), le débiteur se doit de verser comptant la différence à la banque(8). Or, au moment de l’effondrement des marchés, CMA-CGM venait de réceptionner un certain nombre de navires (notamment les quatre unités de la classe du Vela(9), 11 000 EVP, ainsi que les premiers exemplaires sur les 12 prévus de la classe de l’Andromeda, 11 400 EVP) et avait passé commande d’une cinquantaine d’unités complémentaires(10). Le manque de liquidité consécutif à ces décaissements massifs, ainsi que la perspective de l’aggravation de cette tendance du fait des commandes à recevoir avaient conduit les partenaires financiers du groupe à ne plus lui consentir de prêt, les actifs dévalorisés de l’entreprise ne constituant plus une garantie suffisante au regard des financeurs. Revue Transports OTI – Numero 19 – décembre 2010 Page 21 (11) http://www.lexpress.fr/actualite/economie /cma-cgm-une-annee-en-eauxtroubles_919403.html et http://www.challenges.fr/actualites/entrep rises/20091126.CHA9401/bercy_continue _dexaminer_lavenir_de_cma_cgm.html (12) http://www.wk-transportlogistique.fr/actualites/detail/25760/cmacgm-louis-dreyfus-armateur-jette-leponge.html La condition sine qua non, imposée par les banques, du renflouement de la trésorerie de l’entreprise étant l’ouverture de son capital et une réforme de sa gouvernance(11), un long tour de table avait débuté fin 2009. Avaient été considérées les candidatures d’opérateurs de transport (Louis Dreyfus Armateurs(12), opérateur présent notamment sur les services rouliers ainsi que le transport et la logistique du vrac sec, le groupe Bolloré(13), organisateur de transport international et opérateur de terminaux portuaires, etc.), ainsi que celles de plusieurs fonds de placements ou de gestion d’actifs (Colony Capital, Qatari Holdings, etc.). (13) http://www.lefigaro.fr/bourse/2009/10/27/0 4013-20091027ARTFIG00340-bolloreregarde-cma-cgm-.php (14) http://www.france24.com/fr/20091218larmateur-cma-cgm-obtient-pr-500millions-dollars?quicktabs_1=0 et http://fr.reuters.com/article/idFRLDE5BH2 6320091218 (15) http://www.wk-transportlogistique.fr/actualites/detail/23300/cmacgm-80-millions-de-dollars-mis-adisposition-par-les-banques.html et http://www.challenges.fr/actualites/entrep rises/20091126.CHA9401/bercy_continue _dexaminer_lavenir_de_cma_cgm.html (16) http://www.cmacgm.com/AboutUs/PressRoom/PressRelease_Agreement-between-CMA-CGMand-YILDIRIM_9994.aspx A l’ouverture des négociations, fin 2009, les banques s’étaient engagées à fournir une avance de trésorerie de 500M$ à CMA-CGM(14), suite à la médiation du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, dont seulement 80M$(15) ont été versés durant le mois de février. Malgré ceci, deux évolutions du contexte sont intervenues au cours de ces négociations : • La reprise des échanges internationaux, ce qui se traduisit pour l’opérateur par une hausse de ses volumes d’un peu moins de 20% pour les trois premiers trimestres de 2010, à hauteur de 6,8M d’EVP, contre 5,7M d’EVP pour la même période de 2009(16)) ; • Les ajustements opérationnels mis en oeuvre par l’armement, tels que le ralentissement de la vitesse d’opération des navires ou slow steaming(17), la restitution de navires en affrètement (297 unités en 2008 contre 267 en 2009)(18), la réduction du nombre d’unités en propriété de 98 à 85(18) (mais au global, une hausse de la capacité statique de la flotte, de 1 024 à 1 040 M d’EVP(18)), des annulations et reports de commandes(19), etc. (17) http://www.challenges.fr/actualites/entrep rises/20091104.CHA8820/saade_pret_a_o uvrir_le_capitalde_cma_cgm.html (18) http://www.cmacgm.fr/AboutUs/PressRoom/PressReleas eDetail.aspx?Id=9206& (19) http://www.lefigaro.fr/societes/2009/12/17/ 04015-20091217ARTFIG00008-cma-cgmfait-le-forcing-aupres-de-ses-creanciers.php et http://info.france2.fr/economie/Larmateur-CMA-CGM--va-%C3%AAtrerenflou%C3%A9-59755238.html (20) http://www.cmacgm.com/AboutUs/PressRoom/PressRelease_Agreement-between-CMA-CGMand-YILDIRIM_9994.aspx (21) http://www.challenges.fr/actualites/entre prises/20100712.CHA6009/qatari_holdin gs_exclude_la_recapitalisation_de_cma cgm.html et http://www.wk-transportlogistique.fr/actualites/detail/25760/cmacgm-louis-dreyfus-armateur-jette-leponge.html et http://www.meretmarine.com/article.cfm ?id=113699 Les impacts de ces différents paramètres sur les taux de fret du groupe et donc sa rentabilité, ont restauré les comptes de l’entreprise (un résultat net de 1 412 M$ pour les trois premiers trimestres de 2010, contre une perte nette de 852M$ pour la même période de 2009(20)), ce qui a pu jouer sur les discussions quant à l’ouverture de la gouvernance de l’armateur(21). Au total, l’armateur concède 3 sièges sur 10 à son nouveau partenaire au conseil d’administration, mais conserve 80% des droits de vote. L’exemple de CMA-CGM est assez édifiant sur l’importance des flux financiers dans une industrie aussi capitalistique que le transport maritime. Le groupe a réussi à surmonter un moment très critique, en parti grâce au changement de conjoncture, ainsi qu’à se choisir un partenaire financier en phase avec sa conception industrielle. Reste à voir comment la stratégie du groupe va s’adapter à cet épisode et être modifiée par la nouvelle gouvernance à venir. Revue Transports OTI – Numero 19 – décembre 2010 Page 22 Revue Transports OTI – Numero 19 – décembre 2010 Page 23 La Revue Transport est une publication bimestrielle de la Direction d’études « Organisation des transports et intermodalité » du Service d’études sur les transports, les routes et leurs aménagements. Elle rassemble des articles traitant des sujets relatifs aux transports de marchandises. Elle est alimentée par la veille économique réalisée par les différents Chargés d’études : • Pierre BILLET-LEGROS, transport ferroviaire et intermodalité ; • Bruno MEIGNIEN, transport et infrastructures ferroviaires ; • Antoine RIGAUX, logistique et intermodalité. Le Réseau Scientifique et Technique et les services centraux participent également à la Revue Transport. Notamment ont contribué à ce numéro : • Rémi CORGET, Département Aménagement Durable et Territoires du CETE Normandie-Centre ; • Clémentine HARNOIS, Département Conception et Exploitation Durable des Infrastructures du CETE Méditerranée. Contact [email protected] Abonnement - Désabonnement En cliquant sur le lien suivant vous pouvez demander votre abonnement ou désabonnement : Abonnement à la Revue Transports OTI. Désabonnement de la Revue Transports OTI. Service d'études sur les transports, les routes et leurs aménagements 46, avenue Aristide Briand – BP 100 – 92225 Bagneux Cedex – France téléphone : 33 (0)1 46 11 31 31 – télécopie : 33 (0)1 46 11 31 69 Conception graphique : Sétra L'autorisation du Sétra est indispensable pour la reproduction même partielle de ce document. © 2010 Sétra = = = = = = = = iÉ=p¨íê~=~éé~êíáÉåí= ~ì=o¨ëÉ~ì=pÅáÉåíáÑáèìÉ= Éí=qÉÅÜåáèìÉ== Çì=jbaaiq=